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Quelle Trame Verte et Bleue pour la Lorraine ? Mirabel - Lorraine Nature Environnement

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Quelle Trame Verte et Bleue
Avril 2012
mirabel-lne.asso.fr
Sommaire
Edito
Un territoire toujours plus
morcelé
3
Des projets
problématiques
en lorraine...
Impacts du projet de la
route RD 32 dans les
Vosges
4
Canal Saône-Moselle
5
Alzette Belval, un projet
routier à contresens
Continuité écologique de
la Sarre
Qu’est-ce que
Trame
Verte
Bleue ?
6
8
la
et
10
Comment restaurer
les continuités
écologiques ?
Quelle
méthodologie
pour la TVB ?
C o r r i d o r s
écologiques : couloirs de
vie pour la faune
12
Analyse et diagnostic des
réseaux écologiques du
Val de Roselle
Les arbres de bord de
route : bons pour la
biodiversité !
14
La TVB à différentes
échelles...
Passages à faune
16
TVB sur le pourtour du
massif forestier de Haye
26
Les ouvrages militaires,
témoins des paysages
passés et futurs
17
Le réseau thermophile en
Lorraine
30
Quelle « sous-trame »
forestière en Lorraine ?
18
Connectivité des massifs
des Vosges et du Jura
pour le lynx
30
Agriculture biologique &
trame verte et bleue
20
Le temps à
l’action….
La reconquête des
rivières dans le PNR des
Vosges du Nord
22
J’habite de moins en
moins les moissons
lorraines : qui suis-je ?
Quelle Trame Verte et Bleue en Lorraine ? - vision inter-associative
Publication : MIRABEL-Lorraine Nature Environnement
Mise en page et maquette : Dempsey Princet
Relecture : R.Millarakis, R.Droz, D.Princet, M-A.Poireau
Nombre de tirages : 1000 - Date d’impression : avril 2012
Impression : BIALEC - 95 bd d’Austrasie 54000 Nancy
Numéro de dépôt légal : 78070
24
31
MIRABEL-Lorraine Nature Environnement
09 allée des Vosges - 55000 Bar-le-Duc
Tel : 09 50 30 95 60 / 09 81 98 30 12
[email protected]
www.mirabel-lne.asso.fr
Ont collaboré à cet ouvrage : Pascale Combettes (PAVE), Jean-François Fleck & Viviane Karamarko (Le Collectif « La route de
trop »), Stéphane Langlois & Marie-Aude Poireau (Empreinte Positive), Sophie Noiret (CETE de l’Est), Sébastien Morelle (PNR des
Vosges du Nord), Jean Poirot (LPO Lorraine), Chantal Pradines (Arbres et Routes), Armand Wernet (GECNAL de Sarreguemines),
Christophe Borel (CPEPESC Lorraine), Romain Virrion (MIRABEL-LNE), Angélique Obertin (ADPSE), Alain Seitz (GECNAL de
Sarreguemines), Julien Perl (MIRABEL-LNE), Raynald Rigolot (Flore54), Fabrice Lecerf (CGA de Lorraine), Régine Millarakis (Meuse
Nature Environnement), Dempsey Princet (MIRABEL-LNE).
Photos de couverture : Flore54-Olivier Rémy, Empreinte Positive
Cet ouvrage a été réalisé
avec des encres
végétalisées sur du papier
100% PEFC, chez un
imprimeur respectant
toutes les normes
environnementales.
En Lorraine, la part de surface artificialisée est en constante
augmentation et cette tendance s’est accélérée depuis les années 2000.
Selon les données rassemblées par le projet européen Corine Land Cover,
5,7 % du territoire lorrain était artificialisé en 2006, avec une hausse de
2,7 % par rapport à la situation en 2000. Cette progression s'est faite
essentiellement au détriment des espaces agricoles (2 977 ha perdus
pendant cette période) et des forêts et espaces semi-naturels (774 ha).
A
lors que la population de
notre région est en très
faible augmentation, les
constructions, les zones
industrielles
et
commerciales
continuent à grignoter les espaces
naturels. Nous construisons aussi de
nouvelles
infrastructures
de
transport, routières et ferroviaires.
Celles-ci sont non seulement
consommatrices d’espaces, mais
elles sont surtout responsables de la
fragmentation des habitats naturels.
La fragmentation se manifeste
lorsqu’un écosystème de large
étendue est transformé par action
humaine en plusieurs fragments, de
taille réduite, isolés les uns des
autres. Elle altère la qualité des
habitats, et elle s'oppose au besoin
vital de la faune et la flore de pouvoir
se déplacer. Elle constitue la
principale cause d’extinction des
espèces dans le monde.
Les lignes électriques et
téléphoniques, ou les barrages pour
les réseaux fluviaux, sont également
des facteurs de fragmentation.
La fragmentation affecte en
effet la biodiversité par la destruction
pure et simple des habitats, mais
aussi par perturbation des processus
de dispersion.
Les espèces qui exigent une
mosaïque d’habitats pour leur
développement
peuvent
être
menées vers l’extinction si une
barrière physique sépare un habitat
des autres. C'est par exemple le cas,
bien connu, des amphibiens qui
traversent chaque année en grand
nombre certaines routes pour quitter
le lieu de leur hivernage et rejoindre
des zones humides propices à leur
reproduction.
Les espèces peuvent aussi
être mises en danger quand la
fragmentation
provoque
la
séparation d’une grande population
en plusieurs petites populations qui
ne sont plus reliées entre elles et
dont les effectifs ne sont plus assez
importants
pour
avoir
une
population viable. Ces populations ne
pourront pas survivre sur le long
terme du fait de leur faible effectif,
et du fait de l’uniformité génétique
que cela va induire et qui les rendra
plus sensibles aux conditions
extérieures.
De plus, par ce morcellement,
on augmente la part représentée par
la lisière dans l’écosystème. Des
conditions spécifiques sont présentes
dans l’écosystème de lisière par
rapport à la zone centrale :
l’ensoleillement, les régimes des
vents et de température, le niveau
de bruit, la fréquence des
dérangements vont varier.
Un territoire
toujours plus
morcelé
L’habitat initial sera par
conséquent dénaturé du fait de
l’augmentation de l’effet de lisière,
et une faune et une flore différentes
seront donc présentes sur cet
espace, souvent au détriment des
espèces d’origine.
Bien sûr, les individus, les
espèces et les populations sont
différemment affectés par la
fragmentation de leur habitat. Ils y
sont plus ou moins vulnérables selon
leur degré de spécialisation, leur
dépendance à certains écosystèmes,
ou leurs capacités d'adaptation. Par
exemple, si la capacité de voler
semble permettre aux oiseaux de
s'adapter plus facilement à ces
modifications de leurs habitats, la
pollution sonore engendrée par le
trafic des infrastructures de transport
les affecte fortement. Ainsi, la
création d'une autoroute peut faire
disparaître les oiseaux chanteurs
jusqu'à 4 km de distance.
À l'inverse, quelques espèces
végétales sont favorisées par les
infrastructures, mais ce sont souvent
des plantes banales, voire invasives.
La renouée du Japon envahit ainsi
progressivement notre région depuis
quelques décennies.●
Pascale Combettes - PAVE
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 3
Ce projet routier ignore totalement les exigences environnementales d’aujourd’hui, ainsi que les
enjeux énergétiques de demain. S’il venait à aboutir, il serait constitué de 2 tronçons :
ZOOM SUR
Epinal/Rambervillers et Rambervillers/Saint-Dié
Collectif « La Route de Trop »
Impacts du projet de la route RD 32
dans les Vosges sur la biodiversité
Le tronçon Epinal/Rambervillers
...slalome aux altitudes les plus
basses entre les villages, traverse la
zone géographique nommée Les
Prévosges,
plateau
calcaire
comprenant des collines, des zones
humides, dont certaines inondables,
des étangs, des dolines en lisière de
forêt, deux résurgences, et une
vallée de la petite rivière le Padozel.
Le tracé longe une zone Natura 2000,
Le Fort de Longchamp, très
importante réserve de chauvessouris qui démoustiquent toute la
région, puis 2 étangs appartenant au
patrimoine du village de Padoux.
Les espaces piscicoles déjà anciens,
très bien végétalisés, entretenus
écologiquement,
abritent
de
nombreuses
espèces
animales
aquatiques et subaquatiques.
Ensuite, il rejoint le lit du Padozel qu’il
traverse en pleine zone inondable, pour
suivre alors sa vallée jusqu’à Rambervillers.
Le tracé retenu traverse aussi 6 ruisseaux et
zones inondables :
le St-Oger, le Durbion, la zone de
Pierrefitte, le Padozel et son affluent, le
Pinson, et à nouveau le Padozel.
C’est une succession
d’habitats variés
qui sont en péril
C’est une succession d’habitats variés qui
sont en péril, avec toutes les
conséquences que cela suppose pour
toutes les espèces animales et végétales
concernées.
Prairies naturelles certifiées biologiques depuis plus de 12 ans
(situées au milieu du tracé de la route) - Crédit : Collectif La route de trop
Le tronçon
Rambervillers/Saint-Dié
Le contournement de Jeanménil
traverse la prairie de ruisseau (la
Nauve), le bassin de source de la
fontaine du village de Brû, puis 2
vallons de ruisseaux, longe ensuite un
autre ruisseau vers Fraispertuis en
limite de Zone de Protection Spéciale.
De la sortie de Jeanménil à La Salle, la
D32, maintenue en l’état, traverse un
massif forestier qui abrite une partie
de la Zone de Protection Spéciale
mise en place depuis longtemps pour
la protection de l'habitat de 7 espèces
d'oiseaux menacés : grand tétras,
gélinotte, faucon pèlerin, pic noir, pic
cendré, chouette de Tengmalm,
chouette chevéchette.
Le tronçon Rambervillers/Saint-Dié
traverse le Bassin Meurthe-Valdange.
C’est une unité géographique
circulaire constituée d’un plateau
central découpé par les 2 rivières qui
le
contournent
(Plateau
de
Nompatelize, Plateau du Han). On y
retrouve aussi 5 zones humides :
- Le vallon du ruisseau La Chèvre
(truites sauvages)
- La vallée de La Valdange
- Le vallon de la Faux, avec ses 2
étangs (nombreuses espèces de
libellules)
- Le vallon du Rupt-Bihaye : 3 espèces
de poissons répertoriées (truite fario,
petite lamproie, loche)
- La Meurthe et ses étangs très
poissonneux (anciennes sablières très
bien végétalisées)
- L’étang Derrey est, depuis plus de 10
ans, classé en zone Natura 2000
(présence, entre autres, de papillons
de la famille des « azurés ») et bordé
par une Zone Naturelle d’Intérêt
Faunistique et Floristique.
Ce projet routier impacterait fortement
ces noyaux de biodiversité ainsi que les corridors qui les relient. ●
4 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Crédit : R. Ledorven
Le projet du Canal Saône Moselle
L
e projet de liaison Rhin-Rhône a pour but de créer une liaison fluviale à grand gabarit entre les vallées de la Saône et de la Moselle. Il devrait
permettre le passage de péniches de 4 400 tonnes pour relier le Rhône au Rhin. Alors que ce mode de transport et ce projet peuvent sembler des
réponses adaptées au contexte actuel d’économie d’énergies fossiles, il est aisé de démontrer que ce projet constitue une vraie fausse réponse,
pour des raisons économiques (en termes de logique de transports) et pour des raisons écologiques.
Impacts paysagers
Bien qu’il soit difficile d’en dire beaucoup du fait des incertitudes dans lequel se trouve
le projet quant aux différents couloirs possibles, nous pouvons imaginer que
proportionnellement à l’ampleur des travaux de génie civil, ces impacts seront
importants sur les hautes vallées, plus resserrées, plus sinueuses. Les cicatrices de
ces travaux marqueront à jamais les paysages des hautes vallées de la Saône ou de la
Moselle. L’impact sur le patrimoine construit varie selon les tracés mais serait classé
comme « globalement fort » : une vingtaine de zones ou de sites classés sont
répertoriés. Ce projet constituerait donc une perte importante de patrimoine paysager
rural et urbain.
Impacts sur la biodiversité et les écosystèmes
Carte des couloirs de passage potentiels du Canal
Saône Moselle - Source : VNF
En tout état de cause, si elle devait emprunter le cours d’eau ou son lit majeur,
l’infrastructure aurait des effets importants sur la biodiversité, et plus particulièrement
sur les zones humides dont les fonctionnalités écologiques et la qualité seraient
réduites. La richesse et l’importance du patrimoine naturel rencontré par le projet sont
notables. Val de Saône, Bassigny ou vallée de la Moselle constituent des zones à
patrimoine vivant riche que de nombreuses conventions ou régimes protègent : jusqu’à
4 zones Natura 2000, 344 Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et
Floristique (ZNIEFF) de type I, 39 ZNIEFF de type II, 6 Zones d’Intérêt
Communautaire, 7 Zones de Protection Spéciale et des dizaines de sites protégés.
Forêts alluviales en Val de Saône, vallées de la Moselle et de la Lanterne, abritant des
espèces d’importance patrimoniale, vertébrées ou invertébrées liées à l’eau
représentent des enjeux forts sur lesquels la France s’est engagée devant la
communauté internationale. Elles constituent des milliers d’hectares qui seraient
fragilisés, voire détruits irrémédiablement et ce malgré la mise en place de mesures
dites compensatoires. ●
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 5
Alors que les décideurs politiques soutiennent ardemment le projet de liaison routière « Belval vers l’autoroute A30 » en vantant son prétendu
caractère salutaire et indispensable, le collectif écocitoyen Empreinte Positive, avec le soutien de France Nature Environnement, de Mirabel LNE et
d’Agirr-Fnaut, poursuit ses efforts pour dénoncer les impacts irréversibles de la future infrastructure sur l’environnement, ainsi que ses
illusoires effets bénéfiques sur la mobilité.
Alzette Belval
un projet routier a contresens
Crédit : Empreinte Positive
L
a liaison routière de 11,5 km qui raccorderait le pôle luxembourgeois
de développement économique et urbain de Belval aux communes
françaises, se diviserait en deux tronçons : l’un qui partirait de la frontière
franco-luxembourgeoise pour rejoindre la commune de Villerupt, en passant par
Russange et Audun-le-Tiche ; l’autre prolongerait le premier à travers l’ancien site
sidérurgique de Micheville, pour venir s’échouer au centre du petit village de
Tiercelet, sans se raccorder à l’autoroute A30.
Ces deux parties du projet routier se distinguent de par leur opportunité, les
fonctions qu’elles remplissent, le trafic qu’elles drainent et les impacts
environnementaux qu’elles impliquent. De plus, le tracé routier constituerait
l’axe structurant du vaste programme d’aménagement urbain Alzette-Belval
en cours de planification (lui-même concrétisé par une opération d’intérêt
national), et viserait la mise à disposition de nouveaux espaces fonciers.
Mare de l'ancienne mine à ciel ouvert de Micheville
Crédit : Empreinte Positive
Le corridor écologique entre Micheville et les zones
Natura 2000 correspond au tracé du projet routier
Critiquable sur de nombreux points en matière de mobilité*, la pertinence du
tracé est surtout à remettre en question sur le plan environnemental.
En effet, les décideurs, considérant la friche de Micheville comme un espace
foncier dégradé à reconquérir, ont choisi un tracé qui traverse cet ancien site
sidérurgique de part en part. Pourtant, sur Micheville, le passé minier a cédé la
place à une formidable recolonisation naturelle qui s’est opérée au gré des 25
dernières années : l’enclavement de Micheville a créé une zone de quiétude qui a
favorisé le maintien des habitats et la circulation des espèces venues s'y réfugier.
La friche industrielle et les anciennes mines de fer à ciel ouvert, ainsi que la vallée
du ruisseau Beler et le crassier de Russange, constituent aujourd’hui un
patrimoine naturel et paysager remarquable abritant de nombreuses espèces
protégées. Cette mosaïque d’habitats (composée de réseaux de mares,
prairies humides, taillis arborescents, fronts de taille, éboulis thermophiles,
prairies sèches calcaires à orchidées remarquables, mines souterraines…)
présente des caractéristiques similaires aux anciennes mines de fer
luxembourgeoises limitrophes classées Natura 2000, et surtout une quantité
d’espèces végétales et animales plus importante et plus diversifiée encore.
De plus, le site de Micheville est
l’élément principal d’une connexion
biologique entre les noyaux de
biodiversité remarquable du réseau
Natura 2000 luxembourgeois d’Eschsur-Alzette et Differdange. Ce corridor
permet un échange des populations
sauvages de part et d’autre de la
frontière, malgré des mesures de
protection hétérogènes de ces
espaces d’un pays à l’autre.
Le Damier de la Succise (Euphydryas aurinia) est une
espèce de papillon emblématique sur Micheville.
Il affectionne les prairies de fauches extensives.
6 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Crédit : Alsace Nature
Crédit : Empreinte Positive
Cette trame écologique transfrontalière risque d’être mise en péril par le projet de liaison routière, dont le tracé correspond exactement au
seul couloir de dispersion fonctionnel à grande échelle entre ces milieux semblables. Les maîtres d’ouvrage minimisent, de façon déplorable, les
effets de la fragmentation des milieux. Nous pouvons craindre que les mesures proposées ne soient pas à la hauteur des enjeux en termes de
biodiversité sur le secteur Alzette-Belval, et remettent en cause le maintien dans un état de conservation favorable des populations, étant donné que
le corridor écologique de Micheville n’est pas compensé.
De plus, le fractionnement du corridor transfrontalier risquerait d'impacter l'état de conservation des populations des sites Natura 2000
avoisinants. On peut légitimement dénoncer la démarche des maîtres d’ouvrage, irrespectueuse vis-à-vis des enjeux écologiques, qui consisterait à
construire la route et à en évaluer a posteriori les impacts sur le corridor écologique.
Tracé du projet routier Belval vers l'autoroute A30
à travers la ZNIEFF de Micheville
L’opération d’intérêt national Alzette-Belval fait craindre également des
pressions foncières fortes qui pourraient contribuer à une artificialisation
irrémédiable du territoire, à une destruction des continuités écologiques
et à l'érosion de la biodiversité en diminuant les capacités de dispersion
des espèces animales et végétales. Les mesures de compensation
proposées pour la route par les maîtres d’ouvrage concernent
uniquement l’infrastructure routière puisque les nombreux
aménagements qu’elle prétend structurer n’ont pas été intégrés
dans la réflexion. La non prise en compte des impacts cumulés est
scientifiquement injustifiable. De par le fractionnement qu'il créerait, le
projet routier rendrait impossible l'intégration d'un espace naturel
cohérent et fonctionnel à l'ensemble du programme d’urbanisation.
Nous estimons pourtant que la création d'un espace protégé (une
réserve naturelle transfrontalière par exemple) serait justifiée au regard
de la richesse naturelle en présence et qu’il valoriserait de manière
certaine et pérenne les zones alentour, apportant une meilleure qualité
de vie à leurs habitants actuels et futurs. Considérer a priori cette
infrastructure routière comme élément structurant l’élaboration de
l’opération d’aménagement en cours rend très improbable la gestion
intégrée de la biodiversité et son maintien sur cette zone. Il serait
néanmoins nécessaire d'anticiper et de fondre le projet d'infrastructure et
les grands projets d'aménagements fonciers en un seul programme pour
avoir une vision globale et cohérente à long terme, et ambitieuse en
termes d’impacts sur la biodiversité.
Face à un projet routier totalement obsolète vis-à-vis des
prescriptions de développement durable, car ne permettant
pas le maintien des continuités écologiques, il serait pourtant
impératif que les autorités et les collectivités étudient les
solutions alternatives existantes moins pénalisantes pour
l'environnement et qui pourraient répondre parfaitement aux
besoins de mobilité de la population et du secteur
économique, d’autant plus que ce projet est en partie financé
par des fonds européens.
Dans la perspective de l’aménagement d’une agglomération
transfrontalière durable, la réouverture au trafic voyageur de la
voie ferrée Fontoy/Audun-le-Tiche (dont le tronçon terminal serait
détruit par la liaison routière, condamnant à terme la réhabilitation
de la ligne entière) pourrait offrir par exemple de belles
opportunités de mobilité. ●
Empreinte Positive
Note :
* Notamment, la nouvelle infrastructure serait loin de traiter la
situation préoccupante d’engorgement du centre-ville d’Audun-leTiche, pourrait générer des nuisances dans les villages de Rédange
et Tiercelet, et condamnerait la remise en service de la ligne
ferroviaire Fontoy-Audun.
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 7
,
ZOOM SUR
La continuité écologique de la Sarre
La centrale de production d’électricité HAMBREGIE
Le bon état écologique des cours d'eau et des milieux aquatiques, visé par la Directive Cadre européenne sur l'Eau (DCE), intègre la notion
de continuité écologique. La continuité écologique, qui se définit simplement par la libre circulation des espèces biologiques et le bon
déroulement du transport naturel des sédiments, est également l'une des priorités du Grenelle de l'environnement..
Si la continuité écologique est communément liée aux ouvrages de franchissement (barrages, moulins, écluses…), elle peut être, dans certains cas, et
comme nous allons le voir ici, liée aux prélèvements d’eau pour diverses activités dont la production d’électricité. À ce titre, la loi française (article L.214
-8 du Code de l’environnement) intègre la notion de débit minimum réservé. Ainsi, toute installation, ouvrage, travaux ou activité dans le lit d’un cours
d’eau doit permettre d’assurer « en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans l’eau ». Ce débit est généralement
définit comme le dixième du débit moyen interannuel du cours d’eau sauf pour certaines installations produisant de l’électricité en période de pointe de
consommation où le débit minimum peut être plus faible (un vingtième du débit moyen interannuel). Ainsi, dans la législation française, la sécurisation
du réseau électrique a une certaine priorité sur l’équilibre des milieux aquatiques.
HAMBREGIE : de l’eau pour faire de l’électricité
Dans le cadre de sa demande d’autorisation d’exploiter une
centrale de production d’énergie électrique sur les territoires des
communes de Hambach, Sarralbe et Willerwald (Moselle – proche
Sarreguemines) ; la société HAMBREGIE a déposé une demande
d’autorisation de prélèvement d’eau dans la Sarre (rivière naturelle) de
1100 m3/h correspondant à plus de 2 % du débit moyen interannuel et à
15 % du QMNA5 (débit de référence des étiages), ce qui la place comme
« gros consommateur d’eau » vis-à-vis de la législation des Installations
Classées pour la Protection de l’Environnement.
À titre informatif, ce prélèvement d’eau correspond
approximativement à la consommation domestique de 200 000 français.
La technologie choisie pour cette centrale à cycle combiné au gaz
naturel d’une puissance approchant les 900 MW (pour 8 000 h/an de
fonctionnement) est un refroidissement à eau qui, contrairement au
refroidissement à air, implique moins de nuisances sonores mais
davantage de consommation d’eau. 1/3 seulement de l’eau prélevée sera
restituée au milieu naturel, à 3 km environ en aval du prélèvement. Le
reste (730 m3/h) sera intégralement évaporé. L’eau de ce rejet sera
caractérisée par une température élevée, un pH faible, une augmentation
significative de la concentration de l’ensemble des éléments en présence
initialement dans l’eau prélevée (Azote, Phosphore, Zinc…) et notamment
une charge conséquente en sulfates (acide sulfurique) et biocides, ces
deux composés étant utilisés pour traiter les conduites du circuit de
refroidissement.
Le risque pour l’Albe
et les milieux aquatiques associés négligé
Ce prélèvement très important d’eau a lieu à proximité immédiate de la
confluence entre l’Albe et la Sarre.
La confluence entre l’Albe et la Sarre constitue une particularité de la zone
de prélèvement indissociable de l’ouvrage et de l’évaluation de ses
impacts. Or, la rivière Albe et cette confluence n’ont pas du tout été
considérées (ni même mentionnées) dans l’étude d’incidence hydraulique
faite a posteriori de l’enquête publique et préalablement à la mise en
œuvre de la station de pompage.
Il existe un impact significatif du prélèvement d’HAMBREGIE sur le
fonctionnement hydrodynamique de l’Albe :
La prise d’eau d’HAMBREGIE se situe à seulement 270 m
en aval de la confluence entre l’Albe et la Sarre. Vu cette
proximité immédiate, en période d’étiage, le niveau de la Sarre
dans cette zone constitue le niveau de base hydrodynamique
de l’affluent.
1
8 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Localisation de la prise d’eau – en bas vers amont (confluence), en haut
vers aval (pont) - 01/10/2009 – MIRABEL LNE
1
Romain VIRRION - MIRABEL-LNE, Angélique OBERTIN - ADPSE & Alain SEITZ - GECNAL Sarreguemines
augmenterait le courant …mais pas les hauteurs d’eau !
2
L’Albe est un cours d’eau à faible pente. Environ 0,5/1000 sur le linéaire de
cours d’eau de 10 km entre le Val de Guéblange (ZN2000) et la confluence et
0,25/1000 sur les 3 km de linéaire aval entre la station de mesure des débits de
l’Albe à Sarralbe (Rech) et la confluence. En étiage, cette faible pente soumet le cours
d’eau aux variations de charge pouvant être provoquées par les pompages sur cette
zone qui constitue son niveau de base.
2
L’Albe, environ 200 m avant la confluence – en haut vers aval,
En bas vers amont – 01/10/09 – MIRABEL LNE
3
À la confluence, la direction de la Sarre aval est en
continuité avec celle du lit de l’Albe en amont, alors
que la Sarre amont vient rejoindre la confluence en
formant un angle de 90° avec cet axe. D’une manière générale et
particulièrement en étiage, cette configuration est favorable à une
sollicitation plus vive des courants de l’Albe.
3
Confluence entre l’Albe et la Sarre
08/12/2011 – MIRABEL LNE
Les seuils de vigilance et de crise fixés à Keskastel ne prémunissent pas des incidences des
pompages d’HAMBREGIE sur l’Albe. Aucun dispositif n’est mis en place pour garantir en
permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces sur l’Albe.
Cette rivière constitue en outre l’axe drainant d’une importante partie de la zone Natura 2000
FR4100244 – « Vallée de la Sarre, de l’Albe et de l’Isch » dont les zones humides du Val de
Guéblange, en lien direct avec l’Albe, sont situées à moins de 10
km de linéaire de cours d’eau en amont de la prise d’eau. À noter
également que la prise d’eau se trouve à 100 m à peine en amont
de cette même zone Natura. Les incidences sur le maintien, dans
un état de conservation favorable, des populations d’espèces
concernées, ne peuvent être correctement évaluées qu’en tenant
compte de l’ensemble de la zone Natura 2000 qui a été justement
délimitée au regard de la cohérence des fonctionnalités
écologiques des différents milieux et habitats concernés.
Ainsi, l’ouvrage est susceptible d'affecter de manière significative
la zone Natura 2000 FR4100244 – « Vallée de la Sarre, de l’Albe
et de l’Isch ».
Il apparaît urgent que les autorités prennent conscience de la
nécessité de réaliser une évaluation d’incidence sur l’ensemble
de la zone Natura 2000 FR4100244 – « Vallée de la Sarre, de
l’Albe et de l’Isch » et de mettre en place un dispositif adapté
permettant de se prémunir des conflits d’usage et de garantir en permanence la vie, la circulation
et la reproduction des espèces sur l’Albe. ●
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 9
Qu’est-ce que la
et Bleue ?
© FLORE 54 - Olivier REMY
par Dempsey Princet - MIRABEL-LNE
Un réseau écologique, outil de préservation de la biodiversité
La Trame verte et bleue (TVB), l’un des engagements
« phare » du Grenelle de l'environnement, est une démarche
qui vise à maintenir et à reconstituer un réseau d’échanges
sur le territoire national pour que les espèces animales et
végétales puissent, comme l’homme, communiquer, circuler,
s’alimenter, se reproduire, se reposer...
Elle contribue ainsi au maintien des services que nous rend la
biodiversité : qualité des eaux, pollinisation, prévention des
inondations, amélioration du cadre de vie, etc.
La Trame verte et bleue constitue un outil de préservation de la
biodiversité s'articulant avec l'ensemble des autres outils
(stratégie de création des aires protégées, parcs nationaux,
réserves naturelles, arrêtés de protection de biotope, Natura
2000, parcs naturels régionaux, plans nationaux d'actions en
faveur des espèces menacées, etc.) encadrés par la stratégie
nationale de biodiversité 2011-2020. En complément de ces
autres outils essentiellement fondés sur la connaissance et la
protection d'espèces et d'espaces remarquables, la Trame verte
et bleue permet de franchir un nouveau pas en prenant en
compte le fonctionnement écologique des espaces et des
espèces dans l'aménagement du territoire et en s'appuyant sur
la biodiversité ordinaire.
Un outil d'aménagement du territoire
La prise en compte de la Trame verte et bleue au niveau local,
notamment par le biais des documents d'urbanisme réalisés par les
collectivités (SCoT et PLU), mais aussi grâce à la mobilisation d'outils
contractuels, permet d'intégrer les continuités écologiques et la
biodiversité dans les projets de territoire. Même si la Trame verte
et bleue vise en premier lieu des objectifs écologiques, elle
permet également d'atteindre des objectifs sociaux et
économiques, grâce au maintien de services rendus par la
biodiversité (production de bois énergie, production
alimentaire, bénéfices pour l'agriculture, auto-épuration,
régulation des crues...), grâce à la valeur paysagère et
culturelle des espaces qui la composent (amélioration du
cadre de vie, accueil d'activités de loisirs...), mais aussi grâce à
l'intervention humaine qu'elle nécessite sur le territoire
(gestion des espaces TVB, ingénierie territoriale, etc.).
© FLORE 54 - Olivier REMY
10 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Quelles échelles d’action pour
Echelle régionale
Echelle départementale
garante de la cohérence du dispositif
et de la prise en compte des services
rendus par la biodiversité
Au travers de la politique Espaces
Naturels Sensibles, de la gestion des
infrastructures routières
départementales, de l'aménagement
foncier agricole, etc.
Trame Verte
Réservoir de biodiversité
(boisement, zone humide, etc.)
Définitions de la Trame
verte et bleue
La Trame verte et bleue est un ensemble de
continuités écologiques, composées de
réservoirs de biodiversité, de corridors
écologiques et de cours d'eau et canaux,
ceux-ci pouvant jouer le rôle de réservoirs
de biodiversité et/ou de corridors. Elle se
conçoit jusqu'à la limite des plus basses
mers en partant de la terre.
Zone d’extension
(renforcement du réservoir de
biodiversité)
Corridors écologiques
(cours d’eau, haies, lisières, etc.)
Corridors naturels relais
(potentialités d’accueil pour la
biodiversité plus faibles)
La Trame verte et bleue est constituée d'une composante bleue, se rapportant aux milieux
aquatiques et humides, et d'une composante verte, se rapportant aux milieux terrestres,
définies par le Code de l'environnement (articles L.371-1 II et L.371-1 III).
© FLORE 54 - Olivier REMY
Objectifs de la Trame verte et bleue
Atteindre des objectifs écologiques...

Diminuer la fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels et
habitats d’espèces et prendre en compte leur déplacement dans le
contexte du changement climatique ;

Identifier, préserver et relier les espaces importants pour la préservation
de la biodiversité par des corridors écologiques ;

Garantir la libre circulation des espèces et permettre le déplacement des
espèces ;

Prendre en compte la biologie des espèces sauvages ;

Faciliter les échanges génétiques nécessaires à la survie des espèces de la
faune et de la flore sauvages ;

Assurer la fourniture des services écologiques rendus par la biodiversité ;
...tout en...

améliorant le cadre de vie ;

Améliorant la qualité et la diversité des paysages ;

Prenant compte les activités économiques du territoire ;

Favorisant un aménagement durable des territoires : orienter l’urbanisation et
l’implantation des infrastructures et améliorer leur perméabilité ●
la trame verte et bleue ?
Echelle du SCoT
Echelle communale
La TVB comme partie intégrante du
projet de territoire,
complémentarité et cohérence
entre les différentes politiques
publiques
Mise en œuvre opérationnelle et
opposabilité aux tiers par les
documents d'urbanisme
Echelle individuelle



action des entreprises par l'aménagement de leur site et la
réduction de leur impact sur l'environnement
rôle positif des agriculteurs et forestiers dans le maintien des
continuités écologiques
action du citoyen, dans son jardin, au sein d'association...
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 11
Corridors écologiques
:
couloirs de vie pour la faune sauvage
Pour compenser les effets négatifs de la fragmentation des habitats naturels sur la vie sauvage remarquable et ordinaire, protéger les continuités
écologiques est désormais un des nouveaux enjeux majeurs dans le domaine de la protection de la nature.
Quelle en est la portée au niveau national ?
Quand les espaces naturels sont fragmentés
Une voie de chemin de fer, une autoroute, une zone commerciale, un
ouvrage hydraulique… Autant de constructions qui contribuent inexorablement à
l’artificialisation des sols1 et à la fragmentation du milieu naturel. Entravant la
mobilité des populations animales en milieux terrestres et aquatiques entre les
différents habitats vitaux de la faune sauvage (sites de nourrissage, de
reproduction, de repos, de migration, etc.), la pression des activités humaines sur le
milieu naturel menace la survie de nombreuses espèces :

certains animaux (grands herbivores, petits mammifères, amphibiens…)
franchissent les obstacles et les collisions sur les réseaux routiers sont
particulièrement meurtrières ;

les animaux plus sédentaires, demeurent prisonniers sur des îlots de nature
restreints et s’ils n’ont pas accès aux ressources de façon optimale, sont
plus vulnérables à la prédation, aux maladies, aux événements climatiques
défavorables ;

la pérennité d’une espèce nécessite les échanges entre les populations
pour permettre la diversité génétique : lorsque les animaux n’ont pas la
liberté migratoire suffisante pour rencontrer de nouveaux partenaires, le
brassage génétique sain n’est plus assuré, accroissant le risque de
consanguinité.
Par conséquent, pour fournir aux animaux les conditions de déplacement
nécessaires à l’exercice de leur cycle de vie, les biologistes de la conservation
pointent cette priorité : rétablir et conserver les couloirs assurant la communication
entre les différents habitats naturels, avec un intérêt particulier porté au maintien
des interactions biologiques relatives à toutes les espèces végétales et animales,
remarquables ou pas (intégration des espèces qualifiées de « communes » et de la
nature dite « ordinaire »). Il s’agit de protéger écosystèmes, habitats et espèces, et
les facteurs environnementaux qui conditionnent leur viabilité.
Le réseau écologique se construit
Les recherches scientifiques sur le rôle positif des corridors écologiques ont
influencé ces dernières années les décisions publiques. Centrée historiquement
sur la protection d’espèces rares ou menacées, la stratégie de conservation de la
nature prend dorénavant en compte la gestion du territoire à une échelle très
large, couplant la protection des habitats remarquables à la connectivité du réseau
écologique. Adoptée par 54 États en 1995, la Stratégie paneuropéenne pour la
protection de la diversité biologique et paysagère est un des premiers textes
internationaux explicitant le concept de réseau écologique (Réseau écologique
paneuropéen REP). À l’instar de cette stratégie internationale, l’engagement n° 73
du Grenelle, concrétisé par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, loi dite Grenelle II
12 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
crédit photo : Empreinte positive
Corridor de survie
Dans le contexte du réchauffement planétaire, les
espèces animales et végétales sont contraintes de
relever un défi exceptionnel pour survivre : se déplacer
vers des zones climatiques qui leur sont plus
favorables. Si la connectivité des habitats n’est pas
restaurée, le phénomène de fragmentation, entravant
les migrations nécessaires, combiné à la modification
du climat pourrait constituer une ultime menace :
accélérer de façon spectaculaire la disparition des
espèces dans un mécanisme d’extinctions en cascade.
et les articles L 371-1 à L 371-6 du Code de
l’environnement, s’est attaché à l’élaboration du
maillage d’un réseau écologique sur l’ensemble du
territoire français par la mise en place d’une Trame
verte et bleue (TVB), laquelle concerne respectivement
les milieux terrestres et les milieux aquatiques. Qu’elles
soient prises en compte de façon directe ou indirecte
dans l’identification des continuités et discontinuités
écologiques, les données naturalistes sur les espèces
sont toujours un élément de sensibilisation et de
mobilisation des acteurs. Les espèces cibles sont aussi
bien une des finalités de la trame qu’un élément
permettant d’en valider la pertinence : autrement dit, on
construit le réseau écologique « pour » elles et « par »
elles.
Une conciliation de l’urbanisation et de la protection de la nature ?
Cependant, la TVB, relayée dans les régions par les futurs schémas
régionaux de cohérence écologique (SRCE) modélisés avant la fin
2012, permettra-t-elle de créer cette indispensable continuité
territoriale naturelle ? D’après de nombreuses associations de
protection de la nature, la portée juridique de cette mesure sur
l’aménagement du territoire est faible : « Les parlementaires ont
supprimé la disposition du projet de loi retranscrivant un des
engagements du Grenelle qui prévoyait que les infrastructures
linéaires de l’État devaient être compatibles avec le schéma régional
de cohérence écologique, outil de mise en œuvre de la TVB en
région.
Cette disposition aurait grandement contribué à la mise en
place cohérente de la TVB sur l’ensemble du territoire. En effet,
l’obligation de compatibilité signifiait que la construction d’une ligne à
grande vitesse ou d’une autoroute aurait dû respecter les continuités
écologiques.»2 Pour la construction d’infrastructures linéaires, les
continuités seront donc simplement « prises en compte » sur le
territoire national.
Rassemblons ensemble les pièces du puzzle...
La TVB est toutefois un outil fédérateur pour l'intégration de la
biodiversité dans les politiques publiques. Concrètement, les textes
réglementaires vont conduire les acteurs de l’aménagement du
territoire à démultiplier les actions en faveur des continuités
écologiques : végétalisation des berges et ripisylves, construction
d’ouvrages de franchissements pour la faune sauvage sur les
infrastructures linéaires, plantations de haies champêtres, instauration
de bandes enherbées, effacement des obstacles des cours d’eau, etc.
Également, vous pouvez agir en faveur des corridors
écologiques. Devenez les observateurs privilégiés de la nature
dans vos déplacements quotidiens en prêtant attention à la
présence d’espèces animales (amphibiens, reptiles, mammifères,
insectes…) ou à l’écrasement d’animaux en grand nombre à
certains endroits sur les routes. Transmettez vos observations aux
structures naturalistes de votre région, en y joignant des photos. La
TVB étant en cours d’élaboration, les informations sur les espèces
serviront à enrichir les bases de données pour affiner les analyses de
restauration et maintien des corridors. Dans votre jardin, également,
vous pouvez préserver les continuités écologiques en prenant soin
des haies dites naturelles. Elles font toujours le bonheur des insectes,
oiseaux et petits mammifères : ils viendront s’y réfugier, s’y reproduire
à l’abri des agressions ! ●
Marie-Aude Poireau - Empreinte Positive
La double vie des amphibiens
Vaste prairie humide du ruisseau Beler, corridor écologique
crédit photo : Empreinte positive
1. Selon une étude Agreste (« L’utilisation du territoire entre 2006 et 2010 », n°246, Agreste Primeur,
juillet 2010), l’artificialisation des sols a atteint 9 % du territoire français en 2009, gagnant entre 2006 et
2009 en moyenne 236 hectares par jour sur les espaces agricoles et naturels, soit une augmentation de
l’ordre de la surface d'un département français moyen tous les 7 ans.
2. Communiqué de France Nature Environnement du 18/06/2010 : « Les trames de bitume préférées aux
trames vertes et bleues »
Crapaud commun en migration
crédit photo : Empreinte positive
Comme l’étymologie de leur nom l’indique, les amphibiens (du grec
ancien, amphibios « qui vit dans deux éléments ») naissent en milieu
aquatique et passent l’essentiel de leur vie en milieu terrestre (bois de
feuillus, lisières, prairies…). Chaque printemps, les populations quittent
leur lieu d’hivernage et migrent en masse vers les mares pour s’y
reproduire. Des millions d’amphibiens, amenés à traverser les voies
des infrastructures routières, sont écrasés par les véhicules. Toutes les
espèces d’amphibiens (crapauds, grenouilles, tritons, salamandres)
étant protégées au niveau communautaire, il serait indispensable que
les gestionnaires des réseaux routiers sécurisent leurs déplacements
par le maintien de leurs corridors de migration : l'aménagement de
passages à petite faune (crapauducs) est une solution durable, même
si ces passages augmentent parfois le risque de prédation car les
animaux sont concentrés sur des zones spécifiques que leurs
prédateurs naturels repèrent facilement.
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 13
Jeune allée au Luxembourg
La graphiose de l’orme, qui menaçait
de faire disparaître toutes les
« allées » du sud de la Suède a été le
moteur de la politique de préservation
engagée par ce pays. Chalara
Fraxinea, qui menace de faire
disparaître les « allées » lorraines,
nous rendra-t-il le même « service » ?
LES ARBRES DE BORD DE ROUTE :
BONS POUR LA BIODIVERSITE !
Les alignements d'arbres au bord des routes, les « allées » - terme français utilisé dans de nombreux
pays pour les désigner, et terme recommandé dans le rapport « Infrastructures routières : les allées
d’arbres dans le paysage » - constituent des éléments marquants de nos paysages. Ils font partie du
patrimoine culturel européen et jouent un rôle positif dans de nombreux domaines, notamment
l’environnement. Outre leur action sur les températures, le ruissellement et la pollution, les arbres de
bord de route sont en effet des alliés de la biodiversité !
Les « allées » :
des biotopes particuliers
Les « allées » :
corridor et pont à la fois
Le rôle positif des allées pour la biodiversité est lié à l'ambiance
physique qui y règne, avec des conditions d’éclairement et un
microclimat qui sont ceux d'une longue lisière forestière double. Il
s’explique également par des considérations temporelles : les allées
constituant un patrimoine culturel, avec une fonction d'ornement de
la route, il est normal que les arbres de bord de route demeurent en
place plus longtemps que des arbres de forêt - aussi longtemps, en
fait, que le caractère paysager de l’allée est préservé. Cette longévité,
rare par ailleurs, est indispensable à certaines espèces et contribue à
faire des allées des habitats précieux. Une étude réalisée en Allemagne
dans des alignements d’arbres de bord de route (chênes et tilleuls
vieux de 180 à 350 ans) a par exemple mis en évidence la présence de
plusieurs dizaines d’espèces d’insectes de la liste rouge nationale. Les
plantations en regarni, pratiquées couramment au-delà de nos
frontières, permettent par ailleurs de faire coexister des arbres d'âge
différent dans un même alignement, ce qui est nécessaire à la
continuité entre générations.
Les allées jouent également un rôle important en tant
qu’éléments de la « trame verte et bleue ». Ce rôle est lié,
bien sûr, à leur caractère linéaire. Une étude exploratoire
effectuée par la CPEPESC dans la clairière de Grand
(Vosges) a par exemple confirmé l'importance de ces
allées comme route de vol pour les chiroptères. En une
soirée, au moins 7 espèces des 22 recensées en Lorraine,
ont pu être identifiées, dont le Grand Murin et la
Barbastelle. Un autre élément important réside dans le
fait que les alignements d'arbres donnent à la route une
dimension verticale. Ils constituent ainsi un « ouvrage de
franchissement » qui vient corriger l'effet de coupure de
l'infrastructure. Sans arbres - et même avec des haies -, le
franchissement d’une route est souvent fatal, notamment
aux oiseaux. Avec la voûte des arbres, le franchissement
se fait au-dessus des véhicules, évitant les collisions.
14 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Plantation en
regarni en Allemagne
La voûte de l’« allée »
constitue un pont
pour le franchissement
(Pays-Bas)
Une route nue, coupure dans le paysage
ZOOM SUR
LA LORRAINE
Quelles conséquences
pour la gestion ?
L’avis 2009-37 du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de
Lorraine reconnaît l’importance des « allées » pour la biodiversité,
demande que des mesures alternatives à l’abattage soient
systématiquement envisagées et que tout abattage soit précédé d’une
étude d’impact. Les réglementations allemandes et suédoises sont allées
plus loin, en tirant toutes les conséquences qui s’imposent : pas
d’abattages en dehors de cas très précis (risque de chute de l’arbre sur la
voie publique), et replantations - en regarni dans les alignements
existants, ou sous forme de nouveaux alignements dans les espaces
ouverts.
Ces réglementations permettent une approche très pragmatique : les
scientifiques n’ont pas à justifier au cas par cas l’intérêt de l’alignement
pour la biodiversité, cet intérêt est considéré comme acquis une fois pour
toutes. L’abattage relève au contraire d’un régime de dérogation ; pour
pouvoir abattre, le gestionnaire de la route doit en faire la demande et la
justifier. Ce système n’empêche évidemment pas d’engager par ailleurs
des études scientifiques - réalisées alors hors de toute pression (de délais
et d’enjeux) - afin d’enrichir et affiner les connaissances sur le rôle des
allées. Très pragmatique aussi le système de compensation prévu en
Allemagne dans le Land du Mecklembourg-Poméranie Occidentale (qui
protège ses « allées » dans sa Constitution) : en fonction du pourcentage
d’arbres restant dans l’allée et de leur circonférence, un arbre abattu
peut être compensé par 1 arbre, 2 arbres ou 3 arbres replantés, auxquels
peuvent s’ajouter, selon le cas, des compensations financières abondant
un fonds spécial.
Ce pragmatisme a l’avantage de la clarté (le gestionnaire sait à quoi
s’attendre) ; il a l’avantage de la sécurité (on n’est pas tributaire de
bureaux d’études aux compétences incertaines) ; il a enfin l’avantage de
la rapidité et de l’économie (pas de délais / de coûts pour des études). Il
devrait être expérimenté cette année en Lorraine. ●
S
elon les indications des conseils généraux
concernés, le patrimoine lorrain des « allées »
serait de 45 000 arbres en Meurthe-et-Moselle,
de 6 000 en Meuse, de 30 000 en Moselle. Dans les
Vosges, il est probable qu’il n’atteigne pas les 1 000
arbres.
Pour l’instant, aucun de ces départements n’a
engagé une politique globale de sensibilisation et de
communication et l’intérêt des allées sur le plan
historique, culturel, paysager, environnemental et
économique reste largement ignoré de la population et
des gestionnaires eux-mêmes. Ceci explique que l’on doive
brosser un tableau plutôt morose : ces cinq dernières
années, on a assisté à des abattages injustifiés ;
globalement, le nombre d’arbres replantés n’équilibre
même pas les abattages (autant dire qu’on est bien loin
d’un début d’idée de compensation ...) ; les plantations en
regarni, quelquefois pratiquées par le passé, ont été
abandonnées ; certains départements n’ont pas replanté
d’allée depuis des dizaines d’années ; lorsqu’elles sont
effectuées trop loin du bord de la chaussée, les
plantations d’alignements complets ne respectent pas le
caractère culturel des « allées ».
Un retournement rapide s’impose indéniablement.
D’autant plus qu’une grande majorité d’allées lorraines,
constituées de frênes, sont menacées d’une disparition
rapide, faisant suite à l’apparition du champignon Chalara
Fraxinea.
Chantal Pradines – Arbres et Routes
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 15
PASSAGES A FAUNE, couloirs de vie
L'érosion de la biodiversité et le grignotage de la nature sont des réalités qui s'imposent à nous au quotidien. Nombreux sont ceux
qui se battent pour contrebalancer ou du moins freiner cette évolution. Les enjeux contraires à la nature (urbanisation,
développement des transports, création de zones industrielles et commerciales...) sont souvent tels qu'il est illusoire d'espérer un
abandon de ces projets. Sommes-nous alors condamnés à l'impuissance ?
,
Armand Wernet – GECNAL Sarreguemines
Dans ce contexte difficile, il est très frustrant
de constater que des solutions existantes
pour
diminuer
l'impact
des
divers aménagements ne sont que très peu
utilisées dans notre pays. Il nous appartient d'en
faire la promotion chaque fois que l'occasion nous
en est donnée. C’est l'objet de cet article.
Ces solutions sont des aménagements
permettant une libre circulation de la faune malgré
les inévitables obstacles. Il s'agit de créer, chaque
fois que nécessaire, des passages pour faune (en
souterrain, voir photo en bas de page) ou, mieux,
des « ponts verts » (en aérien) . C'est la topographie
qui dictera le choix de l'une ou l'autre de ces
solutions.
Les passages sous voie sont la moins bonne
alternative parce que beaucoup d'animaux hésitent
à s'engager dans un tunnel. Les entrées doivent être
abondamment végétalisées des deux côtés pour
mettre la faune en confiance. L’installation de
grillages est indispensable pour guider les animaux
vers les entrées.
La meilleure solution est le « pont vert ». Une
buse en béton (ou plusieurs) d'une profondeur de
quelques dizaines à une centaine de mètres (voir
plus) et recouverte de terre puis végétalisée
récréera une continuité du paysage par-dessus les
voies de circulation. Des grillages de chaque côté
conduiront les grands animaux vers les zones de
franchissement.
Crédit : G. Crisci (CG 38)
Ces deux solutions sont bonnes pour la faune mais pas seulement. Elles
présentent beaucoup d'autres intérêts :





REPERES : Les collisions avec des ongulés (dont
le sanglier) sont passées de 3.700/an en 1970 à
23.500/an en 2007 en France*.
*«Faune et trafic – Manuel européen d’identification des
conflits et de conception de solutions» - 2007
16- MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Les buses en béton recouvertes de terre (« ponts verts ») sont à
l'abri des intempéries et donc du gel. Elles sont beaucoup plus
durables que les ponts en béton qu'elles remplacent et qui doivent
être réparés tous les quinze, vingt ans à grands frais.
Les remblais n'auront pas besoin d'être évacués par des norias de
camions et seront réutilisés sur place.
L'intégration paysagère des nouveaux axes de circulation s'en
trouve grandement améliorée. Ce n'est pas pour rien que ces
aménagements se multiplient dans des régions touristiques
comme l'Autriche ou la Bavière (Parc des Volcans d'Auvergne déjà
cité).
Les franchissements pour la grande faune sont aussi un enjeu de
sécurité publique. Ils évitent les multiples collisions avec les
automobiles.
Plus d'animaux prisonniers à l'intérieur des grillages autoroutiers
et qui courent dans tous les sens pour trouver une sortie.
Pour que ces solutions se mettent en place elles doivent être
intégrées très en amont dans les projets. Les différents services de l'Etat
sont bien sûr sollicités mais associations et citoyens (au moment des
enquêtes publiques par exemple) peuvent exiger leur mise en place.●
Crédit : A.Wernet - Passage sous voie réalisé sous la N 61
près de Sarreguemines avant sa mise à 2x2 voies . Cet aménagement a été programmé
en amont par les pouvoirs publics et a été une bonne surprise pour les naturalistes locaux.
Les ouvrages
militaires
T
erritoire marqué par les violents affrontements des guerres du
siècle dernier, la Lorraine garde encore dans ses paysages de
nombreux ouvrages militaires français et allemands d’époques
différentes, constituant un patrimoine historique hors du commun.
Ce patrimoine, aujourd’hui désuet et la plupart du temps à
l’abandon, constitue un formidable potentiel d’habitats pour les
mammifères (chiroptères, mustélidés, félidés, canidés, gliridés, etc.),
l’avifaune (rapaces nocturnes notamment), les amphibiens, sans
compter les insectes et autres arthropodes parfois inféodés à ce type
de milieu. Au-dessus de ces sites se développe également une flore
diversifiée (pelouses calcaires, plantes rupestres, etc.) parfois en
évolution naturelle depuis un siècle.
Temoins des Paysages
passes et futurs
L’intérêt majeur est sans aucun doute pour les chiroptères
(chauves-souris). La multiplicité des types de structure et leurs
différents niveaux d’enfouissement proposent aux chiroptères
plusieurs conditions d’aérologie, nécessaires à une partie ou à
l’ensemble de leur cycle vital. De nombreux anciens sites militaires
sont aujourd’hui pris en compte dans les ZNIEFF ainsi que dans le
réseau Natura 2000. Dans une région pauvre en grottes, ces milieux
souterrains artificiels servent de gîtes de substitution aux espèces
cavernicoles.
L’intensité des combats, la superposition de rideaux défensifs
d’époques différentes et les mouvements de front sont responsables
d’une forte densité d’ouvrages et d’une organisation spatiale en
réseau très favorable pour la répartition des chauves-souris. L’aspect
linéaire du front de la Première Guerre Mondiale traversant de part
en part la Lorraine ou la ligne Maginot en sont sans doute la
meilleure preuve. Aujourd’hui souvent situés près de boisements ou
en forêt, les anciens sites militaires sont à proximité immédiate de
zones de chasse très favorables aux chauves-souris.
Exemples de dégradations rencontrées
- photos CPEPESC Lorraine -
L’aspect de nombreux sites est souvent dévalorisé par des
tags, des déchets, des feux, des parties de paint-ball ou parfois des
rave party. D’autres visites effacent les traces du passé : la fouille
illégale des champs de bataille pille le patrimoine militaire et réduit
les possibilités de compréhension de l’Histoire. La protection de ces
sites est à envisager dans un but historique et écologique.
A
insi ces vestiges témoins d’une époque
révolue doivent être conservés et intégrés
dans la structuration du paysage de la région.
La prise en compte de ces vestiges dans la trame
verte et bleue constitue sans aucun doute la
démonstration d’un lien fort entre le passé et le
futur. Les citadelles Vauban, les forts Séré de
Rivière, les blockhaus et les sapes de la Grande
Guerre de même que les fortifications Maginot,
anciens sites guerriers, sont en partie devenus et
doivent demeurer des havres de paix pour la
biodiversité.●
Christophe Borel – CPEPESC Lorraine
Source :
CPEPESC Lorraine
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 17
Quelle « sous-trame forestière »
en Lorraine ?
1
Forêts anciennes….
Importance des milieux forestiers
L
a trame verte et bleue (TVB) s’organise en plusieurs
« sous-trames » correspondant chacune à un grand type
de milieu naturel ; par exemple pour la partie « trame
verte » : sous-trames des milieux ouverts secs (pelouses), des
milieux semi-naturels (vergers, parcs) ou encore des milieux
en voie de renaturation (terrils, carrières)…
En Lorraine, la sous-trame forestière est au cœur de la TVB. La
forêt couvre en effet plus du tiers de la surface régionale.
Notre région se classe d’ailleurs au 5ème rang national pour le
taux de boisement.
Par rapport à d’autres régions françaises, cette forêt est restée
relativement peu transformée par l’homme. Malgré
l’intensification
de
la
sylviculture
(enrésinements,
mécanisation, raccourcissement des âges d’exploitabilité…),
près des deux tiers des forêts lorraines peuvent être
considérées comme « semi-naturelles », c'est-à-dire
composées d’essences autochtones, non plantées ni
semées : la forêt reste le milieu naturel le moins
artificialisé de Lorraine. Sa valeur patrimoniale est
évidente : plus de 60 % du réseau Natura 2000
lorrain se concentrent en milieu boisé ; outre les
espèces strictement forestières, la forêt abrite aussi
la majorité des animaux à grand territoire, voire
certaines espèces de milieux ouverts, en voie de
disparition dans les zones cultivées et pour lesquels
elle constitue un ultime refuge.
Les grands massifs forestiers, souvent domaniaux, sont une
composante majeure du paysage régional. Ils sont généralement d’origine seigneuriale et l’état boisé y a été maintenu
sans discontinuité depuis l’Ancien Régime. Ces forêts sont
dites « anciennes » par opposition aux forêts « récentes »
issues du reboisement (artificiel ou spontané) qui a accompagné la déprise agricole au cours des 2 derniers siècles. Elles
comptent des espèces que l’on ne retrouve pas dans les forêts récentes, notamment au niveau de la strate herbacée.
Beaucoup d’espèces forestières se caractérisent en effet par
leur faible pouvoir de dispersion. Ce critère d’ancienneté
mérite donc d’être pris en compte au niveau de la TVB pour
identifier les « réservoirs » de biodiversité. En Lorraine, les
forêts anciennes sont heureusement relativement nombreuses et globalement assez peu menacées.
Réserve naturelle régionale de la
Moselle sauvage (88/54) : une ripisylve protégée photo : M. MUNIER
Corridors forestiers et ripisylves
Les corridors écologiques prévus par la TVB sont destinés à relier entre eux les différents « réservoirs » et permettre les migrations d’espèces. Il
en existe de différents types plus ou moins continus ; les arbres en sont souvent un élément majeur.
Au 1er rang des corridors forestiers se trouvent les « ripisylves », c'est-à-dire
l’ensemble des formations boisées, arbustives et herbacées bordant naturellement le lit des cours d’eau. Cette « forêt linéaire » est un élément essentiel pour la trame bleue ; souvent riches en vieux arbres ou bois mort,
elle abrite de très nombreuses espèces : oiseaux pêcheurs ou cavicoles,
insectes aquatiques ou xylophages, poissons amateurs de caches entre les
racines ou recherchant l’ombrage, mammifères hautement spécialisés comme le castor. Plus largement, les ripisylves assurent aussi d’importantes fonctions d’épuration des eaux, de maintien des berges et de brise-vents.
Si la formation boisée s’étale sur plus de 30 m de large, on parle de « forêt
alluviale » ou « forêt inondable » ; ces forêts particulières sont rares en Lorraine
et mériteraient une protection accrue**.
3
18 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
….et forêts âgées.
Reménaumont, dernier lambeau de vieille
hêtraie en forêt de Haye (54) Photo : Jean POIROT
2
Il n’en va pas de même pour les « vieilles forêts » ou « forêts âgées », c'est-à-dire celles
qui portent des peuplements effectivement mâtures ou sénescents. Naturellement, la
forêt se régénère suivant un rythme très lent, de l’ordre de 300 ans pour les sapinières,
500 ans pour les chênaies. En forêt gérée, ce cycle forestier est considérablement raccourci, les arbres récoltés dépassant rarement 200 ans. L’intensification actuelle de la
sylviculture se traduit par un nouveau raccourcissement des âges d’exploitabilité (- 20%
cf. rapport PUECH -2009). Ce raccourcissement et la chasse aux « gros bois » qui l’accompagne, risquent de faire rapidement disparaître les derniers lambeaux de forêts
âgées dans notre région.
Conscient du problème, le CSRPN a, dans le cadre de la modernisation en cours des
ZNIEFF, classé les « vieilles forêts » parmi les habitats déterminants de Lorraine. Ces
vieilles forêts sont absolument indispensables à la conservation des espèces forestières
les plus menacées (grand tétras, chauves-souris, insectes saproxyliques, lichens, champignons...). Leur intégration à la TVB, sur la base d’une cartographie régionale restant à
définir*, est prioritaire.
Zones tampons et friches forestieres
4
Pour les associations de protection de l’Environnement, il est également important d’établir des « zones tampons » servant d’intermédiaire entre les « réservoirs » de biodiversité et les « corridors écologiques » prévus par la TVB.
En marge des grands massifs forestiers, la Lorraine compte plus de 10 000 ha de bosquets ou boqueteaux dont certains pourraient
avantageusement remplir ce rôle. Les forêts privées de petite taille, nombreuses en Lorraine, restent souvent inexploitées. Ces
« friches forestières » constituent des îlots de naturalité (présence d’arbres morts, mélange d’essences spontanées et très diversifiées, abondance des lianes…) à prendre en compte. En 2010, le CSRPN de Lorraine a créé une fiche « forêts
spontanées » dans le cadre de la réactualisation en cours de l’inventaire ZNIEFF (fiche ZNLOR2).
Les forêts militaires (plus de 5 500 ha en Lorraine) présentent en beaucoup d’endroits des caractéristiques similaires. Elles mériteraient certainement d’être
aussi intégrées pour partie à la trame forestière.
Conclusion
La sous-trame forestière semble un élément essentiel de
la future TVB lorraine. Il est important que l’approche
qualitative initiée par le CSRPN en 2010 dans le cadre de
l’actualisation des ZNIEFF (fiches « vieilles forêts » et
« forêts spontanées ») débouche rapidement sur le
recensement et la cartographie des forêts lorraines
âgées et/ou à forte naturalité. D’autres régions ont
déjà engagé ce travail (Rhône-Alpes). Pour les APNE,
il s’agit, dans un contexte global d’intensification de
la sylviculture, d’une priorité. Outre la TVB, cette
démarche peut appuyer d’autres réflexions
territoriales également en cours : Stratégie de
création des aires protégées (SCAP), Atlas de la
biodiversité communale (ABC), etc.●
Jean POIROT – LPO Lorraine
Forêt spontanée sur terre agricole (prairie) dans le Pays
de Bitche (57) – photo JC GENOT
* en Lorraine, MIRABEL-LNE réalise actuellement en partenariat avec la
LPO la cartographie des peuplements âgés (+ de120 ans) dans les zones
Natura 2000 du massif vosgien.
** MIRABEL-LNE et la LPO proposent notamment la création d’une réserve
biologique intégrale en forêt domaniale de Lisle (55), dans le cadre de la
certification PEFC.
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 19
Crédits : CGA de Lorraine
Agriculture Biologique et Trame Verte et Bleue
Dans les années 60 sont nés les Parcs Naturels Nationaux pour maintenir des îlots sauvages, plus récemment les sites
Natura 2000 sanctuarisent certaines zones riches et fragiles, puis le Grenelle de l’environnement met sur rail, dans
chaque région, des trames vertes et bleues pour renforcer les corridors écologiques.
Le cahier des charges europeen
de L Agriculture Biologique
L
e cahier des charges européen pour l’Agriculture
Biologique commence par un long préambule : « La
production bio est un système agricole global qui allie
les meilleures pratiques environnementales, un haut degré
de biodiversité, la préservation des ressources naturelles et
des normes élevées en bien-être animal. »
Ce mode d’agriculture est contrôlé par des organismes
certificateurs indépendants. Il interdit tout engrais ou
pesticide de synthèse en production végétale et limite
l’utilisation de médicaments en production animale.
Source: RMT DevAB (Fleury, 2011)
Agriculture biologique et Qualite de l eau
L
a non utilisation d’engrais et pesticides de synthèse a de
toute évidence un effet immédiat et indiscutable sur la
qualité des eaux.
En 1998, le CEMAGREF écrit : « L’agrobiologie a, en regard de
l’agriculture conventionnelle, un impact très positif sur la qualité
de l’eau. Elle préserve à la fois la qualité de l’eau et les autres
composantes de l’environnement » (Bourdais, 1998).
En 2003, l'INRA évalue l'impact environnemental de pratiques
agricoles correspondant à huit cahiers des charges différents et
conclu : « Le cahier des charges européen de l’Agriculture
Biologique est celui qui répond le mieux à la préservation de la
qualité des eaux souterraines » (Girardin et Sardet, 2005).
20 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Un chercheur lorrain, Marc Benoît de l'INRA de Mirecourt, a
travaillé sur la ferme de Pierrot, Odile et Jacques, située sur
un petit bassin versant à Montenoy. Il conclut : « Cette
étude indique que l’Agriculture Biologique permet d’obtenir
une eau de qualité très satisfaisante, buvable sans
traitements. »
Le seul petit bémol noté est un pic de nitrates lessivés que
l’on peut trouver sous une parcelle lors du retournement à
l’automne de prairies temporaires riches en légumineuses.
Ce phénomène est toujours limité en surface puisque le
producteur bio conserve la même surface de prairie
temporaire et n’en retourne qu’un quart par an (voire
moins).
Crédits : CGA de Lorraine
Biodiversite et paysages
L
es agriculteurs bio observent et travaillent leur terre en
bon agronome : ils ont l'obsession de ne pas tasser, ils
recherchent une structure de sol grumeleuse, une
richesse importante en arthropodes de leurs parcelles. Ils
considèrent leur environnement proche comme un allié, un
réservoir de biodiversité capable de minimiser, voire de
réguler, des attaques de parasites.
La comparaison de plus de 600 fermes classiques et bio sur la
base du diagnostic agroenvironnemental DIALECTE montre que
l’implantation de haies, bosquets, bandes enherbées et prairies
extensives est systématiquement plus importante sur les
fermes en agrobiologie (Le Maire, 2008). Autant de lieux
privilégiés pour l'installation et la circulation d'une faune et
d'une flore riche et diversifiée.
Faible chargement, rotation plus longue et plus diversifiée,
utilisation de compost, de semences et de races locales,
semis de mélanges céréaliers, maintien de prairies
permanentes, prairies temporaires complexes et fauches
tardives, participent a un système global qui permet une
production intéressante en quantité et qualité tout en
préservant la biodiversité.
Plusieurs synthèses bibliographiques montrent en effet que les
êtres vivants : araignées, oiseaux, chauves-souris, syrphes,
carabes, vers de terre, champignons mycorhiziens et plantes,
sont nettement plus nombreux en variétés d’espèces (jusqu'à +
400 % pour les plantes) et en nombre (voir encart ci-dessous).
+ 5 % d’oiseaux
Références citées
+ 17 % d’araignées
Bourdais J.L. 1998. Agrobiologie et Environnement,
une comparaison des systèmes de production
agrobiologiques et conventionnels en Aquitaine.
Rapport de synthèse CEMAGREF, 49 p.
+ 33 % de chauves-souris
Fleury P. coordination. 2011. Agriculture biologique
et environnement, des enjeux convergents. Co
édition Acta / Educagri. 272 p.
+ 40 % de champignons mycorhiziens
+ 60 % de Staphylinidés (syrphes)
Girardin P. et Sardet E. 2005. Impacts
environnementaux des prescriptions du cahier des
charges de l'agriculture biologique. Brochure INRA,
16 p.
+ 50 % de carabidés (carabes) & + 15% d'espèces
Le Maire B. 2008. En quoi l'AB peut-elle répondre
aux objectifs des politiques de trames vertes et
bleues en Nord Pas de Calais? Mémoire de fin
d'études d'ingénieur, ISARA Lyon, 72 p.
+ 50 % de vers de terre & + 25 % d'espèces de vers
Sources : Pfiffner et. al (2001), Mäder et. al (2002) / Hole et. al (2005) dans Le Maire, 2008.
L’Agriculture Biologique, véritable outil de préservation de la qualité de l’eau et de la biodiversité, joue un rôle encore
faible en Lorraine du fait de son développement limité : 3 % des surfaces en moyenne. Mais les conversions
continuent : 400 fermes aujourd’hui réparties sur la Lorraine ! Les nouveaux convertis sont en phase avec la société
et ne se préoccupent pas des propos et gesticulations actuels aberrants du réseau corporatiste agricole, à contresens
des désirs sociétaux, à contresens de l'histoire. ●
Fabrice LECERF – CGA de Lorraine
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 21
Le poids de l’Histoire...
et les défis d’aujourd’hui !
Depuis les moines cisterciens de l’abbaye de Sturzelbronn
qui édifièrent les premiers ouvrages hydrauliques et de
pisciculture dès le XIIème siècle, jusqu’aux excès des Trente
Glorieuses, caractérisés par un développement anarchique
des petits trous d’eau et le mitage résidentiel, les cours d’eau
des Vosges du Nord et leurs zones humides ont largement
été remodelés par l’homme.
Aujourd’hui, malgré ces modifications séculaires, de
nombreuses rivières abritent encore un patrimoine naturel
d’exception salué par le label européen Natura 2000.
Cependant, avec la présence d’un ouvrage hydraulique en
moyenne tous les 400 à 500 mètres, la naturalité et le bon
fonctionnement des rivières sur grès sont profondément
altérés. Le rétablissement de la continuité écologique est
aujourd’hui une priorité, seule réelle solution alternative
pour rendre les lits mineurs moins sensibles à l’ensablement,
Crédit : Sycoparc
permettre le maintien, à long terme, des habitats nécessaires à la
survie des espèces animales emblématiques de nos milieux
aquatiques et atteindre le bon état des cours d’eau exigé par la
DCE, au plus tard, à l’horizon 2027.
LA RECONQUETE DES RIVIERES
DANS LE PNR DES VOSGES DU NORD
Dans le cadre de la mise en œuvre des documents d’objectifs
Natura 2000, le Syndicat de coopération pour le parc naturel
régional des Vosges du Nord initie, avec ses nombreux partenaires,
de multiples actions afin de garantir la libre circulation des espèces
animales et des sédiments dans les rivières de son territoire.
Suppression d’ouvrages hydrauliques, renaturation des lits mineurs
rectifiés, restauration des ripisylves ou effacements d’étangs en
barrage sont des actions devenues incontournables pour espérer
reconquérir la fonctionnalité des milieux aquatiques.
Crédit : Sycoparc
22 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Pour que revivent
les ruisseaux de la
Bieldmuehle
et de la Moosbach !
Dés 2007, les premières actions prévues aux documents
d’objectifs du site interdépartemental de la « Haute
Moder et affluents » se mettent progressivement en
place. La volonté est grande de passer à l’action après
plusieurs années de concertation et de mettre en place
une action exemplaire d’envergure qui signera l’acte de
renaissance des cours d’eau sur grès.
L’Office National des Forêts, sous l’impulsion du
Sycoparc, décide de montrer l’exemple et s’engage dans
une réflexion visant la suppression de 12 digues d’étangs
qui barrent deux petits ruisseaux salmonicoles, l’un en
forêt domaniale de Lemberg, la Bieldmuehle ; l’autre en
forêt domaniale de Sturzelbronn, la Moosbach.
D
e 2008 à 2010, sur plus de deux kilomètres de ruisseaux et après
une vidange délicate, toutes les digues sont ouvertes et
reprofilées, les ouvrages de vidange en béton sont détruits et
évacués… le lit des cours d’eau se redessine progressivement dans les
sédiments tapissant le fond des étangs disparus. Le sable est
remobilisé par la force hydraulique du cours d’eau et les graviers
réapparaissent çà et là au détour des petits méandres nouvellement
formés.
Le milieu réagit vite et, alors que les pelles mécaniques viennent de
quitter les lieux, la flore pionnière est déjà à l’œuvre. Le cours d’eau
ressuscité de la Bielmuehle est sous haute surveillance, l’Office
National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) assure le suivi
hydromorphologique et biologique de l’expérience, laboratoire à ciel
ouvert permettant l’observation des processus fonctionnels restaurés
et la réponse de la faune et de la flore aquatique. Cette année, un an à
peine après les dernières remises en état, le printemps fut porteur de
bonnes nouvelles pour les partenaires du projet.
En effet, dans le cadre d’une pêche électrique menée par l’ONEMA sur
la Bieldmuehle, une trentaine de truitelles ont été capturées attestant
de la reproduction du poisson dans des secteurs qui lui étaient jusquelà inaccessibles. D’autre part, un agent du Sycoparc a également eu la
chance d’observer la reproduction de la Lamproie de Planer dans le
ruisseau du Mossbach en lieu et place d’un ancien étang. La
dynamique est en marche, la nature n’est décidément pas
rancunière ! ●
Sébastien MORELLE – Sycoparc
Chargé de mission « rivières et zones humides »
[email protected]
Pourquoi
supprimer ces étangs ?
Les objectifs de ces effacements d’ouvrages
sont de :

limiter le réchauffement et l’évaporation
de l’eau ;

rétablir la continuité écologique pour
les poissons et les sédiments ;

restaurer les frayères à Truite fario et
à Lamproie de Planer ;

gérer définitivement le risque de
rupture de ces ouvrages vieillissants ;

limiter les risques d’introduction
d’espèces aquatiques à caractère
invasif : les plans d’eau sont des portes
d’entrée de nombreuses espèces
indésirables (écrevisses américaines,
poissons-chats...)
Crédit : Sycoparc
Barrage d’étang
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 23
Analyse et diag
Méthodologie
éco
L
es espèces n’utilisent pas les éléments du paysage de la même façon pour leurs cycles de vie et ne disposent pas des mêmes
capacités de dispersion. Dans le cadre de l’identification des corridors écologiques, il s’agit de savoir pour quels types
d’espèces les corridors seront les plus utiles. Il est donc possible de diagnostiquer l’existence et l’efficacité d’un réseau
écologique à partir d’espèces.
Espèces déterminantes
Il convient de choisir des espèces pour lesquelles le
territoire possède une responsabilité forte et qui
constitue un réservoir (bastion) pour ces espèces.
Ces espèces doivent être représentatives du besoin
de connectivité des milieux. Elles doivent permettre
de valider la trame verte et bleue du territoire
considéré mais elles peuvent également, dans un
objectif plus ambitieux, servir à élaborer ladite
trame.
Le choix des espèces peut s’appuyer sur des listes
établies dans chaque région par le Muséum National
d’Histoire Naturelle.
24 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Dans le cadre de l’identification des réseaux écologiques du
SCOT du Val de Rosselle, la méthode employée croise deux
approches :

une approche biogéographique, qui permet d'identifier
les réseaux écologiques à partir des données
disponibles complétées par des observations de terrain.
C’est à ce stade que sont identifiées les différentes
unités d’occupation du sol ainsi que les biotopes
institutionnels remarquables ou fonctionnels, que l’on
nomme « réservoirs de biodiversité ». Un système
d’information géographique (SIG) agrège ensuite toutes
ces couches d’informations spatiales existantes et les
observations naturalistes.

une approche informatique, qui calcule la perméabilité
des déplacements de la faune pour chaque continuum
écologique (forestier, thermophile…). La modélisation
vient ainsi conforter et compléter les premières
analyses.
gnostic des réseaux
ologiques du Val de Rosselle
Il s'agit de modéliser sous le logiciel IDRISI (Éditions Andes) les
possibilités de déplacement d'espèces réelles, dites déterminantes,
caractérisées par des données tangibles ainsi que les possibilités de
déplacement d’espèces virtuelles caractérisées par des préférences en
matière d’habitat. Cette double analyse permet de réaliser une
identification théorique des réseaux écologiques sur des territoires où il
n’existe que peu de données d’observation.
Afin de tester ces hypothèses de déplacements, des simulations
informatiques sont réalisées. Cette modélisation est basée sur un
algorithme de calcul du « coût de déplacement ». Il utilise le mode «
grille » des SIG pour calculer un « coût potentiel de dispersion » d’un
animal symbolique qui se déplace dans un paysage. On attribue à
chaque unité d’occupation du sol, définie dans l’approche
biogéographique, une valeur de résistance proportionnelle à l’effort
que l’animal hypothétique est prêt à consentir pour coloniser ou pour
se déplacer dans un milieu différent de son espace vital habituel.
Formule pour un animal allant
compartiment 1 à un compartiment 3 :
d’un
C1-3 = ((R1+R2)/2 x D1-2) + ((R2+R3)/2 x D2-3)
avec
C : coût de déplacement.
R : coefficient de résistance du milieu
D : distance parcourue (en mètres)
Cette approche permet de définir pour chaque type de
milieux naturels (zones humides, prairies, forêts...) les
voies de déplacement privilégiées des espèces
déterminantes ou théoriques retenues :
Ces
continuités
écologiques
théoriques sont identifiées dans les
cartographies sous les intitulés
(milieu
structurant
et
milieu
attractif),
les
autres
milieux
constituent des milieux difficilement
perméables voir infranchissables
dans lesquels il existe néanmoins des
corridors.●
par Sophie NOIRET – CETE de l’Est (MEDDTL)
Voies de déplacement théorique du chat forestier (CETE de l’Est)
La somme de toutes ces continuités constitue le réseau écologique du territoire du Val de Rosselle.
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 25
DOSSIER — étude TVB autour du massif forestier de Haye (54)
Trame verte et bleue sur le pourtour
du massif forestier de Haye
,
Julien PERL - MIRABEL-LNE & Raynald RIGOLOT - FLORE 54
Contexte et intérêt
La forêt de Haye, aux portes du bassin de vie de Nancy, suit actuellement, sur l'initiative d'un collectif de 62 associations
piloté par FLORE 54, une procédure visant à classer le massif forestier en forêt de protection. Dans cette optique, un
recensement du patrimoine et de la biodiversité a permis de prendre conscience de la richesse des milieux naturels bordant
le massif. Constatant que la protection de l’emprise foncière de la forêt seulement ne serait pas cohérente si on ne stoppait pas le
grignotage sur les milieux alentour, milieux dont la valeur biologique est peu reconnue, les fédérations MIRABEL-LNE et
FLORE 54 ont voulu mettre en valeur ces espaces. C’est de cette manière qu’a émergé la proposition de réaliser une
étude de Trame verte et bleue sur le territoire, dont le but était de disposer d’un état zéro des continuités, afin
de maintenir celles existantes et de restaurer les continuités perdues.
La zone ainsi étudiée représente une surface de 270 km², englobant 28 communes et 7
intercommunalités (pour près de 260 000 habitants). Elle a été établie selon une volonté
associative de ne pas se limiter à une zone d’étude contrainte administrativement, afin d’avoir
un regard supérieur à l’échelle d’une seule collectivité, et ainsi dialoguer avec une multiplicité
d’interlocuteurs. Au-delà de la forêt de Haye, la zone d’étude a donc été élargie à tout
l’espace ceinturé par la Meurthe de Frouard à Laneuveville-devant-Nancy, par la Moselle
de Frouard à Messein, et par le canal de jonction (VOIR CARTE 1). Le rôle de ces cours
d’eau, qui représentent des discontinuités plus ou moins naturelles, est de former des
limites écologiquement pertinentes, qui permettront à des études futures de s’y
accrocher pour étendre le réseau de la trame verte et bleue ainsi définie (en
descendant ou remontant les cours d’eau par exemple).
CARTE 1 : localisation et délimitation de la zone d’étude
26 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
Méthodologie
Un des principaux intérêts de ce travail est
la dualité entre la réflexion scientifique et
la concertation locale, toutes deux
indispensables à l’établissement d’un
schéma de trame verte et bleue ainsi qu’à
son application sur le terrain. La
démarche menée s’est donc répartie en
deux phases, qui ont été successivement :
Plateau de Brabois—Nancy (54)
© FLORE 54 - Olivier REMY
la réalisation d’une modélisation débouchant
sur une cartographie des continuités
écologiques, tout en utilisant une méthode
ayant fait ses preuves lors de précédentes études
(continuités écologiques sur le SCoT du Val de Rosselle
par exemple) :
Pour établir la trame verte et bleue, deux méthodes
complémentaires ont été employées : une identification visuelle à l’échelle
départementale, couplée à une modélisation informatique à l’échelle locale. Des
logiciels de cartographie et d’analyse de données géographiques ont été
utilisés pour traiter les informations de l’occupation du sol. Les données
brutes ont été exploitées pour produire des cartes, qui ont ensuite été
mises en forme pour en faciliter la compréhension. Ici, 4 continuums (ou
sous-trames) ont été choisis, en fonction des spécificités du territoire :
Synthèse des 4 continuums utilisés dans cette étude
pour former la trame verte et bleue
la réalisation d’entretiens avec des acteurs locaux :
En parallèle ont été menés une trentaine d’entretiens avec
différents partenaires issus majoritairement de collectivités, mais
également de services de l’Etat et de structures associatives ou avec
Commune de Chavigny (54)
des naturalistes. Cette concertation a eu pour but de présenter la
© FLORE 54 - Olivier REMY
démarche, de voir ce qui se faisait déjà, et réfléchir ensemble sur cette
problématique commune, pour ensuite proposer des actions pertinentes. Il
paraissait bien plus intéressant d’impliquer les acteurs afin qu’ils s’approprient
la démarche pour la perpétuer.
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 27
DOSSIER — étude TVB autour du
Un point sur la méthode
de cartographie
En premier lieu, une identification visuelle (par
photo-interprétation) a permis de définir les
corridors à une échelle supérieure à la zone
étudiée. Pour cela, il a suffit de « relier » entre
eux les massifs forestiers, et faire de même
pour les espaces agricoles, pour les zones
thermophiles des côtes de la Moselle (établies
par l’étude Trame Thermophile en Lorraine, CRL
2010), et enfin pour les cours d’eau. Cela
représente l’ossature initiale (VOIR CARTE 2), qui
sera précisée à l’échelle locale.
LEXIQUE
Continuum : ensemble des milieux favorables à
un groupe d’espèces, et reliés entre eux.
Corridor : section du paysage utilisée par des
espèces pour leurs déplacements.
Continuité : ensemble d’éléments continus sans
interruption physique majeure.
Discontinuité : rupture de continuité, d’origine
naturelle (gros cours d’eau, falaise…) ou
artificielle (voie de communication, berges
canalisées, zones urbanisées…).
Perméabilité : facilité de franchissement d’un
milieu.
La méthode ensuite employée est une simulation
informatique, appelée « coût de déplacement » ou
méthode de Berthoud. Son but est de modéliser les
possibilités de déplacement dans la matrice paysagère d’une
espèce théorique (représentative d’un continuum), en fonction des
ses préférences écologiques. Les caractéristiques de la perméabilité de ce
paysage sont représentées, pour chaque type d’occupation du sol et pour chaque continuum, par un coefficient de
friction (ou coefficient de résistance). Celui-ci varie de 0 (milieu structurant) à 1 000 (milieu infranchissable) et permet
de pondérer la distance maximale de déplacement de l’espèce en fonction de l’effort qu’elle devra fournir pour se
déplacer dans chaque type d’occupation du sol.
Une des difficultés réside dans la représentation de l’occupation du sol, qui doit être à la fois la plus précise et la plus à jour
possible. Ensuite, il faut définir de manière détaillée et représentative la perméabilité de chaque type d’occupation du sol pour
chacune des espèces retenues. Enfin, le logiciel IDRISI permet de mixer ces informations et d’en ressortir une carte des potentiels
de dispersion pour chaque continuum étudié. Ici, les continuums étudiés sont au nombre de 4 : forestier, thermophile et vergers,
agricole extensif, aquatique et zones humides.
DONNEES EXPRESS
Massif de Haye
Surface de 270 km²
(étendue à 350 km² pour la modélisation)
28 communes de 7 intercommunalités
260 000 habitants
Le territoire est composé d’1/3 de forêt,
1/3 d’espaces agricoles et 1/3 de zones
urbaines. Il est ceinturé par les cours
d’eau. Il est très fragmenté par des
coupures artificielles.
Commune de Ludres (54)
28 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
© FLORE 54 - Olivier REMY
massif forestier de Haye (54)
Résultats, discussion et
suite donnée à cette étude
L’identification visuelle a permis d’éditer une carte des
continuités géographiques, mettant en évidence des corridors
d’envergure départementale pour chacun des 4 continuums étudiés
(VOIR CARTE 2 ci-contre).
La modélisation a quant à elle permis d’éditer 4 cartes (une par
continuum) des continuités écologiques théoriques à l’échelle du
massif. Celles-ci, bien plus précises, permettent d’identifier et de
détailler le niveau de continuité et l’état et l’importance de chaque
corridor (VOIR CARTE 3).
D’un point de vue technique, les corridors ont été identifiés
scientifiquement à l’échelle du massif par l’étude, et sont donc assez
théoriques dans le sens où ils ne représentent pas avec exactitude
leur emprise au sol, qui est à définir localement en fonction des
liaisons qui existent ou qui sont à mettre en place entre les espaces.
Les entretiens avec les acteurs locaux ont permis d’obtenir une
vision plus précise encore du territoire. Ils ont notamment été
indispensables pour préciser l’état des continuités et proposer des
actions à mettre en place. Enfin, ils ont favorisé la connaissance des
actions déjà menées, ce qui sera utile à leur mise en valeur via la
réalisation d’un document de communication et l’organisation de
présentations orales pour les élus et le grand public dans le courant
de l’année 2012. Tout ceci permettra aux collectivités de voir ce qui
se fait ailleurs et de travailler en commun sur les mêmes
problématiques.
Lors de nos rencontres, il est apparu que la plupart des
collectivités étaient en attente de tels éléments afin de mener des
actions visant à préserver et rétablir les continuités écologiques sur
leur territoire. Certaines communes ont mené des réflexions, et
quelques-unes en sont déjà à la phase de mise en œuvre
d’initiatives. On peut par exemple citer :





CARTE 2 : représentation de l’ossature principale
des corridors à l’échelle départementale
Il est toutefois utile de préciser que ces exemples
ne sont pas des solutions immuables mais des
propositions d’actions, qui doivent être réfléchies et
ajustées en fonction des particularités de chaque
territoire. Il est primordial de maintenir voire de
renforcer les échanges et réflexions avec plusieurs
acteurs au-delà des limites administratives
communales ou intercommunales, car la faune et la
flore ne tiennent pas compte de ce découpage
artificiel !
Les résultats de cette étude viendront
probablement apporter des éléments en vue du
classement en forêt de protection : par exemple ils
pourront aider à estimer si le périmètre retenu est
écologiquement approprié, ou proposer des
corridors qu’il conviendra de conforter en les
adossant aux documents de planification.
Enfin, dans la perspective de la mise en place
imminente du SRCE (Schéma Régional de
Cohérence Ecologique, déclinaison régionale de la
trame verte et bleue), il restera à vérifier
l’imbrication entre les réflexions menées par le
SCoTSud54 en matière de continuités écologiques
et cette étude, qui en constitue un zoom détaillé.●
Houdemont, qui tente de mettre
sur pied un régime de protection de
ses vergers.
Heillecourt, qui a engagé avec
différents partenaires une
renaturation des cours d’eau sur
son territoire.
Fontenoy-sur-Moselle, Velaine-enHaye et Sexey-les-bois, qui ont d’un
commun accord acheté une
parcelle agricole de 120 ha pour
limiter la construction de zones
industrielles et commerciales.
La communauté de communes de
Moselle et Madon, qui se pose des
questions par rapport à la
fragmentation que pourrait induire
l’augmentation du trafic sur la route
de Clairlieu à Maron.
Laxou qui travaille à améliorer les
nombreux sentiers situés au cœur
du « village » et à inscrire son
patrimoine naturel communal dans
le projet de Trame verte et bleue.
CARTE 3 : carte des continuités forestières
à l’échelle du massif de Haye.
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 29
La trame thermophile
en Lorraine
La mise en évidence de l’importance des réseaux écologiques dans la
préservation de la biodiversité a abouti, en France à la démarche de
trame verte et bleue. En Lorraine, une première étude a été réalisée en
2009.
Les pelouses sèches de Lorraine de par leur caractère thermophile et
leur importante biodiversité, constituent des milieux de grande
importance régionale. La réalisation de la cartographie des espaces
thermophiles a été réalisée sous SIG.
Cette étude a mis en évidence leur association au relief de
côtes et a souligné leur caractère fragmenté. Elle a aussi mis
en évidence le rôle majeur d’une agriculture dynamique et
raisonnée dans le maintien de ces milieux. Cette cartographie
devra servir de support aux projets d’aménagement du territoire
pour éviter la rupture des corridors existants et rétablir des
liaisons inexistantes entre les espaces thermophiles. Grâce à
une meilleure visualisation des impacts et des zones à forts
enjeux biologiques cette étude est un gage de durabilité et d’
intégration du projet dans son contexte local et régional. La
communication et l’échange avec tous les acteurs concernés
sera donc la clé de la réussite d’un tel projet. ●
Source : Conseil
Régional de Lorraine
Pour en savoir plus :
Lagarde E., 2010. Définition de la trame thermophile en Lorraine, CR
Lorraine, DREAL Lorraine. 32p.
Connectivité des massifs des Vosges et du Jura
au niveau de la trame forestière
L’étude des continuités forestières entre grands massifs est très
importante dans le cadre de la démarche de trame verte et bleue. Ces
continuités assurent le déplacement des espèces forestières entre
populations et permettent donc des échanges génétiques entre celles-ci.
C’est notamment le cas pour le Lynx, espèce typiquement forestière,
dont les deux principaux noyaux de population se situent dans les
massifs vosgien et jurassien. Une connexion entre ces deux populations
permettrait d’assurer la viabilité du noyau vosgien, dont la dynamique
s’est stabilisée ces dernières années.
La recherche et la cartographie de corridors forestiers pour le Lynx entre
ces deux massifs a donc été réalisée dans cette étude. Deux corridors
ont été représentés de façon précise au 1/5000ème et les ruptures de
continuité ont été analysées.
Crédit photo : LG.Marcus
30 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
L’analyse de ces corridors montre que de nombreuses barrières existent
encore entre ces deux massifs, mais qu’une connexion des deux
populations semble néanmoins réalisable. Le suivi des points de
passages identifiés dans cette étude permettrait de vérifier leur
fonctionnalité pour le Lynx, ou encore pour d’autres espèces forestières.
Les secteurs à enjeu ciblés dans cette étude pourront ensuite être
éventuellement considérés lors de la prise en compte de la Trame verte
dans les documents d’urbanisme. ●
Pour en savoir plus :
Assmann C., 2011. Etude de la connectivité des massifs des Vosges et du Jura au
niveau de la trame forestière . CR Lorraine—DREAL Lorraine. 30p.
J’habite de moins en moins les moissons lorraines :
Qui suis-je, et pour combien de temps encore ?...
par Régine Millarakis – Meuse Nature Environnement
L’hécatombe du siècle
Nous avons tous au fond de notre mémoire des images de champs colorés, ondoyant de
bleuets ou de coquelicots, même si, aujourd’hui, le vent n’agite plus que des épis dressés
en rangs serrés. Mais il faut bien réaliser qu’entre les années 1900 et 2000, les plantes
messicoles (plantes sauvages qui accompagnent les moissons céréalières et par
extension les autres cultures annuelles) ont régressé de manière considérable : un
exemple, sur les 250 taxons (espèces) potentiels en Meuse, 20 % sont disparus ou
sont considérés comme tels, et la proportion entre les messicoles communes et les
messicoles rares et donc patrimoniales s’est littéralement inversée (voir chiffres cidessous). Il faut maintenant, pour trouver des parcelles cultivées riches en messicoles,
rechercher des agriculteurs qui, pour diverses raisons, à la fois, n’ont pas besoin
d’intensifier à outrance la culture, ont renoncé aux traitements chimiques successifs et
ressèment une partie de leurs récoltes.
Adonis d’été -Adonis aestivalis var. jaune :
trouvée en quelques exemplaires dans le même champ de
culture. L’Adonis est au seuil de l’extinction en Lorraine..
Crédit : R. Millarakis
Le Plan national de restauration des
plantes Messicoles
Alors, comment construire une trame verte messicoles, dans ces conditions
de rareté et de contexte agricole défavorable ?
Cette question fait, depuis 2009, à la suite des engagements du Grenelle de
renforcer la Stratégie nationale pour la Biodiversité, l’objet d’un Plan national
de restauration à partir d’une approche globale, intégrant les problématiques
agricoles. Depuis cette date, c’est le Conservatoire botanique national des
Pyrénées et de Midi-Pyrénées qui est chargé de recenser toutes les actions
menées en France et de conduire les expérimentations nécessaires à
l’amélioration de la situation. Quel continuum agricole pourrions-nous à ce jour
imaginer et restaurer compte tenu des messicoles présentes in-situ (dans les
champs de cultures bio ou extensifs mais parfois aussi les friches faunistiques et
floristiques, les jachères agricoles, à la suite des travaux récents sur talus et bords de
route, dans les jardins, sur les atterrissements des cours d’eau…) ou qui pourraient
être semées ex-situ (sur bandes cultivées en bordure des champs intensifs ou sur le
foncier des collectivités) ?…
Fausse camomille -Anthemis arvensis,
sur un bord de route en forêt de Trois
Fontaines (département 51, limite de 55)
Commune en Meuse au début du siècle, elle y
est devenue très rare et est inscrite sur la
liste rouge des espèces menacées en
Champagne-Ardenne (pas encore de liste
lorraine). Crédit : R. Millarakis
Nombre de messicoles « très communes à rares » et « rares à très
rares » par famille en Meuse entre 1900 et 2000
Année
Très commun
Rare
à assez rare à très rare
1900
(= Ombellifères)
9
2
2000
2
9
Renonculacées
1900
6
1
2000
-
7
1900
15
2
2000
9
8
Apiacées
Caryophyllacées
(œillets)
En 2000, sur 250 taxons potentiels
50 + ou considérés disparus
100 + ou - fréquents
(inventaire de Meuse = 110)
20 %
40 %
40 %
100 relativement rares
Trame verte et bleue - MIRABEL-LNE - 31
Sétaire fauve - Setaria pumila : la photo de
cette graminée a été prise sur les graviers de
la rivière Ornain, dans le sud-meusien. Elle
illustre bien le rôle non négligeable des milieux
-refuges : ici un atterrissement de cours
d’eau. Crédit : R. Millarakis
Des études à l’action
Champ de céréales à Euville (55), en
biologie depuis 2 générations d’agriculteurs.
On y distingue aisément deux messicoles : le
Coquelicot et le Bleuet. Crédit : R. Millarakis
Etant donné l’urgence à sauvegarder, il est
indispensable de mobiliser l’ensemble des acteurs
privés et publics : des agriculteurs aux associations
et collectivités, se former et agir ensemble. En
parallèle des études - à poursuivre -, c’est à l’échelle
de la région lorraine qu‘il faut engager dès maintenant
des actions de sauvegarde et d’expérimentation, à partir
des quelques noyaux patrimoniaux inventoriés. En quelque
sorte, engager une trame verte de survie, au travers d’un réseau
d’agriculteurs et collectivités volontaires, par échanges d’expériences
et de semences, avec un suivi technique et scientifique…
On ne sait rien - ou si peu - des relations que les messicoles entretiennent avec la culture qui les héberge. Les
agriculteurs qui travaillent avec la nature à maintenir un équilibre biologique sur leurs parcelles aimeraient mieux
connaître - et donc que soient étudiées - les interactions bénéfiques ou néfastes entre les plantes cultivées et spontanées et
avec la faune associée.
Les messicoles ont parfois aussi trouvé refuge dans des milieux de substitution. Même si la flore qui s’y installe les premières années est celle qui
depuis toujours s’adapte le mieux, ces lieux sont importants aussi et nous pouvons décider de laisser à la Nature le soin de coloniser
spontanément les milieux où notre empreinte se révèle plus néfaste que bénéfique. De nombreux bords de route sont végétalisés à perte
- plantations squelettiques, non entretenues les années suivantes -, au détriment à la fois de l’aspect paysager et de la spontanéité. A contrario,
quoi de plus beau qu’une explosion de coquelicots relayés les années suivantes par des fleurs prairiales sur un rond-point ou un talus routier...Et
puis, rien de plus pédagogique – et à moindre frais - pour faire découvrir au public cette partie méconnue de notre flore et lui apprendre à
différencier la nature spontanée des « Graines de Paysage », opération de séduction pilotée par les chambres d’agriculture…
Grand ammi -Ammi majus :
se ressème depuis 4 ans dans un jardin ; ici,
dans une culture de pommes de terre Crédit : R.Millarakis
Les jardins, laboratoires à ciel ouvert...
Les jardins des particuliers, dispersés dans le paysage lorrain, « retournés » chaque
année - pour peu qu’ils ne soient pas livrés à la frénésie du désherbage et de la tonte
systématique - sont autant de laboratoires à ciel ouvert. Et si les jardins sont une
multitude de milieux-relais, les jardiniers amateurs sont des observateurs à mobiliser :
les muséums d’Histoire naturelle l’ont bien compris en les appelant à observer et faire
remonter toutes informations sur les papillons, par exemple. Il y a quelques années, La
Hulotte, « le journal le plus lu dans les terriers » avait gracieusement fourni aux jardiniers
volontaires des graines de Cardère des villes (Dipsacus sativus H.) afin de sauver cette
sous-espèce cultivée. Et j’ai moi-même, il y a quelques années, vu apparaître dans mon
jardin une messicole inhabituelle, plutôt méridionale (le Grand ammi -Ammi majus), qui
depuis s’y ressème chaque année.
Nous avons des atouts en Lorraine pour faire émerger un Plan régional de restauration des messicoles : des inventaires, une
réflexion et des partenaires potentiels – tant techniques et scientifiques que territoriaux -, un appui national pour la formation
et la méthodologie expérimentale. Alors, ....chiche ? ●
Il y a aussi les « trames » biologiques mal connues parce que moins étudiées et souvent « invisibles », que
nous ignorons, alors qu’elles sont utiles à la faune nocturne, à la qualité du sol, aux déplacements aériens
(turbulences)… La restauration des trames nous conduit à réduire notre empreinte écologique : c’est un
appel vibrant à regarder, écouter, sentir la vie autour de nous, dans toute sa complexité ; c’est une
révolution des esprits à entreprendre….
32 - MIRABEL-LNE - Trame verte et bleue
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