HISTOIRE
1. LA FONDATION DE LA « NOUVELLE ROME »
Constantin Ier le Grand
Constantinople a été fondée sur le site de l'antique Byzance (elle-même fondée en 658 avant J.-C.) par la volonté de l’empereur
Constantin Ier le Grand qui a voulu donner à l'Empire romain une seconde capitale, plus proche des provinces menacées par les
Barbares des Balkans et les Perses sassanides. Construite entre 324 et 336, la « Nouvelle Rome » a été inaugurée le 11 mai 330.
Capitale politique par la présence continue de l'empereur dès le ve siècle, religieuse par le siège du patriarcat d'Orient,
intellectuelle grâce à son université (fondée en 330), économique par sa position au carrefour des grandes routes commerciales,
Constantinople est protégée par une double enceinte militaire murs de Constantin Ier (ive siècle) et de Théodose II (ve siècle) ,
complétée, sur ses trois faces maritimes, d'importantes fortifications qui la préserve de tous les assauts jusqu'en 1204.
2. UNE CAPITALE POLITIQUE
Juridiquement, Constantinople est dès sa fondation l'égale de Rome. L'ancienne boulê de Byzance, transformée en sénat, joue un
rôle politique essentiel jusqu'en 1453 ; son approbation est indispensable à la légitimation du pouvoir impérial et son avis est
sollicité par les empereurs. Le souverain recrute les membres de la haute administration et du consistoire. Le premier des
sénateurs, membre de droit du consistoire, est le préfet de la ville (ou éparque), qui gère la cité et préside le tribunal impérial en
l'absence de l'empereur.
Peuplée de 400 000 habitants au vie siècle, Constantinople voit sa population divisée en quatre factions groupées deux à deux
les rouges et les verts, les blancs et les bleus , dont les couleurs sont portées et défendues par les cochers des courses de chars
de l'hippodrome. Les deux factions les plus importantes sont les bleus (population strictement orthodoxe des quartiers
aristocratiques, les Blachernes) et les verts (population des quartiers pauvres de Sainte-Euphémie, sur la Corne d'Or). Les factions
s'unissent parfois ( sédition Nika en 532, soulèvement de 602) pour défendre leurs libertés contre l'arbitraire impérial. Après 610,
l’empereur Héraclius Ier limite leur rôle à l'organisation des jeux et les organise militairement en les rattachant à la garde impériale.
3. UNE PUISSANCE ÉCONOMIQUE
3.1. LE PLUS GRAND COMPTOIR DU MOYEN ÂGE
Constantinople sera, en effet, jusqu'en 1453, le plus grand emporium du Moyen Âge. Principal entrepôt des produits orientaux
(soie grège et épices) dès le vie siècle, au détriment d'Alexandrie et d'Antioche, la capitale impériale reçoit en outre, par les ports
de la mer Noire, le blé scythe ou bulgare, les esclaves slaves, les pelleteries du Nord, l'ambre de la Baltique ; d'Asie Mineure et de
Méditerranée affluent l'alun de Phocée, le henné de Chypre, les vins de Crète et de Grèce. D'Occident parviennent les blés et les
vins d'Italie, le sel de l'Adriatique, les bois de Dalmatie, les esclaves des Balkans.
3.2. LE CENTRE DES INDUSTRIES TEXTILES
L'importance de son activité commerciale contribue à faire de Constantinople le centre industriel de l'Empire : l'étroit contrôle
imposé par l'État aux fabrications et aux exportations byzantines est facilité par la concentration en une seule ville de toutes les
industries, qui sont essentiellement des industries de luxe, transformant les matières premières importées en produits fabriqués de
haute valeur. Parmi elles, les textiles occupent la première place : travail du lin par la corporation des lintearii ; tapisserie de haute
laine, dont l'art, directement inspiré de modèles égyptiens ou iraniens, se perpétue jusqu'au xve siècle ; travail de la soie, effectué
soit dans les gynécées du Grand Palais, soit dans les manufactures privées, dont l'expansion est favorisée par l'introduction de
l'élevage du ver à soie dès 552. Mais, étant donné la valeur marchande de ses productions, l'industrie des soieries reste sous le
contrôle étroit du gouvernement, représenté par un exarque ; celui-ci, nommé par le préfet de la ville, veille à l'application des
règlements de l'État par les cinq corporations chargées de l'achat, de la fabrication et de la vente de la soie et des étoffes, dont
Constantinople conservera le monopole jusqu'au xiie siècle.
Parallèlement à ces industries textiles se développent celles de la teinture du dessin et de la broderie d'or, d'argent et de perles
fines, qui contribuent à rehausser la somptuosité des étoffes, indispensable à la majorité des cérémonies auliques et religieuses se
déroulant dans la capitale.
3.3. LA CAPITALE MONÉTAIRE DU MONDE MÉDIÉVAL
Enfin, Constantinople a, en fait, le quasi-monopole des industries purement artistiques de l'émaillerie, de la glyptique, de la taille
des pierres dures, de l'ivoire et de la peinture sur manuscrits. Les articles ainsi fabriqués contribuent à augmenter la masse des
produits faisant l'objet de transactions à Constantinople, où les activités commerciales se groupent le long de la Mesê (« rue
centrale »), qui est bordée, de chaque côté, de portiques à deux étages, au fond desquels s'ouvrent, dès le ve siècle, des
« auditoria » ou sous lesquels sont installées des tables de vente ; mais c'est dans l'agora, section de la Mésê comprise entre le
forum de Constantin et le Grand Palais, que sont groupés les marchés les plus importants (un par profession), dont le plus actif est
celui de l'or et de l'argent; le gouvernement a d'ailleurs regroupé les boutiques des changeurs (trapezitai) byzantins pour mieux les
surveiller ; toutes les espèces monétaires affluent, en effet, à Constantinople pour alimenter son important commerce d'échanges
et contribuent à faire de cette cité la capitale monétaire du monde médiéval.
3.4. VERTUS ET RISQUES DU COSMOPOLITISME
L'activité commerciale de Constantinople est à l'origine de l'afflux des marchands étrangers dans la ville, où ils constituent des
colonies. Les premières sont établies hors de la cité, dans le faubourg de Saint-Mamas, sur le Bosphore : ce sont celles des
Bulgares (sans doute dès le début du viiie siècle) et des Russes (fin du viiie-début du ixe siècle). Mais les plus importantes colonies
étrangères sont les italiennes ; après les Vénitiens, établis à Constantinople dès le xe siècle et placés sous la juridiction et la
protection du logothète du drome (992), apparaissent les Amalfitains, qui sont les premiers Italiens à s'établir d'une manière
permanente dans la capitale impériale (ixe-xe siècles) avant d'être subordonnés à Venise, par Alexis Comnène, en 1082. Les
privilèges concédés à cette date par cet empereur aux Vénitiens marquent un tournant dans la vie de Constantinople et dans celle
de l'Empire, car, pour la première fois, des étrangers se voient attribuer la franchise douanière complète dans le port de la capitale
ainsi qu'un quartier entier à Galata ; en 1111 les Pisans, en 1155 les Génois reçoivent des privilèges analogues, sauf en matière
de douanes, dont les droits ne sont abaissés en leur faveur qu'à 40 % ad valorem.
Cette pénétration étrangère s'accentue aux xiie et xiiie siècles, le gouvernement impérial tentant, mais en vain, d'empêcher que, du
fait des croisades, les courants commerciaux qui ont fait la fortune de Constantinople ne soient détournés vers les ports du Levant
latin ; la multiplication des privilèges consentis dans ce dessein aux marchands occidentaux ne fait que consacrer le déclin de la
cité impériale, dont le port n'est plus sillonné par des navires byzantins, mais par des bâtiments italiens, auxquels on confie même
la défense maritime de l'Empire ; le caractère cosmopolite de la ville en est accentué, et son climat social altéré, tant du fait de la
rivalité opposant les Italiens les uns aux autres (pillages du quartier génois par les Pisans et les Vénitiens en 1162 et en 1169) que
de l'hostilité dressant les Byzantins contre les étrangers (soulèvement de 1182).
3.5. VERS LE DÉCLIN
La prise de Constantinople par les croisés, en 1204, et la création de l'Empire latin accélèrent un déclin économique et politique
dont les Vénitiens sont alors les principaux bénéficiaires. Le retour des Byzantins, en 1261, entraîne celui des Génois au détriment
de leurs rivaux ; pourtant, un équilibre finit par s'établir entre les deux républiques marchandes présentes à Constantinople ; il se
réalise finalement aux dépens de cette ville, à l'intérieur de laquelle les Vénitiens, à Galata, les Génois, à Pera, finissent par
constituer de véritables États indépendants, dont les chefs, les podestats, interviennent de plus en plus souvent et de façon
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