encore, la Guemara objecte que c'est un cas particulier ; David avait une raison
particulière d'être dans la crainte, c'était le sentiment de sa faute. Ce n'est pas parce
qu'il devait prier qu'il était dans la crainte, mais parce qu'il avait fauté. Et donc cette
deuxième thèse du sentiment religieux défini comme sentiment de culpabilité est aussi
reconnue, dépistée par la Guemara, mais rejetée comme un cas particulier.
Terreur et splendeur
Et la Guemara continue en citant le verset : « Prosternez-vous devant le Seigneur,
dans la splendeur » (Ps. XXIX, 2). C'est là que nous rejoignons le problème de la
confusion possible entre l'émotion religieuse et l'émotion esthétique. Rabi Josué ben
Lévi dit : Il ne faut pas lire ce verset ainsi, mais : « Prosternez-vous devant le
Seigneur, dans la terreur du sacré. »
Il n'y a pas de doute que cette thèse ici renvoie à ce qu'on pourrait appeler, en général,
le sentiment de la nature ; l'homme perçoit dans le spectacle de la nature une
harmonie, harmonie qui n'est pas la preuve de l'existence de Dieu, mais qui pour un
croyant peut nourrir sa propre émotion religieuse» Mais en réalité cette émotion de la
nature, nous dit très finement la Guemara, a deux tonalités. Cela peut être la
splendeur, mais cela peut être aussi la terreur. Car le spectacle de la nature
précisément, parce qu'il n'est pas la preuve de l'existence d'un Dieu personnel, mais
qu'il ne renvoie qu'au pressentiment d'une divinité impersonnelle, peut au contraire
déclencher la terreur, l'horreur du sacré que connaissaient les anciens. Et c'est
pourquoi Rabi Josué ben Lévi préfère que l'on fasse cette correction. Ce n'est pas une
correction de critique biblique ; en effet, les commentateurs nous aident à comprendre
que ce verset se trouve deux fois dans le psautier : une fois dans un contexte de
splendeur (XXIX, 2) et une autre fois dans un contexte de terreur, parce qu'il est suivi
de l'hémistiche : « Tremblez devant Lui, toute la terre » (XCVI, 9). Il semble bien ici
que le risque soit grand de confondre l'émotion religieuse elle-même avec l'émotion
esthétique sous toutes ses formes.
Joie et crainte
Et la Guemara après avoir rejeté ces différentes thèses, qui sont à peu près l'ensemble
des thèses que tous les psychologues ou les sociologues nous donnent habituellement
dans un essai de définition du sentiment religieux, cite un verset définitif : « Servez
Dieu dans la crainte, et réjouissez-vous en tremblant » (Ps. II, 11). Ce verset décrit,