Cette idée lumineuse est, pour lui, si évidente, qu’il lui
paraît presque superflu de la démontrer. S’il cite des faits,
c’est plutôt à titre d’exemples qu’à titre d’arguments : il ne
croit pas utile de forger un système complet, inattaquable,
tenant compte de toutes les circonstances, répondant à
toutes les objections.
Darwin n’a pas à créer l’idée transformiste ; mais il la
travaille, la précise, lui fournit l’appui d’une documentation
formidable, où ses observations personnelles tiennent la
plus grande place ; il la fait presque sienne en découvrant la
sélection, voie nouvelle par où les conditions ambiantes
peuvent se frayer accès jusqu’aux espèces existantes, pour
les façonner et les transformer en espèces nouvelles.
Sans lui, l’idée lamarckienne n’aurait sans doute
aujourd’hui pour adeptes qu’une petite élite de penseurs.
Grâce à lui, toutes les résistances ont été vaincues : il n’y a
plus de réfractaires.
Le combat est terminé entre transformistes et non-
transformistes. S’il y a encore lutte entre néo-lamarckiens et
néo-darwiniens, que ces divergences secondaires ne nous
fassent pas oublier la concordance fondamentale des idées.
Si Lamarck eût vécu, il eût peut-être accepté l’explication
darwinienne du transformisme, et cela n’eût en rien diminué
la grandeur de son rôle.
Au-dessus des débats entre transformistes, il y a l’idée
transformiste elle-même.