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Chapitre-8----tats-de-mal--pil 2020 Epilepsies-de-Lenfant--de-Ladolescent-et

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Chapitre 8
États de mal épileptiques
Introduction
Les états de mal épileptiques (EME) sont une
urgence thérapeutique et constituent un véritable
enjeu de santé publique par leurs conséquences en
termes de morbidité et mortalité. Leur incidence
est difficile à établir de façon fiable : mélange
dans les études d’états de mal véritables et d’états
postanoxiques, d’états de mal convulsifs et non
convulsifs, durées variables retenues pour la définition même des états de mal. Néanmoins, on
peut retenir un chiffre d’incidence de 6 à 40
nouveaux patients pour 100 000 individus par
an [1]. Deux faits semblent avérés : l’incidence
des EME est plus élevée aux âges extrêmes de la
vie (nourrisson/sujet âgé), il s’agit dans environ
50 % des cas d’EME de novo inauguraux.
Définition
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)
[2], l’état de mal épileptique est défini comme
un « état caractérisé par une crise épileptique qui
persiste suffisamment longtemps ou qui se répète
à des intervalles suffisamment brefs pour créer une
condition épileptique fixe et durable ; les états
de mal pouvant revêtir autant d’aspects sémiologiques qu’il existe de variété de crises d’épilepsie. »
Très rapidement, la Ligue internationale contre
l’épilepsie a fixé une durée de 30 minutes pour
définir l’EME [3], le définissant ainsi comme
une crise épileptique se prolongeant au-delà de
30 minutes ou se répétant sur 30 minutes à des
intervalles brefs sans reprise de conscience entre
les crises.
Une définition opérationnelle réduisant le délai
à cinq minutes a ensuite été proposée pour l’état
de mal épileptique généralisé tonicoclonique [4-6].
Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Enfin, en 2015, la Ligue internationale contre
l’épilepsie [7] a proposé une nouvelle définition
des états de mal en s’axant sur deux dimensions
de temps :
• la dimension T1 ou durée de la crise à partir de
laquelle on définit l’état de mal épileptique et
initie le traitement ;
• la dimension T2 à partir de laquelle on peut
redouter des séquelles à long terme sur la base
de modèles animaux et d’études de recherche
clinique.
Pour les EME généralisés tonicocloniques (primitifs ou secondairement généralisés), T1 reste
fixé à 5 minutes (définition opérationnelle) et T2
est établi à 30 minutes, pour les EME focaux avec
rupture de conscience, T1 est fixé à 10 minutes et
T2 est établi à plus de 60 minutes, pour les EME
absence : T1 oscille entre 10 et 15 minutes et il
n’est pas établi de dimension T2. Pour tous les
autres EME, on peut supposer que par défaut T1
reste à 30 minutes et que T2 reste à définir.
●● À noter
Les crises sérielles sont définies comme des crises
se répétant avec récupération de la conscience
antérieure entre les crises. Les crises sérielles
peuvent évoluer vers un état de mal mais ne rentrent pas dans la définition de celui-ci.
Classification
De très nombreuses classifications des EME existent [7], basées sur :
• le type de crise :
– EME généralisé : EME tonicoclonique, absence,
myoclonique, tonique, atonique, clonique
– EME focal : sans rupture de contact, avec
rupture de contact
120
Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
Cette classification a pour avantage sa simplicité et sa facilité d’emploi, mais ne comporte
aucune donnée pronostique et aucune gradation dans la sévérité des états de mal.
• le syndrome épileptique : EME myoclonique
juvénile, absence de l’enfant, etc. trop complexe
pour les médecins non habitués à utiliser la classification syndromique et là encore ne prend
pas en compte la gradation de la sévérité des
états de mal
• l’étiologie :
– connue (symptomatique) :
– aiguë (AVC, intoxication, malaria, encéphalite, etc.),
– ancienne (post-traumatique, postencéphalitique, post-AVC, etc.),
– progressive (tumeur cérébrale, maladie de
Lafora et autres épilepsies myocloniques
progressives, démence) ;
– inconnue (cryptogénique ou de cause inconnue) ;
• l’âge
Sur un plan clinique et pragmatique, on peut
distinguer deux grandes formes cliniques d’états
de mal :
• les états de mal dont le diagnostic repose sur
la clinique : les états de mal convulsifs ou avec
symptômes moteurs prédominants ;
• les états de mal dont le diagnostic repose essentiellement sur l’EEG : les états de mal non convulsifs ou sans symptômes moteurs prédominants.
Le tableau 8.1 reprend les dernières recommandations de classification issues de la conférence
Française d’experts sur la « Prise en charge des
états de mal épileptiques en préhospitalier, en
structure d’urgence et en réanimation dans les 48
premières heures » [8].
Diagnostic étiologique
Le bilan étiologique doit distinguer deux grands
cas de figure :
• les EME inauguraux survenant de novo ;
• les EME survenant chez des patients épileptiques connus.
Dans tous les cas, ce bilan comprendra un bilan
sanguin de base : glycémie, natrémie, calcémie
ionisée et/ou totale, numération formule sanguine
avec compte des plaquettes, TP, TCA, urée, créatinine, bilan hépatique et selon le contexte d’autres
dosages (antiépileptiques, toxiques, etc.) (fig. 8.1).
Les autres examens complémentaires (imagerie,
PL, etc.) seront guidés par le caractère inaugural
ou non de l’EME, le contexte, l’anamnèse de
l’entourage et l’examen clinique.
EME inauguraux
Face à un EME de novo, il convient d’éliminer en
urgence une pathologie cérébrale aiguë, ce d’autant
qu’il existe un contexte évocateur ou d’autres signes
Tableau 8.1. Classification simplifiée des états de mal d’après [8].
Diagnostic
Difficulté diagnostique
Gravité
EME avec symptômes moteurs prédominants
Tonicoclonique généralisé d’emblée
Clinique
+/–
+++
Tonicoclonique secondairement généralisé
Clinique
+/–
+++
Focal moteur :
état de mal partiel somato-moteur
épilepsie partielle continue
Clinique
–
–
Myoclonique (avec ou sans coma)
Clinique
+/–
–
Tonique
Clinique
+/–
+
Avec coma (EME larvé ou aspect sur l’EEG d’EME chez un sujet comateux)
EEG
+++
+++
EME absence
EEG
++
–
EME focal sans confusion
EEG
+++
–
EME focal à expression confusionnelle
EEG
+++
++
EME sans symptômes moteurs prédominants
Chapitre 8. États de mal épileptiques
121
Figure 8.1. Bilan étiologique d’un EME.
tels que des signes neurologiques focaux, ou un
syndrome méningé. Les pathologies les plus fréquemment en cause sont les accidents vasculaires
cérébraux (ischémiques ou hémorragiques, y compris
les hémorragies sous-arachnoïdiennes, et les thrombophlébites cérébrales), les traumatismes crâniens,
les infections du SNC (méningites bactériennes,
encéphalite, abcès cérébraux) et les tumeurs cérébrales avec ou sans évolution récente (fig. 8.2) [8].
●● À noter
On préconisera le recours systématique à l’imagerie
cérébrale dans le bilan étiologique initial d’un EME
inaugural. Attention, les anomalies détectées sur
l’IRM cérébrale peuvent être la conséquence et non
la cause de l’EME : hyper-signaux corticaux unilatéraux (notamment de l’hippocampe), de la substance blanche adjacente, des ganglions de la base,
du thalamus (pulvinar), du corps calleux et du
cervelet [9]. Ces anomalies fonctionnelles sont alors
normalement réversibles une fois l’EME contrôlé.
●● À noter
Devant un EME non convulsif inaugural du sujet
jeune ou adulte, on procédera très rapidement,
hors cause évidente, à une PL pour écarter une
encéphalite auto-immune ; 10 % des EMNC réfractaires de novo ont une cause auto-immune [10].
Attention, des modifications cytologiques (pléïocytose) et biologiques (augmentation de la concentration du lactate et du rapport albumine LCR/sérum)
Figure 8.2. Principales étiologies d’état de mal épileptique inaugural (adapté de [8]).
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Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
Figure 8.3. Principales étiologies d’état de mal épileptique chez un patient épileptique connu (adapté de [8]).
du LCR sont parfois décrites en phase postcritique
en l’absence de toute pathologie infectieuse ou
vasculaire. Cependant, dans ce cas, la pléïocytose
est modérée (< 25 éléments.µL-1) et précoce
(< 24 heures) [11].
L’EEG ne doit pas retarder la prise en charge
thérapeutique mais reste indiqué en urgence en
l’absence de réveil après arrêt des convulsions.
Diagnostic différentiel
Chez un patient épileptique connu, on éliminera
en priorité (fig. 8.3) :
• un sevrage du traitement anti-épileptique ;
• un traitement de fond inadapté ;
• un trouble métabolique aigu ;
• une infection systémique ;
• un sevrage/intoxication en alcool ou en psychotropes ;
• une intoxication aiguë accidentelle ou volontaire ;
• une évolution de l’éventuelle pathologie sousjacente (tumeur cérébrale).
Pour les diagnostics différentiels, on évoquera en
premier lieu :
• un pseudo-EME (surtout si terrain connu de
CNEP [12]) : à évoquer cliniquement, devant :
– une suggestibilité,
– des manifestations motrices violentes, amples,
désorganisées, sans systématisation neurologique,
– une fermeture des yeux, avec résistance à
l’ouverture des yeux [13],
– une absence de réelle perte de conscience,
pendant et au décours immédiat de l’épisode,
– une absence de désaturation pendant l’épisode ;
• d’autres mouvements anormaux (notamment
des myoclonies)
Diagnostic positif
et différentiel
EME non convulsifs
ou sans symptômes
moteurs prédominants
EME survenant chez des
patients épileptiques connus
EME convulsifs
ou avec symptômes
moteurs prédominants
Diagnostic positif
Pour les EME ou avec symptômes moteurs
prédominants, le diagnostic positif est clinique.
Diagnostic positif
Devant un tableau de confusion ou de déficit
neurologique focal sans cause évidente retrouvée,
le diagnostic reposera sur l’EEG. À cette fin, des
critères diagnostiques EEG ont été proposés puis
validés : les critères EEG dits « de Salzbourg »
[8, 14-16] :
Focus
Critères EEG de Salzbourg [8]
Patient sans encéphalopathie épileptique connue
• Patterns EEG avec une évolution spatio-temporelle
ou anomalies épileptiformes (pointes, pointes ondes,
poly-pointes, poly-pointes-ondes, ondes aiguës) dont la
fréquence est supérieure à 2,5 Hz.
• Anomalies épileptiformes périodiques (latéralisées
ou généralisées) de fréquence inférieure à 2,5 Hz ou
activités rythmiques de fréquence supérieure à 0,5 Hz
associées à un des critères suivants :
– amélioration EEG et clinique après administration
de molécules antiépileptiques ;
– présence de manifestations cliniques discrètes
possiblement critiques ;
– dynamique d’évolution spatio-temporelle.
Patient avec encéphalopathie épileptique connue
• Augmentation d’amplitude ou de fréquence de l’activité paroxystique en comparaison avec l’activité de fond
avec modification significative de l’état clinique.
• Amélioration EEG et clinique après administration IV
de molécules antiépileptiques.
Figure 8.4. Aspect EEG d’encéphalopathie médicamenteuse.
Chapitre 8. États de mal épileptiques
123
●● À noter
Un test d’injection IV de benzodiazépine est dit
positif et en faveur d’un diagnostic d’EME, si
l’amélioration du tracé EEG s’accompagne d’une
normalisation de l’état clinique.
Diagnostic différentiel
EME non convulsifs à expression
confusionnelle
Différents diagnostics différentiels doivent être
évoqués selon le contexte :
• les encéphalopathies médicamenteuses/métaboliques avec comme éventuels facteurs de
confusion diagnostique la présence fréquente
de myoclonies (non épileptiques) et l’atténuation possible des anomalies EEG après injection d’une benzodiazépine (BZD) (mais sans
amélioration de l’état clinique). Néanmoins,
l’aspect classique d’ondes lentes triphasiques
orientera le diagnostic (fig. 8.4) ;
• les encéphalopathies postanoxiques (fig. 8.5) ;
124
Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
Figure 8.5. Aspect EEG d’encéphalopathie postanoxique.
●● À noter
L’encéphalopathie postanoxique est due à une
souffrance cérébrale diffuse (corticale et souscorticale) [8, 17]. On constate alors une absence
de réveil à l’arrêt de la sédation avec un coma peu
ou non réactif. Des myoclonies peuvent être présentes, d’origine corticale ou sous-corticale [18],
volontiers déclenchées par de faibles stimulations,
notamment auditives. Elles intéressent principalement l’extrémité céphalique mais peuvent être
diffuses et d’assez grande amplitude. Si elles
persistent après le réveil du patient : on parle
de syndrome de Lance et Adams, des troubles
cognitifs sont alors généralement associés.
• la confusion postcritique prolongée : on recherchera alors la notion d’une crise précessive,
notamment tonicoclonique généralisée ou des
signes indirects (morsure du bord latéral de
langue, perte d’urine, etc.) ;
• des tableaux confusionnels avec aspect EEG
trompeur : PLEDs (voir chapitre 7), Creutzfeld
Jacob.
Focus
EME non convulsifs du sujet âgé
L’état de mal non convulsif (EMNC) est fréquent chez le
sujet âgé [19]. Son incidence oscille selon les études
épidémiologiques de 5,6 à 18,3 pour 100 000 mais
semble largement sous-évaluée [20]. L’EMNC correspond le plus souvent à des crises focales prolongées
avec altération de conscience. Certaines manifestations
cliniques doivent alerter et faire suspecter un diagnostic
d’EMNC [21] : des signes discrets tels que des tremblements, des clignements de paupières ou un nystagmus chez un patient stuporeux, un état stuporeux
ou confusionnel sans cause avérée, un tableau d’AVC
« plus » : un patient âgé ayant fait un AVC avéré mais
qui s’aggrave ou récupère moins vite qu’attendu. Une
forme d’état de mal absence de novo, beaucoup plus
rare, peut également se rencontrer. Elle se voit chez des
patients âgés ayant abruptement arrêté leur traitement
anxiolytique ou sédatif [22] et se présente cliniquement
comme un tableau de confusion et/ou d’altération de la
lucidité avec décharges de pointes-ondes généralisées
sur l’EEG.
Les facteurs de risque identifiés de survenue d’EMNC
sont une précession par une crise généralisée tonicoclonique, un antécédent connu d’épilepsie, le sexe
féminin et une lésion cérébrale connue (surtout une
séquelle d’AVC) [23]. La présence d’un de ces facteurs
de risque alliée à un tableau confusionnel d’origine
inconnue doit amener à penser au diagnostic d’EMNC.
La clinique étant souvent peu évocatrice (stupeur, confusion, voire coma), le diagnostic, à condition d’avoir été
évoqué, reposera de ce fait sur l’EEG avec des critères
désormais admis (dits de Salzbourg) [15] (cf. supra).
Le traitement repose en première ligne sur l’injection
de benzodiazépines et en seconde ligne sur l’administration intraveineuse ou per os ou par sonde gastrique
de molécules antiépileptiques. Il n’est pas préconisé
de recours à une intubation-ventilation (sauf nécessité hors traitement de l’état de mal : détresse respiratoire, défaillance multiviscérale, par exemple). Le
pronostic est globalement mauvais avec environ 30 %
de mortalité.
EME non convulsifs sans expression
confusionnelle : EME focaux sans confusion
Rentrent dans cette catégorie les EME états
de mal focaux à symptomatologie élémentaire
déficitaire ou positive persistante sans altération
de la conscience : états de mal aphasiques, hallucinatoires, sensitifs purs ou somato-sensitifs,
vertigineux, etc.
Les principaux diagnostics différentiels à évoquer sont [24] :
• un AVC ou un AIT ;
• une aura migraineuse prolongée ;
• un vertige périphérique ;
• des troubles psychiatriques.
EME non convulsifs avec coma
L’état de mal larvé est l’évolution ultime de tout
état de mal tonicoclonique ou tonique non traité
ou insuffisamment traité ou réfractaire marqué
par un état d’obnubilation avec troubles neurovégétatifs marqués [25, 26]. La symptomatologie
critique clinique apparaît alors extrêmement frustre, pouvant se réduire à une simple contraction
tonique axiale ou à une révulsion oculaire.
Par ailleurs, un aspect EEG d’EME peut se
rencontrer chez un sujet comateux.
Chapitre 8. États de mal épileptiques
125
Dans les deux cas (EME larvé, aspect EEG
d’EME chez un patient dans le coma), le diagnostic différentiel sera celui du champ des comas.
Stratégies thérapeutiques
Prise en charge non spécifique
La prise en charge non spécifique a pour but
de limiter les facteurs systémiques de souffrance
neuronale, et de supporter les fonctions vitales.
Elle comporte en parallèle :
• un monitoring des fonctions vitales : glycémie,
pouls, TA, température, fréquence respiratoire,
SaO2, ECG ;
• un contrôle des paramètres vitaux :
– respiratoires : libération des voies aériennes
(canule de guédel, aspiration positionnement
de la tête) et oxygénation ;
– hydro-électrolytiques : perfusion de sérum
salé NaCl 0,9 % avec contrôle de la natrémie,
de la calcémie, et du pH sanguin ;
– glycémique avec une fourchette de glycémie
à maintenir entre 1,4 à 1,8 g/l sur la base des
recommandations de la dernière conférence
de consensus Française de prise en charge des
EME [8] ;
– détection et traitement d’une hyperthermie
avec là encore sur la base des recommandations de la dernière conférence de consensus
française de prise en charge des EME [8], la
préconisation d’un contrôle de la température entre 36,5 et 38 °C ;
– vitaminiques : administration de 100 à
500 mg de thiamine en cas de doute sur une
carence en vitamine B1 (éthylisme, dénutrition, femme enceinte, etc.) ou de perfusion
de sérum glucosé hypertonique.
Prise en charge étiologique
Une prise en charge de l’étiologie, si identifiée, à
l’origine de l’EME est requise :
• correction de facteurs hydro-électrolytiques ;
• antibiothérapie ou antiviraux si méningo-encéphalite ;
126
Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
• immunoglobulines IV ou échanges plasmatiques ± corticothérapie si encéphalite autoimmune ;
• évacuation neurochirurgicale d’un hématome
extradural ou d’un hématome sous-dural.
Prise en charge spécifique :
EME tonicoclonique généralisé
On préconisera [8] :
• l’administration de benzodiazépines en première ligne :
– clonazépam IV (0,015 mg/kg soit 1 mg
pour 70 kg ; maximum 1,5 mg),
– en l’absence de voie d’abord veineuse rapidement disponible : midazolam IM (0,15 mg/
kg soit 10 mg IM pour un adulte de 70 kg),
●● À noter
On préconisera des doses moindres chez le sujet
très âgé.
– chez l’enfant, en l’absence de voie d’abord
veineuse rapidement disponible :
– diazépam par voie intrarectale : 0,5 mg/kg
– midazolam par voie intrabuccale : 0,3 mg/
kg, max : 10 mg,
• administration de benzodiazépines à répéter au
bout de cinq minutes en l’absence de réponse
thérapeutique ;
• la mise en place d’un traitement IV de seconde
ligne en l’absence de réponse thérapeutique à la
deuxième injection de benzodiazépines [27] :
– fosphénytoïne à la dose de 20 mg/kg en dose
équivalent phénytoïne, à un débit maximum
de 100 à 150 mg/min, avec une surveillance
par scope cardiaque,
●● À noter
La fosphénytoïne est contre-indiquée en cas de
troubles du rythme et de la conduction.
La fosphénytoïne peut être remplacée par de la
phénytoïne à la dose de 20 mg/kg à un débit maximum de 50 mg/min, il faut alors obligatoirement
une perfusion de sérum physiologique et rincer la
veine si du soluté glucosé a été utilisé auparavant
(risque sinon de précipitation de la phénytoïne).
La phénytoïne IV est également contre-indiquée
en cas de troubles du rythme et de la conduction.
– valproate de sodium : 40 mg/kg en
15 minutes, sans dépasser 3 g, déconseillé
chez la femme en âge de procréer,
– lévétiracétam : 30 à 60 mg/kg en 10 minutes,
sans dépasser 4 g,
– phénobarbital : 15 mg/kg, débit de à 50 à
100 mg/min, attention à la sédation induite
pouvant parfois conduire à une intubation ;
●● À noter
Les répercussions systémiques de l’EME évoluent
en deux temps [28] :
• une première hyperadrénergique (0-30 minutes)
qui maintient une hyperperfusion cérébrale et permet de faire face à la demande métabolique cérébrale accrue. Cette phase s’accompagne d’HTA,
de tachycardie, d’arythmie, d’hyperventilation,
d’hyperthermie et d’hyperglycémie ;
• une seconde phase de défaillance de l’homéostasie avec hypotension voire défaillance hémodynamique avec collapsus et hypoxémie.
Dès la première phase, on note une souffrance
neuronale, par relargage massif de glutamate
par les neurones qui déchargent (excitotoxicité),
qui s’aggrave lors de la deuxième phase avec
des phénomènes additifs d’ischémie neuronale et
donc de risque de mort neuronale.
●● À noter
Certaines étiologies comme un trauma crânien
grave ou une HIC sévère peuvent nécessiter une
intubation d’emblée.
• la mise en place d’un traitement de troisième
ligne en l’absence de réponse thérapeutique
(situation d’EME réfractaire) [29] :
– coma thérapeutique au moyen d’un agent
anesthésique IV (midazolam/propofol/thiopental au choix après intubation trachéale
sous anesthésie en séquence rapide),
– différer le recours au coma thérapeutique en
administrant par voie IV une autre molécule
de deuxième ligne, et ce, uniquement en cas
d’EME évoluant depuis moins de 60 minutes,
chez un patient épileptique connu dont l’état
hémodynamique est stable ou en cas de
limitation des soins préalable (non-indication
à une intubation) ;
●● À noter
L’échec de la seconde ligne de traitement antiépileptique définit le caractère réfractaire de l’EME.
●● À noter
Un monitoring EEG continu par scope est recommandé en réanimation.
• la mise en place d’un traitement de quatrième
ligne en cas de persistance ou récurrence d’un
EME au-delà de 24 heures après l’instauration
d’une première anesthésie générale (situation
d’EME super-réfractaire) (fig. 8.6) [30] :
– switch pour une des molécules non encore
employée pour l’anesthésie générale, notamment le thiopental,
– kétamine.
Chapitre 8. États de mal épileptiques
127
●● À noter
L’échec à trois lignes différentes et bien conduites
des médicaments antiépileptiques recommandés
(posologies optimales et délais d’action, incluant
le recours au coma thérapeutique) définit le caractère super-réfractaire de l’EME.
Prise en charge spécifique :
autres EME
On préconisera [8] :
• l’administration de benzodiazépines en première
ligne :
– clonazépam IV (0,015 mg/kg soit 1 mg
pour 70 kg ; maximum 1,5 mg),
Figure 8.6. Prise en charge thérapeutique d’un EME tonicoclonique généralisé (modifié d’après [8]).
128
Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
– en l’absence de voie d’abord veineuse rapidement disponible : midazolam intrabuccal :
10 mg,
– chez l’enfant, en l’absence de voie d’abord
veineuse rapidement disponible :
– diazépam par voie intrarectale : 0,5 mg/kg,
– midazolam par voie intrabuccale : 0,3 mg/
kg, max : 10 mg ;
• administration de benzodiazépines à répéter
au bout de 5 minutes en l’absence de réponse
thérapeutique ;
• la mise en place d’un traitement de seconde
ligne en l’absence de réponse thérapeutique à
la deuxième injection de benzodiazépines :
– par voie IV : (fos)phénytoïne, valproate de
sodium (déconseillé chez la femme en âge
de procréer), lévétiracétam, phénobarbital
(attention à la sédation induite pouvant
parfois conduire à une intubation) ou lacosamide (200 à 400 mg en 15 à 30 minutes avec
ECG préalable),
– par voie orale : dose de charge per os en
l’absence d’altération de conscience ou par
sonde gastrique : carbamazépine (sauf si le
patient est d’origine asiatique, du fait d’un
risque accru d’allergie cutanée), phénytoïne,
perampanel, zonisamide, topiramate, prégabaline, phénobarbital ;
• la mise en place d’un traitement de troisième
ligne en l’absence de réponse thérapeutique :
switch pour molécule de deuxième ligne non
encore employée.
●● À noter
On rappelle que l’injection intraveineuse de benzodiazépines est prohibée dans le cas très spécifique
et rare des états de mal toniques.
●● À noter
En dehors de l’EME tonicoclonique généralisé et
sauf situation clinique l’imposant (détresse respiratoire, par exemple), le recours à l’anesthésie générale et au coma thérapeutique n’est pas indiqué.
●● À noter
Il n’existe aucun argument scientifique pour instaurer systématiquement un relais per os du MAE
d’action prolongée prescrit par voie intraveineuse
(IV) en première intention. Le phénobarbital et la
phénytoïne per os sont de fait des MAE d’ancienne
génération avec de multiples effets secondaires
en cas de prescription au long cours.
Liens avec les items ECN
UE4. Item 103. Épilepsie de l’enfant et de l’adulte.
UE11.Item 337. Malaise, perte de connaissance,
crise comitiale chez l’adulte.
UE11.Item 338. État confusionnel et trouble de
conscience chez l’adulte et chez l’enfant.
UE11.Item 341. Convulsions chez le nourrisson et
chez l’enfant.
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