REVUE MÉDICALE SUISSE
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21 septembre 2016
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axes de formation étant coordonné et organisé par une unité
d’enseignement.* Un comité scientifique les appuie dans
chacun des axes.
ÉCOLES DE PSYCHOTHÉRAPIE
Pendant plusieurs décennies, c’est la psychanalyse qui sert de
référence pour la formation et la pratique de la psychothéra-
pie. Les plus ou moins bien nommées psychothérapies d’ins-
piration psychanalytique (PIP) sont proposées aux patients
dans les institutions de psychiatrie publique romandes.
A Lausanne, se développeront ensuite les psychothérapies
psychanalytiques brèves sous l’influence d’E. Gilliéron, ainsi
que les psychothérapies de groupe et la relaxation analytique.
A partir des années 90, un modèle de consultation thérapeu-
tique en 4 séances, l’Intervention ou Investigation psychody-
namique brève (IPB) se généralise avec succès, notamment
pour les étudiants et les jeunes adultes.3
L’approche systémique, qui s’enracine en partie dans la tradi-
tion antipsychiatrique, se développe à Lausanne depuis les
années 70. L.Kaufmann, médecin chef à la clinique psychia-
trique de Cery, fonde avec d’autres collègues le Centre
d’études de la famille (CEF), promoteur de l’approche fami-
liale en psychiatrie. C’est l’Unité d’enseignement du CEF qui
est en charge de la formation systémique à l’IUP et au
CEPUSPP.
Les années 90 voient l’apparition des thérapies cognitives et
comportementales (TCC), dont la diffusion se fait de manière
plus progressive et moins polémique que dans d’autres pays,
la France par exemple. Dans un premier temps, la plupart des
psychothérapeutes vont se former en France, à Lyon notam-
ment, et ce n’est que depuis une vingtaine d’années qu’une
formation structurée est offerte à Lausanne.
Le choix de ces écoles est à la fois historique et arbitraire.
Ainsi, l’approche développée par C. Rogers, psychothérapie
centrée sur le client, est implicitement exclue du règlement
de formation FMH. Ce n’est que ces dernières années qu’un
cursus de formation à l’approche centrée sur le client est
reconnu par la SSPP.
Des tentatives de dépasser ces débats d’école ont vu émerger
des courants intégratifs ou éclectiques. Ces tentatives n’ont
en rien modifié la situation et ces courants sont devenus des
écoles comme les autres. Il n’est pas simple non plus de dis-
tinguer ce qui ressort plus d’un outil ou d’une technique,
l’hypnose par exemple, d’une véritable école de psychothéra-
pie. Les apparentements sont aussi parfois délicats. Ainsi, les
approches motivationnelles, qui rencontrent beaucoup de
succès dans le domaine des addictions, sont parfois assimi-
lées à l’école cognitive et comportementale alors qu’elles
s’enracinent clairement dans la tradition rogérienne.
Cette pluralité des écoles de psychothérapie pose de nom-
breuses questions. S’il est possible de dénombrer plus de
500formes de psychothérapies différentes,4 il est néanmoins
possible de distinguer quelques grandes familles, parmi les-
quelles les 3 courants reconnus par la SSPP. Les différences au
sein de chacun de ces courants peuvent être importantes et
susciter moult débats. Mais c’est avec la question de l’efficacité
absolue et comparée des psychothérapies que le débat s’est
enflammé.
ÉVALUATION DES PSYCHOTHÉRAPIES
Depuis l’article de Eysenck The effects of psychotherapy : an
evaluation en 19525 qui remettait en question l’effet des psy-
chothérapies et celui de Falk Leichsenring dans Lancet en
20156 et intitulé Psychodynamic therapy meets evidence-based
medicine : a systematic review using updated criteria de l’eau a
coulé sous les ponts. Ainsi, le développement de la médecine
basée sur la notion de preuves, qui aurait pu, comme certains
le craignaient, être son chant du cygne, a eu l’effet exactement
contraire. Conduisant ce qui s’avère être la première méta-
analyse de l’histoire de la médecine, G.Glass montre en 19767
que les psychothérapies sont efficaces. Il met aussi en évi-
dence qu’il n’y a pas de différence substantielle d’effet entre
les écoles de psychothérapie qui étaye ce que l’on dénomme
actuellement le paradoxe de l’équivalence.
Si le rapport de l’Inserm publié en 2004 a suscité un vif
débat, l’ouvrage de référence édité par M.Lambert8 justifie
clairement cet état de fait. Pour ne citer qu’une étude parmi
des centaines, Stiles et coll. ont démontré, dans une étude
portant sur 1309 patients du National Health Service en
Angleterre,9 qu’il n’y avait pas de différence entre thérapies
comportementales-cognitives, psychothérapies psychody-
namiques et psychothérapies centrées sur le client, que
celles-ci soient pratiquées de manière rigoureuse ou plus
éclectique.
Il faut aussi souligner que toutes les recherches conduites sur
les liens entre une technique spécifique et les résultats, de
même que les tentatives de pouvoir associer une méthode de
psychothérapie à un trouble donné, ont abouti à des résultats
décevants. Il est aussi très difficile de prévoir au terme d’une
investigation le nombre de séances requis pour un patient
donné, souffrant d’un trouble particulier, même si cette
variable a aussi été beaucoup étudiée et a fait l’objet de nom-
breuses modélisations.10
La plupart des chercheurs considèrent que poser l’hypothèse
d’une différence significative entre des psychothérapies de
différentes écoles ayant démontré leurs effets n’a plus de sens
et représente une perte de temps et d’argent. Il semble bien
plus nécessaire d’étudier les liens entre processus et résul-
tats, de comprendre le rôle joué par l’alliance thérapeutique
ou de s’intéresser, dans le but de les prévenir, aux évolutions
négatives, qui touchent entre 5 et 10% des sujets, quel que
soit le type de psychothérapie conduit.8
De notre point de vue, la pluralité des écoles doit être consi-
dérée comme une richesse, tant pour le patient, qui peut
avoir des affinités pour une méthode plutôt que pour une
autre, que pour le psychothérapeute, dont le style conversa-
tionnel qui lui est propre, en fonction de son tempérament,
* Responsables: DrA. Duc Marwood pour l’axe systémique, DrF. Herrera pour
l’axe psychanalytique, MmeD.Dunker Scheuner et le Dr G. Maccaferri a.i. pour
l’axe cognitif et comportemental.
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