Politiques publiques

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POLITIQUES PUBLIQUES
L’analyse des politiques publiques : concepts, approches,
problématiques
1 | INTRODUCTION - SITUER L’ANALYSE DES POLITIQUES PUBLIQUES!2
A. Les politiques publiques - avant notre mort et après notre mort!2
B. L’État «au concret» (J.G. Padioleau, 1982)!2
C. Une construction analytique!2
D. «Politique»!3
E. «Publique»!5
F. Le développement de l’analyse des politiques publiques!6
2 | LES ÉTAPES DU PROCESSUS DÉCISIONNEL!12
A. Émergence et politisation des problèmes : mise sur l’agenda!13
B. Formulation d’alternatives et prise de décision!23
C. Autonomie relative de la mise en oeuvre!30
D. Regard en retour : l’évaluation!41
3 | LENTILLES CONCEPTUELLES : LE CHANGEMENT DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES!45
A. La ‘path dependency’ : le changement contrarié par l’inertie!46
B. Théorie du changement non incrémental : ‘punctuated equilibrium’!51
C. L’approche des courants multiples : la place de la contingence!55
E. Approches cognitives du changement - référentiel et médiateur!56
F. Approches cognitives du changement : «advocacy coalition framework»!57
G. Conclusion : concurrence ou complémentarité des approches ?!59
H. La péréquation financière!60
POLITIQUES PUBLIQUES!TITAŸNA KAUFFMANN
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1 | INTRODUCTION - SITUER L’ANALYSE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Politiques publiques - processus décisionnel : pour qu’une politique publique émerge il faut que la question soit
soulevée et considérée comme un problème. Il faut ensuite accepter la solution mais également la mettre en oeuvre.
De plus, on évalue les politiques publiques. Des travaux ont montré que certaines mesures avaient des effets non
voulus, voire des effets pervers. Ces différentes phases ont été conceptualisées par les théories de politiques
publiques.
A. LES POLITIQUES PUBLIQUES - AVANT NOTRE MORT ET APRÈS NOTRE MORT
Influence avant notre naissance : notre naissance peut dépendre de la législation en vigueur à ce moment ou
d’autres facteurs indirects. Par exemple on retrouve les politiques sur l’interruption volontaire de grossesse ou encore
le fait que certains pays en Europe les pays qui ont les taux de fécondité le plus bas sont les pays l’État social est
peu développé alors qu’auparavant ces pays avaient un taux élevé de fécondité, puisqu’ils étaient des pays dans
lesquels la religion amenait à faire beaucoup d’enfants.
Influence sur la mort : par exemple la notion de sécurité routière fait dépendre le taux de mortalité, tout comme la
question de l’euthanasie autorisée ou non.
Influence après notre mort : la question de la succession est également déterminée par des politiques publiques.
B. L’ÉTAT «AU CONCRET» (J.G. PADIOLEAU, 1982)
«Concret» : l’analyse des politiques publiques place la focale sur les manifestations concrètes des actions des
pouvoirs publics. Si on étudie l’État au concret on ne pourra pas se satisfaire de ce que fait l’État en ne regardant que
les discours et documents officiels car ces derniers ne montrent que ce que l’État veut faire sur le papier mais pas
nécessairement ce qu’il se passe concrètement.
Exemple de la ceinture : s’il y a une imposition du port de la ceinture il faut également regarder si chacun obéit (cf.
juridisme). Dans ce genre de situation, certains peuvent dire que l’État ne peut pas faire grand-chose, du fait d’une
société trop complexe. À l’inverse d’autres sont d’avis qu’il est possible pour l’État d’agir, parfois en privilégiant des
incitations positives aux punitions.
Problèmes de catégorisation : la catégorisation des politiques publiques est complexe car il se peut qu’il soit
question de plusieurs politiques publiques. Par exemple, lors de la votation sur les taxes de douanes sur les carburants
cela impliquait plusieurs politiques publiques ; fiscale, commerciale, énergique, des transports, etc.
C. UNE CONSTRUCTION ANALYTIQUE
Catégorisation des politiques publiques : on retrouve des représentations spontanées quant à ce que sont les
politiques publiques qui diffèrent par leurs degrés de sophistication et de familiarisation différents. Les pouvoirs publics
construisent aussi leurs catégories officielles de politiques publiques. De plus, on retrouve également des incarnations
institutionnelles des politiques publiques, comme par exemple des ministères ou des départements fédéraux.
Cependant, si par exemple on étudie le sujet de l’environnement il ne faut pas uniquement s’intéresser aux
départements directement concernés. C’est un sujet récent et son institutionnalisation est aussi récente, mais cela ne
veut pas dire qu’il n’y avait pas de mesures étatiques qui visaient à avoir un impact sur l’environnement avant sa
labellisation officielle.
Construction de l’objet : une fois l’étape de déconstruction faite, il faut également reconstruite l’objet d’étude. Les
différentes visions vont influencer le travail de l’objet. C’est relativement récent que l’on s’intéresse à la mise en oeuvre
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des politiques publiques dans les analyses des politiques publiques, pas uniquement comment est-ce qu’on prend les
décisions. Par exemple, une étude sur les politiques publiques en matière de pédophilie est un véritable construit,
c’est-à-dire que c’est récent que l’on sensibilise les enfants à la pédophilie. Il y a eu un travail de construction sociale
de ce problème, des organisations ont mis ce problème sur l’agenda. Différents acteurs interviennent dans la
construction sociale d’un problème qui implique de prendre des mesures, comme par exemple les médias. De plus,
souvent les mesures prises ne vient pas par exemple à combattre la pédophilie mais lutter plus généralement contre
les abus sexuels et donc former une boîte à outils qui elle peut lutter entre autres contre la pédophilie. L’auteur des
politiques publiques a donc construire son objet en se basant sur des mesures disparates. C’est un travail de
(re)construction analytique qui en construisant son objet doit l’analyser.
Exemple des partis populistes : ce sont des partis qui ont eu des succès électoraux mais qui - à l’exception de la
Suisse - ne sont pas membre des gouvernements. En Suisse, on retrouve une influence récente de l’UDC sur les
politiques sociales mais ce n’est pas leur cheval de bataille premier. Sur la question de l’immigration hors Européenne
on peut facilement délimiter l’influence de l’UDC. Par contre, pour l’immigration à l’intérieur de l’Europe et venant de
l’Europe en dehors de la Suisse, cela fait parti à la fois de la politique d’intégration et de l’immigration. Il est difficile de
délimiter l’influence de l’UDC sur ces deux sujets.
D. «POLITIQUE»
Harold Lasswell - WHO GETS WHAT, WHEN, HOW ? (1936) : la définition de Lasswell de la politique est assez
simple. Elle consiste à étudier la politique en s’interrogeant sur qui obtient quoi, quand et comment. Cela renvoie à la
définition de la politique selon Easton.
Définition de la politique par Easton (1965) : la politique est un processus d’allocation autoritaire (imposition) de
ressources et de valeurs. La politique est donc les processus par lesquels les membres d’une société reçoivent des
ressources et des valeurs, ils les reçoivent de manière autoritaire, ce qui signifie qu’ils peuvent protester mais ils y sont
néanmoins contraints. Allocation signifie que l’on est dans le «who gets what», certains reçoivent plus que d’autres. Le
concept de ressources et de valeurs signifie que ce que l’on reçoit n’est pas que financier mais également immatériel
(droits, éducations, etc.). L’activité politique est donc un processus à travers lequel l’État alloue des ressources de
manière très large.
Politiques redistributives : l’idée de bénéficiaires implique que certains reçoivent plus que d’autres et certains
doivent même donner. Les pouvoirs publics imposent aux membres de la société de donner des ressources à l’État.
Certains doivent également donner de leurs personnes, notamment avec le service militaire. On retrouve de
nombreuses recherches sur la capacité d’extraction de l’État. Une des parties des politiques publiques correspond à
ce schéma-là (gagnants-perdants) aux politiques redistributives. L’Etat prend aux uns pour donner aux autres. Cela
peut amener à se poser la question de qui mérite quoi. Dans l’appréciation des différents prestataires, on retrouve un
phénomène d’empathie avec le bénéficiaire (retraités versus chômeurs). Selon la définition d’Easton, on retrouve l’idée
de contraintes collectives sur une population donnée. Ceux qui sont élus paraissent plus légitimes à contraindre que
les autres (Union européenne, Banque centrale, etc.).
Coûts et bénéfices : les politiques publiques génèrent à la fois des coûts et des bénéfices. Cela ne signifie pas
nécessairement des coûts et des bénéfices matériels mais également immatériels comme le temps par exemple. Ces
derniers sont donc alloués de manière autoritaire.
1. «POLITICS SHAPES POLICY» VS «POLICY SHAPES POLITICS»
Politics shapes policy : traditionnellement, la science politique britannique divise la politique en trois dimensions ;
politics (jeu politique), polity (institutions), policy (activité de production des politiques publiques par l’État). Il y a
beaucoup d’études sur les rapports de force politique et comment ils influencent la prise de décision politique. Dans
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les années 1960-1970 les démocraties industrielles ont été marquées par la croissance économique et cette période
fut qualifiée par certains de la fin des idéologies, avec des sociétés consensuelles. Cela se manifestait notamment par
le fait que les partis qui s’alternaient au gouvernement étaient tous modérés et avec plus ou moins le même
programme. On a parlé de consensus de social-démocratie. Cependant, l’analyse des politiques publiques a permis
de démontré que ce n’était pas exactement cela en posant la question de savoir si les politics avaient un impact sur
les polity ou encore si les partis politiques comptaient (politics shapes policy).
Exemple de la lutte contre le chômage : les politiques de lutte contre le chômage étaient menées à la fois par des
partis politiques de droit et de gauche mais pas de la même manière. Les partis de gauche mettaient en place des
politiques de lutte contre le chômage de manière anticyclique alors que les partis de droite ne s’en préoccupaient pas
dans les moments de croissance.
Theodore J. Lowi, Policy shapes politics (1964) : Lowi cherche à voir ce qui se passe dans l’autre sens, si les
politiques publiques transforment les rapports de force politique.
Exemple de l’UDC et des perdants de la mondialisation : si on regarde la force électorale de l’UDC et celle du
centre modéré on peut voir qu’aujourd’hui elles sont égales. Les études en sciences politiques ont montré que le
propre de ces formations est d’avoir un électorat particulier, les perdants de la mondialisation et notamment à travers
la mise en place de politique de libéralisation. Ces électeurs déçus ne se tournent pas vers les rangs de la gauche
établie. C’est un exemple typique de politique publique qui produit des perdants ou du moins des personnes qui
s’estiment comme tels, qui ne se reconnaissent plus dans les partis établis considérés comme responsable de ces
politiques et donc se tournent vers des partis contestataires. C’est un exemple de policy shapes politics.
Exemple des bénéficiaires pour le statu quo : pour ceux qui appartiennent au courant «path dependency» ils
estiment que comme certaines politiques publiques existent depuis longtemps il est très difficile de les changer. Cela
serait au fait que les politiques publiques ont créé un large rang de bénéficiaires. Si un bénéficiaire de politique
étatique agit de manière rationnelle et qu’on lui parle de réforme qui remettrait en question de manière défavorable son
bénéfice, il sera pour le statu quo. Ces bénéficiaires vont donc s’organiser pour maintenir ce statu quo. C’est un
exemple de l’impact des politiques publiques sur le jeu politique.
Bénéfices ou coûts, dius ou concentrés : les politiques publiques créent des coûts et des bénéfices immatériels.
La structure des coûts et des bénéfices peuvent varier. Les coûts et les bénéfices peuvent être soit diffus soit
concentrés. Les coûts diffus peuvent être les coûts généré par le système d’imposition. Les bénéfices concentrés sont
des bénéfices qui sont alloués à un groupe restreint de la population. Les coûts concentrés sont le fait qu’un petit
groupe paye. L’exemple classique est celui des nimby (not in my backyard). Par exemple c’est un bénéfice diffus de
traiter les déchets nucléaires mais cela a un coût concentré ces déchets sont traités. La perception des coûts a
un impact sur la perception de ces politiques publiques.
Dimension temporelle : le deuxième aspect est la dimension temporelle. Certains coûts se sentent moins car ils sont
répartis dans le temps. Certains bénéfices peuvent être invisibles car ils doivent avoir un impact dans le futur. Ce qui
compte c’est la visibilité des coûts et des bénéfices. Les réactions aux politiques publiques sont ce que Easton
appelait le feedback.
Modèle de Easton : dans un système politique il y a des processus politiques. Easton considère le système politique
comme une boîte noire. Ce qui l’intéresse c’est comment le système politique traite les inputs que son environnement
lui fournit. Un système politique a besoin d’être considéré comme efficace, crédible. Les soutiens (type d’input)
renforcent un système politique alors que les demandes peuvent le déstabiliser (autre type d’input). Les demandes au
système politique correspondent à des revendications formulées à l’égard du système politique. Le système politique
reçoit des revendications ; les partis politiques, les groupes d’intérêts, les médias en tant que porte-parole, etc. Les
outputs du système sont des décisions.
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Adéquation entre inputs et outputs : le problème est celui de l’adéquation entre les inputs et les outputs. Les
systèmes politiques n’ont pas toujours les ressources pour répondre aux revendications. On peut retrouver un
décalage entre les demandes et les solutions. De plus, les inputs ne sont pas toujours convergents entre eux. Les
autorités politiques doivent faire un travail de sélection ; who gets what. Ils peuvent décider de donner plus à certains
qu’à d’autres. Le système politique est une instance de sélection ou du moins il hiérarchise les demandes. Il y a très
probablement un déséquilibre entre les inputs ou les outputs. En fonction de la nature des outputs on retrouve des
acteurs qui ont formulé des inputs qui peuvent être plus ou moins satisfaits et qui vont réagir. C’est ce qu’on appelle le
policy feedback. On transmet les réactions aux autorités politiques. Ce feedback dépend des outputs. Si les gens sont
contents, ils vont formuler des soutiens (output legitimacy). Si par contre ils sont mécontents, ils vont retenir à la
charge avec de nouvelles demandes (input) en réaction aux outputs du système. On voit donc comment policy shapes
politics. Les outputs ont un impact sur le jeu politique.
Notion de gagnants ou de perdants : cela implique des rapports de pouvoirs qui peuvent se transformer dans un
environnement différent. On voit qu’il y a des coûts et des bénéfices qui sont plus ou moins visibles ; cela veut dire que
les acteurs en sont plus ou moins conscients. Cependant, toute politique publique ne génère pas nécessairement des
coûts et des bénéfices ; certaines politiques publiques visent à améliorer le bien-être collectif. Si les politiques
publiques montrent qu’il y a des rapports de pouvoirs et transforment ces rapports de pouvoirs cela ne veut pas dire
que les politiques publiques se résument à des rapports de pouvoirs. Il peut y avoir d’autres choses ; pas uniquement
de la controverse mais aussi l’existence de coopération pour produire des résultats ou des solutions à des problèmes.
On peut certes parler de coopération conflictuelle quand des individus qui n’ont pas les mêmes intérêts doivent se
mettre ensemble pour pouvoir résoudre un problème. De plus, la conduite des politiques publiques est également une
démarche réflexive où on se demande quels sont les meilleurs choix. La dimension politique est donc centrale dans les
politiques publiques.
E. «PUBLIQUE»
1. ACCENT SUR LES PRODUCTEURS
Producteurs publics : une politique publique est publique notamment parce que les producteurs sont publics. On
dira qu’une politique est publique si elle est produite par les autorités publiques et notamment par les instances
gouvernementales, même si une loi peut être nécessaire et donc passer devant le parlement.
«Tout ce que les gouvernements choisissent de faire ou de ne pas faire» (Dye) : ce qui intéressant dans cette
décision est la notion de ne pas faire. Les gouvernements font des choix sur les domaines dans lesquels ils vont
intervenir, les domaines qu’ils vont essayer de réguler. Ces choix sont faits pour différentes raisons, selon l’idéologie et
les préférences qui amènent à choisir des domaines d’interventions. Par exemple, de façon caricaturale, on retrouve
des forces politiques de la «nouvelle gauche» qui se pense libérale sur le plan socioculturel et donc qui ne veut pas que
les pouvoirs publics interviennent dans ce domaine. Cependant, cette gauche est interventionniste dans les domaines
économiques et sociaux. De l’autre côté on trouve une droite traditionaliste qui pense le contraire et est favorable au
laisser-faire sur le plan économique mais l’Etat doit intervenir dans le domaine socioculturel pour éviter le désordre. Les
préférences idéologiques amènent donc à choisir des domaines d’intervention. L’autre facteur déterminant dans les
choix d’interventions est les ressources. Les ressources sont limitées et donc imposent un choix. Cela permet de
comprendre pourquoi dans certaines situations les gouvernements choisissent de ne pas agir. Méthodologiquement il
est difficile de savoir quand un gouvernement décide de ne pas agir. Parfois on le sait car les gouvernements le
déclarent ouvertement mais ce n’est pas toujours aussi clair. L’action et l’inaction de l’État relèvent donc des politiques
publiques.
«Choisir» - une conception volontariste : la conception de Dye est une conception volontariste de l’action
gouvernementale ou agir ou ne pas agir relève d’un choix. D’autres approches mettront l’accent sur les contraintes qui
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