somme, le cynique est un pessimiste. Or, ce pessimisme n’est pourtant pas synonyme de
défaitisme, au contraire. En effet, ce qui est principalement rejeté consiste en les illusions
posant l’homme ou la société meilleurs qu’ils ne le sont. Le cynique regarde de manière
crue et virile le monde et rejette tout adjuvant permettant de mieux le supporter, ainsi que
les masques voilant sa vraie nature. En somme, le cynique contemple la vie telle qu’elle
est et l’accepte ainsi, dans la splendeur de sa tragédie immanente.
Nietzsche, le dernier grand cynique
« Il est bien étrange, disait Diogène, que l’on verse de l’huile dans la lampe pour y voir plus clair sur la
table, tandis qu’on ne veut en rien dépenser ses forces à devenir plus sage d’esprit de manière à bien
discerner ce qu’il y a de meilleur pour l’existence. »
L’anecdote la plus connue de Diogène concerne sa visite sur les marchés d’Athènes
avec une lanterne. Nous aurions en effet vu, au IVe siècle avant notre ère, un étrange
personnage sur la place publique à Athènes, se promenant, en plein jour, avec une lanterne.
Lorsque les citoyens lui demandaient se qu’il faisait, il répondait simplement : « Je cherche
un homme ! » Alors, stupéfaits, les gens lui faisaient remarquer qu’il était entouré d’une
panoplie de gens. Or, Diogène, tout en continuant à chercher, rétorquait : « Je cherche un
vrai homme. » Que voulait dire exactement le cynique ? Probablement que sa définition
d’homme impliquait un certain idéal à accomplir, et non un fait conféré par la seule
naissance. Cet idéal devait consister à vivre de manière authentique, tout en se dominant
soi-même. Ainsi, il n’est pas surprenant que Diogène n’ait jamais trouvé ce qu’il
cherchait...
Cette belle image est reprise par le plus important philosophe du XIXe siècle :
Nietzsche. Dans l’aphorisme 125 de l’ouvrage Gaya scienza, intitulé « Der tolle Mensch »
(L’homme fou), Nietzsche parle d’un dément qui va sur les marchés avec une lanterne tout
en s’écriant : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! », créant ainsi l’hilarité générale dans
la foule. Puis le fou accuse les hommes d’être les assassins de Dieu : « Gott ist tot ! Gott
bleibt tot ! Und wir haben ihn getötet ! » (Dieu est mort, dieu demeure mort et nous l’avons
tué). Il s’agit là probablement de l’aphorisme le plus connu de Nietzsche, et certainement
le moins bien compris.