Questions méthodologiques :
La méthode de travail dans ce séminaire est analogue à celle d’une équipe de recherche dont
l’objectif est d’interpréter des textes d’un groupe d’auteurs et d’autrices aujourd’hui connus
(Diderot, Rousseau…) et moins connus (Charles Le Bovier de Fontenelle, Jean-Baptiste Dubos,
Germaine de Staël…), mais qui ont eu un impact important au cours des siècles qui suivent, parfois
de manière indirecte. Ces auteurs et ces autrices, chacun à sa manière, héritent d’une querelle
intellectuelle très importante de la fin du 17e siècle qui a structuré la réflexion sur l’art, le goût, la
« culture » (le mot n’existe pas à cette époque au sens où nous l’entendons aujourd’hui) : la
Querelle des Anciens et des Modernes. La lecture de ces auteurs et autrices au prisme de cette
querelle a pour intérêt de mettre au jour la manière dont ils incorporent philosophiquement des
motifs et des enjeux de cette querelle. Elle a aussi pour vertu de rendre visible la manière dont ces
motifs et enjeux s’autonomisent de la controverse d’origine et se reconfigurent tout au long du 18e
siècle. Notre approche des textes vise donc à la fois à identifier un certain nombre de nœuds
théoriques qui constituent des points de rencontre et des lieux de partage et à montrer comment
leur réappropriation est révélatrice de la singularité des positionnements. De surcroît, cela devrait
permettre de complexifier l’image parfois un peu lisse que nous nous faisons des périodes
historiques comme celle dite « des Lumières », où l’on a trop tendance à voir un courant homogène
et sans relief.
Le séminaire répond donc à un triple objectif : 1) offrir un espace de lecture de textes qu’on
ne lit que rarement pour eux-mêmes à cause de leur inscription préalable dans des régimes
discursifs et théoriques circonscrits (« l’empirisme », « les Lumières ») ou dans des domaines
disciplinaires étanches les uns aux autres (« littérature », « philosophie », « musicologie »…); 2)
former un laboratoire d’histoire des idées permettant de réfléchir sur la spécificité des pratiques
philosophiques relatives à une communauté de penseurs en un temps et un lieu donné (et comment
elles interrogent nos propres pratiques) : interdisciplinarité, importance de l’élaboration collective
de la pensée, modes d’expression de la pensée, etc.; 3) favoriser la réflexion philosophique sur les
propositions des autrices et auteurs étudiés et leurs valeurs respectives à la fois du point de vue de
leur actualité que dans le cadre d’une réflexion sur les constituants de la modernité qui est la nôtre.
La trajectoire proposée est donc globalement chronologique, pour des raisons évidentes : il s’agit
d’observer les déplacements dans les thèses de nos auteurs et autrices au fur et à mesure des
réponses qu’ils s’adressent et des problèmes qu’ils rencontrent. Cette manière de procéder
permettra de plus de voir comment fonctionnent les logiques d’emprunts et de réception, les renvois
ironiques ou les concessions tacites par lesquels les auteurs et autrices s’adressent les uns aux
autres. On essaiera de compléter le tableau par une mise en regard de ces textes avec d’autres, de
manière à essayer de les inscrire dans leur contexte plus général.
Plan détaillé et calendrier :
COURS 1 : INTRODUCTION (06/09/2023)
• Problématique générale du séminaire et présentation du plan de cours : la question de
l’origine et de l’historicité de l’art au 18e siècle. – L’arrière-plan historique : Pline, Vasari et le 18e
siècle. – Mise au point sur la Querelle des Anciens et Modernes et ses conséquences théoriques :
de la perspective normative à la dimension « anthropologique » de l’origine de l’art et de la poésie.
– Y a-t-il une histoire de l’art avant le 19e siècle?