HISTOIRE DES IDEES EDUCATIVES PREMIERE ANNEE DE LICENCE EN SCIENCES DE L’EDUCATION ENS FIANARANTSOA 2019 PRESENTATION GENERALE Vous venez de vous inscrire aux Sciences de l’Education afin de préparer un diplôme de Licence. Vous seuls savez pourquoi vous vous y êtes inscrit. Il y a autant de motivations que d’individu. Cependant il est bon que dès le début, nous soyons clairs sur les concepts clés. 1 Le développement Les sciences de l’éducation participent au développement de l’homme. Au-delà des différents sens que peut avoir le concept de développement, nous le concevons comme le développement de l’homme dans toutes ses implications : son métier, ses entreprises, son village, sa ville, à l’intérieur des collectivités locales et des associations de toutes natures. Le développement est plus qu’une finalité philosophique, il est réalité ce que l’on vit au quotidien. Le développement est un processus de changement individuel, social et économique. On dit qu’un individu est entré dans un processus de développement lorsqu’il est à l’aise dans son corps et joue un rôle dans le développement communautaire. Il s’agit d’une modification de comportement, d’un équilibre affectif, de la maturation biologique et de la maîtrise des comportements de base. C’est en utilisant tout cela que l’individu pourra participer efficacement au développement économique durable de son pays. 2 Le changement Nous associons au développement d’idée de changement, d’innovation. Le concept de changement est lié à l’idée qu’il y a un état initial de sous-développement qu’il faut faire évoluer. Le changement ne se dicte pas. Il s’accompagne. 3 L’éducation L’éducation a toujours été une préoccupation majeure des différentes générations et malgré quelques différences, on retrouve les mêmes préoccupations : assurer la pérennisation de l’espèce humaine. Quand on parle de l’histoire de l’éducation, il est confirmé qu’il s’agit de confirme l’enchevêtrement de trois séries distinctes de finalités : - philosophiques - théoriques - politiques Chaque pays, suivant les contextes et l’évolution des mœurs change ou maintient ces finalités 1- Toute grande philosophie a conduit à une réflexion sur l’éducation. L’éducation et la formation sont articulées sur des visions de l’homme. Deux conceptions se sont forgées à travers le temps. D’une part l’idée que l’homme naît mauvais et que l’éducation est un redressement ; d’autre part l’idée que l’homme naît 1 naturellement bon et que l’éducation est l’opération qui lui permet de faire jaillir ses possibilités. L’éducation a donc pour objectifs soit de redresser et mettre en forme soit de faire épanouir et réveiller les talents cachés. 2- Toute théologie fait de même : le judaïsme, le christianisme et l’islam voient en l’éducation un chemin, voire le chemin du salut. L’objectif est d’amener ou de ramener l’enfant sur le droit chemin. L’attachement des Eglises à l’éducation et aux institutions scolaires est une preuve irréfutable de l’importance des finalités théologiques. 3- Toute doctrine politique, en instituant un système éducatif élabore une représentation des relations entre l’homme et la société et se préoccupe d’y susciter l’adhésion pour favoriser l’adoption des reformes jugées appropriées. L’objectif, dit Makarenko, est de conformer l’homme à la société et Durkheim de renchérir en disant que « l’éducation consiste en une socialisation méthodique de la jeune génération» Le sens donné à l’éducation n’a pas une réponse unique. L’histoire de l’éducation montre qu’à travers les siècles, des finalités communes n’ont jamais été trouvés. Selon les conjonctures et les types d’homme et de société que l’on veut mettre en place les finalités ont varié. 4 Les finalités. Elles correspondent à un idéal d’être humain, de société ou de cité qui orientent l’éducation dispensée par la famille ou par l’Etat. Elles sont spécifiées par la loi d’orientation qui décline les missions confiées au système éducatif dans son ensemble, du préscolaire jusqu’à l’université.1 Toute éducation relève de choix collectifs qui correspondent à des valeurs déclarées ou implicites. L’éducation familiale tout comme l’éducation scolaire devrait avoir en partage cette finalité de l’éducation. L’enfant est un être inachevé, le but propre à l’humanité est de parachever l’être naturel par un être de culture afin d’achever l’éducation et promouvoir l’accomplissement de la nature humaine. L’éducation n’existait pas à proprement parler aux âges préhistoriques ou chez les peuples les plus primitifs que nous pouvons connaître. C’est une conquête tardive de l’humanité dans sa longue histoire. Tant que l’homme est pris par le souci quotidien de la nourriture ou de la défense contre tous les dangers qui le menacent, tant qu’il n’a pas mis de côté assez de ressources pour écarter au moins temporairement les nécessités primordiales qui l’assaillent, il lui est difficile de penser au-delà des activités immédiates. Il faut une certaine indépendance à l’égard de la matière et des besoins pour s’élever à des préoccupations qui peuvent paraître gratuite et désintéressées. En ce sens l’éducation 1 Trouvez les textes en questions. 2 n’apparaît dans l’histoire sous la forme d’une institution que le jour où l’homme s’est assuré une vie plus tranquille et plus sûre. Au stade primitif, l’éducation est représentée par l’imitation. L’imitation, c’est ce pouvoir et ce besoin qui porte le « petit d’homme » à faire ce qu’il voit faire pour le faire à son tour, pour vivre en homme dès qu’il en sera capable et que la vie le lui demandera. Dans les sociétés primitives, l’enfant, sitôt qu’il le pouvait, était mêlé aux occupations de ses parents, des adultes de son clan ou de sa tribu. En même temps, la participation à la vie commune, aux sentiments collectifs, à toutes les circonstances de la vie quotidienne de l’adulte suffisait à initier l’enfant aux usages, idées, coutumes, croyances et comportements de son milieu. Les droits et les interdictions, les respects à marquer et les tabous à observer s’enseignaient ainsi par la pratique, par la participation aux traditions ou aux cérémonies collectives. L’enfant qui avait été relativement libre pendant ses premières années devenait de plus en plus dépendant au fur et à mesure qu’il s’insérait dans la société adulte, à la différence de ce qui tend à se passer dans notre monde actuel. On peut appeler éducation naturelle cette sorte de dressage spontané qui n’avait même pas besoin de recourir à la contrainte, car les tendances individuelles et la nécessité sociale se chargeaient de faire accepter la fonction, où l’adulte n’intervenait qu’à titre d’exemple, où tout se faisait par jeu, par imitation ou participation à la vie collective. Le seul but poursuivi était l’adaptation étroite de l’individu à la société où il devait vivre ; la personnalité ne comptait guère à ce stade de la civilisation. En bref, l’individu est conformé étroitement au type de vie et au comportement social qui est celui du groupe où il est né. L’éducation est une sorte de parfait dressage aux formes variées mais toujours propres à asservir l’enfant au milieu où il vit. Le monde n’existe pour la société primitive qu’en fonction de ce groupe. Le reste de l’univers est regardé comme indifférent, hostile ou d’une autre espèce. Cette unité d’études traitera dans une approche historiographique l’évolution des idées de la question éducative. Nous parlerons de l’éducation planétaire et nous ferons un petit tour à Madagascar. Les apports du cours sont à compléter par des recherches personnelles de l’étudiant. Nous devons montrer que nous sommes congruents avec nous-mêmes. L’évaluation du cours se fera de cette manière. Cet Elément constitutif de l’Unité d’étude va essayer de brosser un panorama historique des différentes théories et pratiques éducatives depuis l’antiquité jusqu’à maintenant. 3 Chapitre I : L’APPORT DU CHRISTIANISME A L’EDUCATION Dans l’histoire de l’humanité, le christianisme est un fait important parce qu’il a fourni à la personne humaine un nouvel idéal de vie fondé sur une nouvelle conception de l’homme et de sa destinée. Le christianisme a marqué la pédagogie non pas tant par une méthodologie nouvelle que par un esprit nouveau provenant des rapports plus humains entre les acteurs. Dans une école chrétienne l’enfant ne bénéficiera pas d’une liberté illimitée, mais d’une liberté ayant aussi ses obligations envers les supérieurs. Les parents sont les premiers responsables de l’éducation de leurs enfants, ils doivent subvenir à leurs besoins matériels. L’Etat a un devoir d’aides aux familles. I.2 L’EDUCATION AU MOYEN AGE Le christianisme va apporter de nouvelles visions de l’éducation et tenir une place importante dans cette éducation. Avec les idées de filiation divine de tous les hommes et par conséquent de fraternité universelle, il devait contribuer à libérer l’individu des liens étroits qui le rivaient aux groupes humains de la cité, la nation ou de la race. 2 Petit à petit, l’idée d’une éducation universelle fait son chemin. Dans cette conception, les distinctions de classes seraient éliminées où les femmes et les esclaves seraient les égaux de l’homme libre, où l’enfant allait devenir une valeur sacrée par la perspective d’avenir qu’il représentait. Saint Jérôme s’occupera de l’éducation des filles, sujet nouveau dans le système pédagogique. L’éducation Chrétienne va mêler des apports différents venant des juifs, des Grecs et des Romains pour en faire un tout au service d’un nouvel idéal. On subordonna à l’éducation un but essentiellement moral et religieux. C’est l’embryon de l’humanisme Chrétien. Avec les invasions barbares, vers le VIème siècle de notre ère, les monastères deviendront le dernier refuge de la culture et de la civilisation. On ne se souciait pas de créer des écoles pour les serfs ou les paysans mais il fallait recruter pour l’Eglise des clercs, capables de prêcher la religion et d’administrer les affaires religieuses. Ce qui fut à l’origine des écoles monastiques. L’enseignement était caractérisé par son encyclopédisme, c’est-à-dire concevoir la culture comme une culture générale sur le plan intellectuel. Mais c’est au moyen âge que la formation professionnelle fait son apparition grâce à quelques artisans d’un même métier qui se groupait pour former les « Corporations ». Ils essayaient d’organiser leur travail ; mais en même temps, ils essayaient de défendre leur droit. Petit à petit, la première tentative d’organisation de l’apprentissage apparaît avec la présence des maîtres, des compagnons et des apprentis. 2 Lettre de Paul aux Galates III, 2 » 4 « L’apprenti est placé auprès d’un maître pour apprendre un métier ». Il est lié par un contrat oral ou écrit pour un temps déterminé pendant lequel il doit servir le maître en toute fidélité. Cette éducation manuelle ou artisanale ne se souciait pas spécialement de la formation intellectuelle ou générale si ce n’est pour répondre aux stricts besoins du métier. Vers le XIIIe siècle, va apparaître un type d’école où, à côté des études élémentaires nécessaires à l’activité commerciale, apparait l’apprentissage des langues indigènes dans le souci de répondre mieux aux besoins économiques des classes bourgeoises ou commerçantes. Parallèlement à l’éducation Chrétienne l’éducation arabe florissait entre le IXe et XIIIe siècle. En Perse (Iran) et Mésopotamie (Irak), la philosophie et les sciences grecques ont survécu. Si la formation scientifique est assez étouffée en occident, l’Orient avait perfectionné les mathématiques, l’astronomie et la chimie. A Bagdad, on traduisit en langue arabe pour les véhiculer à travers le monde les œuvres d’Aristote et de Platon, Euclide et Archimède…ils développèrent les écoles auprès de chaque mosquée. Certains livres arabes furent traduits en latin. Ce qui permet de mieux connaître Aristote. Les croisades vont faciliter ces contacts en rapportant dans leur pays parmi les butins ces livres traduits. I.3 L’EDUCATION SOUS LA RENAISSANCE Comme l’éducation est un phénomène en perpétuelle évolution, des critiques commencèrent à fuser contre le système d’éducation du moyen âge. En effet, la stabilité qui commençait à s’instaurer fit apparaître deux sortes de défauts : 1- Une sclérose des méthodes et de l’esprit ancien 2- Les contenus ne répondaient plus aux besoins, aux nécessités et aux possibilités du moment. Les abus de l’autorité, les excès de la dialectique des exercices mécaniques de mémoire, du verbalisme se font sentir comme de plus en plus ridicule. Ces manières de faire détournaient l’école de son sens original car Scholè voulait dire loisir et récréation selon les Grecs ; Ludus littérarum, jeu littéraire pour les Romains. On assistait en effet à une véritable crise de croissance du monde et de l’esprit en cette fin du moyen âge. Un tel renouvellement de la civilisation occidentale eut lieu qu’on lui a donné le nom de Renaissance. Ce phénomène est le résultat des contacts avec des civilisations différentes et les découvertes de Marco Polo, Christophe Colomb et Magellan. L’ère planétaire du monde succédait à l’ère des civilisations isolées. Les contacts nouveaux vont faire réfléchir et ôter l’absolutisme des opinions professées. 5 La découverte de l’imprimerie en 1440 va multiplier les livres et changer les conditions de l’enseignement. Ce fut une redécouverte de l’Antiquité gréco-latine, un intérêt pour le monde et la nature, une soif de connaissances et de sciences, un besoin de réalisation individuelle et humaine en réaction à une théologie étroite qui asservissait et dépréciait tous les savoirs subalternes. On peut résumer cela dans les casiers ci-après : I. 3.1 Les idéaux éducatifs : Ce fut le retour à la pensée gréco-romaine. On s’inspire des littératures païennes. L’homme est. Il coexiste alors un courant humaniste païen et un courant humaniste Chrétien. Dans le courant du XVIe siècle le courant chrétien sera à l’origine de la réforme protestante et la Contre-réforme Catholique. I. 3.2 L’organisation sociale : Comme il a été signalé ci-dessus, les XVe et XVIe siècles ont été marqués par de nombreuses découvertes géographiques et matérielles. - Sur le plan économique, les produits coloniaux affluent dans les mères patries. - Sur le plan politique, on assiste à la formation des grands empires. En France, les bourgeois s’enrichissent et accèdent aux postes de l’administration. L’organisation sociale de l’époque se résumait en trois mots : humanisme, monarchisme, capitalisme I. 3.3 Organisations pédagogiques : Trois degrés d’instruction coexistent : le primaire, le secondaire et le supérieur. Toutefois les efforts ont été surtout portés sur le niveau secondaire. Les matières enseignées à tous les niveaux portaient sur les lettres et sur les sciences. La verge et le fouet sont utilisés en classe. A la renaissance commence une ère de progrès matériel sur le plan éducation. On voit une classe nouvelle de propagateurs de la culture antique avec Dante (1264-1321) en Italie, Erasme (14661536) en Allemagne, Rabelais et Montaigne en France. Cette propagation de la Culture antique verra aussi la participation de quelques souverains pontifes comme Jean XXII, en 1317, qui a mis à la disposition des artistes et des savants sa bibliothèque à Avignon ainsi que le pape Léon X (1513-1521). Les manuscrits monastiques furent répandus grâce à l’imprimerie. I.4 LA REFORME PROTESTANTE DU XVIe SIECLE Les principaux réformateurs protestants sont Luther, Zwingli et Calvin. Pour Luther, l’école est un moyen d’assurer la survie et la propagation de la religion. L’école doit rendre les gens capables de lire seuls les textes des Ecritures. Luther incite les hommes publics à ouvrir des écoles et à instruire les garçons et les filles pour qu’ils puissent, plus tard, exercer convenablement un métier ou tenir soigneusement une maison. 6 Pour Luther, l’enseignement religieux est à la base de l’école. Tout en respectant l’importance du latin dans la transmission du savoir, Luther attacha une certaine importance à la langue maternelle. Il traduit la Bible en Allemand et son catéchisme fut également composé en Allemand. Dans les programmes protestants, l’enseignement religieux, les sciences mathématiques et naturelles, l’histoire, la gymnastique, les langues anciennes tenaient une place importante. Dans le domaine purement pédagogique, des modes, des procédés et des méthodes d’enseignement, la réforme protestante ne fut pas très originale. Elle a gardé ce qui existait durant le moyen âge. I.4.1 Les idéaux éducatifs L’ignorance est le grand mal pour la vraie religion, il faut la pourchasser. La mission éducatrice est tellement grande qu’on ne saurait assez récompenser un maître d’école laborieux et bon chrétien. Pour Luther, l’école ne doit pas être une prison ni le maître un tyran. Il avait compris que la discipline n’est qu’un moyen de favoriser l’éducation morale et non une fin en soi. La violence ne peut pas faire aimer le maître. Luther était pour l’école obligatoire et c’est à l’état de prendre en main l’enseignement. I.4.2 Organisation pédagogique : La formation des maîtres est importante. Luther conseille de les choisir parmi les élèves les plus brillants des classes. La pédagogie protestante insistait sur l’importance de la langue maternelle pour permettre la connaissance directe des textes bibliques et ainsi promouvoir une instruction pour tous et un développement plus personnel. I.4.3 Organisation sociale : Luther a été l’origine des « Public School » grâce à son appel incessant pour que l’Etat prenne en main l’éducation. Luther admettait aussi l’emploi des châtiments corporels dans les cas graves tout en reconnaissant que le redressement des enfants était fondé sur l’amour et la compréhension et qu’en définitive, cette responsabilité relevait des parents. I.5 LA REFORME CATHOLIQUE L’idéal ancien d’ascétisme négatif et de renoncement ne pouvait plus satisfaire la demande en éducation. Le courant nouveau qui amenait un certain humanisme païen risquait de tout emporter. Les jésuites, grâce à l’impulsion de leur fondateur, Ignace de Loyola, essayèrent d’amalgamer les tendances récentes à ce qu’ils voulaient garder de la formation médiévale. Par ce moyen, ils renforcèrent la papauté et la défense de la foi catholique contre les tendances néopaïennes et l’influence protestante. Ils sont à l’origine des Collèges jésuites qui se répandirent dans le monde. Leur succès tient à ce qu’ils surent reconnaître l’aspiration nouvelle et répondre aux besoins temporels comme à leurs fins spirituelles. 7 I. 5.1 Les idéaux éducatifs Ils étaient résumés dans le « Ratio studiorum » un livre pensé par un groupe de professeurs jésuites en 1581-1615. D’après le Ratio, le maître chrétien doit enseigner deux choses : la piété et les belles lettres. Les lettres et les langues étaient considérées comme des moyens pour se former l’esprit afin d’acquérir une culture générale. Le but était d’avoir « une tête bien faite ». C’est-à-dire la formation intellectuelle qui dépassait la simple acquisition des sciences pour la perfection de l’intelligence. I.5.2 L’organisation sociale Dans la plupart des pays européens, c’est le régime monarchique mais en même temps on voit la montée de la bourgeoisie qui s’ennoblit grâce à leur richesse. Pour les fils des bourgeois, la culture était un moyen pour accéder aux charges de la médecine, du barreau et de la magistrature c’est-à-dire la possibilité de parvenir aux dignités les plus élevées. L’instruction était la clef de la réussite sociale I.5.3 L’organisation pédagogique La Ratio distinguait deux cycles d’études : Le premier était divisé en cinq classes : trois de grammaire, une d’humanité et une de rhétorique .Le second cycle comprenait trois années de philosophie et quatre de théologie. Les collèges étaient à la fois un enseignement secondaire et supérieur et insistait sur une large culture générale. Les élèves vivaient avec leurs maîtres et restaient surveillés et dirigés par des scolastiques. La méthodologie jésuite utilisait alors : la prélection, une explication de texte à divers points de vue : historique, grammaticale, étymologique et littéraire ; la concertation, un échange de questions vives et courtes entre les membres d’une équipe de classe l’exercice de mémoire l’exercice écrit : traduire des textes en latin et l’imitation du style des grands écrivains Cette organisation est fondée sur l’émulation basée sur le sentiment de l’honneur. Le maître se devait d’être compétent et vertueux pour assurer l’estime et l’affection de ses subordonnés. Les jésuites distribuaient savamment les punitions et ne les distribuaient pas sans explication et exhortations préalables Les punitions corporelles ne seront appliquées que dans les cas exceptionnels et jamais sous l’empire de la colère ou de la vengeance. 8 Chapitre II. L’EDUCATION AU XVIIe SIECLE Le XVIIe siècle est un siècle de célébrités dans tous les domaines. L’histoire de France retient le nom des Henri IV, Richelieu, Louis XIV … Dans le domaine de la science, on parle de Kepler, Newton et Descartes pour les transformations des méthodes et des pensées. Les mathématiques et physiques ont fait des bonds avec Galilée et Pascal … L’éducation sera influencée par les deux principales tendances protestantes et Catholiques. II. 1 LA PEDAGOGIE PROTESTANTE : La reforme luthérienne du XVIe siècle se continuera au XVIIe siècle. A l’intérieur on distingue deux courants de pensée. II. 1 .1 Un courant réaliste Qui attache une importance souveraine aux connaissances « réelles » et pratiques dans la ligne de pensée de Ratiches (1571 -1635). Comenius en Allemagne ; François Bacon (1561- 1625) et John Locke (1627 -1704) en Angleterre. II. 1-2 – Un courant piétiste Qui conserve à la piété et la religion une place de choix dans les programmes d’éducation. Les principaux courants sont le positivisme avec François Bacon, le sensualisme avec John Locke et le naturalisme avec Ratiches et Comenius. Les piétistes croient que la société est corruptrice, ils attachent beaucoup d’importance à la surveillance, aux exercices de piété et acceptent les punitions corporelles. John Locke s’élève contre les punitions afflictives et les récompenses matérielles. Il attache de l’importance au sentiment d’honneur, à la politesse, à l’éducation de la volonté et à l’exemple comme moyens de formation. Comenius (1592-1671) va viser la plus grande somme de connaissances possibles. Pour lui, l’homme doit devenir l’achèvement de la création divine, le représentant de Dieu au milieu de cette créature. Mais l’homme doit être un « être raisonnable » qui domine les autres créatures. Il ne faut pas cependant pas viser une connaissance approfondie de chaque chose mais aller à l’essentiel. Pour Comeinus, l’éducation tire l’individu de l’animalité et en fait des êtres humains. II. 2- LA PEDAGOGIE CATHOLIQUE Les théoriciens et praticiens de l’éducation sont avant tout des gens d’Eglise pour qui la religion est le fondement de toute action pédagogique. Deux grands courants pédagogiques se dessinent aussi : 9 II. 2-1 LE COURANT TRADITIONALISTE : Ce courant continue les modes de penser du moyen âge et de la Renaissance. Les principaux représentants sont : Fénelon, Madame de Maintenon et Jean Baptiste de la Salle (1651 - 1719). Jean Baptiste de la Salle avait pour mission primordiale l’extension méthodique rationnelle, durable de l’enseignement primaire. Ses maîtres, d’origines diverses, distribuaient aux enfants les premiers éléments des connaissances humaines. La pédagogie Lassalienne est inscrite dans un livre de base appelé : « Conduite des Ecoles Chrétiennes ». On s’occupe de donner aux classes populaires l’instruction et l’éducation dont elles étaient privées précédemment. II.2.1.2 ORGANISATION PEDAGOGIQUE : Les principaux apports des frères des écoles chrétiennes sont : - L’amélioration des techniques scolaires - L’abandon de la lecture du latin - La généralisation de l’apprentissage de la lecture - Une meilleure compréhension de la psychologie de l’enfant Malgré les difficultés inhérentes au mode collectif d’enseignement il y eut le caractère réaliste de l’enseignement et un souci constant d’individualisation. Jean Baptiste de la Salle attachait une grande importance à la formation des maîtres. Il a lancé les écoles primaires gratuites ainsi que les écoles normales. C’est avec Monsieur de la Salle qu’est née notre mode d’enseignement actuelle : « Le maître s’adresse en même temps à tous les élèves et de telle manière qu’il surveille et constate l’attention de chacun d’eux ». Le mode individuel est conservé ainsi que l’enseignement mutuel. Les classes nombreuses sont divisées en sections et tandis que l’instituteur s’occupe d’une section, les autres, sous la surveillance des élèves les plus avancés, accomplissent une tâche qu’il a prescrite et qu’il contrôlera. Quelques améliorations techniques : - Une discipline stricte appliquée avec les méthodes préventives. Ne réprimander que le plus rarement possible. - Encouragement de la méthode participative II. 2 - 2 – LE COURANT JANSENISTE Jansénius est un théologien hollandais 1585 -1638. Dans le système qu’il préconisait il prêchait que l’homme est déchu et le monde souillé. Pour lui, Dieu a tout prédestiné. L’éducation consiste à protéger les enfants essayant de former leur intelligence et forger leur caractère. 10 Ancré à Port- Royal, les jansénistes triaient les élèves sur le volet. Ils étaient pensionnaires et habitaient des chambres par petit groupe. Les pièces et les meubles étaient rudimentaires. Ils vivaient sobrement. II.2.2.1 Organisation pédagogique : Ils voulaient rompre avec la tradition en introduisant l’étude de langue maternelle avant l’étude du latin. Pour les garçons, avant l’âge de 7ans c’était l’enseignement général de la lecture, de l’écriture, de la grammaire, du calcul et de la religion. Les cours d’humanités commençaient après la 7é année. On donnait de l’importance à l’enseignement littéraire. Contrairement aux jésuites, on ne tablait pas trop sur l’émulation, de peur de développer l’amour propre dans le cœur des élèves. On laissait tout entre les mains de Dieu. Les maîtres jansénistes sont marqués de la philosophie Cartésienne. 11 Chapitre III. L’EDUCATION AU XVIIIe SIECLE : LA REVOLUTION PEDAGOGIQUE Rousseau est le Contemporain de Newton. Les découvertes scientifiques tendent à montrer que la nature obéit à des lois, qu’il y a une harmonie où toutes les forces s’équilibrent dans le système solaire. La loi naturelle devrait donc accomplir les mêmes résultats dans les relations humaines. L’éducation selon la nature serait la première étape de ce nouvel équilibre puisque la vie sociale actuelle est corrompue .Trois courants agissent puissamment sur les esprits. 1. La philosophie sensualiste inspiré du pédagogue anglais Lock (1632 -1704) « L’esprit est une table rase et la sensation est le point de départ de toute notion » Le savoir naît des perceptions fournies par le sens de plus en plus élaborées. Les capacités sont développées à partir des habitudes. L’apprentissage doit se faire à partir de l’observation directe et l’expérience ; d’où condamnation du verbiage. 2 – Le courant Rousseauiste (1712 – 1778) L’enfant comme individu est au centre de toutes les considérations pédagogiques. L’homme civilisé ne peut garder la naïveté du comportement animal, il lui est possible de retrouver les enseignements de la nature grâce à la conscience et la raison. Le pédagogue ne doit rien forcer. Il faut procéder sans hâte et calquer l’éducation sur la maturation en respectant le rythme de développement de l’enfant (Manan-taona ka tsy fioty manta). Rousseau tente de faire de la culture un prolongement de la nature. L’enfant dit Rousseau n’est pas un adulte en miniature, il a une nature qui lui est propre. La discipline non acceptée ni franchement voulue, ne changent pas l’être réel. Le seul instrument d’éducation qui puisse réussir, dit-il est la liberté bien réglée. Rousseau s’inspire aussi de Kant qui, dans sa pédagogie dira que : « le meilleur moyen de comprendre, c’est de faire. » Ce que l’on apprend le plus solidement, c’est ce qu’on apprend par soi même. Pour Kant, l’éducation ne doit pas élever les enfants en vue de l’état présent de l’espèce humaine, mais en vue d’un état meilleur, possible dans l’avenir. Contrairement à Rousseau, Kant pense que la nature humaine est susceptible de perfectionnement illimité et que c’est par l’éducation qu’elle y parviendra. Il ne croit pas tellement à la vertu du sentiment en éducation. Notez cependant que la personne humaine est un complexe, elle n’est pas uniquement un cœur ou une raison. 12 3. PESTALOZZI III.3.1 JOHAN HEINRICH PESTALOZZI Est né à Zurich (Suisse), en 1746 et est mort en 1827. Ce pédagogue suisse est un des réalisateurs des idées de Rousseau. Il tente dans un premier temps d’articuler un projet pédagogique de développement de la personnalité des enfants et un projet politique de liberté, dans une entreprise autogérée. C’est l’expérience du NEUHOF. Il pensait aider les enfants pauvres en leur faisant gagner eux-mêmes leur entretien par un travail modéré. Il a organisé à la fois un système économique de logement et de nourriture et un enseignement qui n’exige qu’un temps très réduit. Malgré les échecs, cette expérience lui a montré : Qu’il était possible de donner aux enfants de nouvelles habitudes nutritionnelles. Ex : Usage des pommes de terre en alternance avec des légumes variées. Que le découragement des enfants pauvres est dû au travail matinal et celui du soir. Mais surtout par le manque d’organisation et la privation du nécessaire, ainsi que l’absence des moments heureux. Que les enfants peuvent retrouver la gaieté, même s’ils ont perdu la santé, les forces et le courage dans une vie de mendicité, si on les soumet à un travail régulier. Même s’ils n’y étaient point habitués. Le changement de statut et l’éloignement des circonstances qui les avaient asservis peuvent renouveler l’entrain, la bonne mine et une et une connaissance frappante. Que l’affectation qu’on témoigne aux hommes les plus dégradés élève leur âme et que les yeux de l’enfant abandonné à une profonde misère brillent d’une surprise pleine de sentiment, lorsqu’il voit une main douce et amicale qui s’offre à lui pour le guider. Qu’un sentiment affectif éprouvé par le cœur d’un enfant profondément misérable peut avoir les conséquences les plus importantes pour son développement et pour sa moralité. III.3.2 LES IDEES MAITRESSES CHEZ PESTALOZZI : « Il n’y a pas, pour notre monde effondre moralement, spirituellement et politiquement, aucun salut possible si ce n’est par l’éducation, par la formation à l’humanité, par la formation de l’homme ». 13 III 3.2.1 LES FINALITES DE L’EDUCATION : L’éducation est à la fois d’ordre social et d’ordre spirituel. Tout en étant fondamentalement une action morale, l’acte éducatif doit assumer une part de « fabrication ». Il est comptable de résultats devant la société. L’art de l’éducation consiste en ce que les résultats techniques restent entièrement soumis à la fin de l’éducation. III. 3.2.2 LA PHILOSOPHIE DE L’ACTE EDUCATIF : Pour Pestalozzi : Premièrement, l’Homme est esprit, GEIST. Il poursuit la marche de la nature en dégageant les lois éternelles et immuables qui président à sont développement. L’homme travaille dans le sens de la perfectibilité de sa nature, car, pour Pestalozzi, tout homme est éducable. Deuxièmement, l’Homme est existence, LEBEN. Son développement est lui-même. Malgré les aléas de sa condition, des situations vécues, des circonstances rencontrées, l’homme reste un INDIVIDU qu’on ne peut pas diviser ni réduire. Troisièmement, l’Homme INDIVIDU est éduqué par l’homme. La pédagogie, instrument d’éducation de l’homme, se construit sur une tension permanente entre les besoins de l’enfant, pris dans sa particularité et le développement de sa nature humaine, pris dans sa dimension universelle. Le savoir faire du pédagogue, c’est faire produire l’universalité par la particularité et la particularité par l’universalité. III. 3.2.3 « L’HOMME SE FAIT DANS ET PAR L’EDUCATION » L’action pédagogique se développe sur un fond d’amour qui tisse les liens universels entre eux, mais qui impose le respect de la particularité de chacun. III. 3.3 LA TRIADE TETE – CŒUR – MAIN C’est entre 1800- 1803 que Pestalozzi essaye de dégager ce qu’il appelle une pédagogie de la « tête », à la faveur des méthodes d’apprentissage du langage, de la forme et du nombre dans « Comment Gertrude instruit ses enfant ». Pour lui, La « tête » : représente le domaine du « connaître » qui a pour objectifs de solliciter l’intelligence afin de permettre à l’enfant d’acquérir des connaissances linguistiques, lexicales ou syntaxiques. Les structures sociales importaient peu, on se focalise sur les connaissances à enseigner et à acquérir. La « fabrication » consistait en des apprentissages formels. Les enfants apprenaient des savoirs même s’ils n’étaient pas en mesure de les réinvestir sitôt. 14 Mais, petit à petit, Pestalozzi découvre ce qu’il appelle « la praxis pestalozzienne » : « C’est une pédagogie d’humanité qui va à la rencontre des plus pauvres, travaille sur le « cœur » en attendant de s’adresser à « la tête » et de mettre en œuvre « la main ». Sa méthode va donc s’articuler entre « le cœur », « la tête » et « la main » Le « cœur » : Intronise le sujet comme pôle de centration. On se focalise sur l’être humain, le développement de ses compétences sa relation avec l’univers et les autres humains. Il faut articuler l’attention aux besoins et faire appel aux principes de l’amour et de la crainte, la confiance et la méfiance en la nature de l’enfant. Il faut agir, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Le cœur est le symbole du « vouloir » qui est son domaine. La pédagogie requiert tout à la fois l’expérience de notre impuissance et l’obstination dans nos engagements. Elle récuse tout mécanisme et sait qu’elle bute sur la liberté de l’autre. La « main » : Elle a comme pôle de centration la société. Pour transformer la société, il faut un homme nouveau. L’objectif est la réalisation d’une justice sociale, une transformation culturelle. L’éducation doit aider à la transformation de la manière de faire et la manière de penser, en sachant que : « le fonctionnement de la société obéit strictement à la mécanique de l’intérêt ». III. 3.4 LES THEORIES DE PESTALOZZI : La bienveillance serait fatale si elle ne s’accompagnait pas d’une méfiance permanente, tant à l’égard des enfants que de leurs parents. La solidarité sociale resterait un bon sentiment si chacun n’en prenait pas la mesure dans la mutilation de son bien-être personnel La moralité resterait une affaire reliée à l’intérêt si l’homme n’a pas en vue les grands principes universels qui la donnent ; La pédagogie est condamnée à pétrir la contradiction humaine, mais il lui appartient de penser le sens de son action. La pensée et l’action doivent être l’une à l’égard de l’autre, comme la source et le ruisseau : l’arrêt de l’une doit entraîner l’arrêt de l’autre et réciproquement III. 3.5 LES PORTES OUVERTES PAR PESTALOZZI : La centration sur le sujet, ses besoins et son développement lui fait refuser la « fabrication de citoyen » calibre par l’Etat. Il refuse aussi une éducation morale qui se réduit au conditionnement, en vue de faire acquérir tel ou tel comportement. Il refuse la réduction de l’homme au technicisme. 15 Les Pestalozziens ouvrent l’ère de l’éducation nouvelle, c’est-à-dire : En tant que phénomène social, la pédagogie va obéir aux impératifs de rationalisation, de productivité, de standardisation, qui porte le développement de la société L’enfant, tel un apprenti, devra apprendre à maîtriser les mécanismes de la lecture, du calcul…. en considérant le mécanisme comme un moyen en vue de son développement et non une fin en soi. L’apprentissage de la lecture ou du calcul constitue un acte d’humanisation. III.3.6 QUELQUES AUTEURS INSPIRES PAR PESTALOZZI : NEIL [1883 – 1973] : o Idées directrices : - Refus de toute forme de répression : discipline, interdits moraux et religieux. Libérer le désir. o Gouvernement autonome, démocratique, autodétermination Méthodes : - Psychanalyse et pédagogie SCHMID [1936 – 1973] : o Idées principales : - « laisser croître ». Le Maître camarade. Liberté d’initiative. Self gouvernement. o Méthodes : - Prise en charge collective. Le maître est un accompagnateur et non un prescripteur. ROGERS CARL [1902 – 1987] : o Idées principales : - La « non directivité », signe d’une hypothèse optimiste sur les capacités d’évolution de la personne. L’individu possède en lui de vastes ressources qui lui permettent de se comprendre lui-même, de changer l’idée qu’il a de lui-même. - Trois concepts opératoires : La congruence avec soi-même ; Considération positive inconditionnelle de l’autre ; L’empathie : percevoir le point de vue de l’autre comme il le perçoit, sans s’identifier à lui ou se substituer à lui. o Méthodes : Technique de la non directivité ; Pédagogie de groupe 16 MONTESSORI [1870 – 1952] : Idées principales : o - « Normalisation » : l’enfant développe un « plan de construction propre » et des « forces spirituelles » - Eduquer, c’est favoriser le développement harmonieux de l’embryon spirituel o Méthodes : - Rôle décisif du matériel comme médiateur entre l’enfant et le maître - Importance du milieu - Rôle des jeux DECROLY [1871 – 1932] : o o Idées principales : - « L’école pour la vie et par la vie ». - Ordonne l’enseignement autour de 4 besoins vitaux de l’enfant : La nourriture ; La protection contre la nature ; La défense contre les ennemis ; L’activité. Méthodes : - création de « centres d’intérêt » ; - pédagogie globale ; - association d’idées. 17 Chapitre IV : L’évolution des idées éducatives à Madagascar Nous avons fait jusqu’à maintenant un aperçu universel des idées éducatives. Que s’est-il passé à Madagascar ? IV.1. Les Finalités : L’éducation traditionnelle avait pour finalités de faire de l’enfant un Homme ou une Femme accomplie, valable personnellement et s’intégrant facilement dans la société. Les Malgaches les plus anciens croyaient déjà en l’éducabilité de l’enfant, à condition de respecter leur rythme « aza teren-ko masaka toy ny voalobo-jaza » à condition de leur offrir un programme qui ne dépasse pas ses capacités physiques : « tsy mety ny manao tolona tsy omby tratra » à condition de reconnaître que aucun élève n’est nul en tout : « Izay tsy mahay sobika mahay fatram-bary » IV.2 Les objectifs l’éducation traditionnelle avait pour objectif de : « Produire des citoyens utiles à la société et respectueux des valeurs. » C’est une approche dominée par les exigences sociales et qui respectait déjà la participation de tous parce que : « ny zaza tsy an’olon-drery ». L’enfant n’appartient pas à une seule personne. Pour ce faire les méthodologies utilisées étaient la pédagogie différenciée et la pédagogie du projet. On ne donnait pas la même éducation aux filles et aux garçons. La société avait des vues précises pour les garçons et les filles. IV.2.1 L’éducation des garçons Objectifs : - Préparer le garçon à son rôle de chef de famille. - Eduquer un homme fort pouvant passer toutes les épreuves et sur qui la société peut s’appuyer. Le contenu : - Des cérémonies d’initiation qui peuvent varier sur la forme mais dont les buts restaient les mêmes - La stratification sociale vécue et appliquée - Les différentes tâches attribuées à l’homme que le garçon doit connaître et terminer 18 IV.2.2 La circoncision : Le premier rite auquel le garçon est soumis est, la circoncision. Nous ne nous attarderons pas sur la description des cérémonies, parlons du sens. L’enfant apprendra à affronter l’insomnie, le froid, la guerre et l’ennemi. Les différents rites obligatoires pour la circoncision témoignent de cela. - le fora zaza betsileo - le savatse sakalava - le sambatra antambahoaka - le didim-poitra Merina Tous veulent préparer le garçon à ses tâches d’homme. En effet dans les temps anciens, l’opération se faisait dehors, devant le pas de la porte ou au pied de la stèle sacré. Pour certaines ethnies l’enfant est placé entres les cornes d’un zébu. Tout se fait au petit matin car pour nourrir sa famille plus tard, le garçon ne doit pas rester au lit trop tard sinon il ne pourra se saisir des sauterelles pondeuses. Les cérémonies de rites, ce sont une occasion de fête mais permet aux membres du clan de montrer leur rang au sein de la société. C’est l’occasion pour les différentes strates de montrer leur spécificité en mettant en exergues les valeurs sures indiscutables, sans insister sur les points faibles. Les différentes fêtes préparent l’enfant à la connaissance des valeurs spécifiques de la tribu comme le rôle de l’oncle maternel, le droit d’aînesse et souvent la gérontocratie dans la gestion des affaires de la société. IV. 2.3 Les jeux d’adresse et les luttes : En plus de ce phénomène unique qu’est la circoncision, le jeune garçon, en tant que futur protecteur de la famille, apprendra sous forme de jeu : la lutte, le doranga, le moraingy et toute sorte d’arts martiaux. On lui apprendra à savourer une victoire sans oppresser le plus faible. « Aza manenjidresy », « Adin’ombalahin’ny mpianakavy ny maharesy tsy hobiana, ny resy tsy akoraina ». De toute façon, un homme ne pleure pas quoiqu’il arrive. Chez les Bara, l’agilité à voler des bœufs fait partie de ces rites auxquels, le garçon est soumis. Il n’était pas encore question de vol à visée financière mais d’une démonstration d’adresse à qui mieux mieux. Dans les contes et légendes nous assistons aux différentes épreuves imposées aux soupirants ; tout ceci pour montrer au garçon ce qu’on attend de lui. Bref,, tous les supports possibles étaient utilisés pour encrer chez le garçon les différents rôles et fonctions qu’il soit assumer. Si actuellement nous voyons des femmes mpikabary, autrefois ce rôle revenait uniquement aux hommes, qui s’entraînaient très petit aux différentes joutes oratoires : kabary, hain-teny, sokela….. 19 IV.2.4 L’éducation des filles : La fille est destinée à être le décor du foyer, l’épouse soumise. Une certaine progression est respectée en fonction des valeurs sociales et ethniques et de la constitution physique de l’enfant. Dès son jeune âge, elle apprendra à tresser la paille sous différentes figures. Elle s’exerce ainsi à mettre de l’ordre dans ses cheveux car dans la société, « il n’y a rien de pire qu’une mèche qui soit de la touffe. » (Tsy mety ny volo manoa randrana). En même temps, on lui inculquera dans l’esprit « qu’il est interdit de désirer la coiffure de l’autre » : une manière de lui dire qu’elle doit faire valoir ce qu’elle a, au lieu de désirer seulement ce que les autres ont : « Aza mitomany randrana manendrika ny hafa ». La jeune fille effectuera ainsi l’apprentissage de la beauté et fera valoir sa beauté naturelle par concours de danse organisés les soirs de clair de lune. On la mettra en garde contre les nouveautés éblouissantes et contre la précipitation. « tsy mety ny taitran-drandrambao ». En tant que future maîtresse de maison elle doit savoir économiser et partager. Beaucoup de jeux sont prévus pour lui montrer comment on gère son foyer tel que le « katra », la « dînette ». …. La jeune fille prend part très tôt à la vie de la famille. L’initiation se fait en jouant à la poupée, mais la fille s’occupera très vite de vraies personnes quand elle va changer ses petits frères et sœurs, quand elle aidera dans les tâches quotidiennes de la mère au foyer. On peut donc déduire que c’est par les observations et la pratique que l’enfant entre de plein pied dans la société traditionnelle, il se trouve associé très vite à la vie des aînés. Il s’y retrouve toute en ayant la possibilité de se créer un monde à lui. C’est une éducation qui a précédé les écritures, une éducation sans écoles. Ceci n’est qu’un exemple. Vous pourriez, dans vos recherches personnelles, approfondir cette période d’avant les écoles formelles de votre région. 20 Chapitre V. L’Evolution des idées éducatives à travers l’école A l’origine de l’école Malgache il y avait trois acteurs : - Radama avec son ambition de continuer l’œuvre de son père, régner sur toute l’île - Sir Farquhar, Gouverneur de Maurice et agent britannique chargé de sauvegarder les intérêts anglais - La London Missionary Society, une société missionnaire anglaise qui voulait exporter ses idéaux : prêcher l’évangile dans les pays lointaines Après négociation entre les trois parties, les missionnaires de la LMS arrivèrent à Tamatave en 1818. La première école fut son ouverte à Manangareza avec six jeunes Betsimisaraka le 08 Septembre 1818. Mais les missionnaires avaient compris que leur mission se jouerait à partir de Tananarive. Ils cherchèrent donc à pénétrer à l’intérieur de l’île. La première école protestante fut créée le 08 Décembre 1820 dans la maison même du missionnaire Jones. V.1 Les finalités des premières écoles : Ces premières écoles furent un enchevêtrement de finalités : philosophiques, théologiques et politiques. Par l’école, les trois acteurs voulaient respectivement abolir l’esclavage, évangéliser, christianiser et développer le pays pour en faire un royaume unique. V.2 Les objectifs : Pour Radama, l’école a pour objectif de fournir un lieu où l’on apprend à travailler le bois, le fer, les fils. L’école devrait préparer la population à un travail manuel et professionnel. C’est pourquoi l’équipe de missionnaires étaient composées de tisserand dont Rowland, du tanneur Cahan et plus tard de Cameron, un ouvrier spécialisé et maître dans le domaine scientifique. Les missionnaires avaient deux objectifs majeurs : à la fin du parcours scolaire, l’élève devrait être capable de lire la bible et de comprendre le message délivré ainsi ceux qui sortiront des écoles protestantes seraient capables d’expliquer aux autres le message de la bible à l’intérieur de sociétés qu’ils vont créer et plus tard à l’intérieur des communautés d’église Pour la Grande Bretagne il s’agissait d’établir un accord de coopération culturelle, et économique. Implicitement la Grande Bretagne voulait susciter la capacité des pays à s’autogérée et à l’indépendance de l’homme. Petit à petit se dessinait la volonté d’abolir l’esclavage. V.3 L’évolution des mentalités Les missionnaires LMS n’acceptaient pas de mélanges ou de compromis avec les croyances indigènes. Ils attendaient une rupture avec les croyances traditionnelles. La religion qu’ils prêchaient 21 exige une adhésion volontaire, un choix personnel sans que l’individu ait besoin de s’effacer derrière la collectivité. L’œuvre scolaire de la LMS prit un bon départ. L’éducation est un préalable à la conversion. Les missionnaires faisaient parvenir au baptême un certain nombre l’élèves, les plus doués. Un comité de soutien à l’œuvre scolaire est mis en place. L’enseignement dépendait de la générosité du monde chrétien. Le financement de l’éducation pour tous, par le Gouvernement restera un problème chronique avec quelques éclaircis ponctuels. La concurrence catholique va poindre avec la volonté de M. Pastre, un lazariste, lyonnais qui voulait débarquer dans l’île en Août 1820. L’influence des pasteurs protestants était encore assez forte pour pousser Radama à refuser cette offre. Il dit : « Je juge à propos de vous faire connaître l’alliance faite entre moi et le gouvernement Anglais, ce qui m’a procuré les personnes dont je pouvais avoir besoin, entre autres, des gens de votre profession, missionnaires comme vous, de la religion protestante. Ce qui m’empêche de vous inviter et d’adhérer à votre demande. Ainsi, Monsieur, je crois bon de vous informer de cette nouvelle avant que vous n’entrepreniez un voyage qui vous deviendrait inutile….. Je vous salue Radamamanjaka » Les premiers écoliers furent choisis par le roi en fonction des métiers futurs. Il appela la première école : « Royal Missionary Collège ». Ce nom est significatif de l’amalgame qui existait. Le roi était l’impulseur d’idées ; mais l’organisation technique et pédagogique revenait aux missionnaires. Malgré eux, les missionnaires durent accepter que les deux premières écoles soient ouvertes à la famille royale et à la classe dirigeante. C’est seulement à l’arrivée de Jeffrey qu’une troisième école fut ouverte aux autres catégories sociales le 25 Juin 1822 à Ambatonakanga. Le 10 Mars 1824, les trois écoles furent fusionnées et la nouvelle école était dénommée : « Central School ». V.4. La nouvelle organisation : 1. Les objectifs ont changé ; il s’agissait alors de : - former des moniteurs capables d’aider les missionnaires à la diffusion de l’enseignement dans les campagnes 2. organisation - Neufs centres d’application furent choisis : Ambohimanga, Ilafy, Namehana, Ambohimanarina, Fenoarivo et Ambohidratrimo. 22 Anosizato, Ankadivoribe, Alasora, Quarante instituteurs recrutés parmi les élèves les plus doués seront formés pour rayonner dans les stations, à raison de quatre par station. L’organisation d’une formation continue est née. Par groupe de deux les enseignants revenaient à Antananarivo pour suivre une formation d’une semaine au « Central School ». Le 3 Septembre 1824 Griffiths écrivait : « Nous avons pu envoyer quelques uns des élèves les plus âgées diriger des écoles rurales. Les résultats de cet essai sont satisfaisants plus que nous l’avions espéré ». Ce fut l’origine du fonctionnement actuel des écoles des missions : « faire confiance aux anciens élèves et leur donner la priorité dans le recrutement du personnel ». Le fait le plus marquant de cette première période d’école fut la transcription de la langue Malagasy. En effet c’est sous Radama que fut fixé l’alphabet Malagasy dans sa forme actuelle. Radama lisait le sorabe, parlait anglais et français. L’alphabet Malagasy est une sorte de synthèse. Le roi invoqua la nécessité de faire correspondre à chaque son la même lettre et choisit d’utiliser la consonne anglaise et les voyelles françaises. Radama fut donc à l’origine de l’institution scolaire et de la codification de la langue malgache dans sa forme actuelle. C’est sous son règne que commença la traduction de la bible en malgache ainsi que le contrôle de l’éducation. Nous voyons là la méthode d’approche à l’anglaise : présenter comme motif de l’action les intérêts malgaches à l’intérieur d’un projet étranger dont la finalité est l’évangélisation. Cette période est dominée par une sorte de culture anglo-malgache qui ne résulte pas d’une occupation coloniale. Radama voulait civiliser son peuple mais il est jaloux des étrangers que ce dessein amène au pays. Malgré les efforts des missionnaires et la progression vers un certain développement, Radama, durant son règne, refusa d’autoriser le baptême qu’il considère comme une inspiration exogène. V.5 L’ECOLE SOUS RANAVALONA L’œuvre d’évangélisation missionnaire est arrivé à déstabiliser les personnalités et à pousser non seulement à désirer à apprendre mais à vouloir un changement profond. La traite des esclaves commence à diminuer même si dans la société l’évolution ne se fait pas encore sentir explicitement. Les esclaves restaient des esclaves même s’ils n’étaient plus vendus à l’extérieur. Lors des réunions de prières les missionnaires encourageaient les fidèles à s’exprimer librement sans distinction de caste ni de classe. Cette stratégie des missionnaires se trouva payante mais dangereuse. En effet, les missionnaires profitèrent de ces occasions pour critiquer les US et Coutumes du pays sans que cela gêne les fidèles. Une nouvelle autorité sur les chrétiens se crée mais, en même temps un amalgame entre politique et religion s’installe. L’école a opéré une révolution culturelle en Imerina et cela fit peur à la nouvelle reine Ranavalona. Elle était très sélective vis-à-vis des apports de la civilisation européenne. 23 Elle autorise le baptême et la Cène et les premiers convertis furent baptisés le 29 mai 1831 et participèrent à la Cène le 5 juin 1831. En 1831, il y avait 3000 élèves répartis dans soixante écoles. Si les missionnaires protestants gardaient le monopole de l’enseignement en Imerina, sur les côtes, les missionnaires catholiques ouvrent les premières écoles en 1839, à Sainte Marie, en 1840, des écoles naissent à Nosy Be. En 1846, les sœurs de Saint Joseph de Cluny arrivèrent sur l’île pour s’occuper de ces écoles. Contrairement à l’enseignement protestant, l’enseignement catholique se développa d’abord en dehors de l’Imerina. La conversion au christianisme des gardiens des idoles royales fit croire à Ranavalona que l’école était utilisée par les étrangers pour se faire de nouveaux esclaves grâce aux livres dont la bible. En 1832, elle interdit aux esclaves d’aller à l’école. En décembre 1834, par décret, elle ferme les écoles sauf quelques une qui continueront à former les fonctionnaires. En décembre 1835 elle somme les Society d’arrêter leur ingérence dans la culture du pays. Elle invite les missionnaires anglais à partir. A partir de 1836 une violente répression s’installe avec un régime de terreur. On peut dire que la véritable raison est un désaccord sur les finalités. Mais ceci justifie les thèses d’Avanzini sur l’éducation affirmant que : « La plus modeste formation technique est susceptible d’induire chez quelqu’un renouveau de confiance en lui. Il découvre ensuite des intérêts culturels qui débordent son activité quotidienne et qui aboutit au désir d’un renouveau plénier de sa personnalité ».3 Même les esclaves avaient trouvé goût et développement dans les écoles. V. 6 L’ECOLE SOUS RADAMA II Radama II succède à Ranavalona. Malgré la courte durée de son règne, un grand bouleversement eu lieu. Homme de compromis et francophile de bonne heure, Radama II ouvre la porte aux autres Européens qu’il considérait comme des agents de progrès. Les missionnaires protestants revinrent, les catholiques s’installaient à Tananarive. Les deux missions religieuses sont autorisées à organiser leur enseignement. Le 24 Septembre 1861 avec le père Jouen, les catholiques commencèrent une nouvelle activité missionnaire : l’école. La concurrence par séduction commence. Le père Finaz qui avait transité par Nosy Be et les îles remonta vers Tananarive et fonde la mission de Fianarantsoa. 3 (Guy Avanzini, l’éducation des adultes, Anthropos, Paris 1996 p. 14 – 15) 24 En 1874, Basilide Hidy, originaire de Nosy Be est le premier malgache ordonné prêtre. Sur le plan enseignement il est devenu célèbre par la traduction et l’adaptation des fables de la Fontaine. Ses textes vont agrémenter les livres de lecture des écoles catholiques, à côté des extraits de textes bibliques. Les Catholiques vont entamer vite l’intégration des élites côtières. Venance Manifatra ordonné prêtre en 1893 sera le premier prêtre malgache à enseigner au collège jésuite de saint Michel de Tananarive. La LMS dépêche William Ellis à Tananarive en juin 1862 afin de protéger les intérêts protestants. La France nomme Jean Laborde, ambassadeur. Il prendra soin des intérêts français et ceux des missionnaires catholiques. Nous voyons là l’intrication des différentes finalités : politiques, théologiques et idéologiques. La formation des cadres restait le souci majeur. Les protestants envoient ses boursiers en Angleterre, les catholiques à l’île de la Réunion, à la « ressource » et en France. Chaque mission s’occupe à favoriser l’approvisionnement en matériel didactique et pédagogique : des maisons d’éditions furent ouvertes et chaque mission s’ingénia à montrer sa spécificité en manuel scolaire, langue d’enseignement et méthodes. Le public cible varie suivant la confession. L’enseignement catholique se tourne davantage vers les campagnes tandis que l’enseignement protestant renforçait les acquis sur les plateaux. L’impact des structures sociales restait fort et malgré les efforts des missionnaires, l’esclavage n’a pas tellement disparu, les clivages internes persistaient en Imerina. Les esclaves n’avaient pas droit à tous les enseignements. On les orientait vers les travaux manuels. L’enseignement catholique n’a pas hésité à leur ouvrir ses portes. L’école a donc joué un rôle capital dans la mutation en profondeur de la société malagasy. C’est durant le règne de Rasoherina qu’Ellis institua pour la première fois le système d’écolages ou participation des parents à la scolarité des enfants. Cependant cela eut pour premier effet la diminution du nombre d’élèves. Les écolages ont résisté au temps et sont toujours d’actualité. 25 Chapitre VI. LES PREMIERES ORIENTATIONS OFFICIELLES DE L’ENSEIGNEMENT Ranavalona II succède à Rasoherina sous le signe de la Bible et de la Religion. Son premier ministre Rainilairivony, se convertit au protestantisme. Sibree, cité par Pierre Boiteau écrit : « Sur le plan politique, ils avaient compris que le christianisme était devenu un élément qui ne pouvait plus passer inaperçu. Ils résolurent de se placer eux-mêmes à la tête de ce nouveau mouvement et de ne pas laisser une si puissante influence entièrement indépendante de l’Etat.4 * VI. 1. EVALUATION ET CONSTATS : Les premières évaluations officielles vers 1869 ont montré que beaucoup de maîtres d’écoles ne savaient ni lire ni écrire sinon imparfaitement. En effet, vu l’afflux des convertis, certains s’improvisaient enseignants pour échapper au service militaire auprès des officiers supérieurs et recevoir un petit salaire par semaine. Les anciens élèves du Central School et les aides de camps des officiers ne pensaient plus demander conseil aux missionnaires. Les écoles se trouvèrent dans un état négligé. 5 Cette négligence se manifestait même dans le choix des instituteurs. Il arrivait que l’instituteur était un jeune de 14 – 15 ans, il n’y avait pas de tables dans certains classes. VI. 2 LE CODE DES 305 ARTICLES : Rainilaiarivony, premier ministre, décide de prendre l’affaire en main. Il promulgue le code des 305 articles, où plusieurs mesures concernant l’enseignement apparaissent. Quelques articles sont données ici à titre de référence. VII. 2.1 Sur le plan administratif : - L’école doit faire l’objet d’un enregistrement dans les livres du chef de l’enseignement. Les élèves non inscrits ne sont pas comptés comme élève. Art 266. 4 La construction d’une école doit avoir l’aval du chef de service de l’enseignement Art 267 Pierre Boiteau, Contribution à sociales. 1958. p. 166 5 l’histoire de la Nation Malgache, Paris, Ed ) Françoise Raison Jourde, Bible et Pouvoir à Madagascar au XIXème siècle p. 482 – 485) 26 - L’obligation scolaire est décrétée pour tous les enfants à partir de huit ans jusqu’à 16ans sauf s’ils ont atteint avant le degré d’instruction requis. Art 271 – 272a - L’évaluation des connaissances est du domaine de l’Etat ; elle est confiée à des inspecteurs désignés par le gouvernement, des sujets à la fois instruits et surs. Art 280 VI. 2.2 De la liberté de choix et devoirs des parents : Madagascar avait instauré une prémisse des cartes sociales. Les élèves sont inscrits à l’école du village où ils se trouvaient. Les parents avaient tout de même la possibilité de choisir l’école dans laquelle ils voulaient envoyer leurs enfants. Art 270. Mais ce premier choix était à maintenir jusqu’à la fin de la scolarité. Rainilaiarivony améliore le système de prise en charge de l’école en faisant participer tout le village : « Si des villages sont trop peu importants pour prendre en charge l’appointement d’un instituteur, ils pourront s’unir dans ce but avec d’autres villages voisins ». Art 268. VII. 2.3 Des droits et devoirs des instituteurs : « Les candidats instituteurs subissent un examen et un diplôme spécial est donné à ceux qui réussissent » Art 289 « Aucun instituteur ne peut abandonner son poste sans l’autorisation du gouvernement » Art 293 « Si des instituteurs sont de mauvaises vie et de mœurs, ils seront destitués et punis d’amende » Art 298 VII. 2.4 Sur le plan social « L’Etat donne des primes aux enseignants proportionnellement au nombre d’élèves ayant atteint le degré d’instruction requis » Art 285 « Les esclaves qui voudront étudier seront acceptés comme élèves mais on ne pourra s’opposer à leur départ si leur maître les rappelle » Art 279 « La population est invitée à surveiller les écoles et à dénoncer les fautifs ». Art 301 VI. 2.5 Du contenu de l’enseignement : « Le premier degré d’instruction que doivent acquérir les élèves est la lecture, l’écriture appliquée et le calcul jusqu’à la règle de trois. Ceux qui auront atteint ce degré d’instruction recevront un certificat et pourront quitter l’école quant même ils n’auraient pas atteint la limite d’âge. « Tous les ans, le gouvernement s’assurera des progrès des élèves ….. Art 281 Le code des 305 articles marque le début d’une normalisation des écoles. Elles n’ont plus comme unique objectif l’évangélisation. Les finalités ont évolué et de nouvelles organisations s’imposent. 27 La scolarisation visait dans un premier temps à intégrer précocement l’enfant dans une église grâce à l’interdiction de changer d’écoles après une première inscription, et plus tard elle visait aussi une scolarisation plus large des enfants et l’intégration des élites provinciales. Il s’agissait dit Françoise Raison Jourde d’une convergence de vue entre les missions religieuses de l’Etat : « L’association de deux logiques d’expansions » 6 6 François Raison Jourde op. Cit p. 488) 28 Chapitre VII. L’ECOLE DE COLONISATION La France annexe Madagascar en 1985 et un traité de protectorat est signé le 1 er Octobre de la même année. La loi du 6 Août 1896 fait de Madagascar une colonie française. Le général Gallieni, premier gouverneur en titre, arrive le 16 Septembre 1896. Par l’arrêté du 27 avril 1897, il abolit la féodalité et exile Ranavalona III en Algérie. Une nouvelle politique éducative se dessine VII. 1 Les finalités majeures de la Colonisation La colonisation a défini quatre priorités : - La pacification de l’île - La réduction de l’influence anglaise - L’élévation du niveau culturel - La restauration de l’unité nationale VII.1.1 La pacification La volonté de domination Merina depuis Andrianampoinimerina avait suscité des sentiments de méfiance vis-à-vis de cette ethnie .Ceux qui ont subi leur conquête ont lutté avant de se rendre et se révoltaient de temps à autre .Radama avait, en plus d’une armée bien équipé, les écoles pour faire avancer ses ambitions. Les autres souverains ont plus ou moins continué l’œuvre. La Colonisation se donna comme objectif de freiner les ambitions Merina et de lutter contre leur hégémonie. En 1928 sur 1098 instituteurs, 662 étaient merina ; sur 2661 élèves 1469 relevaient de la même ethnie. Les autorités coloniales n’hésitèrent pas à pratiquer la politique « des races » en envoyant de préférence à l’école des groupes ethniques côtiers VII. 1.2 La réduction de l’influence Anglaise André Lebon, alors ministre des Colonies faisait ce constat : « Le fait brutal, éclatant, inquiétant, était celui-ci : parmi les protestants, il n’y avait ni un français ni un ami de la France. Anglais était l’argent, anglais le personnel, anglais l’enseignement »7 Gallieni commença par s’attirer les faveurs de missionnaires Catholiques pour s’attaquer aux Anglais. C’est ainsi que des conventions spéciales furent signées avec les frères des Ecoles Chrétiennes le 8 Avril 1897 et avec les sœurs de St Joseph de Cluny en janvier 1898. Il fit main basse 7 Manassé Esoavelomandroso cite par Rémi Clignet, L’école à Madagascar, Paris Karthala 1995 p ; 58). 29 sur les établissements protestants .Le Collège évangélique de Faravohitra devint un plais de justice et l’Ecole des Filles, un bâtiment pour la topographie. Cette réduction de l’influence anglaise va se prolonger par la marginalisation des Eglises. C’est ainsi que l’interdiction de transfert d’élèves prévue par l’article 296 du code des 305 articles fut levée. La neutralité religieuse de l’Etat est décrétée dans la Charte de l’Enseignement à Madagascar le 27 Septembre 1896 et l’organisation officielle de l’enseignement faisait l’objet de l’arrêté du 16 avril 1899. Augagneur, afin d’éviter le danger de l’éthiopianisme, une église totalement entre les mains des autochtones, étouffera dans l’œuf toute velléité d’autonomie. Il ira même jusqu’à l’anticléricalisme. Les procédures d’ouverture d’école sont renforcées avec l’arrêté du 23 novembre 1906 avec en particulier la production d’un certificat de bonne vie et de mœurs pour le futur directeur, durant le cinq années précédentes et en instaurant le pouvoir de contrôle des écoles par les autorités provinciales. VII. 3 L’élévation du niveau culturel Le but implicite était de doter les colons de mains d’œuvre qualifiés. Les objectifs étaient nécessairement économiques : donner aux colons des chefs de chantier et une main d’œuvre qualifiée. L’organisation de l’enseignement fait partie de cette stratégie. On eut alors. VII. 3. 1 Un enseignement de premier degré pour tous Ce type d’enseignement était destiné à ceux qui allaient travailler au besoin vital de l’alimentation. D’ou un programme, à mi- temps enseignement général et à mi-temps professionnel alimentaire.8 VII.3.2 Un enseignement de second degré au niveau régional Ce type d’enseignement était destiné à ceux qui présenteraient des aptitudes plus poussées dans l’une ou l’autre profession. Ils suivaient un programme d’enseignement général et de la pratique professionnelle en Industrie et Agriculture. Chaque école devait s’adapter aux besoins de sa région. VII. 3.3 Un enseignement de troisième degré ou écoles supérieures : Elles formaient : . Des agents de maîtrise pouvaient diriger un chantier ; . Des fonctionnaires de cadre supérieur ; . Des médecins et des interprètes. C’est dans cette Catégorie que se trouvent l’Ecole le Myre de Viler 9 et l’Ecole d’Agriculture d’Antananarivo. 8 Lebon André, La Pacification de Madagascar 1896-1898, Paris, Plon 1928 3 éd. p .89 30 Elles sont destinées à former une petite élite pouvant servir d’auxiliaires Compétents à former une petite dite pouvant servir d’auxiliaires compétents pour la fonction publique. On ne peut cependant pas nier que l’enseignement fut contingenté car le pouvoir Colonial fit tout pour envoyer le plus de Malgache possible vers l’enseignement du premier degré, mais filtrait le passage dans les classes supérieures. VII. 4 La restauration de l’unité nationale Les autorités d’alors pensaient que l’ouverture d’école privées libres risquait de favoriser l’ouverture de carrières libérales .Ce qui, disait Gallieni dans son Circulaire pour les représentants des missions le 13 Février 1904, détourne un bon nombre des travaux agricoles ; ce qui serait nuisible au développement économique du pays. Tout en contrôlant le flux des élèves, Gallieni veut faciliter l’administration. Il pratiqua la politique d’uniformisation des programmes pour une supposée égalité d’accès aux connaissances. L’esclavage est aboli mais les stratifications internes résistèrent. En 1897, il y avait chez les protestants 5 garçons esclaves à Ambohijatovo et 1 au collège théologique. Dans les écoles Catholique des garçons la même année, la moitié des élèves pensionnaires étaient des fils d’esclaves et chez les Sœurs il y avait 851 filles d’esclave. 405 filles de Hova et 163 andriana (*) * Françoise Raison Jourde, Bible et Pouvoirs à Madagascar, Karthala 1991 p.484 Pour les autorités Coloniales, l’unité nationale fut un chantier de premier ordre. Sur les finalités, nous voyons là deux choix opposés. Pour le public, une vision économique du rôle de l’Ecole alors que le privé avait une vision personnaliste pour préparer une certaine polyvalence, souvent à de fins indéterminés. Afin de neutraliser, l’impact des Eglises, le gouvernement colonial encourageait les divisions et les frictions entre Catholiques et Protestants .L’affaire Rafiringa et Andriamanizao confirme cette hypothèse. En effet, obligé par le religieux à lui présenter des excuses pour avoir tenu un propos malheureux sur les écoles Catholiques et la coutume des religieux , le ministre de la reine s’exécute en 1882, mais il prit sa revanche durant la colonisation et l’accusa d’incitation à la révolte contre la France .Celui- ci ne fut relâché qu’après un long procès le 18 février 1916). Les exigences, parfois très dures de l’administration Coloniale, va raviver la quête d’une identité malgache chez le peuple. L’école va devenir un moyen de déstabilisation constructive. La revalorisation de certains us et coutumes comme le tromba et le famadihana seront la signe prémonitoire d’une prise de conscience nationaliste Le mouvement, Vy, Vato, Sakelika (V.V.S) sera un indicateur formel. 9 C’est le bâtiment de l’INFP à Mahamasina 31 La laïcité prônée par l’état est considérée comme une valeur étrangère. Le climat anticlérical ambiant avait amené une stagnation, sinon une régression des processus de scolarisation. Face à un pouvoir défenseur de valeurs étrangères, le christianisme est intégré comme un élément d’identité nationale et associé à l’idée de liberté COMMENT RECAPITULER La colonisation avait transposé à Madagascar certaines réalités françaises de l’époque, en particulier dans le domaine de l’enseignement. Tout en Contrôlant les écoles privées pour qu’elles suivent les directives étatiques « faire de l’enseignement un moyen d’éducation et de réalisation politique », le gouvernement colonial permit quelque initiative dans le domaine cultuel et préscolaire. C’est ainsi que virent le jour l’école des aveugle et sourds-muets dans le Vakinakaratra ainsi que différentes animations culturelles comme le théâtre, concert de musique et autres activités sportives .On observera même une certaine analogie dans les idées : « libérer l’homme » « L’objectif de l’évangélisation visant un changement de mentalité, passe par la pratique : apprendre à l’homme à ne plus vivre en primitif, à maîtriser la nature. Evangéliser consiste à le tirer de cet état en lui inculquant les qualités morales les plus élémentaires : la propreté, la tenue vestimentaire correcte, le refus des superstitions comme le Ombiasy et les sorciers afin de faire triompher la médecine scientifique »10 Cette démarche de libération de l’individu rejoint le souci des colonisateurs : « Civiliser les Malgaches » Ainsi, évangélisation et Colonisation tendent vers un même but. Ce semblant de Consensus se traduit par la réouverture de garderies et la multiplication de petites écoles. En 1930, 40% des établissements du premier degré dépendaient des différentes misions privées. A l’intérieur des organisations missionnaires, une grande évolution des mentalités s’amorce. En 1939, le Père Ramarosandratana, un malgache, est élève à la dignité épiscopale .Le pasteur Titus Rasendrahasina devient responsable de paroisse à Ambohimanga en 1946 ; le pasteur Ravelomanana est nommé à Miarinarivo en 1948 ; Monseigneur Jean Marcel devient le premier évêque anglican, Malgache en 1955. La prise en main progressive des Eglises autochtones par les Malgaches est effective. Cependant force est de reconnaître que tous les nouveaux responsables sont Originaires des hauts plateaux, ce qui ne rassure pas l’administration coloniale qui prit des mesures Conséquentes. Sur le plan politique, les Français encouragent et financent le Parti des déshérités de Madagascar (PADESM) créé en 1946. 10 Madagascar et le Christianisme p. 351 32 Ce parti, tout en s’opposant parfois à l’administration coloniale, repoussait l’idée d’indépendance immédiate revendiquée par le intellectuels des plateaux. Ces divergences internes restent d’actualité. La Colonisation a atteint un certain nombre de ses objectifs ; mais contrairement à ce qu’elle voulait faire face à la menace d’une laïcité frôlant l’anticléricalisme, la Colonisation a renforcé la Collaboration entre les différentes confessions. CONCLUSION Après avoir fait un survol des différentes théories depuis l’antiquité, nous avons fait exprès de parler de l’éducation à Madagascar. Il est important en effet de Connaître L’évolution des finalités de l’éducation à Madagascar. Ce que le cours a apporté n’est qu’une ébauche. Il vous revient d’approfondir et de Compléter par des recherches personnelles concernant votre région, votre village, votre quartier. Les grands lignes restent : les idéaux éducatifs, l’organisation sociale et l’organisation pédagogique. 33 BIBLIOGRAPHIE 1. AVANZINI Guy, 1996, l’éducation des adultes, Anthropos Paris 2. 2. BOITEAU Pierre, 1958, Contribution à l’histoire de la Nation Malgache, Paris Ed Sociales 3. CADUC Marie. Thérèse et Compagnie : « Le grandes notions de Pédagogie « Bordas 1999 4. CLERMONT Gauthier, Maurice Tardif, 1996, « La pédagogie, théories et pratiques de l’antiquité a nos jours, Gd. Gaétan .Morin 5. CLIGNET Rémi, 1995, l’école à Madagascar, Karthala, Paris 6. LE BON André, La pacification de Madagascar 1896 – 1898, Paris, Plon 1928 3è éd. 7. RAISON Jourde Françoise1991 : « Bible et Pouvoir à Madagascar, Karthala Paris 34 35