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Jean-Remy Bezias
la position de Paris sur place : les nationalistes monegasques revendiquaient
aupres du prince une priorite a l'emploi dans le territoire de la principaute,
mena$ant, en cas de succes de leurs pressions, les interets des Fran$ais y tra
vaillant. Mais surtout, les nationalistes avaient pris pour cible le traite
de 1918, dans lequel ils voyaient un acte de soumission a la France, signe
sans le consentement des citoyens de Monaco. Offrir un siege a la SDN ris
quait de faire croitre en principaute les revendications ? independantistes ?.
En outre, l'obsession du consul de France a Monaco etait le possible sou
tien apporte a la mouvance nationaliste monegasque par une puissance
etrangere, en l'occurrence l'ltalie. Celle-ci pourrait profiter de l'accession
de la principaute a la SDN pour flatter le particularisme local et detacher de
plus en plus la ? marionnette monegasque ? de la France8.
Ces differentes raisons pousserent la France a la prudence : le Quai
d'Orsay suggera a la presidence du Conseil de remphr les obligations du
traite de 1918 en intercedant en faveur de Monaco a la SDN, mais, en cas
d'opposition, de ne pas insister. En fait les autorites fran^aises furent tirees
de l'embarras par la principaute elle-meme : le 23 octobre 1920, le secre
taire d'Etat du prince, Roussel-Despierre, avait annonce l'ajournement de
la requete monegasque9.
Avec la disparition d'Albert Ier, le 26 juin 1922, s'acheva le regne d'un
souverain a la stature exceptionnelle, sorte de despote eclaire, reticent a
accorder des hbertes a ses sujets, mais soucieux de son image Internatio
nale et desireux de faire rayonner a Texterieur son minuscule Etat10. Son
fils et successeur, Louis II, s'il etait autant que son pere imbu de son pou
voir, ne disposait ni des memes facihtes intellectuelles ni de la meme
volonte d'action. Sincerement attache a la France, impregne d'un patrio
tisme forge a Saint-Cyr et dans les garnisons ou il avait servi comme ofE
cier, souverain efface et fort peu interesse par la politique, le prince Louis
n'en poursuivit pas moins les efforts paternels en direction de la SDN.
Des Fete 1923, les demandes monegasques furent relancees. Sans
doute Louis II cedait-il aux pressions de son entourage. Ses representants
s'attachaient a presenter la requete de la fa^on la plus moderee possible :
? Le prince, sans y tenir beaucoup, verrait sans deplaisir que Monaco
entrat a la Societe des Nations. ?n Les preventions du Quai d'Orsay
etaient toujours les memes. Mais dans la balance intervenait un element
nouveau : la presence de Raymond Poincare a la presidence du Conseil.
L'ex-president de la Republique entretenait des hens etroits avec le palais
8. Ibid.
9. Ibid., copie d'une lettre de F. Roussel-Despierres a Laroche, directeur adjoint des Affaires
politiques et commerciales, 23 octobre 1923. L'ajournement etait motive par la necessite d'achever au
prealable une revision constitutionnelle entamee en 1917.
10. Un document francais legerement posterieur laisse entendre qu'Albert, a l'extreme fin de sa
vie, etait revenu sur ses velleites d'adhesion a la SDN, et avait meme envisage la mise sous protectorat
effectif de la principaute (MAE, Y Internationale, 1918-1940, SDN, vol. 493, note de Du Sault a pro
pos d'une conversation avec Jaloustre, 22 novembre 1924). L'authenticite d'un tel propos est difficile
a etablir.
11. Ibid., note intitulee ? Visite du secretaire d'Etat de Monaco a M. de Peretti ?, 12 juillet 1923.
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