II- ETUDE DES DIMENSIONS NARRATOLOGIE A) Etude de l’espace-temps (Afrique Europe) Selon le dictionnaire Le Petit Robert1, « l’espace tiré du latin spatuim désigne un lieu plus ou moins bien délimité où peut se situer quelque chose. Mesure de ce qui sépare deux points, deux lignes, deux objets ; distance écart » ; l’espace est aussi « Milieu abstrait ; milieu idéal, caractérisé par l’extériorité de ses parties dans lequel sont localisées nos perceptions, et qui contient par conséquent tous les étendues finies ». La notion d’espace est étroitement liée à la création littéraire. Qu’il soit romanesque, poétique ou théâtral, « l’espace littéraire2 » occupe une place importante dans la recherche scientifique. Pour une grande partie des chercheurs, il est souvent question de s’intéresser aux significations diverses des cadres spatiaux. Ki-Jeong Song3 a porté sa réflexion sur « La Sémiotique de l’espace » (Song, 2012), Kristina Kohoutová4 sur le « Rôle du temps et de l’espace » (Kohoutová, 2010). Certains critiques y ont eux aussi consacré leurs ouvrages à l’étude de cette thématique. Maurice Blanchot publie en 1955 L’Espace littéraire et Florence Paravy L’Espace dans le roman africain francophone contemporain en 1999. Pour ces spécialistes de la littérature, l’étude de l’espace s’intéresse au sens profond de chaque cadre spatial représenté dans les œuvres littéraires. Dans plusieurs romans négro-africains comme les soleils des indépendance (1970) d’Amadou Kourouma, Le Revenant (1976) d’Aminata Sow Fall pour ne citer que ceux-là, c’est surtout la différence entre la ville et le village qui est mis en avant. Le roman en général et africain en particulier, le recours à la notion d’espace est très courant. Les données spatiales occupent ainsi une place importante dans l’univers romanesque africain. Dans notre étude sur l’espace dans l’œuvre de Mabanckou et de Gaston Paul Effa, il ne s’agira pas pour nous de s’intéresser à la différence entre l’Afrique et l’occident mais plutôt montrer que l’espace occupe trois dimensions : psychologique, culturel et sociale. Ces trois 1 Nouvelle édition du Petit Robert de la langue Française de Paul Robert, p.926. 2 Jacques Cortès, « Préface. L’Espace littéraire : plaisir et anxiété de lire », Synergies, n° 21, p. 7-13, 2014, p.12. Song Ki-Jeong, « La Sémiotique de l’espace dans l’œuvre de Le Clézio. Le cas de La Quarantaine » Proceedings of the 10th World Congress of the International Association for Semiotic Studies, p. 371-382. 3 Kohoutová Kristina « Rôle du temps et de l’espace dans l’œuvre autofictionnelle de Patrick Modiano », Études romanes de Brno, n° 2, p. 39-46. 4 dimensions représentent le lieu de l’intrigue et de l’espace de la fiction. Comme l’a souligné Antje Ziethen5 dans son étude sur La Littérature et l’Espace, celle-ci a fait ressortir la pensée de l’espace romanesque de certains théoriciens comme Jean Weisgerber et Henri Mitterrand. Pour jean Weisgerber, l’espace dans un roman est « celui où se déroule l’intrigue » ou encore « l’espace fiction » voire les « coordonnées topographiques de l’action imaginée et contée ». Mitterrand quant à lui, considère que l’espace est « le lieu qui fonde le récit. Parce que l’évènement a besoin d’un ubi autant d’un quid ou d’un quando ; c’est le lieu qui donne à la fiction l’apparence de la vérité ». Aussi, Roland Bourneuf explique l’importance de l’espace en tant qu’élément constitutif d’un récit dans une étude du roman Madame Bovary de Gustave Flaubert où il déclare que : « Le roman se déroule sur deux plans spatiaux, qui correspondent à deux plans psychologiques, « la réalité » d’un coin de province et le « rêve » de pays lointain.6 » C’est à partir de toutes ces réflexions de l’espace que nous organiserons notre étude sur l’espace dans les deux œuvres. a) Etude de l’espace dans Bleu Blanc Rouge Comment l’espace est-il représenté d’un point de vue psychologique ? Au nkiveau psychologique l’espace cest faot sious un etat d’hypnose masslala est emprisonné dans les propos de moki il reve de réussir en europe et ne veut pas sortir de ce reve de réussite Tout a été préparé de façon minitueuse par le grand frere Comment l’espace est représenté d’un point de vue culturel ? Comment l’espace est représenté d’un point de vue social ? Relever les éléments dans le texte (indices textuels) Les éléments littéraires de la représentation l’espace (figure de style, le temps, Dans la narration du récit de Mabanckou, l’espace occupe une place importante. L’auteur effectue un va-et-vient incessant entre l’Europe et l’Afrique à partir des souvenirs du personnage. La variation de l’espace peut être considérée en premier lieu comme le Antje Ziethen, la Littérature et l’Espace, https://www.erudit.org/fr/revues/arbo/2013-n3-arbo0733/1017363ar/ 5 6 Bourneuf Roland et Ouelle Réal, L’univers du roman. Paris,1972, Presses Universitaires de France, p.102. rapprochement qui existe entre deux univers distincts grâce aux mouvements alternatifs qu’effectue le narrateur. L’espace dans l’œuvre se retrouve donc à prendre trois dimensions. Nous avons dans un premier temps l’espace psychologique, ensuite l’espace culturel puis enfin l’espace sociale. Le personnage se situe au tout début du récit dans une zone bien déterminée qui est la prison qui représente l’ouverture de l’œuvre. Cette ouverture nous ait relaté par un personnage autodiégétique qui se retrouve dans cet espace. La prison symbolise un espace physique mais aussi psychologique de l’échec de son immigration. En effet, le personnage se remémore ses pensées, il est perdu dans cet espace et essaie de lui donner un ordre. Pour ce faire, le personnage plonge le lecteur dans la réalité d’un coin de province selon les propos de Bourneuf. Grâce aux souvenirs qu’il a d’un autre endroit, et à un autre moment, ces lieux se rapprochent. Le premier espace qu’on retrouve dans le roman est l’espace intitulé Le pays. Dans cet espace, Mabanckou nous centre dans la fiction d’un quartier de Pointe Noire où se déroule la moitié de l’intrigue du roman. Il est intéressant de noter que cette structure de l’espace ne se centre que sur un quartier de la ville. Aucun autre endroit n’y est mentionné et affecté, ce que l’on pourrait considérer comme un espace clos. Dans les travaux d’Assane N’Diaye7 il définit l’espace clos comme étant tout lieu fermé ; il peut s’agir de l’intérieur d’une voiture, d’une maison, entre autres. Ce quartier va constituer l’espace clos des souvenirs et en même temps représenté le lieu d’origine du personnage. Dans cet espace clos, les habitants vivent au quotidien le rêve bleu blanc rouge, là où se renferment les idées, les conceptions. Le symbolisme de Paris est fortement représenté par les habitants qui se projettent constamment dans l’imaginaire parisien grâce aux parisiens qui, chaque été, nourrissent le quartier de la fiction de cette ville lointaine. Tous rêvent de découvrir Paris, tous se projettent dans le monde parisien. Ainsi, dans cet espace clos, les identités changent. C’est pourquoi, dans le récit, des personnages qui n’ayant jamais vécu le phénomène de l’immigration s’y projettent. On comprend à travers cette projection que ceux-ci vivent un exil imaginaire, là ou il est permis de réussir. Paris devient dans cette optique un récit de voyage et de concrétisation du rêve grâce au Parisien qui une fois se retrouvant dans son pays d’origine fait vivre les envies et les désirs. Dans un premier temps, Assane N’Diaye *PARTIE_II_LESPACE_DANS_LA_LITTERATURE.pdf, https://www.academia.edu/45653507/PARTIE_II_LESPACE_DANS_LA_LITTERATURE 7 Aussi il est intéressant de noter que cet espace à une double caractéristique. Il est à la fois hostile parce que la possibilité d’être un Parisien ne peut se faire que lorsqu’on prouve une immigration réussie aux habitants du pays. C’est pourquoi, le Parisien, le vrai, cache le reflet de sa souffrance à travers un masque de la réussite. Dans un second point cet espace se retrouve à être paisible pour le Parisien qui d’une certaine manière peut se sentir à son aise dans son pays d’origine et n’est donc pas obliger de vivre une vie de clandestin et de faussaire sur sa terre natale. Cet espace paisible s’avère utile aussi pour l’habitant du pays car il peut quant à lui vivre son rêve dans le monde africain en mimant les habitudes des vrais parisien, mais aussi en étant excepté des souffrances vécues par le parisien à Paris. Ainsi, nous pouvons voir que l’espace psychologique du rêve de l’immigration agit sur l’espace sociale. On retrouve par exemple dans l’œuvre le père de Moki qui occupe une fière présence dans le récit. Etant donné qu’il a un fils à Paris, dans l’espace sociale africain, il est aussi l’image de la réussite de Paris. Dans les discours et l’attitude du père, Paris est et restera l’espace de réussite dans sa conception. Pour preuve, grâce à son fils il est lui aussi parisien dans l’espace africain. Son statut change du jour au lendemain à cause des dons et de l’argent que lui envoie son fils depuis Paris. De plus il s’y connait dans l’histoire de la France et de ses différentes colonies. Il a fait sienne de cette culture de l’école coloniale au point d’être victime de’une certaine « colonisation mentale » dont parle Frantz Fanon, du fait qu’il accorde une grande valeur luimême à la France et met en scène une familiarité avec des figures de la colonisation qu’il n’a jamais vu tel que le générale de Gaulle. C’est pourquoi il ne manque pas de faire comme son fils à enseigner ce qu’il a appris à l’école sur les différents présidents de France en particulier le générale de Gaulle Ainsi tous les habitants de cet espace ont une profonde admiration et considération pour ce dernier. Ce . Cette estime est accentuée surtout lorsque son fils rentre en visite de Paris. Il réserve un accueil digne de ce fils qui est maintenant « Parisien » en organisant une grande fête avec toute la famille et les amis Son père maintient cette image dialectique entre ces deux mondes opposés, Mabanckou dans son œuvre fait le portrait de ces personnages qui n’ont jamais vécus On a comme exemple dans l’œuvre le parisien Moki qui fait un retour à sa terre natale. Dans son pays, les relations sociales deviennent un jeu de rôles auquel tous les protagonistes participent. Moki dans l’espace de son pays change d’attitude, il se comporte en Parisien, celui dont la situation sociale est épanouissante. Le parisien en effet, est le congolais qui a réussi son immigration et qui possède un certain nombre d’attributs nécessaires. On voit à partir de cela une mise à distance de la réalité : le Parisien n’est pas obligé de ressembler à un habitant de Paris, c’est plutôt une pure construction qui mélange des phénomènes culturels locaux comme la sape, avec un ensemble de stéréotypes et de signes extérieures de réussites qui vont faire croire à cette identité parisienne. Etant donné que le parisien Moki adopte une attitude de sapeur à paris et qu’il a même été nommé meilleur sapeur, les jeunes de sa communauté en font de même. Grâce à Moki un tant soit peu ils se retrouvent à voyager en esprit et en attitude dans l’espace parisien. A ce propos Mitterand définit l’espace initialement comme le « champ de déploiement des actants et de leurs actes, comme circonstant, à valeur déterminative, de l’action romanesque » (Mitterand 1980 : 190) On comprend d’or et déjà que cette jeunesse est influencée par l’espace Parisien grâce au parisien Ils adoptent en générale une attitude des personnes qui se projettent dans le milieu parisien dans leur pays. A ce propos, Par exemple, un Parisien a la peau plus blanche que ses congénères. Il a un certain embonpoint. Il parle le « vrai français ». Il ne supporte pas la chaleur. Bien sûr, tous ces éléments sont une construction. Moki se fait blanchir la peau à l’aide de cosmétiques destinés à cet usage, et on apprend qu’une fois en France, les immigrants se forcent à manger pour grossir en vue du retour au pays, quitte à prendre des comprimés qui leur font gagner du poids. Le retour au pays de Moki est entièrement théâtralisé. L’édifice narratif est consolidé par le jeu de rôles auquel se livre ce dernier, un jeu qui prend tout son sens une fois qu’on a lu la deuxième partie du roman. Moki ne mange qu’en public, il refuse de consommer la nourriture locale – alors qu’en France, les immigrants vont chercher leur nourriture au marché africain de Château Rouge. Ce n’est qu’au pays que Moki est un Parisien. Dans ce jeu de fauxsemblants, il se fait appeler l’Italien en France parce qu’il fait le commerce de costumes qu’il va – ou prétend aller – chercher en Italie. Sa performance culmine au cours d’un monologue à la buvette qui le rend aphone où il explique comment il est devenu maître dans l’art de la sape, où comment il a revêtu le costume qui l’a finalement propulsé a Paris. Car bien évidemment dans l’univers de Moki, l’habit, comme le discours, fait le Parisien. La performance narrative est reprise et diffusée par son père ; le mensonge devient ainsi une élaboration collective, familiale puis sociale. Le père de Moki décrit la saison hivernale en France avec un véritable talent de romancier, sa description ressemble à de la prose 77 poétique avec l’utilisation de personnifications (les arbres et les rues), d’allitérations en « r » et en « s » et le rythme ternaire, talent d’autant plus nécessaire qu’il n’a jamais connu l’hiver : « … vous savez l’hiver, c’est cette saison où les arbres sont endeuillés, les oiseaux se font rares, les rues traînent une tristesse… » (p. 49) Dans la prose du père de Moki, la tristesse et le froid de l’hiver ne font que renforcer le caractère quasi-mythique des Parisiens qui ont traversé cette épreuve initiatique inconnue des habitants du village. Le savoir de Moki est transmis directement à son père, comme de manière héréditaire, si bien que le père, qui n’est jamais allé en France, est à même de fournir une comparaison pour décrire la neige à ceux qui ne la connaissent pas : « Oui la neige c’est… comment vous expliquer ça ? C’est comme de la mousse de bière mais c’est un peu plus dur que ça » (p. 49) Comment se construit ce mythe ? Pourquoi les congolais ne révèlent-ils pas la vérité à leurs voisins et amis, pourquoi ne cherchent-ils pas le réconfort auprès de leur famille lorsqu’ils découvrent la « réalité nue », l’horreur que représente en fait ce voyage tant espéré. Massala-Massala va le découvrir à son corps défendant : une fois arrivé à Paris, cruellement déçu et en plein mal du pays, il envisage d’écrire une lettre à ses parents qui lèverait le voile sur les véritables conditions de vie des migrants, mettrait fin au mensonge et briserait le système collectif de mystification. Mais Moki révèle son véritable rôle. En tant que fabricateur, protecteur et transmetteur du mythe, il se doit d’empêcher cette révélation. Il montre à Massala-Massala la lettre modèle dont il doit s’inspirer s’il veut communiquer avec ceux restés aux pays, une « lettre destinée à une copine au pays », la « lettre type que tout le monde recopiait ». Cette lettre sans auteur ajoute sa brique à l’édifice du mensonge fait de stéréotypes et d’exagération : Ma chère Marie-Josée Je t’écris en face de la tour Montparnasse que je contemple chaque matin depuis la salle de bains de notre magnifique appartement du quatorzième arrondissement. L’été vient de s’achever sur la plus belle ville du monde. Nous allons entrer vers l’automne, pour ensuite admirer la splendeur de la neige en hiver (…) (p. 133) Suit une liste des achats du « Parisien avec un grand P », des cadeaux à sa belle aux habits de grandes marques. On voit la manière dont la lettre conserve quelques éléments appartenant à la réalité : la sordide chambre de bonne dans lequel s’entassent les immigrants illégaux est bel et bien situé dans le quatorzième arrondissement de Paris, sans doute la tour Montparnasse n’est-elle pas très loin. A coups de qualificatifs et d’exclamations, la lettre recouvre le sordide de la situation. Après cette tentative, Massala-Massala renonce plutôt à tout contact avec le Pays. Selon les habitués, ce n’est pas plus mal, c’est une façon de En effet, Mabanckou montre dans cette première partie que les personnages se cramponnent aux discours Cet espace est l’espace de la réalité africaine, l’espace ou vivent les protagonistes dans le rêve d’une meilleure vie en occident. Mabanckou situe ses protagonistes se laissant voyager l’esprit par l’imagination de l’Europe. Cette imagination de l’Europe qu’il sera son récit dans deux espaces distincts qui sont le pays qui représente un quartier de Pointe Noire au Congo et Paris pour faire penser à l’exil pour l’Europe. Dans la représentation de l’espace du pays, l’auteur expose la création d’un mythe. Les habitants Dans le récit de Mabanckou, l’espace se situe dans deux dimensions précises, on a l’espace de la réalité et l’espace du rêve. L’espace du rêve peut être représenté par l’espace de la