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Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
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Chapitre 8
États de mal épileptiques
Introduction
Les états de mal épileptiques (EME) sont une
urgence thérapeutique et constituent un véritable
enjeu de santé publique par leurs conséquences en
termes de morbidité et mortalité. Leur incidence
est difficile à établir de façon fiable : mélange
dans les études d’états de mal véritables et d’états
postanoxiques, d’états de mal convulsifs et non
convulsifs, durées variables retenues pour la défi-
nition même des états de mal. Néanmoins, on
peut retenir un chiffre d’incidence de 6 à 40
nouveaux patients pour 100 000 individus par
an [1]. Deux faits semblent avérés : l’incidence
des EME est plus élevée aux âges extrêmes de la
vie (nourrisson/sujet âgé), il s’agit dans environ
50% des cas d’EME de novo inauguraux.
Définition
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)
[2], l’état de mal épileptique est défini comme
un «état caractérisé par une crise épileptique qui
persiste suffisamment longtemps ou qui se répète
à des intervalles suffisamment brefs pour créer une
condition épileptique fixe et durable ; les états
de mal pouvant revêtir autant d’aspects sémiolo-
giques qu’il existe de variété de crises d’épilepsie.»
Très rapidement, la Ligue internationale contre
l’épilepsie a fixé une durée de 30 minutes pour
définir l’EME [3], le définissant ainsi comme
une crise épileptique se prolongeant au-delà de
30 minutes ou se répétant sur 30 minutes à des
intervalles brefs sans reprise de conscience entre
les crises.
Une définition opérationnelle réduisant le délai
à cinq minutes a ensuite été proposée pour l’état
de mal épileptique généralisé tonicoclonique [4-6].
Enfin, en 2015, la Ligue internationale contre
l’épilepsie [7] a proposé une nouvelle définition
des états de mal en s’axant sur deux dimensions
de temps:
•ladimensionT1ouduréedelacriseàpartirde
laquelle on définit l’état de mal épileptique et
initie le traitement;
•la dimension T2 à partir de laquelle on peut
redouter des séquelles à long terme sur la base
de modèles animaux et d’études de recherche
clinique.
Pour les EME généralisés tonicocloniques (pri-
mitifs ou secondairement généralisés), T1 reste
fixé à 5 minutes (définition opérationnelle) et T2
est établi à 30 minutes, pour les EME focaux avec
rupture de conscience, T1 est fixé à 10 minutes et
T2 est établi à plus de 60 minutes, pour les EME
absence: T1 oscille entre 10 et 15 minutes et il
n’est pas établi de dimension T2. Pour tous les
autres EME, on peut supposer que par défaut T1
reste à 30 minutes et que T2 reste à définir.
À noter
Les crises sérielles sont définies comme des crises
se répétant avec récupération de la conscience
antérieure entre les crises. Les crises sérielles
peuvent évoluer vers un état de mal mais ne ren-
trent pas dans la définition de celui-ci.
Classification
De très nombreuses classifications des EME exis-
tent [7], basées sur:
•letypedecrise:
EME généralisé: EME tonicoclonique, absence,
myoclonique,tonique,atonique,clonique
EME focal : sans rupture de contact, avec
rupture de contact
120 Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
Cette classification a pour avantage sa simpli-
cité et sa facilité d’emploi, mais ne comporte
aucune donnée pronostique et aucune grada-
tion dans la sévérité des états de mal.
•le syndrome épileptique : EME myoclonique
juvénile, absence de l’enfant, etc. trop complexe
pour les médecins non habitués à utiliser la clas-
sication syndromique et là encore ne prend
pas en compte la gradation de la sévérité des
états de mal
•l’étiologie:
– connue(symptomatique):
aiguë (AVC, intoxication, malaria, encépha-
lite, etc.),
– ancienne (post-traumatique, postencépha-
litique, post-AVC, etc.),
progressive (tumeur cérébrale, maladie de
Lafora et autres épilepsies myocloniques
progressives, démence);
– inconnue(cryptogéniqueoudecauseincon-
nue);
•l’âge
Sur un plan clinique et pragmatique, on peut
distinguer deux grandes formes cliniques d’états
de mal:
•les états de mal dont le diagnostic repose sur
la clinique: les états de mal convulsifs ou avec
symptômesmoteursprédominants;
•les étatsdemal dontlediagnosticreposeessen-
tiellement sur l’EEG: les états de mal non convul-
sifsousanssymptômesmoteursprédominants.
Le tableau8.1 reprend les dernières recomman-
dations de classification issues de la conférence
Française d’experts sur la « Prise en charge des
états de mal épileptiques en préhospitalier, en
structure d’urgence et en réanimation dans les 48
premières heures» [8].
Diagnostic étiologique
Le bilan étiologique doit distinguer deux grands
cas de figure:
•lesEMEinaugurauxsurvenantde novo;
•les EME survenant chez des patients épilep-
tiques connus.
Dans tous les cas, ce bilan comprendra un bilan
sanguin de base : glycémie, natrémie, calcémie
ionisée et/ou totale, numération formule sanguine
avec compte des plaquettes, TP, TCA, urée, créati-
nine, bilan hépatique et selon le contexte d’autres
dosages (antiépileptiques, toxiques, etc.) (fig.8.1).
Les autres examens complémentaires (imagerie,
PL, etc.) seront guidés par le caractère inaugural
ou non de l’EME, le contexte, l’anamnèse de
l’entourage et l’examen clinique.
EME inauguraux
Face à un EME de novo, il convient d’éliminer en
urgence une pathologie cérébrale aiguë, ce d’autant
qu’il existe un contexte évocateur ou d’autres signes
Tableau 8.1. Classification simplifiée des états de mal d’après [8].
Diagnostic Difficulté diagnostique Gravité
EME avec symptômes moteurs prédominants
Tonicoclonique généralisé d’emblée Clinique +/– +++
Tonicoclonique secondairement généralisé Clinique +/– +++
Focal moteur:
état de mal partiel somato-moteur
épilepsie partielle continue
Clinique – –
Myoclonique (avec ou sans coma) Clinique +/–
Tonique Clinique +/– +
EME sans symptômes moteurs prédominants
Avec coma (EME larvé ou aspect sur l’EEG d’EME chez un sujet comateux) EEG +++ +++
EME absence EEG ++
EME focal sans confusion EEG +++
EME focal à expression confusionnelle EEG +++ ++
Chapitre 8. États de mal épileptiques 121
tels que des signes neurologiques focaux, ou un
syndrome méningé. Les pathologies les plus fré-
quemment en cause sont les accidents vasculaires
cérébraux(ischémiquesouhémorragiques,ycompris
les hémorragies sous-arachnoïdiennes, et les throm-
bophlébites cérébrales), les traumatismes crâniens,
les infections du SNC (méningites bactériennes,
encéphalite, abcès cérébraux) et les tumeurs céré-
brales avec ou sans évolution récente (fig.8.2)[8].
À noter
On préconisera le recours systématique à l’imagerie
cérébrale dans le bilan étiologique initial d’un EME
inaugural. Attention, les anomalies détectées sur
l’IRM cérébrale peuvent être la conséquence et non
la cause de l’EME: hyper-signaux corticaux unila-
téraux (notamment de l’hippocampe), de la subs-
tance blanche adjacente, des ganglions de la base,
du thalamus (pulvinar), du corps calleux et du
cervelet[9]. Ces anomalies fonctionnelles sont alors
normalement réversibles une fois l’EME contrôlé.
À noter
Devant un EME non convulsif inaugural du sujet
jeune ou adulte, on procédera très rapidement,
hors cause évidente, à une PL pour écarter une
encéphalite auto-immune; 10% des EMNC réfrac-
taires de novo ont une cause auto-immune[10].
Attention, des modifications cytologiques (pléïocy-
tose) et biologiques (augmentation de la concentra-
tion du lactate et du rapport albumine LCR/sérum)
Figure 8.1. Bilan étiologique d’un EME.
Figure 8.2. Principales étiologies d’état de mal épileptique inaugural (adapté de[8]).
122 Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
du LCR sont parfois décrites en phase postcritique
en l’absence de toute pathologie infectieuse ou
vasculaire. Cependant, dans ce cas, la pléïocytose
est modérée (< 25 éléments.µL-1) et précoce
(< 24heures)[11].
EME survenant chez des
patients épileptiques connus
Chezunpatientépileptiqueconnu,onéliminera
en priorité (fig.8.3):
•unsevragedutraitementanti-épileptique;
•untraitementdefondinadapté;
•untroublemétaboliqueaigu;
•uneinfectionsystémique;
•un sevrage/intoxication en alcool ou en psy-
chotropes;
•uneintoxicationaiguëaccidentelleouvolontaire;
•uneévolutionde l’éventuellepathologiesous-
jacente (tumeur cérébrale).
Diagnostic positif
et différentiel
EME convulsifs
ou avec symptômes
moteurs prédominants
Diagnostic positif
Pour les EME ou avec symptômes moteurs
prédominants, le diagnostic positif est clinique.
L’EEG ne doit pas retarder la prise en charge
thérapeutique mais reste indiqué en urgence en
l’absence de réveil après arrêt des convulsions.
Diagnostic différentiel
Pour les diagnostics différentiels, on évoquera en
premier lieu:
•un pseudo-EME (surtout si terrain connu de
CNEP[12]): à évoquer cliniquement, devant:
une suggestibilité,
des manifestations motrices violentes, amples,
désorganisées, sans systématisation neurolo-
gique,
– une fermeture des yeux, avec résistance à
l’ouverturedesyeux[13],
une absence de réelle perte de conscience,
pendant et au décours immédiat de l’épisode,
– une absence de désaturation pendant l’épisode;
•d’autres mouvements anormaux (notamment
desmyoclonies)
EME non convulsifs
ousans symptômes
moteurs prédominants
Diagnostic positif
Devant un tableau de confusion ou de déficit
neurologique focal sans cause évidente retrouvée,
le diagnostic reposera sur l’EEG. À cette fin, des
critères diagnostiques EEG ont été proposés puis
validés : les critères EEG dits « de Salzbourg »
[8,14-16]:
Figure 8.3. Principales étiologies d’état de mal épileptique chez un patient épileptique connu (adaptéde[8]).
Chapitre 8. États de mal épileptiques 123
Focus
Critères EEGdeSalzbourg[8]
Patient sans encéphalopathie épileptique connue
• Patterns EEG avec une évolution spatio-temporelle
ou anomalies épileptiformes (pointes, pointes ondes,
poly-pointes,poly-pointes-ondes,ondesaiguës)dontla
fréquenceestsupérieureà2,5Hz.
• Anomalies épileptiformes périodiques (latéralisées
ou généralisées) de fréquence inférieure à 2,5 Hz ou
activitésrythmiquesdefréquencesupérieureà0,5Hz
associéesàundescritèressuivants:
– améliorationEEGetcliniqueaprèsadministration
demoléculesantiépileptiques;
– présence de manifestations cliniques discrètes
possiblementcritiques;
– dynamiqued’évolutionspatio-temporelle.
Patient avec encéphalopathie épileptique connue
• Augmentationd’amplitudeoudefréquencedel’acti-
vitéparoxystiqueencomparaisonavecl’activitédefond
avecmodicationsignicativedel’étatclinique.
• AméliorationEEGetcliniqueaprèsadministrationIV
demoléculesantiépileptiques.
À noter
Un test d’injection IV de benzodiazépine est dit
positif et en faveur d’un diagnostic d’EME, si
l’amélioration du tracé EEG s’accompagne d’une
normalisation de l’état clinique.
Diagnostic différentiel
EME non convulsifs à expression
confusionnelle
Différents diagnostics différentiels doivent être
évoqués selon le contexte:
•les encéphalopathies médicamenteuses/méta-
boliques avec comme éventuels facteurs de
confusion diagnostique la présence fréquente
demyoclonies(nonépileptiques) et l’atténua-
tion possible des anomalies EEG après injec-
tion d’une benzodiazépine (BZD) (mais sans
amélioration de l’état clinique). Néanmoins,
l’aspect classique d’ondes lentes triphasiques
orientera le diagnostic (fig.8.4);
•lesencéphalopathiespostanoxiques(fig.8.5);
Figure 8.4. Aspect EEG d’encéphalopathie médicamenteuse.
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