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1. Retraité, Directeur Géographique, BRGM et La Source (Groupe Normandy), 49 boulevard Saint-Germain - 75005 Paris
2. Retraité, Directeur d’Exploration, BRGM et La Source (Groupe Normandy), 449 rue Basse - 45590 Saint Cyr en Val
Géologues n°124
A l’aube du XXI
ème
siècle qui voit le développement de
l’économie mondiale dominé par les High Tech.peu consom-
matrices de métaux, on est en droit de s’interroger sur le rôle
que les matières premières métalliques peuvent encore jouer
dans l’avenir.
En effet,malgré une croissance constante de la consom-
mation et donc de la production, les prix des principaux
métaux sont au plus bas. Est-il nécessaire dans ces condi-
tions de rechercher ces matières premières,d’autant que leurs
réserves connues à ce jour permettent largement,au rythme
actuel de la production, de couvrir les besoins pendant les
prochaines décennies (cf. tableau 1)? En corollaire, y a-t-il
encore un avenir pour les géologues miniers qui viennent de
faire l’objet de licenciements massifs au Canada et en Australie
(on cite le chiffre de 2000 géologues australiens mis à pied),
à la suite de restructurations massives dans l’industrie extrac-
tive. Pour un jeune français,y a-t-il un avenir dans ce secteur
où peu d’entreprises de notre pays sont présentes?
Devant la stagnation des cours des métaux et la baisse
constante de sa rentabilité,l’industrie minière mondiale a en
effet été obligée de réaliser de substantiels gains de produc-
tivité passant, en général par la fermeture de mines dont
l’économie n’était plus assurée et, en particulier, bien sou-
vent par une augmentation des teneurs exploitées.
Il s’esquisse ainsi, très schématiquement, de nouveaux
objectifs à l’exploration: rechercher des gisements plus ren-
tables, donc, soit plus riches, soit plus gros, soit les deux à la
fois, et l’on touche au rêve et quelquefois à la réalité du
company maker, objectif, souvent chimérique, de toute
société minière. Cette évolution est déjà largement rentrée
dans les faits, car, pour prendre l’exemple de l’or, l’objectif
minimum assigné par les principaux groupes miniers à leurs
équipes d’exploration est passé d’un million d’onces (1 oz =
31,1g) à quelques millions d’onces durant ces cinq dernières
années.
On ne peut non plus exclure, sur le plus long terme, une
remise à niveau durable des prix permettant à l’industrie de
financer les multiples contraintes que le monde moderne
attend qu’elle affronte et résolve.Une relance de l’exploration
est ainsi justifiée, et ce d’autant plus rapidement qu’il faut au
minimum dix ans pour passer d’un indice à la découverte
d’un gisement...
Après avoir fait le point sur l’évolution de la production
minière, les réserves, l’exploration et ses techniques, et les
relations de l’industrie minière avec l’environnement,on exa-
minera leurs répercussions sur le devenir de la profession de
géologue minier en France.
Introduction
Au cours du XX
ème
siècle, la croissance de l’économie
mondiale a été pour l’essentiel étroitement associée au ve-
loppement de l’industrie lourde: industrie de l’acier, de l’alu-
minium et des ferro-alliages (Fe, Ni, Mo, Mn, Co, V, W) et à
l’utilisation des métaux de base (Cu, Pb, Zn, Sn ), pour la pro-
duction des biens d’équipement. La plupart de ces métaux,ont
vu leur production croître régulièrement, parallèlement aux
résultats positifs de l’exploration et à la croissance mondia-
le. Ils ont suivi, voire anticipé la demande également grâce à
des gains substantiels de productivité dans les mines.
Rétrospectivement,on constate que l’économie mondia-
le suit des cycles plus ou moins longs,marqués par des périodes
de forte croissance suivies de périodes de récession. La figure
quelques grands enjeux des sciences de la terre au xxi
ème
siècle
Quelle exploration minière pour le XXI
ème
siècle ?
Daniel Normand
(1)
, Etienne Wilhelm
(2)
Fer contenu en milliard de tonnes 0,95 0,92 0,93 0,96 1,03 1,02 1,05 1,06 11,50 % 65 milliards de tonnes 61,3
Aluminium en millions de tonnes* 15,1 14,9 15,1 14,4 14,6 15,5 16,1 16,4 8,60% 4 milliards de tonnes 2400
Cuivre en millions de tonnes* 7,45 7,62 7,7 7,68 8,26 9,15 9,44 10,1 35,50% 300 millions de tonnes 29,7
Zinc en millions de tonnes* 7,23 7,24 6,76 6,73 6,98 7,22 7,34 7,31 1,10% 140 millions de tonnes 19,1
Plomb en millions de tonnes* 2,39 2,3 1,99 2 2 2,16 2,09 2,2 -9,20 % 68 millions de tonnes 30,9
Cobalt en milliers de tonnes 19,5 17,9 13,8 14,8 16,8 20,9 21,4 26,3 34,80% 4 millions de tonnes 152
Titane en millions de tonnes de dioxide 3,3 3,64 3,73 3,83 3,88 4,1 4,26 30,30 % 310 millions de tonnes 72,7
Nickel en millions de tonnes* 0,92 0,88 0,89 0,87 1,01 1,05 1,07 1,11 20,60% 47 millions de tonnes 42,3
Etain en milliers de tonnes de concentrés* 134 115 130 109 131 138 141,9 136,6 1,90 % 7 millions de tonnes 51,2
Or en tonnes* 2160 2233 2290 2278 2273 2357 2480 2555 18,20 % 51 000 tonnes 19,9
métaux 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 croissance réserves connues en 1997
sur 8 ans tonnes années
Données extraites de Minerals Handbook (production mondiale), de Mining magazine et de Minerals and Metals (production EMEC - Established Market
Economy Countries)
* Correspond aux productions EMEC
Tableau 1 : Production des principaux métaux de 1991 à 1998
77
Géologues n°124
1 présente l’évolution globalisée”des prix des substances non-
énergétiques depuis 1980. Elle illustre la baisse régulière des
cours, ou au mieux leur stagnation en valeur corrigée à partir
de 1996, amorçant ainsi une phase de repli qui ne semble pas
encore s’inverser actuellement malgré la reprise récente des
cours de certains métaux comme le nickel.
pe et au Japon, est le fait de secteurs économiques à plus
faible consommation unitaire de métaux, puisqu’il s’agit du
secteur des services, voire, très récemment, de la “nouvelle
économie”(si ce terme a un sens!).
La production minière, très dépendante de la santé de
l’économie,peut être fortement perturbée en cas de récession,
comme cela s’est vu récemment avec la crise asiatique de
1997. Laugmentation des stocks engendre une baisse parfois
très rapide des cours.Ce phénomène est clairement mis en évi-
dence par le diagramme relatif au zinc avec l’excellente cor-
rélation entre la croissance du stock et la baisse des cours de
1993 à 1997 (Figure 2). Il y a similarité pour le cuivre. La sur-
production de ce métal devrait se poursuivre encore quelques
temps puisque, d’ici 2001, le différentiel de production entre
l’ouverture de nouveaux gisements et la fermeture de mines
les moins rentables serait positif et de l’ordre de 1,8Mt - Metals
and Minerals (1998).
quelques grands enjeux des sciences de la terre au xxi
ème
siècle
Figure 1: Variations des prix des substances non énergétiques (1988-1998)
Source: World Bank
13 0
110
90
70
50
30
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998
Non-Energy Commodity Price Index (US $)
(1990 = 100)
Figure 2:Variations des prix (price) du zinc et des stocks (inventory)
de 1989 à 1999
1.00 14 0
.90 12 0
.80 10 0
.70 80
.60 60
.50 40
.40 20
.30 0
1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999
LME Zn Avg Monthly Price vs Month End Inventory
MetalPrices.Com
USD/Lb
Price
Inventory
Thru 10/99
MT x 10,000
Evolution de la production minière
(1991-1998)
Nous avons repris, dans le tableau 1, les chiffres de pro-
duction de quelques-unes des principales matières premières,
hors énergie et engrais, mais incluant un minéral industriel,
l’oxyde de titane,bon indicateur de l’activité industrielle et du
bâtiment (peintures).Figure de même sur ce tableau,et pour
chaque substance,l’évolution de la production durant les huit
années prises en compte, ainsi que les réserves connues en
1997. Ces données sont extraites des statistiques des compi-
lations annuelles de Mining Journal (Metals and Minerals et
Mining Annual Review) et du Minerals Handbook de 1998
publié par Stocktom Press. Des imperfections demeurent.
Elles sont liées à la nature des chiffres pris en compte qui
sont, selon les cas, soit la totalité de la production mondiale
soit celle des pays à économie de marché (EMEC -Established
Market Economy Countries) qui fait abstraction d’une partie
de la production des pays de l’Est. Ce tableau fait ressortir: une
régression de l’étain, une stabilité du plomb et du zinc, une
légère augmentation, de l’ordre de 1 à 2%, du fer, de l’alumi-
nium,du nickel et une progression plus importante,de 2 à 4%,
du cuivre, du titane, du cobalt et de l’or.
Ces taux de progression de l’industrie extractive sont
inférieurs à ceux de la croissance mondiale. En effet, le recy-
clage des métaux contribue à une part croissante des besoins
de consommation; d’autre part, les progrès technologiques
réalisés permettent à l’industrie de transformation d’utiliser
moins de matière première pour produire des biens d’équi-
pement similaires. Lexemple de l’allègement des voitures,
par l’utilisation d’aciers ou d’alliages de meilleure qualité, est
bien connu. Enfin, une partie de plus en plus importante de
la croissance mondiale,en particulier aux Etats-Unis, en Euro-
Quelles leçons pour l’avenir ?
A priori, la croissance actuellement observée aux USA et
en Europe reste soutenue et aucun indice économique ne
justifie une poursuite de la baisse des cours telle qu’elle est
apparue,durant la dernière décade pour le cuivre,le nickel, le
zinc et l’or (Figures 3 et 4). Si la tendance générale s’est main-
tenue à la baisse en 1999, les dernières statistiques de fin
1999 et début 2000 indiquent une certaine remontée des
cours.Cela est bien marqué en particulier pour le nickel dont
le redressement du prix est lié à l’augmentation de 5%, en
1999,de la consommation d’acier inoxydable. Selon les experts,
cette tendance devrait se poursuivre,ce qui est encourageant
car l’acier inoxydable, très largement utilisé dans l’industrie,
est considéré refléter l’évolution de l’activité économique.
Cette remontée apporte une lueur d’espoir pour une reprise
des cours des autres métaux.
Pour les pondéreux,comme le fer, l’évolution des prix est
plus difficile à appréhender. Ceux-ci sont en effet définis dans
le cadre de contrats à long terme entre les compagnies pro-
ductrices et les aciéries consommatrices. Les données
78
Géologues n°124
disponibles indiquent néanmoins une lente érosion des cours
à la production (9 à 16 %) et une baisse allant jusqu’à 35%
des prix de certains aciers en raison de la crise asiatique.
Ainsi,malgré une résorption progressive de cette crise et
malgré les bonnes performances des économies américaines
et européennes,on ne voit pas encore d’inversion franche du
cycle.Ceci n’est pas uniquement dû à l’existence de surcapa-
cités de production ou à l’importance des stocks,mais semble
également lié à une certaine inquiétude sur les capacités de
l’industrie japonaise à retrouver une pleine croissance et à
adapter, en particulier, ses structures sociales à la mondiali-
sation de l’économie. Cependant,la situation actuelle peut évo-
luer très rapidement et “le bout du tunnel” pourrait être
proche avec une demande accrue, à court terme, pour cer-
tains métaux.
La rentabilité de l’industrie minière
face aux autres secteurs
Un autre facteur pousse l’industrie minière à réformer ses
structures: la baisse tendancielle de sa rentabilité. La figu-
re5 montre que la rentabilité de l’industrie minière,prise glo-
balement, a été de 5% depuis 1975. Cependant, si l’on obser-
ve une période plus récente, on voit que la rentabilité est
proche de zéro sur les derniers quinze ans.
Tout se passe comme si les gains de productivité, géné-
rés par la découverte et l’exploitation de gisements plus riches
(impliquant, à techniques constantes, une baisse du prix de
revient de l’unité de métal produite) et par des techniques de
production plus performantes dans les mines et dans les
usines métallurgiques,finissaient par se retourner contre l’in-
dustrie en induisant des baisses de cours encore plus impor-
tantes en tendance, et donc des chutes de bénéfices plus
rapides que les gains de productivité.
quelques grands enjeux des sciences de la terre au xxi
ème
siècle
Figure 3: Variations annuelles des cours de Cu, Zn, Ni (1988-1998)
Figure 5: Le taux de rentabilité de l’industrie minière de 1975 à 1999 a
été de 5% par an
Source: Data Stream World Extractive Industries Index
30
50
70
90
110
130
150
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
US cts (Cu, Zn)
0
1
2
3
4
5
6
7
US Dollars (Ni)
Cu: cts/lb Zn: cts/lb Ni: $/lb
0
100
200
300
400
500
600
700
Dec-75
Dec-76
Dec-77
Dec-78
Dec-79
Dec-80
Dec-81
Dec-82
Dec-83
Dec-84
Dec-85
Dec-86
Dec-87
Dec-88
Dec-89
Dec-90
Dec-91
Dec-92
Dec-93
Dec-94
Dec-95
Dec-96
Dec-97
Dec-98
Dec-99
7%
4%
5%
6%
8%
World Index
Compound growth rates
World Extraction Industries Index – real US$ terms
Figure 4:Variations annuelles des cours de l’or (1988-1998)
250
300
350
400
450
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
US dollars
Au : US$/oz
Face à cette situation,l’industrie n’a pu répondre à ce jour
que par des gains techniques.Cependant,alors que l’on atteint
maintenant des niveaux moyens de rendement du capital qui
sont très faibles, on peut se demander si cette attitude peut
se poursuivre sans changements fondamentaux.
Au même moment, en effet, le monde financier a des
opportunités de placements dont les rendements sont bien
supérieurs à ceux offerts par l’industrie extractive.On peut fai-
re l’hypothèse qu’il va se détourner du soutien aux besoins en
capital de l’industrie minière.Faute de financements,celle-ci ces-
serait de développer les nouveaux projets et une grave crise d’ap-
provisionnement justifierait enfin un repositionnement des
cours significativement et durablement à la hausse.
En d’autres termes,il paraît difficile d’admettre que,struc-
turellement, une industrie aussi fondamentale survive de
cycle économique en cycle économique en étant le jouet de
forces dont la résultante ne permet ni le maintien des
79
Géologues n°124
capacités ni la résolution des nouvelles contraintes liées à
l’environnement et à la vie des communautés humaines atte-
nantes au site minier. L’inconnue reste quand et comment
les “forces du marché” intégreront cette nécessité. Pour le
court terme on peut malheureusement supposer que “l’émer-
gence des e-compagnies” et l’attrait que leur portent les
financiers va accélérer le mouvement en détournant ces der-
niers plus vite encore de l’industrie minière.
Une industrie revenant à des niveaux normaux de ren-
tabilité considérerait évidemment l’exploration d’un œil dif-
férent.
Qu’observe -t-on actuellement?
Toute baisse du cours des métaux entraîne une baisse des
marges brutes et réduit les capacités d’investissement des
compagnies minières. Lexpérience montre que le phénomè-
ne affecte, en premier lieu,leurs budgets d’exploration.Ceux-
ci diminuent d’autant plus vite que la crise perdure.
Selon une étude de “Metals Economic Group, les mon-
tants globaux alloués à l’exploration,qui étaient de 5100 mil-
lions de dollars US en 1997, seraient passés à 3500 millions en
1998 et à 2700 millions de dollars US en 1999. Cela correspond
à une réduction moyenne de près de 50% des budgets,réduc-
tion qui aurait toutefois été moins importante pour les métaux
de base que pour l’or.Ces compressions budgétaires ont pour
corollaire une suspension des opérations à hauts risques com-
me les prospections dites “stratégiques”(prospections régio-
nales, “grass-root”, “greenfield...) et une focalisation des
recherches dans l’environnement géographique des mines
(“around the mines”, “brownfield...) où la rentabilité de chaque
dollar investi est en général meilleure. Pour les grandes socié-
tés minières, ces réductions budgétaires se traduisent en
outre par des restructurations, voire des changements de
stratégie pouvant aller jusqu’à un arrêt de l’activité directe d’ex-
ploration (par exemple, Billiton a allégé son département
Exploration de 200 personnes en 1999 pour développer une
stratégie d’alliances avec des juniors).
Les difficultés des “juniors”pour accéder au marché bour-
sier, initiées en grande partie par les retombées du scandale
de la société Bre-X,ont limité leurs sources de financement et
par voie de conséquence leurs activités sur le terrain. Si les
sociétés les plus vulnérables ont disparu, sont en sommeil
ou ont valorisées comme coquilles juridiques par certains
promoteurs de “e-commerce”, celles qui disposent de bons
actifs vont privilégier des accords de financement avec les
grands groupes en contrepartie d’une prise de contrôle en
cas de découverte. La conclusion d’accords précoces entre
grands groupes et “juniors” et un recours plus systématique
à la sous-traitance offrent donc une voie de survie aux socié-
tés spécialisées.
En effet, l’appel à la sous-traitance, qui peut apparaître
comme une perte d’expérience et de savoir-faire des groupes
miniers en raison de la dispersion de leurs équipes,devrait se
généraliser à l’avenir. Dans ce cadre, les grandes sociétés
minières ne garderaient qu’une équipe dirigeante restreinte
en vue de définir les stratégies et les objectifs, d’évaluer les
indices et les prospects et de prendre les décisions d’inves-
tissement. Les travaux seraient, eux, confiés à des équipes de
plus en plus spécialisées: campagne de géochimie ou de géo-
physique stratégique ou de détail, cartographie de détail,
expertises structurales,pétrographiques ou minéralogiques,
suivi de sondages,évaluation des ressources et des réserves,
pré-faisabilité, études environnementales, etc. Plus globale-
ment, la conclusion d’accords entre grands groupes miniers
et juniors a toujours existé mais semble se généraliser. Ceci
fonctionne comme une sous-traitance globale, et donne sa
chance à l’esprit d’entreprise et au flair”des géologues d’ex-
ploration qui sont tentés par ce jeu à haut risque.
Parallèlement, la mondialisation de l’industrie minière
pousse à la privatisation des dernières entreprises minières
d’Etat et favorise le regroupement des sociétés sous le contrô-
le de quelques très grands groupes.En effet,les années 60 et
70 avaient vu, principalement dans les pays émergents, une
vague de nationalisations à l’image de celle des pays de l’Est
après la seconde guerre mondiale. Ces systèmes ont montré
leurs limites avec des exploitations en perte, une mauvaise ges-
tion (l’Etat privilégiant, paradoxalement,le court terme par rap-
port au long terme), l’impossibilité de licencier des “fonc-
tionnaires”lors de l’épuisement des réserves et donc de fermer
des mines ou des exploitations déficitaires. De nombreux
Etats ont donc cherché à mettre leurs ressources minières
sur le marché avec des succès mitigés,soit parce que les gise-
ments étaient en voie d’épuisement soit parce que les prix
demandés étaient trop élevés (groupe C.V.G. d’aluminium
vénézuélien ou mines de cuivre de Zambie).
De même, dans un souci de rationalisation des produc-
tions et d’amélioration des productivités à tous les niveaux et
devant les énormes besoins en capitaux pour mettre les gise-
ments géants de demain en production (de 500 à plus de
2000 millions de dollars pour les grands gisements de cuivre),
des regroupements, fusions ou prises de contrôle se multi-
plient: rachat de Billiton par Gencor, suivi par le regroupe-
ment des activités Or de Gencor avec celles de Gold Fields of
South Africa, fusion possible d’Alcan-Alusuisse-Pechiney,
fusions d’Asarco-Cyprus-Amax-Phelps Dodge, d’Anglo-De
Beers ou de Nippon Mining et LG Metals en Corée du Sud,
négociations entre Alcoa et Reynolds Metals, etc. Cette ten-
dance semble devoir se poursuivre.
quelques grands enjeux des sciences de la terre au xxi
ème
siècle
80
Géologues n°124
Exploration
Quels seront les types de gisements de demain ?
Il n’y a pas vraiment eu, sur le plan gîtologique et typo-
logique,de découverte majeure ces dernières décennies depuis
l’individualisation,plus particulièrement dans le domaine de
l’or,des processus épithermaux de concentration en ambian-
ce volcanique. Cela ouvre encore de larges perspectives de
prospection de concentrations aurifères disséminées à gros
tonnage dans toutes les chaînes volcaniques récentes à
actuelles. La compréhension de ces processus est d’ailleurs
largement héritée des connaissances acquises sur les sys-
tèmes porphyriques à cuivre et/ou or. Les progrès à attendre
dans l’exploration de ces gisements, qu’ils soient épither-
maux ou porphyriques, viendront principalement d’une lec-
ture plus fine,même à un stade précoce,des altérations asso-
ciées, en termes de zonalité, de chimisme des fluides,
d’ouverture et de fracturation,de réactivité de la roche hôte,
etc... La probabilité d’une mise en évidence de nouveaux types
de gisements répondant aux critères économiques d’aujour-
d’hui et de demain, à savoir très gros tonnages se prêtant à
une mécanisation intensive, ou encore teneurs élevées ou
exceptionnelles permettant de très bas coûts de production,
semble limitée tant pour l’or que pour les métaux de base.
Le géologue continuera donc à s’intéresser en priorité aux
porphyrycuivre et or),aux épithermaux,aux shear-zones
et naturellement,aux gîtes d’altération dont l’importance éco-
nomique est majeure pour Al, Fe, Ni-Co, Au, etc. Cette vision
typologique schématique serait incomplète s’il nétait fait men-
tion des concentrations volcano-sédimentaires et des “SEDEX”
(Zn, Pb-Cu [?]), caractérisées par des minéralisations à granu-
lométrie très fine,auxquelles les progrès en matière de broya-
ge,permettant d’obtenir des mailles de libération de plus en plus
fines,vont redonner de l’intérêt,compte tenu de l’importance
des ressources potentielles de ce type de minerai.
D’une manière plus générale,il est en effet probable que
les gisements de demain seront plus tributaires de l’évolution
et des progrès qui seront faits dans le traitement des mine-
rais que de ceux réalisés dans les connaissances gîtologiques.
Rappelons à ce propos que ce sont les avancées technolo-
giques au niveau métallurgique (lixiviation à haute pression)
qui ont relancé l’intérêt des investisseurs pour les gisements
de nickel oxydés latéritiques. Ceux-ci auraient désormais
autant d’importance que les gisements sulfurés sous réser-
ve de pouvoir apprécier sur le long terme les coûts de cette
nouvelle technique. De même,les possibilités de pouvoir trai-
ter par attaque acide les oxydés de zinc confère une nouvel-
le cote économique à certaines ressources déjà reconnues. Il
est possible que d’autres techniques, comme par exemple la
lixiviation bactérienne des minerais ou des concentrés, per-
mettent de poursuivre, sur le long terme, le progrès techno-
logique et donc d’accéder,dans des conditions économiques,
à de nouvelles ressources en métaux.
Où portera l’effort d’exploration ?
Durant ces dernières années, les budgets consacrés à
l’exploration ont été investis par ordre de priorité décroissant
en Amérique du Sud, en Amérique du Nord, puis en Austra-
lie,en Afrique et enfin en Asie du Sud Est et dans le Pacifique.
Ces investissements tiennent naturellement compte,en pre-
mier lieu, de la fertilité géologique d’une région ou d’un pays,
eu égard à la substance et au modèle typologique recherché,
mais intègrent de plus en plus la notion de “risque pays”. Cel-
le-ci prendra de plus en plus d’importance à l’avenir, compte
tenu de la course” vers les gisements géants avec, en corol-
laire, l’accroissement souvent très significatif des capitaux à
mobiliser au moment de la mise en exploitation. Notons à ce
propos la grande timidité des sociétés minières à investir en
Afrique l’exception de l’Afrique du Sud (s.l.), même dans
des pays “miniers”tels le Congo ou la Zambie ou encore la mise
en sommeil récente de la quasi-totalité des projets en Indo-
nésie, à la suite des changements politiques qui viennent
d’intervenir dans ce pays.
De quels outils le géologue disposera-t-il ?
encore il n’y a pas de révolution en perspective. Les
recherches méthodologiques s’orientent avant tout vers la
mise au point d’outils de prospection les moins coûteux pos-
sibles, qu’ils soient satellitaires, géophysiques,géochimiques
voire technologiques comme les sondages,permettant d’avoir
accès aux concentrations non affleurantes,situées,pour fixer
les idées,dans la tranche des premiers cent mètres.En effet si
les régions affleurantes ou sub-affleurantes des zones tem-
pérées à semi-désertiques semblent avoir fait l’objet d’une
prospection sinon quasi exhaustive du moins systématique,
en raison de leur faible couverture pédologique, l’exploration
reste confrontée à un défi majeur en ce qui concerne la mise
en œuvre de techniques efficaces adaptées aux régions à for-
te altération climatique ou à couverture allochtone (régions
intertropicales et nordiques). Il nest ainsi pas déraisonnable de
penser que les découvertes majeures de demain seront faites
prioritairement dans ces régions, à la fois à la faveur d’avan-
cées technologiques des outils et d’une compréhension accrue
de leur histoire géomorphologique et altérologique.
L’imagerie satellitaire est désormais utilisée en routine en
association avec les traitements de données de type SIG (Sys-
tème d’Information Géographique). Cette démarche néces-
saire et utile, très prisée par les “juniors”pour mettre en valeur
un dossier, ne peut aucunement remplacer les observations
de terrain qui devront reprendre leurs lettres de noblesse.
Géophysique. Lacquisition de données en géophysique
aéroportée (techniques magnétiques, radiométriques et élec-
tromagnétiques à pouvoir pénétrant accru...) devient de plus
en plus systématique avant toute prospection d’envergure
sur le terrain. Le traitement informatique des signaux en
temps réel,combiné à l’utilisation du GPS en vol et sur le ter-
rain,conduit à une meilleure définition et surtout à une loca-
quelques grands enjeux des sciences de la terre au xxi
ème
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