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Jean Webster
Papa- Longues-Jambes
Illustrations de Jean Webster
Pour to
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Jean Webster est née le 24 juillet 1876 à Fredonia, État de New York, dans un milie
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avorable à la littérature puisque son père était éditeur et que son oncle maternel n'étai
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utre que Mark Twain l Les deux premiers ouvrages qu'elle publie : Pathy and Priscilla e
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ust Patty sont une peinture vivante de la vie des lycées et des universités. Suivront quatr
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omans. Mais c'est en 1912, avec Papa-Longues-Jambes, qu'elle connaît un succès aussi bie
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û au livre, qu'au film et à la pièce de théâtre qui en furent tirés. La suite, Dear Enemy, fu
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ublié en 1915, année de son mariage. Elle devait mourir le 11 juin 1916, peu aps l
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aissance de sa fille.
« Mercredi, jour maudit »
Le premier mercredi du mois était un jour parfaitement abominable qu'o
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ttendait dans l'horreur, qu'on supportait avec courage et qu'on se hâtait d'oublier. Ce jour-
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es parquets devaient être impeccables, les chaises sans un grain de poussre, les lits sans u
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li. Quatre-vingt-dix-sept petits orphelins, se tortillant comme des vers, devaient tour à tou
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tre nettos, peignés et boutons dans leurs blouses de vichy fraîchement empesées ;
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uatre-vingt-dix-sept petits auxquels il fallait rappeler les bonnes manières ; en particulie
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ue l'on devait dire « Oui, monsieur», «Non, monsieur », chaque fois qu'un membr
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ienfaiteur leur adressait la parole.
C'était une journée pénible, qui reposait entièrement sur les épaules de la pauvre Jerush
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bbott, l'aînée de l'orphelinat. Mais ce mercredi-là, comme tous ceux qui l'avaient précédé
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rriva pourtant à son terme. Jerusha sortit en hâte de l'office où elle venait de terminer les
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andwiches pour les hôtes de l'institution et monta à l'étage pour accomplir sa tâch
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uotidienne. La chambre F en particulier requérait tous ses soins. Là, onze petits bambins, d
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uatre à sept ans, occupaient une rangée de onze petits lits. Jerusha rassembla ses troupes
,
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issa les habits chiffons, moucha les nez, puis mit en rangs les chers petits et les fit avance
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ers le réfectoire où ils allaient recevoir un goûter substantiel composé de pain, de lait et d
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udding aux pruneaux.
Enfin elle se laissa tomber sur la banquette près de la fetre et appuya ses tempes
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rûlantes contre le carreau glacé. Debout depuis 5 heures du matin, elle n'avait cess
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'exécuter les ordres de chacun, réprimandée et houspillée tout au long de la journée par un
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irectrice acariâtre. Quand elle ne jouait pas son rôle devant un public composé de membres
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u comité de bienfaisance et de dames en visite d'inspection, Mrs. Lippett oubliait volontiers
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'air digne et solennel qu'elle affectait en pareille occasion. Au-delà des grilles de fer qu
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arquaient les limites de l'institution, le
regard de Jerusha se porta vers la vaste plaine gee et, plus loin, vers le sommet des
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ollines ondulées, émaillées çà et là de grandes proprs, en direction des fches du villag
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ui se dressaient, là-bas, au milieu des arbres dénudés.
La journée s'achevait — avec assez de succès, lui semblait-il. Les membres du comit
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'inspection avaient fait leur tournée et lu leurs rapports, et après avoir bu leur tasse de thé
,
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ls se dépêchaient maintenant de rentrer dans leurs foyers. Là, ils allaient retrouver leur coi
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avori près de la cheminée et ils oublieraient leurs pénibles responsabilis jusqu'au mois
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rochain. Jerusha se pencha en avant, regardant avec curiosité - et un brin de nostalgie - l
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ongue file des voitures et des automobiles qui franchissait les portes de l'orphelinat. Ell
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uivit en imagination un équipage après l'autre, jusqu'aux belles demeures qu'on apercevai
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u flanc de la colline. Elle s'imaginait, portant un manteau de fourrure et un chapeau
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lumes en velours, s'installer confortablement dans son siège et dire au cocher d'une voi
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onchalante : « À la maison. » Mais passé le seuil de la porte, la vision s'évanouissait.
Jerusha avait de l'imagination — une imagination qui lui jouerait des tours si elle n'
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renait garde, lui avait dit Mrs. Lippett. Pourtant, aussi vive qu'elle fût, elle ne lui permettai
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as d'aller au-delà du porche d'entrée des maisons dans lesquelles elle rêvait de pétrer
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auvre petite Jerusha, ardente et romanesque ! Malgré ses dix-sept ans, elle n'avait encor
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amais franchi le seuil d'une maison ordinaire, et elle avait du mal à s'imaginer la vie de ces
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ens qui se contentaient tout simplement de vivre, sans avoir à s'occuper d'orphelins.
« Je-ru-sha Ab-bott
On te demande
Au bureau
Et je pense
Que tu ferais mieux
De te dépêcher ! »
Tommy Dillon, qui faisait partie de la chorale, arrivait en chantonnant à l'étage. So
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hant parvenait à Jerusha depuis le corridor et devint de plus en plus distinct à mesure qu'i
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e rapprochait de la chambre F. Jerusha s'arracha à la fetre et reprit contact avec la sombr
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éalité.
Qui me demande ? dit-elle d'une voix anxieuse, interrompant la chanson de Tommy.
« Mrs. Lippett au bureau
Et je crois bien qu'elle est
Zozo
Ah-a-men ! »
Mais son ton n'était pas tout à fait railleur. Même le petit orphelin le plus endurc
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'aurait pu s'empêcher d'éprouver quelque sympathie pour la grande sœur prise en faut
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u'une directrice mécontente faisait appeler au bureau. Or Tommy aimait bien Jerusha
,
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ême si celle-ci le bousculait parfois en le tirant par le bras ou lui arrachait presque le nez e
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e mouchant.
Jerusha sortit sans rien dire, le front barré par deux plis profonds. Qu'est-ce qui n'allai
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as ? se demandait-elle. Est-ce que les sandwiches n'avaient pas été coupés assez fin ? o
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ien avait-elle oublié des coquilles dans les gâteaux aux noix ? une des visiteuses avait-ell
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emarqué le trou dans la chaussette de Susie Hawthorne ou — comble de l'horreur ! — l'un d
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es petits chérubins de la chambre F avait-il osé répondre « grossièrement » à l'un des
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embres bienfaiteurs ?
En bas, les lampes du hall n'étaient pas encore allumées et, comme elle descendait les
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arches, un dernier visiteur se tenait sur le seuil de la porte d'entrée, prêt à partir. Jerush
a
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e retint de lui qu'une impression fugitive, celle d'une silhouette démesument longue. L
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ras levé, l'homme faisait signe à une automobile stationnée au détour de l'allée. Tandis qu
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