Chapitre 1
Introduction
L’effet Hall quantique fractionnaire (EHQF) découvert au début des années 80 est un
thème de recherche majeur de la physique de la matière condensée. Son intérêt est fon-
damental et va bien au delà d’un simple effet complexe impliquant des interactions entre
électrons. En effet, il met en jeu des quasi-particules de charge fractionnaire dont la sta-
tistique elle-même est fractionnaire. Ce phénomène remarquable nécessite par lui-même
une extension de la mécanique quantique ordinaire. Dans sa formulation par l’intégrale
de chemin il a été montré par Laidlaw & DeWitt (1971) puis par Leinaas & Myrheim
(1977) que lorsque la dimension de l’espace est seulement deux alors l’échange de deux
particules peut faire intervenir une phase quelconque, pas seulement ±1comme c’est le cas
à trois dimensions et plus. C’est ce que l’on appelle désormais une statistique anyonique.
Compris plus récemment encore, l’effet Hall quantique fractionnaire peut impliquer des
statistiques quantiques plus générales dites non-Abéliennes où la phase d’échange devient
une matrice agissant dans un espace d’états qui n’est plus unidimensionnel. La descrip-
tion de ce nouvel état de la matière nécessite l’introduction de nouveaux outils comme
les théories de Chern-Simons qui décrivent la correspondance entre le volume et le bord
de ces phases. L’étude de ce phénomène mobilise de nombreux domaines différents de la
physique théorique : problème a N corps en interactions, théories des champs de Chern-
Simons, théories des champs invariantes conformes à deux dimensions. L’EHQF fait aussi
appel à des aspects mathématiques très riches : groupe des tresses pour le “braiding” des
anyons, théories des polynômes symétriques de Jack, entropie ou spectre d’intrication de
la matrice densité.
L’effet Hall quantique fractionnaire a été observé dans divers systèmes bidimension-
nels. Au départ il s’agissait surtout de gaz d’électrons dans des hétérostructures ou puits
quantiques à base de GaAs. Ont suivi de nombreux autres semi-conducteurs comme des
puits quantiques de silicium, des hétérostructures Si/SiGe. Enfin plus récemment, l’EHQF
a été observé dans le graphène. Ces nouveaux matériaux font intervenir un degré de li-
berté supplémentaire, la dégénérescence de vallée. Ceci conduit à une richesse encore plus
grande des états fondamentaux du système ainsi que de leurs excitations, qui mettent en
jeu des quasi-particules dites “skyrmions” où les degrés de liberté de spin ou de vallée sont
intriqués avec la position spatiale. À nouveau ceci montre le lien avec d’autres domaines
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