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SUJET-ZERO-N1-FRANCAIS-CRPE-2022-CORRIGE-

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SUJET N°1 FRANÇAIS CORRIGE
I. Étude de la langue
1. Nature et fonction des mots et groupes de mots
Remarques : l'analyse d'un groupe de mots porte sur l'ensemble du
groupe et non sur chaque mot qui le constitue. Exemple : « la petite
maison » est un groupe nominal, « dans la petite maison » est un groupe
nominal prépositionnel.
Excepté pour les compléments circonstanciels et les verbes, l'analyse de la
fonction doit indiquer les deux éléments de la phrase qui sont mis en
relation. Exemple : « La petite maison est bleue. » = Le GN « la petite
maison » est sujet du verbe « est ». L'adjectif « bleue » est attribut du sujet
« la petite maison ».
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a. Le pronom personnel complément « les » est COD du verbe
« reconnus ».
b. Le groupe nominal prépositionnel « pendant l'hiver » est
complément circonstanciel de temps dans la subordonnée relative
« qui ont chassé le rat ou la marmotte ».
c. Le groupe nominal « un freux » est sujet du verbe « monta ».
d. Le pronom personnel « on » est sujet du verbe « se plaignit ».
e. Le pronom relatif « qui » est sujet du verbe « guida ».
f. L'adjectif « visible » est attribut du sujet « la douleur ».
2. Justification de l'orthographe
Remarques : la justification de l'orthographe se fait par l'analyse
morphosyntaxe et peut être développée par les manipulations
linguistiques qui peuvent la rendent visible.
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a. Le présentatif s'accorde avec le groupe nominal qu'il introduit. Le
verbe « étaient » est donc accordé au pluriel avec le groupe nominal
« de ces vieux sauvages des plateaux ».
b. Le participe passé d'un verbe pronominal réfléchi s'accorde avec le
sujet quand le pronom réfléchi peut être COD du verbe conjugué
avec l'auxiliaire « avoir ». Ex : dans la phrase « ils avaient haussé euxmêmes », « eux-mêmes » est COD du verbe « avaient haussé ». Le
participe passé est donc au masculin pluriel.
c. Le verbe « bouger » est à l'infinitif car il suit un verbe de perception.
Il peut être remplacé par un infinitif de troisième groupe, « on la
voyait prendre ».
d. Le verbe « ai » s'accorde avec le pronom relatif sujet « qui » qui
reprend le pronom personnel de la première personne « moi ».
3. Analyse de la phrase complexe
Remarques : la phrase complexe est composée de plusieurs propositions
(Groupe Sujet + Groupe verbal et éventuellement un complément
circonstanciel) qui peuvent être :
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indépendantes coordonnées (par une conjonction de coordination)
ou juxtaposées (par une marque de ponctuation) ;
subordonnées (elles sont enchâssées dans la proposition principale
dans laquelle elles ont une fonction). Il faut bien les délimiter et
indiquer leur nature et leur fonction
Les propositions indépendantes « elle était cramponnée dans cette large
plaie du ventre » et « on la voyait bouger là-dedans comme une bête qui se
vautre dans la boue » sont coordonnées par la conjonction de coordination
« et ». Dans la deuxième proposition, est enchâssée la proposition
subordonnée infinitive « la […] bouger là-dedans comme une bête qui se
vautre dans la boue » qui est COD du verbe « voyait ». Dans cette
proposition subordonnée infinitive est enchâssée la proposition relative
« qui se vautre dans la boue », épithète du nom « bête ».
4. Identification du temps et du mode des verbes soulignés, avec justification de leur
emploi
Remarques/ conseils :
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il faut regrouper les occurrences identiques : même mode, même
temps ;
l'emploi d'un temps (ou sa valeur) est l'indication chronologique qu'il
donne ;
l'aspect du verbe saisit l'action dans son déroulement (accompli,
inaccompli, itératif, etc.).
Les verbes « cherchai », « eut », « guida » sont conjugués au passé simple de
l'indicatif qui indique une action délimitée dans le passé. Il inscrit les
actions dans leur succession.
Les deux occurrences d'« était » sont conjuguées à l'imparfait de l'indicatif
qui est utilisé ici pour la description dans un récit au passé.
Le verbe « avais porté » est conjugué au plus-que-parfait de l'indicatif. Il
indique une action antérieure par rapport à une action passée.
Le verbe « approchent » est conjugué au présent de l'indicatif. Il fait
référence au moment de l'énonciation et indique une habitude.
5. Identification de la phrase et commentaire de son emploi
« La plainte encore » est une phrase nominale. Elle est mise en relief par le
passage à la ligne. Elle reprend la phrase « le gémissement reprit ». Ces
deux occurrences sont reprises à la forme négative, « la hase ne gémissait
plus » et « la bête ne se plaignit plus ». La mise en relief de ces phrases
structure le récit : de la douleur de la hase à sa frayeur face au narrateur.
6. Usage de la ponctuation du discours rapporté
Le tiret et les guillemets sont les marques de ponctuation du discours
direct. Dans le récit, ils permettent de signaler que le narrateur introduit un
discours.
Le verbe « dire » annonce les paroles que le narrateur adresse à la hase.
Elles sont signalées par le tiret à la ligne « — non, tu vois, quelqu'un souffre
de ta souffrance… mais je peux encore te garder ».
En revanche, pour des paroles isolées, le narrateur les introduit
directement après le verbe de parole « j'ai dit » suivi des deux points et des
guillemets : « Et pourtant, moi… »
II. Lexique et compréhension lexicale
1. Le sens du mot « dolente » en contexte
L'adjectif « dolente » indique que la hase est dans un état de souffrance. En
effet, elle est blessée. L'adjectif est repris par le substantif « douleur » qui
appartient à la même famille de mots.
2. Nuances d'emploi et de sens des occurrences du mot « bête »
La première occurrence est une reprise anaphorique du mot « hase », le
mot « bête » est utilisé en tant qu'hyperonyme avec l'article défini.
Dans la deuxième occurrence, il est également employé en tant
qu'hyperonyme mais avec l'article indéfini, il renvoie alors à n'importe quel
animal. Il est employé dans une comparaison.
Enfin, le narrateur l'utilise pour se qualifier lui-même afin de souligner qu'il
croyait être parvenu à faire partie du règne animal.
3. Le lexique en lien avec le thème de la « pitié ».
Le narrateur exprime sa pitié envers la hase en décrivant sa souffrance :
« toute dolente et toute éperdue », l'adverbe « toute » intensifiant le sens
des deux adjectifs. Il insiste sur ses blessures : « blessée et déchirée dans sa
chair vive ». Il utilise une comparaison pour souligner l'ampleur de sa
souffrance : « la douleur était visible comme une grande chose vivante. ».
D'autre part, il manifeste sa pitié avec le substantif « la pauvre » et les trois
occurrences de la famille de mots « doux : Il la caresse « doucement » et
choisit l'endroit « où la caresse est plus douce », lui parle « pour adoucir ».
III. Réflexion et développement
Remarque : le sujet précise bien les attendus : une analyse du texte qui
permet d'expliquer la métaphore centrale et la façon dont elle est
présentée et une actualisation de la question. Il ne s'agit donc pas de faire
un historique de la relation de l'homme et de l'animal mais de s'interroger
sur la pertinence de la thèse défendue par Giono dans le monde
contemporain en en sollicitant des références culturelles et des
connaissances sur l'actualité du sujet. Voici un exemple de réponse
organisée avec quelques références qui pourraient être développées et
enrichies.
Dans la nouvelle « La grande barrière », publiée dans le recueil Solitude de
la pitié en 1932, Jean Giono met en scène un narrateur qui découvre une
hase blessée et ses petits tués par de corbeaux. Quand il tente d'apaiser la
hase, il se rend compte qu'il la terrorise. Après avoir analysé comment le
narrateur interprète la réaction de l'animal comme symbole de la frontière
infranchissable entre l'homme de l'animal, nous nous demanderons si la
nature de cette barrière s'applique toujours et dans quelle mesure elle
peut être franchie.
Le narrateur se décrit comme « une bête d'entre elles toutes ». Il donne
comme preuves les réactions des animaux qu'il croise. Ainsi, les lézards et
les renards ne fuient pas devant lui : « moi que les renards acceptent ; et
puis d'un coup ils savent qui je suis et ils passent doucement ». Les
mésanges viennent même à lui : « moi qui sais parler la langue des
mésanges, et les voilà dans l'escalier des branches, jusque sur la terre,
jusqu'à mes pieds ». Il estime être parvenu à faire partie intégrante de la
nature comme le souligne l'énumération, « par ce grand poids de collines,
de genévriers, de thym, d'air sauvage, d'herbes, de ciel, de vent, de pluie
que j'ai en moi ». C'est la raison pour laquelle la réaction de la hase le
surprend et l'afflige. Alors qu'il veut la réconforter, lui témoigner sa pitié
face aux « sauvages » corbeaux, la hase est terrorisée. Il interprète sa
réaction comme une incompréhension de l'animal : « la bête mourait de
peur sous ma pitié incomprise ». Les manifestations de sa pitié, ses paroles,
ses caresses, ont l'effet inverse de leur intention : « ma main qui caressait
était plus cruelle que le bec du freux ». Il fait de cette expérience le symbole
de la « grande barrière » qui sépare l'homme de l'animal, frontière dressée
par la violence ancestrale de l'homme envers les animaux : « il en a fallu de
nos méchancetés entassées pendant des siècles pour la rendre aussi
solide ». La peur suscitée par la cruauté humaine, devenue atavique, définit
donc, selon Jean Giono, la relation de l'animal et de l'homme.
Cette « grande barrière » est toujours présente. Elle est maintenue par ceux
qui considèrent, dans la tradition cartésienne, que l'homme est supérieur
par ses capacités rationnelles et émotionnelles et que l'animal n'est que
pur instinct, qu'il n'éprouve aucune émotion. L'homme peut ainsi l'utiliser
comme machine à produire ce dont il a besoin : nourriture, objets. Il peut
en faire l'objet de ses loisirs en l'enfermant dans des zoos ou des cirques.
Cependant, ce rapport entre l'homme et l'animal est fortement dénoncé.
La philosophe Élisabeth de Fontenay, affirme ainsi que l'animal est le
paradigme de la victime : victime directe de l'homme par l'élevage intensif,
le braconnage, victime indirecte de la déforestation et de la pollution, qui
anéantissent son espace vital. La disparition d'espèces animales continue à
s'accélérer. Des partis politiques se sont constitués autour de cette
thématique et des lois ont été prises, en France, notamment pour interdire
les animaux sauvages dans les cirques. La souffrance animale est
désormais reconnue. Les artistes tentent également de nous sensibiliser à
cette question. Dans Le Testament à l'anglaise, Jonathan Coe dénonce les
conditions de vie des porcs dans les grandes structures d'élevage. Le
film Gorilles dans la brume raconte le combat de Dian Fossey contre le
braconnage des gorilles au Rwanda.
La « grande barrière » de Giono est également révélatrice de notre rapport
anthropomorphique aux animaux. En effet, le narrateur qualifie les
corbeaux de « vieux sauvages ». Il détourne l'adjectif de son sens premier
pour souligner leur cruauté alors qu'il s'agit de leur mode alimentaire. En
outre, quand il tente d'apaiser la hase, il le fait avec des moyens de
communication propres à l'homme : la parole et les caresses. Alors qu'il
parvient à rentrer dans l'altérité des mésanges, il ne considère pas la hase
en tant qu'animal, mais en tant que mère blessée. Il interprète ainsi son
interaction avec l'animal avec ses propres codes. Cette relation
anthropocentrée est toujours ancrée dans notre imaginaire. Ainsi, dans Le
vieil homme et la mer d'Ernest Hemingway, le marlin est représenté
comme le double du pêcheur, ils luttent ensemble avec les mêmes codes
d'honneur. L'animal est également utilisé comme révélateur du
comportement humain dans les Fables de La Fontaine, par exemple.
L'animal n'est donc pas appréhendé dans sa spécificité. Au quotidien, cette
posture est particulièrement développée à l'égard des animaux
domestiques. Cette posture est également responsable de la « grande
barrière ».
En revanche, l'éthologie, qui étudie le comportement animal, nous invite à
la franchir grâce à une meilleure compréhension de la spécificité du
monde animal. Dans le même temps, elle met en lumière le continuum
entre l'animal et l'homme, en révélant les capacités animales, comme
celles de communication des abeilles. Le succès de La Marche de
l'empereur, film documentaire sur les manchots, sans aucune présence
humaine, souligne cet intérêt contemporain pour comprendre l'animal
dans son milieu naturel, hors des concepts anthropocentrés. La récente
adaptation cinématographique du roman de Jack London, L'Appel de la
forêt, révèle également cet intérêt pour la représentation de l'animal hors
de son rapport à l'homme.
La métaphore de la « grande barrière » de Jean Giono pose bien les
fondements du questionnement sur la relation de l'homme et de l'animal :
il doit porter sur le comportement des hommes envers les animaux et non
l'inverse et plus largement sur sa place dans le monde.
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