Isog´enies entre courbes elliptiques
David Leblanc
2009 - 2010
Sous la direction de Federico Pellarin,
Universit´e Claude Bernard Lyon 1
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Pr´esentation g´en´erale
Ce M´emoire traite essentiellement de morphismes particuliers entre courbes
elliptiques : les isog´enies. Dans la premi`ere partie, ces morphismes ainsi que
tous les objets sp´ecifiques au m´emoire sont pr´esent´es. Cette pr´esentation est
close par l’´enonc´e pr´ecis et commene de l’important th´eor`eme d’isog´enie de
Masser & W¨ustholz.
Les points clefs de la d´emonstration de ce th´eor`eme sont analys´es dans les
trois autres parties. La deuxi`eme partie ´etablit plusieurs in´egalit´es techniques.
Dans la troisi`eme et la quatri`eme partie, le cœur de la d´emonstration est d´etaill´e :
il s’agit d’une trame classique dans les d´emonstrations de transcendance. On
commence par construire un polynˆome dot´e de propri´et´es cruciales. Puis, en
s’appuyant sur ces propri´et´es, on ´etablit des contradictions qui am`enent au
r´esultat voulu.
C’est en 1990 qu’est paru l’article de Masser et W¨ustholz : Estimating iso-
genies on elliptic curves (Inventiones Mathematicae), am´eliorant notablement
un r´esultat obtenu par Mazur. Masser et W¨ustholz d´emontraient un th´eor`eme
profond en liant, de mani`ere nouvelle, les propri´et´es arithm´etiques et les pro-
pri´et´es g´eom´etriques des courbes elliptiques d´efinies sur les corps de nombres.
Depuis, le r´esultat a ´et´e am´elior´e dans [5], ce qui a permis de nouvelles ap-
plications arithm´etiques, comme par exemple [1]. Ce dernier et r´ecent article
pr´ecisait qu’une am´elioration beaucoup plus faible aurait suffi : ce qui a motiv´e
la r´edaction de ce m´emoire, c’est la possibilit´e d’am´eliorer le r´esultat de Mas-
ser & W¨ustholz par quelques manipulations plus ´el´ementaires que dans [5] : on
obtiendrait un r´esultat moins fin, mais tout aussi fructueux.
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1 Cadre math´ematique
1.1 Courbes elliptiques
1.1.1 Mod`ele de Weierstrass
Dans tout l’article, on fixe dNet on consid`ere kun corps de nombres
de degr´e au plus d. On consid`ere ´egalement une courbe elliptique Edonn´ee par
une ´equation de Weierstrass () o`u g2et g3appartiennent `a k:
E:y2= 4x3g2xg3()
On dit alors que Eest d´efinie sur k. Cette hypoth`ese est de nature arithm´e-
tique. On verra plus loin (1.1.3) un outil qui permet de fixer des conditions
arithm´etiques plus pr´ecises sur les courbes elliptiques en jeu.
1.1.2 Mod`ele du tore complexe
On aura aussi besoin de consid´erer Ecomme groupe analytique complexe
donn´e par le quotient C/Ω o`u Ω est un r´eseau de base (ω1, ω2) (c’est-`a-dire :
Ω = Zω1+Zω2) telle que ω216∈ R. D´efinissons le domaine fondamental D
pour l’action de P SL2(Z) sur H={τC:τ=x+iy, x R, y R+}, soit
l’ensemble des points dont l’adh´erence euclidienne v´erifie :
|τ| ≥ 1et pour τ =x+iy :|x| ≤ 1
2,|y| ≥ 3
2(1)
Rappelons qu’il est toujours possible de choisir une base (ω1, ω2) de Ω tel
que τD. Dans un premier temps, prenons une autre base (ω0
1, ω0
2) de Ω : il
existe donc des entiers a,b,cet dtels que ω0
1=1+2et ω0
2=1+2.
Il existe donc une matrice Mde GL2(Z) qui permet de passer d’une base `a
l’autre. On dit que les bases sont ´equivalentes.
Or, quitte `a permuter les ´el´ements de la base, on peut consid´erer τdans H
le demi-plan sup´erieur de C. On ´ecrit l’action de P SL2(Z) sur H:
Mτ =+b
+d(= 2+1
2+1
)
Or P SL2(Z) est engendr´e par les matrices Tet Ssuivantes :
T=1 1
0 1et S=01
1 0
Cela permet, par composition d’actions bien choisies, de trouver une matrice
Mde P SL2(Z) qui envoie τdans D: on en d´eduit qu’il existe bien une base
(ω1, ω2) de Ω telle que τ=ω21v´erifie (1) (pour plus de d´etails, voir [7]).
Dans tout l’article, les bases et les quotients τassoci´es seront choisis de cette
mani`ere.
1.1.3 Isomorphisme analytique entre ()et C/
´
Etant donn´e un r´eseau Ω de C, pour montrer le lien entre le mod`ele du tore
complexe et le mod`ele de Weierstrass, on a besoin de rappeler les d´efinitions de
3
fonction de Weierstrass et des s´eries d’Eisenstein G2et G3associ´ees au r´eseau
Ω (on note Ω= r{0}) :
(z) = 1
z2+X
ω
1
zω21
ω2
G2k=X
ω
1
ω2ket :g2= 60G4g3= 140G6
Rappelons aussi l’´equation diff´erentielle classique v´erifi´ee par , qui sera tr`es
utile dans ce m´emoire :
0(z)2= 4(z)3g2(z)g3
Elle permet d’´etablir le morphisme naturel bijectif suivant :
C/E:y2= (x(ω1))(x(ω2))(x(ω3))
z7→ ((z), ℘0(z))
07→ ∞
ce qui d´etermine, de mani`ere unique, un isomorphisme analytique entre C/
et E(C) = {zCsolution de ()} ∪ {OEneutre}. De cette fa¸con, E(C) se
retrouve muni d’une structure de groupe alg´ebrique commutatif. On rappelle
qu’on peut d´ecrire la loi de groupe sur E, courbe elliptique, avec la m´ethode de
s´ecantes et tangentes de Poincar´e.
1.2 Isog´enies
1.2.1 Morphismes entre courbes elliptiques
On veut maintenant ´etudier les morphismes entre courbes elliptiques : un
morphisme analytique complexe λentre deux courbes elliptiques E
=C/Ω et
E
=C/correspond `a un endomorphisme de C:z7→ αz o`u αest un com-
plexe. En effet, on dispose d’un diagramme commutatif entre les morphismes φ
de C/sur C/Ω, et les morphismes λφde Csur C. Cela provient du morphisme
pr´ec´edent qui permet de d´efinir expEde noyau Ker(expE) = Ω :
CE(C)P2(C) (via () )
z6∈ 7→ (1 : (z) : 0(z))
z7→ (0 : 0 : 1)
Par cons´equent, pour φmorphisme de groupes alg´ebriques C/sur C/Ω,
il existe un unique λCtel que φ(expE(z)) = expE(λz). R´esumons ce qu’on
sait sur les morphismes entre courbes elliptiques :
Hom(E, E) =Hom(C/,C/)
={αC:α}
End(E) =Hom(C/,C/Ω)
={αC:α}
4
1.2.2 efinition des isog´enies
efinition : Un ´el´ement λde Hom(E, E) est une isog´enie quand une des
conditions ´equivalentes suivantes est v´erifi´ee (pour la preuve, voir [4] ) :
(i) λ6= 0
(ii) Ker λest fini.
(iii) λest surjective.
Nous avons alors le r´esultat suivant, qui sera utilis´e pour exhiber les formes
lin´eaires de la partie 3. Construction :
Th´eor`eme
Soient E
=C/et E
=C/. On choisit des bases (ω1, ω2)de et (ω
1, ω
2)
de telles que τ=ω21Het τ=ω
2
1H. Alors Eet Esont
isomorphes (respectivement isog`enes) si et seulement si MSL2(Z) (respec-
tivement MGL+
2(Q)M2(Z) tel que τ=Mτ.
Voici deux autres d´efinitions qui jouent un rˆole important dans ce m´emoire :
efinition : on dit que l’isog´enie de Esur Eest normalis´ee quand elle cor-
respond `a la multiplication par le complexe α= 1 soit : ΩΩ.
efinition : on dit que l’isog´enie de Esur Eest cyclique quand son noyau
est un groupe cyclique, c’est-`a-dire Ωest cyclique.
1.2.3 Degr´e d’une isog´enie
efinition : de ce qui pr´ec`ede, on d´eduit que le noyau d’une isog´enie a un
cardinal fini : ce cardinal est appel´e degr´e de l’isog´enie.
Grˆace au th´eor`eme pr´ec´edent, on peut affirmer que le le degr´e de l’isog´enie
de Esur Eest aussi ´egal `a l’indice [Ω : Ω] et donc `a |det M|o`u Mest la
matrice de passage telle que τ=Mτ. Gardons les notations utilis´ees jusqu’ici
et r´ecapitulons pour une isog´enie λde Esur E:
deg(λ) = [Ω : Ω] = a b
c d=Ker(λ)
1.2.4 Multiplication complexe
efinition : on dit qu’une courbe elliptique Ea des multiplications complexes
si End(E)6=Z.
Le th´eor`eme pr´ec´edent implique que Ea des multiplications complexes (on
notera CM) si et seulement si γτ =τpour un ´el´ement non scalaire γGL+(Q),
ce qui ´equivaut aussi `a Q(τ) extension quadratique imaginaire de Q.
Exemples : Pour Ω = Z[i] on a End(E)
=Z(i) d’o`u Eest CM. Pour Ω = Z+ρZ
on a End(E)
=Z(ρ) d’o`u Eest CM. Il est plus difficile d’exhiber un exemple
de courbe elliptique sans multiplication complexe : citons le cas de X0(11). On
remarque que la loi de groupe de Einduit une structure de Z-module : on y
explicite facilement les cas sans CM, contrairement `a ce qui se passe avec CM.
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