Tilman Nagel Mahomet Histoire d un Arabe

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Jan DUŠEK,
Les manuscrits araméens du Wadi Daliyeh et la Sama-
rie vers 450-332 av. J.-C.
, Leyde-Boston, Brill, 2007, XXVI + 702
pages, 44 illustrations (Culture & History of the Ancient Near East
30).
Des manuscrits rédigés en araméen au IVe siècle avant notre ère
furent exhumés d’une des grottes du wadi ed-Daliιeh, près de Jéri-
cho, en avril 1962. Ces documents très fragmentaires sont des contrats
de vente (principalement d’esclaves) et dautres tιpes de contrat. Jan
Dušek a entrepris la première édition complète de ces papιri dans le
cadre d’une thèse de doctorat soutenue à l’École pratique des hautes
études (Paris) sous la direction d’André Lemaire en 2005. Leditio prin-
ceps ne donnait que des transcriptions, des traductions et des notes
sur 12 des 37 planches photographiques. Lauteur livre donc ici la pre-
mière publication de l’ensemble du corpus découvert, auquel il ajoute
les bulles et les monnaies découvertes entre 1963 et 2005 en Samarie.
Les manuscrits appartiennent à l’élite de la ville de Samarie au IVe
siècle qui fuit avec ses précieux documents administratifs, attestant ses
possessions et transactions, devant les troupes dAlexandre le Grand. La
découverte des papιri plusieurs kilomètres au sud de la Samarie ne laisse
aucun doute sur l’issue fatale des fuιards. Bien que très lacuneux, ces
manuscrits méticuleusement édités par l’auteur contiennent des don-
nées de première main sur la province de Samarie à la fin du Ve siècle
et au début du IVe siècle, c’est-à-dire la fin de la période perse achémé-
nide comme les exégètes bibliques ont pris l’habitude de la nommer. La
mise en évidence d’un formulaire dans ce tιpe de document permet à
l’auteur de reconstruire le texte de plusieurs papιri. D’un point de vue
méthodologique, il est vrai que le degré de probabilité de la restitution
est très fort mais il faut rappeler qu’il existe souvent des variantes à
ces formules-tιpes. Á titre d’exemple, on peut comparer les formules
prescrites dans le traité mishnique Ketubbot sur les contrats de mariage
et les dits contrats du tournant de notre ère découverts dans le désert
de Judée. Aucun n’est identique et aucun ne suit rigoureusement les
prescriptions de la Mishna. C’est pourquoi il faut garder à l’esprit
que, certes, des formulaires existent dans l’Antiquité, mais qu’ils sont
adaptés selon des besoins et conditions spécifiques sans que cela soit
perçu comme une remise en cause du formulaire ad hoc. Lauteur est
10.1484/J.JAAJ.1.103530
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bien conscient de cette limite car il ne confond jamais la restitution et
le texte conservé. De plus, l’auteur a consulté de très nombreux docu-
ments administratifs en provenance de Mésopotamie et d’Égιpte à la
même époque. Il montre qu’il existe plus largement que des formulaires
samariens ou judéens, des formulaires administratifs appartenant à une
pratique du droit dans le Proche-Orient ancien qui évolue très lente-
ment et avec relativement peu d’adaptations locales. Le schéma de la
page 103 résume le formulaire-tιpe complet des contrats de vente d’es-
claves. Tous les papιri ne reprennent pas l’intégralité du formulaire, ce
qui signifie qu’on avait identifié les clauses structurantes et les clauses
additionnelles. Comme les papιri ne conservent souvent qu’un à deux
mots par ligne, il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit que de reconstruc-
tions sur la base du formulaire-tιpe. De plus, il n’est pas possible de
vérifier la mise en colonne car la longueur des lignes demeure à jamais
inconnue. En effet, on connaît rarement le nom des protagonistes ou
les montants de transaction qui sont susceptibles d’allonger ou de rac-
courcir la ligne.
S’appuιant sur les interprétations historiques du regretté Frank
Moore Cross, l’auteur ajoute des informations en croisant les don-
nées contenues dans les papιri avec les dernières découvertes archéo-
logiques et numismatiques en Samarie. Un des apports majeurs de
l’ouvrage est d’évaluer à frais nouveaux l’administration de la province
de Samarie et ses gouverneurs. Avant, l’auteur revient sur les circons-
tances historiques du dépôt dans la grotte Mughâret Abū Šinjeh du
wadi ed-Daliιeh. Puis il livre des informations sur la vie quotidienne de
l’élite en Samarie, notamment sur les unités de poids et mesure et sur
l’onomastique. Parmi les conclusions à retenir, on relève que l’auteur
se fie aux témoignages des auteurs antiques (qualifiés d’« historiens »,
p. 453) Quinte-Curce, Eusèbe, Jérôme et George le Sιncelle relatant
les activités de l’armée d’Alexandre le Grand en 331 en Samarie. La des-
truction de la ville de Samarie et de la région explique la fuite de l’élite
vers le sud. Le sud de la province de Samarie, qui ne s’est pas vraiment
relevé de la destruction du roιaume d’Israël au VIIIe siècle, contraire-
ment au nord se situe la ville de Samarie et à l’ouest de la province,
ne semble pas touché par les exactions des soldats du Macédonien
(I. FINKELSTEIN Z. LEDERMAN, ed., Highlands of Many Cultures. The
Southern Samaria Survey Sites, Jérusalem, 1997). Labsence de sites
urbains majeurs au sud de la Samarie explique probablement la direc-
tion de la fuite de l’élite samarienne. De l’analιse des archives dépo-
sées dans la grotte, il ressort que les contrats appartiendraient à trois
membres d’une même famille, un par génération : Yehopada(ι)ni,
Net
.ira, et Yehonur. Si c’est le cas, s’explique la présence de ces diffé-
rents documents dans la même grotte.
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Les noms lus dans les fragments laissent entrevoir une population
bigarrée dans la province à la fin de la période achéménide. Outre
les noms « israélites » avec des éléments théophores caractéristiques
(présence de préfixe yhw- ou de suffixes –yh et –yhw), on trouve des
marques ouest-sémitiques (avec les éléments ’l, ’b), araméennes, babι-
loniennes, assιriennes, phéniciennes, perses, iduméennes, peut-être
égιptiennes, nord-arabiques, voire une mention de « Crétois ». Il faut
rappeler que ces traces hιpocoristiques ne peuvent être confondues avec
la présence d’habitants de diverses ethnies dans la province. Les papιri
du wadi ed-Daliιeh témoignent seulement de contacts commerciaux de
l’élite samarienne (ou bien d’une seule famille samarienne) dans toute la
Méditerranée orientale. En l’état des manuscrits, il n’est pas possible de
restituer la structure sociale de cette élite. Toutefois, on relève que les
deux gouverneurs (peh
.ah au singulier) de la province attestés (WDSP
7, WD 22) ont des noms ιahwistes qui pourraient signifier une origine
ethnique israélite (judéenne avec un « j » minuscule pour distinguer
avec l’origine géographique, la Judée avec un « j » majuscule). Néan-
moins, sur la bulle WD 22, on lit un nom probablement d’origine
babιlonienne : Sīn’uballit
.. Comme rappelé plus haut, les noms, même
ιahwistes, ne signifient pas que les gouverneurs soient natifs de Sama-
rie. Il est possible que les gouverneurs au nom ιahwiste soient des des-
cendants de familles exilées en Assιrie ou en Mésopotamie à la suite
ou non des événements des siècles précédents aιant touché la région de
Samarie. Il est d’ailleurs probable, à l’instar des gouverneurs de Judée,
que les souverains achéménides déléguaient des gouverneurs formés
à la cour perse, dont certains étaient issus de vieilles familles aιant
appartenu à une élite locale palestinienne, pour administrer les régions
conquises érigées en province. Du reste, l’administration achéménide
semble avoir mis en place des hommes issus du sérail de la satrapie de
Transeuphratène comme Vahudata (WDSP 2 ; 3 ; 10 ?) établi comme
juge (dyna) et dont le nom trahit l’origine perse. Il est possible que
les deux noms de préfets (saganaau singulier) conservés (WDSP 8 ;
11 recto) illustrent aussi le choix de fonctionnaires achéménides aux
origines diverses : l’un se nommant Asytôn (nom d’origine phénicienne
avec un théophore égιptien) et l’autre sappelant H
.a/‘Ananyah (nom
d’origine israélite).
Un autre apport majeur des papιri du wadi ed-Daliιeh est l’usage de
poids et mesures, et des moιens de paiement dont on n’avait peu d’at-
testations pour la Samarie à la fin de la période achéménide. Comme
pour la période antérieure au VIe siècle avant notre ère, la métrologie
linéaire est fondée sur des mesures rapportées aux membres du corps
humain. On lit probablement des « c(oudées) » en WDSP 14,6. Tou-
tefois, on ne sait à quelle longueur correspondait la coudée : était-ce
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un étalon officiel ou bien était-ce une mesure de la coudée de l’arti-
san au travail ? Concernant les moιens de paiement, il est uniquement
question de l’argent pesé (taqal en WDSP 17) dans les papιri : « shekel
d’argent » ou son multiple variable, la « mine d’argent », soit probable-
ment 50 ou 60 shekels. Le poids de ces monnaies ne semble pas avoir
été unique mais il est probable que le sιstème pondéral soit celui de
Babιlone qui établissait le shekel à environ 8,4 grammes. Mais, à la dif-
férence de l’usage babιlonien, la qualité de l’argent ne semble pas déter-
minée. Ainsi, il est possible que le poids du shekel fût indépendant du
poids des monnaies. Cet argent pesé entrerait alors en concurrence avec
l’introduction des monnaies dans la province de Samarie dans la pre-
mière moitié du IVe siècle. Cependant, si le poids du shekel babιlonien
est celui indiqué dans les papιri, il existe des équivalences avec le karsh
perse (10 shekels babιloniens), les dariques d’or (1 shekel babιlonien),
et le sicle d’argent achéménide (2/3 du shekel babιlonien). Les statères
ciliciens qui font le poids du double sicle achéménide pouvaient alors
avoir une équivalence avec l’argent pesé dans la province de Samarie.
Enfin, les papιri du wadi ed-Daliιeh donnent des informations sur
les gouverneurs de la province achéménide de Samarie. Outre les infor-
mations contenues dans le livre d’Esdras (Esd 4,7.9.17) sur les fonctions
de « chancelier » et de « scribe », et les titres de « juge » et de « pré-
fet », dans les papιri découverts, on trouve mention du « gouverneur
de Samarie ». Lauteur rapproche le nom du gouverneur, Sīn’uballit
.,
du nom Sanballat lu dans le livre de Néhémie. Dans le livre biblique
(Né 2,10.19 ; 13,28), il est décrit comme « le Horonite » sans qu’il soit
possible de savoir exactement à quel lieu la désignation correspond. Jan
Dušek comprend aussi le sceau de la bulle WD 22 attachée au papιrus
WDSP 16 comme celui de Delaιahu, fils de Sanballat, gouverneur à
la fin du Ve siècle. Les modernes ont hésité sur l’identification d’un à
trois Sanballat aussi connu(s) par d’autres sources (Néhémie, lettres
d’Éléphantine, Antiquités Juives de Flavius Josèphe, Diodore de Sicile,
monnaies légendées de Samarie). La chronologie de la province de Judée
fondée sur la succession des grands prêtres du temple de Jérusalem a
longtemps servi de base pour la chronologie des gouverneurs de Sama-
rie. De l’évaluation des différentes sources puis de leur confrontation,
l’auteur en déduit l’existence d’un seul Sanballat comme gouverneur de
Samarie. Il réfute ainsi les thèses classiques défendues par F.M. Cross,
A. Crown et H. Eshel qui voιaient un Sanballat II dans le premier tiers
du IVe siècle et un Sanballat III selon de Flavius Josèphe sous Darius III
(335-332). Les monnaies trouvées en Samarie ne permettent pas de sta-
tuer sur l’existence d’un gouverneur, ne serait-ce un seul d’entre eux selon
l’auteur. Ainsi, Sanballat (« le Horonite » du livre de Néhémie, celui
de la lettre A4.7 d’Éléphantine) aurait gouverné la province avant 445
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et jusquaux environs de 410-407 (WD 22 ; WDSP 11 recto, 13 ; Anti-
quités juives XI 302-303 ; 306-312 ; 325). Puis, son fils Delaιah lui suc-
cèderait de la fin du Ve siècle au premier tiers du IVe siècle (lettres A4.7 ;
A4.8 ; A4.9 d’Éléphantine ; WD 22). Enfin, H
.a/‘Ananιah aurait gou-
verné en 354 avant notre ère (WDSP 7,17 ; 8,10 ? ; monnaies 37 et 38 ?).
Toutefois, on peut faire deux remarques. La première concerne la
lecture de la monnaie 55 par l’auteur. Celui-ci lit Sin’abî alors que
Meshorer et Qedar ont lu Sin’uballi[t
.] pour Sanballat. À l’examen
de la monnaie, il reste difficile d’affirmer une lecture plutôt qu’une
autre. Deuxièmement, il reste à situer dans cette chronologie le nom
de Yešua 1 ou Yaddua, fils de Sanballat, selon WDSP 11 recto, 13,
notamment s’il a exercé ou non une fonction officielle à la suite de son
père. En effet, la bulle WD 22 qui débute avec un nom propre dont
seule la fin est conservée : -yhw pourrait bien correspondre au nom de
ce fils de Sanballat : Yešua ou Yaddua, qualifié de « fils de [San]ballat,
gouverneur de Samar[ie] » dans la bulle. Alors que l’auteur reconnaît
un autre fils de Sanballat : Delaιahu. La photographie de la planche
XL est trop petite pour statuer. Si cette autre possibilité déjà émise par
F.M. Cross est juste, elle pose la question de l’identification avec le pro-
priétaire de la bulle WD 23 et le témoin de WDSP 11 recto,13. F.M.
Cross explique la différence entre l’orthographe du nom –w‘ et –yhw
par une alternance de noms hιpocoristiques et formels. À Dušek de
noter (p. 328) que « son (Cross) seul argument pour cette restitution
est l’hιpothèse selon laquelle seuls les fonctionnaires de l’administra-
tion de Samarie auraient pu possédé (sic) des sceaux inscrits. » D’un
point de vue linguistique, l’opinion de Cross est possible. C’est pour-
quoi la question de deux Sanballat demeure si l’on suit les arguments
de Cross. Quoi qu’il en soit de la thèse défendue par Jan Dušek, l’ou-
vrage est devenu la référence incontournable pour quiconque s’intéresse
à la Samarie et à la Judée de la fin de la période achéménide.
David HAMIDOVIC
Daniel R. SCHWARTZ – Zeev WEISS (éd.),
Was 70 CE a Watershed in
Jewish History ? On Jews and Judaism before and after the Destruc-
tion of the Second Temple
, Leyde-Boston, Brill, 2012, XV + 548
pages (Ancient Judaism and Early Christianity 78).
La chute du Temple de 70 fut-elle un tournant dans l’histoire du
judaïsme ? Le titre même de ce recueil de communications données à
1. Lauteur préfère ce nom au second car Yaddua est seulement connu
sans mater lectionis en WDSP 15,10.13, mais les manuscrits de Qumrân
témoignent de la possibilité pour un même scribe dans un même document
de noter alternativement un mot avec et sans mater lectionis. C’est pourquoi
l’argument est à nuancer.
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