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LE MYTHE NAPOLEONIEN DANS LA LITTERATURE ROMANTIQUE
I Préambule : quelques repères littéraires et historiques
De manière générale, le romantisme est créateur de mythes. Un des plus célèbres d’entre eux est le
Faust de Goethe, introduit en France par Mme de Staël et Nerval, adopté par Delacroix, Berlioz ou Gounod.
La littérature romantique s’empare également du mythe napoléonien et en devient son principal support.
Des écrivains comme Balzac ou Stendhal puisent en effet dans l’histoire et la société moderne les éléments
de nouvelles chroniques et de nouvelles mythologies romanesques. Ils s’emparent de la figure de Napoléon
participant ainsi à la fabrication de sa légende. Celle-ci est l’exemple même de ces transformations qui font
d’un homme vaincu un personnage sublime. Hugo transforme l’aventure napoléonienne en épopée et en
combat contre Napoléon III ; il fait de Napoléon un nouveau Prométhée.
Le Romantisme s’étend sur plusieurs générations. D’abord anglais puis allemand et enfin français, il
ne peut se comprendre que comme une prise de position par rapport aux événements historiques de la fin du
XVIIIe siècle à la fin du Second Empire. Ne sont pas romantiques pour les mêmes raisons ceux qui ont vécu
la révolution de 1789, celle de juillet 1830 ou celle de février à juin 1848.
Stendhal (comme Vigny, Hugo ou Balzac) appartient à la seconde génération romantique, celle qui a
été jeune sous la Restauration. Ce sont des écrivains qui ont été perturbés par l’échec de Napoléon Ier. La
Restauration (1815-1830) établit une nouvelle organisation sociale qui est marquée par la chute de
l’empereur. Comme la Monarchie de Juillet (1830-1848), c’est un des régimes de « gestion » du pays
rompant avec l'héroïsme antérieur. La Restauration est perçue comme un régime passéiste avec le retour des
immigrés qui avaient été chassés par la Révolution. Ces « vieillards » occupent désormais les postes
importants et c’est dorénavant l’ordre ancien qui prime. Le conservatisme moral et social se double d'une
politique favorable aux affaires. Les dirigeants sont de nouveaux riches. La société est comme bloquée, la
jeunesse ne trouve plus sa place, elle est sans espoir, sans avenir.
Pourquoi Napoléon est-il un héros romantique ? Sur quoi le mythe se base-t-il ?
La génération de l’Empire avait cru dans les rêves de gloire de Napoléon. Avec la chute de Napoléon en
1815 c’est tout un idéal de vie héroïque énergique et intense qui s’écroule.
Pour beaucoup, Napoléon Bonaparte est un héros romantique car il prolonge la révolution de 1789. Homme
du peuple devenu empereur et maître de l’Europe, il incarne les forces émancipatrices de la Révolution. Parti
de rien, il est devenu un puissant admiré de tous. Adulé puis combattu, Napoléon devient un héros
romantique après sa défaite. Lorsqu’il s’est exilé à Sainte-Hélène, la génération des jeunes gens nés avec le
siècle est alors désespérée. Napoléon représente pour toute une génération trop jeune pour avoir connu la
révolution, un héros providentiel, beaucoup de jeunes héros de Stendhal sont fascinés par l'idéal
napoléonien.
Pourquoi Julien Sorel fait-il de Napoléon son héros ?
Pour Julien, Napoléon symbolise l’homme énergique, l’ambitieux. Julien, lui, sera l’ambitieux qui ne réussit
pas car il est né « trop tard dans un monde trop vieux », comme dit Musset (Rolla, 1833). C’est une réalité
historique : après la chute de Napoléon, la voie de la réussite sociale est bloquée pour ceux qui n’ont pas un
grand nom. Obstination et volonté ne semblent pas venir à bout des obstacles que la société dresse devant
eux. D’où le choix de la prêtrise, seule façon de réussir, mais il s’agit d’une carrière par défaut.
C’est ainsi qu’il faut comprendre le titre du roman : « le rouge signifie que, venu plus tôt, Julien eût été
soldat, mais à l’époque où il vécut, il fut forcé de prendre la soutane, de là le noir », Stendhal, propos
rapporté par Émile Forgues dans Le National du 1er avril 1842.
II Etude du corpus de textes
Séance 1
Texte 1 : le “mal du siècle”
Dans ce roman d’inspiration autobiographique, le narrateur raconte l’itinéraire désenchanté d’un jeune
homme dont la génération arrive après l’épopée napoléonienne, temps des héros guerriers. Description
d’un monde détruit, celui de la Restauration, qui ne s’est pas remis de la défaite napoléonienne, La
Confession d’un enfant du siècle de Musset définit le « mal du siècle ».
Alors il s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. Tous ces enfants étaient des gouttes d’un
sang brûlant qui avait inondé la terre ; ils étaient nés au sein de la guerre, pour la guerre. Ils avaient
rêvé pendant quinze ans des neiges de Moscou et du soleil des Pyramides
1
; on les avait trempés dans le
mépris de la vie comme de jeunes épées. Ils n’étaient pas sortis de leurs villes, mais on leur avait dit que par
chaque barrière de ces villes on allait à une capitale d’Europe. Ils avaient dans la tête tout un monde ; ils
regardaient la terre, le ciel, les rues et les chemins ; tout cela était vide, et les cloches de leurs paroisses
résonnaient seules dans le lointain.
De pâles fantômes, couverts de robes noires, traversaient lentement les campagnes ; d’autres
frappaient aux portes des maisons, et dès qu’on leur avait ouvert, ils tiraient de leurs poches de grands
parchemins tout usés, avec lesquels ils chassaient les habitants
2
. De tous côtés arrivaient des hommes encore
tout tremblants de la peur qui leur avait pris à leur départ, vingt ans auparavant. Tous réclamaient,
disputaient et criaient ; on s’étonnait qu’une seule mort pût appeler tant de corbeaux
3
.
Le roi de France était sur son trône, regardant çà et s’il ne voyait pas une abeille
4
dans ses
tapisseries. Les uns lui tendaient leur chapeau, et il leur donnait de l’argent ; les autres lui montraient un
crucifix, et il le baisait ; d’autres se contentaient de lui crier aux oreilles de grands noms retentissants, et il
répondait à ceux- d’aller dans sa grande salle, que les échos en étaient sonores ; d’autres encore lui
montraient leurs vieux manteaux, comme ils en avaient bien effacé les abeilles, et à ceux-il donnait un
habit neuf.
Les enfants regardaient tout cela, pensant toujours que l’ombre de César allait débarquer à Cannes
5
et
souffler sur ces larves ; mais le silence continuait toujours, et l’on ne voyait flotter dans le ciel que la pâleur
des lis
6
. Quand les enfants parlaient de gloire, on leur disait : Faites-vous prêtres ; quand ils parlaient
d’ambition : Faites-vous prêtres ; d’espérance, d’amour, de force, de vie : Faites-vous prêtres.
Alfred de Musset, La Confession d’un enfant du siècle, « Un monde en ruine », I, 2, 1836
1
Allusion aux conquêtes napoléoniennes, la campagne de Russie (1812) et celle d’Egypte (1798 à 1801)
2
Allusion au retour des exilés qui avaient été chassées par la Révolution française et reviennent avec la Restauration pour
récupérer leurs propriétés.
3
Le mort est Napoléon.
4
Emblème de Napoléon.
5
Lieu du débarquement de Napoléon lors de son retour de l’île d’Elbe en mars 1815, avant sa défaite à Waterloo. Début de la
période des Cent jours.
6
Emblème de la royauté française.
Texte 2 le mythe Napoléon et Julien Sorel
Pour Julien, faire fortune, c’était d’abord sortir de Verrières ; il abhorrait sa patrie. Tout ce qu’il voyait
glaçait son imagination.
Dès sa première enfance, il avait eu des moments d’exaltation. Alors il songeait avec délices qu’un jour il
serait présenté aux jolies femmes de Paris, il saurait attirer leur attention par quelque action d’éclat.
Pourquoi ne serait-il pas aimé de l’une d’elles, comme Bonaparte, pauvre encore, avait été aimé de la
brillante madame de Beauharnais ? Depuis bien des années, Julien ne passait peut-être pas une heure de sa
vie, sans se dire que Bonaparte, lieutenant obscur et sans fortune, s’était fait le maître du monde avec son
épée. Cette idée le consolait de ses malheurs qu’il croyait grands, et redoublait sa joie quand il en avait.
La construction de l’église et les sentences du juge de paix l’éclairèrent tout à coup ; une idée qui lui vint le
rendit comme fou pendant quelques semaines, et enfin s’empara de lui avec la toute-puissance de la
première idée qu’une âme passionnée croit avoir inventée.
« Quand Bonaparte fit parler de lui, la France avait peur d’être envahie ; le mérite militaire était nécessaire et
à la mode. Aujourd’hui, on voit des prêtres, de quarante ans, avoir cent mille francs d’appointements, c’est-
à-dire, trois fois autant que les fameux généraux de division de Napoléon. Il leur faut des gens qui les
secondent. Voilà ce juge de paix, si bonne tête, si honnête homme jusqu’ici, si vieux, qui se déshonore par
crainte de déplaire à un jeune vicaire de trente ans. Il faut être prêtre. »
Stendhal, Le rouge et le Noir, Livre I chap 5, 1830
Questions sur les textes :
1. À l’aide des indices donnés dans le texte 1, situez la période historique dont il est question.
2. Quelle image est donnée du passé napoléonien ? Relevez des termes et des figures de style significatifs.
3. Qu’est ce qui caractérise l’époque à laquelle parle le narrateur ? A quoi voit-on que le passé est révolu ?
4. À quels indices voit-on que Musset fait la satire de la société de la Restauration ?
5. A partir de vos analyses, essayez de définir ce que Musset appelle « le mal du siècle » qui caractérise
cette génération romantique.
6. Relevez les points communs et différences entre les textes 1 et 2 : quelle est la solution face au « mal du
siècle » imaginée par Julien Sorel dans le texte 2 extrait du Le Rouge et le Noir ?
Séance 2
Texte 3 : regard critique sur le mythe napoléonien
Servitude et Grandeur militaire est un recueil de nouvelles dans lequel Alfred de Vigny décrit la condition
militaire dans toute sa misère et présente la guerre comme un fléau.
Vers la fin de l’Empire, je fus un lycéen distrait. La guerre était debout dans le lycée, le tambour étouffait à
mes oreilles la voix des maîtres, et la voix mystérieuse des livres ne nous parlait qu’un langage froid et
pédantesque. Les logarithmes et les tropes n’étaient à nos yeux que des degrés pour monter à l’étoile de la
Légion d’honneur, la plus belle étoile des cieux pour des enfants.
Nulle méditation ne pouvait enchaîner longtemps des têtes étourdies sans cesse par les canons et les
cloches des Te Deum ! Lorsquun de nos frères, sorti depuis quelques mois du collège, reparaissait en
uniforme de hussard et le bras en écharpe, nous rougissions de nos livres et nous les jetions à la tête des
maîtres. Les maîtres mêmes ne cessaient de nous lire les bulletins de la Grande Armée, et nos cris de « Vive
l’Empereur ! » interrompaient Tacite et Platon. Nos précepteurs ressemblaient à des hérauts d’armes, nos
salles d’études à des casernes, nos récréations à des manœuvres et nos examens à des revues.
Il me prit alors plus que jamais un amour vraiment désordonné de la gloire des armes ; passion
d’autant plus malheureuse que c’était le temps précisément où, comme je l’ai dit, la France commençait à
s’en guérir. Mais l’orage grondait encore, et ni mes études sévères, rudes, forcées et trop précoces, ni le bruit
du grand monde, où, pour me distraire de ce penchant, on m’avait jeté tout adolescent, ne me purent ôter
cette idée fixe.
Bien souvent j’ai souri de pitié sur moi-même en voyant avec quelle force une idée s’empare de nous,
comme elle nous fait sa dupe, et combien il faut de temps pour l’user. La satiété même ne parvint qu’à me
faire désobéir à celle-ci, non à la détruire en moi, et ce livre aussi me prouve que je prends plaisir encore à la
caresser et que je ne serais pas éloigné d’une rechute. Tant les impressions d’enfance sont profondes, et tant
s’était bien gravée sur nos cœurs la marque brûlante de lAigle Romaine !
Ce ne fut que très tard que je m’aperçus que mes services n’étaient qu’une longue méprise, et que
j’avais porté dans une vie tout active une nature toute contemplative. Mais j’avais suivi la pente de cette
génération de l’Empire, née avec le siècle et de laquelle je suis.
Alfred de Vigny, Servitude et Grandeur militaire, Livre premier, chapitre 1, 1835
Questionnaire et corrigé
1) Sur quoi la fascination de la jeunesse pour Napoléon repose-t-elle ?
2) Montrez que la guerre prend le pas sur l’école.
3) Quel regard le narrateur porte-t-il sur cette attitude ? Relevez les termes qui la décrivent.
4) Comparez la vision que Vigny donne du mythe avec celle étudiée chez Musset et Stendhal.
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