convenances invincibles et fatales entre une nation et le
territoire qu’elle habite. Une nation est une personne ;
l’histoire est la biographie de cette personne.
Quand nous sommes ainsi accoutumés à ce peuple, que
nous l’avons vu dans le succès et dans les revers, dans la
guerre et dans la paix, passant par ces épreuves de la double
fortune auxquelles on reconnaît le caractère des nations
comme celui des individus, c’est le moment d’entreprendre
l’étude des autres branches de sa littérature. Nous sommes
préparés à goûter ses poètes, à comprendre l’autorité de ses
orateurs, à juger ses philosophes et ses critiques. Au lieu de
les lire en tâtonnant, accompagnés du commentateur qui
nous fourvoie le plus souvent, ou qui nous refroidit quand il
nous éclaire, leurs historiens, en nous faisant de leur pays,
nous ont mis à même de les lire couramment, comme des
auteurs familiers. Nous ne sommes pas rebutés, dans un
beau morceau de poésie, dans une harangue, dans un traité
philosophique, par une sorte d’archéologie à laquelle nous
n’avons pas été initiés, et, en même temps que nous y
admirons ces belles pensées qui sont du domaine de
l’homme dans tous les pays et dans tous les temps, nous
voyons en quelque sorte la physionomie particulière de
l’esprit humain dans un temps et dans un pays déterminés.
Cicéron, dans ses ouvrages philosophiques, ne sera pas
seulement un des bons moralistes du monde, ce sera le
moraliste romain. Horace ne sera pas seulement un lyrique
ou un satirique, ce sera le lyrique un peu artificiel d’un pays
où l’on ne rêvait guère, ce sera le satirique d’un peuple chez