LA FRANCE ET L'INTÉGRATION INTERNATIONALE DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO

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LA FRANCE ET L'INTÉGRATION INTERNATIONALE DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO
(1918-1939)
Author(s): Jean-Rémy Bézias
Source:
Guerres mondiales et conflits contemporains
, No. 221 (Janvier 2006), pp. 93-103
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25733074
Accessed: 27-06-2016 02:38 UTC
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LA FRANCE ET L'INTEGRATION
INTERNATIONALE
DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO
(1918-1939)
Le 5 octobre 2004, Monaco est devenu, apres de longues negocia
tions, le 46e Etat membre du Conseil de PEurope. Le 28 mai 1993, avec la
benediction de la France de Francois Mitterrand, la principaute etait
entree dans FOrganisation des Nations Unies. En une dizaine d'annees
entre la fin du xxe et le debut du xxie siecle, le micro-Etat princier,
enclave en territoire fran^ais, est parvenu a atteindre robjectif qui etait
celui, pratiquement un siecle plus tot, du prince-savant Albert Ier: obtenir
une veritable reconnaissance internationale et diplomatique pour la prin
cipaute. Lors des negociations pour Fentree au Conseil de PEurope, au
debut des annees 2000, les memes questions se poserent que pour Fentree
a la SDN : la souverainete monegasque existe-t-elle ? Monaco, d'une cer
taine fa$on, n'etait-il pas le dernier ? protectorat? fran^ais ? Nous essaie
rons ici de montrer comment la question de Fintegration internationale
de la principaute de Monaco a constitue durant l'entre-deux-guerres un
aspect particulier de la politique de puissance de la France.
Les archives du Quai d'Orsay, recoupees avec celles de la SDN, mon
trent que pendant cette periode, les dirigeants fran^ais se sont preoccupes
de cette question, et qu'en particuUer dans les annees 1920, des hommes
tels que Poincare, Herriot et Briand y ont par instant joue un role person
nel. La raison en est que Penjeu monegasque recoupa alors le domaine des
relations avec deux puissances, TAllemagne, et surtout PItaUe, mais qu'il
avait aussi pour toile de fond les rapports de la France avec les territoires
qu'elle administrait sous mandat de la SDN. Nous verrons que deux perio
des se detachent clairement dans Pevolution de la politique francaise.
ANNEES 1920: LE FEUILLETON
DE LA CANDIDATURE MONEGASQUE A LA SDN
Au lendemain de la Premiere Guerre mondiale, la creation de la SDN
posa celle de Padhesion eventuelle de la principaute a la nouvelle organi
sation. Le traite du 17 juillet 1918 avait clairement place la principaute
Guerres mondiales et conflits contemporains, n? 221/2006
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sous la tutelle diplomatique de la France, encore davantage qu'auparavant.
Rappelons que ce traite avait pour but principal d'eviter que la princi
paute ne passe sous dornination allemande, eventualite permise par
Fabsence d'heritier susceptible de succeder au fils d'Albert Ier, le prince
Louis1. II avait pourtant ete prevu dans le traite une disposition riche,
a priori, de possibilites pour Monaco. L'article 5 prevoyait:
? Le gouvemement fran^ais pretera au gouvemement fran^ais ses bons offices
pour lui faciliter Faeces a ses cotes des conferences et institutions Internationales,
notamment celles ayant pour objet rorganisation de la Societe des Nations. ?
Estimait-on a Paris qu'il se serait agi essentiellement par la de faciliter a
Albert Ier Faeces a des manifestations internationales a caractere scienti
fique, activite qu'affectionnait particulierement le souverain2 ? S'agissait-il
de faire plaisir a un prince qui, le 25 fevrier 1903, avait lui-meme cree un
Institut international de la Paix, dont le siege avait ete transfere a Paris le
17 octobre 1912 ? On peut tout de meme se demander si la France ne
projetait pas deja de s'assurer, le cas echeant, la possession d'une voix sup
plementaire au Conseil general de la SDN, par rentremise de son protec
torat monegasque. En tout cas, une telle hypothese n'est pas dementie par
les debats internes a la diplomatie fran^aise que ne manquerent pas de
provoquer au cours des annees 1920 les velleites monegasques de candi
dature a la SDN. En effet, en offirant au prince le cadeau d'une eventuelle
insertion de Monaco dans le concert des nations, la France s'etait engagee
dans une voie porteuse de nombreuses interrogations.
Une premiere demande monegasque d'adhesion a la future Societe
des Nations fut presentee lors de la conference de la Paix, a Paris,
en 1919. Selon les sources diplomatiques fran^aises, cette candidature
avait immediatement souleve Popposition de Wilson et de Lloyd George,
plus que reticents face a Pinterpenetration des interets financiers existant
entre PEtat princier et la Maison de jeux de Monte-Carlo, dirigee par la
Societe des bains de mer (SBM)3. Tout au moins etait-ce la leur position
officielle, mais rien ne dit qu'ils n'aient pas en meme temps voulu eviter
de dormer a la France une deuxieme voix assuree au sein de la future SDN.
La candidature semble avoir neanmoins refu un debut de presentation
par Pintermediaire du ministre fran9ais des Affaires etrangeres, Stephen
Pichon. Mais ce dernier fut d'emblee dementi a la tribune de la confe
rence par son president du Conseil, Clemenceau, tres defavorable a titre
1. En l'absence d'heritier direct, la couronne monegasque pouvait passer a une branche cou
sine, celle des d'Urach, famille allemande. Cette famille renoncera a la couronne monegasque
en 1924.
2. C'est ce que suggere une note posterieure : Ministere des Affaires etrangeres (Paris), ci-apres
MAE, Y Internationale, 1918-1940, SDN, vol. 493, note pour le president du Conseil, ler aout 1932.
3. MAE, Y Internationale, 1918-1940, SDN, vol. 493, note pour le president du Conseil,
12 octobre 1920. Les redevances tirees des jeux representaient les trois quarts des ressources du budget
princier, lequel se confondait avec celui de la principaute.
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La France et Vintigration intemationale de la principaute de Monaco 95
personnel a une telle demande4. La SDN comment done a fonctionner
sans les Monegasques, mais l'affaire n'en resta pas la.
Dans les annees suivantes, en effet, le petit Etat revint a la charge a
plusieurs reprises. Des l'automne 1920, Albert Ier frappa a nouveau, dis
cretement, a la porte de l'organisation : le gouvernement fran^ais apprit
qu'il avait presente une requete dans ce sens au secretariat general de
reorganisation5. Pour la France, se posait done la question de Fapplication
de Particle 5 du recent traite franco-monegasque : Allait-il falloir recom
mander le postulant aupres de la SDN ? La Direction des affaires politiques
et commerciales du Quai d'Orsay etait circonspecte. L'interet de disposer
d'une voix de plus pour la France au sein de la SDN n'etait pas ecarte.
Mais une serie d'inconvenients refroidissait Pardeur des diplomates; cette
addition de problemes enonces allait constituer un leitmotiv durant tout
Pentre-deux-guerres.
Aux yeux des diplomates, d'abord, l'autorite morale d'une telle voix
paraissait ? tres douteuse ?, en raison de la reputation sulfureuse de la prin
cipaute. II convient d'ajouter que l'absence de reel budget a Monaco
- celui de l'Etat se confondait avec celui du prince - laissait planer des
doutes quant a la nature exacte de l'Etat. La n'etait pas le seul obstacle. Les
Fran$ais s'inquietaient aussi du caractere imprevisible des reactions
d'Albert Ier, ? difficilement maniable ? et pouvant ? se Uvrer a des tirades
en opposition avec nos vues ?6. Rappelons qu'outre le fait qu'il n'avait
jamais cache son pacifisme, le prince Albert n'avait pas hesite dans un
passe lointain a s'exprimer sur un probleme de poUtique interieure fran
^aise, l'affaire Dreyfus, montrant une liberte de parole certaine par ses pri
ses de position en faveur du prisonnier de Pile du Diable7. Dormer au sou
verain monegasque une tribune Internationale pouvait, du point de vue
fran$ais, presenter un risque.
Plus encore, le danger n'etait-il pas qu'a la faveur d'une admission au
sein de la SDN, Monaco manifeste des velleites d'independance a Tegard de
la France ? Au pied du Rocher, un parti qualifie de ? nationaliste ? par les
autorites consulaires fran^aises, avait vu le jour avant la Premiere Guerre
mondiale. Apres une vague d'agitation sans precedent, il avait obtenu, en
remplacement de la charte constitutionnelle du 25 fevrier 1848, tres res
trictive, la premiere veritable constitution de l'histoire du petit Etat, pro
mulguee le 5 janvier 1911. Si, en soi, l'episode n'avait pas de quoi inquieter
la France, il contenait pourtant aussi un ingredient de nature a destabiUser
4. Ibid., note de Laroche, directeur adjoint des Affaires politiques et commerciales, 12 juil
let 1923.
5. Ibid., note pour le president du Conseil, 12 octobre 1920.
6. Ibid.
1. Dreyfusard convaincu, Albert Icr etait egalement anticlerical; c'est lui qui en mai 1904 avait
revele a Jean Jaures le contenu complet d'une lettre confidentielle du secretaire d'Etat du pape, le car
dinal Merry del Val, dans laquelle le prelat affichait son hostilite a Emile Combes. La publication du
document dans VHumaniU du 17 mai provoqua le rappel de Tambassadeur de France aupres du Saint
Siege.
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la position de Paris sur place : les nationalistes monegasques revendiquaient
aupres du prince une priorite a l'emploi dans le territoire de la principaute,
mena$ant, en cas de succes de leurs pressions, les interets des Fran$ais y tra
vaillant. Mais surtout, les nationalistes avaient pris pour cible le traite
de 1918, dans lequel ils voyaient un acte de soumission a la France, signe
sans le consentement des citoyens de Monaco. Offrir un siege a la SDN ris
quait de faire croitre en principaute les revendications ? independantistes ?.
En outre, l'obsession du consul de France a Monaco etait le possible sou
tien apporte a la mouvance nationaliste monegasque par une puissance
etrangere, en l'occurrence l'ltalie. Celle-ci pourrait profiter de l'accession
de la principaute a la SDN pour flatter le particularisme local et detacher de
plus en plus la ? marionnette monegasque ? de la France8.
Ces differentes raisons pousserent la France a la prudence : le Quai
d'Orsay suggera a la presidence du Conseil de remphr les obligations du
traite de 1918 en intercedant en faveur de Monaco a la SDN, mais, en cas
d'opposition, de ne pas insister. En fait les autorites fran^aises furent tirees
de l'embarras par la principaute elle-meme : le 23 octobre 1920, le secre
taire d'Etat du prince, Roussel-Despierre, avait annonce l'ajournement de
la requete monegasque9.
Avec la disparition d'Albert Ier, le 26 juin 1922, s'acheva le regne d'un
souverain a la stature exceptionnelle, sorte de despote eclaire, reticent a
accorder des hbertes a ses sujets, mais soucieux de son image Internatio
nale et desireux de faire rayonner a Texterieur son minuscule Etat10. Son
fils et successeur, Louis II, s'il etait autant que son pere imbu de son pou
voir, ne disposait ni des memes facihtes intellectuelles ni de la meme
volonte d'action. Sincerement attache a la France, impregne d'un patrio
tisme forge a Saint-Cyr et dans les garnisons ou il avait servi comme ofE
cier, souverain efface et fort peu interesse par la politique, le prince Louis
n'en poursuivit pas moins les efforts paternels en direction de la SDN.
Des Fete 1923, les demandes monegasques furent relancees. Sans
doute Louis II cedait-il aux pressions de son entourage. Ses representants
s'attachaient a presenter la requete de la fa^on la plus moderee possible :
? Le prince, sans y tenir beaucoup, verrait sans deplaisir que Monaco
entrat a la Societe des Nations. ?n Les preventions du Quai d'Orsay
etaient toujours les memes. Mais dans la balance intervenait un element
nouveau : la presence de Raymond Poincare a la presidence du Conseil.
L'ex-president de la Republique entretenait des hens etroits avec le palais
8. Ibid.
9. Ibid., copie d'une lettre de F. Roussel-Despierres a Laroche, directeur adjoint des Affaires
politiques et commerciales, 23 octobre 1923. L'ajournement etait motive par la necessite d'achever au
prealable une revision constitutionnelle entamee en 1917.
10. Un document francais legerement posterieur laisse entendre qu'Albert, a l'extreme fin de sa
vie, etait revenu sur ses velleites d'adhesion a la SDN, et avait meme envisage la mise sous protectorat
effectif de la principaute (MAE, Y Internationale, 1918-1940, SDN, vol. 493, note de Du Sault a pro
pos d'une conversation avec Jaloustre, 22 novembre 1924). L'authenticite d'un tel propos est difficile
a etablir.
11. Ibid., note intitulee ? Visite du secretaire d'Etat de Monaco a M. de Peretti ?, 12 juillet 1923.
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