LES DOULEURS LOMBAIRES LES DOULEURS LOMBAIRES LES DOULEURS LOMBAIRES Françoise Beroud Coordinatrice technique et responsable de la publication INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR 3, rue Joseph Monier - BP325 92506 Rueil-Malmaison Cedex Tél : 01 58 83 89 94 Fax : 01 58 83 89 01 E-mail : [email protected] Site : institut-upsa-douleur.org Note aux lecteurs Les notions exposées dans ce livre sont destinées à compléter et non à remplacer les connaissances des professionnels formés en la matière. Les auteurs et les coordinateurs déclinent toute responsabilité directe ou indirecte dans l’usage pouvant être fait de cet ouvrage. ISBN : 9782910844257 Conception A Éditorial Paris : 0142 40 23 00 Couverture : Underdogstudios Dépôt légal 1e trimestre 2015 LES DOULEURS LOMBAIRES Pr François Rannou, Pr Richard Trèves Coordinateurs scientifiques 3 LES AUTEURS Stéphane Aunoble Unité ortho rachis 2, CHU Bordeaux département recherche chirurgicale DETERCA Université Bordeaux [email protected] Emmanuel Coudeyre Université d’Auvergne Service de Médecine Physique et de Réadaptation, CHU Clermont-Ferrand [email protected] Anne Coutaux Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris [email protected] Emmanuelle Dernis Service de Rhumatologie, Centre Hospitalier du Mans [email protected] Jean-Baptiste Fassier Service de médecine et santé du travail, Hospices civils de Lyon [email protected] LES AUTEURS Antonio Faundez Département orthopédie Hôpitaux universitaires de Genève 4 Violaine Foltz Service de Rhumatologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris [email protected] Éric Gibert Service de Rhumatologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris [email protected] Barbara Horlé Pédiatre, Hématologue, Service de Pédiatrie, Consultation douleur chronique de l'enfant, Centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde [email protected] Charlotte Lanhers Université d’Auvergne Service de Médecine Physique et de Réadaptation CHU de Clermont-Ferrand, Hôpital Nord [email protected] Françoise Laroche Rhumatologue, Praticien Hospitalier, Vice-présidente du CEDR (Cercle d’Étude de la Douleur en Rhumatologie), Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur Hôpital Saint-Antoine, Paris [email protected] Bernard Laurent Centre d’Évaluation et de traitement de la Douleur CHU Saint-Etienne [email protected] Jean-Charles Le Huec Chef de service Département Ortho Rachis 2 CHU Pellegrin Tripode, Bordeaux [email protected] LES Bernard Mazières Centre de Rhumatologie Hôpitaux de Toulouse [email protected] AUTEURS Marc Marty Service de Rhumatologie Hôpital Henri Mondor, Créteil [email protected] 5 LES AUTEURS (SUITE) Malou Navez Centre d’Évaluation et de traitement de la Douleur CHU Saint-Etienne [email protected] François Rannou Rééducation et réadaptation de l’appareil locomoteur et des pathologies du rachis Pôle ostéoarticulaire CHU Paris Centre - Hôpital Cochin, Université Paris-Descartes INSERM U1124, Paris francois [email protected] Bruno Ternisien d’Ouville Médecin généraliste, Limoges [email protected] Richard Trèves Service de Rhumatologie C.H.U. Dupuytren, Limoges [email protected] Bruno Troussier Service de Rhumatologie C.H.U. Grenoble LES AUTEURS Pascale Vergne-Salle Service de Rhumatologie C.H.U. Dupuytren, Limoges [email protected] 6 Chantal Wood Médecin de la douleur Centre de Prise en Charge de la Douleur Chronique CHU de Limoges [email protected] SOMMAIRE Introduction ------------------------------------------ 9 Richard Trèves 1. Épidémiologie des lombalgies ------------------13 Marc Marty 2. De la lésion au phénotype dans la douleur lombaire------------------------29 François Rannou 3. Diagnostic et prise en charge ------------------35 d’une lombalgie aiguë de l’adulte Bernard Mazières 4. Comment différencier une lombalgie ----------53 inflammatoire d’une lombalgie commune Emmanuelle Dernis 5. La lombalgie chronique -------------------------65 5.1 Aspects socio-professionnels -------------67 Jean-Baptiste Fassier 5.2 Facteurs psychologiques --------------------83 Françoise Laroche 6. La lombalgie de l’enfant et de l’adolescent ------------------------------- 119 Barbara Horlé, Chantal Wood, Bruno Troussier SOMMAIRE 5.3 Le point de vue du clinicien- - - - - - - - - - - - - - -99 Pascale Vergne-Salle 7 7. Traitements pharmacologiques --------------- 139 de la lombalgie chronique Anne Coutaux 8. Quelques traitements non médicamenteux -- 159 8.1 Neurostimulation --------------------------- 163 transcutanée et lombalgies Malou Navez, Bernard Laurent 8.2 Thérapies cognitives ---------------------- 173 et comportementales, psychoéducation et lombalgie chronique Françoise Laroche 8.3 Apport de l’hypnose dans ---------------- 189 le traitement de la lombalgie chronique Anne Coutaux, Eric Gibert 8.4 L’acupuncture ------------------------------- 199 Bruno Ternisien d’Ouville 9. Infiltrations et lombalgie ---------------------- 203 Violaine Foltz 10. Lombalgie et exercices ------------------------ 223 Charlotte Lanhers, Emmanuel Coudeyre 11. Chirurgie et lombalgie ------------------------- 247 Jean-Charles Le Huec, Antonio Faundez, Stéphane Aunoble SOMMAIRE Conclusion ----------------------------------------- 269 François Rannou 8 Annexes ------------------------------------------- 271 Introduction Pr Richard Trèves La lombalgie est une pathologie, en dépit des indifférents, dont on apprécie l’évolution des connaissances. Pourtant, lorsqu’on aborde le principe de la lombalgie chronique, on peut toujours se dire que 10 % des lombalgiques sont responsables de 90 % des coûts. C’est une approche médico-économique. • L’imagerie, par exemple, a fait des grands progrès avec la description en 1988 lors des débuts de l’IRM du phénomène de Modic. Il s’agit d’une modification du signal des plateaux vertébraux au contact d’une discopathie dégénérative. Les anomalies de signal évoluent au cours du temps, déterminant ainsi des stades différents de Modic. Le traitement reste encore assez mal codifié : il reste médical. On distingue trois stades dans le Modic : le premier stade correspond à un œdème et à une hypervascularisation, donc à une forme aiguë. Par conséquent, une thérapeutique préconisant des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des injections intradiscales de corticoïdes est conseillée. Les autres stades n’ont pas de composante inflammatoire : le deuxième stade témoignant d’une involution graisseuse de la moelle et le troisième stade, plus rare, semblant correspondre à une fibrose. • Dire que la lombalgie chronique est un problème de santé publique, c’est dire que son coût est considérable. C’est la première cause d’invalidité chez les moins de 45 ans et la première cause d’arrêts de INTRODUCTION Le problème central de la lombalgie (surtout en France et dans les pays industrialisés) est celui de sa croissance exponentielle, de son coût et de ses difficultés de prise en charge. Il va sans dire qu’une lombalgie chronique est complexe. Sa prise en charge ne peut être que pluridisciplinaire avec, pour but final, la réinsertion sociale mais aussi professionnelle. Il paraissait nécessaire d’actualiser certaines données de la lombalgie commune à l’aide de cet ouvrage. 9 travail. Près de 700 millions de personnes dans le monde sont concernées et la prévalence augmente. Au-delà de trois mois, les patients lombalgiques deviennent chroniques alors que 90 % de ceux atteints d’une forme aiguë récupèrent en moins de six semaines. INTRODUCTION • Le modèle bio-psycho-social développé par Waddel dans les années 1980 a permis de mieux appréhender le caractère multifactoriel de la lombalgie chronique auquel participe le catastrophisme, la peur de la douleur, la re-blessure, l’évitement, le déconditionnement, l’incapacité, la perte d’emploi, la dépression. D’où le concept de restauration fonctionnelle du rachis : il s’agit de restaurer paramètres physiques souplesse, force, endurance rachidienne - et de donner un impact fort et optimiste dans l’orientation psycho-socioprofessionnelle pour une meilleure prise en charge globale des patients. Il va sans dire que les facteurs psychosociaux tels qu’un mauvais état psychologique, une dépression, des faibles capacités de « coping » (ou d’ajustement au trouble), donc de « faire face », occupent une place prépondérante dans la genèse de l’incapacité fonctionnelle et dans le passage à la chronicité des lombalgies communes. Les peurs et les croyances du patient concernant la relation entre leur lombalgie et leur activité physique ou professionnelle jouent également un rôle majeur. 10 • La pathologie rachidienne liée au travail reste un problème « capital » dans les pays industrialisés, en particulier à cause des répercussions de cette affection sur le travail (arrêt de travail, absentéisme, handicap et inaptitude). En France, les lombalgies représentent plus d’un accident du travail sur cinq et les sciatiques par hernie discale 6 % des maladies professionnelles indemnisées dans le régime général au titre des tableaux n° 97 et 98. Plusieurs facteurs de risque ont été associés à la survenue de cette affection au milieu du travail : individuels, environnementaux, c'està-dire biomécaniques, psychosociaux et organisationnels. Comme attendu, les études s’accordent à dire qu’il y a une prévalence d’apparition des lombalgies plus élevée dans les activités exposant à la manutention manuelle, aux postures contraignantes (flexion et rotation du tronc) et aux vibrations transmises au corps entier lors de la conduite de véhicules. La démarche de prévention doit prendre en compte l’ensemble des facteurs de risque des lombalgies ; elle nécessite bien évidemment une approche globale dans l’entreprise, en particulier en concertation avec les médecins du travail. • L’éducation thérapeutique dans la lombalgie commune, encore appelée Éducation Thérapeutique pour les Patients (ETP), s’est progressivement intégrée aux soins courants sous différentes formes. C’est un processus dynamique organisé et formalisé intégré dans le protocole de soins dont la finalité est d’améliorer les compétences du patient lombalgique. On ne peut plus se passer de ce nouvel outil thérapeutique dans la prise en charge de la lombalgie commune chronique. INTRODUCTION Nous ne pouvons que formuler le souhait que cet éditorial vous invite à parcourir les différents chapitres de cet ouvrage qui méritait une actualisation. 11 12 1. ÉPIDÉMIOLOGIE DES LOMBALGIES Marc Marty La lombalgie est un symptôme qui se présente sous des formes cliniques extrêmement diverses allant de la lombalgie aiguë durant quelques jours sans conséquences majeures à la lombalgie chronique entraînant une incapacité fonctionnelle et/ou une impossibilité de travail avec de lourdes conséquences socio-économiques. Ce très large éventail de définition de la lombalgie rend son épidémiologie difficile. Néanmoins, dans les pays industrialisés, la prévalence des lombalgies ne semble pas diminuer. Les mesures de prévention primaire ayant pour but de diminuer la survenue de lombalgie ne sont pas efficaces. La prévention de la lombalgie chronique est difficile, mais l’étude des facteurs de risque fait évoluer les modèles de compréhension des lombalgies qui en comprend trois : biomédical, environnemental et psychosocial. La meilleure compréhension des facteurs de risques permet de mettre en place des actions adaptées et individualisées. ÉPIDÉMIOLOGIE La lombalgie est définie par une douleur lombaire qui est limitée par une zone du bas du dos se situant entre la 12e cote et le pli fessier. Les lombalgies sont classées (31) : • selon la durée d’évolution en lombalgies aiguës (moins de 1 mois d’évolution), lombalgies subaiguës (de 1 à 3 mois d’évolution), lombalgies chroniques (plus de 3 mois d’évolution). À cette classification, s’ajoutent les lombalgies récurrentes ou récidivantes. • selon les causes en lombalgies spécifiques résultant d’une cause bien identifiée (tumeur, infection, rhumatisme inflammatoire…) et nécessitant un traitement spécifique et en lombalgies non spécifiques (anciennement dénommées lombalgies communes et dont les causes sont intrinsèques et multiples). • selon la présence ou non d’une irradiation dans les membres inférieurs : on distingue les lombalgies sans irradiation au-delà du DES LOMBALGIES DÉFINITION 13 pli fessier, les lombalgies avec irradiation douloureuse au-dessus du genou, les lombalgies avec irradiation douloureuse au-dessous du genou (lombo-radiculalgie). PRÉVALENCE DES LOMBALGIES ÉPIDÉMIOLOGIE DES LOMBALGIES Z Données générales 14 La prévalence de la lombalgie varie selon sa définition, sa durée d’évolution, ses causes, la présence ou non d’irradiation dans les membres inférieurs mais aussi du mode de recueil, de la période considérée et de la population étudiée. Aussi les données épidémiologiques sont très hétérogènes. Selon une revue systématique de la littérature publiée en 2012 (20) et analysant 165 études, la prévalence ponctuelle de la lombalgie est estimée à 18,3 % ± 11,7 %, la prévalence sur 1 mois à 30,8 % ± 12,7 % et la prévalence sur 1 an 38 % ± 19,4 % en population générale adulte. En France, la prévalence annuelle d’une lombalgie quelle que soit sa durée peut être estimée à un peu plus de la moitié de la population (34,14). Les différences de prévalence entre les hommes et les femmes sont contradictoires entre les études et selon les pays. Les facteurs de confusion tels que les facteurs professionnels par exemple et leurs interactions avec le sexe expliquent très probablement ces contradictions. L’âge semble peu influencer la fréquence des lombalgies. Néanmoins, pour certains auteurs, un pic de fréquence se situerait entre 40 et 70 ans (20). Les sujets âgés souffriraient plus souvent de lombalgies plus sévères et de moins de lombalgies peu sévères (10). L’âge serait également un facteur favorisant la chronicité. La prévalence au cours de la vie chez les enfants de moins de 18 ans peut être estimée entre 40 et 85 % et 20-25 % des enfants rapportent des douleurs qui peuvent durer plus d’un an (21). Pour les lombalgies avec irradiations dans les membres inférieurs, la prévalence se situe entre 2,2 % dans la population générale et à 25 % dans une population de travailleurs (22). Les lombalgies spécifiques sont rares au regard des lombalgies non spécifiques. Dans une étude réalisée en Australie auprès de 1 172 patients se présentant en consultation pour une lombalgie aiguë, 0,9 % (11/1 172) avaient une pathologie spécifique (dont 8 fractures) (19). Z Mode évolutif des lombalgies Il est bien établi que 80 à 90 % des patients chez lesquels apparaît une lombalgie, guérissent dans les deux premiers mois (4, 5, 6, 42, 44, 45). On peut aussi estimer qu’environ 20 % des lombalgies durent plus de 30 jours et que 10 % durent au moins 6 mois (34). Dans une population de travailleurs, le risque de rechute a été estimé à 50 % à 1 an, 60 % à 2 ans et 70 % à 5 ans (20). En population générale, 62 % des patients consultant pour une lombalgie, ont des douleurs un an après la consultation, 16 % de ceux qui sont initialement en arrêt de travail le sont toujours à 6 mois (17). Aux USA, la prévalence de la lombalgie chronique (définie simplement comme une douleur durant plus de trois mois) est passée de 3,9 % [IC 95 %, 3,4 ; 4,4] en 1992 à 10,2 % [IC 95 %, 9,3 ; 11,0] en 2006 soit une augmentation du risque relatif de 2,62 [IC 97,5 %, 2,21-2,13] en 14 ans (13). Z Douleur et incapacité Selon une récente méta-analyse (28) pour les lombalgies aiguës, la douleur et la fonction s’améliorent rapidement en quelques semaines et logiquement de façon moins importante pour les lombalgies persistantes (plus de 12 semaines et moins de 12 mois) (tableau 1). Les auteurs confirment une grande hétérogénéité dans les études. D’une façon générale, l’intensité moyenne de la douleur est de 70 sur 100 pour un patient lombalgique aigu et de 50 sur 100 pour un lombalgique chronique. ÉPIDÉMIOLOGIE Les lombalgies sont principalement responsables de douleur, d’incapacité et d’arrêt de travail. DES LOMBALGIES MORBIDITÉ DES LOMBALGIES 15 Tableau 1 : Évolution de l’intensité de la douleur et de la fonction chez les patients ayant une lombalgie aiguë/subaiguë ou persistante en temps corrigé par rapport au début de l’épisode douloureux selon Menezes Costa et al. (28) Groupe Intensité douleur (0-100) (moyenne (IC 95 %)) Incapacité (0-100) (moyenne (IC 95 %)) Lombalgie aiguë et subaiguë Inclusion 69 (61-78) 57 (52-62) 6 semaines 28 (25-31) 28 (26-30) 26 semaines 12 (8-15) 17 (15-19) 52 semaines 4 (0-9) 11 (9-14) Lombalgie persistante Inclusion 51 (44-49)* 51 (36-63) 6 semaines 55 (46-63) 28 (25-31) 26 semaines 29 (23-35) 19 (18-21) 52 semaines 17 (7-27) 15 (12-18) ÉPIDÉMIOLOGIE DES LOMBALGIES *Douleur au début dans l’entrée dans la cohorte 16 Tableau 2 : Prévalence [% (intervalle de confiance à 95 %)] de douleur du genou, de la hanche ou de lombalgie (dans les 6 semaines précédant l’enquête) en fonction de l’IMC parmi une population 5724 adultes américains de plus de 60 ans. Présentation de 3 classes d’après Andersen et al. (3) Siège de la douleur Tous les sujets IMC < 18,5 IMC de 18,5 à 24,9 Obésité IMC 40 Douleur genou 21,4 % (19,6-23,2) 12,1 % (5,5-18,6) 15,2 % (13,3-17,1) 55,7 % (41,1-70,2) Douleur hanche 14,4 % (13,2-15,6) 10,4 % (5,2-15,6) 12,4 % (13,9-15,7) 23,3 % (12,8-33,7) Lombalgie 21,6 % (20,1-23,1) 20,2 % (12,6-27,8) 20,9 % (18,3-23,6) 26,1 % (15,0-37,1) Z Retentissement sur le travail Les lombalgies constituent en France la première cause d’accident de travail avec arrêt de travail et la première cause d’accident de travail avec indemnité permanente partielle. En France, près de 10,7 millions journées de travail ont été perdues en 2009 (7). Il est difficile d’estimer parmi tous les patients lombalgiques au travail combien vont s’arrêter. Cependant, on peut considérer qu’environ 20 % des patients ont un arrêt de travail (30) et ces arrêts de travail sont plutôt de courte durée (moins de deux semaines) (15). En France, la durée moyenne des arrêts de travail pour lombalgie en 2005 était de 55 jours (7). Plusieurs travaux ont bien montré que plus l’arrêt de travail se prolonge, plus le risque de non reprise du travail augmente. Dans une population de 2 341 travailleurs canadiens indemnisés pour lombalgie de cause professionnelle, 6,7 % d’entre eux étaient toujours absents du travail à six mois (35). La probabilité de retour au travail est de 40 % après six mois d’absence consécutifs et de 15 % après douze mois (31). Les lombalgies représentent une des principales causes d’invalidité professionnelles. Parmi les patients reconnus en invalidité, les pathologies rachidiennes comptaient pour 8,9 % des cas en 1998 et 10,1 % des cas en 2006 (8). ÉPIDÉMIOLOGIE Dans tous les pays industrialisés, le coût économique lié aux lombalgies est important (17-27, 43-49) et représente en Allemagne 2,2 % du produit intérieur brut (18). Les données entre pays sont en fait difficiles à comparer du fait des différents modèles économiques utilisés (18). Le plus souvent, les modèles prennent en compte les coûts directs (coûts directement liés aux soins) et les coûts indirects (coûts liés à la perte de productivité et aux indemnisations en rapport avec l’incapacité de travail). Un travail ancien, mais qui reste certainement d’actualité, avait montré qu’environ 10 % des patients étaient responsables de plus de 80 % des coûts de la lombalgie du fait de la chronicité (39). Williams et al. ont confirmé ces données en montrant que 20 % des patients lombalgiques indemnisés et absents au travail plus DES LOMBALGIES COÛT ÉCONOMIQUE 17 de 4 mois étaient à l’origine de 60 % des coûts (50). De même, Luo et al. ont montré que 25 % des patients étaient responsables de 75 % des coûts (26). Le coût moyen d’une lombalgie aiguë a été évalué à 414 euros et celui d’une lombalgie chronique à 7 115 euros en Allemagne (49). En France, peu de données sont disponibles. On dispose d’une étude très partielle de Lafuma et al. (23) qui estiment à 271 millions d’euros le coût des seules lombalgies aiguës en n’incluant seulement les indemnités journalières dans les coûts indirects. ÉPIDÉMIOLOGIE DES LOMBALGIES LE MODE DE COMPRÉHENSION DES LOMBALGIES 18 De nombreux progrès ont été faits dans la compréhension des lombalgies et de nombreux facteurs contribuent à la douleur, l’incapacité fonctionnelle ou l’absence au travail. Schématiquement trois grands modèles sont décrits actuellement : le modèle biomédical, le modèle environnemental et le modèle psychosocial. Le modèle anatomo-clinique (une douleur rapportée à une lésion anatomique ou à une caractéristique anatomique) doit toujours être utilisé. Une importance grandissante est donnée actuellement à l’équilibre pelvi-rachidien qui commence à être mieux compris. Les facteurs génétiques sont reconnus. Ils interviennent sur la fréquence de la détérioration discale dégénérative mais aussi pour la lombalgie. Le modèle environnemental tenant compte des causes fonctionnelles (utilisation excessive du dos, postures prolongées, expositions à des vibrations…) doit être également utilisé. Le modèle psychosocial s’intéresse au lien entre les difficultés de vie et le mal de dos. On parle de causes « relationnelles », « psychologiques », « psychosomatiques » selon le domaine d’étude. La complexité de ce modèle, qui nécessite des connaissances pour ceux qui veulent l’utiliser, tient en partie au renvoi permanent à la subjectivité de chaque individu intervenant (le soigné et le soignant). Le poids respectif de ces mécanismes est variable d’un individu à l’autre et doit être évalué chez chaque patient. Le tableau 3 résume ces trois modèles de compréhension. Tableau 3 : Modèles de compréhension des lombalgies non spécifiques (liste non exhaustive) Utilisation excessive du dos • Manutention de charges • Postures prolongées Expositions aux vibrations • Conducteur d’hélicoptères • Conducteur de track Modèle psycho-social Problèmes au travail • Contraintes psychiques • Environnement agressif • Stress Problèmes dans la vie personnelle Prédisposition génétique ou non ou disposition acquise anatomique pouvant être responsable de douleur • Canal rachidien étroit ou rétréci • Instabilité vertébrale • Statique rachidienne • Équilibre pelvi-rachidien • Fibrose post-opératoire Toutes ces causes sont dépendantes les unes des autres DES LOMBALGIES Atteinte d’un ou de plusieurs de ces éléments du rachis d’origine dégénérative ou traumatique • Disques intervertébraux • Articulations inter-apophysaires postérieures • Muscles • Corps vertébraux • Os sous chondral (Modic 1) Modèle fonctionnel ÉPIDÉMIOLOGIE Modèle anatomo-clinque 19 FACTEURS DE RISQUE (17-29) ET DE CHRONICISATION Un facteur de risque établit une relation statistique de type probabilité entre un facteur (âge ou sexe par exemple) et la survenue d’une affection donnée (la lombalgie) et non nécessairement une relation de causalité entre le(s) facteur(s) et l’affection. Les facteurs de risque de lombalgie sont les facteurs qui sont associés à sa survenue. Leur connaissance permettrait de mettre en place des stratégies de prévention primaire. L’identification des facteurs de risque de chronicisation des lombalgies permet de mettre en place des interventions ciblées chez les patients lombalgiques aiguës ou subaiguës, destinées à réduire le nombre de patients devenant douloureux chroniques (prévention secondaire de la lombalgie). La prévention tertiaire a, quant à elle, pour objectif de diminuer la morbidité chez un patient déjà lombalgique chronique. Compte tenu de la très grande fréquence de la lombalgie, les facteurs de risque de survenue et de chronicité sont souvent confondus dans les études. Nous prendrons l’option de présenter les principaux facteurs en indiquant s’ils sont plutôt des facteurs de risque de survenue ou de risques de chronicité ou les deux. La majorité des facteurs recherchés l’ont été chez les patients lombalgiques aiguës ou subaiguës. De très nombreuses études ont été conduites et leurs qualités méthodologiques sont très diverses. ÉPIDÉMIOLOGIE DES LOMBALGIES Z Facteurs démographiques et individuels 20 - Age et sexe : (voir chapitre prévalence). - Poids et IMC : la relation entre IMC et lombalgie est moins importante qu’entre IMC et douleur du genou ou de la hanche (liée à l’arthrose) (tableau 2) (3). Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risques bien reconnus de la gonarthrose. D’après Lebouef (24), la relation entre obésité et lombalgie est faible (risque relatif inférieur à 2) et ne semble pas être influencée par le sexe, ni par la façon de mesurer le surpoids (IMC, épaisseur du pli graisseux). Dans l’excellente revue de C de Lebouef et al.(25), les auteurs ne peuvent pas conclure à un lien causalité entre IMC élevé et la survenue de lombalgie. Une méta-analyse plus récente conclue que l’obésité (IMC * 30 kg/m²) serait néanmoins un facteur de risque de lombalgie et de chronicisation. Le surpoids serait associé également à la chronicisation. Cette relation apparaît plus importante chez les femmes (37). - Niveau d’éducation : peu d’études ont été conduites cependant le niveau d’éducation ne semble pas être un facteur prédictif de nonretour au travail ou d’incapacité fonctionnelle chronique (41,50). Z Facteurs physiques Z Facteurs médicaux • Épisodes antérieurs de lombalgie : plusieurs études rapportent que les épisodes antérieurs de lombalgie sont prédictifs de non-retour au travail. • Antécédents d’hospitalisation : une étude montre que ce serait un facteur prédictif d’incapacité prolongée. ÉPIDÉMIOLOGIE • Sport : le type de sport, le niveau de pratique (amateur, compétition, professionnel) et l’âge (adolescents, les sujets adultes et les sujets âgés) influencent beaucoup les résultats. L’aviron, la danse, la lutte, le football, l’haltérophilie, le tennis, la gymnastique, les sports de glace sont des sports classiquement associés aux lombalgies (11). Tout sport peut entraîner la survenue d’une lombalgie ou avoir des effets favorables sur le rachis (2). Les auteurs de la Paris Task Force (2) concluaient que l’activité sportive de type récréative et les maux de dos étaient liés par une relation en U. Une étude récente a montré que la pratique régulière (au moins une fois par semaine) d’une activité physique intense chez les seniors de plus 70 ans (marche sur une longue distance, cyclisme, jardinage intense, danse…) était associée à une diminution de survenue de lombalgie, en particulier chez les sujets ayant les plus basses capacités physiques à l’inclusion (16). DES LOMBALGIES • Types d’activités physiques : plusieurs revues récentes remettent en cause les facteurs mécaniques comme pouvant être responsables de lombalgie (33,38,46,47,48). Les données actuellement disponibles dans la littérature ne permettent pas de conclure que des actions de préventions primaires basées sur une éducation de la gestuelle soient efficaces (9). 21 • Incapacité fonctionnelle initiale : plusieurs études confirment qu’une grande incapacité fonctionnelle initiale est un facteur prédictif de non-retour au travail et d’incapacité. • Irradiation douloureuse initiale sous le genou : une irradiation sous le genou est un facteur de risque majeur de chronicité. • Intensité douloureuse : l’intensité douloureuse mesurée avant la douzième semaine n’est pas un facteur prédictif de chronicité, mais au-delà elle le devient. • Signes cliniques : les signes témoignant d’une irradiation radiculaire initiale ont un faible pouvoir prédictif (anomalies des réflexes, Lasègue positif). • Mauvais état général de santé ressenti est un facteur de chronicité. • Diagnostic donné au patient : dans une étude conduite chez 1 848 travailleurs, L. Abenhaim et al.(1) ont mis en évidence que le fait de donner au patient initialement un diagnostic lésionnel multipliait par cinq le risque de chronicité (IC 95 % 2,8 – 8,4). Les explications en sont complexes mais font appel le plus souvent aux phénomènes de suggestion. D’autres travaux confirment se risquent d’aggravation du patient par labellisation du diagnostic (29). ÉPIDÉMIOLOGIE DES LOMBALGIES Z Facteurs liés au travail 22 (29,36) • Charges physiques : de nombreuses études ont montré l’absence de relation entre l’importance des charges physiques et le retour au travail. Pour l’incapacité fonctionnelle les données sont moins claires. • Difficultés au travail : bien que cela soit une notion difficile à évaluer, une étude a montré qu’elle aurait peu d’influence sur la chronicité. • Faible satisfaction au travail : plusieurs études ont montré qu’une faible satisfaction au travail est un facteur prédictif de non-retour au travail ou d’incapacité tardive. • Stress perçu au travail : il serait un facteur prédictif de non-retour au travail. • Facteurs d’indemnisation : peu d’études ont été menées, les différences des systèmes d’indemnisation entre les pays, des résultats divergents limitent les conclusions. Z Facteurs psychologiques Ils jouent un rôle crucial. La validité des études s’appuie en grande partie sur celle des tests utilisés. L’excellente revue de Pincus (32) reprenant 25 études souligne la difficulté d’interprétation. La qualité méthodologique, des mesures, et des analyses statistiques de chacune des études ont été revues. • Angoisse psychologique : les auteurs insistent sur la difficulté de bien distinguer l’angoisse psychologique, des symptômes de la dépression, de l’humeur dépressive qui apparaissent comme des facteurs prédictifs de chronicité dans de nombreuses études. • Tendance à la somatisation : plusieurs études l’ont identifiée comme un facteur prédictif de chronicité. • Peur évitement et tendance au catastrophisme : des données éparses dans des études prospectives et à partir d’essais cliniques suggèrent que la peur évitement serait un facteur prédictif de chronicité (40). ÉPIDÉMIOLOGIE La lombalgie reste un problème de santé publique dans les pays occidentaux de part sa prévalence, sa morbidité (douleur, incapacité fonctionnelle et arrêt de travail) et ses importants coûts économiques. Les modèles de compréhension de survenue et de chronicisation des lombalgies ont évolué depuis les vingt dernières années. Les trois modèles de compréhension anatomo-clinique, environnemental et psycho-social doivent être considérés pour mieux comprendre la survenue et la chronicisation des lombalgies. La meilleure connaissance des facteurs prédictifs de chronicité doit permettre une identification des sujets à risque à un stade précoce (à 3 à 4 semaines d’évolution de la lombalgie) et permettre des interventions dirigées et adaptées à chaque patient. DES LOMBALGIES CONCLUSION 23 Bibliographie 1. Abenhaim L, Rossignol M, Gobeille D et al. (1995) The prognostic consequences in the making of the initial medical diagnosis of work-related back injuries. Spine.; 20:791-5. 2. Abenhaim L, Rossignol M, Valat JP, Nordin M, Avouac B, Legrand. (2000) The role of activity in the therapeutic management of back pain. Spine; 25:1s-33s. 3. Andersen RE, Crespo CJ, Bartlett SJ, Bathon JM, Fontaine KR. 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Spine; ÉPIDÉMIOLOGIE DES LOMBALGIES 23:2329-36. 27 ÉPIDÉMIOLOGIE DES LOMBALGIES En résumé 28 • La lombalgie est un symptôme qui se présente sous des formes cliniques extrêmement diverses. • Les lombalgies sont classées selon la durée d’évolution en lombalgies aiguës (moins de 1 mois d’évolution), lombalgies subaiguës (de 1 à 3 mois d’évolution), lombalgies chroniques (plus de 3 mois d’évolution). À cette classification, s’ajoutent les lombalgies récurrentes ou récidivantes. • Les lombalgies sont classées selon les causes en lombalgies spécifiques et lombalgies non spécifiques. • Les lombalgies selon la présence ou non d’une irradiation dans les membres inférieurs : en lombalgies sans irradiation au-delà du pli fessier, lombalgies avec irradiation douloureuse au-dessus du genou, lombalgies avec irradiation douloureuse au-dessous du genou (lombo-radiculalgie). • Dans les pays industrialisés, la prévalence des lombalgies ne semble pas diminuer. • Les mesures de prévention primaire ayant pour but de diminuer la survenue de lombalgie ne sont pas efficaces. • La prévention de la lombalgie chronique est difficile, mais une meilleure compréhension des facteurs de risques permet de mettre en place des actions de prévention adaptées et individualisées. • L’étude des facteurs de risque fait évoluer les modèles de compréhension des lombalgies qui en comprend trois : biomédical, environnemental et psychosocial. • Les facteurs qui favorisent le plus la chronicité de la douleur ou l’incapacité ou le non retour au travail sont : un âge élevé, des antécédents de lombalgie, une irradiation douloureuse sous le genou, une incapacité initiale élevée, une douleur intense persistante, l’insatisfaction au travail et des facteurs psychologiques. 2. DE LA LÉSION AU PHÉNOTYPE DANS LA DOULEUR LOMBAIRE François Rannou Ce concept a environ une dizaine d’années et associe un tableau à la fois clinique, radiologique et biologique. LA LÉSION AU PHÉNOTYPE LE CONCEPT DE DISCOPATHIE ACTIVE DE Le concept biopsychosocial est actuellement la pierre angulaire de la prise en charge des patients lombalgiques. Ce concept, qui allie essentiellement des concepts médico-sociaux et professionnels, a permis dans un grand nombre de cas une prise en charge des patients avec à l'issue notamment une reprise de l’activité professionnelle. Néanmoins, de manière insidieuse, s’est installé dans la tête des médecins, mais également de la société en général, que l’aspect lésionnel de la lombalgie n’aurait aucun intérêt ; ceci avec, dans certains cas même, des propos extrêmes allant jusqu’à développer l’idée que l’interrogatoire et l’examen clinique des patients ayant une lombalgie n’auraient aucun intérêt. Néanmoins, il est clair qu’aujourd’hui nous assistons à un changement de paradigme dans le domaine de la lombalgie. En effet, de plus en plus de publications et d’avis d’experts se recentrent sur la lésion pour essayer de mieux comprendre les phénomènes douloureux chroniques. Le meilleur exemple actuellement décrit dans la littérature est celui de la discopathie active que nous allons développer dans cet article. DANS LA DOULEUR LOMBAIRE INTRODUCTION 29 Z Le concept de discopathie active et l’imagerie DE LA LÉSION AU PHÉNOTYPE DANS LA DOULEUR LOMBAIRE Les premières anomalies de signal des plateaux vertébraux ont été décrites en 1988 par Modic permettant d’établir une classification des anomalies IRM avec principalement deux stades(2) : • un premier stade, qui correspond à un hyposignal des plateaux vertébraux en T1 et un hypersignal en T2. •un deuxième stade, où l’on observe un hypersignal en T1 et un hypersignal en T2. Ces anomalies de signal correspondent à un œdème osseux avec la présence importante de médiateurs de l’inflammation dans le premier cas et la présence de remaniement graisseux essentiellement dans le deuxième cas. Plus tard, a été décrit un signal de type Modic 3 qui associe un hyposignal en séquence pondérée T1 et un hyposignal en séquence T2. Ce type d’anomalie de signal est très rarement retrouvé dans la population générale, qu’elle soit lombalgique ou non. 30 Z Pourquoi ces anomalies de signal semblent avoir un intérêt physiopathologique ? Il est classiquement décrit dans les populations lombalgiques de nombreuses anomalies morphologique détectées à l’IRM. Néanmoins, ces anomalies sont, la plupart du temps, retrouvées également dans des séries de patients asymptomatiques ; pour cette raison, l’imagerie était considérée il y a quelques années comme étant parfaitement inutile dans la démarche thérapeutique d’un patient lombalgique. La nouveauté vis-à-vis de ces anomalies de signal des plateaux est que l’on ne les rencontre quasiment exclusivement que chez des patients symptomatiques. Ceci permet donc d’affirmer une probable relation pathogénique entre le patient symptomatique et ces anomalies de signal. Z La discopathie active et la clinique Il existe une association évidente entre les modifications de signal des plateaux vertébraux de type Modic et des patients lombalgiques dans une population asymptomatique. En revanche, leur prévalence est faible voire inexistante. Dans un premier temps, les études ont tenté de lier les anomalies de signal de type Modic à des douleurs Il existe probablement plusieurs explications aux anomalies de signal observées. Une première est très mécanique ; en fait, une instabilité segmentaire provoquerait une inflammation détectée ensuite par l’IRM. Une seconde explication serait une prédisposition génétique. En effet, il a été décrit un certain nombre de polymorphismes sur des promoteurs de gènes codant pour des protéines matricielles mais également pour des facteurs de l’inflammation avec une association positive aux anomalies de signal. Une troisième explication pourrait être l’existence initiale de microfractures des plateaux vertébraux entraînant secondairement une anomalie de signal des plateaux vertébraux, un peu comme ce que l’on connaît dans les anomalies de signal détectées à l’IRM dans la gonarthrose. Enfin, plus récemment, deux publications évoquent la possibilité d’une origine infectieuse à bas bruit de certains patients ayant une discopathie active. DE Z À quoi correspondent ces anomalies de signal d’un point de vue physiopathologique ? LA LÉSION AU PHÉNOTYPE DANS LA DOULEUR LOMBAIRE reproduites à la discographie et ont ramené une spécificité supérieure à 0,90. Pour ce qui est des particularités cliniques, il est maintenant accepté et démontré que les patients ayant une discopathie active ont des douleurs avec une recrudescence nocturne tardive et matinale, un dérouillage matinal également significatif, une sensibilité plus marquée aux anti-inflammatoires et une douleur reproduite en hyper-extension. Il a également été décrit l’existence d’un syndrome micro-inflammatoire biologique avec une augmentation de la CRP ultra-sensible (5). Un autre élément important de la discopathie active est son évolution naturelle. Grâce à l’apport d’études longitudinales, il semble en fait qu’au cours du temps les anomalies de signal de type Modic 1 se transforment en anomalie de signal Modic 2 pour finalement disparaître ou, parfois, évoluer vers une anomalie de signal Modic 3. Il semble donc que la nature fasse bien les choses et aboutisse petit à petit à une cicatrisation lésionnelle. À noter que ces études longitudinales ont bien montré que plus les patients évoluent vers le Modic 2 moins ils sont symptomatiques et plus ils évoluent vers le Modic 1 plus ils sont symptomatiques. 31 En revanche, il a clairement été démontré que la discopathie active ne s’intègre pas dans le groupe des spondylarthropathies(3). DE LA LÉSION AU PHÉNOTYPE DANS LA DOULEUR LOMBAIRE PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DE CES PATIENTS 32 Actuellement, il n’y a pas de recommandation nationale ou internationale sur la prise en charge de ces patients. Néanmoins, en nous appuyant à la fois sur les publications et sur notre expérience, nous pouvons proposer le schéma suivant : devant un patient ayant une discopathie active, il faut tout d’abord très clairement expliquer au patient que sa lombalgie est en rapport avec une lésion très spécifique et dont on connaît l’évolution naturelle vers la guérison. L’explication permet d’avoir, au bout d’un long parcours médical, une explication lésionnelle pour le patient. On proposera ensuite la prise d’un antiinflammatoire le soir au coucher associé à une contention lombaire. Si ce traitement est insuffisant, il sera alors possible de proposer au patient des infiltrations soit épidurale, soit articulaire postérieure de corticoïdes. Enfin, un certain nombre d’équipes proposent des infiltrations intradiscales (1,4). Néanmoins, en l’absence d’évaluation de bonne qualité, il est actuellement déconseillé d’utiliser cette thérapeutique. Nous devons attendre les résultats d’essais thérapeutiques de bonne qualité évaluant l’infiltration intra-discale. Enfin, si tous ces traitements ont échoué, il est alors logique de proposer la chirurgie au patient sachant que ceux qui ont une discopathie active répondent en général de manière tout à fait favorable à la chirurgie de type arthrodèse. CONCLUSION Nous sommes encore très loin d’être capable de phénotyper à 100 % les patients lombalgiques. Néanmoins, l’exemple de la discopathie active nous montre qu’il a été possible en une dizaine d’années d’isoler un syndrome spécifique en rapport avec une lésion détectable par un moyen non invasif et de proposer un traitement adapté. Pour les années à venir, il est clair qu’il est nécessaire de continuer le démembrement phénotypique des patients. Il serait, par exemple, intéressant d’être capable de décrire les patients ayant des douleurs provenant essentiellement d’une atteinte articulaire postérieure, ceux ayant des douleurs provenant essentiellement d’une instabilité segmentaire et ceux présentant des douleurs provenant d’un trouble statique du rachis. Ce ne sont que des exemples qui ne demandent qu’à être finement décrits pour, au final, améliorer la prise en charge du patient grâce à l’exercice d’une médecine personnalisée. Bibliographie 1. 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Radiology 33 DE LA LÉSION AU PHÉNOTYPE DANS LA DOULEUR LOMBAIRE En résumé 34 • Le modèle biopsychosocial nous a écartés d’une approche lésionnelle dans la lombalgie chronique. • La discopathie active correspond à un hyposignal des plateaux vertébraux en T1 et un hypersignal en T2. • L’évolution naturelle de la discopathie active se fait vers la guérison spontanée. • La discopathie active est exceptionnelle chez les patients asymptomatiques. • La discopathie active ne s’intègre pas dans le groupe des spondylarthropathies. • Un schéma thérapeutique de la discopathie active est en cours de description. • L’infiltration intradiscale de corticoïdes pourrait être le traitement de choix après la publication d’essais thérapeutiques de qualité. • Le démembrement phénotypique des patients lombalgiques doit se poursuivre. 3. DIAGNOSTIC ET PRISE EN D’UNE LOMBALGIE AIGUË CHARGE DE L’ADULTE Diagnostiquer une lombalgie aiguë est simple*, encore faut-il, dans une perspective de prise en charge, se poser trois questions qui seront autant de chapitres de cette présentation : • Cette lombalgie aiguë ne révèle-elle pas une pathologie sévère et/ou guérissable par un traitement spécifique, raison pour laquelle il ne faudrait pas la laisser passer ? • Cette lombalgie aiguë répond-elle à un substratum anatomo-pathologique clairement identifiable et traitable ? • Cette lombalgie aiguë ne présente-elle pas déjà des signes qui peuvent faire craindre une évolution vers la chronicité ? L’EXAMEN CLINIQUE DU PATIENT LOMBALGIQUE AIGU Dans tous les cas, l’examen du patient lombalgique aigu répond à des critères simples et classiques mais à respecter : * Sont exclues de cette présentation les complications neurologiques des lombalgies aiguës : sciatiques (commune, hyperalgique, paralysante), cruralgie, syndrome de la queue de cheval. DIAGNOSTIC Se définissant comme une douleur de la région lombaire de moins de trois mois, la lombalgie aiguë est une pathologie extrêmement fréquente, le plus souvent bénigne, qui guérit spontanément mais qui peut récidiver. Seule une minorité de cas – de l’ordre de 7 % – peut évoluer vers une forme chronique, beaucoup plus difficile à prendre en charge. Mais c’est parce que ce risque d’évolution chronique plane au-dessus de certaines lombalgies aiguës qu’il faut s’en préoccuper d’emblée. ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE Bernard Mazières 35 DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE Z L’interrogatoire 36 Il concerne surtout la douleur, motif de la consultation. Comme pour toute douleur ostéo-articulaire, on précisera : • Le siège de la douleur : le plus souvent colonne lombaire basse, plus ou moins en barre. • Les irradiations éventuelles : la douleur remonte rarement vers la colonne dorsale ; plus classiquement, elle irradie latéralement, vers un flanc ou les deux, en barre horizontale ou elle descend vers la fesse, voire la face postérieure de la cuisse jusqu’au creux poplité ; parfois enfin, la douleur descend de la colonne lombaire, oblique en bas et en avant, vient cravater la région trochantérienne pour finir dans l’aine. • Les circonstances déclenchantes : après notamment un effort inhabituel, notamment de soulèvement, un faux mouvement, un long trajet en voiture. • L’ancienneté de cette douleur et son mode évolutif ; par définition ici, la douleur date de moins de trois mois, mais il n’est pas indifférent de préciser si elle évolue depuis quelques jours ou quelques semaines. • Le caractère de la douleur : nociceptive, la douleur peut être mécanique (aggravée par l’effort, calmée par le repos) ou inflammatoire (réveillant le malade endormi, s’accompagnant d’un dérouillage matinal prolongé). En cas d’atteinte discale, la douleur peut être moins vive à la marche que debout immobile (signe de « la file d’attente »), et surtout moins forte debout que couché, rappelant la vieille notion de biomécanique du rachis lombaire qui stipule que la pression sur les disques est moindre debout (assis, l’effacement de la lordose lombaire fait passer la quasi-totalité du poids du corps sur la colonne antérieure du rachis). • L’intensité de la douleur est appréciée au mieux sur une échelle visuelle analogique, l’importance des traitements antalgiques étant proportionnelle à celle de la douleur. • Les traitements pharmacologiques et non-pharmacologiques déjà entrepris, leur efficacité, leur tolérance. En matière de lombalgie, l’interrogatoire se doit de préciser certains points d’anamnèse : existence d’antécédents similaires (leur durée, leur fréquence), la profession et la notion d’arrêt de travail ou non, d’accident de travail/trajet ou non, la situation professionnelle et familiale, les pathologies associées éventuelles. DIAGNOSTIC • Malade dévêtu, en slip, examiné d’abord debout immobile de face et de profil (statique rachidienne), puis marchant (déhanchement, boiterie). L’étude des mouvements analytiques du rachis lombaire est faite sur le malade debout et les résultats sont consignés : flexionextension, inclinaisons latérales, rotations. L’indice de Schöber et la distance doigt-sol, membres inférieurs en rectitude, sont quantifiables. Les rotations et les inflexions sont semi-quantifiables selon le schéma de l’étoile utilisée par les médecins rééducateurs. Le but est de savoir si la raideur est globale, dans tous les mouvements, ou simplement sur un ou deux d’entre eux. La validité de ces signes d’examen est cependant médiocre (21), leur reproductibilité (27) et leur sensibilité au changement (22) mauvaises. • Malade couché sur le ventre, la palpation recherche un ressaut ou une douleur élective d’une épineuse à la palpation (et à la percussion avec le marteau à réflexe), une contracture des muscles paravertébraux. La prise à deux doigts de deux épineuses contiguës permet de rechercher une douleur à leur mobilisation transversale opposée. La palpation soigneuse, étage par étage, côté par côté, des gouttières latéro-épineuses interroge indirectement (de façon assez peu spécifique, il est vrai) les articulaires postérieures. La palpation se doit d’être plus globale ensuite, étudiant les insertions des ligaments iliolombaires, les sacro-iliaques, remontant sur la colonne dorsale pour y faire les mêmes manœuvres, finissant par le pincé-roulé des tissus mous à la recherche d’une zone cartonnée et/ou douloureuse. Comme pour l’étude des mouvements, la recherche des points douloureux par la palpation reste assez peu fiable et peu reproductible (15). • Malade en décubitus dorsal, l’examen clinique analyse la mobilité des coxo-fémorales, palpe le pouls fémoral, cherche un éventuel ganglion de l’aine et étudie les réflexes ostéo-tendineux des membres inférieurs. Toute cicatrice ou dermatose sera renseignée. La dissociation entre une douleur lombaire et un examen rachidien normal, doit faire rechercher une origine non vertébrale (tableau 1). Au total, l’examen physique n’est pas assez contributif d’un point de vue diagnostique, les liens entre lésions anatomiques et signes cliniques étant difficiles à mettre en évidence, et ses propriétés métrologiques trop souvent décevantes. L’examen des sacro-iliaques et des hanches doit être systématique au regard des pièges diagnos- ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE Z L’examen clinique 37 Tableau 1 : Causes non vertébrales de douleurs lombaires DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE Appareil/ région anatomique 38 Maladies Appareil digestif Lombalgie haute : ulcère de l’estomac, pancréatite Lombalgie basse : colite, diverticulose, cancer colon Région rétro-péritonéale Colique néphrétique, fibrose et tumeurs rétro-péritonéales Anévrisme de l’aorte abdominale Région pelvienne Douleurs menstruelles, endométriose, grossesse, tumeurs utérines Appareil ostéo-articulaire Sacro-iliite Fractures et tumeurs sacrées Coxopathies tiques possibles et compte tenu des complexes relations entre les paramètres pelviens et le rachis lombaire. L’examen neurologique peut détecter des complications radiculaires, de la queue-de-cheval ou de la moelle. Cet examen clinique reste important dans une double perspective : améliorer la relation soignant/soigné et intervenir localement (rééducation, infiltrations, manipulations, chirurgie). À l’issue de cet examen, on doit pouvoir classer ce patient dans l’un des cadres suivants. PREMIER TABLEAU - LA LOMBALGIE AIGUË RÉVÉLATRICE D’UNE PATHOLOGIE SOUS-JACENTE GRAVE OU SPÉCIFIQUEMENT CURABLE : LA LOMBALGIE « SYMPTOMATIQUE » Cas de figure le plus rare, il faut cependant commencer par là car il s’agit de ne pas laisser passer une étiologie spécifique requérant un traitement spécifique. Compte tenu de la rareté de ces étiologies, il n’est pas question de lancer une batterie d’examens complémentaires qui seraient le plus souvent négatifs. Des recommandations existent pour détecter simplement, par le seul examen clinique, les symptômes et les signes qui doivent faire craindre une telle éventualité (5) . Ce sont les « red flags » ou alertes rouges (tableau 2). La présence, à l’interrogatoire ou à l’examen d’un ou de plusieurs de ces signes doit faire entreprendre des explorations complémentaires orientées selon les hypothèses étiologiques (bilan infectieux, inflammatoire, tumoral, vasculaire, phosphocalcique). La découverte d’une étiologie spécifique conduit à un traitement adapté : antibiothérapie d’une spondylodiscite infectieuse, chimiothérapie et/ou radiothérapie d’une tumeur, d’une métastase vertébrale ou d’un myélome, traitement ostéotrope d’une ostéoporose, AINS d’épreuve devant une suspicion de spondylarthropathie. L’ensemble de ces pathologies spécifiques, qui font parler de « lombalgies symptomatiques », représente quelques pourcents de tous les malades lombalgiques. C’est dire que l’immense majorité des lombalgies ne rentrent pas dans ce • Âge de début des symptômes avant 20 ans ou après 55 ans • Antécédent de maladie néoplasique • Toxicomanie, immunodépression (VIH, traitement immunosuppresseur) • Corticothérapie générale • Traumatisme violent (choc direct ou chute d’une hauteur importante) • Douleur non mécanique : Douleur du matin supérieure à la douleur du soir Raideur matinale de plus de 15 à 30 minutes Réveils nocturnes non liés au changement de positions • Altération de l’état général (quelle que soit sa nature) : Amaigrissement inexpliqué Fièvre Sueurs nocturnes • Raideur lombaire persistante, déformation rachidienne importante • Signes neurologiques dépassant le métamère atteint (en cas de sciatique) Atteinte bilatérale, troubles sphinctériens Atteinte pyramidale • Signes devant faire suspecter une pathologie vasculaire Terrain vasculaire Notion de pathologie anévrysmale aortique Douleur thoracique associée à la douleur lombaire DIAGNOSTIC Ces signes « d’alerte rouge » sont des signes d’interrogatoire et d’examen faisant suspecter une cause spécifique de lombalgie (fracture traumatique ou ostéoporotique, spondylodiscite infectieuse, tumeur primitive ou métastases osseuses, myélome, spondylarthropathie, douleur rapportée d’origine viscérale ou vasculaire) nécessitant une prise en charge spécifique ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE Tableau 2 : Les « red flags » 39 cadre et sont qualifiées de « lombalgies communes », faute de bien savoir quelle étiologie est responsable, sachant que l’évolution vers la guérison est la règle et que le traitement à ce stade est univoque et purement symptomatique. Une étude récente montre cependant la rareté (< 1 %) et le peu de spécificité et de sensibilité de ces signes d’alerte (11), sauf pour la fracture vertébrale, mais ceci ne remet pas en cause la nécessité de les rechercher systématiquement. DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE DEUXIÈME TABLEAU - LA LOMBALGIE AIGUË DE QUELQUES JOURS, SANS « RED FLAG » OU LOMBALGIE « COMMUNE » 40 C’est de loin le cas le plus fréquent. La conduite à tenir est tout autre et se fonde sur le fait que l’immense majorité des lombalgies aiguës guérissent spontanément. De ce fait, en dehors d’un traitement de la douleur, il n’y a lieu ni de faire des examens complémentaires ni de mettre en œuvre des traitements compliqués et/ou onéreux qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Les recommandations internationales (28,2) et les méta-analyses (20) conseillent un traitement qui se borne à calmer la douleur et à rassurer le patient. Les antalgiques de palier 1 doivent être prescrits en première intention eu égard à leur bonne tolérance (20) : paracétamol jusqu’à 4 g/jour en dehors de contre-indication hépatique. Les antalgiques de palier 2 sont un recours en cas d’insuffisance des premiers. Les AINS sont à proposer au même titre que les antalgiques de palier 2, en respectant les contre-indications classiques. Statistiquement, aucun AINS n’est plus efficace qu’un autre (24). En cas de risque cardio-vasculaire, préférer le naproxene ; en cas de risque digestif, préférer l’ibuprofène, les anti-cox2 sélectifs, ou associer un IPP (1). En cas de risques digestif et cardiovasculaire, préférer les antalgiques de palier 2, voire 3 si absolue nécessité devant un tableau hyperalgique. Le repos doit être prescrit au minimum nécessaire, ainsi que l’arrêt de travail qui va souvent avec, chez ces sujets en période d’activité professionnelle. À ce stade, les soins physiques ont démontré leur inefficacité et sont à proscrire. L’acupuncture peut être proposée, sachant qu’elle améliore les résultats du traitement conventionnel ; sachant aussi que l’acu- Les choses se corsent ! Mais une approche rationnelle, pas à pas, permet d’assurer une démarche cohérente en trois temps. Z Première étape Si le malade sus-décrit revient pour persistance de sa lombalgie, il faut chercher de nouveau les « reds flags » qui ont pu passer inaperçus la première fois. Leur découverte renvoie à la conduite à tenir évoquée précédemment. Z Deuxième étape Dans le vaste fourre-tout des lombalgies communes, il est cependant possible d’isoler certains tableaux étiologiques suffisamment clairs, ayant une prise en charge suffisamment spécifique et suffisamment efficace pour justifier d’un minimum d’explorations. C’est ce que l’on appelle l’approche biomédicale de la lombalgie. En voici un catalogue succinct. • Le dérangement intervertébral mineur. Fréquent, bien décrit par Maigne à la charnière dorso-lombaire, il peut intéresser tous les étages du rachis. La lombalgie est mécanique, banale dans son expression, parfois apparue après un faux mouvement. La raideur est modeste, DIAGNOSTIC TROISIÈME TABLEAU : LA LOMBALGIE AIGUË DE QUELQUES SEMAINES ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE puncture classique n’est pas supérieure à l’acupuncture factice ou à l’acupuncture placebo dans un essai contrôlé (29). Une étude iconoclaste australienne (10) montre que chez 240 lombalgiques aigus (moins de 6 semaines d’évolution), manipulations vertébrales, AINS ou double placebo font jeu égal : la médiane de durée des douleurs (critère principal) variait de 13 à 16 jours, sans différence significative selon le traitement. Rassurer le malade est primordial, en lui expliquant sa lombalgie et son évolution le plus souvent bénigne et résolutive. Il faut lui dire, à ce stade, l’inutilité des examens complémentaires, le bon pronostic d’ensemble, l’absence de corrélation entre intensité de la douleur et gravité de la maladie. Il faut par contre ajouter qu’une nouvelle consultation s’impose en cas de persistance des douleurs au-delà de quelques jours. 41 ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE DIAGNOSTIC 42 n’intéresse qu’un ou peu des mouvements analytiques, le pincé-roulé est électivement douloureux, la peau cartonnée, dans le territoire d’innervation sensitive correspondant à l’articulaire postérieure « dérangée », souvent très bas par rapport à l’étage en question, jusqu’à la crête iliaque, voir en pleine fesse, en regard de la sacroiliaque, selon la métamérie sensitive bien décrite par Lazorthes. Le tableau est suffisamment clair pour indiquer un traitement ostéopathique. • Le lumbago discal. Probablement sous-évalué, il donne le tableau aigu lombaire d’une sciatique sans sciatique, chez un homme jeune. La douleur est impulsive à la toux. On peut noter une déviation fixée du rachis lombaire par blocage vrai lors de l’inspection du malade debout. Parfois, la déviation n’apparaît que lors du relèvement du malade de la position penchée en avant : on observe un ressaut du rachis lombaire, avec un passage en baïonnette assez caractéristique. La hernie est confirmée par l’IRM. Le corset plâtré (fermé) quelques jours, associé aux antalgiques/AINS, permet souvent la guérison. La rééducation lombaire peut être indiquée à distance, dès le stade théorique de cicatrisation atteint (vers la 6e semaine). • Le syndrome des articulaires postérieures est très fréquent. Sa responsabilité dans la lombalgie est souvent évoquée car on voit bien l’arthrose sur de simples clichés lombaires de face et de profil. Les incidences de ¾ permettent de les étudier, le scanner en précise les aspects divers (arthrose d’une ou des deux articulaires postérieures d’un étage donné, calcification du ligament jaune associée). Le tableau clinique est parfois évocateur : c’est un sujet de plus de 60 ans, chez qui la douleur n’est pas impulsive à la toux, est soulagée par le décubitus, n’est pas exacerbée par la flexion antérieure mais par l’hyperextension et l’extension/rotation. L’infiltration de ces articulaires postérieures est souvent efficace, mais cette efficacité n’est pas toujours durable (6). On assure un maximum de réussite en infiltrant non seulement l’étage incriminé mais aussi les étages sus- et sous-jacents compte tenu des innervations sensitives partagées entre articulaires postérieures contiguës. Le bon résultat d’une infiltration qui ne dure pas au-delà de quelques semaines peut être une invite à faire une électrocoagulation. • Le canal lombaire étroit. Fréquent au-delà de la cinquantaine, il peut se manifester sur un mode aigu et purement lombaire. Qu’il soit congénital (pédicules courts suspectés sur la radiographie standard ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE Figure 1 : IRM du rachis lombaire. Séquences T1, T2, T1 fat sat Modic 1 L2-L3 avec son hyposignal en T1 et son hypersignal en T2 des plateaux vertébraux de part et d’autre du disque dégénératif. DIAGNOSTIC devant la sagittalisation des interlignes des articulaires postérieures « trop bien vus ») ou acquis (fréquence de l’hyperostose vertébrale ankylosante), l’IRM les détecte facilement, en précise la topographie (centrale et/ou foraminale) et montre si une saillie discale vient aggraver l’étroitesse du canal. La diminution du périmètre de marche, véritable « claudication lombaire » en est un signe évocateur. Bien que non évalué dans un essai contrôlé, l’infiltration intra-thécale de corticoïdes nous semble garder là une de ses meilleures indications avant un geste libératoire chirurgical secondaire éventuel. • Le « Modic de type 1 ». C’est un concept né de l’IRM (19) qui montre des signaux spécifiques des plateaux vertébraux avec hyposignal en T1 et hypersignal en T2 (figure 1). Mais l’intérêt vient de ce que ce signal correspond à un tableau clinique plus spécifique, réalisant une « poussée congestive » de discarthrose avec une probable discolyse associée, comme le suggèrent la corrélation (r = 0,81) entre le Modic1 et la reproduction des douleurs en discographie (26) et la meilleure efficacité des injections intradiscales de corticoïdes (9). Les douleurs sont permanentes, non liées à un mouvement spécifique, elles réveillent la nuit et sont maximales le matin au lever. Si on dispose de radiographies antérieures, on peut observer une discolyse rapide (pincement de plus de 50 % en moins de deux ans). Ce signal « Modic 1 » se voit chez 5 à 20 % des lombalgies et n’est que rarement observé chez des sujets asymptomatiques, soulignant sa haute spécifité physio- 43 ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE DIAGNOSTIC 44 pathologique. Il peut régresser dans le temps, parallèlement à l’amélioration clinique. Les AINS sont plus efficaces que dans une lombalgie commune autre. Un lombostat rigide porté quelques semaines peut venir à bout des douleurs. La chirurgie lombaire peut être envisagée ultérieurement en cas d’échec. • Le syndrome de Baastrup (figure 2). Rare, il s’agit d’une néarthrose interépineuse, surtout chez les sujets âgés, avec parfois développement d’une bursite interépineuse, très douloureuse, aggravée par les mouvements d’extension du rachis, soulagée par la flexion. La palpation inter-épineuse en cyphose, malade en pro-cubitus, coussin sur le ventre, réveille une douleur élective dans l’espace incriminé (signe de l’anneau de clé). La radiographie du rachis lombaire de profil détecte cette néarthrose ; l’IRM montre au mieux la bursite éventuelle ; l’infiltration la guérit. • Les instabilités segmentaires. Leur diagnostic radiologique est simple, leur responsabilité dans la genèse des douleurs plus difficile à affirmer. Les spondylolisthésis dégénératifs ont une responsabilité admise dans la lombalgie. Ils touchent surtout l’étage L4-L5 associé à une arthrose des articulaires postérieures au même étage. Sur un fond douloureux modéré, des épisodes aigus brefs sont déclenchés par le changement de position, réalisant les « à-coups bloquants douloureux lombaires ». L’infiltration des articulaires postérieurs peut soulager utilement, sinon le corset lombaire rigide bien ajusté peut être efficace. Il faut y associer un renforcement des muscles spinaux. Sinon, l’arthrodèse Figure 2 : Syndrome de Baastrup Néarthrose interépineuse visible sur le cliché de profil lombaire et sur la coupe scannographique. L’IRM montre une bursite à ce niveau. Radio standard Scanner IRM Z Troisième étape À ce stade, le malade étant toujours douloureux, l’examinateur n’ayant pas trouvé de tableau anatomo-clinique précis accessible à un traitement défini, se dessine l’ombre du passage à la chronicité. On connaît une certain nombre de facteurs favorisant ce passage (tableau 3). Il est important de les rechercher à ce stade puisqu’ils sont présents dès le départ (4). Certains de ces facteurs sont liés aux conditions de travail et aux habitudes de vie. La fréquence des lombalgies est associée au niveau d’études. Une explication possible pourrait être le lien entre faible niveau d’études et emplois peu qualifiés avec forte exposition aux lombalgies ainsi qu’une association à un style de vie à risque (surcharge pondérale, consommation de tabac) (13). Dans ces cas, les programmes de rééducation associant une composante en milieu de travail facilite le retour au travail de ces lombalgiques (25). D’autres facteurs sont dits psychosociaux et sont signalés sous le terme de « yellow flags » ou alertes jaunes (28) (tableau 4). C’est ce qu’on appelle une approche bio-psycho-sociale de la lombalgie. Ces alertes jaunes DIAGNOSTIC Globalement, il semble exister une relation entre sexe, âge, indice de masse corporelle (IMC) et les structures anatomiques en cause dans la lombalgie (7) : l’atteinte discale est plus fréquente chez l’homme jeune, le syndrome des articulaires postérieures plus fréquent chez la femme à fort IMC, une origine sacro-iliaque se voit chez la femme maigre. ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE suspendue peut être envisagée si les étages adjacents sont corrects. Le spondylolisthésis par isthmolyse, le plus souvent à l’étage L5-S1, est plus rarement responsable de lombalgie, son traitement est plus décevant, le corset lombaire notamment immobilisant mal ce niveau. Il est par contre plus hasardeux de se fier à l’imagerie standard pour d’autres lombalgies. Une fois exclues, les pathologies spécifiques suspectées par les « red flags », les autres signes radiologiques sont peu spécifiques : la dégénérescence discale est aussi fréquente chez les lombalgiques que chez les non lombalgiques ; sa présence sur la radiographie comme en IRM n’est pas un facteur prédictif de lombalgie. Les hernies de Schmorl et l’épiphysite de croissance, les anomalies transitionnelles, l’arthrose des articulations zygapophysaires sont également peu spécifiques. 45 Tableau 3 : Les facteurs de risque (de récidive, de passage à la chronicité, de non reprise du travail) potentiellement modifiables (adapté d’après réf. 19) DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE Fort niveau de preuve scientifique 46 Niveau de preuve scientifique intermédiaire Facteurs médicaux Facteurs socioprofessionnels • antécédent de lombalgie • sévérité de la douleur • durée de la lombalgie • sévérité de l’incapacité fonctionnelle • présence d’une sciatique • antécédent d’arrêt de travail pour lombalgie • antécédent de chirurgie lombaire insatisfaction au travail évaluée par le patient Facteurs psychologiques mauvais état général évalué par le patient • statut, salaire, • mauvais statut contact psychologique social jugés global insatisfaisants • dépression • notion • peurs et d’indemnisation croyances • mauvaise posture au travail • durée de soulèvement de charges soulignent l’importance de la sollicitation des sphères émotionnelles et cognitives (anxiété, dépression, peur du mouvement, catastrophisme) dans le phénomène douloureux ainsi que les réponses comportementales du sujet (évitement d’activité, retrait social). Tableau 4 : Les « yellow flags » Ces « alertes jaunes » sont des facteurs de risque psychosociaux de passage à la chronicité Attitudes et croyances à propos du mal au dos • croyance que la douleur est dommageable ou qu’elle est indicatrice d’une lésion/maladie grave • croyance que la douleur doit avoir disparu avant le retour au travail ou à des activités normales • anticipation ou crainte d’une augmentation de la douleur avec l’activité ou le travail • catastrophisme • mauvaise interprétation des symptômes organiques • croyance que la douleur est impossible à maîtriser • attitude passive face à la réadaptation • attentes irréalistes d’une modalité thérapeutique Facteurs psychologiques • dépression • sentiment d’inutilité • irritabilité • anxiété à (conscience accrue de) la symptomatologie • désintérêt pour les activités sociales • attitude surprotectrice du conjoint • attitude punitive du conjoint • manque de soutien pour verbaliser ses problèmes DIAGNOSTIC Comportements • repos prolongé • mauvaise compliance ou suivi irrégulier des exercices • activités réduites avec diminution marquée des activités de la vie quotidienne • évitement des activités normales • sommeil perturbé par la douleur • augmentation de la consommation d’alcool ou de substances semblables depuis l’apparition de la douleur ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE Travail • insatisfaction professionnelle • perception que le travail est dommageable • manque de soutien du milieu du travail • antécédents professionnels 47 ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE DIAGNOSTIC 48 Seule une reprise attentive de l’interrogatoire permet d’identifier ces facteurs en recherchant le rapport du patient à son travail, son comportement face à sa lombalgie, ses peurs et ses croyances face à cette douleur et à la maladie en général (5). Ce chapitre est d’autant plus délicat que le médecin lui-même – le généraliste (3) ou le rhumatologue (23) – est confronté à ses propres peurs et croyances en matière de lombalgies. Le dépistage de ces facteurs psychologiques peut se faire par l’interrogatoire, aidé des conseils d’un psychologue ou d’un psychiatre. Tous ces facteurs de risque ont fait l’objet de nombreux travaux. On peut notamment citer une étude descriptive, menée en France, auprès de plus de 2 000 médecins généralistes ayant inclus près de 4 500 lombalgiques et s’intéressant à la fréquence de ces facteurs de risque de passage à la chronicité présents lors de la prise en charge initiale (14). Les facteurs de risque les plus fréquemment retrouvés sont la présence d’épisodes récurrents de lombalgie (72 %), la limitation initiale des activités de la vie courante (66 %), l’intensité douloureuse au début de l’épisode aigu (63 %), un antécédent d’arrêt de travail pour lombalgie (62 %) et un épisode anxieux ayant justifié un traitement (44 %). Il n’existe pas d’indice prédictif de passage à la chronicité qui tienne compte des différentes dimensions clinique, psychologique et professionnelle ainsi que de leur interaction, malgré des tentatives prometteuses (12), mais les facteurs psychologiques tiennent un rôle important (18). En l’absence d’un tel outil validé et consensuel, qui générerait un score de risque avec un seuil qui aurait une bonne sensibilité et spécificité, cette évaluation porte sur la douleur (échelle visuelle analogique), l’incapacité fonctionnelle (score de Québec, échelle d’Oswestry), la mesure du handicap prioritaire (échelle de Mactar), les peurs et croyances (questionnaire FABQ : Fear-Avoidance Belief Questionnaire), l’état anxio-dépressif (échelle HAD : Hospital Anxiety and Depression Scale). Il n’y a pas d’échelle pour évaluer la satisfaction au travail (mais uniquement le stress au travail, ce qui n’est pas la même chose). Quand ces facteurs sont au-devant de la scène, leur prise en charge comporte des traitements à visée psychologique (thérapies cognitivo-comportementales, éducation thérapeutique, hypnose), qu’il faut savoir mettre en œuvre à ce stade, avant le passage à la chro- nicité proprement dite (au-delà de 3 mois). Ces thérapeutiques ont un faible impact sur la douleur, mais modifient efficacement l’humeur (8). Bibliographie 1. Burmester G, Lanas A, Biasucci L et al. The appropriate use of non-steroidal antiinflammatory drugs in fheumatic disease : opinions of a multidisciplinary European expert panel. ARD, 2011, 70 : 818-22. 2. Chou R, Qaseem A, Snow V et al. Diagnosis and treatment of low back pain : a joint clinical practice guideline form the American College of Physicians and the American Pain Society. Ann Intern Med, 2007, 147 : 478-91. 3. Coudeyre E, Rannou F, Tubach F et al. General practitioners’ fear-avoidance beliefs influence their management of patients with low back pain.[see comment]. Pain 2006, 124: 330-7. 4. Coudeyre E, Ratinaud MC. Quels facteurs de risque de la lombalgie et de son passage à la chronicité ? Rev Rhum, 2011, 78 (Suppl 2): S52-5. DIAGNOSTIC Le modèle anatomo-clinique (à une douleur une lésion anatomique) doit toujours être utilisé et décrit au patient, même si les liens existant entre lésions anatomiques et signes cliniques sont faibles. Le modèle environnemental (prise en compte des causes fonctionnelles : utilisation excessive du dos, postures prolongées, expositions à des vibrations par exemple) doit être appliqué ensuite (17). Mais ce modèle peut être insuffisant pour la prise en charge de ces patients lombalgiques et il faut faire appel au modèle psycho-socio-culturel (liens entre les difficultés de la vie et la lombalgie potentiellement chronique). Toute la difficulté de la démarche étiologique est d’identifier et d’apprécier les causes potentielles de la lombalgie pour adapter le traitement. Les lombalgies, syndrome plus que maladie, ne seront pas guéries par un traitement univoque, mais le démembrement de ces tableaux cliniques pourra déboucher sur des prises en charge spécifiques, adaptées et plus efficaces. ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE CONCLUSION 49 5. Coudeyre E, Tubach F, Rannou F et al. Fear-avoidance beliefs about back pain in patients with acute LBP. Clin J Pain. 2007; 23: 720-5. 6. De Sèze MP, Poiraudeau S, de Sèze M et al. Intérêt des critères de Cochin pour sélectionner des patients avec une amélioration significative de leur lombalgie après injection des articulaires postérieures par corticoïdes : étude prospective. Ann Réadapt Méd Phys, 2004, 47 : 1-6. 7. DePalma MJ, Ketchum JM, Saullo TR. Multivariable analyses of the relationships between age, gender, and body mass index and the source of chronic Low back pain. Pain Med, 2012, 13 : 498-506. 8. Eccleston C,Williams ACDC, Morley S. Psychological therapies for the management of chronic pain (excluding headache) in adults. Cochrane Database of Systematic Reviews 2009, Issue 2. DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE 9. 50 Fayad F, Lefevre-Colau MM, Rannou F et al. Relation of inflammatory Modic changes to intradiscal steroid injection outcome in chronic low back pain. Eur Spine J 2007; 16 : 925-31 10. Hancock MJ, Maher CG, Latimer J et al. Assessment of diclofenac or spinal manipulative therapy, or both, in addition to recommended first-line treatment for acute low back pain : a randomised controlled trial. Lancet 2007 ; 370 : 1638-43. 11. Henschke N, Maher CG, Refshauge KM et al. Prevalence of and screening for serious spinal pathology in patients presenting to primary care sittings with acute low back pain. Arthritis Rheum 2009; 60: 3072-80. 12. Hill JC, Dunn KM, Lewis M et al. A primary care back pain screening tool : identifying patient subgroups for initial treatment. Arthritis Rheum, 2008, 59 : 632-41. 13. Leclerc A, Gourmelen J, Chastang JF et al. Level of education and back pain in France: the role of demographic, lifestyle and physical work factors. International Archives of Occupational & Environmental Health 2009, 82: 643-52. 14. Lefevre-Colau MM, Fayad F, Rannou F et al. Frequency and interrelations of risk factors for chronic low back pain in a primary care setting. PLoS One. 2009; 4: e4874. Doi: 10.1371. 15. Lucas N, Macaskill O, Irwig L et al. Reliability of physical examination for diagnosis of myofascial trigger points: a systematic review of the litterature. Clin J Pain. 2009; 25: 80-9. 16. Machado LAC, Kamper SJ, Herbert RD et al. Analgesic effects of treatment for nonspecific low back pain: a meta-analysis of placebo-controlled randomized trials. Rheumatology 2009; 48:520-7. 17. Marras WS, Lavender SA, Ferguson SA et al. Quantitative dynamic measures of physical exposure predict low back functional impairment. 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DIAGNOSTIC physical impairment outcomes in patients with low back pain. Spine 2004; ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE 22. Pengel LH, Refshauge KM, Maher CG. Responsiveness of pain, disability, and 51 DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE D’UNE LOMBALGIE AIGUË DE L’ADULTE En résumé 52 Fréquentes et variées, les lombalgies aiguës nécessitent une approche différenciée. Il faut se fonder sur un examen clinique simple mais soigneux et distinguer plusieurs cas de figure : • diagnostiquer d’abord, grâce aux « red flags », une lombalgie « symptomatique » d’une affection requérant un traitement spécifique, • traiter la douleur, expliquer et rassurer les patients souffrant de lombalgie « commune » évoluant depuis quelques jours, • prendre en charge ensuite les lombalgies « communes » qui relèvent de tableaux anatomo-cliniques suffisamment clairs et pour lesquels on dispose de traitements relativement efficaces, • enfin, dépister dès ce stade, grâce aux « yellow flags », ceux qui sont à risque de passer à la chronicité pour agir dès ce stade et enrayer si possible ce risque évolutif. 4. COMMENT DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE/ MÉCANIQUE De prime abord, la question semble simple et nous l’avons tous apprise (du moins entendue) sur les bancs de la faculté. Il s’agissait surtout de reconnaître « les lombalgies non communes ou symptomatiques (1 à 5 % des malades) » qui se différenciaient des lombalgies communes (95 %). Après avoir éliminé une origine non rachidienne – douleur d’origine viscérale, pathologie de hanche et du pelvis, pathologie vasculaire (anévrisme de l’aorte abdominale, lésion paravertébrale…) –, il faut confirmer le caractère commun de la rachialgie (95 % des cas). Les lombalgies communes se caractérisent par l’absence de « red flags » ou de « drapeaux rouges » ou signes d’alerte qui ont donné lieu à une revue récente de la collaboration Cochrane (1). Ces drapeaux rouges doivent alerter le clinicien sur le caractère inhabituel ou « non commun » de la lombalgie. Certains de ces « drapeaux rouges » sont résumés dans le tableau 1. Après cette première étape indispensable, le patient souffre soit d’une pathologie commune mécanique dont le phénotype devra être précisé (se référer au chapitre 2 de cet ouvrage), soit d’une pathologie tumorale, infectieuse ou inflammatoire (tout particulièrement dans le cadre des spondyloarthrites). Dans la suite de ce chapitre, nous nous intéresserons particulièrement à « la lombalgie inflammatoire » au cours des spondyloarthrites (SpA). DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE Emmanuelle Dernis 53 DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE Tableau 1 : Éléments clinico-biologiques et radiologiques en défaveur d’une origine commune 54 • Antécédents carcinologiques ou infectieux • Lombalgies aiguës du sujet âgé • Horaire inflammatoire de la douleur • Aggravation progressive • Caractère rebelle aux traitements symptomatiques • Existence de signes généraux : fièvre, perte de poids, asthénie, anorexie, sueurs nocturnes • Existence de signes neurologiques objectifs : déficit moteur, sphinctérien… • Signes radiologiques (image lytique ou condensante, spondylodiscite, sacroiliite, syndesmophyte…) • Existence d’anomalies biologiques : VS et ou CRP anormales, hypercalcémie… LE CONCEPT DE LA LOMBALGIE INFLAMMATOIRE ET SON ÉVOLUTION AU COURS DU TEMPS La lombalgie inflammatoire est le symptôme maître au cours des spondylarthrites (SpA) d’expression clinique axiale (correspondant à l’atteinte rachidiennne et/ou sacroilliaque) des SpA axiales non radiographiques ou radiographiques (spondylarthrite ankylosante - SA) (2). La définition initiale de « la lombalgie inflammatoire aux cours de la SpA » est basée sur l’analyse des signes cliniques et des plaintes de patients souffrant de SA. Dès 1950, Wilkinson et Bywaters (3) insistaient sur l’aggravation de la lombalgie de la SpA par le repos après le sommeil ou même après une phase d’inactivité physique (repos prolongé sur une chaise par exemple) et sur l’amélioration de cette lombalgie après une phase d’activité physique rachidienne (se lever du lit, faire quelques pas). La douleur et la raideur matinale (après le repos nocturne) ayant tendance à s’améliorer dans la matinée et ce jusque dans la soirée (4). La lombalgie inflammatoire ainsi décrite a donc très naturellement été incluse dans les critères de classification de la spondylarthrite ankylosante de Rome en 1961 (5) ; « douleur et raideur rachidienne basse de plus de trois mois non améliorées par le repos ». Tableau 2 : Critères de classification des spondylarthropathies d’Amor Critères de B. Armor Signes ou histoire de la maladie 1. Douleurs nocturnes lombaires ou dorsales et/ou raideur matinale lombaire ou dorsale 2. Oligoarthrites aymétriques 3. Douleurs fessières • Sans précision • À bascule 4. Doigt ou orteil en saucisse 5. Talalgie ou toute autre enthésopathie 6. Iritis 7. Urétrites non gonococciques ou cervicite moins d’un mois avant le début d’une arthrite 8. Diarrhées moins d’un mois avant une arthrite 9. Présence ou ATCD de psoriasis et/ou de balanite 10. Sacroiliite (stade > 2 si bilatérale ou stade 3 si unilatérale 11. Présence de l’antigène B27 et/ou ATCD familiaux de pelvispondylite, de syndrome de Reiter, de psoriasis, d’uvéite, d’entérocolopathies chroniques 12. Amélioration en 48 h des douleurs par AINS et/ou réapparition rapide (48 h) des douleurs à leur arrêt Le malade est déclaré comme ayant une spondylarthropathie si la somme des points est égale ou supérieure à 6 1 2 1 2 2 2 1 1 2 3 2 2 DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE En 1984, les critères de New York modifiés (révision des critères de New York de 1964) reprennent l’item lombalgie inflammatoire ; « Douleur et raideur rachidienne de plus de trois mois améliorées par les exercices, mais ne cédant pas au repos » (6). Les critères de Bernard Amor (7) font référence à « une atteinte lombaire et/ou dorsale rachidienne », mais aussi à une atteinte douloureuse au niveau des fesses (fessalgie dans la classification d’Amor ou pygalgie pour certains) à bascule (atteinte alternative à droite ou à gauche) - Tableau 2. 55 Les critères de l’ESSG (8) font référence à « une douleur rachidienne inflammatoire touchant le rachis lombaire, dorsal ou cervical » définie par 4 des 5 critères cliniques de lombalgie inflammatoire proposés par Calin et col. en 1977 (9) - Tableau 3. Tableau 3 : Critères de lombalgie inflammatoire selon A. Calin (1977) DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE Critères de A. Calin 56 The clinical history as a screening test for ankylosing spondylitis Five factors differentiate the back pain produced by spondylitis from the ubiquitous back pain due to other causes. These five factors are: 1. Onset of back discomfort before the age of 40 years 2. Insidious onset 3. Persistence for at least 3 months 4. Associated with moming stitfness 5. Improvement with exercise Calin et al. JAMA 1977 Les critères ASAS (Assessment of SpondyloArthritis international Society) de classification des SpA axiales incluent la lombalgie inflammatoire définie par Sieper et col. (10) - Tableaux 4 et 5. Pour entrer dans l’arbre de classification une lombalgie chronique chez un sujet de moins de 45 ans est nécessaire. L'item « lombalgie/rachialgie inflammatoire » est un des critères clinique de SpA - Tableau 6. Tableau 4 : Critères de lombalgie inflammatoire dits de Berlin Atteinte axiale ou syndrome pelvi-rachidien Dorsolombalgies inflammatoires Dorsolombalgie débutant avant 30 ans et persistante depuis plus de 3 mois 1. Associée à un dérouillage matinal > 30 min 2. Améliorée à l’exercice et non calmée au repos 3. Réveils nocturnes en seconde partie de nuit 4. Douleur fessière à bascule 2 critères sur 4 sont nécessaires Rudwaleit et al. AR 2006 Tableau 5 : Critères de lombalgie inflammatoire retenus par le groupe ASAS (Assessment of SpondyloArthritis international Society 2009) Lombalgie inflammatoire selon les experts de l’ASAS Lombalgies inflammatoires Avant 40 ans Début insidieux Améliorée à l’exercice Non calmée au repos Douleur nocturne (améliorée en se levant) 4 critères sur 5 sont nécessaires Tableau 6 : Critères de classification de spondyloarthrite axiale le groupe ASAS (Assessment of SpondyloArthritis Tableauselon 5 : critères de lombalgie inflammatoire retenus par le groupe international Society 2009) ASAS (Assessment of SpondyloArthritis international Society 2009). Lombalgie inflammatoire selon les experts de l’ASAS Chez des patients avec rachialgies * à 3 mois et un âge de inflammatoires début<45 ans Lombalgies Avant 40 ans Sacro-ilite à l'imagerie* HLA-B27 Début insidieux plus plus OU Améliorée à l’exercice *1 critère de SpA* *2 critères de SpA* Non calmée au repos Douleur nocturne (améliorée en se levant) *Critères de SpA * Sacroillite à l'imagerie 4 critères sur 5 sont nécessaires active (aiguë) • rachialgie inflammatoire • Inflammation • arthrite à l'IRM fortement suggestive Sieper et al. ARD 2009 • enthésite (talon) de sacroillite associée • uvéite à une SpA • dactylite • sacroillite radiologique selon • psoriasis les critères modifiés de NY • maladie de Crohn/ rectocolite hémorragique • bonne réponse au AINS n=649 patients avec rachialgies • antécédent familial de Spa sensibilité : 82,9 %, spécificité 84,4 % • HLA-B27 imagerie seule : sensibilité : 66,2 %, • CRP élevée spécificité : 97,3 % Rudwaleit M et al. Ann Rheum Dis 2009;68: 777-783 DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE Sieper et al. ARD 2009 57 DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE COMMENT FAIRE LA DISTINCTION ENTRE UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE ET UNE LOMBALGIE MÉCANIQUE 58 Différencier une lombalgie inflammatoire d’une lombalgie mécanique est souvent difficile en pratique quotidienne, tout particulièrement chez les enfants/adolescents (se référer au chapitre 6) et chez les sujets âgés. Les critères de classification ou de diagnostic d’une lombalgie inflammatoire (LI) que nous avons cités n’incluent pas de critères négatifs ou de critères d’exclusion ; il est certain que tout clinicien devant une LI doit éliminer une métastase, une spondylodiscite ou une discopathie érosive… (1,16). On estime classiquement que la fréquence de lombalgie inflammatoire serait approximativement de 5 % dans le cabinet d’un médecin généraliste et de 25 % dans le cabinet d’un médecin rhumatologue (11). Aux États-Unis, la prévalence de la LI est estimée à 5 % (critères de Calin), 6 % (critères de Berlin) et 5,6 % (critères de l’ESSG) (12) alors que la prévalence de la SpA serait de 0,3 à 0,5 %. Dans une population de lombalgiques, la fréquence de la LI est loin d’être négligeable ; sur 1 880 employés d’une usine souffrant de lombalgie, Calin et col (13) retrouvaient 6 spondylarthrites certaines et 367 individus répondaient aux critères de lombalgie « inflammatoire » sans spondylarthrite ! Il existe donc un « chevauchement » important des signes cliniques entre la lombalgie mécanique et inflammatoire. Le diagnostic différentiel devant une lombalgie inflammatoire avant d’évoquer une SpA (tout particulièrement chez un sujet HLA B27) est donc indispensable. Walker et Williamson ont tenté de déterminer les signes cliniques et symptômes permettant de différencier une lombalgie mécanique d’une lombalgie inflammatoire en se basant sur « l’avis d’experts » – neurochirurgiens, orthopédistes, rhumatologues, médecins de médecine physique, généralistes… – particulièrement intéressés dans la prise en charge des malades lombalgiques. Le signe clinique le plus évocateur d’une lombalgie mécanique est la douleur en se (re)levant et, pour la lombalgie inflammatoire , la douleur matinale au réveil (14). L’expérience du clinicien pour orienter le diagnostic vers une SpA ou une autre cause de LI est donc fondamentale et se base certes sur les données de l’interrogatoire (exemple : critère de Calin) mais surtout sur l’interprétation par le médecin des plaintes du patient. Plusieurs études étayent cette assertion. Dans une étude mexicaine rapportée dans la revue de Burgos-Vargas et Braun (16), 121 individus souffrant de LI d’après le médecin généraliste ou un rhumatologue « junior » (en se basant sur la recherche des critères de Berlin de lombalgie inflammatoire) sont examinés par un rhumatologue plus expérimenté. Dans cette étude, le rhumatologue « senior » ne retient le diagnostic de LI « que » pour moins de la moitié des cas (52/121). Le rhumatologue doit se baser sur l’histoire clinique complète, l’examen clinique, la recherche d’autre argument pour une spondylarthrite, mais également sur l’imagerie (standard, parfois IRM voire scanner), la biologie dont parfois le typage HLAB27 (17) - Tableau 7. Ce tableau résume le poids (rapport de vraisemblance) de plusieurs tests - clinique, biologique, radiologique - qui permettent de construire le faisceau d’arguments nécessaire pour s’orienter vers un diagnostic de SpA. La recherche de ces arguments permet très généralement de distinguer le sous-groupe de patients lombalgiques chroniques avec réveils nocturnes et dérouillage matinal des malades spondylarthritiques (18). DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE Weisman, dans un questionnaire de dépistage de lombalgie inflammatoire dans une population de lombalgiques chroniques (15), propose donc d’inclure deux questions qui orientent plus vers le caractère « mécanique » de la douleur : • y a-t-il eu une chute, un traumatisme, un faux mouvement ? • y a-t-il des signes radiculaires, engourdissement ou picotements qui s’étendent dans les jambes… ? Actuellement, de nombreux travaux tentent de créer des questionnaires ou tests cliniques pouvant distinguer ces deux groupes de malades mais la spécificité, la sensibilité, le caractère discriminant de ces questionnaires restent à confirmer et à étudier dans différentes populations, en particulier en fonction de l’âge (16). 59 Tableau 7 : Rapports de vraisemblance (likelihood ratio) positifs (LR+) de tests courants pour le diagnostic de spondylarthrite d’après Dudler J Rev Med Suisse 2009;5:572-576 Examens LR+ Examens avec augmentation minimale de la probabilité de la maladie Test de compression des sacro-iliaques positif 1,0 - 1,1 Schober lombaire pathologique (< 4 cm) 1,1 - 1,4 Test de Mennel positif (manœuvre de cisaillement) 1,3 - 1,4 Test de Fabre positif (Flexion ABduction Rotation Externe de la hanche) 1,5 - 1,6 DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE Examens avec augmentation faible à modérée de la probabilité de la maladie 60 Élévation de la vitesse de sédimentation 2,5 Diminution des inclinaisons latérales (< 10 cm) 2,9 Anamnèse de rachialgies inflammatoires selon les critères de Calin 3,1 Anamnèse ou mise en évidence d’une enthésite (talalgie) 3,4 Anamnèse ou mise en évidence d’une synovite asymétrique 4,0 Anamnèse ou mise en évidence d’un psoriasis Anamnèse ou mise en évidence d’une maladie inflammatoire du tube digestif 4,0 Anamnèse d’un bonne réponse aux AINS 5,1 Examens avec augmentation modérée à forte de la probabilité de la maladie Anamnèse des sciatalgies à bascule 6,5 Anamnèse familiale de spondylarthropathie 6,4 Anamnèse ou mise en évidence d’une uvéite antérieure 7,4 Examens avec augmentation forte et décisive de la probabilité de la maladie Diminution de l’ampliation thoracique 9,0 Antigène HLA-B27 positif 9,0 IRM (sacro-iliaque ou rachidienne) positive 9,0 Anamnèse de rachialgies inflammatoires selon les critères de Rudwaleit 12,3 Sacro-iliite radiologique 20,0 Valables pour le diagnostic précoce de spondylarthropathie à prédominance axiale chez un patient avec rachialgies > 3 mois. Le produit des LR+ (LR+ x LR+ x etc.) donne la probabilité diagnostique avec un produit de 20 = 50 %, 80 = 80 % et > 200 = probalité > 90 % ou égal un diagnostic définitif. Bibliographie 1. Amor B, Dougados M, Mijiyawa M. (1990) Criteria of the classification of spondylarthropathies. Rev Rhum Mal Osteoartic. Feb;57(2):85-9. 2. Burgos-Vargas R, Braun J. (2012) Inflammatory back pain. Rheum Dis Clin North Am. 2012 Aug;38(3):487-99. doi: 10.1016/j.rdc.2012.08.014. Epub Sep 14. Review. 3. Calin A, Kaye B, Sternberg M, Antell B, Chan M. (1980) The prevalence and nature of back pain in an industrial complex: a questionnaire and radiographic and HLA analysis. Spine (Phila Pa 1976). Mar-Apr;5(2):201-5. 4. Calin A, Porta J, Fries JF, Schurman DJ. (1977) Clinical history as a screening test for Dougados M, van der Linden S, Juhlin R, Huitfeldt B, Amor B, Calin A, Cats A, Dijkmans B, Olivieri I, Pasero G, et al. (1991) The European Spondylarthropathy Study Group preliminary criteria for the classification of spondylarthropathy. Arthritis Rheum. Oct;34(10):1218-27. 6. Dudler J . (2009) Rev Med Suisse ;5:572-576. 7. Hart FD, Robinson KC et al. (1949) Ankylosing spondylitis. Q J Med. ; Jul;18(71):217-34. 8. Henschke N, Maher CG, Ostelo RW, de Vet HC, Macaskill P, Irwig L. (2013) Red flags to screen for malignancy in patients with low-back pain. Cochrane Database Syst Rev. Feb 28;2. 9. Jordan KP, Jöud A, Bergknut C, Croft P, Edwards JJ, Peat G, Petersson IF, Turkiewicz A, Wilkie R, Englund M. (2013) International comparisons of the consultation prevalence of musculoskeletal conditions using population-based healthcare data from England and Sweden. Ann Rheum Dis. Jan 23. 10. Kellgren JH. (1964) The epidemiology of rheumatic desease. Ann Rheum Dis. Mar;23:109-22. 11. Nguyen C, Bendeddouche I, Sanchez K, Jousse M, Papelard A, Feydy A, Revel M, Poiraudeau S, Rannou F. (2010) Assessment of ankylosing spondylitis criteria in patients with chronic low back pain and vertebral endplate Modic I signal changes. J Rheumatol. Nov;37(11):2334-9. 12. Rudwaleit M, van der Heijde D, Landewé R, Listing J, Akkoc N, Brandt J, Braun J, Chou CT, Collantes-Estevez E, Dougados M, Huang F, Gu J, Khan MA, Kirazli Y, Maksymowych WP, Mielants H, Sørensen IJ, Ozgocmen S, Roussou E, Valle-Oñate R, Weber U, Wei J, Sieper J. (2009) The development of Assessment of SpondyloArthritis international Society classification criteria for axial DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE ankylosing spondylitis. JAMA. Jun 13;237(24):2613-4. 5. 61 spondyloarthritis (part II): validation and final selection. Ann Rheum Dis. Jun;68(6):777-83. 13. Sieper J, van der Heijde D, Landewé R, Brandt J, Burgos-Vagas R, Collantes-Estevez E, Dijkmans B, Dougados M, Khan MA, Leirisalo-Repo M, van der Linden S, Maksymowych WP, Mielants H, Olivieri I, Rudwaleit M. (2009) New criteria for inflammatory back pain in patients with chronic back pain: a real patient exercise by experts from the Assessment of SpondyloArthritis international Society (ASAS). Ann Rheum Dis. Jun;68(6):784-8. 14. van der Linden S, Valkenburg HA, Cats A. (1984) Evaluation of diagnostic criteria for ankylosing spondylitis. A proposal for modification of the New York criteria. Arthritis Rheum. Apr;27(4):361-8. DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE 15. Walker BF, Williamson OD. (2009) Mechanical or inflammatory low back pain. 62 What are the potential signs and symptoms? Man Ther. Jun;14(3):314-20. 16. Weisman MH, Chen L, Clegg DO, Davis JC Jr, Dubois RW, Prete PE, Savage LM, Schafer L, Suarez-Almazor ME, Yu HT, Reveille JD. (année) Development and validation of a case ascertainment tool for ankylosing spondylitis. Arthritis Care Res (Hoboken). 17. Weisman MH. (2012) Inflammatory back pain: the United States perspective. Rheum Dis Clin North Am. Aug;38(3):501-12. 18. Wilkinson M, Bywaters EG.(1958) Clinical features and course of ankylosing spondylitis; as seen in a follow-up of 222 hospital referred cases. Ann Rheum. Dis. Jun;17(2):209-28. 19. Williams CM, Henschke N, Maher CG, van Tulder MW, Koes BW, Macaskill P, Irwig L. (2013) Red flags to screen for vertebral fracture in patients presenting with lowback pain. Cochrane Database Syst Rev. Jan 31;1 • La rachialgie inflammatoire est une combinaison de signes d’interrogatoire dont la présence doit faire évoquer le diagnostic de spondylarthrite. • la rachialgie inflammatoire est un des arguments de la spondylarthrite axiale. • La douleur nocturne reste cependant une plainte fréquente chez le lombalgique chronique sans spondylarthrite. • L’anamnèse précise, l’examen clinique du patient, les examens complémentaires et la recherche d’un faisceau d’arguments orientant vers la spondylarthrite permettent de différencier une lombalgie mécanique d’une lombalgie inflammatoire de la SpA. DIFFÉRENCIER UNE LOMBALGIE INFLAMMATOIRE D’UNE LOMBALGIE COMMUNE En résumé 63 64 5. LA LOMBALGIE CHRONIQUE Aspects socio-professionnels 5•2 Facteurs psychologiques 5•3 Le point de vue du clinicien LA 5•1 LOMBALGIE CHRONIQUE Introduction générale 65 LA LOMBALGIE CHRONIQUE Introduction générale 66 La lombalgie chronique ne doit plus être considérée comme la simple résultante de phénomènes dégénératifs et/ou de leurs conséquences lésionnelles, mais bien comme une pathologie d’origine multifactorielle, faisant intervenir à des degrés divers des éléments physiques et fonctionnels, socioprofessionnels et psychologiques. Penser que l’on peut s’affranchir d’un interrogatoire et d’un examen clinique chez un patient souffrant de lombalgie chronique est un leurre. L’interrogatoire pour apprécier la composante organique, psychologique, le retentissement socioprofessionnel est d’une importance capitale. L’interrogatoire est le premier pas, l’examen clinique, la deuxième étape, mesurer la mobilité rachidienne, l’extension du rachis lombaire, l’inégalité de longueur des membres inférieurs, la recherche des points douleurs, continuer par l’examen des hanches et des sacro-iliaques est l’ultime démarche à effectuer avant la demande des examens complémentaires ; ce qui n’empêche jamais de procéder au remplissage de différents auto-questionnaires d’évaluation qui peuvent être complétés par le patient afin d’aboutir à une évaluation convenable et utile pour la démarche thérapeutique. Ainsi, nous aborderons successivement les aspects socioprofessionnels, les facteurs psychologiques et le point de vue du clinicien. 5.1 LA LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS RÔLE DU TRAVAIL DANS LA SURVENUE DES LOMBALGIES ◗ Données de la littérature scientifique Une revue de la littérature scientifique a été effectuée par la Société française de médecine du travail pour fonder les recommandations de bonne pratique s’agissant de la « Surveillance médico-professionnelle du risque lombaire pour les travailleurs exposés à des manipulations de charges » (25). Les principaux risques pour la santé des travailleurs LA Le rôle de certaines expositions professionnelles dans la survenue des lombalgies est bien documenté dans la littérature : le port de charges lourdes au travail est un facteur de risque de lombalgie et de lombo-radiculalgie. La quantification de la relation dose-effet nécessite encore d'être précisée. La durée d'exposition aux manutentions manuelles est liée à la dégénérescence discale. Les manutentions de charge sont la première cause d’accident de travail en France en 2011 et entraînent surtout des lésions lombaires. Les facteurs de risque d’incapacité liés au milieu du travail recouvrent plusieurs domaines dans le champ psychologique, social et professionnel. Ils peuvent être évalués et intégrés dans une évaluation clinique structurée, au moyen de questionnaires ou pendant l'entretien clinique. Étant donné leur impact considérable sur le pronostic, l’évaluation des dimensions sociales et professionnelles des lombalgies doit devenir beaucoup plus familière aux professionnels de santé. LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS Jean-Baptiste Fassier 67 LA LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS exposés à des manipulations de charges sont synthétisés de la façon suivante : • Le port de charges au travail est un facteur de risque de lombalgie et de lombo-radiculalgie, sans qu’il soit possible de faire la part des différentes sous-tâches de manutention (se pencher, pivoter, soulever, pousser, ou tirer fréquemment), avec le travail répétitif, le maintien de postures, le travail physique lourd et les facteurs de risque psychosociaux (GRADE A). • La quantification de la relation dose-effet entre l’intensité et la fréquence de la manutention de charges et le risque de lombalgie reste imprécise (GRADE B). • Il existe une relation entre l’exposition professionnelle aux manutentions manuelles de charges et la dégénérescence discale visualisée par l’imagerie (GRADE B). • La majorité des hernies discales apparaît sans événement déclenchant spécifique (par exemple un accident de travail). Un antécédent d’événement déclenchant n’est pas associé à une présentation clinique plus sévère (GRADE C). 68 ◗ Données de sinistralité (accidents du travail et maladies professionnelles) Les manutentions de charges étaient la première cause d’accident du travail (AT) en France en 2011 entraînant des lésions essentiellement au niveau du rachis lombaire (2). Les affections chroniques du rachis lombaire associées à une irradiation vers les membres inférieurs (lombo-sciatiques et lombo-cruralgies) provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes peuvent être reconnues au titre de maladie professionnelle depuis février 1999 : tableau 98 du régime général de la Sécurité sociale (ou tableau 57 bis du régime agricole). La durée moyenne des arrêts de travail pour lombalgie après un accident du travail est passée de 25 jours en 1970 à 55 jours en 2005. En maladie professionnelle, cette durée est de 340 jours. Près de 9 millions de journées d’arrêt de travail par an sont prises en charge par la branche AT-MP : 8 millions en accidents du travail et un million en maladies professionnelles. On estime approximativement que 30 millions de journées de travail seraient perdues chaque année par arrêt maladie pour lombalgie. Les dépenses imputables au titre du tableau 98 s’élevaient en 2011 à 130 millions d’euros (7,8 % du montant total) (2). FACTEURS DE RISQUE D’INCAPACITÉ LIÉS AU MILIEU DE TRAVAIL Questionnaire Orebro Musculoskeletal Pain Questionnaire (12) (OMPQ) : Le groupe de travail sur les facteurs professionnels de risques d’incapacité après une lombalgie (26) a recensé l’ensemble de ces facteurs à partir de cinq revues systématiques de la littérature (13,29). Les conclusions de ces revues varient selon la méthodologie adoptée, mais il LA Les facteurs de risques dits « psychosociaux » de passage à chronicité et de risque d’incapacité ont été initialement décrits sous le terme de « yellow flags » (drapeaux jaunes) pour attirer l’attention sur les éléments autres que biomédicaux dans l’évolution des lombalgies (8). Malgré son apport dans l’évaluation des lombalgies, cette catégorie de facteurs de risque a été critiquée par son caractère trop large qui couvrait huit grands domaines : attitudes et croyances envers le mal de dos, comportements, problèmes d’indemnisation, problèmes de diagnostic et de traitement, émotions, enjeux familiaux et enjeux professionnels (21). Les facteurs de risque de chronicité liés au travail ont fait depuis l’objet d’une attention spécifique : il a été proposé de les catégoriser sous le vocable de « blue flags » (drapeaux bleus) et de « black flags » (drapeaux noirs) (26). Les drapeaux bleus sont définis comme les perceptions d’un individu sur son travail qui peuvent entraîner une incapacité, que ces perceptions soient justes ou inappropriées. Ce sont les perceptions d’un travailleur que son environnement de travail soit stressant, fortement exigeant, peu soutenant et peu épanouissant. Les drapeaux noirs incluent à la fois des caractéristiques de l’employeur et du système d’assurance (catégorie I) ainsi que les mesures objectives des exigences physiques et des caractéristiques du travail (catégorie II) (26). Le tableau 1 ci-après récapitule les différents facteurs de risque d’incapacité liés au travail et catégorisés selon la méthode des drapeaux. LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS ◗ Catégories de facteurs de risques 69 Tableau 1 : Résumé des facteurs professionnels dans la méthode d’identification des drapeaux pour identifier les patients lombalgiques à risque d’évoluer vers l’incapacité au travail (traduit de [5]) LA LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS Item 70 Modalité d’évaluation Type de drapeaux Description 1 Entretien clinique Blue flag Histoire professionnelle, incluant des changements fréquents de travail, l’expérience de stress au travail, d’insatisfaction au travail, de mauvaises relations avec les collègues ou un superviseur, l’absence de consigne de réadaptation 2 Entretien clinique Blue flag Croyance que le travail est nocif ; qu’il peut provoquer une blessure ou peut être dangereux 3 Questionnaire OMPQ Blue flag Peur de se blesser à nouveau (« je ne devrais pas faire mon travail habituel avec la douleur actuelle ») 4 Questionnaire OMPQ Blue flag Prévisions et attentes de retour au travail (« selon vous, quelles sont les chances que vous ayez repris le travail dans six mois ? ») 5 Questionnaire OMPQ Blue flag Satisfaction au travail (« si vous prenez en considération vos tâches habituelles de travail, votre encadrement, votre salaire, les possibilités de promotion et vos collègues de travail, quel est votre satisfaction envers votre travail ? ») 6 Questionnaire OMPQ Blue flag Exigences physiques de travail (« votre travail est-il lourd ou monotone ? ») 7 Entretien clinique Blue flag Environnement actuel de travail peu aidant Type de drapeaux Description 8 Entretien clinique Drapeau noir cat. I Faible niveau de qualification, faible statut socio-économique 9 Entretien clinique Drapeau noir cat. I Faibles possibilités de tâches allégées et de retour au travail graduel, avec une implantation insatisfaisante de ces mesures 10 Entretien clinique Drapeau noir cat. I Expériences négatives de la gestion des lombalgies au travail (par exemple, absence de système d’information, entraves à la déclaration, réponses punitives de l’encadrement) 11 Entretien clinique Drapeau noir cat. I Absence d’intérêt de l’employeur 12 Entretien clinique Drapeau noir cat. II Notion de travail manuel, particulièrement dans les groupes professionnels suivants : pêcheurs, bûcherons, agriculteurs ; secteur du bâtiment ; infirmières ; chauffeurs de camion 13 Entretien clinique Drapeau noir cat. II Travail comportant des exigences biomécaniques significatives, tels que des efforts de manutention, la manutention manuelle de charges lourdes, la position assise prolongée, la position debout prolongée, la conduite, les vibrations, le maintien de posture contrainte, des horaires de travail rigides empêchant d’effectuer des pauses nécessaires 14 Entretien clinique Drapeau noir cat. II Travail comportant des horaires postés ou des horaires de travail asociaux LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS Modalité d’évaluation LA Item 71 est possible de catégoriser les facteurs dans quatre grands domaines : les exigences physiques du travail ; les exigences psychologiques du travail ; les facteurs sociaux/managériaux ; les perceptions envers le travail. Ces catégories comprennent différents items qui sont étayés (ou non) selon les différentes études considérées. LA LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS ◗ Méthodes d’évaluation des facteurs de risque 72 Il existe sept grandes méthodes d’évaluation des facteurs professionnels de risque d’incapacité : les questionnaires, l’entrevue semistructurée, une réunion sur le lieu de travail, les impressions du clinicien, les méthodes de mesure objective et les données administratives. Chacune de ces méthodes présente des avantages et des inconvénients s’agissant des critères de fiabilité, de validité prédictive et de faisabilité (26). Les questionnaires visant à identifier les facteurs professionnels de risque d’incapacité ont des propriétés métrologiques globalement peu documentées, à l’exception du questionnaire OMPQ (12) qui a été traduit et validé en français (22). Ces questionnaires sont les suivants : Orebro Musculoskeletal Pain Questionnaire (OMPQ) (12) ; Psychosocial Risk for Occupational Disability Instrument (PRODI) (24) ; Back Disability Risk Questionnaire (BDRQ) (27); Guide to assessing psychosocial yellow flags (8); Obstacles to RTW Questionnaire (ORQ) (20); Work Disability Diagnosis Interview (4). Au-delà du choix de la méthode et de l’instrument, la question du moment opportun de l’identification des facteurs professionnels de risque d’incapacité reste débattue. Un groupe de travail a proposé une approche graduelle en trois étapes (26). La première étape comporterait la passation d’un bref questionnaire d’identification, à l’ensemble des patients lombalgiques au stade aigu qui se sentent incapables d’effectuer ou de reprendre leur travail habituel. L’étape suivante serait une entrevue clinique pour tous les patients ayant une douleur persistante au-delà de deux semaines et exprimant des préoccupations significatives envers leur travail. La troisième et dernière étape serait une visite sur le lieu de travail pour les patients lombalgiques ayant une douleur persistante et une incapacité à reprendre le travail après 3 ou 4 semaines. À chacune de ces étapes, des interventions visant le travail pourraient être définies également de façon graduelle (26). ◗ Prise en charge et modification des facteurs professionnels de risque d’incapacité Tableau 2 : Identifier et intervenir sur les facteurs professionnels d’incapacité au travail (traduit de (26)) Catégorie de facteurs de risques professionnels Question à poser pendant l’entretien • Liste des actions possibles Exigences physiques fortes Êtes-vous préoccupé par le fait que les exigences physiques de votre travail puissent retarder votre retour au travail ? • Dresser une liste des tâches de travail problématiques • Faire une évaluation des tâches de travail dans l’entreprise • Identifier les sources de soutien temporaire Impossibilité de modifier le travail Pensez-vous que votre travail puisse être modifié temporairement pour que vous puissiez reprendre le travail plus tôt ? • Travail modifié ou tâches alternatives • Brainstormings avec le travailleur blessé LA • Évaluer la flexibilité du travail LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS Les cliniciens se sentent souvent dépourvus quand ils peuvent identifier des facteurs de risque d’incapacité spécifiquement liés au milieu de travail, et sur lesquels ils ont peu de possibilités d’agir. Il existe pourtant différentes possibilités d’action, dans lesquelles le rôle du médecin du travail en France est déterminant (voir la section suivante). Le groupe de travail sur les facteurs professionnels de risques d’incapacité a proposé de façon pragmatique d’identifier ces facteurs dans sept grands domaines avec une question par domaine, pouvant être intégrée dans un entretien clinique. Une liste des actions possibles en regard de chaque domaine identifié est destinée aux cliniciens afin d’intervenir sur ces facteurs de risque modifiables. Ces notions sont récapitulées dans le tableau 2 ci-dessous. ••• 73 ••• Exigences stressantes du travail Y a-t-il des sources de stress dans votre travail qui pourraient être difficiles à l’occasion de votre premier retour au travail ? • Modifier la vitesse ou la pression temporelle du travail • Reconnaître les éléments sources de stress • Évaluer les stratégies habituelles d’ajustement (coping) Manque de soutien social au travail Quels types de réponses attendez-vous de la part de vos collègues et de votre encadrement à votre retour ? • Établir plus de contacts avec les collègues • Encourager la communication avec l’employeur • Impliquer des collègues de confiance LA LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS Insatisfaction au travail 74 Est-ce que c’est un travail que vous recommanderiez à un ami ? • Évaluer si les objectifs de carrière ont changé • Clarifier les options du travailleur et ses responsabilités • Entretien motivationnel Faibles attentes / perspectives de guérison et de reprise du travail Êtes-vous préoccupé par le fait que reprendre le travail peut être difficile dans les circonstances actuelles ? • Clarifier la nature des préoccupations • Les messages adressés par les différents médecins sont-ils réalistes ? • Réassurance et encouragements de la part de l’employeur Peur de se blesser à nouveau Craignez-vous de nouveaux épisodes de douleurs une fois que vous aurez repris le travail ? • Développer un plan d’action en cas de récurrence des symptômes • Planifier un retour au travail plus progressif • Modifier la croyance que l’activité est dangereuse LE RÔLE DU MÉDECIN DU TRAVAIL L’évaluation et la prise en charge des dimensions socioprofessionnelles de la lombalgie nécessitent régulièrement d’établir une collaboration avec le médecin du travail de la personne concernée. Conformément à la déontologie et à la législation, le partage du secret médical entre les différents médecins doit respecter les conditions suivantes : être nécessaire à la qualité de la prise en charge dans l’intérêt du patient ; être limité aux seules informations nécessaires à la prise en charge ; être consenti explicitement par le patient après information des bénéfices et des risques éventuellement encourus. ◗ L’action en milieu de travail La notion de poste de travail est plus complexe qu’il n’y paraît. L’expérience montre qu’il existe toujours un décalage entre les LA Le médecin du travail peut être informé de la situation de la personne lombalgique durant les différentes visites médicales : visite d’embauche, visites périodiques, visite de reprise après un arrêt de travail, visite à la demande (du salarié, de l’employeur ou du médecin du travail). Chaque visite peut être l’occasion de faire le point sur l’histoire de la lombalgie et le retentissement sur la situation de travail. Le partage d’informations entre le médecin du travail et le médecin traitant (ou un autre spécialiste) permet souvent d’ajuster les situations de travail et/ou la prise en charge en médecine de soins. Lorsque la personne lombalgique est encore au travail, elle peut à tout moment demander à voir son médecin du travail (visite à la demande du salarié, prévue par le code du travail). Cette possibilité existe aussi quand la personne est en arrêt de travail. Il s’agit alors de la visite de pré-reprise, qui a été modifiée par le décret 2012-135 du 30 janvier 2012 (applicable au 1er juillet 2012) : elle devient obligatoire après un arrêt de travail de plus de trois mois mais reste à l’initiative du médecin traitant, du médecin-conseil ou du salarié. Elle n’est pas à l’initiative de l’employeur ni du médecin du travail, qui doit cependant organiser cette visite lorsqu’on la lui demande (il n’a pas l’obligation ni la possibilité d’aller chercher l’information de la durée des arrêts des salariés pour les convoquer). LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS ◗ Les visites médicales 75 LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS LA 76 spécifications théoriques (le travail « prescrit ») et le travail « réel » qui est effectivement accompli. Ce dernier est beaucoup plus complexe et plus exigeant que ne le prévoit la simple « fiche de poste » établie dans une optique de gestion des ressources humaines (1). En pratique, l’analyse du poste de travail et de l’activité peut être effectuée par une personne spécifiquement formée telle qu’un médecin de santé au travail, un ergonome ou un psychologue du travail. C’est une erreur de limiter l’analyse du poste de travail aux seules contraintes biomécaniques (quantification de la manutention manuelle, analyse des cycles de travail, mesures de posture, etc.). Il est nécessaire d’intégrer dans l’analyse de l’activité les modalités de coordination avec les autres intervenants, la régulation des relations au sein du collectif de travail, les relations avec la hiérarchie, le public ou les « donneurs d’ordres », etc. En d’autres termes, il n’existe pas de poste de travail qui puisse être analysé ni adapté indépendamment de l’environnement dans lequel il se situe. On peut distinguer schématiquement trois niveaux de complexité croissante d’adaptation du poste de travail. Un premier niveau porte sur l’aménagement des horaires et des tâches de travail (reprise à temps partiel thérapeutique, par exemple). Cette possibilité permet d’effectuer une reprise progressive dans une logique de réadaptation fonctionnelle, avec la possibilité d’augmenter progressivement le temps passé au travail et réduire le temps passé en arrêt. Les aménagements des tâches de travail peuvent consister en une dispense temporaire des tâches les plus exigeantes physiquement. Cette possibilité est ouverte par les restrictions médicales qui peuvent être prononcées par le médecin de santé au travail quand il évalue l’aptitude médicale au travail. Ces restrictions sont censées s’imposer à l’employeur mais l’effectivité de cette obligation varie selon les possibilités d’organisation du travail et la qualité des relations les collègues et l’encadrement. Les moyens financiers nécessaires sont modérés dès lors qu’un aménagement des horaires et des tâches de travail peut suffire à l’adaptation du poste. Un second niveau d’adaptation est illustré par les interventions d’ergonomie participative développées notamment au Québec (23). Il s’agit d’une approche participative associant le travailleur lombalgique avec ses collègues autour d’une personne compétente en ergonomie qui intervient en mode « facilitateur » plutôt qu’en mode « expert ». La démarche est circonscrite dans le temps (quelques heures à quelques jours), dans son périmètre et dans les solutions proposées (faisables LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS LA rapidement, et à moindre coût). Cette approche est peu développée en France, bien qu’elle ait démontré son efficacité pour faciliter le retour au travail des lombalgiques en arrêt au-delà de six semaines (14), et plus récemment chez les lombalgiques en arrêt de travail de longue durée (10). Cette modalité mérite d’être adaptée et testée dans le contexte français compte tenu de son caractère efficace et coût-efficace (9, 15). Les ressources nécessaires concernent la personne compétente en ergonomie, la libération du temps de travail pour l’encadrement participant au groupe de travail, et la mise en œuvre des modifications ergonomiques suggérées par le groupe. Les évaluations médico-économiques de ces interventions d’ergonomie participative ont mis en évidence un rapport coûts/bénéfices favorable, dans la perspective de l’assurancemaladie (15) ou dans une perspective sociétale (9). Un troisième niveau comprend l’adaptation du poste de travail avec des équipements ergonomiques visant à diminuer les contraintes physiologiques. Ces équipements peuvent prendre la forme d’aides techniques à la manutention (par exemple des lève-malades dans les hôpitaux). Il peut s’agir de la mécanisation partielle de certaines tâches (par exemple le lavage des sols au moyen d’auto laveuses). Le troisième niveau d’adaptation impliquant l’acquisition et la mise en œuvre d’aides techniques est celui qui nécessite le plus d’investissements financiers. Les coûts pour l’employeur peuvent être diminués en mobilisant les prestations prévues par les dispositifs de maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, que ce soit dans le secteur privé (AGEFIPH : association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées) ou la fonction publique (FIPHFP : fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique). En outre, la RQTH peut être un argument convainquant un employeur de conserver dans ses effectifs un salarié en difficultés de santé afin de satisfaire à l’obligation d’emploi de 6 % de salariés handicapés s’imposant aux entreprises de plus de vingt salariés. Bien que l’adaptation du poste de travail du lombalgique soit souhaitable de principe, il existe des situations où cet objectif n'est pas réaliste : un reclassement professionnel doit alors être privilégié. Il ne s’agit plus d’aménager le poste de travail mais d’accompagner la personne lombalgique vers une mobilité professionnelle, à l’intérieur de son entreprise ou bien à l’extérieur. L’objectif est ici de faire évoluer la personne lombalgique pour sa seconde partie de carrière vers des postes de travail moins exigeants physiquement. L’étude des possibilités de reclassement profes- 77 sionnel nécessite l’accompagnement par une personne spécifiquement formée (chargé de maintien en emploi). CONDITIONS NÉCESSAIRES AU SUCCÈS DE LA PRISE EN CHARGE LA LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS ◗ Impliquer la personne lombalgique 78 La motivation de la personne lombalgique est un élément essentiel à considérer. L’adaptation du poste de travail nécessite souvent des qualités de persévérance (16,17). Étant donné l’influence pronostique sur l’évolution de la lombalgie de la faible satisfaction au travail ou de la faible attente de retourner au travail (5,11), la question de la motivation pour continuer son travail (ou le reprendre) sur un poste adapté nécessite d’être abordée explicitement. En l’absence d’adhésion personnelle du lombalgique au projet d’adaptation de son poste de travail, la faisabilité de cette adaptation est sujette à caution. Il est généralement contre-productif d’adopter un jugement moral sur la faible motivation d’une personne lombalgique à reprendre et/ou continuer son travail. Il est en revanche très efficient d’en explorer avec elle les raisons et les enjeux dans une discussion aussi ouverte que possible. Cette approche est en effet de nature à identifier des barrières psychologiques (dépression, perte d’estime de soi, sentiment d’injustice) ou dans le milieu de travail (conflits interpersonnels, problème au poste de travail) susceptibles de conduire à des solutions plus appropriées qu’une médicalisation du problème. ◗ Impliquer l’entreprise La qualité des relations sociales dans l’entreprise et dans le collectif de travail est un élément important dans l’adaptation du poste (17, 30,31) qui est un processus social autant que technique. L’adaptation du poste induit souvent une remise en question de l’organisation collective du travail ; elle génère parfois des sentiments d’injustice voire des réactions d’animosité chez des collègues ou l’encadrement de proximité qui peuvent subir une augmentation de leur charge de travail (18,31). Enfin, l’attitude de l’employeur est déterminante s’agissant de sa motivation à conserver dans ses effectifs une personne qui n’est pas à 100 % de ses capacités et nécessitant d’investir du temps et parfois de l’argent pour adapter son poste de travail. Concrètement, la façon dont la personne lombalgique est perçue par ses collègues, son encadrement et son employeur est un facteur qui détermine amplement la possibilité d’aménagement durable de son poste de travail. ◗ Impliquer les professionnels de santé Enfin, la capacité de collaboration des différents acteurs concernés nécessite une attention particulière (19,28). Cela est particulièrement vrai pour les interventions d’ergonomie participative, la mise en œuvre d’aides techniques et la démarche de reclassement professionnel lorsqu’un aménagement n’est pas possible. L’ampleur de cette collaboration et le nombre d’intervenants dépendent du projet considéré. Une cohérence doit être obtenue autour du projet entre la personne lombalgique, son médecin traitant, son médecin du travail et son employeur (6). Lorsque des aides techniques ou un projet de reclassement sont nécessaires, la coordination implique également le médecin-conseil de la sécurité sociale (dans le secteur privé) ou le médecin agréé (dans la fonction publique) et les intervenants sociaux en charge du maintien en emploi. Faute d’obtenir cette cohérence, il est fréquent de constater que les intervenants poursuivent des objectifs divergents compromettant ainsi le succès du projet (16, 18). CONCLUSION L’évaluation des dimensions sociales et professionnelles des lombalgies est peu familière aux professionnels de santé. Elle est pourtant nécessaire à la qualité de la prise en charge au stade subaigu et chro- LA ◗ Collaborer et (se) coordonner LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS Il arrive régulièrement que l’absence de collaboration entre les différents médecins (médecins cliniciens, médecins du travail, médecins-conseils) retarde ou entrave l’élaboration d’un projet cohérent pour la personne lombalgique. Les informations parcellaires ou contradictoires données par les professionnels de santé sont également de nature à augmenter l’anxiété, la défiance et l’attentisme des personnes lombalgiques. La mise en cohérence des discours et des professionnels de santé nécessite de partager les informations médicales dans l’intérêt et avec l’accord du patient, ce qui nécessite du temps et de la confiance qui font parfois défaut. 79 nique de la lombalgie. Il existe des outils pouvant être intégrés dans une démarche clinique structurée (questionnaire ; questions simples associées à l’entretien clinique). La prise en charge des facteurs socioprofessionnels nécessite souvent la collaboration et de partage d’informations entre les professionnels de santé, et avec les acteurs de l’entreprise. Cette prise en charge nécessite du temps, des compétences techniques en dehors du champ médical (droit du travail, droit social) et des compétences relationnelles (coordination, négociation). Le maintien dans l’emploi d’une personne lombalgique devrait être un objectif à part entière de sa prise en charge, au même titre que le contrôle de la douleur et le maintien des capacités fonctionnelles. Les objectifs professionnels devraient être abordés explicitement avec la personne lombalgique dès le début de sa prise en charge. LA LOMBALGIE CHRONIQUE : ASPECTS SOCIO-PROFESSIONNELS Bibliographie 1. Clot Y (2008) Travail et pouvoir d’agir. Le travail humain. 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Les événements de la vie ne manquent pas de marquer de façon indélébile la trajectoire psychologique des lombalgiques. Les « Yellow flag » ou « signes d’alerte jaune » sont des facteurs de risque de passage à la chronicité d’une lombalgie après un épisode aigu. Il s’agit de l’anxiété, la dépression, du retrait des activités sociales, de la douleur interprétée comme un signal de danger mais aussi de certains facteurs socioprofessionnels… (8) De façon plus générale, les facteurs émotionnels facilitateurs de douleur sont l’hypervigilance, l’anxiété, la dépression, la peur de la douleur, le catastrophisme et la détresse émotionnelle (9). La prévalence de la dépression peut dépasser 50 % dans les grandes études cliniques (27). Les formes cliniques de la dépression associée à la douleur sont parfois atypiques avec agressivité, troubles du sommeil, fatigue, troubles de la libido… Ces symptômes peuvent être attribués à tort à la douleur et/ou aux traitements (3). LA De nombreux facteurs émotionnels au cours de la lombalgie commune ont été identifiés. Ces facteurs peuvent agir comme : - facteurs prédisposants, - facteurs précipitants, - et/ou facteurs aggravants. LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES FACTEURS DE RISQUE PSYCHOLOGIQUES 83 LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES LA 84 • Le catastrophisme (ou dramatisation) est défini comme un état de focalisation exclusive sur les aspects aversifs et négatifs de la douleur empêchant toute adaptation. Il s’agit de ruminations avec amplification et sentiment de profonde impuissance (10, 23). Le patient perçoit l’expérience douloureuse comme dangereuse pour lui (10,18). Ce catastrophisme entraîne une majoration de la douleur et favorise les comportements douloureux, la détresse émotionnelle, le handicap et la prise de médicaments (19, 22, 25). • Les stratégies d’ajustement (ou coping) inadaptées sont actuellement clairement identifiées comme facilitant l’entretien des douleurs (18, 22, 25). • L’impact des événements de vie est important sur l’émergence de douleurs. Il s’agit de traumatismes physiques (accidents) quel que soit l’âge, de certains événements catastrophiques (guerre) et d’événements stressants survenus tôt dans la vie (6). Le syndrome de stress post traumatique est observé plus fréquemment au cours des douleurs chroniques par rapport à la population générale (6). • La peur de la douleur est un déterminant émotionnel important au cours de la lombalgie, corrélé aux mesures d’anxiété, aux erreurs d’interprétations, à la dépression et à l’incapacité. On peut citer différents types de peurs chez les patients souffrant de lombalgie chronique : la peur de la douleur (algophobie), la peur du mouvement (kinésiophobie), la peur de l’avenir (anticipation anxieuse) (3,18). Le modèle de « peur-évitement », bien décrit par Vlaeyen, explique les phénomènes d’apprentissage favorisant la chronicisation de la lombalgie (24,25). L’apprentissage des comportements douloureux peut aussi résulter de l’apprentissage de l’évitement. L’évitement est défini comme « la performance d’un comportement qui suspend ou détourne la présentation d’un événement aversif »(25). L’évitement est influencé par l’attente qui suppose que la prochaine exposition sera source de souffrances. Il y a donc chevauchement entre la peur d’avoir mal, la peur des activités (liées au travail par exemple) et la peur du mouvement. On peut ainsi identifier parmi les patients lombalgiques chroniques, des « éviteurs » et des « confronteurs » qui se différencient par l’intensité de la peur(24). ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE DÉFINITION ET OBJECTIFS GÉNÉRAUX DE LA MULTIDISCIPLINARITÉ Il est actuellement clairement établi que l’éducation proposée dans les programmes d’« École du dos », basés sur le modèle biomédical pur, unidimensionnel, n’est pas efficace (14). Le « Back Book » ou « Guide du dos » qui délivre des informations aux patients lombalgiques est validé en français7. Il a montré son intérêt en améliorant les connaissances des patients et en diminuant le retentissement de la douleur sur le handicap. Il est nécessaire que cette information LA Le catastrophisme lié à la douleur peut être évalué chez un patient douloureux par le Pain Catastrophyzing Scale (PCS) proposé par Sullivan en 1995 (22). Le questionnaire peur - évitement ou Fear Avoidance Belief Questionnaire (FABQ) permet d’évaluer au cours de la lombalgie les croyances des patients concernant les attributions causales entre les activités - le travail et la douleur (26). Il est validé en français (4). Les stratégies de gestion ou « coping » peuvent être évaluées par le questionnaire Coping Strategy Questionnaire (CSQ) (21). Il est validé en français (16). LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES Au cours de la lombalgie chronique, il est fortement recommandé d’utiliser des approches évaluatives prenant en compte les facteurs anatomiques et physiopathologiques, bien connus des médecins, mais aussi les aspects psychosociaux et environnementaux. Bien entendu, prendre en compte ces facteurs n’implique en aucun cas le déni des lésions anatomiques ni de la réalité de la douleur. L’Hospital Anxiety and Depression scale (HADs) également traduit en français explore les composantes : anxiété et dépression (2) (évaluation HAS, 1999). Il existe une version française validée. Pour les différents scores, des valeurs seuils ont été déterminées : • un score inférieur ou égal à 7 = absence de perturbation ; • un score entre 8 et 10 = cas douteux ; • un score supérieur ou égal à 11 = cas certain. 85 LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES LA 86 émane d’un professionnel de santé dans le cadre d’un parcours de soins rationnel (7). Il existe aussi des recommandations concernant le message à véhiculer auprès des patients : « message rassurant, informant de l’importance de rester actif notamment professionnellement » (1). L’éducation thérapeutique (ETP) fait partie intégrante du « parcours de soin du patient atteint de maladie chronique » dans le code de santé publique. En effet, il s’agit d’une démarche pluridisciplinaire indispensable à la prise en charge. L’efficacité de la psycho éducation d’inspiration cognitivo-comportementale (TCC = Thérapies comportementales et cognitives) dans la lombalgie chronique est largement documentée (13). Par exemple, la recommandation 7 des guidelines de la société américaine de la douleur (APS) et du collège américain des médecins (ACP), incite les praticiens à associer les TCC à des exercices actifs de restauration fonctionnelle dans le cadre d’une prise en charge interdisciplinaire. Ces stratégies permettraient de diminuer les arrêts de travail dus à la lombalgie chronique (5). En outre, les résultats publiés sont plus favorables aux interventions précoces ; les patients lombalgiques depuis moins de trois mois ayant un retentissement moins important et moins de peurs et croyances erronées. Parmi les études analysées, on observe des résultats supérieurs lorsque les interventions sont associées (exercices, TCC, traitements conventionnels) (17). Enfin, il semble que les approches multidisciplinaires incluant une psychothérapie soient plus efficaces sur les conséquences de la douleur (qualité de vie liée à la santé, dépression) et le retour au travail dans la lombalgie chronique (15). Les résultats montrent cependant une amélioration modeste de la douleur, qui ne semble pas être le meilleur paramètre d’évaluation d’une pathologie douloureuse chronique (17). En effet, la représentation personnelle de la douleur et de la pathologie, par le patient lui-même (Patient Outcome Report – PRO) semble plus pertinente actuellement. Elle peut être évaluée par la perception globale de changement (Patient Global Impression of Change – PGIC) et/ou par la satisfaction par exemple. UNE EXPÉRIENCE FRANÇAISE D'APPROCHE MULTIDISCIPLINAIRE DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE Différents programmes existent en France. Certains privilégient le reconditionnement à l’effort. Cependant, il est indispensable d’associer dès le départ (évaluation) une approche multimodale et multiprofessionnelle avec des professionnels de santé partageant un discours et un projet commun. Au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD) de l’Hôpital Saint-Antoine, nous proposons un programme, initié depuis de nombreuses années par le Dr François Boureau. Ce programme reprend les grands principes et les modalités des programmes de psycho éducation ayant montré leur efficacité dans la littérature internationale. Les sessions sont animées par un médecin rhumatologue, une kinésithérapeute et une psychologue, toutes formées et expérimentées. ◗ Séances Le programme comporte huit séances hebdomadaires, de deux heures trente chacune. Des séances de rappel sont prévues tous les trois mois environ (selon la disponibilité des patients). Chaque patient possède un agenda sur lequel il note les « tâches » à effectuer, dans la semaine, entre les séances. LA Le programme est proposé aux patients par les médecins de la consultation. Ils souffrent de lombalgie et/ou de lomboradiculalgie chronique, en échec des autres thérapeutiques. Ils sont inclus selon leur motivation et leur capacité à s’investir dans un groupe, avec des « tâches » à effectuer pendant et entre les séances. Les patients inclus dans ce programme doivent avoir compris les enjeux (motivation, mise en situation, rôle actif) et ne pas être en attente d’un traitement supposé curatif ou radical. Sinon, des entretiens individuels sont proposés au préalable. LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES ◗ Sélection des patients 87 ◗ En pratique LA LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES La première séance ou séance « Zéro » Elle permet de se présenter (éducateurs et patients), d’expliquer la pathologie motivant la prise en charge en groupe et de détailler le programme proposé. Cette séance sert aussi d’inclusion, d’information et de motivation. Elle permet d’entendre et de reformuler les attentes des patients. Une vidéo d’information de trente minutes est présentée et permet une discussion collégiale. À l’issue de la séance, il est demandé aux patients qui souhaitent suivre le programme de s’engager à être présent aux sept séances et de pratiquer les exercices et tâches proposés entre les séances. Cette prise en charge s’établit dans un climat d’écoute et d’empathie avec renforcements positifs des succès. Les questionnaires d’évaluation initiale sont remplis sur place ce jour-là : questionnaires d’intensité de la douleur, de coping, de motivation, de retentissement émotionnel de la douleur et de questionnaires spécifiques à la lombalgie (Dallas, Eiffel). 88 Séances suivantes • Un dossier est distribué à la deuxième séance. Celui-ci contient une brochure d’information sur la douleur, une autre brochure sur « le mal de dos », un agenda des séances et d’exercices, un résumé du programme, un CD de relaxation avec une brochure pratique. Cette séance est l’occasion de reprendre les définitions de la douleur, de la douleur chronique, de la lombalgie chronique. Les animateurs discutent des pensées et croyances dysfonctionnelles des patients (peur de la paralysie et du fauteuil roulant). Le rôle de l’évitement et l’importance d’avoir une activité physique sont abordés dès la mise en place du programme. Chaque patient établit par écrit une liste d’objectifs à atteindre d’ici la fin du programme (concrets, réalistes, réalisables, à court terme, atteignables et quantifiables). Les premiers exercices de reconditionnement physique sont proposés et réalisés sur place avec la kinésithérapeute, en expliquant le principe du fractionnement des activités. À l’issue de cette séance, un agenda est rempli résumant les différentes tâches quotidiennes à effectuer durant la semaine (entre les séances) : - lire le dossier fourni - noter les observations et les questions • L’information est une notion clé du programme. Elle permet de rassurer les patients sur la bénignité des lésions (pas de cancer ni de maladie grave), sur l’absence de parallélisme entre les crises douloureuses et les lésions anatomiques, sur la capacité à se mobiliser sans risque, sur l’importance du mouvement et à l’inverse, sur les effets délétères du repos prolongé, sur l’absence d’évolution grave à long terme (pas de risque de fauteuil roulant), et sur les mécanismes physiopathologiques de la douleur chronique (auto-entretien en cercle vicieux stress/douleur/contraction/inaction, intrications de multiples facteurs…). • L’approche cognitive utilise la reformulation qui est permanente afin que les patients comprennent chaque étape du programme et en quoi il diffère de ce qu’ils ont préalablement appris. Elle est permanente et porte sur : « Cela fait mal, donc c’est dangereux », « Porter, ce n’est pas bon », « On m’a interdit le sport », « Ma colonne est fragile », « Il faut payer après avoir fait un effort ». La croyance que LA • Un tour de table est effectué à chaque début de séance avec identification des points positifs, difficultés rencontrées, solutions alternatives (résolution de problème avec échange du groupe). Les animateurs repèrent les points positifs (qu’ils renforcent) et les pièges (se tromper de cause / éviter inutilement / forcer puis ne plus rien faire). Les participants dressent une liste des comportements et situations qui soulagent la douleur et choisissent une activité physique. Le système d’entretien cognitif de la douleur est abordé (anticipation, ruminations, catastrophisme) ainsi que le maintien du cercle vicieux, peur de la douleur - peur du mouvement. Les participants identifient les facteurs et situations de stress, ainsi que l’impact du stress sur la douleur. Ce travail permet d’aborder la motivation au changement, la notion d’efficacité personnelle et de récompense, l’application des stratégies de coping (boîte à outils, liste de propos positifs…), l’aide à la résolution de problèmes et la relation avec les autres. LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES - lire l’information sur la relaxation - écouter le CD - essayer l’exercice de respiration - exercices de reconditionnement physique. 89 le retour à l’état antérieur (avant l’accident) est possible n’est pas un objectif réaliste, ni d’ailleurs la recherche du niveau de douleur zéro. L’acquisition des étapes cognitives est évaluée au fur et à mesure des séances. Le programme met l’accent sur le coping. Il s’agit de la capacité à s’adapter, à s’ajuster, à faire face. En effet, les stratégies de coping mises en place par le patient sont souvent inappropriées (stratégies passives telles que l’évitement, le catastrophisme…). Le programme permet d’apprendre aux patients à gérer les crises douloureuses, en les aidant à se poser les bonnes questions sur les facteurs en cause (aspects physiques, psychologiques) et à trouver leurs propres solutions. Les solutions des patients • être actif • rechercher des positions de confort • utiliser l’environnement LA LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES • réinterpréter la douleur 90 • utiliser la distraction • continuer à « fonctionner » sans se marginaliser familialement, professionnellement ou socialement • savoir utiliser les médicaments de secours • valoriser les techniques physiques antalgiques (douche, sèche cheveux, bouillotte, hot-pack, serviette chaude…) • utiliser la relaxation • garder l’esprit positif en évitant la dramatisation • La reprise ou la poursuite des activités physiques est mise en place dès la première séance afin de lutter contre la peur du mouvement, d’intégrer les exercices dans la vie quotidienne et d’explorer de nouveaux schémas moteurs. Il s’agit de l’ergonomie dans la préhension des objets, des étirements, du verrouillage lombo-pelvien, du dérouillage matinal et des exercices de renforcement musculaire (accroupissements, chevalier servant, transferts-lit, étirements, autoagrandissements). Les exercices sont réalisés a quota, de façon à réaliser une séquence activité – non douleur qui renforce la réalisation des exercices et se substitue à la séquence spontanée des malades. En effet, ceux-ci mènent les activités physiques jusqu’à la limite tolérable, réalisant une séquence de punition. L’objectif est de mettre les patients en situation de succès et de transformer les comportements réactionnels en des comportements anticipés, de gestion de la douleur en utilisant l’exposition progressive graduée (aux situations redoutées et évitées). • La respiration-relaxation est proposée aux patients. En effet, les patients observent l’importance du stress comme facteur de recrudescence douloureuse et certains décrivent une tension voire une sensation d’anxiété permanente. La relaxation permet d’améliorer la douleur, les contractions musculaires, le stress et l’insomnie. Les premières séances sont effectuées à domicile à l’aide d’un support audio. La relaxation permet aux patients de se préparer aux situations difficiles. Un rythme d’une à deux séances (10 minutes environ) par jour est recommandé. LA Les patients inclus dans le programme proposé au CETD de l’Hôpital Saint-Antoine (Paris), ainsi que dans d’autres programmes d’ETP, correspondent à des critères favorisant son succès. Les patients souffrent de lombalgie et/ou de lomboradiculalgie chronique en échec des autres thérapeutiques. Les comorbidités psychosociales, les attributions causales (distorsions cognitives), l’algophobie, la kinésiophobie, la motivation au changement, les stratégies de coping, les attentes, la crédibilité du traitement pour les patients et leurs préférences sont des facteurs pris en compte dès le départ. Leur participation est définitive après qu’ils aient reçu une information claire sur les objectifs et les outils du programme. En effet, la motivation et la capacité à s’investir dans un groupe, avec des « tâches » à effectuer pendant et entre les séances sont essentielles. Les patients sont donc sélectionnés, au bon moment pour eux afin d’être engagés totalement dès le début des séances. Ils ne sont donc plus en attente d’un traitement curatif ou radical, ne souffrent pas d’une pathologie addictive ou de troubles psychiatriques lourds. LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES INDICATIONS DE LA PRISE EN CHARGE MULTIDISCIPLINAIRE DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE 91 La sélection des patients, le plus tôt possible dans le cours de la maladie, est un facteur de succès, d’autant que les patients sont encore actifs professionnellement. Il semble aussi indispensable d’adapter les outils aux caractéristiques individuelles des patients. Tableau 3 : Les critères de participation et de non participation définis au CETD de l’Hôpital Saint-Antoine Critères de participation • lombalgie / radiculalgie chronique commune • échec des traitements médico-chirurgicaux • retentissement socio-professionnel : diminution des activités, déficit en stratégies adaptatives, cognitions erronées • motivation à effectuer le programme et les tâches à domicile • disponibilité pour les 7 (1+6) sessions (engagement écrit) LA LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES • capacité à comprendre, à s’exprimer, lire et écrire le français 92 • capacité à se déplacer par ses propres moyens (pas de remboursement de frais de transport) Critères de non participation • pathologie évolutive ou symptomatique justifiant d’un traitement spécifique • investigations diagnostiques insuffisantes ou en cours • autre pathologie douloureuse (fibromyalgie, céphalée) • incapacité à communiquer à lire ou à écrire • incapacité à se rendre sur le lieu du programme, à monter quelques marches ou à marcher sur une courte distance • pathologie addictive pouvant interférer avec le travail de groupe • troubles psychiatriques lourds • patient en conflit avec revendications envahissant le discours • absence de motivation personnelle dans une auto-prise en charge active COMPOSITION DE L’ÉQUIPE MULTIDISCIPLINAIRE ET CADRE INSTITUTIONNEL Les objectifs définissent les orientations globales du programme. Ils doivent donc être clairement partagés avec les patients (décision médicale partagée). Ils sont discutés individuellement afin d’être les plus réalistes possibles. En effet, la reprise du travail est très souvent un objectif désiré (par le patient, son médecin ou la caisse d’assurance maladie) mais pourtant très difficile à obtenir au-delà de deux ans d’arrêt professionnel. Il peut être nécessaire de mettre en place des entretiens motivationnels centrés sur le changement défini. En effet, il est impossible d’inclure un patient n’ayant pas des objectifs partagés avec l’équipe, au risque de l’empêcher de s’approprier les outils et la démarche. Quel que soit le format retenu, le message éducatif doit être clair, bien défini et motivant. Ces objectifs peuvent être l’observance, la reprise d’activité, la peur de la douleur, la peur du mouvement les croyances, la récupération LA OBJECTIFS SPÉCIFIQUES DE LA PRISE EN CHARGE MULTIDISCIPLINAIRE DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES La prise en charge des patients lombalgiques chroniques peut être décidée et mise en place en ambulatoire. Cela nécessite cependant une bonne coordination entre les professionnels de santé. La démarche pluridisciplinaire est un projet d’équipe, à construire en équipe avec une interdisciplinarité. Il s’agit en général pour la lombalgie commune de médecins, de kinésithérapeutes et de psychologues voire aussi d’infirmiers. L’organisation des ressources humaines et matérielles internes doit correspondre aux recommandations de la HAS (20). Mais l’équipe pluridisciplinaire est constituée de façon variable selon les ressources : médecin spécialiste de la douleur et/ou de la lombalgie, kinésithérapeute, infirmier, psychologue, diététicienne, assistant social, professionnel en activité physique adaptée. Tous sont formés aux approches psycho-éducatives et ont leur propre rôle à jouer dans un cadre concerté et cohérent pour le patient. L’équipe se réunit régulièrement pour discuter, évaluer le programme, s’auto-évaluer et faire des propositions d’améliorations. 93 du mouvement, le sommeil, une meilleure gestion des antalgiques ou l’apprentissage d’activités physiques adaptées. Les objectifs plus généraux des animateurs sont de modifier les peurs et les croyances des patients, limiter la kinésiophobie, les évitements des activités, favoriser le mouvement, améliorer la qualité de vie, le sommeil, l’humeur, le niveau de confiance, la relation aux autres, maintenir/reprendre les activités professionnelles, réduire le nomadisme médical et la dépendance aux soins (passifs). LA LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES MODALITÉS THÉRAPEUTIQUES DE LA PRISE EN CHARGE MULTIDISCIPLINAIRE DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE 94 Les programmes psycho-éducatifs d’éducation thérapeutique d’inspiration cognitivo-comportementale mettent l’accent sur le coping ; c’est-à-dire les stratégies d’adaptation ou d’ajustement en situation. Ces programmes entraînent les patients à gérer le fond douloureux et les crises sur leurs différents aspects ; somatiques, cognitifs, émotionnels et comportementaux. Les objectifs de prise en charge de la douleur chronique sont réadaptatifs sans but de guérison ad integrum (contrairement à la douleur aiguë) (17). • Les outils cognitifs sont la reformulation qui est permanente mais aussi l’information, la reformulation des croyances sur la maladie et le rôle à adopter, l’apprentissage des stratégies de coping et la réassurance afin de renforcer l’efficacité personnelle (ou confiance en soi). On utilise aussi la décentration, la distraction de l’attention, les auto-injonctions positives, l’appropriation des succès, la réinterprétation des situations, la réévaluation des projets, la résolution des problèmes par découpage, l’utilisation des ressources antérieures et l’humour. On travaille par exemple sur les cognitions dysfonctionnelles (croyances erronées) telles que l’inférence arbitraire (conclusion sans preuve), l’abstraction sélective (sélection d’un élément à partir du tout), le raisonnement dichotomique (en tout ou rien), la généralisation, la personnalisation, la minimalisation du positif et la maximalisation du négatif (18). • Les outils émotionnels sont l’apprentissage de la relaxation (avec exposition en imagination puis in vivo) ainsi que la gestion du stress • Les outils comportementaux permettent la réactivation physique (pour limiter la kinésiophobie, les évitements et le déconditionnement physique) ; ils permettent d'agir sur la fatigue et le sommeil, et permettent enfin l’exposition progressive graduée aux situations redoutées et/ou évitées. On travaille par exemple sur rester actif, rechercher des positions de confort, utiliser l’environnement, avoir des loisirs, continuer à « fonctionner » sans s’isoler familialement, professionnellement ou socialement, savoir utiliser les médicaments (de fond et de secours), valoriser les techniques physiques antalgiques telles que la chaleur (douche, sèche-cheveux, bouillotte, hot-pack…) et utiliser les techniques de détente-respiration-relaxation. ◗ Modalités du suivi de la prise en charge multidisciplinaire de la lombalgie chronique Après une évaluation et une prise en charge multidisciplinaires, il est indispensable d’assurer un suivi du patient lombalgique. Le rythme (consultation mensuelle ou trimestrielle) et la durée de ce suivi (de plusieurs mois à plusieurs années) ne font l’objet d’aucun consensus. Les modalités du suivi consistent en une réévaluation des différentes composantes physiques et fonctionnelles, socioprofessionnelles, psychologiques et médico-légales de la lombalgie, en utilisant les mêmes outils que lors de l’évaluation initiale, afin de pouvoir quan- LA L’évaluation des comorbidités psychologiques étant effectuée au départ, il est souhaitable de les aborder de façon globale et concomitante à la prise en charge de la douleur. La prise en charge peut faire appel aux traitements médicamenteux tels que les anxiolytiques ou les antidépresseurs en cas de contexte dépressif. Il faut signaler que les antidépresseurs tricycliques exercent par ailleurs un effet antalgique modeste chez le lombalgique. Des approches non médicamenteuses peuvent être proposées par le psychothérapeute après un ou plusieurs entretiens : simple relaxation, thérapie comportementale, approche psychiatrique ou approche psychothérapique d’inspiration psychanalytique. LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES ◗ Prise en charge de la composante émotionnelle du patient lombalgique chronique 95 tifier de façon objective les résultats de l’intervention multidisciplinaire. Des séances de rappel d’approches psycho-éducatives sont Tableau 4 : Principes de la prise en charge multidisciplinaire de la lombalgie chronique commune Indications de la prise en charge multidisciplinaire • Lombalgie commune chronique et lomboradiculalgie commune chronique Composition de l’équipe multidisciplinaire • Médecin compétent dans la prise en charge des affections du rachis • Psychiatre et/ou psychologue • Kinésithérapeute • Médecin du travail et/ou assistante sociale Objectifs partagés avec le patient • Contrôle et gestion de la douleur LA LOMBALGIE CHRONIQUE : FACTEURS PSYCHOLOGIQUES • Amélioration des capacités fonctionnelles 96 • Correction d’éventuels troubles psychologiques • Réinsertion sociale et professionnelle Modalités thérapeutiques • Prise en charge de la composante douloureuse : traitements médicamenteux par voie orale et par voie locale, traitements non médicamenteux • Prise en charge de la composante fonctionnelle : programmes de reconditionnement à l’effort • Prise en charge de la composante émotionnelle : antidépresseurs, anxiolytiques, relaxation, hypnose, thérapie cognitivo-comportementale, psychothérapie de soutien… • Prise en charge de la composante socio-professionnelle : mi-temps thérapeutique, changement d’unité de travail, formation professionnelle, reclassement professionnel Modalités du suivi de la prise en charge multidisciplinaire • Ré-évaluation régulière et prolongée selon une approche multidirectionnelle • Quantification objective des résultats de l’intervention multidisciplinaire utiles et souhaitables. En effet, l’entretien des comportements bien portants et le renforcement des progrès permettent le maintien des effets thérapeutiques obtenus… Bibliographie 1. Airaksinen O, Brox JL, Cedraschi C et al. (November 2004) European Guidelines for the management of chronic non specific low back. Cost B13 working group on guidelines for chronic low back pain. 2. Bjelland I, Dahl AA, Haug TT, Neckelmann D. (2002) The validity of the Hospital Anxiety and Depression Scale. An updated literature review. J Psychosom Res; 52: 69-77. 3. Cedraschi C, Piguet V, Luthy C et al. (2009) Aspects psychologiques de la douleur chronique. Rev Rhum; 76: 587-92. 4. Chaory K, Fayad F, Rannou F et al. (2004) Validation of the french version of the Fear Avoidance Belief Questionnaire. Spine; 29: 908-13. 5. Chou R, Qaseem A, Snow C et al. (2007) Diagnosis and treatment of low back Cohen H, Neumann L et al. 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Van Damne S, Crombez G, Eccleston C. (2004) Disengagement from pain: the role of catastrophic thinking about pain. Pain; 107: 70-6. 24. Vlaeyen J, Crombez G. (2009) La psychologie de la peur et de la douleur. Rev Rhum ; 76 : 511-16. 25. Vlaeyen J. (1999) Place du concept de « peur de bouger/ (ré)apparition du mal » dans l’analyse et la réhabilitation comportementale des lombalgiques chroniques. Doul et Analg ; 4 : 281-8. 26. Waddell G and al. (1993) A fear-avoidance beliefs questionnaire and the role of fearavoidance beliefs in chronic low back pain and disability. Pain ; 52 : 157-68. 27. Williams LS, Jones WJ, Shen J et al. (2004) Outcomes of newly referred neurology outpatients with depression and pain. Neurology; 63: 674-7. 5.3 LA LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN La lombalgie peut être définie comme une douleur lombosacrée à hauteur des crêtes iliaques ou plus bas, médiane ou latéralisée, avec possibilité d’irradiation ne dépassant pas le genou, durant au moins POINT LOMBALGIE CHRONIQUE : DÉFINITION DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE LA La lombalgie chronique est une pathologie complexe qui mobilise depuis de nombreuses années des médecins, des chercheurs et des paramédicaux. Elle est déroutante dans bon nombre de cas en raison de l’absence de parallélisme anatomo-clinique et de l’intervention de multiples facteurs cognitifs, psychologiques et socio-professionnels. Récemment, les 21es Entretiens du Carla en décembre 2010 ont réuni de nombreux experts sur le sujet (16). Il faut en retenir que le modèle anatomo-clinique classique doit toujours être recherché même si les liens existants entre lésions anatomiques et signes cliniques sont faibles21. Le modèle environnemental (cause fonctionnelle comme l’utilisation excessive du dos, les postures prolongées, les expositions à des vibrations) doit être appliqué ensuite. Malgré tout, dans un certain nombre de cas, le modèle bio psychosocial reste de rigueur. En effet il existe dans ces cas une composante psychologique ou socioprofessionnelle prédominante. La douleur et l’incapacité perçues sont disproportionnées au vu des lésions anatomiques et évoluent de façon autonome. Il s’agit bien d’une « douleur chronique maladie » définie par l’International Association for the Study of Pain comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante potentielle, ou décrite en termes évoquant une telle lésion ». Ceci souligne l’importance de l’évaluation multidimensionnelle de manière à adapter au mieux les prises en charge plurimodales et réadaptatives. DE VUE DU CLINICIEN Pascale Vergne-Salle 99 LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN LA 100 trois mois, quasi-quotidienne, sans tendance à l’amélioration. Cette définition est actuellement retenue par la section rachis de la Société Française de Rhumatologie (6) et par la HAS (26). Il s’agit d’une définition simple, essentiellement basée sur les données de l’interrogatoire. Elle n’intègre pas les autres composantes, notamment fonctionnelles, psychologiques ou socioprofessionnelles et définit de façon rigide la lombalgie chronique comme une douleur lombaire évoluant au-delà de trois mois. Il s’agirait donc plutôt de la persistance ou de la récurrence de la symptomatologie douloureuse lombaire au-delà de ce qu’on pourrait supposer compte tenu de la cause initiale présumée, avec une réponse insuffisante aux traitements et une détérioration progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient du fait de la douleur entraînant des retentissements multiples (21). En pratique clinique il est nécessaire de réaliser un interrogatoire et un examen clinique qui permettront de rechercher des signes en faveur d’une lombalgie symptomatique, de faire une évaluation multidimensionnelle de la douleur, de son retentissement fonctionnel, psychologique et socioprofessionnel, de rechercher des facteurs de risques de chronicité. Cette évaluation initiale permettra d’orienter l’imagerie à la recherche d’une origine symptomatique ou de causes spécifiques. Au terme de ce bilan, le médecin pourra proposer une prise en charge adaptée. EXAMEN CLINIQUE ◗ Interrogatoire Il s’agit d’un temps essentiel de l’examen du patient qui va permettre de préciser la localisation de la douleur, son ancienneté, son évolution, son déclenchement par rapport aux événements de vie, son horaire mécanique ou inflammatoire, les signes associés éventuels, le recueil des traitements antérieurs (posologie, efficacité, effets indésirables), l’évaluation du contexte socioprofessionnel, du retentissement psychologique sans oublier l’évaluation des capacités fonctionnelles. Cette étape de l’interrogatoire permet avant tout de rechercher des signes qui pourraient être en faveur d’une lombalgie symptomatique c’est-à-dire d’origine tumorale, infectieuse, inflammatoire ou trauma- tique. Le diagnostic de lombalgie symptomatique est plus rare à ce stade, a souvent été évoqué et recherché au stade de lombalgie aiguë ou subaiguë. Cependant, le clinicien doit rester vigilant. Les signes d’alerte ou « red flags » selon le groupe COST B13 sont repris dans le tableau 1 (13, 31). La présence d’au moins un signe d’alerte justifie la prescription d’examens complémentaires, qui seront le plus souvent une numération formule sanguine, vitesse de sédimentation, CRP, radiographie du rachis lombaire de face, de profil associée à un cliché du bassin de face, voire parfois d’emblée en première intention un IRM du rachis lombaire. À ce stade de la lombalgie chronique, le diagnostic différentiel le plus fréquent sera celui d’une spondyloarthrite. En effet, le diagnostic de spondyloarthrite est fait en moyenne au bout de sept ans d’évolution Tableau 1 : Les signes d’alerte ou « red flags » selon le groupe COST B13 (13,31) Douleur permanente progressivement croissante Douleur non mécanique : • douleur du matin supérieure à la douleur du soir • non soulagée par le repos • réveils nocturnes non liés aux changements de position • raideur matinale supérieure à 15 ou 30 minutes Douleur thoracique, terrain vasculaire, notion de pathologie anévrysmale aortique (suspicion de pathologie vasculaire) Antécédents médicaux de néoplasie Utilisation prolongée de corticoïdes Toxicomanie, immunodépression, infection HIV Fièvre Altération de l’état général : amaigrissement inexpliqué, sueurs nocturnes Signes neurologiques dépassant le métamère atteint (en cas de sciatique) : atteinte bilatérale, signes sphinctériens, syndrome de la queue de cheval Déformation rachidienne importante LA Antécédent récent de traumatisme violent (choc direct ou chute d’une hauteur importante) LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN Age de début des symptômes inférieur à 20 ans ou de plus de 55 ans 101 compte tenu d’un tableau clinique parfois peu spécifique et de l’apparition tardive des signes radiologiques (cf. chapitre 4). LA LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN ◗ Examen physique 102 • Dans un premier temps il est nécessaire de rechercher des troubles statiques du rachis dans le plan sagittal et frontal. L’examen sera réalisé debout de face à la recherche d’inégalités de hauteur des épaules, des épines iliaques antéro-supérieures, une asymétrie thoracique. Debout de dos, il est nécessaire de noter la ligne des épineuses en recherchant une scoliose qui peut-être dorsale, lombaire ou dorsolombaire. Contrairement à l’attitude scoliotique, la vraie scoliose, caractérisée par une rotation des corps vertébraux, persiste lorsque le sujet se penche en avant. Debout de profil il faudra apprécier les trois courbures physiologiques (lordose cervicale, cyphose dorsale et lordose lombaire) et juger d’une éventuelle exagération d’une de ces courbures. • La mobilité rachidienne : une limitation de la flexion sera recherchée par le test de Schöber. Lors des inclinaisons latérales on appréciera le caractère symétrique et harmonieux de la courbure. Seront ensuite évaluées les rotations en vérifiant que le bassin soit bien bloqué. L’extension du rachis lombaire sera également évaluée, notamment son caractère douloureux. • Inégalité de longueur des membres inférieurs. L’égalité de longueur des membres inférieurs sera vérifiée en mesurant la distance entre le grand trochanter et la malléole externe. Elle ne sera compensée que lorsqu’elle est importante en sachant qu’aucune étude comparative n’a montré l’efficacité de cette compensation. • Recherche de points douloureux. Il s’agit de rechercher des contractures localisées des muscles paravertébraux. • Examen des hanches et des sacro-iliaques. Cet examen doit être systématique en raison des pièges diagnostics. • Un examen neurologique doit être réalisé initialement pour rechercher de possibles complications radiculaires. Les données de l’examen physique contribuent peu au diagnostic et à la prise en charge, il est cependant nécessaire pour rechercher des éléments en faveur d’une lombalgie symptomatique ou en faveur de lombalgies chroniques spécifiques comme la scoliose. ÉVALUATION MULTIDIMENSIONNELLE ◗ Évaluation fonctionnelle Plusieurs scores ont été élaborés pour évaluer le statut fonctionnel des lombalgies. Une revue de la littérature systématique a retrouvé 28 questionnaires (19). S. Poiraudeau en a fait une synthèse au cours des entretiens de Carla qui sera reprise ici (22). En clinique, les scores les plus faciles à utiliser sont le questionnaire de Roland-Morris (RMDQ), l’Owestry Disability Index (ODI), la Quebec Back Pain Disability Scale (QBPDS), le Waddell Disease Index (WDI) et le questionnaire de Dallas (cf. annexe 2 page 280). Le RMDQ est le plus utilisé, il est validé en français sous le nom de EIFEL (Échelle d'incapacité fonctionnelle des lombalgies). Il s’agit d’un autoquestionnaire composé de 24 items avec réponse oui/non, un point par item avec donc un score de 0 (aucune incapacité) à 24 (incapacité sévère) et une durée de 5 minutes (23). Il a une bonne validité de construit, une LA L’échelle visuelle analogique (EVA) permet de quantifier l’intensité de la douleur de façon simple. Il s’agit d’une méthode validée, possédant de bonnes propriétés métrologiques. Elle doit être évaluée au repos, aux efforts, la nuit. Les scores EVA n’ont aucune valeur en soi, notamment aucune valeur d’orientation thérapeutique ; en revanche, ils permettent un suivi de l’efficacité lorsqu’elles sont répétées. Il s’agit bien d’une évaluation unidimensionnelle de la douleur et quantitative (20,26). Afin d’obtenir une évaluation multidimensionnelle, il est possible d’utiliser l’auto-questionnaire d’évaluation de la douleur chronique chez l’adulte validé par l’ANAES qui permet d’obtenir assez rapidement une évaluation des différentes composantes (site HAS, cf. annexe 1 page 278). Ce questionnaire permet notamment de rechercher les qualificatifs sensoriels ou affectifs de la douleur perçue (tableau reprenant le questionnaire de la douleur de Saint-Antoine abrégé). Ils ont une valeur d’orientation diagnostique pour faciliter la reconnaissance de certaines douleurs (par exemple, les douleurs neuropathiques : brûlure, décharges électriques, picotement) et pour apprécier le retentissement affectif (la tolérance) de la douleur. Le questionnaire inclut également une échelle HAD (Hospital anxiety and depression scale). LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN ◗ Évaluation de la douleur 103 LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN LA 104 bonne consistance interne, une bonne sensibilité au changement et une bonne reproductibilité. Il n’est pas adapté à l’évaluation des problèmes psychologiques et sociaux. • L’ODI a des qualités identiques, les deux questionnaires étant bien corrélés (7). Il s’agit d’un autoquestionnaire validé en français, explorant 10 domaines des activités de la vie quotidienne, avec 6 items pour chaque domaine. Le score maximal est de 50 points, il est exprimé en pourcentage. Ce questionnaire dure moins de 5 minutes. Il explore les problèmes sociaux et de vie sexuelle. Il est plus adapté aux patients ayant une incapacité persistante et sévère, alors que le RMDQ est plus adapté aux incapacités légères à modérées. • Le QBPDS évalue l’incapacité fonctionnelle et le sommeil, mais pas la douleur (14). Il a des qualités métrologiques satisfaisantes. Validé en français, il comporte 20 items avec un score variant de 0 à 100 et une durée de passation de moins de 5 minutes. Il est recommandé pour les essais cliniques et pour le suivi des patients au cours du traitement et des programmes de rééducation. • Le WDI est un questionnaire en 9 items avec un score allant de 0 à 9, de passation rapide, mais avec une version française non validée (33). • Enfin deux questionnaires ont un statut à part, le Patient Specific Functional Scale (PSFS) et le MACTAR (le McMaster-Toronto Arthritis Patient Preference Disability Questionnaire) qui est une version simplifiée du PSFS (25, 27, 29). En effet, les patients choisissent les activités de leur vie quotidienne les plus affectées par la lombalgie, il s’agit donc d’une évaluation individuelle, spécifique à chaque patient. Les principales difficultés dans le suivi du patient sont que les priorités du patient peuvent se modifier dans le temps. Au total, les trois échelles d’incapacité fonctionnelle les plus utilisées sont le RMDQ, l’ODI et le QBPDS en recherche clinique. Pour la pratique clinique le WDI a l’avantage de sa facilité d’utilisation. Dans le futur, cette évaluation devrait prendre de plus en plus en compte des domaines importants pour le patient, comme pour le MACTAR. ◗ Évaluation psychologique La lombalgie chronique s’accompagne fréquemment de manifestations psychopathologiques. La détresse émotionnelle et la somatisation ont été décrites comme des facteurs de risque de chronicisation des douleurs. Il en est de même des peurs et croyances, du défaut de coping et du catastrophisme. Le clinicien, dans sa pratique quotidienne, pourra rechercher ces éléments afin d’informer le patient, le rassurer, l’encourager dans la poursuite des activités de la vie quotidienne. Qu’elles soient facteurs de risque de chronicité ou retentissement de la douleur chronique, anxiété et dépression prennent une place importante et doivent également être évaluées. Cette évaluation reposera sur l’interrogatoire et pourra être aidée par le questionnaire HAD (Hospital Anxiety and Depression scale) inclus dans le questionnaire de la douleur chronique de l’adulte (cf. annexe 1). Dans certaines situations, l’aide d’un spécialiste peut être demandée. Cette composante de la douleur chronique est détaillée dans le chapitre précédent (chapitre 5.2 : La lombalgie chronique, facteurs psychologiques). ◗ Évaluation médico-légale de la lombalgie chronique Au cours de l’évaluation d’un patient lombalgique chronique, l’entretien doit systématiquement rechercher un éventuel conflit médicolégal. Si un tel conflit existe, il faut préciser la situation du patient vis-à-vis des différents régimes susceptibles d’accorder une éventuelle compensation financière : régime Assurance Maladie, régime Accident LA Un certain nombre de facteurs socioprofessionnels interviennent en tant que facteurs de risque de chronicité. Ils doivent systématiquement être recherchés et analysés avec le patient au cours de l’entretien. Le statut familial et les niveaux d’éducation et de ressource doivent être pris en compte. Pour ce qui concerne le statut professionnel, on ne doit pas se contenter de noter la profession du patient, mais on doit essayer d’évaluer sa qualification professionnelle, son ancienneté au poste de travail, les contraintes mécaniques inhérentes à ce poste, la formation éventuelle aux gestes et postures, les aménagements éventuels du poste de travail, la capacité de l’entreprise en termes de formation professionnelle. Il faut enfin rester suffisamment à l’écoute du patient pour essayer d’évaluer son niveau de satisfaction au travail, soit directement en l’interrogeant à ce sujet, soit indirectement en lui demandant de décrire son environnement professionnel et hiérarchique. LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN ◗ Évaluation professionnelle 105 du travail, régime de Droit commun et Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) (12). LA LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN FACTEURS DE RISQUE DE CHRONICITÉ DE LA LOMBALGIE 106 La lombalgie commune étant considérée comme un problème de santé publique en raison de sa fréquence et de ses conséquences socio-économiques, il paraît logique de rechercher de façon attentive les facteurs de risque de chronicité en période subaiguë : dès 6 à 12 semaines d’évolution d’une lombalgie et dès la 4e semaine en cas d’arrêt de travail. Ainsi de nombreux travaux ont eu pour objectif de déterminer des sous-groupes de patients ayant de forts risques de passage à la chronicité (4). Une prise en charge précoce et intensive pourrait permettre de réduire le nombre de patients passant à la chronicité ou de réduire les conséquences des lombalgies chroniques notamment le recours aux soins, les arrêts de travail et l’incapacité. Une revue systématique de la littérature a classé ces facteurs de risque selon leur niveau de preuve scientifique (8). Parmi ces facteurs de risque il existe des facteurs individuels (facteurs médicaux, cliniques, psychologiques) et des facteurs socioprofessionnels (tableau 2). ◗ Facteurs individuels Facteurs médicaux et démographiques Les facteurs de risque avec un fort niveau de preuve sont l’âge élevé, les antécédents de lombalgie avec la notion d’absentéisme professionnel, de médicalisation, d’indemnisation et de sciatique. Les facteurs de risque de preuve scientifique intermédiaire sont l’existence d’un mauvais état général (antécédent d’arrêt maladie quelle que soit la cause), antécédent de chirurgie lombaire et le sexe féminin. Les facteurs de risque de faible niveau de preuve sont l’absence de pratique sportive, le début brutal de la lombalgie, la présence d’une autre douleur que lombaire, la limitation pour soulever des poids de plus de 15 kg, la notion de rééducation à l’inclusion, l’aménagement du poste de travail à cause de la lombalgie, le manque d’énergie et la sévérité de la lombalgie pendant la grossesse. Tableau 2 : Les facteurs de risque de récidive, de passage à la chronicité, de non reprise du travail, potentiellement modifiables18. Facteurs médicaux Facteurs socioprofessionnels Facteurs psychologiques • Statut, salaire, contact social jugés insatisfaisants • Notion d’indemnisation • Mauvaise posture au travail • Durée du soulèvement de charges • Mauvais statut psychologique global • Dépression • Peurs et croyances • Défaut de coping Caractéristiques cliniques La sévérité de l’incapacité fonctionnelle, la présence d’une sciatique et la durée de l’épisode lombalgique à l’inclusion sont des facteurs de risque de chronicité avec un fort niveau de preuve scientifique. Les facteurs de risque de niveau de preuve intermédiaire sont la sévérité de la douleur initiale et l’avis global du médecin sur le risque de chronicité. Il existe également des facteurs de risque de plus faible niveau de preuve : ce sont la majoration des douleurs en station debout et couchée, la présence d’une raideur lombaire, un indice de masse LA Niveau • Antécédent de preuve de chirurgie intermédiaire lombaire • Sévérité de la douleur initiale LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN Fort niveau de • Antécédents de • Insatisfaction au • Mauvais état preuve lombalgie travail évaluée général évalué • Durée de la par le patient par le patient lombalgie • Sévérité de l’incapacité fonctionnelle • Présence d’une sciatique • Antécédent d’arrêt de travail pour lombalgie 107 LA LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN corporelle élevée, l’existence d’une impulsivité à la toux et la spécificité du diagnostic clinique. 108 Caractéristiques psychologiques Les facteurs psychosociaux jouent un rôle très important dans le risque de chronicité des lombalgies et notamment les facteurs cognitifs. Même si le niveau de preuve scientifique n’est pas élevé, des facteurs tels que la dépression et la difficulté du patient à faire face (coping) sont des facteurs de risque de chronicité. Les peurs et croyances sont également des facteurs cognitifs importants qui vont avoir un impact important dans l’activité physique ou professionnelle des patients souffrant de lombalgies. Les peurs et croyances conduisent en effet les patients à des attitudes d’évitement qui vont conduire progressivement à une incapacité chronique (10). Associé aux peurs, se développe le catastrophisme qui se définit comme une interprétation toujours négative des événements de vie ; ce qui se traduit dans la lombalgie par l’équation « activité physique = aggravation des lésions lombaire et exacerbation de la douleur » (32). Les comportements d’évitement vont majorer la peur du mouvement et aboutir à un retentissement fonctionnel majeur souvent jugé comme disproportionné comparé aux lésions objectivées par l’imagerie lombaire. Différentes études montrent que les peurs et croyances sont liées à la sévérité de la lombalgie, à la chronicité ainsi qu’à l’incapacité fonctionnelle (18). ◗ Facteurs socioprofessionnels Facteurs socioculturels Le statut social évalué par le patient comme « non satisfaisant » est un facteur de risque de chronicité de niveau de preuve intermédiaire. Il existe également des facteurs de risque de faible niveau de preuve qui sont le niveau d’études faible, l’insatisfaction lors des activités de loisir, le nombre d’enfants, le statut monoparental, le fait d’être divorcé ou veuf sans enfant et la charge élevée de travail domestique. Facteurs professionnels L’insatisfaction au travail est un facteur de risque de fort niveau de preuve. Les niveaux de preuve intermédiaire sont l’absence de poste aménagé, une faible qualification professionnelle, l’indemnisation, l’inadéquation du salaire et un arrêt de travail supérieur à L’intérêt de l’imagerie dans la lombalgie chronique est réduit. Elle permet cependant d’écarter une lombalgie symptomatique ou une lombalgie spécifique (scoliose, instabilité vertébrale…). LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN IMAGERIE DU RACHIS LA 8 jours. La charge élevée de travail et le stress au travail restent des facteurs de risque de faible niveau de preuve. Par ailleurs, une mauvaise posture au travail et la durée du port de charges sont des éléments qui peuvent intervenir dans la chronicité avec un facteur aggravant qui est la flexion du tronc de plus de 60 degrés durant le travail. Dans une étude descriptive menée en France auprès de médecins généralistes ayant inclus près de 4 500 patients, les facteurs de risque les plus fréquents étaient la récurrence d’épisodes de lombalgie ainsi que la limitation initiale des activités de la vie quotidienne (17). Les autres facteurs de risque retrouvés avec une fréquence élevée étaient l’intensité douloureuse au début de l’épisode, l’antécédent d’arrêt de travail pour lombalgie, l’antécédent d’un épisode anxieux ayant justifié un traitement. De façon très intéressante, pour les patients en activité professionnelle, il s’agissait surtout des croyances sur la relation entre la lombalgie et le maintien d’une posture spécifique au travail, la conviction d’une relation étroite entre activité professionnelle et lombalgie, la relation entre le lever de charges fréquent au travail et la douleur, ainsi que le manque de reconnaissance et l’insatisfaction au travail. Plusieurs questionnaires ont été développés dans la littérature pour essayer d’évaluer le risque de passage à la chronicité. Cependant ces questionnaires sont critiquables et ils ne prennent pas en compte l’ensemble des dimensions cliniques, psychologiques et professionnelles. En l’absence d’outils validés et consensuels, il est recommandé de rechercher ces facteurs de risque, notamment les facteurs de risque accessibles à une prise en charge, qu’elle fasse appel à un traitement médicamenteux, un programme d’exercices, une éducation ciblée ou une thérapie cognitivo-comportementale. Concernant les facteurs cognitifs et notamment les peurs et croyances, l’échelle FABQ (Fear Avoidance and Beliefs Questionnaire) est largement validée et la sous-dimension FABQ physique ne comporte que 4 questions et reste simple à mettre en œuvre(2). 109 LA LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN ◗ Les radiographies 110 Elles permettent d’identifier une dégénérescence discale (diminution de hauteur du disque, ostéosclérose des plateaux, ostéophytose). Cependant la fréquence de ces signes de discopathies dégénérative est identique dans les populations lombalgiques ou non (3,11). Il ne s’agit pas non plus d’un facteur prédictif de lombalgie chronique. La présence de hernies de Schmorl, les anomalies transitionnelles et l’arthrose articulaire postérieure sont également peu spécifiques, sauf lorsque ces anomalies sont importantes (5, 30). La prévalence de l’arthrose articulaire postérieure, explorée au mieux par des clichés de ¾ du rachis lombaire ou un scanner, est importante chez les lombalgiques, mais non négligeable chez les personnes asymptomatiques. La corrélation entre ces anomalies radiologiques et la réponse aux blocs est très disparate dans la littérature3. Cependant, l’importance des lésions, l’existence d’un œdème sous-chondral en IRM ou d’un épanchement intra-articulaire sont probablement à prendre en compte et peuvent justifier d’un traitement local (9,15). Sur les radiographies dynamiques, il est difficile d’établir une relation entre l’amplitude du mouvement supposé anormal entre deux vertèbres et la symptomatologie clinique. De ce fait, il n’existe pas de preuve suffisante de l’intérêt des radiographies dynamiques, quelle que soit la méthode de mesure, dans l’évaluation de la lombalgie chronique (16). Enfin, l’EOS® (imagerie radiographique 2D et 3D à très faible dose d'irradiation d'une vue du corps entier debout) est une technique de plus en plus répandue qui permet de visualiser l’ensemble de la colonne vertébrale et le bassin, ses différents troubles statiques dans le plan frontal et sagittal. Elle permet d’avoir une analyse fine des différents morphotype qui devrait prendre une importance dans la rééducation et la chirurgie. Enfin, le scanner, la myélographie ou la scintigraphie osseuse n’ont pas d’utilité démontrée dans l’évaluation de la lombalgie commune (16). ◗ L’IRM Elle permet avant tout d’écarter une lombalgie symptomatique en cas de « red flags », et reste l’examen le plus adapté pour la recherche d’une spondylodiscite infectieuse, une métastase vertébrale, voire des signes spécifiques de spondyloarthrite. ◗ Stratégie de prise en charge de la lombalgie chronique Les traitements médicamenteux de la lombalgie sont abordés dans le chapitre 7. Les recommandations européennes préconisent l’utilisation des antalgiques de niveau 1 et 2, les AINS uniquement sur des périodes courtes en cas d’exacerbation douloureuse. Des antidépres- LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN Les recommandations de la HAS en matière d’imagerie sont probablement à revoir. Le groupe d’expert des entretiens de Carla ne préconise pas de bilan d’imagerie avant le 3e mois d’évolution. Par contre, il faut probablement l’envisager plus tôt dès la 4e semaine en cas d’arrêt de travail. Ce bilan comporterait un grand cliché face et profil de C2 au fémur proximal (étude de la statique rachidienne), des clichés dynamiques (étude des instabilités) et une exploration IRM avec des séquences T1, T2 et en saturation de graisse. LA Dans la lombalgie chronique commune, l’IRM permet de visualiser la dégénérescence discale avec en pondération T2 une diminution de hauteur du disque, une diminution de signal, une perte de différenciation entre le noyau et l’anneau, voire un bombement discal. Cependant la présence de ces signes n’est pas corrélée à celle de la lombalgie (1). La moelle osseuse des plateaux vertébraux adjacents à un disque dégénératif peut présenter trois types de modification de signal selon la classification de Modic : • type 1 : hyposignal T1, hypersignal T2, éventuel réhaussement après injection de gadolimium, traduisant la présence d’un tissu fibrovasculaire. • type 2 : hypersignal T1 et hypersignal ou isosignal T2, traduisant la présence d’un tissu graisseux. • type 3 : hyposignal T1 et T2, traduisant une fibrose. La fréquence de ces remaniements est très variable chez les lombalgiques selon les études (3). Ils s’observent rarement chez des sujets asymptomatiques. Il semblerait que la présence d’un Modic 1 soit bien corrélée à la douleur (28). Chez les patients qui s’améliorent cliniquement, beaucoup ont une conversion de type 1 vers le type 2. L’évolution vers un stade 2 traduirait une stabilisation du processus dégénératif discal. 111 LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN LA 112 seurs peuvent être proposés souvent en fonction des comorbidités anxieuses et dépressives. Les corticoïdes par voie générale et les infiltrations épidurales ne sont pas recommandés. Les infiltrations radioou scanno-guidées des articulaires postérieurs peuvent être indiquées, notamment en cas de lésions importantes (arthrose évoluée, œdème ou épanchement en IRM). L’information du patient sur la maladie peut avoir une action positive sur les facteurs de risque de chronicité ou diminuer les facteurs cognitifs négatifs associés aux lombalgies. Il peut s’agir d’une information orale du praticien ou via différents médias (livret « guide du dos », vidéo, internet). L’éducation thérapeutique fait partie intégrante de la prise en charge de ces patients (cf. chapitre 8.3). Elle comporte une première phase d’évaluation, puis de formalisation d’un programme adapté. Il s’agit d’un processus actif d’apprentissage, dont les objectifs peuvent être : l’amélioration des connaissances relatives à la pathologie pour limiter le catastrophisme, l’acquisition de stratégies de coping, le contrôle de la maladie pour redevenir actif, la détermination d’activités pour éviter le déconditionnement… Les exercices physiques quels qu’ils soient, sous supervision, améliorent la douleur et l’incapacité. Les programmes de réentraînement à l’effort (RAE) repose sur une démarche active du patient (cf. chapitre 10). Il s’agit d’une prise en charge multidisciplinaire incluant des médecins, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, des assistants sociaux, des psychologues, médecins du travail et professionnels en activité physique adaptée. Ils sont organisés sur 3 à 5 semaines en hospitalisation et en groupe. Ils sont efficaces sur la douleur, la fonction et le taux de retour au travail à un an. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont logiquement proposées aux lombalgiques chroniques du fait de la place souvent importante des composantes cognitives et comportementales dans cette pathologie (cf. chapitre 8). La stratégie de prise en charge du patient lombalgique chronique doit être globale et adaptée à l’évaluation initiale complète. Elle devrait comporter systématiquement une écoute, une information et une éducation. La place des traitements médicamenteux est souvent restreinte, mais les antalgiques sont très fréquemment prescrits au moins initialement. Les antidépresseurs sont parfois associés en cas de comorbidité dépressive et/ou anxieuse après un bilan psychologique. En fonction du bilan initial des facteurs de risque de chronicité, la stratégie suivante est proposée (33) : Si le bilan met en évidence des facteurs de risque psychologiques et cognitifs, il faudra orienter le patient vers des TCC. Si l’impact de la lombalgie est surtout fonctionnel, le patient sera orienté vers une rééducation et l’apprentissage d’exercices physiques. En cas d’arrêt de travail, un RAE avec une approche pluridisciplinaire semble le plus adapté ; il sera associé à une intervention sur le lieu de travail en cas de facteurs de risque socioprofessionnels. LA Même s’il est nécessaire de garder en mémoire les causes anatomiques des lombalgies chroniques et les causes environnementales, dans bon nombre de cas le parallélisme anatomo-radio-clinique est faible et le modèle bio-psycho-social doit s’appliquer comme dans toute douleur chronique. La lombalgie chronique se caractérise par une douleur lombaire persistante avec une réponse insuffisante aux traitements, une détérioration des capacités fonctionnelles et des retentissements multiples psycho-socio-professionnels. L’examen clinique permet avant tout de rechercher une lombalgie symptomatique (drapeaux rouges) et éventuellement d’orienter les examens complémentaires. Il ne contribue pas la plupart du temps au diagnostic étiologique et à la prise en charge. Une évaluation multidimensionnelle de la douleur est nécessaire, mais aussi fonctionnelle, psychologique, socioprofessionnelle et médico-légale. L’imagerie est nécessaire en cas de signes d’alerte (drapeaux rouges). En l’absence de ces signes, elle n’est préconisée qu’à partir du 3e mois d’évolution, mais à envisager probablement plus tôt en cas d’accident du travail. La prise en charge passe avant tout par la recherche précoce des facteurs de risque de chronicité dès 6 à 12 semaines d’évolution de manière à réduire au moins les conséquences de la lombalgie chronique et orienter la prise en charge. Celle-ci doit être globale, adaptée à l’évaluation, reposer sur l’éducation thérapeutique, la rééducation et l’activité physique. En cas de facteurs de risque psycho-cognitifs, la LOMBALGIE CHRONIQUE : POINT DE VUE DU CLINICIEN CONCLUSION 113 prise en charge peut être orientée vers des TCC. Si les facteurs socioprofessionnels sont prépondérants, il faut plutôt s’orienter vers un RAE avec prise en charge pluridisciplinaire. Bibliographie 1. Boos N, Semmer N, Elfering A et al. Natural history of individuals with asymptomatic disc abnormalities in magnetic resonance imaging : predictors of low back pain-related medical consultation and work incapacity. Spine 2000 ; 25 : 148492. 2. Chaory K, Fayad F, Rannou F et al. 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Définition et évaluation des dimensions physiques et fonctionnelles des 115 28. Toyone T, Takahashi K, Yamagata M et al. Vertebral bone marrow changes in degenerative lumbar disc disease : an IRM study of 74 patients with low back pain. J Bone Joint Surg Br 1994 ; 76 : 757-64. 29. Tugwell P, Bombardier C, Buchanan WW et al. The MACTAR patient preference disability questionnaire - an individualized functional priority approach for assessing improvement in physical disability in clinical trials in rheumatoid arthritis. J Rheumatol 1987 ; 14 : 446-51. 30. Van Kleef M, Vanelderen P, Cohen SP et al. Pain originating from the lumbar facet joints. Pain Pract 2010 ; 10 : 450-69. 31. Van Tulder M, Becker A, Bekkering T et al ; COST B13 Working Group on Guidelines for the Management of Acute Low Back Pain in Primary Care. European guidelines for the management of acute nonspecific low back pain in primary care. Eur Spine J ; 2006 : 15 : S169-91. 32. 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Il s’agit de peurs de la douleur, du mouvement, d’anxiété et de dépression. Il s’agit d’interprétations sur la cause de la douleur, sur la gravité de la maladie et son retentissement, sur la prise en charge et sur les attentes de traitement et de soulagement des patients. Il s’agit de comportements douloureux à type d’évitements des situations à risque de douleurs et en conséquence d’isolement social ou de comportements favorisant le mésusage médicamenteux par exemple. • Différents questionnaires permettent d’analyser les émotions, les cognitions et les comportements douloureux. Les « yellow flags » ou « drapeaux jaunes » sont des facteurs de risque de chronicisation actuellement bien identifiés au cour de la lombalgie. Ces facteurs permettent de proposer aux patients à risque afin des stratégies d’ajustement adaptées. En effet, la prise en charge de la lombalgie chronique est nécessairement globale et multidisciplinaire. LOMBALGIE CHRONIQUE Les facteurs psychologiques 117 ••• Les thérapies cognitives et comportementales font partie des outils psychothérapeutiques dont l’efficacité a été démontrée. LA LOMBALGIE CHRONIQUE Le point de vue du clinicien 118 • La lombalgie chronique est complexe, avec un faible parallélisme anatomo-clinique et l’intervention de multiples facteurs lésionnels, psychologiques, cognitifs et socio-professionnels. • Elle se définit comme des douleurs lombaires persistant au-delà de ce que l’on pourrait supposer compte tenu de la cause initiale, avec des douleurs réfractaires aux traitements habituels associées à une détérioration des capacités fonctionnelles et des retentissements multiples. • Elle nécessite une évaluation multidimensionnelle de la douleur, de la fonction, psychologique et professionnelle. • Il est important de rechercher très tôt les facteurs de risque d’évolution vers la chronicité. • Les examens radiologie et IRM ne sont pas préconisés avant le troisième mois d’évolution, sauf en cas d’arrêt de travail. • La stratégie de prise en charge doit être adaptée à l’évaluation initiale. L’écoute, l’information, au mieux l’éducation thérapeutique sont incontournables. La place des médicaments est restreinte. Si les facteurs cognitifs sont prédominants, il est souhaitable de mettre en place des thérapies cognitivo-comportementales. En cas d’impact fonctionnel, la rééducation et les exercices physiques sont nécessaires, associés à une prise en charge pluridisciplinaire. 6. LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT LA Classiquement, les algies lombaires de l’enfant et de l’adolescent sont considérées comme rares et graves, devant d’abord faire rechercher une cause organique, infectieuse, inflammatoire ou tumorale. Les troubles de croissance, tels la scoliose ou la maladie de Scheuermann, sont à rechercher par principe à cet âge car leur risque d’aggravation est manifeste au moment de la puberté. C’est aussi l’âge d’apparition des altérations dégénératives disco-vertébrales, étape préalable indispensable à la hernie discale de l’adulte. Plusieurs enquêtes de populations, réalisées en milieu scolaire, ont montré une prévalence élevée des lombalgies dites communes non spécifiques chez l’enfant et surtout chez l’adolescent parfois proche de celle de l’adulte (1, 3, 13, 15, 18, 25, 29, 31, 33). Un certain nombre de facteurs associés à ces lombalgies commencent à être reconnus dans ces études. La prévalence cumulée des lombalgies varie entre 30 et 50 % parmi cette population. Dans les enquêtes comportant un examen physique des sujets, la prévalence cumulée des lombalgies s’établit entre 15 et 40 %. La prévalence ponctuelle s’établit entre 10 et 30 %. La prévalence des lombalgies dites récidivantes ou permanentes s’établit entre 3 et 15 %. La prévalence des consultations médicales pour lombalgies varie selon les études entre 4 et 30 %. Enfin, la prévalence des douleurs interférant avec la vie quotidienne du sujet (arrêt d’activité physique, sportive ou scolaire) varie entre 2 et 10 %. Dans l’étude princeps longitudinale de Burton (4) portant sur 216 adolescents suivis pendant cinq ans de l’âge de 12 à 16 ans, l’incidence annuelle des lombalgies s’accroît de 12 % à l’âge de 12 ans à 21,5 % à l’âge de 15 ans. La proportion d’adolescents présentant des douleurs récurrentes s’accroît de 44 % la première année à 59 % la cinquième année. 15,6 % des enfants ont eu recours à des soins médicaux mais une faible proportion d’enfants a vu les douleurs s’aggraver au cours LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Barbara Horlé, Chantal Wood, Bruno Troussier 119 de ces cinq ans. Par ailleurs, une étude de cohorte prospective portant sur 640 adolescents danois suggère que la lombalgie durant l’adolescence est associée à une fréquence accrue de lombalgie à l’âge adulte (25 ans plus tard) (10, 12). ÉTUDE SÉMIOLOGIQUE LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z L’interrogatoire 120 La première consultation en douleur est longue et détaillée permettant de connaître au mieux l’enfant, sa famille, le motif de la consultation et les attentes de l’enfant et de sa famille dans la prise en charge. On précisera les antécédents familiaux (pathologie rhumatismale, vertébrale, héréditaire) et les antécédents personnels. En ce qui concerne la douleur, il importe d’apprécier son mode d’apparition (traumatique ou non), son siège, l’irradiation, la durée (aiguë ou chronique) et l’horaire de la douleur. L’intensité de la douleur peut être évaluée grâce à l’utilisation des échelles d’auto-évaluation (EVA, échelles des visages) et/ou hétéro-évaluation (FLACC), validée et adaptée à l’âge de l’enfant (34). Le médecin s’intéressera également au retentissement de la douleur sur les activités quotidiennes notamment l’impact sur la scolarité, la marche, les efforts, les thérapeutiques déjà prises et leur efficacité sur la douleur. Z L’examen physique Il doit être complet dans ses aspects fonctionnel, neurologique et d’observation. • L’examen palpatoire : il est centré sur l’examen du rachis, à la recherche d’une douleur provoquée, d’une marche d’escalier entre deux épineuses. Cet examen doit aussi inclure l’examen des muscles et rechercher soit des points myofasciaux localisés soit des douleurs musculaires diffuses (9). • L’examen de la statique rachidienne : cet examen doit être méthodique. L’inspection recherche un déséquilibre des épaules, une asymétrie des flancs, une gibbosité sur un rachis en position debout et de dos. Il est associé à l’étude du rachis en position sagittale à la recherche d’une cyphose thoracique, d’une hyperlordose lombaire. Il est complété par l’utilisation du fil à plomb de dos et de profil afin de visualiser l’équilibre du rachis en position verticale. • L’examen de la mobilité du rachis : on apprécie par la manœuvre de flexion antérieure du tronc la gibbosité irréductible ou une déformation non fixée, donc non structurale. La raideur, diffuse ou segmentaire, est appréciée par la mesure de la distance mains-sol, l’indice de Schober. Dans le plan frontal, l’inclinaison latérale permet de rechercher une asymétrie ou une cassure. L’étude de l’équilibre du bassin dépistera une inégalité de longueur des membres inférieurs. • L’examen général : il apprécie l’état général (poids, taille, courbe de croissance) et l’existence de signes généraux (fièvre, sueurs, amaigrissement, asthénie). • L’examen neurologique s’assure de l’absence de déficit sensitivomoteur, d’hyper réflexivité dans le cadre d’un syndrome pyramidal. Il est complété par l’examen des membres inférieurs et, notamment, la recherche d’un pied creux. L’examen des téguments recherche les classiques tâches « café au lait », une malformation localisée lombosacrée. LA Ils sont guidés par l’histoire de l’affection, le bilan clinique et l’âge du sujet. • Les radiographies conventionnelles comportent un grand cliché de face et de profil de l’ensemble du rachis recherchant une altération discale, une anomalie osseuse vertébrale, une anomalie de courbure. Ils peuvent être complétés par des clichés centrés sur le rachis lombaire de face et de profil ainsi que l’incidence du bassin permettant d’apprécier l’âge osseux. • Les autres investigations radiologiques sont à apprécier en fonction de l’orientation diagnostique : scintigraphie osseuse, scanner, IRM, échographie par ultrasons. • Les examens biologiques doivent être adaptés aux suspicions cliniques selon trois axes : bilan infectieux, bilan inflammatoire et rhumatologique, bilan tumoral. LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Les examens complémentaires 121 DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Les affections du voisinage : Elles sont centrées essentiellement sur les affections rénales ou utéro-annexielles. Les dysménorrhées : Les douleurs lombaires peuvent se rencontrer chez les filles de rythmicité périodique. Les lombalgies d’origine musculaire : Elles peuvent être secondaires à une hyperactivité physique, cédant à l’arrêt de celle-ci. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Les affections tumorales 122 Les tumeurs vertébrales osseuses bénignes • L’ostéome ostéoïde : il est caractérisé par une douleur localisée à recrudescence nocturne, exacerbée par le repos ou l’inactivité, classiquement calmée par l’aspirine. Le diagnostic suspecté sur la radiographie peut être confirmé par la scintigraphie ou par l’IRM. • L’ostéoblastome : tumeur caractérisée sur le plan radiologique par une ostéolyse vertébrale expansive. • Le kyste anévrismal : il réalise une véritable lyse soufflant l’os. • Le granulome éosinophile : tumeur la plus fréquente du corps vertébral, soit isolée, soit s’intégrant dans le cadre d’une histiocytose plus diffuse. Il réalise un aspect lytique de la vertèbre voire un véritable tassement (vertebra plana). • Les autres tumeurs bénignes : - L’angiome vertébral, avec son image radiologique caractéristique de vertèbre striée pouvant être à l’origine d’un tassement vertébral. - La dysplasie fibreuse avec son aspect classique de géodes osseuses vertébrales pouvant être responsable de tassements vertébraux. L’atteinte pouvant être poly-osseuse. - L’ostéochondrome, la tumeur à cellules géantes, le lipome… Le diagnostic de ces lésions suspectées sur la clinique est confirmé par la radiographie simple aidée de l’imagerie et confirmée éventuellement par réalisation d’une biopsie osseuse dirigée. Les tumeurs vertébrales osseuses malignes primitives • Le sarcome d’Ewing : classique, mais heureusement rare, se traduisant par une altération de l’état général, un état fébrile, une douleur persistante, des signes de compression neurologique, un syndrome inflammatoire biologique et la découverte de l’anomalie radiologique (ostéolyse avec parfois ostéocondensation et atteinte des parties molles). • L’ostéosarcome : rarement primitif au niveau du rachis, mais plus souvent métastase rachidienne d’un ostéosarcome d’autre localisation osseuse. Il réalise une tumeur lytique et condensante. Z Les affections hématologiques • Leucémie • Lymphome Hodgkinien ou non Hodgkinien. Z Les atteintes infectieuses • Discite et spondylodiscite, plus rarement spondylite. Sur le plan clinique, le premier signe est représenté par la douleur et la raideur. Atteinte rarement primitive et le plus souvent secondaire par diffusion hématogène, l’apport de l’IRM ainsi que la recherche du foyer primitif et les examens biologiques s’avèrent indispensables au diagnostic. LA Les tumeurs intra médullaires Les astrocytomes et épendymomes constituent les deux tumeurs les plus fréquentes au niveau de la moelle. LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Les tumeurs nerveuses bénignes ou malignes • Le neuroblastome • Le sympatoblastome • Le neurinome, révélé par des douleurs à recrudescence nocturne est confirmé par le scalloping vertébral radiologique et l’élargissement du trou de conjugaison. • La neurofibromatose ou maladie de von Recklinghausen, avec son atteinte classique cutanée, ses éventuels antécédents familiaux et le scalloping vertébral radiologique. L’imagerie et notamment l’IRM apportent une aide précieuse au diagnostic. 123 Le mal de Pott, bien que rare, est à évoquer de principe. Le staphylocoque restant l’agent infectieux le plus souvent responsable. • L’abcès du psoas iliaque : il est soit primitif, soit secondaire à l’atteinte infectieuse rachidienne. Z Les atteintes inflammatoires • Les spondylarthropathies juvéniles : les antécédents familiaux, l’atteinte extra-vertébrale notamment cutanée, oculaire ou articulaire périphérique, les données biologiques (groupage HLA B27), l’atteinte radiologique inflammatoire vertébrale et sacro iliaque viennent confirmer le diagnostic. • L’ostéite chronique récidivante multifocale : elle est caractérisée par une douleur de rythme inflammatoire, une atteinte cutanée associée éventuellement, une image lytique et de sclérose vertébrale éventuellement associée à d’autres localisations osseuses radiologiques. LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Les douleurs musculo-squelettiques et la fibromyalgie 124 • La fibromyalgie, dont la prévalence dans l’étude de Mikkelsson (18) est estimée chez 175 pré-adolescents à 1,3 %. La persistance sur un an des signes de fibromyalgie, bien que faible, est corrélée positivement avec les symptômes psychosomatiques et dépressifs, les troubles du sommeil et les indices d’incapacité fonctionnelle. • Les douleurs musculo-squelettiques diffuses ne répondant pas aux critères de fibromyalgie ont une prévalence de 7,5 % dans cet échantillon. La persistance de ces douleurs à un an est de 1,8 % et se rencontre chez des enfants ayant des problèmes émotionnels et comportementaux, des troubles du sommeil, une augmentation des indices d’incapacité fonctionnelle, un absentéisme scolaire et une restriction d’activité physique. Une attention particulière doit être portée à ces enfants présentant des symptômes douloureux récurrents multiples chez lesquels sont retrouvés des symptômes psychosomatiques et dépressifs (18, 19). • Dans le cadre de douleurs musculo-squelettiques localisées, il s’agit habituellement de douleurs de type myofasciales. En fait, la palpation musculaire recherche une bande musculaire tendue, facilement localisable dans laquelle on trouve ce que l’on peut appeler un « nœud » ou une « noue musculaire ». Il s’agit du point gâchette ou « trigger point » qui est une des caractéristiques de la douleur myofasciale. La pression manuelle sur ce point déclenche soit une douleur locale, soit une douleur à distance dans une ou plusieurs zones référées, caractéristiques du muscle concerné. C’est d’ailleurs souvent de cette douleur référée dont se plaignent les malades (30). • Les associations de plaintes douloureuses : Vikat (33) a montré dans une étude transversale, réalisée chez 11 276 adolescents âgés de 12 à 18 ans, une comorbidité des douleurs cervico-scapulaires et lombaires : présenter un état lombalgique augmente l’odds ratio des douleurs cervico-scapulaires de 14, et inversement. Il existe, en outre, dans cette étude, une comorbidité des douleurs cervico-scapulaires et des symptômes psychosomatiques (douleurs abdominales, céphalées, fatigue, nervosité, irritabilité, troubles du sommeil). Plus le nombre de symptômes psychosomatiques augmente, plus la prévalence des douleurs cervico-scapulaires ou lombaires augmente : l’odds ratio est de 4,6 - 4,7 pour plus de trois symptômes psychosomatiques présents. LA • La maladie de Scheuermann ou dystrophie vertébrale de croissance se caractérise par la présence de trois vertèbres cunéiformes avec cyphose corporéale de plus de 5°. Elle est présente dans 20 à 30 % de la population. L’atteinte de la colonne lombaire apparaît génératrice de douleur plus que l’atteinte dorsale. Elle s’accompagne volontiers d’une inversion de courbure lorsque sa localisation est lombaire ou dorso-lombaire. Une augmentation de la prévalence de la maladie de Scheuermann au niveau lombaire a été constatée chez les adolescents réalisant des travaux physiques de force au moment de la croissance ainsi que chez le jeune athlète en croissance. Il existe par ailleurs une relation entre les signes radiologiques de maladie de Scheuermann lombaire et les signes de dégénérescence discale visibles à l’IRM aux étages concernés (24, 25). Elle est considérée comme une dystrophie traumatique secondaire à des microtraumatismes répétés ou des traumatismes aigus sur le complexe disco-épiphysaire survenant sur un os fragilisé par la croissance. • Hernies de matériel discal : hernie intra-spongieuse centrale, hernie rétro marginale antérieure et latérale, hernie pré marginale postérieure LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z La maladie de Scheuermann et les lésions de la plaque cartilagineuse vertébrale 125 avec fracture-arrachement du limbus. L’arrachement du limbus (partie antérieure ou postérieure de l’anneau cartilagineux plateaux vertébraux) est spécifique de l’enfant, survenant dans un contexte traumatique sportif (6, 17). LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z La spondylolyse et le spondylolisthésis 126 L’existence d’une spondylolyse correspond à une interruption de la pars interarticularis, au niveau de l’arc postérieur. Lorsque cette atteinte est bilatérale, ceci peut progressivement provoquer un glissement de la vertèbre supérieure en avant par rapport à la vertèbre inférieure : ceci définit le spondylolisthésis. Selon la théorie dysplasique, la spondylolyse résulterait d’un trouble de la formation de l’isthme au cours de la croissance sous l’influence de conditions mécaniques défavorables. Il s’agit d’une dysplasie régionale expliquant l’association de la lyse isthmique, à d’autres malformations à type d’allongement ou d’amincissement de l’isthme, d’hypoplasie des apophyses articulaires, de déformations du corps vertébral le plus souvent en trapèze, d’arrondissement du bord supérieur du sacrum et de modifications de l’angle lombo-sacré. À partir de 30 % de glissement, il existe des modifications morphologiques visibles proportionnelles à l’ampleur du listhésis. Elles sont dues au raccourcissement du tronc et à l’augmentation de la cyphose lombo-sacrée qui composent l’hyper lordose lombaire. On peut trouver un pli cutané médio-abdominal dans la forme avec cyphose lombo-sacrée évoluée. Dans ces formes évoluées, des troubles de la marche peuvent se rencontrer. La prévalence est plus élevée chez les jeunes athlètes en croissance et dans certains types d’activité sportive (gymnastes, plongeurs, lutteurs, haltérophiles) (14, 28). L’étude de Rossi (23) retrouve une prévalence radiologique de 13,9 % de spondylolyse chez 4 243 athlètes d’élite lombalgiques dont 47,5 % de spondylolisthésis. Z La scoliose idiopathique C’est une déformation structurale du rachis intéressant les trois plans de l’espace apparaissant et évoluant pendant la période de croissance et sans relation avec tout autre processus pathologique décelable, ce qui la distingue des scolioses dites secondaires (neuromusculaires, génotypiques…). La douleur lombaire reste exceptionnelle chez l’enfant présentant une scoliose idiopathique ; l’existence de la douleur doit faire rechercher une autre étiologie et particulièrement un processus infectieux ou tumoral. Son diagnostic repose sur un examen clinique rigoureux comportant l’examen de la statique du tronc en position debout et un examen dynamique du rachis et des membres inférieurs. Il faut souligner que toute scoliose dépistée avant la puberté présente un risque d’aggravation au cours de la croissance devant justifier d’un suivi spécialisé orthopédique. LA La dégénérescence discale Différentes études démontrent que des images de dégénérescence discale sont présentes chez 20 à 30 % d’adolescents asymptomatiques, mais que cette fréquence atteint 40 à 60 % chez les adolescents présentant des douleurs lombaires permanentes ou récurrentes (20). L’étude cas-témoins réalisée par Salminen suggère que les dégénérescences discales d’installation précoce favorisent la survenue de lombalgies les années suivantes : les sujets porteurs de dégénérescence discale à l’âge de 15 ans rapportent trois ans après, à l’âge de 18 ans, des lombalgies permanentes ou récurrentes dans 53 % des cas contre 19 % des cas en l’absence de dégénérescence discale initiale. Le risque relatif de lombalgie permanente ou récurrente à l’âge de 18 ans est de 16,0 (2,2 - 118,8) pour les adolescents de 15 ans ayant des images de dégénérescence discale. Il en est de même des protrusions discales avec respectivement 83 % et 23 % (24, 25). Il semble donc que la dégénérescence discale soit d’une relative fréquence chez les adolescents après la phase de croissance rapide. Leur prévalence apparaît plus élevée chez les lombalgiques et elle se développe plus rapidement et plus précocement chez ces sujets. De nombreux auteurs ont mis en évidence une association entre dégénérescence discale du sujet jeune et le pincement discal, les protrusions discales et la maladie de Scheuermann. En outre, il existe une prévalence accrue de signes dégénérescence discale chez les athlètes par rapport aux cas témoins ainsi qu’une corrélation entre la fréquence des anomalies discales visibles à l’IRM et le niveau de compétition des athlètes, l’intensité de l’entraînement physique, les traumatismes rachidiens et la nature du sport pratiqué (7, 14, 28). LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Les atteintes dégénératives disco-vertébrales 127 La hernie discale Elle est considérée comme rare à cet âge. La prévalence (bien que difficile à apprécier dans la littérature) s’établit entre 0,4 et 5,9 % des adolescents. FACTEURS ASSOCIÉS AUX LOMBALGIES DITES NON SPÉCIFIQUES Z Lombalgie et âge La prévalence et l’incidence de la lombalgie augmentent avec l’âge avec un odds ratio de 1,82 (1,61 - 2,07) par année d’âge, entre les âges de 8 à 16 ans (3). L’incidence des lombalgies dans l’étude longitudinale de Burton4 passe de 12 % à l’âge de 12 ans à 21,5 % à l’âge de 15 ans. Le pic de fréquence des lombalgies coïncide avec celui de la croissance pubertaire. En outre, la prévalence des douleurs continues ou récurrentes et de la demande en consultation médicale augmente avec l’âge (3, 29). LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Lombalgie et sexe 128 La prévalence des lombalgies est plus élevée chez les filles que chez les garçons avec un odds ratio qui varie selon les études entre 1,89 et 2,4. La prévalence des douleurs continues ou récurrentes est plus élevée chez les filles avec un odds ratio compris entre 2,14 et 2,8. Il en est de même pour les demandes en consultation médicale, les douleurs continues ou récurrentes et le retentissement fonctionnel (3, 15, 31, 33). Z Lombalgie et paramètres anthropométriques La prévalence des lombalgies apparaît plus élevée chez les adolescents de grande taille mais n’apparaît pas dans l’étude longitudinale de Salminen comme un facteur prédictif de lombalgie entre 15 ans et 18 ans (3, 17, 31). Z Lombalgie et antécédents familiaux Il existe une association entre lombalgie chez les parents et leurs enfants avec un odds ratio qui s’établit en moyenne à 2,0 dans les études transversales (31). Par ailleurs, les antécédents familiaux de lombalgie durant l’adolescence représentent un facteur de lombalgie à l’âge adulte, dans l’étude prospective réalisée sur 25 ans de Harreby (12) avec un odds ratio à 2,8. Une incidence familiale a été constatée pour les hernies discales, les lyses isthmiques et les douleurs non spécifiques. Cette association peut être expliquée par l’intervention soit de facteurs génétiques, soit de facteurs environnementaux et/ou psychosociaux. Z Lombalgie et posture rachidienne La cyphose dorsale isolée n’est pas corrélée avec les lombalgies. Des auteurs ont confirmé sur le plan clinique cette absence d’association (4, 31). Z Lombalgie et force des muscles abdominaux et spinaux Il n’est pas retrouvé dans la littérature d’association significative entre lombalgie et force musculaire des muscles abdominaux et spinaux (2). En particulier dans l’étude longitudinale de Salminen (24) réalisée entre les âges de 15 à 18 ans, un déficit de la force musculaire n’apparaît pas comme un facteur prédictif de l’apparition d’une lombalgie. Cependant, Sjolie (27) a montré que la force musculaire des spinaux est corrélée de façon significative avec une activité physique régulière de vélo ou de marche. LA Il n’est pas constaté de corrélation dans la littérature entre lombalgie et mobilité sagittale du rachis lombaire en flexion ou en extension, la raideur des muscles ischio jambiers ou l’hyper mobilité articulaire périphérique (2, 4, 14, 20). Cependant, Sjolie (27) a montré que l’extension du rachis lombaire, la flexion et l’extension de hanche sont corrélées avec une activité physique régulière de marche ou de vélo. LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Lombalgie et mobilité rachidienne, souplesse articulaire et musculaire 129 Z Lombalgie et activité physique sportive Il n’est pas constaté d’association entre lombalgie et faible activité physique ; en particulier, ce facteur n’apparaît pas prédictif de l’apparition d’une lombalgie (3, 20). Par contre, il existe, dans plusieurs études transversales, une association entre une forte activité physique quantifiée en métabolites équivalent par semaine et les lombalgies, avec un odds ratio moyen de 1,4 (3, 4, 20, 31). Chez les adolescents, il existe une association probable lombalgie et sport, notamment avec le Volley (odds ratio moyen compris entre 1,83 et 3,21). LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Lombalgie et traumatismes rachidiens 130 Il est constaté dans la littérature une forte association entre lombalgie et traumatismes rachidiens avec un odds ratio qui s’établit entre 3,4 et 5,4 selon les études. L’origine des traumatismes rachidiens étant essentiellement d’ordre sportif (80 à 85 %) (24, 25). En outre chez l’athlète en croissance entre les âges de 10 et 13 ans, et de 13 et 16 ans, il existe une relation significative lombalgie et traumatismes rachidiens au cours de l’activité sportive dans l’étude longitudinale de Kujala réalisée sur trois ans (14). De plus, dans cette même étude, il est constaté une relation significative, toujours chez l’athlète en croissance, entre les traumatismes rachidiens sportifs et l’apparition de nouvelles anomalies radiologiques visibles à l’IRM. Z Lombalgie et activité sportive chez l’athlète en croissance Il est rapporté une augmentation de la prévalence et de l’incidence des lombalgies chez l’athlète en croissance par rapport à une population témoin, liée essentiellement aux traumatismes rachidiens et à l’intensité de l’entraînement sportif, ainsi qu’à la nature du sport. Ainsi, dans l’étude de Sward, la prévalence des douleurs chez les gymnastes masculins est de 85 %, 69 % pour les lutteurs, 65 % chez les gymnastes féminins, 58 % pour les footballeurs et 50 % chez les tennismen (28). Dans l’étude longitudinale sur trois ans de Kujala (14), le risque relatif de lombalgie est de 2,6 pour les athlètes qui ont une diminution de la mobilité du rachis lombaire. Le risque relatif de lombalgie est de 2,5 pour les athlètes masculins qui ont une diminution de la flexion du rachis lombaire et le risque relatif de lombalgie est de 3,4 pour les filles qui ont une diminution de l’extension du rachis lombaire. En outre, dans cette population d’athlètes, il existe une corrélation entre lombalgie et anomalies radiologiques thoraco-lombaires, avec une fréquence qui augmente de 9 % d’anomalies radiologiques dans la Pré-Elite à l’âge de 12 ans, à 43 % chez les Elites âgés de 17 ans, et, à 63 % au niveau olympique chez les sujets de 26 ans. Par ailleurs, la prévalence des anomalies radiologiques ou IRM visibles est plus élevée par rapport à une population témoin, notamment pour les signes de dégénérescence discale, de lésions du listel marginal et de hernie de Schmorl. En outre, il existe une corrélation probable dans ces études, entre la sévérité des douleurs lombaires et la présence d’anomalies multiples radiographiques ou IRM (14, 28). Enfin, la prévalence de la spondylolyse et du spondylolysthésis est plus élevée que dans la population générale (23). Z Lombalgie et poids du cartable Viry (28) a retrouvé une association à l’âge de 14 ans entre un poids du cartable de plus de 20 % du poids du corps et les antécédents de douleurs du rachis (odds ratio à 3,1) et la demande en consultation médicale (odds ratio à 5,2). Il existe, de même, une association dans une étude transversale de Grimmer (9) à l’âge de 8 à 12 ans entre l’existence d’une lombalgie récente et le poids et le temps de transport du cartable. Z Lombalgie et tabagisme Il est retrouvé dans les études transversales une association entre l’intoxication tabagique et la lombalgie avec un odds ratio compris entre 1,5 et 3,3 (3, 31). Dans une étude longitudinale réalisée sur un an par Feldman (8), le risque relatif d’être lombalgique pour les fumeurs est de 2,4. Cet LA Harreby (10) a constaté une association entre lombalgie continue ou récurrente et le port de charges lourdes, par rapport à une population témoin avec un odds ratio à 1,95 (1,43 - 2,65). LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Lombalgie et port de charges au cours des activités de loisir 131 auteur a établi aussi une relation dépendante avec un odds ratio qui passe de 2,28 pour une intoxication tabagique de moins de 25 cigarettes par semaine à un odds ratio de 3,78 pour les adolescents présentant une intoxication tabagique à plus de 25 cigarettes par semaine. Z Lombalgie et facteurs psychosociaux Il semble exister une association dans les études transversales publiées entre le rendement scolaire et les douleurs lombaires, et, entre les douleurs musculo-squelettiques et les facteurs psychologiques (29, 32, 33). Les traumatismes psychologiques survenus durant l’enfance sont corrélés avec un taux accru d’échec après intervention chirurgicale sur le rachis lombaire et avec un risque accru de lombalgie chronique (26). Les facteurs psychologiques qualifiés de positifs sont associés à une réduction des douleurs lombaires, tandis que les facteurs qualifiés de négatifs s’accompagnent d’une augmentation de ces mêmes douleurs. Il est retrouvé des associations comparables entre les facteurs psychologiques et la demande en soins médicaux pour lombalgie ainsi qu’avec la limitation fonctionnelle due à celle-ci. LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z Lombalgie et station assise 132 Plusieurs études transversales retrouvent une augmentation significative de la prévalence des lombalgies en position assise par rapport à la position debout, la marche ou la position couchée. La position assise apparaissant comme un mode de survenue fréquent de l’état lombalgique (31). LA PRISE EN CHARGE GLOBALE Une fois le diagnostic étiologique de la lombalgie posée, il faut donner des explications claires à l’enfant et à ses parents. Les pédiatres savent à quel point cette implication des parents joue un rôle important dans la prise en charge des enfants. Cette phase d’explication, mais aussi d’écoute, est un pivot essentiel dans l’éducation thérapeutique. Dans une situation de douleur chronique, il est essentiel que les parents sachent gérer leur enfant, la douleur mais aussi leurs propres angoisses, doutes et limites. Nous savons actuellement à quel point soit trop d’empathie, soit une attitude décourageante de la part de l’environnement socio-familial peuvent avoir un effet néfaste sur l’intensité et la qualité de la douleur (16, 22). Dans cette éducation thérapeutique, il faut inclure tous les acteurs psycho-socio-professionnels prenant en charge l’enfant y compris les médecins et infirmières scolaires. Ceci peut se faire soit par un contact et échange directs soit sous forme d’un PAI scolaire (projet d’accueil individuel). Les antalgiques centraux faibles •La codéine : des alertes récentes en 2013 de la FDA et du PRAC concernant la codéine amènent à restreindre actuellement sa prescription aux enfants de plus de 12 ans après échec du paracétamol et/ ou des AINS. En raison d’une variabilité génétique importante concernant une enzyme du cytochrome P450, le métabolisme de la codéine est soit ralenti, soit accéléré. Ceci entraîne soit une inefficacité, soit un risque de surdosage d’une molécule qui, par ailleurs, a un pouvoir antalgique modeste. (21) • Le tramadol, à la dose de 2-8 mg/kg/j en 3-4 prises, sans dépasser 400 mg/j (AMM 3 ans) peut être indiqué. • La nalbuphine dont les doses préconisées sont de 0,2 mg/kg soit par IV lente (> 20 minutes afin d’éviter un phénomène de flash) soit en LA Elle repose sur le traitement étiologique de la lombalgie (ex. chimiothérapie en cas de sarcome d’Ewing ou de neuroblastome ; traitement antibiotique en cas d’atteinte infectieuse, etc.) associé à des traitements antalgiques médicamenteux et non-médicamenteux. En ce qui concerne les traitements médicamenteux, les antalgiques périphériques peuvent être prescrits en monothérapie ou en association : • En ce qui concerne le paracétamol, la dose est de 15 mg/kg/6h, on privilégie la voie orale puis IV. La voie rectale n’est plus recommandée en raison de sa faible bio-disponiblité et de son délai d’action long de 2-3 heures. • Pour les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) : - L’ibuprofène à la dose de 30 mg/kg/j en 3-4 fois (AMM 3 mois) - Le kétoprofène à la dose de 1,5-2 mg/kg/j en 3 prises (AMM 6 mois). LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Z La prise en charge thérapeutique 133 sous-cutané 4-6 fois/j. Certains l’utilisent par voie intrarectale à la dose de 0,3 mg/kg (AMM à partir de 18 mois). LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Les antalgiques centraux forts C’est la morphine qui occupe une place de choix. Elle peut être indiquée en cas d’inefficacité des antalgiques périphériques ou centraux faibles. Il faut privilégier la voie orale dont la dose d’attaque est de 0,5-1 mg/kg/j en 4-6 prises. Par voie intraveineuse, il est conseillé de réaliser une titration de 0,1 mg/kg suivie de doses de 0,025 mg/kg toutes les 5 minutes jusqu’à obtention d’une analgésie satisfaisante. La dose totale ainsi injectée est ensuite administrée toutes les 4 heures. En revanche, les antalgiques centraux sont à proscrire dans un contexte de douleurs chroniques avec un bilan paraclinique normal (lombalgie fonctionnelle). 134 Les autres analgésiques Parmi les autres analgésiques indiqués, on peut citer : • les antiépileptiques (gabapentine) ; • les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline). Ces deux classes de molécules peuvent être indiquées en cas de composante neuropathique de la douleur. Chez un certain nombre de patients, la douleur chronique peut également entraîner une irritabilité, un ralentissement thymique ou intellectuel, un repli sur soi, comme dans un syndrome dépressif. Le recours aux antidépresseurs peut être nécessaire. Z Les traitements non-médicamenteux Ils s’associent actuellement de plus en plus aux traitements médicamenteux dans la prise en charge des patients. L’éventail est large, nous citons les thérapies qui nous semblent le plus indiquées dans la prise en charge. Les thérapeutiques physiques • La thermothérapie au chaud qui, grâce à ses effets vaso-dilatateurs, amènera une détente musculaire et donc un soulagement. • La neurostimulation transcutanée externe (TENS) qui peut être prescrite dès l’âge de 6-8 ans. • Le toucher-massage qui est un excellent moyen de rentrer en contact avec l’enfant et de détendre les muscles. • La kinésithérapie qui reste un moyen traditionnel dans la prise en charge des lombalgies. • L’acupuncture. Les lombalgies sont une plainte douloureuse fréquente. Bien que rares, les causes tumorales, inflammatoires ou infectieuses nécessitent d’effectuer un bilan clinique et médical rigoureux et exhaustif. C’est aussi l’âge d’apparition des troubles de croissance, comme la scoliose ou la maladie de Scheuermann, qui doivent être dépistés et suivis durant la puberté. C’est enfin, l’âge d’apparition des premiers signes de dégénérescence disco-vertébrales. Les examens radiologiques et biologiques sont demandés en fonction du bilan clinique. Une fois le diagnostic clinique posé, la prise en charge de l’enfant doit être globale, holistique selon un modèle bio-psycho-social. C’est grâce à cette multidisciplinarité que les cliniciens feront de leur mieux pour éviter à l’enfant de devenir un futur adulte douloureux chronique. LA CONCLUSION LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT Les thérapeutiques cognitivo-comportementales • La relaxation est un moyen intéressant pour détendre les muscles. L’enfant peut apprendre cette technique par un professionnel de santé formé à la relaxation. • L’hypnose est un outil intéressant dans la prise en charge des douleurs aiguës et chroniques. • La psychothérapie individuelle, familiale ou en groupe est à proposer au « cas par cas ». • Les approches globales « corps-esprit » ne visent pas à agir directement sur la douleur ou ses causes, mais à favoriser l’expérience de la perception de l’unité corps-esprit à travers une qualité particulière de vécu dans le corps. Ceci peut permettre de mettre de la distance par rapport aux douleurs et leurs retentissements émotionnels. Citons parmi différentes techniques la méditation ou le yoga (5). 135 Bibliographie 1. Balagué F, Cedraschi C. Facteurs psychosociaux. In : Troussier B, Phelip X. Le dos de l’enfant et de l’adolescent et la prévention des lombalgies. Ed Masson, Paris,1999, pp 194-99. 2. Balagué F, Nordin M. Rôle de la force musculaire et de la souplesse. In: Troussier B, Phelip X. Le dos de l’enfant et de l’adolescent et la prévention des lombalgies. Ed Masson, Paris, 1999, pp 112-18. 3. Balagué F, Troussier B, Salminen JJ. Non specific low-back pain in children and adolescents: risks factors ; Eur Spine J , 1999,.8, 429-38. 4. Burton AK, Clarke RD, McClune TD, Tillostone KM. The natural history of low-back pain in adolescents. Spine. 1996 : 20, 2323-28. 5. Célestin-Lhopiteau I, Thibault-Wanquet P. Guide des pratiques psycho-corporelles. Ed. Masson 2006, ISBN 2-294-02053-7. 6. Diard F, Chateil JF, Moirand M, Hauger. Imagerie du dos douloureux de l’enfant. In: Troussier B, Phelip X. Le dos de l’enfant et de l’adolescent et la prévention des lombalgies. Edts Masson, 1999, Paris, pp 69-82. 7. Erkintalo MO, Salminen JJ, Alanen AM, Paajanen HEK, Kormano MJ. Development of degenerative changes in the lumbar intervertebral disk : results of a prospective MR imaging study in adolescents with and without low back pain. 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LA LOMBALGIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT En résumé 138 • La lombalgie de l’enfant et de l’adolescent est une entité clinique fréquente avec une prévalence cumulée entre 30-50 %. • La prise en charge de l’enfant doit être globale, holistique. • Dans un premier temps, le médecin doit rechercher une cause organique (ex. infectieuse, inflammatoire, tumorale) ou un trouble de la croissance (ex. maladie de Scheuermann). • Mais les aspects psycho-socio-familiaux dans lesquels l’enfant évolue sont également à prendre en considération car ils peuvent expliquer certains types de lombalgies, notamment celles qui ne s’expliquent pas par des causes organiques ou des troubles de la croissance. 7. TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE TRAITEMENTS Un an après un épisode de lombalgie aiguë commune, jusqu’à un tiers des patients va rapporter la persistance de douleurs modérées à sévères. Les facteurs de risque de chronicité et d’incapacité de la lombalgie commune sont multiples, parmi lesquels les facteurs psychiques et professionnels apparaissent au premier plan, bien avant les facteurs organiques donnés par l’examen clinique et l’imagerie. Malgré leur très grande fréquence, peu d’études ont porté sur l’évaluation des antalgiques dans les lombalgies chroniques. Plusieurs revues de la littérature (2, 5, 14, 29) se sont attachées à préciser l’efficacité des antalgiques dans la prise en charge des lombalgies et se sont heurtées à la mauvaise qualité des différentes études publiées : hétérogénéité des patients (lombalgies aiguës ou chroniques plus ou moins associées à une radiculalgie), durée des traitements (injection unique ou traitement de plusieurs semaines), critères d’inclusion mal spécifiés ou modalité de tirage au sort des patients non précisée… Les traitements les plus couramment prescrits dans les lombalgies sont les médicaments, non parce qu’ils vont changer l’évolution naturelle de la lombalgie mais surtout parce qu'ils vont permettre aux patients de rester plus actifs et parfois de mieux dormir. Sont prescrits en particulier les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (69 % en soins primaires, les myorelaxants (35 %) et les antalgiques opioïdes (12 %). Vingt pour cent des patients ne reçoivent aucun traitement et seulement 4 % du paracétamol (5). Les patients présentant les symptômes les plus sévères (douleur et fonction) ont plus de chance de recevoir un traitement par opioïde ou myorelaxant. Les médicaments ont une efficacité limitée comprise entre 10 et 20 points sur une échelle visuelle analogique de 100 (5, 16). Cette efficacité est encore plus questionnable dans la lombalgie chronique en grande partie du fait de la complexité du syndrome et des implications sociales et psychologiques sous-jacentes. Ce résultat très partiel justifie le PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE Anne Coutaux 139 PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE TRAITEMENTS 140 recours à d’autres mesures thérapeutiques parfois validées2 : la rééducation (classique ou plus intensive dans des structures de réadaptation fonctionnelle), la physiothérapie, les manipulations vertébrales, la relaxation, l’acupuncture, la neurostimulation transcutanée, les techniques cognitivo-comportementales… (cf. chapitre 8). Quoi qu’il en soit, le praticien se doit de procéder à une démarche diagnostique rigoureuse afin d’éliminer toute lombalgie symptomatique. La prise en charge s’oriente secondairement vers l’évaluation de ce patient et de son symptôme. L’ANAES (1) a publié en 1999 des recommandations sur l’évaluation des patients douloureux chroniques et propose aux thérapeutes d’utiliser une grille d’entretien structuré (histoire de la maladie, contexte psychologique, aspect socioprofessionnel, examen clinique…), un schéma de la douleur, un questionnaire de la douleur de Saint-Antoine (QDSA) qui permet de préciser la composante qualitative et affective de la douleur, et une évaluation de l’état thymique du patient par un auto-questionnaire d’anxiété et de dépression. L’existence d’une douleur neuropathique associée, suggérée par les caractéristiques de la douleur données sur le QDSA, pourra être confirmée par le questionnaire DN4 (Douleur Neuropathique en 4 questions) spécifique de ces douleurs. De la qualité de l’évaluation initiale pourra dépendre le succès thérapeutique. Il a été montré récemment que 20 à 55 % des patients souffrant de lombalgies chroniques ont des symptômes évoquant une douleur de type neuropathique (10, 12). Cette donnée est importante à prendre en compte puisqu’elle justifie le recours à des traitements par antiépileptique ou antidépresseur, en absence même de dépression. ANTALGIQUES ET LOMBALGIE CHRONIQUE Z Les antalgiques dits « périphériques » Le paracétamol Un seul essai contrôlé a porté sur l’efficacité du paracétamol chez les lombalgiques chroniques. Le paracétamol était administré à raison de 4 g/j chez 12 patients pendant 4 semaines et comparé à l’efficacité d’un AINS considéré comme traitement de référence, le diflunisal 1 000 mg/j en deux prises, chez 16 patients. Après 2 et 4 semaines de De ces études, il ressort que les AINS : - comparés à un placebo sont plus efficaces (évidence cependant faible) sur l’amélioration de la douleur avec plus d’effets indésirables. - ne semblent pas plus efficaces que le paracétamol dans la lombalgie aiguë, mais le diflunisal tend à l’être dans la lombalgie chronique avec ici encore plus d’effets indésirables, - sont aussi bien tolérés que le placebo ou le paracétamol, - ont une efficacité comparable (piroxicam, indométacine, naproxène, diflunisal, ibuprofène, diclofénac, kétoprofène, celecoxib), qu’ils soient non sélectifs ou inhibiteurs sélectifs de la COX2. Cependant, TRAITEMENTS Les anti-inflammatoires Nous ne parlerons ici que des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont largement utilisés dans le traitement de la lombalgie pour leur propriété antalgique et anti-inflammatoire. Leur utilisation est recommandée dans tous les guidelines publiés ces dernières années dans le traitement de la lombalgie, le plus souvent en seconde intention après le paracétamol. En plus de la diminution de la douleur, le retour à une activité quotidienne normale est un autre objectif d’un traitement par AINS. Cependant, leur toxicité au long cours justifie d’en réserver l’usage à des périodes de lombalgies plus intenses et échappant au traitement antalgique habituel, à la posologie efficace la plus faible et ce pour la plus courte période permettant de contrôler l’accès douloureux, en évaluant régulièrement leur bénéfice et leur toxicité notamment cardio vasculaire. Il n’existe que neuf études ayant évalué l’efficacité des AINS dans la lombalgie chronique, certaines très anciennes d’autres plus récentes et de meilleure qualité depuis la commercialisation des AINS spécifiques de la cyclo-oxygénase 2 (COX 2) (15, 22). La durée de traitement est variable de 14 jours à 6 semaines, lorsqu’elle est précisée. PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE traitement, le nombre de patients ne souffrant plus de lombalgie ou de lombalgie peu intense était respectivement de 9 et 7 dans le groupe paracétamol versus 11 et 13 dans le groupe « diflunisal ». Par ailleurs, plus de patients dans le groupe « diflusinal » ont considéré leur traitement comme bon à excellent (10/16) comparé au groupe « paracétamol » (4/12). Les deux traitements ont été également tolérés. 141 ces derniers entraînent significativement moins d’effets indésirables notamment gastro-intestinaux. L’adjonction d’un myorelaxant ou de vitamine B n’augmente pas l’efficacité antalgique. Il n’existe pas d’étude concernant l’utilisation des AINS en topique dans la lombalgie chronique, cependant leur faible passage systémique (10 % d’une dose équivalente per os) pourrait améliorer l’index thérapeutique des AINS dans cette indication. Enfin, dans une étude, le doloteffin est apparu aussi efficace que l’harpagophytum procumbens au long cours (2). TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE Z Les opioïdes 142 Nous parlerons ici de la codéine, du tramadol et des morphiniques forts. Il existe une seule étude portant sur la dihydrocodéine (Dicodin®) chez des patients déjà traités par codéine. Seulement huit études contrôlées se sont intéressées à l’efficacité des opioïdes dans le traitement des lombalgies chroniques dont quatre ont été écartées du fait de groupes de patients non homogènes (mélange de pathologies) ou de l’absence de groupe contrôle. Efficacité des morphiniques faibles : codéine et tramadol • La codéine : Atkinson et al (3) se sont intéressés à l’efficacité d’un traitement par codéine à libération prolongée dans une population de patients souffrant de douleurs chroniques d’origine ostéo-articulaire parmi lesquelles 9 patients porteurs de lombalgie chronique. Il s’agissait d’une étude contrôlée en double aveugle versus placebo. Chaque groupe recevait de la codéine à libération prolongée matin et soir ou le placebo respectivement, associé à un traitement par paracétamol codéiné si besoin dans la journée, pendant sept jours. Cette période contrôlée était ensuite suivie d’un traitement en ouvert jusqu’à 19 semaines. La mesure de l’efficacité du traitement a porté sur la mesure de l’intensité douloureuse par EVA et échelle verbale à 5 points alors que la mesure de la fonction était réalisée par le Pain Disability Index, avant et après traitement. La consommation de paracétamol codéiné était également mesurée dans chaque groupe. Trente participants ont terminé l’étude. Les auteurs ont montré que la codéine à libération prolongée (Dicodin LP®) ajoutée au traitement classique par paracétamol codéiné permettait une PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE La morphine et ses dérivés La prescription de la morphine et de ses dérivés dans les douleurs chroniques d’origine non maligne a été le sujet de controverses multiples. Depuis, son utilisation dans cette indication a fait l’objet de consensus et de recommandations nationales diverses (américaine, australienne, française…) (13) dont l’objectif n’est pas de promouvoir la prescription large de cette classe d’antalgiques mais de donner aux thérapeutes des conseils de prescription pour en optimiser l’efficacité et en réduire les effets indésirables. Il existe cependant ces dernières années aux ÉtatsUnis un accroissement très préoccupant de la toxicomanie aux opiacés, secondaire semble-t-il à une augmentation de leur prescription peutêtre insuffisamment encadrée. Jusqu’à la moitié des années 1990, on ne disposait pas d’étude contrôlée en double aveugle sur l’efficacité de ce traitement au long cours dans cette indication. Les différents travaux publiés jusque-là étaient souvent de médiocre qualité méthodologique, et les traitements évalués et comparés portaient sur l’ensemble des analgésiques centraux. Ainsi, une même étude mêlait codéine, morphine, méthadone… L’utilisation de la morphine chez les patients souffrant de lombalgie chronique reste très controversée compte tenu de l’hétérogénéité TRAITEMENTS diminution significative de la douleur par rapport au paracétamol codéiné seul (EVA : 35 ± 18 vs 49 ± 16, p = 0.0001). Le Pain Disability Index était également amélioré dans le groupe traité versus placebo (25.0 ± 7.7 vs 35.1 ± 802, p = 0.0001). Cette amélioration des paramètres mesurés pouvant être rapportée à une posologie quotidienne de codéine plus importante dans le groupe traité (353 ± 141 mg/j vs 135± 71 mg/j) au prix d’effets indésirables plus importants (nausées), mais d’une réduction de la posologie quotidienne de paracétamol (1 080 ± 1 050 mg/j vs 1 890 ± 960 mg/j). Cette amélioration s’est maintenue dans la seconde phase en ouvert jusqu’à 19 semaines de suivi. • Le tramadol : Il existe trois études de bonne qualité méthodologique portant sur l’efficacité du tramadol dans cette indication. Le tramadol seul est supérieur au placebo pour soulager la douleur, améliorer la fonction. L’association synergique tramadol + paracétamol chez des patients souffrant de lombalgies d’intensité au moins modérée (EVA > à 40/100) a permis d’améliorer la douleur, la fonction (échelle de Rolland et Morris) et la qualité de vie, comparé au placebo (2). 143 PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE TRAITEMENTS 144 des patients et de la complexité de ce syndrome (4). Cependant, les études contrôlées (2) montrent une efficacité supérieure de l’opioïde testé (oxycodone) sur la douleur et parfois sur le sommeil versus AINS ou placebo. Il faut souligner la persistance d’une EVA sous traitement élevée (50 mm (19)) et l’absence de reprise significative de l’activité physique malgré un traitement adapté à chaque patient après une phase de titration. Le traitement poursuivi pendant la phase ouverte doit être interrompu chez un grand nombre de patients du fait d’effets secondaires, et ce malgré une titration de la dose optimale, confirmant la mauvaise tolérance des opioïdes dans cette indication. Dans les études ouvertes concernant essentiellement le fentanyl, 2/3 des patients semblent améliorés par leur traitement (douleur, qualité de vie, sommeil) avec une préférence du patient pour le fentanyl lorsque celui-ci est comparé à la morphine. La reprise d’une activité physique ou l’amélioration des performances physiques n’est cependant pas précisée. Enfin, Shofferman rapporte son expérience du traitement par opioïdes de patients souffrant de lombalgies chroniques réfractaires (2). L’originalité de ce travail réside dans la recherche pour chacun des patients traités de la molécule la mieux tolérée et ou efficace en pratiquant une rotation des opioïdes. Un premier traitement par morphine (associant morphine à libération prolongée (LP) et morphine à libération immédiate (LI)) était proposé au patient avec une technique de titration afin d’obtenir la posologie optimale. En absence d’efficacité suffisante ou en présence d’effets indésirables trop importants ne permettant pas d’augmenter les doses, une nouvelle molécule était proposée (principe de la rotation des opioïdes). Quatre différentes molécules ont pu être ainsi testées sur une période initiale de titration de 6 à 12 semaines. Les patients étaient ensuite inclus dans la seconde phase de l’étude avec un suivi de 32 mois. L’efficacité du traitement était évaluée par un score de douleur (EVS) et une échelle de fonction (Owestry Disability Questionnaire). Cinq patients sur 33 ont dû arrêter l’étude du fait d’effets indésirables trop importants. Parmi les 28 patients restant, 21 ont vu une amélioration de la douleur et de la fonction et 2 ont pu reprendre leur travail. Cette étude observationnelle, proche de la pratique dans certains centres de la douleur, suggère qu’un suivi très régulier de ce type de patient, avec la recherche de la molécule la mieux adaptée à chacun peut permettre une amélioration de la PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE TRAITEMENTS douleur et de la fonction. Elle met cependant en avant les limites du traitement médical seul dans la prise en charge de ces patients. • Le tapentadol est un antalgique d’action centrale qui possède deux mécanismes d’action : agoniste des récepteurs opioïdes μ et inhibiteur de la recapture de la noradrénaline. Il a été testé dans de vastes études de phase III sur des patients souffrant de lombalgie chronique ou d’arthrose des membres inférieurs (30). Comparé (posologie de 100 à 250 mg x 2/j) en ouvert à l’oxycodone (20 à 50 mg/j) chez 1 117 patients interprétables (au moins une prise), le tapentadol paraît aussi efficace et permet une réduction de l’EN de 7,6 à l’entrée dans l’étude à 4,4 en fin de traitement jusqu’à un an (EN = 7,6 et 4,5 pour l’oxycodone). Dans les deux groupes, on note un grand nombre d’effets indésirables (85,7 % sous tapentadol versus 90,6 % sous oxycodone) ayant conduit à un arrêt de traitement chez 22,1 % versus 36,8 % respectivement des patients, dont arrêts pour troubles intestinaux chez 8,6 % et 21,5 % des patients. Il devrait être commercialisé en France prochainement. • La buprénorphine en patch : cette forme galénique de buprénorphine (patch de 5, 10 ou 20 μg/h, sur 7 jours) est disponible aux États-Unis et a reçu l’autorisation pour le traitement des douleurs d’origine non cancéreuse d’intensité moyenne justifiant d’un traitement par opioïde, ainsi que dans de nombreux pays européens (Allemagne, Suisse, Royaume-Uni…). Il n’est cependant pas disponible en France. Son efficacité antalgique a été montrée dans des études contrôlées en double aveugle versus placebo, avec cross over chez des patients souffrant de lombalgies chroniques plus ou moins naïfs de morphiniques (in 20). Avant d’entrer dans l’étude comparative, les patients sous opioïdes devaient arrêter ce traitement, les autres antalgiques non opioïdes pouvant être poursuivis à dose stable. Une titration de la buprénorphine ou du placebo était réalisée sur 3 semaines et la posologie définie poursuivie de 1 à 12 semaines suivant les études. Les patients étaient ensuite inclus dans l’autre bras. Dans les quatre études rapportées, la buprénorphine est plus efficace que le placebo sur la douleur (EVA et EVS). Comme le placebo, elle améliore la fonction (Pain and Disability Index, the Quebec Back Pain Disability Scale) et le sommeil (Pain and Sleep questionnaire) par rapport aux valeurs initiales et tend à lui être supérieure. Les effets indésirables sont ceux rencontrés avec les opioïdes avec en plus un érythème et un prurit local. Le patch est cependant mieux toléré que la buprénorphine sublinguale. 145 TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE Citons enfin cette étude ouverte chez 77 patients lombalgiques chroniques sous opioïdes suivis en centre de la douleur aux États-Unis chez lesquels l’utilisation d’un comprimé de fentanyl transmuqueux a montré une efficacité supérieure au placebo au cours d’accès douloureux à 60 min (p = 0.01) mais également à 120 min (p < 0,0001) avec des effets indésirables attendus pour un morphinique (21). L’utilité au long cours de cette approche reste à démontrer. 146 Recommandations Plusieurs revues de la littérature (2, 5, 7, 29) ont été effectuées, dont les conclusions à partir de 7 études sont contradictoires et plaident pour la réalisation d’études contrôlées sur des populations homogènes de patients. On peut cependant retenir que les patients sous opioïdes rapportent un soulagement de la douleur supérieur au placebo (évidence faible) avec plus d’effets indésirables – constipation, ébriété, transpiration – (évidence faible). Comparés à un autre traitement (le naproxène), les opioïdes ne semblent pas plus efficaces sur la douleur (très faible évidence). Des recommandations françaises récentes (28) (mise à jour des recommandations de Limoges de 1999), proposent de réserver les morphiniques à certains patients lombalgiques chroniques « sélectionnés » chez lesquels les composantes psychologiques et socioprofessionnelles ne sont pas prépondérantes, après échec des traitements conventionnels médicamenteux et non médicamenteux afin de permettre la mise en place d’un programme réadaptatif, chez des patients réévalués très régulièrement. Z Les autres analgésiques Des propriétés antalgiques ont été découvertes de façon plus ou moins fortuite pour des molécules initialement développées pour d’autres indications que l’analgésie. Ces molécules regroupent les antidépresseurs et les antiépileptiques et sont recommandées en première intention dans le traitement des douleurs neuropathiques (6). Les antidépresseurs ont perdu leur AMM dans les algies rebelles et possèdent actuellement une AMM plus restreinte dans les douleurs neuropathiques de l’adulte (amytriptiline : douleur neuropathique périphérique, clomipramine, imipramine : douleur neuropathique, duloxetine : douleurs neuropathiques associées au diabète). Parmi les TRAITEMENTS Les antidépresseurs Les antidépresseurs sont largement prescrits dans les lombalgies chroniques du fait de leur mode d’action basé sur la modulation des neurotransmetteurs (sérotonine et noradrénaline) qui interviennent dans les systèmes médullaires de contrôle de la douleur (8). Ils sont également tout à fait indiqués du fait de la fréquence de la dépression chez ces patients douloureux chroniques. Par contraste avec les douleurs neuropathiques, peu d’essais contrôlés ont été réalisés pour évaluer l’efficacité des antidépresseurs dans la lombalgie chronique et ils sont anciens. Plusieurs revues ont conclu à l’efficacité des antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine ou de la noradrénaline seule versus placebo sur la douleur mais non sur la fonction. Leur utilisation dans le traitement des lombalgies chroniques est recommandée par le groupe de travail européen (2) et par l’American Pain Society (5). Plus récemment, la duloxétine a été testée versus placebo dans deux essais (à dose fixe 60 mg ou avec une augmentation de la posologie à 120 mg à 7 semaines si la réponse était < 30 %) portant sur un grand nombre de patients et une période d’au moins 12 semaines (26). Ces deux études ont montré une efficacité de cette molécule sur la douleur et la fonction avec plus d’arrêt de traitement dans le groupe traité du fait des effets indésirables. Les antidépresseurs spécifiques de la sérotonine, mieux tolérés au plan clinique, n’ont pas d’action antalgique démontrée dans la lombalgie chronique. Des recommandations ont été publiées quant à l’utilisation pratique des antidépresseurs (19). Nous en rappellerons ici les principales : après information du patient et vérification de l’absence de contre-indication à son utilisation, le traitement doit être débuté à faible dose et la posologie augmentée progressivement jusqu’à la posologie efficace ou maximale tolérée ou maximale recommandée. L’effet antalgique peut apparaître rapidement, classiquement avant l’effet antidépresseur. Si le PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE antiépileptiques, la gabapentine est indiquée dans les douleurs neuropathiques périphériques, la prégabaline dans les douleurs neuropathiques périphériques et centrales. Le clonazepam (Rivotril®) a été largement utilisé dans le traitement de la composante paroxystique des douleurs neuropathiques en absence de toute étude contrôlée montrant son efficacité. Sa prescription est actuellement restreinte aux neurologues et pédiatres. 147 TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE traitement est efficace, il doit être poursuivi au moins 4 à 6 mois à posologie fixe avant de débuter sa décroissance progressive et d’envisager son arrêt si possible. Sinon, il faut maintenir la posologie minimale efficace. Les effets indésirables doivent être recherchés et traités. À noter que dans des revues plus récentes de la littérature portant sur le traitement de la lombalgie chronique, les antidépresseurs ne sont pas recommandés (14, 29). 148 Les antiépileptiques • La prégabalinie : Une équipe italienne s’est intéressée à l’utilisation de la prégabaline dans la lombalgies chronique en prenant pour hypothèse qu’il existait chez un grand nombre de lombalgiques chroniques une composante neuropathique à leur douleur en absence même de radiculalgie associée (cf. chapitre 2). Cette étude a porté sur l’évaluation de la prégabaline versus celecoxib ou de leur association chez des patients souffrant de lombalgie chronique (23). Trente-six patients ont reçu de manière aléatoire 3 traitements de 4 semaines (celecoxib + placebo ou prégabaline + placebo ou prégabaline + celecoxib). La combinaison de traitement a été plus efficace que chacun des produits pris séparément. La prégabaline seule a été efficace uniquement chez le sous-groupe de patients pour lesquels une composante neuropathique avait été diagnostiquée grâce à une échelle spécifique (LANSS Score). Inversement, le celecoxib a été efficace chez les patients pour lesquels le score de LANSS ne permettait pas de retenir une composante neuropathique. Cette première étude, malgré un petit nombre de patients, apporte des arguments pour l’utilisation de molécules possédant des modes d’action différents mais surtout adaptés au type de douleur retrouvée à l’examen clinique (douleur nociceptive ou neuropathique). • Le topiramate est un antiépileptique utilisé dans les douleurs neuropathiques mais également dans le traitement de fond de la migraine. Il a été testé versus placebo chez 96 patients souffrant de lombalgie chronique, sur une période de 10 semaines (18). Les patients traités ont vu leur score de la douleur (questionnaire de Mc Gill Pain) diminué de manière significative (p < 0,001) ainsi qu’une perte de poids plus élevée que dans le groupe placebo (p < 0,001). Cependant, les effets indésirables de cette molécule (notamment d’ordre psychiatrique) doivent en faire réserver l’usage à des médecins spécialistes de la douleur après échec des traitements habituels. La multitude des modalités thérapeutiques proposées dans le traitement des lombalgies chroniques et le peu d’efficacité rapportée pour certaine d’entre elles, rend compte de la nécessité de proposer un traitement plurimodal, en s’appuyant sur une évaluation précise du syndrome dans sa particularité familiale, sociale et professionnelle. Il convient de garder à l’esprit que quelle que soit l’efficacité des antalgiques, la prise en charge des patients lombalgiques chroniques ne se limite pas à la prescription de ceux-ci. C’est en s’appuyant sur des projets réalistes et réalisables, définis avec le patient, que le changement pourra avoir lieu. Ce qui est thérapeutique ce n’est pas le médicament mais bien de reprendre une vie « la plus normale possible ». Le médicament n’est qu’un outil au même titre que les mesures de rééducation, d’éducation, parfois les techniques cognitivo- PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE UTILISATION PRATIQUE DES ANTALGIQUES CHEZ LE LOMBALGIQUE CHRONIQUE TRAITEMENTS Les myorelaxants Il existe plusieurs types de décontractants musculaires appartenant à la classe des benzodiazépines (diazepam et tetrazepam) ou non (les molécules testées dans les études ne sont pas commercialisées en France) auxquels on peut ajouter les antispasmodiques (baclofen et dantrolène) qui réduisent la spasticité musculaire. Les benzodiazépines sont efficaces pour diminuer la douleur à court terme mais ne semblent pas avoir d’effet sur la contracture musculaire. Leur mécanisme d’action antalgique n’est pas parfaitement élucidé. Rappelons que ce sont des molécules qui possèdent de nombreuses propriétés : anxiolytique, sédative, hypnotique ou anti-convulsivante qui peuvent participer à une amélioration du sommeil, une diminution du stress et, donc, entraîner une amélioration globale du patient et des douleurs. L’importance de leurs effets indésirables (somnolence, vertiges, allergie, développement d’une dépendance…) justifie de leur utilisation brève, en cas de mauvais contrôle de la douleur par d’autres traitements (27). L’efficacité antalgique des myorelaxants non « benzodiazépines » n’est pas démontrée et ils ne sont pas plus actifs sur le spasme musculaire. Aucune étude n’a été retrouvée concernant l’utilisation des antispasmodiques dans la lombalgie. 149 comportementales ou un soutien psychothérapeutique, voire psychiatrique le cas échéant. Nous rappellerons ici que l’existence d’un conflit avec un tiers ou un organisme social, etc., rend impossible toute tentative d’amélioration par les médicaments seuls et nécessite de travailler avec le patient sur la résolution du conflit avant de proposer un traitement adapté de son syndrome. De même, une dépression chez un patient lombalgique peut rendre un traitement parfaitement adapté inefficace et son évaluation difficile voire impossible : plaintes identiques, absence d’amélioration des performances physiques, difficultés à initier un changement… Cette prise en charge peut être réalisée au mieux dans des structures pluridisciplinaires. TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE ◗ Nouvelle conception dans le traitement des lombalgies chroniques 150 Ces dernières années ont été marquées par une meilleure compréhension des caractéristiques de la douleur chez le lombalgique chronique avec la découverte que 20 à 55 % de ces patients souffraient de douleurs mixtes : nociceptive et neuropathique même en absence de radiculalgie associée (10, 12). La présence d’une composante neuropathique est responsable d’une douleur plus intense et d’un recours au système de soins plus fréquent (25). Elle devrait d’emblée justifier la prescription d’un traitement combinant des antalgiques « classiques » à des antidépresseurs ou des antiépileptiques recommandés en première intention dans les douleurs neuropathiques (17, 24). Cette approche empirique, pratiquée depuis de nombreuses années dans les centres de la douleur, commence à être étayée par la parution d’études randomisées en double aveugle (pour une revue voir 24), elle n’est cependant évoquée dans aucune des revues récentes sur le traitement médicamenteux des lombalgies chroniques. Ainsi, ont déjà été testées les associations du celecoxib à la prégabaline avec une supériorité de l’association par rapport à chacune des molécules prises séparément, de la buprénorphine en patch à la prégabaline avec une supériorité de l’association à deux mois, de la morphine à la nortriptyline avec un résultat non concluant dans la lombosciatique chronique du fait d’un grand nombre d’arrêts pour effets indésirables, du tramadol et du paracétamol avec une supériorité de l’association. TRAITEMENTS Le traitement médicamenteux n’est qu’une composante de cette prise en charge indissociable d’une reprise de l’activité physique (kinésithérapie intensive voire reconditionnement à l’effort). Il doit être prescrit sur mesure à chaque patient. En l’absence de situation standard, seules des recommandations peuvent être formulées : • rassurer le patient sur ses douleurs. Une exacerbation des douleurs correspond rarement à une aggravation des lésions organiques ; • débuter par un antalgique périphérique à dose efficace et ne réserver les traitements par AINS qu’aux crises douloureuses plus intenses si nécessaire ; • respecter les contre-indications propres au patient et s’appuyer sur ses croyances si elles ne sont pas dommageables pour lui, afin de renforcer l’effet placebo ; • privilégier la voie per os ; • adapter la posologie à l’intensité des douleurs ; • adapter la posologie à l’horaire des douleurs ; • en traitement préventif et non curatif, aider le patient à identifier les facteurs d’exacerbation des douleurs (efforts physiques, stress, mauvais sommeil…) grâce à un agenda de la douleur rempli par ses soins ; • prescrire un traitement systématique et non au coup par coup ; • rechercher la posologie minimale efficace ou tolérée ; • prévenir systématiquement les effets indésirables ; • traiter le stress, la dépression, les troubles du sommeil, le cas échéant (médicaments, relaxation, psychothérapie…) ; • utiliser des antidépresseurs ou des antiépileptiques à prescrire à posologie très progressive jusqu’à la dose maximale tolérée ou efficace. Prévenir le patient des effets indésirables possibles ; • discuter avec le patient des objectifs du traitement et les lui expliquer : le plus souvent permettre de reprendre une activité physique régulière voire reprendre l’activité salariée en cas d’arrêt de travail. Expliquer et faire comprendre au patient que la reprise de l’activité physique est en elle-même thérapeutique (effet antalgique segmentaire). Rendre le patient autonome dans la gestion de ses douleurs ; • évaluer régulièrement l’efficacité du traitement sur le score de douleur et, surtout, l’indice fonctionnel, la reprise d’une activité, la mise en place des projets. PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE Z Initiation d’un traitement antalgique chez un lombalgique chronique 151 PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE TRAITEMENTS 152 En l’absence d’amélioration malgré un traitement adapté et bien pris, il convient à nouveau de rechercher des facteurs d’entretien de la douleur (qui prennent parfois beaucoup de temps à se dévoiler) avant de discuter un traitement antalgique majeur par les morphiniques. Une telle prescription doit se faire associée à des critères précis d’évaluation du traitement (28). En effet, chez certains patients, il existe une véritable spirale ascendante, où la douleur chronique entraîne une véritable kinésiophobie d’où découle un déconditionnement progressif à l’effort puis pour des gestes de plus en plus anodins, d’où une exacerbation des douleurs, une majoration du stress, une apparition d’un syndrome dépressif (parfois d’emblée)… Le but de la prise en charge médicamenteuse est de pouvoir faire expérimenter au patient une analgésie relative, la perception de message proprioceptif plutôt que nociceptif (avec la reprise de l’activité physique) et donc de rompre cette spirale. Il apparaît alors légitime de proposer au patient un test à la morphine associée aux antalgiques périphériques (paracétamol, AINS) et aux antidépresseurs et/ou antiépileptiques. Les recommandations françaises réactualisées en 2012 (28) peuvent aider le clinicien à en optimaliser la prescription. Elle se fera à posologie progressive en associant des formes à libération prolongée et normale pour couvrir les accès douloureux intercurrents dans la journée. La surveillance du patient doit être régulière et l’évaluation de l’efficacité du traitement précise. Certains patients diront que la douleur est identique et que le traitement n’est pas efficace alors qu’ils auront décuplé leur performance physique. Chez d’autres, le traitement sera efficace sur la douleur mais ne permettra pas d’améliorer les performances physiques. Est-il justifié alors de poursuivre le traitement par morphine au long cours ? QUAND ADRESSER UN PATIENT LOMBALGIQUE CHRONIQUE AU CENTRE D’ÉVALUATION ET DE TRAITEMENT DE LA DOULEUR ? L’HAS a publié en 2009 des recommandations quant au parcours de soins du patient douloureux chronique et de la place des structures spécialisées dans l’évaluation et le traitement des douleurs (11). Ces structures, du fait de leur pluridisciplinarité constitutionnelle, permettent une évaluation précise du patient et de son symptôme en • Difficulté d’évaluation du symptôme et de son patient : discordance radio clinique très importante qui fait évoquer un facteur d’entretien de la douleur psychique ou social • Demande d’avis concernant la mise en route d’un traitement par morphinique • Suspicion d’une conduite illicite après prescription de morphinique • Sevrage en morphinique • Sevrage lors d’intoxications médicamenteuses multiples • Problème social au premier plan • Problème psychiatrique rendant la prise en charge de patient impossible ou nécessitant un avis et un suivi spécialisé • Instituer un traitement par neurostimulation transcutanée • Changement de thérapeute rendu nécessaire par l’évolution de la relation avec le patient (manipulation du médecin par le patient, désintérêt du praticien pour la problématique du patient, impression d’échappement thérapeutique du patient) • Prise en charge du patient dans un programme de réentraînement à l'effort. Certains centres proposent des programmes pluridisciplinaires intensifs (HDJ, > 100 H de prise en charge) ou plus léger en ambulatoire (2 H par semaines sur 8 à 10 semaines) TRAITEMENTS Tableau 1 : Situations conduisant à adresser un patient en consultation de la douleur PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE insistant sur la composante sociale et psychique (présence d’une assistante sociale et d’un psychiatre). L’évaluation initiale peut nécessiter plusieurs consultations au cours desquelles tous les intervenants de la prise en charge du patient sont associés afin de définir les modalités et les objectifs du traitement. Ainsi, il n’est pas rare de travailler en collaboration avec le médecin traitant, le rhumatologue, le psychiatre, les médecins de la sécurité sociale et du travail, pour pouvoir trouver les meilleures solutions médico-sociales. Une bonne communication entre les différents acteurs de soins est indispensable : le projet thérapeutique doit être décidé autour et avec le patient et il est très important que celui-ci puisse ressentir une véritable cohésion dans l’équipe soignante. Certaines situations dans lesquelles il apparaît justifié d’adresser un patient au centre de la douleur sont rappelées dans le tableau 1. 153 PHARMACOLOGIQUES DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE TRAITEMENTS 154 Les prises en charge proposées sont multiples associant traitement médicamenteux, psychothérapie, thérapie comportementale, hypnose, relaxation, kinésithérapie… Une infirmière est souvent affectée à ces structures, ce qui permet de proposer au patient la neurostimulation avec plusieurs séances test si besoin. Certains centres proposent des programmes d’éducation thérapeutique qui se déroulent sur 8 à 12 séances hebdomadaires de 2 heures. Un programme d’éducation est proposé au patient concernant la douleur (physiopathologie et enjeux), les traitements médicamenteux et autres, apprentissage de la relaxation, thérapie comportementale… Les intervenants (médecins, psychologues, kinésithérapeutes) dans ces structures proposent un véritable recadrage du patient face à la lombalgie (mise en évidence de conditionnement opérant, rôle du stress, travail sur le détournement de l’attention par rapport à la douleur…). Il n’existe pas de programme standardisé, ce qui rend l’interprétation des études difficile. Il existe une efficacité immédiate évoluant de façon parallèle à l’enthousiasme des patients et on note souvent un épuisement dans le temps après six mois. Cette prise en charge pluridisciplinaire doit être proposée le plus rapidement possible. En effet, après deux ans d’arrêt de travail pour lombalgie, 1 % seulement des patients reprendront le travail. De la rapidité de la prise en charge du symptôme lombalgie et de l’incapacité du patient dépend peut-être le succès thérapeutique. En effet, il a été montré que l’intensité de la douleur per opératoire pouvait rendre compte du développement de douleur chronique post-chirurgie. De même, l’intensité des douleurs lors des épisodes de lombalgies aiguës serait un facteur prédictif de chronicité en plus de l’association à une radiculalgie. EN CONCLUSION Les médicaments dans la lombalgie chronique, bien que possédant une efficacité faible, sont souvent indispensables pour permettre au patient une reprise d’activité physique et l’inscription dans un projet de vie, qui sont eux thérapeutiques. Une meilleure évaluation des différentes composantes de la douleur lombaire, nociceptive et/ou neuropathique, pourrait guider le clinicien à prescrire un traitement plus adapté mais également à une meilleure évaluation de l’efficacité « réelle » du traitement en fonction de la caractéristique traitée. De nouvelles études bien conduites concernant l’utilisation des morphiniques mais également des antidépresseurs et antiépileptiques pourraient permettre de mieux préciser la place de chacun de ces traitements dans le traitement de la lombalgie chronique. Bibliographie 1. Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (février 1999). Évaluation et suivi de la douleur chronique chez l’adulte en médecine ambulatoire. ANAES/ Service des recommandations et références professionnelles. Paris. 2. Airaksinon O, Brox JI, Cedracci C et al. (2006) Chapter 4: European guidelines for the management of chronic non-specific low back pain. Eur Spine J; 15 suppl 2:s192-s300. codeine in chronic non malignant pain : a randomized, placebo-controlled clinical trial. Pain; 62: 169-178. 4. Bartleson L (2002) Evidence for and against the use of opioid analgesic for chronic nonmalignant low back pain: a review. Pain med; 3: 260-71. 5. 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Les morphiniques sont efficaces sur la douleur, au prix d’effets indésirables qui en limitent l’utilisation, mais ne permettent pas une amélioration de la fonction. La faible efficacité des différents traitements étudiés (10 à 20 points d’amélioration sur une échelle de 0 à 100) rend nécessaire une prise en charge plurimodale de ces patients par une équipe pluri-professionnelle (kinésithérapeute, psychologue, assistante sociale…) autour d’un projet réaliste déterminé avec le patient. • Le traitement de la lombalgie chronique par des antalgiques est actuellement discuté par la découverte que 30 à 55 % de ces patients souffriraient également de douleurs de type neuropathique ce qui pourrait justifier le recours d’emblée à des traitements associant antalgiques et antidépresseurs et/ou antiépileptiques. Cette approche combinant des traitements de mode d’action complémentaire, souvent proposée dans les structures d’évaluation et de traitement de la douleur, pourrait être confortée par la réalisation de nouvelles études s’appuyant sur des critères d’évaluation plus adaptés à chacun des composants de la douleur. 8. TRAITEMENTS NON MÉDICAMENTEUX ET LOMBALGIE CHRONIQUE Introduction générale 8•1 Neurostimulation électrique transcutanée et lombalgies 8•4 Acupuncture TRAITEMENTS 8•3 Apport de l’hypnose dans le traitement de la lombalgie chronique NON MÉDICAMENTEUX ET LOMBALGIE CHRONIQUE 8•2 Thérapies cognitives et comportementales, psychoéducation et lombalgie chronique : où en est-on ? 159 TRAITEMENTS NON MÉDICAMENTEUX ET LOMBALGIE CHRONIQUE Introduction générale 160 Nous aborderons dans ce chapitre quelques traitements non médicamenteux qui sont utilisés pour le traitement des douleurs lombaires : • La neuro-stimulation électrique transcutanée La neuro-stimulation transcutanée ou TENS est une technique ancienne renforcée par l’amélioration récente des matériels, une meilleure connaissance des mécanismes et un élargissement des indications, y compris dans la douleur chronique dont la lombalgie. L’effet thérapeutique pourrait être basé sur plusieurs mécanismes de contrôle de la douleur. Le plus connu reste le contrôle de la porte mais aussi le renforcement du contrôle opioïde avec le relargage de substances opioïdes endogènes voire même la mise en action du contrôle inhibiteur avec des courants de haute intensité et de haute fréquence. Il existe des contre-indications au TENS : le pacemaker et l’électrophobie. L’intérêt du TENS dans la lombalgie chronique est abordé dans ce chapitre. Plusieurs études sont présentées pour approcher le bien-fondé de cette prescription et juger de l’efficacité de la TENS qui se heurte à la méthodologie. D'autre part, réaliser une TENS avec un placebo-leurre ne délivrant ni courant ni sensation transcutanée compromet la qualité des études. La TENS est une méthode d’analgésie non invasive, son efficacité dans la lombalgie chronique n’est pas encore parfaitement validée. Son prix modeste, son effet placébo surajouté, en font néanmoins une thérapeutique intéressante surtout lorsque l’on est démuni. NON MÉDICAMENTEUX ET LOMBALGIE CHRONIQUE TRAITEMENTS • La thérapie cognitive et comportementale Les Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC) sont une psycho-éducation largement utilisée chez les Anglo-Saxons dans la lombalgie chronique. Le thérapeute se base sur son programme des croyances erronées c’est-à-dire des pensées propres au patient lombalgique chronique, de ses émotions, de son comportement douloureux, de ses manœuvres d’évitement. Les TCC se proposent de limiter la kinésiophobie, les évitements des activités et de favoriser le mouvement, l’exercice physique : ce sont des programmes renforçant le « coping », c’est-à-dire la capacité à s’adapter, à s’ajuster et à faire face. Pour ce faire, il faut utiliser certains leviers : être actif, renforcer les bonnes convictions, utiliser l’environnement, utiliser la distraction, privilégier les techniques physiques… Il existe aussi une thérapie cognitive et comportementale dont les résultats sont très encourageants. • L’hypnose L’hypnose, qui est un déplacement de l'attention, une mise en sommeil de la conscience, est un acte naturel que chacun peut vivre plusieurs fois par jour, c’est ce que les gens appellent « l’esprit s’échappe ». C’est un état spécifique distinct du sommeil, du rêve et de la veille ; il peut être produit par la suggestion et il importe de connaître les indications et les contreindications de l’hypnose. Cette dernière peut exercer un effet très bénéfique pour contrôler la composante affective de la douleur et sa composante sensorielle et, contrairement à l’effet placebo, l’analgésie hypnotique n’est pas liée aux endorphines puisque l’injection de naloxone n’annule pas l’effet antalgique en cours. L’utilisation de l’hypnose est très répandue, elle s’adapte aux différentes situations des lombalgies chroniques avec très peu d’effets indésirables ; son efficacité définitive reste à démontrer par des études randomisées de bonne qualité. • L’acupuncture Le geste acupunctural entraîne une libération de peptides opioïdes, notamment de béta-endorphines qui jouent un rôle important, évidemment, dans l’analgésie. Son effet s’atténue progressivement une fois l’aiguille retirée. Une séance d’acupuncture 161 TRAITEMENTS NON MÉDICAMENTEUX ET LOMBALGIE CHRONIQUE dure environ 20 à 25 minutes. La preuve que les peptides opioïdes sont impliqués a été renforcée par les effets inversés qu’exerce la naloxone sur le geste. D’autres médiateurs sont impliqués comme l’adenosine. Le lieu d’implantation des aiguilles se fait le long de la colonne vertébrale et les points d’action sont nombreux sans être exhaustifs. L’acupuncture a un rôle à jouer : il est parfois considéré comme modeste, mais souvent bien accepté de la part des patients souffrant de lombalgie chronique. 162 8.1 NEUROSTIMULATION ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES Malou Navez, Bernard Laurent L’EFFET THÉRAPEUTIQUE POURRAIT ÊTRE BASÉ SUR PLUSIEURS MÉCANISMES DE CONTRÔLE DE LA DOULEUR Le premier est celui décrit par Wall et Malzack en 1965 et appelé le contrôle de la porte (gate control), suggérant une inhibition de la NEUROSTIMULATION La Neurostimulation Transcutanée (TENS ou Transcutaneous electrical nerve stimulation) est proposée en complément des autres thérapeutiques (médicamenteuse et non médicamenteuse) dans la prise en charge de la lombalgie et de la lombo-radiculagie. Son efficacité a fait l’objet d’évaluation dans cette population avec un bénéfice rapporté sur la douleur lombaire, mais surtout sur la douleur neuropathique radiculaire. Sa mise en œuvre est simple, le matériel a beaucoup progressé mais elle nécessite, pour obtenir les meilleurs résultats, une éducation du patient, son adhésion et une observance optimale. La Neurostimulation Transcutanée (TENS) est une méthode d’analgésie non médicamenteuse par administration d’un courant électrique par voie transcutanée réalisée à l’aide d’un stimulateur électrique relié à des électrodes appliquées sur la peau. C’est une technique ancienne réactualisée grâce à l’amélioration des matériels (générateur de courant, programme de stimulation, batterie, fiabilité des connectiques), une meilleure connaissance des mécanismes et un élargissement des indications qui ont fait l’objet d’évaluation, même si toutes ne sont pas validées : douleur aiguë (post opératoire, dysménorrhée, angine de poitrine…), douleur chronique (arthrose, lombalgie, douleur neuropathique…). Le TENS est beaucoup plus adapté dans le cadre d'une radiculalgie associée à une lombalgie. ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES INTRODUCTION 163 ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES NEUROSTIMULATION 164 transmission du message nociceptif par la stimulation des grosses fibres myélinisées du tact et de la proprioception. En effet, la stimulation des grosses fibres périphériques au travers de la peau à des intensités bien tolérées et administrée directement par le patient va soulager la douleur en inhibant la transmission du message au niveau de la corne postérieure de la moelle. Le deuxième mécanisme concerne le renforcement du contrôle opioïde avec le relargage de substances opioïdes endogènes (endorphines et ses précurseurs dans le LCR) et une inhibition par la naloxone de l’effet antalgique de la stimulation en mode acupunctural (16). L’hypothèse d’une médiation endorphinique est évoquée dans le modèle expérimental de rat monoarthritique (4) ou l’application de la TENS induit une tolérance aux molécules ß et μ agonistes, respectivement pour les hautes et basses fréquences. L’augmentation de la tonicité du système opioïde endogène pourrait expliquer l’effet de post-stimulation et la possibilité d’une tolérance croisée chez les patients traités conjointement par stimulation et opiacés (4). D’autres mécanismes sont évoqués comme la mise en action du contrôle inhibiteur diffus, en particulier avec des courants de haute intensité et haute fréquence (8) ou encore une action plus périphérique ainsi que la participation du système sympathique. Enfin, l’effet placebo participe également à l’effet antalgique (3). Matériel nécessaire à la mise en œuvre de la TENS Ce matériel est composé d’un générateur électrique, auto-alimenté par une pile ou une batterie rechargeable, autorisant la délivrance en ambulatoire de courants à partir d’électrodes en élastomère siliconé, conductrices, hypoallergiques, souples et de taille variant de 1 cm2 à 160 cm2 fixées sur la peau du patient et reliées au générateur par des câbles flexibles, de longueur adéquate adaptée à la morphologie du patient et à la localisation de la zone à stimuler. Plusieurs paramètres de stimulation sont proposés et varient en fonction de la fréquence des impulsions (1 Hz à 100 Hz), de l’intensité du courant électrique (0-50 mA), de la largeur de l’impulsion (0,1 à 0,5 ms). On peut globalement retenir deux modes de stimulation. NEUROSTIMULATION • Le mode haute fréquence ou TENS conventionnelle (contrôle de porte ou C-TENS) associe une stimulation continue en haute fréquence (80 - 100 Hz) avec des largeurs d’onde de 50 à 100 μs et des basses intensités. Il procure des paresthésies non douloureuses dans le territoire stimulé. Les électrodes sont positionnées dans le territoire douloureux au niveau de distribution du nerf ou à l’étage métamérique (territoire sciatique, crural…) avec une électrode proximale posée à la racine du membre et l'autre placée à sa partie distale. L’effet antalgique apparaît rapidement pendant la stimulation mais cet effet ne persiste pas après la stimulation (6). • Le mode de stimulation discontinue ou « burst », dit aussi « acupuncture like » (AL-TENS), associe des courants basses fréquences entre 1 et 4 Hz, des largeurs d’onde entre 100 et 400 μs et des hautes intensités ; ce mode de courant est ressenti comme de faibles secousses musculaires. Les stimulations de basses fréquences et hautes intensités sont réalisées en territoire extra-segmentaire et procurent une analgésie rapide qui augmente durant la stimulation et persiste après l’arrêt de celle-ci (post effet). Les électrodes sont placées en pararachidien en regard du segment lombaire douloureux et souvent de diamètre plus important (16). Certains impératifs de stimulation sont à respecter et vont conditionner l’efficacité de la technique, comme la présence d’un nombre suffisant de fibres myélinisées à stimuler (éviter les zones très désafférentées) ; il faut également préférer les fibres superficielles plus accessibles à la stimulation et déclencher, pour les courants hautes fréquences, des paresthésies localisées dans la zone douloureuse, et à des niveaux d’intensité inférieurs au seuil douloureux. Au cours de la stimulation, le patient peut signaler une atténuation du ressenti de la stimulation au bout de 5 à 10 minutes, « effet de fading », correspondant à l’adaptation des fibres Aß mais cet effet n’interfère pas sur le barrage de la transmission des fibres C, en diminuant l’effet de contrôle de porte et l’inhibition de la douleur (8). La proposition de moduler les courants pour atténuer cet effet n’a pas modifié l’efficacité et aucune différence n’a été rapportée entre l’utilisation de courants fixes ou variables (8) même s’ils sont de pratique courante. ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES Les deux modes de stimulation 165 Il n’y a pas de consensus sur le bon placement des électrodes même s’il est admis que les courants haute fréquence doivent être appliqués au niveau du métamère douloureux (trajets nerveux des lombosciatiques par exemple) et les courants basse fréquence en zone extra segmentaire pararachidienne dans la lombalgie. Il est à noter que les patients préfèrent eux-mêmes certaines positions d’électrodes qu’ils vont juger plus efficaces et/ou plus tolérables. La période d’apprentissage est fondamentale pour mettre le patient en confiance et trouver avec lui le mode de stimulation adéquat afin de lui permettre une participation active à son traitement (HAS 2009 (12)). De même le consensus sur le meilleur type de stimulation à proposer n’est pas formel, en pratique, le TENS conventionnel donne une analgésie plus rapide et plus courte par rapport à l’AL-TENS. NEUROSTIMULATION ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES Contre-indications et précautions d’emploi 166 Les contre-indications et précautions d’emploi sont la présence d’un pacemaker en raison de risque d’interférence, mais les nouvelles technologies dans ce domaine font que ces deux thérapeutiques peuvent être proposées dans le même temps, en particulier dans la lombosciatique ou la stimulation est très à distance du cœur. Certaines caractéristiques psychopathologiques du patient incitent à quelques précautions comme les états psychotiques ou l’électrophobie ; des précautions sont également nécessaires chez les patients épileptiques non stabilisés. Les principaux effets indésirables sont des effets cutanés irritatifs d’où la nécessité de modifier la position des électrodes régulièrement. QUEL EST L’INTÉRÊT DE LA TENS DANS LA LOMBALGIE CHRONIQUE? La TENS est une technique non médicamenteuse très largement utilisée dans les structures de douleur chronique en complément des autres traitements en particulier les médicaments. Une enquête réalisée en 2005 a montré que la TENS était proposée de manière régulière dans 14 centres sur 23 interrogés dans la lombalgie chronique (60 % en moyenne) (2). Dans la lombalgie aiguë ou subaiguë, elle fait partie de l’arsenal physiothérapeutique proposée par les kinésithérapeutes et rééducateurs. Elle ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES NEUROSTIMULATION est utilisée dans la lombalgie post-opératoire précoce dont celle accompagnant le travail obstétrical. Une étude positive chez des femmes parturientes durant leur troisième mois de grossesse a montré l’intérêt de la TENS par rapport au traitement antalgique et au groupe contrôle (14). Dans la lombalgie chronique, l’intérêt de la TENS a fait l’objet de plusieurs études (5, 9, 13, 17) et d’une revue Cochrane (15). L’analyse des résultats est difficile car seules quatre études ont une méthodologie correcte. Les biais les plus souvent retrouvés sont les populations de faibles tailles et surtout hétérogènes (lombalgie, lombo-sciatalgie, ancienneté différente de la pathologie, antécédent de chirurgie ou non…), des critères d’inclusion et d’évaluation mal identifiés (douleur, sévérité, handicap, suivi court…), des applications de TENS variables (type de courant, durée d’application...) avec, dans la plupart des cas, l’absence de groupe contrôle ou de placebo. La plupart des études voulant prouver l’efficacité de la TENS se sont heurtées à la difficulté de réaliser un vrai groupe contrôle avec une TENS leurre qui ne délivre pas de courant, donc sans sensation transcutanée, mais avec une diode qui s’allume donnant l’illusion d’un appareil qui fonctionne. Ce système de leurre a pu être découvert chez certains patients suspectant l’absence de courant effectif. De plus, il existe probablement une corrélation non négligeable entre le ressenti de la stimulation et le contrôle de la douleur (9). Parmi les études portant sur des lombalgies chroniques au-delà de six semaines, les résultats divergent. Des résultats positifs sont rapportés à court terme par Flowerder en 1997 (10) dans une population de lombalgiques et par Cheing en 1999 (5) comparant la TENS active à un placebo. Par contre, Deyo en 1990 (9), avec une population certes plus hétérogène, ne retrouvait aucun effet de la TENS, de même Van Tulder en 1999 (18) rapportait le peu de bénéfice du TENS dans cette indication. Cependant, le Quebec Task Force recommandait l’utilisation de la TENS comme modalité de rééducation et d’analgésie dans la lombalgie. Plus récemment, nous avons mené une étude comparant une population de patients lombalgiques et lombo-radiculalgiques chroniques qui souffraient depuis plus de trois mois en identifiant l’existence conjointe ou non d’atteintes neurologiques et les antécédents de chirurgie. Cette étude multicentrique (25 structures de la douleur en France) en simple aveugle évaluait en termes de répercussions fonctionnelles à 6 semaines l’effet de la TENS active comparé à un 167 ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES NEUROSTIMULATION 168 placebo dans ces deux populations de patients, suivies à 6 semaines et 3 mois (1). Les choix des paramètres de stimulation, le mode d’application, le site et la durée du traitement ont été prédéterminés et couvraient les champs de traitement à la fois de la lombalgie et de la lombo-radiculalgie et détaillés plus haut. Le programme de courants variables mêlait à la fois le gate control et les très basses fréquences. Sur les 236 patients, 41,1 % souffraient de lombalgie et 58,9 % de lombo-radiculalgie, 117 bénéficiaient d’une « TENS active » et 119 d’une « TENS leurre ». Parmi ces patients, le délai de prise en charge moyen était de 36,5 mois et 61,3 % avaient un DN4 > 4. La classification dans la Quebec Task Force était de 25,8 % type 1, 25, 8 % type 2, 19,7 % type 3, 28,8 % type 4. Tous bénéficiaient de traitements similaires ; seules les infiltrations étaient exclues dans les trois mois précédant l’inclusion. Les résultats ne rapportent pas de différence significative sur l’amélioration fonctionnelle mesurée par l’échelle de Roland à six semaines. Par contre, on note une amélioration de la douleur lombaire (p : 0,0015) et surtout lombo-radiculaire (p : 0,0009) entre TENS active et TENS leurre. Cette amélioration de l’EVA est proportionnelle au temps dans le groupe actif ce qui va à l’encontre d’un effet placebo et le bénéfice est plus important pour l’EVA radiculaire que pour l’EVA lombaire. La population de patients, lombalgiques ou radiculalgiques, ayant un DN4 > 4 (61,3 %) donc classée comme douleur ayant un mécanisme potentiellement neuropathique répondait mieux à la TENS active avec des améliorations significatives sur la douleur. L’analyse en sous-groupe montrait une légère amélioration non significative de l’échelle fonctionnelle dans le groupe avec radiculalgie, et pour les patients des groupes 3 et 4 de la QTF (population avec composante neuropathique radiculalgique). On ne note pas de différence d’observance de la TENS dans les deux groupes, les patients avec la TENS leurre n’abandonnent pas plus leur traitement, ce qui s'explique sans doute par l’importance de la prise en charge dans un CETD d’ailleurs corroborée à la satisfaction globale de la prise en charge dans les deux groupes. La population de patients étudiés évoluait depuis longtemps avec des indices de gravité importants avec un passé de chirurgie lombaire (6 %) (13). Les séances de TENS étaient pratiquées régulièrement pendant trois mois à raison de 4 h/jour en comparaison des autres études qui n’éva- luaient pour la plupart que l’efficacité à court terme (2-4 semaines) et après 30 minutes à 1 heure de stimulation (13). Le taux important d’observance et la satisfaction élevée quelle que soit la TENS (active ou leurre) montrent la compliance des patients et l’intérêt de cette technique ambulatoire auto-administrée impliquant le patient et lui donnant un degré d’autonomie et de participation active à sa prise en charge. L’intérêt de la TENS est bien sûr son efficacité sur la douleur neuropathique rapportée dans une méta-analyse (7) mais également sur la composante nociceptive lombaire ou plutôt mixte telle qu’elle a été documentée par Freynhagen and Baron (11). Le choix d’un programme associant gate control et acupuncture like explique probablement cette double action et son intérêt en pratique clinique de TENS. NEUROSTIMULATION Elles ont été bien codifiées dans le rapport HAS en 2009. La prescription doit être faite par un médecin exerçant dans une structure de traitement de la douleur ou ayant validé un Diplôme Universitaire de prise en charge de la douleur ou une Capacité d’évaluation et de traitement de la douleur. Elles nécessitent un essai préalable, et l’éducation du patient (le cas échéant en collaboration avec un autre professionnel de santé ayant validé un Diplôme Universitaire de prise en charge de la douleur : masseur kinésithérapeute, infirmier diplômé d’État, pharmacien, aide-soignant). Le patient sera suivi à 1, 2, 3 et 6 mois après la prescription initiale (période de location). La location de l’appareil est mensuelle pendant six mois maximum, puis en cas d’efficacité de la technique, l’achat de l’appareil est pris en charge avec achat de deux paires d’électrodes par mois. Le suivi est assuré tous les six mois minimum après l’achat de l’appareil. Le groupe d’experts de l’HAS souligne l’intérêt de la TENS, en particulier dans les douleurs chroniques, par plusieurs arguments (HAS 2009) : l’option de prise en charge de patients pour lesquels le traitement médicamenteux seul n’est pas satisfaisant, ses risques et effets indésirables faibles dans les conditions normales d’utilisation, la possibilité de pratiquer un essai avant prescription (permettant d’identifier les patients répondeurs et motivés), la location d’appareil avant de valider l’intérêt d’un achat ; le coût d’un appareil TENS reste modeste par rapport aux autres techniques et est inférieur à celui d’un neuro-stimulateur implantable. ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES Conditions de prescription et d’utilisation 169 NEUROSTIMULATION ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES Dans un certain nombre de cas, la TENS peut être envisagée dans l’attente d’un neurostimulateur implantable. S’il existe une bonne efficacité de la TENS, persistant dans le temps, cela peut être un argument pour l'indication d’une stimulation médullaire. Cependant, une TENS peu ou pas efficace ne contre-indique pas la stimulation médullaire car les fibres périphériques peuvent être très désafférentées et le filtre peut s’exercer plus haut ; il existe chez certains patients une extension des zones de recouvrement lors de la stimulation. Les bons critères d’efficacité d’une stimulation médullaire sont les potentiels évoqués somesthésiques normaux (PES), les PES altérés donnent des résultats plus aléatoires, l’absence de réponse des PES contre-indique la stimulation médullaire. Il n’y a pas de règles pour proposer une stimulation médullaire après une TENS ; cependant, elle sera volontiers indiquée dans certaines situations où la réalisation d'une TENS sur peau irritée est rendue difficile, ou s'il y a nécessité à stimuler efficacement plusieurs territoires radiculaires dans ces douleurs neuropathiques étendues. 170 CONCLUSION La TENS est une méthode d’analgésie non invasive, d’application facile, présentant peu d’effets indésirables ou de contre-indications. Son efficacité dans la lombalgie n’est pas parfaitement validée, même si deux études méthodologiquement correctes sont positives. Sa simplicité d’utilisation, les faibles risques encourus, son prix modeste en font une technique non médicamenteuse intéressante dans l’arsenal thérapeutique des lombalgies chroniques. Bibliographie 1. Buchmuller A, Navez M, Milletre-Bernardin M, Pouplin S, Presles E, Lantéri-Minet M, Tardy B, Laurent B, Camdessanché JP. 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ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES stimulation for chronic pain relief and the effect of fading sensation during 171 16. Sluka KA, Walsh D. (2003) Transcutaneous electrical nerve stimulation: basics science mecanismsand clinical effectiveness. The Journal of Pain ; 4(3):109-121. 17. Topuz O, Ozfidan E, Ozgen M, Ardic F. (2004) Efficacy of transcutaneous electrical nerve stipulation and percutaneous electrical neuromodulation therapy in chronic low back pain. J Back Musculoskeletal Rehabilitation ; 17: 127-33. 18. Van Tulder MW, Koes BW,Assendelft WJJ, Bouter LM. (1999) The effectiveness of conservative treatment of acute and chronic low back pain.Amsterdam: EMGO Institute. NEUROSTIMULATION ÉLECTRIQUE TRANSCUTANÉE ET LOMBALGIES En résumé 172 • La neuro-stimulation électrique transcutanée est une technique de contrôle de la douleur à l’aide de courants appliqués par l’intermédiaire d’électrodes à même la peau et basée sur plusieurs mécanismes de contrôle de la douleur dont le plus connu est le contrôle de la porte mais aussi le renforcement du contrôle opioïde avec le relargage de substances opioïdes endogènes, voire d’autres mécanismes inhibiteurs comme les courants de haute intensité et de haute fréquence, voire l’effet placebo. • Elle est très largement proposée en CETD dans la douleur chronique et, en particulier, dans la lombalgie et lomboradiculalgie. Une étude multicentrique, comparant une stimulation active et leurre dans ces indications, a rapporté son efficacité sur l’intensité de la douleur neuropathique radiculaire, mais également sur la composante lombaire chez les patients présentant une composante neuropathique avec un DN4 > 4 . Dans ces deux groupes, l’effet placebo était important puisque les deux groupes rapportaient un soulagement et une satisfaction globale quasi équivalents. L’amélioration des matériels, la meilleure connaissance des mécanismes, l’éducation thérapeutique à cette prise en charge autonomisent le patient et font de ce traitement un outil important dans la prise en charge du patient lombo-radiculagique. 8.2 THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES – PSYCHOÉDUCATION ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? Françoise Laroche Différentes caractéristiques communes rassemblent les patients qui souffrent depuis plusieurs mois, voire des années. Il s’agit des pensées, – COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? LES PATIENTS LOMBALGIQUES CHRONIQUES THÉRAPIES La lombalgie chronique représente 7 % des patients mais aussi 80 % des coûts financiers en termes de soins prodigués et de coûts indirects socio-professionnels (10). Il est donc devenu indispensable de repenser l’évaluation et la prise en charge et de se référer au modèle bio-psychosocial. Ce modèle prend en compte la diversité des patients et permet de proposer une stratégie globale de traitement. Les Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC) ou psycho éducation sont en continuité avec cette approche multidisciplinaire de la lombalgie chronique et s’intègrent dans le cadre d’une démarche scientifique expérimentale, basée sur les théories de l’apprentissage. En effet, la douleur chronique est considérée comme un comportement conditionné, le travail thérapeutique est ainsi centré sur le « comment faire face » au comportement qui pose problème. Ces thérapies s’aident de plusieurs stratégies de traitement de manière concomitante et présentent moins de clivage entre le modèle médical et le modèle « psy ». De ce fait, elles sont bien acceptées par les patients. La littérature est abondante et montre une efficacité de ces thérapies. PSYCHOÉDUCATION INTRODUCTION 173 Tableau : Douleur chronique : reconnaître le syndrome douloureux chronique, l’évaluer et orienter le patient (recomandations HAS) Méthode de travail • Consensus formalisé (CF) Date de mise en ligne • Janvier 2009 • Uniquement disponible sous format électronique Objectif(s) • Favoriser la mise en œuvre de parcours de soins adaptés pour PSYCHOÉDUCATION les patients exprimant une douleur chronique : - identifier un patient présentant une douleur chronique - définir les situations nécessitant une orientation vers une structure spécialisée d’évaluation et de traitement de la douleur chronique, à partir d’une évaluation par les professionnels hors structures spécialisées - définir le contenu de la première évaluation en structure spécialisée - définir les critères décisionnels permettant d’orienter le patient à l’issue de cette première évaluation • Favoriser les échanges entre les professionnels des structures spécialisées et ceux qui leur adressent des patients : - définir les éléments à transmettre entre professionnels lors de l’orientation vers une structure spécialisée et à l’issue de la première évaluation dans cette structure. • Médecins généralistes ou spécialistes, exerçant en ambulatoire THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? – ou en établissements sanitaires ou médico-sociaux • Médecins des structures spécialisées (anesthésistes, rhumatologues, neurologues, psychiatres, etc.) • Tout professionnel de santé, psychologues 174 Demandeur • Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) Promoteur • Haute Autorité de Santé (HAS), service des bonnes pratiques Financement • Fonds publics Pilotage du projet • Coordination : Mme Joëlle André-Vert, chef de projet, service des bonnes pratiques professionnelles de la HAS (chef de service : Dr Patrice Dosquet) Secrétariat : Mme Laetitia Gourbail • Recherche documentaire : Mme Gaëlle Fanelli, avec l’aide de Mmes Julie Mokbhi et Yasmine Lombry (chef du service de documentation : Mme Frédérique Pagès) Participants • Sociétés savantes, comité d’organisation, groupe de pilotage, groupe professionnelles de cotation, groupe de lecture : cf . liste des participants Les participants au comité d’organisation et aux groupes de pilotage et de cotation ont communiqué leur déclaration d’intérêts à la HAS • De janvier 1985 à décembre 2007 (cf. stratégie de recherche documentaire Recherche dans l’argumentaire) documentaire Auteur de l’argumentaire • Dr Jean-Pierre Vallée, médecin généraliste, Colleville-Montgomery des émotions et des comportements douloureux en réaction à la douleur souvent vécue dans l’isolement. Une analyse de ces éléments permet de proposer des stratégies. Dans ce sens, l’entretien semi-structuré de l’ANAES proposé en 1999 est une bonne base d’évaluation (7). – COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? THÉRAPIES Les croyances erronées des patients douloureux chroniques sont des facteurs d’incapacité (4, 5, 18 19, 24). Il s’agit d’interprétations sur la cause de la douleur, sur la gravité de la maladie et son retentissement, mais aussi des attentes de traitement et de soulagement. Ces croyances constituent un frein au changement et, lorsqu’elles sont méconnues du praticien, empêchent toute observance thérapeutique. Certaines croyances sont liées à des informations reçues lors du parcours médical, d’autres témoignent de leur propre analyse des informations (4, 5, 18, 19, 24). Par exemple, la plupart des patients lombalgiques expriment des croyances ou cognitions dysfonctionnelles concernant la cause de la douleur (« Si la douleur persiste, c’est qu’une maladie grave évolue ») et la gestion de cette douleur (« Si la douleur augmente lors de l’effort, c’est que je dois arrêter toute activité »). De plus, certains patients pensent que gérer la douleur est possible si la douleur n’est pas trop intense et non pas que cette gestion permette à la douleur d’être moins intense. On observe souvent un envahissement des pensées par la douleur. Ces pensées peuvent être à type de catastrophisme (ou dramatisation) défini comme un état de focalisation exclusive des patients sur les aspects aversifs et négatifs de la douleur empêchant toute adaptation. Ce catastrophisme est une réponse cognitive et affective à la douleur avec rumination, amplification, impuissance et focalisation exclusive du patient sur l’expérience douloureuse. Il entraîne une majoration de la douleur d’environ 15 % et est responsable de comportements douloureux, d’une détresse émotionnelle, d’un handicap et de la prise de médicaments. Le catastrophisme est corrélé à d’autres variables qui influencent la douleur telle que la dépression, l’incapacité, la kinésiophobie (peur du mouvement) et l’évitement. L’« attitude catastrophiste » est aussi un style de coping (ou de gestion) avec recherche d’attention, d’empathie mais sans objectif de diminution de la douleur. Différents questionnaires existent afin d’identifier et de mesurer PSYCHOÉDUCATION Pensées des patients lombalgiques chroniques 175 l’importance du catastrophisme chez un patient douloureux tel que le Pain Catastrophyzing Scale proposé par Sullivan en 1995 (26). THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? – PSYCHOÉDUCATION Émotions des patients lombalgiques chroniques 176 L’anxiété est fréquemment associée à la douleur (25 %) et peut être préexistante chez 77 % des patients. L’anxiété est plus souvent associée à la sévérité et à l’ancienneté de la douleur (16). Elle peut être expliquée par de nombreux facteurs : la chronicité des douleurs, son retentissement, mais aussi l’ignorance du patient et la non-reconnaissance de cette affection par le corps médical et/ou l’entourage (4). L’identification des facteurs émotionnels d’aggravation de la douleur et de son retentissement constitue une première étape à la gestion du stress. En effet, demander au patient de s’auto-observer et de lister, en deux colonnes par exemple, les éléments qui aggravent et ceux qui améliorent la douleur permet de proposer des stratégies adaptatives anticipées. Comportements douloureux des patients lombalgiques chroniques Les comportements sont les manifestations observables, verbales et non-verbales, en réaction à la douleur. Il s’agit de manœuvres de soulagement de la douleur souvent accompagnées d’une réduction des comportements bien portants avec utilisation d’outils techniques (canne, lombostat, prise d’antalgiques, arrêt de travail…). La plupart des comportements douloureux sont appris et considérés comme conditionnés. L’impact comportemental d’une douleur est généralement accepté comme un indicateur de gravité d’une douleur (29, 31). Les comportements inappropriés vis-à-vis de la douleur sont nombreux (évitement, repli…) et réactionnels à la douleur (non anticipés). Il s’agit de la recherche de solutions externes et passives (par exemple, les massages) sans confiance en leur propre capacité à gérer la douleur. Les patients douloureux chroniques sont peu préparés à une démarche active, d’anticipation des situations, centrée sur la gestion et l’amélioration des capacités fonctionnelles (19). François Boureau, médecin spécialiste de la douleur (Hôpital SaintAntoine, Paris) proposait régulièrement aux patients douloureux chroniques des injonctions paradoxales afin de tester les comportements douloureux. Il avait rédigé une liste de dix « conseils » pour qu’une douleur devienne vraiment rebelle : 1. Cesser toute activité (physique, intellectuelle).Attendre sans rien faire. 2. Dès qu’il y a un mieux, s’activer et ne savoir s’arrêter qu’une fois la douleur devenue trop insupportable. 3. Attendre toujours le dernier moment pour prendre les calmants efficaces. – Il existe aussi des « confronteurs » qui se différencient par l’intensité de la peur (29, 31). En effet, ces patients déclarent parfois avoir eu un style de vie trépidant avec tendance au surmenage. Cette « propension excessive à l’action » (« ergomanie ») se caractérise par un haut niveau d’engagement dans de multiples activités avec incapacité de s’arrêter. Elle est souvent associée à une absence de prise en compte des besoins de base du corps (fatigue). Elle est bien décrite par le modèle « Stop rules and current mood » de Vlaeyen (29, 31). COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? Confrontation THÉRAPIES L’évitement est défini comme « la performance d’un comportement qui suspend ou détourne la présentation d’un événement aversif » (29). À la phase initiale, les comportements d’évitement sont perçus comme adaptés et efficaces pour réduire la douleur. À un stade plus tardif, ces comportements peuvent persister, être entretenus et constituer un facteur de gravité en cas d’évitement permanent des activités de la vie quotidienne (29). L’évitement est influencé par l’attente qui suppose que la prochaine exposition sera source de souffrances. On peut rapprocher cette peur du mouvement de ce que l’on observe chez les patients phobiques. Il y a donc chevauchement entre la peur d’avoir mal, la peur des activités et la peur du mouvement… On peut identifier parmi les patients douloureux, des « éviteurs », avec pour conséquence un déconditionnement physique issu de ce cercle vicieux qui contribue à son tour à augmenter l’invalidation fonctionnelle, voire la sédentarisation, selon le modèle de kinésiophobie de Vlaeyen (25, 31). PSYCHOÉDUCATION Évitement 177 4. Toujours prendre le moins possible de médicaments. Penser qu’obligatoirement les médecins cachent quelque chose d’encore plus grave. 5. Vouloir à tout prix que les autres comprennent. 6. Ne jamais rater une occasion de parler de sa douleur. 7. Changer sans cesse de traitement et de médecin. Penser que vous n’y pouvez rien et que c’est exclusivement l’affaire des médecins. 8. Refuser la douleur, la combattre, s’irriter contre elle. 9. Ne tenir compte que du côté négatif des choses. 10. S’assurer sans cesse que la douleur est toujours là. THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? – PSYCHOÉDUCATION En pratique 178 Les objectifs de la psycho-éducation sont de modifier les peurs et les croyances des patients, de limiter la kinésiophobie, l'évitement des activités, de favoriser le mouvement, l’exercice physique, d'améliorer la qualité de vie, le sommeil, l’humeur, le niveau de confiance, la relation aux autres, maintenir/reprendre les activités professionnelles, réduire le nomadisme médical et la dépendance aux soins (passifs). Différents programmes de TCC sont décrits dans la littérature internationale, notamment celui effectué au CETD de l’Hôpital SaintAntoine mis en place par François Boureau (19). Ils mettent l’accent sur le coping ; c’est-à-dire la capacité à s’adapter, à s’ajuster, à faire face. Les patients apprennent à gérer le fond douloureux et les crises en se posant les bonnes questions sur les facteurs d’aggravation (physiques, émotionnels…). Ils trouvent alors leurs propres solutions, telles que : • être actif, • rechercher des positions de confort, • utiliser l’environnement, • réinterpréter la douleur, • utiliser la distraction, • continuer à « fonctionner » sans se marginaliser familialement, professionnellement ou socialement, • savoir utiliser les médicaments de secours, • valoriser les techniques physiques antalgiques (douche, sèchecheveux, bouillotte, hot-pack, serviette chaude…), • utiliser la relaxation, • garder l’esprit positif en évitant la dramatisation. – COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? Les outils de la thérapie comportementale sont la réactivation physique (pour limiter la kinésiophobie, les évitements et le déconditionnement physique), l’apprentissage de la relaxation (avec exposition en imagination) et de la gestion du stress et, enfin, l’exposition progressive graduée (aux situations redoutées et évitées). Certaines équipes travaillent sur l’extinction des comportements douloureux (11). La perception de la douleur peut être modifiée par l’apprentissage opérant et des techniques d’extinction « pour désapprendre et réapprendre » (re-learning). Il s’agit de répéter des phases de comportements bien portants sur une durée prolongée. Les principes d’extinction doivent être renforcés, ils dépendent du contexte (hôpital, domicile…). Ils sont facilement modifiés par le stress ou la douleur et peuvent être oubliés spontanément. Une nouvelle trace est THÉRAPIES Les processus mis en œuvre au cours de la thérapie cognitive sont la reformulation qui est permanente afin que les patients comprennent chaque étape du programme et en quoi il diffère de ce qu’ils ont préalablement appris. Pour favoriser l’accrochage relationnel, l’acquisition des étapes cognitives est bien évaluée au fur et à mesure des séances. Les outils utilisés sont l’éducation et l’information, la reformulation des croyances sur la maladie et le rôle à adopter, l’apprentissage des stratégies de coping et la réassurance afin de renforcer l’efficacité personnelle. On utilise aussi la décentration, la distraction, les auto-injonctions positives, l’appropriation des succès, la réinterprétation des situations, la réévaluation des projets, la résolution des problèmes par découpage, l’utilisation des ressources antérieures et l’humour. On travaille, par exemple, sur les cognitions dysfonctionnelles telles l’inférence arbitraire (conclusion sans preuve), l’abstraction sélective (sélection d’un élément du tout), le raisonnement dichotomique (en tout ou rien), la généralisation, la personnalisation, la minimalisation du positif et la maximalisation du négatif. PSYCHOÉDUCATION Les patients inclus dans ces programmes de TCC sont sélectionnés au bon moment pour eux (diagnostic éducatif, information et entretiens motivationnels au préalable) afin d’être engagés dès le début des séances. Ils doivent avoir compris les enjeux (motivation, rôle actif), ne pas être en attente d’un traitement supposé curatif ou radical, ne pas souffrir d’une pathologie addictive ou de troubles psychiatriques lourds. 179 faite, qui est seulement « réécrite », c’est-à-dire labile. Il est donc nécessaire de reprendre régulièrement le réapprentissage et d’être attentif aux résistances à l’extinction du comportement douloureux (33).. ÉTUDES D’EFFICACITÉ THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? – PSYCHOÉDUCATION Résultats 180 Différentes études ont évalué l’intérêt des TCC dans la lombalgie chronique dont deux méta-analyses, incluant quarante-cinq études (1 672 patients) (22, 28). Parmi les études recensées, on observe des résultats supérieurs lorsque les interventions sont associées (exercices, TCC, traitements conventionnels). Plusieurs revues de la Cochrane dont celle d’Ostelo en 2005, actualisée en 2012 par Williams (25 études) (23, 32), concluent à une efficacité supérieure sur la douleur, le handicap, l’humeur et le catastrophisme, à court terme des TCC sur la douleur lombaire par rapport à une liste d’attente (les patients n’ont pas de traitement de type TCC dans la même période et reçoivent les traitements « conventionnels »). Une autre méta-analyse publiée en 2007, a été effectuée parmi 22 études poolées avec calcul de 205 effets taille (14). Il semble que les approches multidisciplinaires incluant une psychothérapie soient plus efficaces sur les conséquences de la douleur, la qualité de vie liée à la santé, la dépression et le retour au travail dans la lombalgie chronique (9, 12, 14). Une étude de Linton publiée en 2005 a été effectuée parmi 158 patients lombalgiques poursuivant leur activité professionnelle. La précocité des interventions proposées et la durée du suivi sur 12 mois en font l'originalité (20). L’évaluation concerne la consommation de soins et l’absentéisme professionnel. Trois groupes ont été randomisés ; information (groupe 1), information + TCC (groupe 2) et information + TCC + réhabilitation physique (groupe 3). Les résultats montrent une différence statistiquement significative en faveur des groupes 2 et 3 en nombre de consultations médicales. De plus, le risque d’arrêt de travail de plus de 15 jours est 5 fois supérieur dans le groupe information seule (OR = 4,80 ; 95% CI : 1,29 - 19,32) par rapport aux deux autres groupes. Albaladejo a publié une étude randomisée, contrôlée avec 348 patients (80 % chroniques), d’une durée de 6 mois. Elle comparait un traitement usuel (avec information de 15 minutes) versus le même traitement usuel avec une éducation contenant un autre livret (et 15 minutes supplémentaires d’entretien) et quatre sessions d’une heure d’exercices (avec encouragement à leur pratique) (3). Le critère principal était la capacité fonctionnelle en relation avec la lombalgie à 6 mois. Les résultats ont montré dans le groupe traitement associé une amélioration supplémentaire (mais modeste) de la fonction, la douleur, la qualité de vie, et du catastrophisme. Henschke a publié en 2010 une revue Cochrane sur les approches comportementales de la lombalgie chronique (13). Trente essais randomisés parmi 3 438 patients lombalgiques chroniques ont été analysés. Les résultats de cette analyse montrent avec un niveau de preuve faible, des bénéfices sur la douleur à court terme mais pas à moyen ou long terme. – COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? THÉRAPIES Ces résultats tendent à nous faire réfléchir à la méthodologie des études non médicamenteuses. En effet, ces études sont très différentes des essais médicamenteux. Le double aveugle est impossible, les groupes contrôles sont difficiles à construire (liste d’attente, traitement conventionnel…), le suivi des études est rarement prolongé, les programmes sont variés, les pratiques différentes d’un pays à l’autre (nombre de séances, techniques utilisées…), les thérapeutes et les évaluateurs parfois non dissociés dans l’analyse des données et les compétences des thérapeutes peu détaillées (8, 18, 27, 30). De plus, les questionnaires génériques ne permettent pas de savoir exactement ce que les patients mettent en pratique, ni ce sur quoi il faudrait poursuivre la psycho éducation. Il s’agit le plus souvent de questionnaires qui évaluent par exemple les stratégies de coping (CSQ : Coping Strategy Questionnaire) ou les peurs avec évitement (FABQ : Fear Avoidance Belief Questionnaire). Ces questionnaires sont de très bons outils de consultation mais ne sont pas suffisants et l’évaluation pourrait être complétée par des analyses qualitatives au cours d’entretiens individuels. En outre, l’évaluation de la douleur chronique par les EVA n’est probablement pas appropriée. En effet, on observe que le niveau de douleur change peu (ou alors de façon peu pertinente cliniquement) à la fin des programmes. Les patients le formulent d’ailleurs assez bien : « J’ai toujours aussi mal, mais cela n’a plus du tout la même importance ». En revanche, la PSYCHOÉDUCATION Réflexions méthodologiques 181 fonction, la qualité de vie, l’impression globale de changement du point de vue du patient (PIC : Patient Global Impression of Change) et leur satisfaction varient beaucoup plus et sembleraient plus pertinents. Une étude anglaise coût/efficacité effectuée parmi 701 travailleurs a été publiée en 2010 dans le Lancet par Lamb (17). Cette étude compare un traitement usuel à un traitement usuel associé à six séances de TCC (17). Les patients ont été évalués à un an à l’aide de questionnaires fonctionnels et de handicap (Roland Morris, Von Korff, SF12), de peur avec évitement (FABQ), d’efficacité personnelle (Pain Self Efficacy Scale) et de coût/efficacité (QALY). Les résultats montrent une supériorité de l’association traitement usuel et TCC, pour tous les paramètres d’évaluation, parmi les patients analysés (85 %). En termes de coût/efficacité, le QALY (additional quality-adjusted life-year), c’est-à-dire le coût annuel de vie gagnée avec une bonne qualité de vie serait est meilleur dans le groupe traitements associés (usuel + TCC) (p = 0,099). L’augmentation du coût annuel par patient avec une bonne qualité de vie serait de 1 786 livres sterling parmi les 70 % des patients analysés. D’autres auteurs concluraient dans ce sens (21). THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? – PSYCHOÉDUCATION LES BÉNÉFICES/COÛTS 182 LES PATIENTS QUI EN PROFITENT LE PLUS Différents paramètres modifient la réponse aux programmes publiés dans la littérature. Il est donc indispensable d’analyser ces éléments au préalable (30). La sélection des patients le plus tôt possible dans le cours de la maladie est un facteur de succès, d’autant que les patients sont encore actifs professionnellement. Les co-morbidités psychosociales, les attributions causales (distorsions cognitives), le « locus of control » (lieu de contrôle de la douleur – externe/interne) de la douleur, la kinésiophobie, la motivation au changement, les stratégies de coping (ou de gestion), les attentes, la crédibilité du traitement pour le patient et ses préférences sont autant de facteurs à prendre en compte. Il semble indispensable d’adapter les TCC aux caractéristiques des patients, par exemple selon l’importance de la composante émotionnelle ou fonctionnelle, on oriente plus la TCC sur le versant cognitif, émotionnel ou comportemental). Enfin, les « talents » du/ des thérapeute(s) jouent un rôle non négligeable dans la réussite de toute approche non médicamenteuse d’autant plus qu’elle aborde les aspects psycho-sociaux (18, 30). La prise en charge des patients lombalgiques chroniques nécessite une évaluation globale selon le modèle bio-psycho-social qui intègre les composantes médicales, fonctionnelles, émotionnelles, cognitives, comportementales et socioprofessionnelles des patients. Les approches thérapeutiques non médicamenteuses telles les TCC ou psycho éducation impliquent activement les patients en individualisant la prise en charge. Ces programmes de self management rencontrent beaucoup de succès car ils mettent le patient en situation d’acteur et de réussite. Le monde anglo-saxon, canadien et les pays du nord de l’Europe – COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? CONCLUSION THÉRAPIES Les recommandations ANAES 2000 « Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique » concluent : « Les thérapies comportementales sont efficaces sur l’intensité de la douleur et le comportement vis-à-vis de la douleur en comparaison à un placebo ou à une liste d’attente (grade C). Aucune technique n’est supérieure aux autres. Les thérapies comportementales associées à un autre traitement (exercice physique, kinésithérapie…) semblent plus efficaces sur la douleur que ce même traitement seul (grade C) » (1). Les recommandations COSTB13(2) notent que : « L’utilisation des TCC chez les patients lombalgiques chroniques est plus efficace pour la douleur, la fonction et les comportements que le placebo, pas de traitement ou une liste d’attente (niveau A). » Enfin, la recommandation 7 des guidelines de la Société américaine de la douleur (APS) et du Collège américain des médecins (ACP) incite à associer les TCC à des exercices actifs de restauration fonctionnelle dans le cadre d’une prise en charge interdisciplinaire. Ces stratégies permettraient de diminuer les arrêts de travail dus à la lombalgie chronique (6, 15). PSYCHOÉDUCATION LES RECOMMANDATIONS 183 développent de façon pragmatique ce type de programmes, associant aux traitements médicamenteux,des exercices physiques,de l’éducation, de la relaxation et de la TCC. Les questions qui restent en suspens concernant ce type d’approches multidisciplinaires de la lombalgie chronique commune sont : • leur généralisation dans la prise en charge, • leur utilisation la plus précoce possible dans le cours de la maladie, notamment lorsque les patients sont encore en activité professionnelle, • leur adaptation aux caractéristiques des patients, • leur optimisation en fonction des comorbidités psychosociales, • leur homogénéisation, • leur évaluation, • la formation des thérapeutes. 1. COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES ET LOMBALGIE CHRONIQUE : OÙ EN EST-ON ? THÉRAPIES 184 Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) (2000) Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique. Paris. 2. Airaksinen O, Hildebrandt J and al. (November 2004) European Guidelines for the management of chronic non specific low back, 2004. Cost B13 working group on guidelines for chronic low back pain. – PSYCHOÉDUCATION Bibliographie 3. 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Le modèle bio-psycho-social répond à cette vision en intégrant les différentes composantes de la douleur : somatiques, fonctionnelles, émotionnelles, cognitives, comportementales et socioprofessionnelles. • Ces approches thérapeutiques non médicamenteuses sont centrées sur « l’ici et le maintenant », le « comment faire face » et impliquent activement les patients. Elles s’aident de stratégies multidisciplinaires individualisées et associent un travail cognitif (sur les pensées et croyances), un travail comportemental (d’évitement et de repli) et, enfin, se centrent sur les aspects émotionnels et le retentissement de la douleur dans la vie quotidienne. PSYCHOÉDUCATION En résumé 187 188 8.3 APPORT DE L’HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE L’hypnose est un déplacement de l’attention, une mise en sommeil de la conscience pour permettre à l’imagination de la personne de sortir de la réalité ou d’en inventer une nouvelle. Le fonctionnement hypnotique est naturel, présent plusieurs fois par jour, et peut survenir pour des circonstances plaisantes, agréables, tristes ou douloureuses. Naturellement, nous le vivons en conduisant, lors d’un spectacle, en nous promenant, dans une soirée qui ne nous convient pas, etc. Selon les auteurs, on parlera d’un quatrième état spécifique, distinct du sommeil, du rêve et de la veille ou d’un rêve lucide où l’inconscient parle, un simple produit de la suggestion, voire une sorte de jeu de rôle. Pour Erickson (1): L’inconscient est le protecteur respectueux de la personne dans sa totalité, sorte de magasin de toutes nos expériences, de tous nos apprentissages et de toutes nos attitudes ; c’est un inconscient positif. Pour François Roustang (18) : « Cet état commun aux humains » n’apparaît pas en tant que tel, c’est comme une veille paradoxale. Nous vivons dans un état de veille ordinaire qui convient à l’accomplissement des tâches du quotidien. Nous restons en relation avec l’extérieur par nos sens et notre raison. La veille paradoxale apparaît lors d’une fixation ou d’une concentration sur une pensée ou une activité. La personne se sépare de ses fonctions réflexives et intellectuelles et s’installe dans une sensorialité qui fonctionne par le corps en dehors de la raison. APPORT DÉFINITION DU FONCTIONNEMENT HYPNOTIQUE DE L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE Anne Coutaux, Éric Gibert 189 APPORT DE L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE Mais pour tous, le fonctionnement hypnotique appartient au potentiel psychologique humain. Il n’y a donc rien d’extraordinaire dans ce processus et pour reprendre cette phrase de François Roustang (18) : « Nous sommes en présence non pas de quelque chose de mystérieux mais de constamment et d’universellement humain. Le caractère étrange de l’hypnose prend sa source dans le peu de cas que nous faisons de ce pouvoir dont disposent les humains ». C'est dans le contrôle de la douleur que l'hypnose développe de surprenantes facultés. Le contrôle n'est souvent pas absolu mais peut autoriser, chez certains patients, un geste chirurgical (4) : les patients perçoivent la douleur mais n'en sont plus conscients. 190 LES INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS À L’UTILISATION DE L’HYPNOSE Guérir ou soulager par l’hypnose ne consiste pas à supprimer des symptômes mais à produire un vécu ou une perception nouvelle qui modifient le lien au symptôme (19). Puisqu’il s’agit d’un fonctionnement propre à l’humain, son utilité est donc évidente pour toutes les affections mais à des degrés divers et de façon différente pour chaque personne. Son usage dépend des ressources du patient et de ses capacités à lâcher-prise, mais aussi de la relation créée par le thérapeute. Les indications regroupent les pathologies psychosomatiques, les dépressions, l’anxiété, les insomnies, les névroses phobiques et posttraumatiques et le domaine sportif. L’hypnose peut être très performante dans les addictions, mais avec des résultats variables dépendant de la motivation du sujet. C’est dans le contrôle de la douleur qu’elle développe de surprenantes facultés. Les contre-indications sont peu nombreuses à condition que l’hypnose soit menée par des thérapeutes formés. Elles concernent le domaine des maladies psychiatriques, les paranoïaques en particulier, et les psychotiques bien que, pour ces derniers, des résultats étonnants sont parfois obtenus par des psychiatres formés. L’hypnose doit rester une manipulation contrôlée et effectuée dans un cadre éthique et déontologique et doit être pratiquée par des professionnels de santé. INTÉRÊT DE L’HYPNOSE DANS LA DOULEUR AIGUË Pour toute agression corporelle, la douleur ajoute une angoisse qui préexiste dans le conscient et l’inconscient des patients (18). S’il s’agit d’un geste agressif induit par le médecin, l’hypnose va agir comme un réducteur de la composante émotionnelle alors que l’acte provoque une sensation désagréable « qu’objectivement et physiquement » le patient peut trouver parfaitement tolérable. Notre expérience (6) en situation montre que six patients sur dix sont prêts à accepter une « technique de relaxation ». S’il s’agit d’un geste APPORT Lorsque nous vivons sans contrainte, le corps et l’esprit sont en symbiose, libres et ensemble. Un stimulus déclenche l’expérience douloureuse physique ou mentale relayée par la crainte de sa persistance, le souvenir de souffrances analogues personnelles ou dans l’environnement immédiat (famille, amis, etc.). Puis, une attention focalisée s’installe sous la forme d’une spirale d’auto-suggestion négative qui va rigidifier le patient. La pathologie apparaît alors comme une forme d’arrêt, de sidération de l’entité corps-esprit, un blocage physique et mental, une fixation négative du comportement qui maintient la personne à l’écart du mouvement de la vie. Inconsciemment, il agit ainsi pour des raisons de sauvegarde physique et/ou psychique, de son intégrité personnelle et sociale. Puisque la pathologie s’installe dans l’immobilité, la thérapie hypnotique va chercher, avec l’accord du patient et s’il est prêt à lâcher-prise, à détourner son attention, à remettre de la mobilité. Le thérapeute va replacer le patient dans son tissage émotionnel, mobiliser ses ressources pour l’aider à retrouver son unité en réintégrant la partie dysfonctionnante puis lui autoriser le retour à une réassociation. L’hypnose peut conduire à des modifications lentes et parfois, sans raisons bien établies, autoriser un changement rapide à la surprise du patient et de son entourage. DE L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE QUE SE PASSE-T-IL LORS D’UNE SITUATION DITE PATHOLOGIQUE ? 191 APPORT DE L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE interventionnel rapide à effectuer, il est possible d’éviter de passer trop de temps à atténuer l’anxiété véhiculée par le mot d’hypnose. Dans les quatre autres cas, l’état hypnotique sera suffisamment léger pour que le patient ne s’en rende pas vraiment compte mais lui permettra d’accepter un geste que, dans d’autres circonstances, il n’aurait pas toléré, ou péniblement ou encore après beaucoup d’efforts et de persuasion qui renforcent ses peurs. L’hypnose permet au patient de s’échapper des contraintes de l’acte, de l’anxiété et de laisser momentanément son corps à l’écart du circuit émotionnel, et ainsi d'apaiser les décharges hormonales et l’hyperstimulation du système neuro-végétatif. 192 INTÉRÊT DE L’HYPNOSE DANS LA DOULEUR CHRONIQUE Il y a douleur chronique, lorsque la douleur persiste au-delà de ce qui est habituel pour la cause initiale présumée, notamment si la douleur évolue depuis plus de trois mois, répond insuffisamment au traitement et s’associe à une détérioration significative et progressive du fait de la douleur, des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient dans ses activités de la vie quotidienne, au domicile comme au travail (13). Elle est associée, dans un grand nombre de cas, à des comorbidités d’anxiété et de dépression à des troubles du sommeil, de la fatigue, des troubles cognitifs (16), qui en complexifient le traitement et peuvent représenter, pour certains d’entre eux, des facteurs de renforcement voire de chronicisation de la douleur comme cela a été montré dans la lombalgie chronique. Nous disposons de nombreux médicaments et techniques thérapeutiques pour maîtriser la part physique de la douleur, avec une efficacité souvent partielle. De fait, la dimension émotionnelle de la douleur est, pour de nombreux auteurs, largement prédominante dans les douleurs chroniques (13). L’hypnose peut permettre de modifier la composante sensorielle de la douleur mais également émotionnelle souvent minimisée par le patient. Elle peut également avoir un impact sur les troubles du sommeil, l’anxiété, la consommation d’antalgiques, favoriser le retour au travail ou à l’activité, améliorer le coping… L’hypnose est un outil précieux pour initier un processus de changement. Il ne s’agit pas d’une main mise du thérapeute sur un sujet mais DE L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE APPORT la création, par le premier, d’un cadre d’échanges relationnels où le second pourra naviguer dans les ressources de sa créativité. Le thérapeute peut alors proposer au patient, lors de la séance, d’échapper à la réalité de l’instant, en retrouvant un moment de sa vie émotionnellement agréable (5). En s’installant dans cette remémoration, il s’autorise à échapper à la force du réel et à découvrir que la douleur peut varier, diminuer ou disparaître au moins momentanément, comme il peut l’avoir déjà constaté lorsqu’il visionne un film ou écoute de la musique. Lorsque la douleur reste immuable, invariable, le thérapeute peut aussi chercher à l’aggraver et cette aggravation va bouger ce « bloc » que représente une douleur chronique. C’est une métaphore du changement, elle peut se traduire par : « qui peut le plus peut le moins ». Le thérapeute peut aussi lui suggérer d’inventer, d’imaginer, de créer une douleur « plus confortable » ou la déplacer dans une autre zone corporelle, ou ne la percevoir que durant une période précise de la journée. Et ces créations surprenantes sont opérantes, comme si évoquer une possibilité ne faisait que préfigurer un avenir et devenir actif. Il existe bien d’autres propositions que le thérapeute va créer au contact de son patient, lui aussi doit faire confiance à son inventivité. L’hypnose peut être un élément surprenant dans notre stratégie de suivi des douloureux chroniques, elle éclaire des histoires personnelles de souffrance ancienne souvent cachées dans le pré-conscient ou l’inconscient mais qui renvoient par des correspondances intérieures à la douleur du moment. Que le thérapeute initie puis accompagne le processus du changement par l’hypnose et le patient acceptera beaucoup mieux une prise en charge psychologique conjointe si cela s’avère nécessaire et il en sera le premier convaincu. L’un des éléments utile de l’hypnose est le contrôle de la douleur et/ou des symptômes associés, par le sujet, par la pratique de l’auto-hypnose. Le thérapeute a progressivement expliqué aux patients, pendant les séances et souvent après une discussion, comment utiliser les exercices effectués ensemble chez eux, sans la présence du thérapeute, au moment où ils en auront le plus besoin. Il s’agit là d’un apprentissage que le patient peut s’approprier lentement ou, parfois, très rapidement. Dans le contrôle de cette douleur, Price et Barber (17) ont démontré que l’hypno-analgésie diminuait la composante affective de la douleur de 80 % et sa composante sensorielle de 45 %. 193 Foster (6) a confirmé que l’analgésie obtenue chez les patients est le fruit de la qualité des suggestions et non du degré d’hypnosabilité des sujets. Contrairement à l’effet placebo, l’analgésie hypnotique n’est pas liée aux endorphines (8) : l’injection de naloxone n’annule pas l’effet antalgique en cours. APPORT DE L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE HYPNOSE ET DOULEUR : LES DONNÉES DE LA LITTÉRATURE 194 Comme toutes les interventions psychologiques, l’hypnose pose le problème de son évaluation. Elle ne peut pas faire l’objet d’un double aveugle et ne peut donc être comparée qu’à d’autres interventions validées. Les exigences méthodologiques sont difficiles à satisfaire pour plusieurs raisons : le thérapeute doit utiliser la même induction pour tous sans l’individualiser alors que la pratique nous conduit constamment à nous adapter à chaque individu. Trouver une procédure standardisée orientée sur la pathologie et commune pour tous les patients, définir l’effectivité du fonctionnement hypnotique et trouver un « Gold standard » pour chaque thème à évaluer peut se révéler extrêmement complexe. Ces difficultés sont cependant plus facilement contournables dans le traitement de la douleur aiguë notamment au cours des soins. Certaines équipes ont d’ailleurs préféré utiliser l’auto-hypnose ou un texte type lu à chaque patient pour unifier la technique. Cependant, l’hypnose est, avec les thérapies cognitivo-comportementales, la plus évaluée des psychothérapies, notamment aux USA. L’American Medical Association a décidé de l’intégrer à l’arsenal thérapeutique en 1958. Le National Institutes of Health la recommande depuis 1996 pour soulager les douleurs dans les cancers et les maladies chroniques. Dans une méta-analyse de 18 études, Montgomery et coll. (14) en 2000 ont confirmé l’action de l’hypnose sur la douleur connue depuis plus de 200 ans et l’importance de l’effet de l’hypno-analgésie dans des essais sur des volontaires sains ou sur des patients algiques comparée à des interventions psychologiques non hypnotiques. Dans une méta analyse plus large, sur l’efficacité de l’hypnose dans des pathologies très diverses, publiée en 2003, Flammer et Bongartz (5) ont recensé exclusivement les études cliniques comportant des groupes contrôles randomisés. Aux 57 études retenues sur la période DE L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE APPORT 1887-2002, les auteurs ont ajouté des études non randomisées mais comportant soit des groupes comparatifs, soit des comparaisons en pré et post procédures. La méta analyse s’est ainsi établie sur 133 études. Les techniques hypnotiques ont été séparées entre les formes de suggestions très directes, majoritaires (que nous n’utilisons plus en thérapie), et les méthodes de la « Nouvelle Hypnose » plus indirectes. Elles concernent des pathologies aussi diverses que : insomnie, ulcère duodénal, asthme, céphalées, hypertension, arrêt du tabac, anxiété, préparations à des gestes chirurgicaux ou des soins dentaires, antalgies lors de gestes interventionnels, de pansements chez les brûlés, antalgie et traitement des nausées en cancérologie chez l’enfant et l’adulte. Toutes ont conclu à l’efficacité de l’hypnose sur les thèmes choisis mais aussi sur l’amélioration du vécu de la douleur, la réduction de l’anxiété induite par les gestes et une meilleure récupération à moindre coût. Dahlgren et coll (3) ont étudié l’impact de suggestions hypnotiques relaxantes puis analgésiques chez 32 sujets très hypnotisables soumis à une douleur expérimentale (cold pressor protocol). Ils ont montré que les suggestions relaxantes agissent sur l’aspect déplaisant de la douleur et les suggestions analgésiques sur son intensité. Haanen et coll (7) ont comparé, en 1991, l’hypnose à la relaxation sur 40 patients fibromyalgiques ; l’hypnose s’est avérée significativement plus efficace sur la qualité du sommeil et la fatigue perçue au réveil à 12 et 24 semaines de suivi, mais si elle a réduit l’EVA douleur, le résultat est resté non significatif. Plusieurs études dans la douleur des soins, au cours des gestes de radiologie interventionnelle en néphrologie (10) ou à visée diagnostique dans les pathologies tumorales du sein (15), ou au cours des IVG (11), ont montré un meilleur contrôle de la douleur et de l’anxiété dans le groupe hypnose, avec une diminution de la consommation des produits anesthésiques par rapport à une prise en charge habituelle ou une simple intervention de distraction. Il en résultait un coût global de l’intervention inférieur à une prise en charge habituelle du fait d’une moindre consommation de produit mais également de la durée de la procédure. Stoeb (20) et al ont publié en 2009, une revue de la littérature portant sur l’efficacité de l’hypnose dans le traitement des douleurs aiguës ou chroniques. Ils concluent que : - l’hypnose améliore de nombreux paramètres liés à la douleur par rapport au traitement standard ou à l’absence de traitement ; 195 - l’hypnose est souvent supérieure aux autres interventions non hypnotiques comme l’éducation ou les thérapies de soutien ; - les effets de l’hypnose sont au moins égaux à ceux des autres interventions comportant des éléments proches de l’hypnose, comme la relaxation. APPORT DE L'HYPNOSE DANS LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE HYPNOSE ET LOMBALGIE CHRONIQUE 196 Peu d’études, et elles sont déjà anciennes, portent sur le « traitement » de la lombalgie chronique par l’hypnose. Elles portent sur des pathologies diverses ou des petites séries avec des méthodologies pas toujours rigoureuses ou bien elles n’ont évalué que l’auto-hypnose, plus facile à standardiser. Citons trois d'entre elles : • McCauley et coll. (12) ont comparé, en 1983, la relaxation (n = 8) à l’auto-hypnose (n = 9) chez 17 patients lombalgiques chroniques en 8 séances à raison d’une par semaine après une période placebo de 8 jours préalable. Les évaluations s’effectuaient à J-1 semaine, J0, à 1 semaine après la fin des séances et à J0 + 3 mois. Il existait une amélioration des paramètres mesurés (EVA douleur, questionnaire McGill douleur, niveau de dépression) dans une comparaison avant après traitement. Les deux méthodes ont montré une efficacité équivalente, elles ne se différencient pas. • Spinhoven et coll. (19) ont étudié, en 1989, l’impact de l’auto-hypnose et de l’information didactique sur la gestion de la douleur chez 45 patients souffrant de lombalgies chroniques en cross over avec une période de deux mois entre les deux interventions sans traitement. Les deux traitements ont montré une efficacité similaire et significative dans la baisse de consommation d’antalgiques et sur l’échelle d’appréciation de l’impact psychologique de la douleur, mais pas d’impact sur l’EVA douleur. • Crawford et coll. (2) en 1998, ont expérimentalement montré chez 15 patients lombalgiques l’intérêt d’agir tôt par un auto-apprentissage hypnotique du contrôle de la douleur, associé aux thérapies usuelles, pour éviter sa chronicisation. CONCLUSION L’utilisation de l’hypnose est de plus en plus répandue dans le traitement de nombreuses affections douloureuses. Son intérêt réside dans la grande diversité des suggestions qu’elle peut offrir et donc de pouvoir s’adapter à de nombreuses problématiques rencontrées chez le patient lombalgique chronique, avec très peu d’effets indésirables. Son efficacité doit cependant être démontrée dans des études randomisées de bonne qualité. Becchio J, Jousselin C. (date) De la nouvelle hypnose psychodynamique p.116. 2. 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En résumé • La pathologie s'installe dans l'immobilité, la sclérose imposée au corps par toutes les constructions mentales échafaudées autour du symptôme. • L'hypnose se propose non pas comme une théorie ou une norme, mais comme une possibilité d'imaginer la mobilité par le déplacement de l'attention, de créer l'ouverture remettant le patient dans le présent. 8.4 ACUPUNCTURE Nous n’aborderons que la prise en charge de la lombalgie commune en éliminant les causes de lombalgies symptomatiques d’affections comme les fractures, tassements, les métastases, les infections, la spondylarthrite ankylosante et le syndrome de la queue-de cheval (3). Le siège des zones douloureuses dans la région lombaire ainsi que ses caractéristiques (unilatéralité, irradiations ou non vers les fesses, dans les membres inférieurs…) et l’existence ou non de points gâchettes, permettent le choix de différents points à poncturer lors de la prise en charge. La prise en charge thérapeutique fait la part belle à une théorie moderne qui repose sur la sécrétion neuro-hormonale déclenchée par la piqûre dans une zone douloureuse. La piqûre entraîne une libération de peptides opioïdes notamment de bêta endorphines qui jouent un rôle important dans l’analgésie acupuncturale. Dans un travail de recherche, qui est devenu une référence dans l’acupuncture, les concentrations de bêta endorphines dans le LCR de patients souffrant de douleur sont augmentées, tandis que le groupe témoin, sans acupuncture, n’a eu aucun changement (2). Des études ultérieures ont montré que l’effet de l’acupuncture provoque une augmentation graduelle des endorphines pour atteindre un pic au bout de 20 minutes, s’atténuant ensuite après avoir retiré les aiguilles. Il faut noter que dans la tradition une séance d’acupuncture dure environ 20 à 25 minutes. La preuve que les peptides opioïdes sont impliqués dans l’acupuncture a été renforcée par la découverte de certains effets qui peuvent être inversés par la nalaxone (6, 8, 11). D’autres transmetteurs sont concernés autant que les opioïdes : comme la sérotonine qui est un transmetteur important dans le contrôle de la douleur, impliqué au niveau du tronc cérébral dans l’activation du contrôle descendant de la douleur, l’ocytocine qui a des effets analgésiques, anxiolytiques et sédatifs (12) et enfin, l’adénosine ACUPUNCTURE Bruno Ternisien d’Ouville 199 ACUPUNCTURE 200 naturellement présente dans l’organisme qui joue un rôle important dans les propriétés anti-nociceptives de l’acupuncture. L’acupuncture provoque une production locale d’adénosine (5). La composante sensorielle de la douleur est enregistrée au niveau du cortex somato sensoriel et la composante affective au niveau du système limbique. À partir d’études d’imagerie, il existe des preuves solides que l’acupuncture a un effet sur le système limbique (7, 10). La théorie traditionnelle en acupuncture repose sur l’implantation d’aiguilles dans les zones douloureuses à la palpation (points gâchettes ou trigger points), dans les points d’acupuncture portés par les méridiens passant le long de la colonne vertébrale (1). Le siège de la douleur ainsi que ses irradiations (lombaire, sacro iliaques, fesses, membres inférieurs) permet d’évoquer le type de méridien en cause et donc de choisir certains points lors du traitement : - Points locaux : ce sont vessie 23 renforce le dos, vessie 25, vessie 26 qui sont des points situés de chaque côte de la colonne vertébrale s’étageant de L1 à L5 (13,14). - Trigger points : ce sont des points sensibles au niveau des inter épineuses, des articulations sacro iliaques, du sommet des fesses, dans les muscles paravertébraux qui doivent être piqués. - Quant aux points à distance, il y en a plusieurs : cœur 7 qui calme les lombalgies en calmant aussi l’esprit, intestin grêle 3 et vessie 62, ces deux points peuvent être associés. Quant à vessie 60, il s’agit d’un point antalgique par excellence, quelquefois appelé aussi point « aspirine » (4). Cette liste de points est loin d’être exhaustive ; on peut les utiliser et les associer en fonction du caractère de la douleur, de ses irradiations et de l’état du patient. Plusieurs médecins ont mené des études qui ont montrées comment l’acupuncture pouvait faire économiser de l’argent à la sécurité sociale britannique. Myers et al. ont trouvés que les patients ayant bénéficié d’acupuncture ont utilisés de plus petites quantités d’antalgiques et d’anti inflammatoires pendant les six mois suivants (9). Dans l’ensemble, l’acupuncture a un rôle à jouer dans la gestion de la douleur chronique du dos. Son taux de réussite peut sembler modeste quoique respectable en comparaison à d’autres traitements dont les effets indésirables nuisent à leur poursuite. Les compagnies d’assurances allemandes ont décidé de rembourser l’acupuncture pour « le mal de dos » pour cette même raison.(15) CONCLUSION La mise en évidence de l’action de l’acupuncture sur le Système nerveux périphérique(fibres Adelta, etc.), sur le Système Nerveux Central via les contrôles inhibiteurs spinaux et supra-spinaux, ainsi que le rôle des systèmes opioïdes, adrenergiques, cholinergiques, GABAergiques, en font une technique utilisable dans la prise en charge du patient douloureux (15). Bibliographie 1. Bossy J, Guerin F, Nguyen TT. (1996) Acuponcture et médecine traditionnelle p 224. Ed Satas. 2. Clément-Jones, McLoughlin L, Tomlin et al. (1980). Increased beta-endorphin but not met-enkephalin levels in humancerebrol spinal fluid afteracupuncture for recurrent pain. Lancet 316: 945-947. 3. Deroq D. (2001) Lombalgie commune – acte du 14e congrès d’acuponcture Afera p11-27. 4. Giovanni M. (1997). Lombalgie et sciatalgie. Ch. 24, p. 609 614. Pratique de la médecine chinoise. Ed Satas. 5. Goldman N. (2010) Expérience sur le genou d’une souris. Nature neurosciences jul. 13 (7) 883 8. 6. Han J, Terenius L (1982) Neurochemical basis of acupuncture analgésia. Annual Review of Pharmacology and Toxicology 22:193 220. 7. Hui KK, Liu J, Makris N et al. (2000). Acupuncture modulates the limbique system and subcortical gray structures of human brain: evidence from fMRI studies in normal subjects; Human Brain Mapping, 9(1):13 25. Mayer DJ, Price DD, Rafii A (1977). Antagonism of acupuncture analgesian man by the narcotic antagonist naloxone. Brain Research 121: 368-372. 9. Myers CP (1991). Acupuncture in general practice: effect on drug expenditure. Acupuncture in Medicine 9: 71 72. 10. Pariente J, White P, Frackowiac RS et al. (2005). Expectency and belief modulate the neuronal substrates of pain treated by acupuncture. Neuroimage 25(4): 1161-1167. ACUPUNCTURE 8. 201 11. Pomeranz B, Chiu B (1976). Naloxone blockade of acupuncture analgesia: endorphin implicated. Life Sciences 19 (11): 1757 1762. 12. Uvnas-Moberg, Breselius G, Alster P et al. (1993) The antinociceptive effect of nonnoxius sensory stimulationis mediated partly through oxytocinergic mechanisms. Acta Physiologica Scandinavica149: 199 204. 13. Wang P, Duhamel O (1991). Abrégés d’acuponcture p 114. Ed Masson. 14. Wang, XiZhe (1999) La lombalgie en médecine traditionnelle chinoise, préface du docteur E. Kiener. P 39 41, ch 2. Ed. Institut Yin-Yang. 15. White A, Cummings M, Filshie J. (2011) Précis d'acuponcture médicale occidentale. p.109-110;113. Préface du docteur J.M. Stephan. Ed. Elsevier Lemasson. En résumé • L'acupuncture n'est pas la panacée, mais son utilisation, seule ou associée à l'allopathie et à d'autres techniques, permet d'améliorer la qualité de vie des patients douloureux. • Des essais cliniques randomisés (15) avec des niveaux de preuves suffisants, montrent une certaine efficacité ; l'absence d'effet secondaire et de contre-indication fait que l'acupuncture pourrait être proposée plus précocement dans la prise en charge de la douleur. 202 9. INFILTRATIONS ET LOMBALGIE Violaine Foltz L’ensemble des recommandations de la prise en charge de la lombalgie soulignent la nécessité d’intervenir à deux niveaux : soulagement et maintien de l’activité. Le maintien ou la remise en activité peut se faire par différents moyens, plus ou moins « lourds » selon la chronicité de la douleur, ses répercussions dans les activités de la vie quotidienne, ses répercussions au niveau moral, social… Concernant le soulagement, différents moyens sont proposés dont les infiltrations en sus ou à la place des médicaments, des manipulations, voire la chirurgie. INFILTRATIONS Proposer des infiltrations dans le cadre de la lombalgie sous-entend que l’on est essentiellement dans un contexte de lombalgie commune et que l’on a identifié la cause de la douleur (zone que l’on veut infiltrer). Éliminer une cause symptomatique de lombalgie semble relativement simple. En revanche, reconnaître l’étiologie exacte de la douleur semble beaucoup plus ambitieux. En effet, le groupe des lombalgies est très hétérogène en termes de durée (douleurs aiguës et chroniques), d’intensité et d’étiopathogénie (douleurs discogèniques, non discogéniques, non spécifiques…) rendant difficile leur évaluation et leur prise en charge thérapeutique. Les études épidémiologiques suggèrent que les lombalgies résultent de l’atteinte de différentes structures incluant les ligaments, les articulations postérieures, le périoste des corps vertébraux, les muscles et fascias paravertébraux, les vaisseaux, le disque intervertébral et les nerfs (9). Dans près de 85 % des cas, le diagnostic précis anatomique ne peut être donné (9). Cela est d’autant plus difficile qu’il y a peu de corrélation entre la clinique et l’imagerie (9). Cela signifie que les anomalies radiologiques n’ont par forcément de traduction clinique et que l’imagerie moderne (scanner, IRM…) ne permet pas de voir toutes les causes ET LOMBALGIE INFILTRER EN FONCTION DE QUELS SYMPTÔMES ? 203 douloureuses. Cette problématique de l’étiologie de la douleur est rendue encore plus difficile lorsque l’on connaît la complexité des phénomènes douloureux ou différents facteurs intriqués peuvent intervenir : physique, psychologique, ethnoculturel, affectif, cognitif, comportemental et environnemental. Une seule anomalie a démontré une bonne corrélation radio clinique, le Modic 1 (18). Cette anomalie décrite en IRM correspondant à un hyposignal T1 des plateaux, vertébraux se réhaussant en T2. Elle est associée quasi systématiquement à un tableau douloureux plutôt d’horaire inflammatoire qui pourrait être expliqué par les phénomènes inflammatoires observés localement ou systémique (26). Dans le cadre de la lomboradiculalgie, le problème est différent car on recherche sur l’imagerie la zone à infiltrer correspondant à la zone de conflit. Néanmoins, les données sont aussi un peu plus compliquées puisqu’un certain nombre d’anomalies sont asymptomatiques et que, là encore, l’expression et le vécu de la douleur et de son intensité varient d’un sujet à l’autre. Au total, l’interrogatoire et l’examen clinique visent à éliminer une lombalgie symptomatique et à définir avec l’imagerie si besoin, la zone qui semble impliquée dans la douleur du patient pour éventuellement proposer une infiltration. INFILTRATIONS ET LOMBALGIE POURQUOI INFILTRER ? 204 L’indication des infiltrations est la douleur. Les recommandations reposent à n’importe quel stade sur une réassurance, un contrôle des symptômes douloureux et le maintien ou la reprise de l’activité (36). On distingue la douleur aiguë qui, dans la majorité des cas, évolue favorablement spontanément en quelques semaines (9) ne justifiant donc pas de traitement invasif et/ou agressif. En cas d’insuffisance d’efficacité des médicaments habituellement utilisés dans le syndrome douloureux aigu, les infiltrations rachidiennes peuvent se discuter. L’objectif est dans ce cas d’aider à passer un cap douloureux difficile pour aboutir à la guérison. Dans le cadre de la douleur chronique, les infiltrations sont le plus souvent proposées lors d’une exacerbation de l’intensité de la douleur. L’objectif n’est plus alors vraiment la guérison mais le retour à l’intensité des douleurs antérieures. COMMENT AGISSENT LES INFILTRATIONS ? Durant ces dernières années, il a été démontré que le mécanisme des douleurs, notamment dans les radiculalgies, n’impliquait pas uniquement un phénomène compressif mécanique. Ces conclusions ont découlé de plusieurs observations (37) : résorption spontanée fréquente non chirurgicale des fragments discaux herniés, persistance des images de hernie discale malgré la guérison des patients, présence de hernie discale sur l’imagerie de patients asymptomatiques, symptômes lombaires et radiculaires en l’absence de hernie discale. Ainsi d’autres hypothèses probablement intriquées, ont été avancées (37) : phénomène d’hypoxie radiculaire, intervention de neuropeptides, de médiateurs immunohistochimiques et de médiateurs de l’inflammation. Il semble donc que des phénomènes micro inflammatoires locaux (non visible à l’imagerie), d’adhérence neurologique et/ou vasculaire puissent intervenir dans les causes douloureuses. L’idée d’utiliser les infiltrations repose sur l’espoir de palier et d’inhiber les phénomènes inflammatoires en injectant localement des produits ayant une action anti-inflammatoires. En effet, les corticoïdes sont connus pour avoir une action anti-inflammatoire, liée à l’inhibition de la synthèse de prostaglandine et de la réponse immunitaire. Ils ont également un rôle antalgique en inhibant la synthèse et l’action des neuropeptides, en bloquant la conduction des fibres C. INFILTRATIONS Plusieurs localisations d’infiltrations lombaires sont proposées : les infiltrations épidurales (ED), articulaires postérieures (IAP), loco dolenti, intradurales et intradiscales. • Les infiltrations épidurales comprennent elles-mêmes trois zones d’infiltrations différentes : les infiltrations par la voie inter-épineuse (ED-IE), les infiltrations par la voie du hiatus saccro-coccigien (ED-HSC), et les infiltrations trans-foraminales (ED-TF). Les deux premières techniques s’effectuent en général sans contrôle scopique. Cependant, dans ce cas, White et coll ont montré que l’aiguille n’était correctement placée que dans 75 % des ED-HSC et 70 % des ED-IE (39). Au contraire, d’autres équipes ont montré que les ET LOMBALGIE QUELLES SONT LES LOCALISATIONS RACHIDIENNES « INFILTRABLES » ? 205 INFILTRATIONS ET LOMBALGIE ED-IE étaient plus fiables puisque mieux placées que les ED-HSC (93 % versus 64 %)(24). Dans la même étude, les auteurs ont étudié les facteurs prédictifs de succès de l’infiltration qui sont l’indice de masse corporel, l’expérience de l’opérateur et la voie d’injection choisie. Les auteurs en concluent qu’il n’est pas nécessaire de faire une infiltration ED-IE sous contrôle scopique sauf chez les patients obèses. En revanche pour eux le contrôle radiographique serait indispensable lors des ED-HSC. Plusieurs raisons théoriques font en général préférer la voie ED-IE : la structure anatomique varie moins, le placement de l’aiguille est donc plus facile, l’injection se fait à proximité des zones pathologiques ciblées, l’effet potentiellement bénéfique du produit aurait donc une concentration plus importante et plus proche de la lésion. Au contraire, dans les ED-HSC, le corticoïde doit traverser une zone large et profonde avant d’atteindre le site désiré. Enfin cette technique est en général plus douloureuse. Le HSC présente cependant un certain nombre d’avantages : il comporte a priori moins de risques lorsque le patient a été opéré au niveau rachidien et le risque d’effectuer une ponction lombaire accidentelle est diminué. Les ED-TF consistent à injecter un corticoïde à proximité de la racine nerveuse douloureuse dans son passage foraminal. Elle nécessite, de façon systématique, un contrôle scopique ou, mieux, scannographique pour vérifier le bon placement de l’aiguille et l’absence de fuite vasculaire. 206 Au total les infiltrations ED sont largement effectuées lors de la présence d’un syndrome radiculaire. Le choix entre telle ou telle technique se fait en fonction d’un certain nombre de critères. Les ED-IE sont en général faites en première intention sans contrôle scopique sauf en cas de surpoids, de déformation importante de la colonne vertébrale. Les ED-HSC sont faites prioritairement en cas d’antécédent de chirurgie ou d’arthrose inter épineuse évoluée. Enfin, selon les recommandations de l’AFSSAPS d’octobre 2008, les injections ED-TF radioguidées ne doivent pas être réalisées en première intention et s’adressent au traitement des lomboradiculalgies communes, rebelles au traitement médical (pouvant inclure des injections épidurales inter-épineuses) bien conduit et chez un patient informé des risques d’accidents neurologiques. • Les infiltrations articulaires postérieures (IAP) nécessitent un contrôle scopique ou scannographique. Ces dernières se comportent comme de véritables articulations en étant composées des mêmes structures (carti- lage, capsule, synoviale). Elles sont richement innervées par la branche postérieure nociceptive des nerfs rachidiens. En dehors des traitements médicamenteux, de la rééducation, des mobilisations, les IAP ont été proposées dans la prise en charge diagnostique et/ou thérapeutique de douleurs secondaires à une atteinte des articulations postérieures. La difficulté réside dans le fait qu’il n’existe pas de syndrome clinique ni de signe d’imagerie pathognomonique permettant de définir une atteinte articulaire postérieure de façon fiable et reproductible (27). Pour essayer de sensibiliser l’implication des articulaires postérieures dans l’origine douloureuse, certains utilisent la réponse aux injections locales de produit anesthésiant. Deux techniques ont été décrites : les injections intra-articulaires et les blocs. C’est un test simple dont l’objectif est de contenir le produit à l’intérieur de l’articulation. La disparition de la douleur après injection de l’anesthésiant impliquerait l’articulaire dans la genèse des douleurs et inciterait à une injection complémentaire de corticoïdes pour prolonger l’effet de l’anesthésiant. Cependant ces effets dépendent de la bonne diffusion du produit en intra-articulaire et toute rupture capsulaire risque de fausser les résultats (cf. chapitre efficacité des infiltrations). Une efficacité réitérée du bloc articulaire postérieur peut amener à proposer une thermocoagulation du nerf articulaire postérieur scannoguidée. QUELS TYPES DE PRODUIT ? L’acétate de methylprednisone est le corticoïde le plus utilisé dans la littérature. D’autres corticoïdes sont également injectés dans les différentes études publiées : sels de triamcinolone, diacetate de triamcinolone, betamethasone, acetate/propionate betamethasone et la dexamethasone. INFILTRATIONS • Enfin, les infiltrations intradurales et intra discales, on le verra, sont aujourd’hui très peu utilisées. ET LOMBALGIE • Les infiltrations locales correspondent à toutes les infiltrations non décrites précédemment. Elles sont le plus souvent effectuées en loco dolenti, et regroupent des techniques et des localisations considérablement différentes pour des symptômes très hétérogènes. Elles correspondent en règle générale à des infiltrations sans contrôle radiographique au niveau du point douloureux. 207 ET LOMBALGIE INFILTRATIONS 208 En France, seules deux suspensions : l’acétate de prednisolone (Hydrocortancyl®) et le cortivasol (Altim®) disposent d’une AMM dans les injections. Dans la mesure où l’Altim® ne peut pas être injecté par voie intradurale (toujours possible, de brèche durale lors d’une infiltration épidurale), ce produit n’était jusqu’à présent que peu utilisé. Néanmoins, la majorité des accidents neurologiques (cf. chapitre effets secondaires) ayant eu lieu avec l’acétate de prednisolone, la tendance est aujourd’hui d’utiliser davantage l’Altim®. Cependant, compte tenu des habitudes des praticiens, il semble que ce produit soit peu utilisé pour les injections cortisoniques rachidiennes radioguidées. De ce fait, il n’y a pas de donnée suffisante disponible permettant d’établir l’innocuité de l’Altim®. Le rationnel pour expliquer la plus grande fréquence des accidents neurologiques de l’Hydrocortancyl® par rapport à l’Altim® serait que la taille des agrégats cristallins de la suspension du premier produit est supérieure à celle du second favorisant ainsi les emboles de dérivé cortisonique et l’obstruction d’une petite artère à destinée médullaire. Il n’existe aucune preuve directe de ce mécanisme dans les accidents rapportés mais la taille des particules des diverses suspensions cortisoniques, pourrait ici jouer un rôle. Aucun travail n’a comparé l’efficacité d’un produit versus un autre. Les corticoïdes sont injectés seuls ou en dilution avec d’autres produits. Les anesthésiques locaux ou le sérum physiologique sont dans ce cas utilisés. Une seule étude randomisée, prospective, a comparé la dilution des corticoïdes avec du sérum physiologique ou des anesthésiques locaux, sans montrer de différence entre les différentes préparations (42). Malgré l’absence de preuve, plusieurs avantages théoriques peuvent être rapportés en faveur de la dilution avec un anesthésique. L’amélioration immédiate, spectaculaire de la douleur produit un effet psychologique bénéfique pour le patient. Par ailleurs, l’anesthésique permettrait d’améliorer la relaxation musculaire en cassant le cycle vicieux « douleur musculaire - spasme - ischémie ». QUELLE DOSE INJECTER ? La dose à injecter lors des infiltrations épidurales est arbitraire car aucune étude ne les a comparées. Dans l’AMM de l’Hydrocortancyl®, le volume maximal à injecter est de 2 ml par injection, alors que dans celle de l’Altim®, le volume maximal recommandé est de 1,5 ml par séance (sachant que la posologie habituellement utilisée est de 0,5 à 1,5 ml selon la localisation). Dans une analyse portant sur plusieurs études, l’effet de l’injection semblait indépendant du volume total injecté (17). Dans une revue beaucoup plus récente, Rabinovitch et al ont évalué l’influence du volume injecté en épidurale sur le soulagement des symptômes douloureux (25) et retrouvaient des résultats contradictoires. Il existait une corrélation positive entre un volume injecté plus important et le soulagement de la douleur lombaire et/ou radiculaire. Ces résultats doivent être néanmoins confirmés par des études de qualité supérieure. Au total pour les infiltrations épidurales, il semble qu’il soit nécessaire que le volume soit suffisant pour pouvoir atteindre l’objectif désiré, mais pas trop important pour ne pas avoir d’effet compressif ou totalement fuir en dehors de l’espace désiré. Lors des IAP, le volume maximum à injecter ne doit pas dépasser 2 cc. La plupart des auteurs recommandent même la dose de 1,5 cc. Au-delà le produit peut diffuser dans l’espace épidural, péridural ou dans les tissus péri rachidiens, rendant ce geste moins spécifique. Dans les études concernant les infiltrations locales, les intradurales et les intradiscales, ces paramètres n’ont jamais été évalués, ni définis. INFILTRATIONS Aucun travail ne s’est réellement intéressé à la première question. Les études sont très hétérogènes concernant le nombre d’infiltrations à proposer. En revanche, dans une revue récente, il était noté que des patients non soulagés par la première infiltration épidurale, pourraient l’être après une deuxième ou une troisième (35). Il ne semble pas y avoir d’intérêt à effectuer plus de trois infiltrations ; de même, il n’y a aucune information disponible permettant de savoir si des injections supplémentaires sont nécessaires lorsque la première injection a permis d’obtenir une indolence. La question de la fréquence des injections n’est également pas résolue. Swerdlow et Sayle-Creer suggéraient qu’une infiltration de methylprednisolone pouvait rester in situ plus de deux semaines (33). Existe-t-il un intérêt à répéter le geste dans l’espoir d’obtenir un effet cumulatif des doses ou faut-il patienter et voir si le sujet rechute ? La question reste sans réponse sauf si l’on se base sur l’étude de Green et coll (12). Dans ce travail, ET LOMBALGIE NOMBRE ET INTERVALLE DES INJECTIONS ? 209 les auteurs montraient que plus de la moitié (63 %) des patients étaient soulagés dans les six jours, contre seulement 37 % au deuxième jour. Il n’y aurait donc pas d’intérêt à refaire une deuxième infiltration avant six jours si le patient est soulagé, le risque étant de le « surtraiter ». Il n’y a, par ailleurs, aucune donnée dans la littérature sur la conduite à tenir lorsque le patient rechute. Le risque de la dose cumulée des produits utilisés et le risque du geste doivent être contrebalancés avec le bénéfice du traitement. En ce qui concerne les IAP, il n’y a pas d’intérêt à réaliser d’autres infiltrations lorsque la première n’a pas donné de résultats. Il n’y a pas de données sur la « récidive » des infiltrations intra-discales mais compte tenu de leur faible évaluation, de leur côté invasif, il ne semble pas recommandé de les prescrire à nouveau chez un patient, notamment dans un délai court. QUELS SONT LES RÉSULTATS ? Les lombalgies affectent un grand nombre de personnes à un moment ou à un autre de leur vie. Dans la majorité des cas, ces douleurs disparaissent spontanément en quelques semaines (9) ne justifiant donc pas de traitement « agressif ». Le traitement consiste alors à soulager le patient et à le remettre en activité aussi rapidement que possible. Les infiltrations font partie de « l’arsenal » thérapeutique de ces douleurs chroniques : sont-elles réellement efficaces ? INFILTRATIONS ET LOMBALGIE Épidurales 210 Il n’y a aucun argument permettant d’utiliser les injections épidurales dans le traitement des lombalgies aiguës sans radiculopathie (30). En revanche, pour les lombalgies chroniques, elles sont utilisées mais leur pratique est discutée. Dans une revue incluant 15 études en 1999, Koes et al concluaient qu’il n’y avait aucune évidence en faveur de l’efficacité des infiltrations épidurales chez les patients souffrant de lombalgies chroniques sans irradiation sciatique (14). Jusqu’au développement de l’evidence based medecine dans les années 70, l’efficacité des traitements était basée sur les études observationnelles traditionnelles et le jugement d’experts. Les études cliniques et les expertises considéraient les épidurales comme efficaces pour le traitement des radiculopathies. Cependant, à la Dans le cadre de la lomboradiculalgie sur canal lombaire rétréci : • Résultats de la littérature sur les ED-IE. Les études observationnelles sont en faveur d’une efficacité à court terme. Une étude prospec- INFILTRATIONS Dans le cadre de la lomboradiculalgie d’origine discale : • les ED-IE ont le plus souvent été étudiées. Dans deux revues récentes Boswell et al en 2003 (4) et Abdi et al en 2007 (1) rapportaient une efficacité modérée à forte des épidurales à court terme mais limitée à long terme. Parr et al ont évalué dans leur revue de haute qualité méthodologique l’efficacité des ED réalisées en aveugle de scopie (21). Leur conclusion est proche : preuve modérée de l’efficacité sur la douleur à court terme, et preuve limitée de leur efficacité à long terme. • Les ED-HSC ont été étudiées dans trois revues systématiques (1, 4, 8). Les trois rapportent des résultats similaires : preuve forte d’efficacité à court terme et modérée à plus long terme. • Aucune des études évaluant les ED-IE ou ED-HSC n’a démontré avoir une efficacité sur le recours à la chirurgie. Néanmoins, les résultats des études observationnelles ou contrôlées comparant chirurgie versus traitement conservateur ne montrent pas franchement de différence à moyen et long termes sur la douleur et la fonction entre les deux groupes (3, 22, 38). • Les ED-TF sont le plus souvent effectuées sous contrôle scopique après injection d’un produit de contraste. Quatre études randomisées de design différents ont été réalisées (13, 20, 28, 34). Trois sur quatre ont conclu à une efficacité de ces infiltrations. Une de ces études a montré une réduction du recours à la chirurgie (28). Deux des trois études qui comparaient les injections épidurales aux trans-foraminales ont montré une meilleure évolution avec le deuxième type d’injection. Les résultats d’une méta-analyse très récente reprenant toutes les données des études randomisées contrôlées contre placebo et évaluant l’efficacité des infiltrations épidurales vont dans le sens des résultats préalablement présentés (23). Quelle que soit la voie d’injection, les données poolées sont en faveur d’une efficacité significative, bien que faible, des injections ED de corticoïde sur la douleur radiculaire et l’incapacité à court terme. À long terme, les données poolées donnaient des résultats plus faibles et non significatifs. ET LOMBALGIE fin du XXe siècle, plusieurs revues systématiques commençaient à montrer qu’il n’y avait pas preuve claire en faveur des ED. 211 ET LOMBALGIE INFILTRATIONS 212 tive randomisée a comparé l’effet d’une infiltration épidurale sans contrôle scopique d’un anesthésique plus un corticoïde versus l’injection intramusculaire des mêmes produits (40). Les patients souffraient d’une lombosciatique depuis au moins six semaines, dont l’intensité justifiait le recours à la chirurgie. 93 patients, dont 32 avaient une sténose canalaire, ont été inclus. Six semaines après l’injection, une infiltration ED de corticoïdes a été réalisée à tous les patients non améliorés par la première injection. À J 35 une amélioration statistiquement significative de la douleur était constatée dans le groupe épidural. Cette différence est devenue significative 10 jours après l’injection. Une deuxième injection épidurale a été réalisée dans 16 cas (7 dans le groupe épidurale, 9 dans le groupe intramusculaire). 35 % des patients ont dû être opérés (pas de différence significative entre les groupes). À long terme aucune différence n’était observée entre les groupes. Campbell et al dans un autre travail (5) ne notaient pas de relation entre la taille du canal et l’efficacité des infiltrations. • Résultats de la littérature sur les ED-HSC. Les résultats ont été étudiés dans une étude contrôlée randomisée. L’étude randomisée de Manchikanti (16) comparait l’injection sous contrôle scopique de lidocaïne à celle de lidocaïne plus bethamethasone. Les patients se plaignaient d’une douleur lombaire et des membres inférieurs de plus de 6 mois et étaient en échec du traitement conservateur incluant exercices physiques, médicaments repos et manipulations chiropractiques. Les injections étaient faites en ambulatoire sous scopie, et répétées en fonction de la réponse. Les critères évaluation : douleur, fonction, statut professionnel, recours aux opiacés, étaient mesurés à 3, 6 et 12 mois post-traitement. Vingt patients ont été inclus dans chaque groupe. Les patients se sont améliorés dans les deux groupes, sans différence entre les groupes. • Résultats de la littérature sur les ED-TF. Il n’y a pas d’étude spécifique dans la littérature. En résumé, les études d’efficacité des infiltrations dans le canal lombaire rétréci et/ou la lombosciatique par hernie discale ne permettent de montrer une efficacité que pour la douleur et l’incapacité, et seulement à court terme. Infiltrations articulaires postérieures Puisqu’il n’existe pas de signe reproductible, fiable cliniquement ou radiologiquement, spécifique de l’atteinte des articulations posté- ET LOMBALGIE INFILTRATIONS rieures, certains se basent sur la réponse aux injections locales de produit anesthésiant pour faire le diagnostic et décider la zone à infiltrer. Ces injections ont permis d’évaluer la prévalence des lombalgies par atteinte articulaire postérieure qui varie de 7,7 à 75 % lorsque l’on utilise une injection unique et de 15 à 40 % lorsqu’un double test anesthésique est utilisé (27). En effet, les injections uniques ont un taux élevé (25 à 38 %) de faux positifs et une faible spécificité (62 %). L’avantage des doubles injections serait ainsi d’améliorer la spécificité de ce test, de diminuer le taux de faux positifs et de déterminer avec davantage d’exactitude le niveau symptomatique. Malgré les doutes qui subsistent quant à sa validité et son manque de spécificité en tant que test gold standard, Revel et al suggèrent que l’injection test unique reste un test acceptable pour la sélection de patients ayant une possible lombalgie par atteinte articulaire postérieure à condition d’établir un cut-off et que seuls les patients améliorés à plus de 75 % soient considérés répondeurs (27). Ce test reste, pour le moment, débattu compte tenu de son manque de validité, du temps d’évaluation qu’il requiert, de son irradiation potentielle (test sous scopie) et de son caractère invasif. Il semble donc impossible d’identifier avec certitude une lombalgie induite par une atteinte articulaire postérieure, rendant difficile l’évaluation de l’efficacité du traitement. Aucune étude n’a évalué les lombalgies aiguës uniquement. Plusieurs études ouvertes anciennes incluant à la fois des lombosciatiques et des lombalgies ont été publiées. L’amélioration des douleurs à court terme oscille entre 22 et 76 % et à long terme (au-delà de 6 mois) entre 18 à 63 %. Aucun facteur prédictif de réponse n’a été identifié à partir de ces études. Quelques études contrôlées ont été publiées (6, 15). Avec un recul de trois mois, aucun de ces travaux n’a montré de différence significative entre les différents groupes (corticoïdes versus placebo ou anesthésiques locaux) en termes de douleur, d’amélioration globale, de reprise du travail. Seule l’étude de Carette et coll a trouvé à 6 mois, une différence significative entre les groupes sur la douleur et l’incapacité fonctionnelle en faveur du groupe traité par injection de corticoïde versus sérum physiologique (6). Cependant, plusieurs patients ont eu recours à des traitements parallèles en nombre supérieur dans le groupe traité. L’avantage de l’étude de Carette et coll est de n’avoir inclu et randomisé que les patients ayant eu une amélioration à plus de 50 % de leurs douleurs après un test anesthésique intra-articulaire (6). Ce critère peut 213 cependant paraître insuffisant si l’on se réfère à ce qui a été dit précédemment sur la nécessité d’un cut-off plus élevé. Dans les autres études randomisées, les injections étaient effectuées en intra ou en péri articulaire. Par exemple, l’étude de Lilius et coll a inclus 109 lombalgiques randomisés en trois groupes : injection intraarticulaire de corticoïdes et d’anesthésique versus la même injection en péri-articualaire versus injection intra-articulaire de sérum physiologique seul (15). Les auteurs n’ont ni retrouvé de différence entre ces trois groupes, ni par conséquent de supériorité des infiltrations intra-articulaire. On peut cependant critiquer, là aussi, la méthodologie, compte tenu de l’importance du volume du produit injecté (8 cc) largement supérieur à ce qui est normalement admis (environ 2 cc). Enfin, dans une revue récente, les auteurs concluaient que les infiltrations articulaires postérieures semblaient inefficaces (19). En conclusion, les preuves concernant l’efficacité des infiltrations articulaires postérieures dans la lombalgie sont insuffisantes et le resteront probablement tant que le syndrome facettaire ne sera pas mieux défini. Intradurales La seule étude publiée concernant les infiltrations intradurales est l’étude de Rocco dans les syndromes douloureux post-laminectomie (29). Compte tenu de leurs graves complications et l’absence de supériorité par rapport aux épidurales, elles sont aujourd’hui abandonnées. INFILTRATIONS ET LOMBALGIE Loco dolenti 214 Les infiltrations locales regroupent un ensemble mal défini de gestes et techniques. Elles sont effectuées pour divers syndromes (syndrome de la crête iliaque, syndrome myofascial, lombalgies « non spécifiques ») dans des sites différents (ligament ilio-lombaires, point douloureux, point d’acupuncture…). Dans les différentes études retrouvées, il est parfois difficile de préciser la localisation des injections réalisées. Dans leur revue, Nelemans et coll ont revu les données des trois études évaluant les patients à court terme et ont montré ainsi qu’il n’y a pas de différence significative entre les différents groupes traités (19). Une seule étude a évalué les symptômes avec un recul de 6 mois révélant une différence entre les deux groupes qui se maintient (88 % versus 39 % ; RR = 0.79) (19). Ces résultats sont actuellement insuffisants pour conclure à l’efficacité ou à l’inefficacité des injections locales et montrent la nécessité d’études avec des tableaux cliniques mieux définis et plus homogènes. Intradiscales INFILTRATIONS Deux études randomisées en double aveugle ont été publiées avec d’autres produits. L’une d’elles a comparé l’injection de Depomédrol ® à celle de Bupivacaïne ® (31). L’évaluation à 10-14 jours montre que 21 % des patients sont améliorés dans le groupe corticoïde versus 9 % dans le groupe anesthésique. En ce qui concerne l’évaluation des critères objectifs (score de la douleur et indice d’Oswestry), aucun bénéfice n’était noté. Le nombre de patients dans cette étude est faible (25 patients au total) et leur symptomatologie n’est pas précisée, les critères d’inclusions étant portés sur la présence de lésions annulaires ou de protrusions discales révélées par l’IRM ou la discographie. Dans la seconde étude, l’injection intradiscale d’hydrocortisone a été comparée à celle de chimiopapaïne (11). L’efficacité des deux produits dans cette étude était comparable avec un taux de succès proche de 50 %. Cependant, dans ce travail, les ET LOMBALGIE Les données concernant la reproduction de la douleur lombaire lors d’une discographie effectuée en tant que test diagnostic sont très divergentes. Certains la considèrent comme un bon outil, reproductible, spécifique de douleur discogénique et sans danger permettant de proposer alors soit une injection de corticoïde dans le disque soit un geste chirurgical (2). Pour d’autres, l’intensité de la douleur reproduite est trop fortement influencée par l’émotion, le profil psychologique du patient, son comportement face à la douleur chronique et la notion d’un conflit avec recherche de bénéfice secondaire (7). Ce test d’après les mêmes auteurs n’est pas reproductible. Les injections intradiscales de corticoïdes ont tout d’abord montré des résultats positifs dans des séries contrôlées ou non sur des patients présentant des symptomatologies hétérogènes, essentiellement lombosciatiques. Cependant, par la suite avec l’hexacétonide de triamcinolone, des affaissements discaux et l’apparition de calcifications discales et épidurales ont été constatés, faisant abandonner l’utilisation de ce produit en intra rachidien. 215 patients présentent des symptômes hétérogènes et les meilleurs résultats sont observés pour les patients hospitalisés en structure privée. En conclusion, les indications d’un tel traitement doivent être largement définies dans la lombalgie et leur efficacité davantage étudiée. INFILTRATIONS ET LOMBALGIE QUELS SONT LES FACTEURS PRONOSTIQUES DE MAUVAIS RÉSULTATS ? 216 Plusieurs facteurs pronostiques ont été associés à un résultat péjoratif des ED (32). Il s’agit de la présence de douleur lombaire chronique sans radiculopathie, d’une fibrose ou d’une douleur post laminectomie, d’une consommation tabagique, de l’abondance des traitements antérieurs, d’être sans emploi ou en accident de travail, d’avoir un examen neurologique normal ou une paralysie neurologique complète (motrice, sensitive ou réflexe), d’avoir un problème psychologique sous-jacent. Ainsi, il semble que les infiltrations épidurales ne sont pas à proposer dans le cadre de la lombalgie (sans radiculalgie), de signe de lésion neurologique ou dans le cadre de patient présentant des facteurs prédictifs de chronicité (litige au travail, difficulté social et psychologique). Dans ce dernier cas, une prise en charge plus globale et non centrée uniquement sur l’efficacité des infiltrations s’impose. Pour les IAP, Goupille et coll ont étudié dans une étude rétrospective ces facteurs pronostiques (10). L’âge, le sexe, l’existence d’une surcharge pondérale et le nombre d’infiltrations n’influençaient pas les résultats du traitement. En revanche, le fait d’être travailleur de force, en accident de travail ou d’avoir des antécédents de discectomie constituaient des facteurs de mauvais pronostic. Les autres types d’infiltrations n’ont pas fait l’objet d’étude concernant ce thème. QUELS SONT LES EFFETS SECONDAIRES ? Les effets secondaires de infiltrations sont de deux types. • Les effets secondaires mineurs sont nombreux, variés et parfois non spécifiques. Il s’agit de risques liés à l’acte lui-même (ponction durale accidentelle y compris de syndrome post-dural, d’exacerbation des douleurs locales et radiculaires, de faiblesse subjective du membre inférieur, d’inconfort local, de réaction vagale, de céphalée transitoire, de flush et d’allergie) ou liés avec l’utilisation des corticoïdes (hypercorticisme, décompensation d’un diabète, d’une HTA, d’une infection occulte, rétention hydrique et prise de poids chez un patient souffrant d’insuffisance cardiaque ou d’hypertension artérielle). • En ce qui concerne les effets majeurs, ils sont beaucoup plus rares. Leur incidence est actuellement inconnue, le nombre d’infiltrations réalisées en France et dans le monde étant ignoré. Trois types de complications graves sont décrits : les complications infectieuses, les complications neurologiques par compressions liées à un abcès ou à un hématome (30, 32) et les infarctus médullaires essentiellement après infiltrations ED-TF (41). Les articulaires postérieures ont beaucoup moins de risques, notamment neurologiques. Leurs risques sont essentiellement liés à l’infection, comme pour n’importe quelle injection, et aux complications des corticoïdes. Devant la gravité des complications, les infiltrations intradurales et intradiscales ont été abandonnées par la plupart des pays, d’autant que leur efficacité n’avait jamais été démontrée. INFILTRATIONS Elles sont communes à celles de tous gestes invasifs. Les contreindications absolues sont la présence d’un saignement actif, la consommation d’anticoagulant à dose efficace compte tenu du risque neurologique d’un hématome. Les autres contre-indications incluent les allergies, les infections locales ou systémiques et la grossesse lorsque le geste est fait sous radiographie. Une surveillance attentive et particulière doit être proposée aux diabétiques (déséquilibre du diabète) et aux personnes souffrant de cardiopathies (rétention hydrosodée). L’utilisation d’anti-agrégant n’est pas une contre indication absolue. On distingue les patients sous clopidogrel (Plavix®), prasugrel et ticagrelor pour lesquels les épidurales sont contre-indiquées. En fonction de la situation, une discussion pourra se faire avec le cardiologue du patient pour voir si l’anti-agrégant peut être arrêté (minimum 5 jours) et remplacé sans risque cardio vasculaire par un autre anti- ET LOMBALGIE EXISTE-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS ? 217 coagulant. Les épidurales sont en revanche tolérées pour les patients sous aspirine (dont Kardégic®). Les articulaires postérieures étant à faible risque hémorragiques, il ne semble pas recommandé d’arrêter les anti-agrégants. Pour tous les autres gestes rachidiens (ponction-biopsie discovertébrale, infiltration discale, cimentoplastie vertébrale, infiltration foraminale) chez un patient sous anti-agrégants, il est recommandé d’arrêter le traitement compte tenu du risque élevé de saignement. INFILTRATIONS ET LOMBALGIE CONCLUSION 218 Il n’existe aujourd’hui aucune preuve de l’efficacité selon les EBM des infiltrations dans la lombosciatique et encore moins dans la lombalgie. La difficulté à montrer des résultats positifs peut s’expliquer par plusieurs points : l’échantillon des patients traités est à chaque fois trop faible ; l’évolution des douleurs est, par définition, favorable à long terme dans la lombosciatique dans la majorité des cas ; les protocoles et les critères d’évaluation des patients varient d’une étude à l’autre rendant impossible leur comparaison ; enfin, le principal écueil concerne l’hétérogénéité des tableaux cliniques. En effet, la pathologie lombaire présente différentes causes de douleur au niveau étiopathogénique, non différenciables cliniquement ou radiologiquement aujourd’hui de façon fiable et reproductible. Par ailleurs, l’hétérogénéité de la symptomatologie est accentuée par la gestion différente de la douleur d’un patient à l’autre en fonction de son vécu, de ses représentations, de ses craintes, ses croyances, son environnement… Néanmoins, l’impression des praticiens va plutôt dans le sens d’une efficacité de ces infiltrations, ce qui corrobore aussi les résultats de la plupart des études qui sont loin d’être négatifs avec même une tendance à la positivité en tout cas à court terme. Mais n’est-ce pas, après tout, ce que l’on cherche à obtenir ? Une efficacité à court terme pour passer un cap en attendant que le temps fasse le reste ? Reste le problème de ces dramatiques effets indésirables graves. Il faut néanmoins garder raison et ne pas oublier qu’ils restent très marginaux et certainement inférieurs à ceux des traitements comparateurs, autres traitements utilisés dans la pathologie rachidienne, AINS et chirurgie, qui ne sont absolument pas remis en cause. Il n’y a donc aucune raison d’abandonner aujourd’hui les infiltrations rachidiennes en cas d’échec ou de contre-indications aux traitements médicamenteux classiques. La recherche doit cependant progresser selon deux grands axes : parvenir à mieux définir les tableaux cliniques des lombalgies/lombosciatiques, et étudier l’efficacité des infiltrations selon ces différentes classifications. Bibliographie 1. Abdi S, Datta S, Trescot AM et al. Epidural steroids in the management of chronic spinal pain : a systematic review. Pain Physician 2007;10:185–212. 2. Anderson SR, Flanagan B. Discography. Curr Rev Pain 2000;4:345–352. 3. Atlas SJ, Keller RB, Wu YA, Deyo RA, Singer DE. Long-term outcomes of surgical and nonsurgical management of lumbar spinal stenosis : 8 to 10 year results from the maine lumbar spine study. Spine 2005;30:936-43. 4. Boswell MV, Hansen HC, Trescot AM et al. Epidural steroids in the management of chronic spinal pain and radiculopathy. Pain Physician 2003;6:319–334. 5. 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Graham CE. Chemonucleolysis : a preliminary report on a double blind study comparing chemonucleolysis and intradiscal administration of hydrocortisone in the treatment of backache and sciatica.Orthop Clin North Am 1975;6:259-263. 12. Green PWB, Burke AJ,Weiss CA et al. The role of epidural cortisone injection in the treatment of diskogenic low back pain. Clin Orthop 1980;153:121-125. 13. Karppinen J, Malmivaara A, Kurunlahti M, et al. Periradicular infiltration for sciatica. À randomized controlled trial. Spine 2001;26:1059-67. 14. Koes BW, Scholten RJ, Mens JMA, Bouter LM. Epidural steroid injections for low back pain and sciatica : An updated systematic review of randomized clinical trials. Pain Digest 1999; 9:241-247. 15. Lilius G, Laasonen EM, Myllynen P, et al. Lumbar facet joint syndrome : a randomized clinical trial. J Bone Joint Surg [Br] 1989;71:681-684. 16. Manchikanti L, Cash KA, McManus CD, et al. 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Ce type de traitement se fait en règle générale après échec des traitements médicamenteux et conjointement à une prise en charge plus globale. • Les études sont en faveur d’une efficacité à court terme, mais moindre à moyen et long termes. • Il n’y a actuellement aucun consensus sur le nombre et l’intervalle qui doit être laissé entre deux injections. Les contre-indications et les effets indésirables doivent être discutés avec le patient avant ce type de traitement. 10. LOMBALGIE ET EXERCICES Charlotte Lanhers, Emmanuel Coudeyre LOMBALGIE Les méthodes de rééducation proposées au patient lombalgique sont nombreuses. La stratégie thérapeutique s’articule autour du stade évolutif de la maladie, de l’existence d’un syndrome de déconditionnement physique et de la présence de facteurs de risque de chronicité (notamment les facteurs psychosociaux). Elle intègre des mesures de prévention du passage à la chronicité au cours des lombalgies aiguës et subaiguës. La place de l’exercice physique dépend de ces stades d’évolution. Alors qu’en phase aiguë on ne propose qu’une simple incitation à la poursuite des activités physiques, en phase subaiguë ou chronique, les exercices s’intègrent dans une prise en charge encadrée, plus ou moins intensive, faisant appel le plus souvent à des professionnels de santé. Au cours des lombalgies chroniques, cette stratégie repose sur une prise en charge pluridisciplinaire, avec comme objectif principal la réduction de l’incapacité et du handicap générés par la maladie. Les lombalgies chroniques invalidantes, dont un marqueur est le retentissement professionnel, peuvent justifier d’une orientation en centre spécialisé pour une prise en charge sur le mode de restauration fonctionnelle. Dans le cadre de la prescription d’exercices, il est nécessaire de répondre à différentes questions : • Quelles sont les principales techniques et méthodes à disposition du prescripteur ? • Quelles techniques proposer en fonction du stade de la maladie ? • Quels sont les bénéfices cliniques et fonctionnels attendus ? Nous aborderons cette prescription aux différents stades évolutifs de la lombalgie en nous appuyant sur les recommandations existantes (recom- ET EXERCICES INTRODUCTION 223 mandations françaises de l’ANAES de 2000 (1), recommandations européennes COST B13 de 2004 (2) et recommandations du NICE de 2009 (25)). LOMBALGIES AIGUËS L’objectif principal de la prise en charge est l’accompagnement du patient au cours de la phase douloureuse et la prévention du passage à la chronicité. Cette prise en charge doit comporter une information claire et rassurante sur le caractère bénin et rapidement régressif de la lombalgie dans la majorité des cas (5). Repos versus exercices Il n’a pas été identifié dans la littérature d’arguments en faveur de l’effet bénéfique de la prescription systématique d’un repos au lit. Il est recommandé de rester aussi actif que possible et de reprendre le plus tôt possible des activités ordinaires, y compris le travail. Le conseil de conserver le maximum d’activités tolérables en termes de douleur semble accélérer la récupération, réduire les arrêts de travail et diminuer le passage à la chronicité. Un programme d’exercices spécifiques (stretching, mobilisation du rachis en flexion ou extension) n’est pas recommandé. LOMBALGIE ET EXERCICES Masso-kinésithérapie 224 • La masso-kinésithérapie n’a pas d’intérêt dans la lombalgie aiguë. Elle est utilisée seulement après l’épisode aigu afin de prévenir les récidives. • Physiothérapie : en dehors de la chaleur, aucun procédé de physiothérapie n’a démontré son intérêt. Une étude contrôlée conclut à l’inefficacité de la stimulation nerveuse transcutanée. • Les tractions vertébrales mécaniques pourraient avoir un effet sédatif au moins à court terme mais elles ne sont pas recommandées. Programme multidisciplinaire Il n’a pas été démontré d’intérêt pour ce type de programme à la phase aiguë. Ce type de prise en charge longue et coûteuse est réservé à des patients lombalgiques en arrêt de travail de 4 à 8 semaines, c’est-à-dire pour une population déjà en phase subaiguë. LOMBALGIE • Orthèses lombaires : de nombreux lombalgiques aigus bénéficient du port d’une orthèse pour lesquelles trois modes d’actions peuvent être recherchés : une action de restriction de mobilité, une action de suppléance de la sangle abdominale et une action de rappel de posture. Les objectifs sont la diminution des douleurs, la réassurance des patients conduisant à une meilleure autonomie dans les activités de la vie quotidienne. Elles sont par conséquent proposées dans la mesure où elles permettent la poursuite des activités. Deux types d’orthèses peuvent être utilisés : la ceinture lombaire (orthèse en coutil baleiné) avec un matériel élastique permettant un maintien souple vendu en pharmacie ; le lombostat, qui est une orthèse rigide réalisée sur mesure par un orthoprothésiste permettant une immobilisation plus stricte. Il est important de rappeler qu’en aucun cas le port d’une orthèse ne conduit à une amyotrophie des muscles du tronc (abdominaux et spinaux) s’il est accompagné du maintien d’activités (10). L’efficacité du port d’une orthèse lombaire dans la lombalgie a été relativement peu étudiée, une revue systématique de la Cochrane collaboration conclut à la nécessité de réaliser des essais cliniques de bonne qualité pour pouvoir juger de l’efficacité de ces orthèses en insistant sur la prise en compte de l’observance au port de ces orthèses (17). • Manipulation vertébrale : L’efficacité à court terme semble démontrée par certaines études mais il n’y a pas d’efficacité à long terme. Les manipulations vertébrales peuvent être recommandées chez les lombalgiques en phase aiguë qui n’ont pas pu reprendre leurs activités habituelles. • École du dos : Les écoles du dos réalisent des programmes de trois jours à une semaine, basés sur le modèle biomédical, associant une information sommaire sur l’anatomie du rachis lombaire, un apprentissage de l’ergonomie rachidienne et la réalisation d’exercices musculaires simples. Les études les plus sérieuses montrent l’absence totale d’efficacité de ce type de prise en charge, probablement en raison des informations délivrées ne s’appuyant pas sur le modèle bio-psycho-social. Les écoles du dos ne sont pas non plus une méthode de prévention secondaire ou tertiaire. • Thérapies cognitivo-comportementales : Elles ne sont pas recommandées en phase aiguë. Elles font l'objet d'un chapitre spécifique dans cet ouvrage (cf. chapitre 8.2). ET EXERCICES Traitements adjuvants 225 LOMBALGIES SUBAIGUËS ET CHRONIQUES LOMBALGIE ET EXERCICES Les lombalgies subaiguës (entre 3 semaines et 6 mois) 226 Les patients toujours douloureux à ce stade évolutif ont un risque élevé d’évolution vers la chronicité. C’est une étape charnière au cours de laquelle les facteurs de risques de chronicité doivent être détectés (détresse psychologique, peurs, croyances, comportements inadaptés et difficultés professionnelles). L’analyse de la littérature permet d'apporter une réponse sur la place des programmes d’exercices à ce stade. Deux études publiées par Lindströmen (1992) et Lorselen (1997) démontrent qu’une prise en charge pluridisciplinaire diminue le nombre de congés maladie et le nombre de jours en arrêt de travail. Pengel en 2002 (22) montre également qu’un programme graduel d’exercices physiques permet de diminuer le taux d’absentéisme au travail chez des patients en arrêt de travail. Une revue systématique de la littérature de la Cochrane collaboration met en évidence qu’un programme multidisciplinaire de rééducation sur le modèle bio-psycho-social chez des patients toujours douloureux après la phase aiguë peut prévenir le passage à la chronicité. Cependant, ces programmes sont longs et coûteux et nécessitent une bonne collaboration entre le patient, l’équipe de rééducation et l’environnement professionnel (26). La coordination avec le milieu du travail et des visites du poste de travail permettent également de favoriser les capacités de retour au travail chez les patients lombalgiques en phase subaiguë. L’approche des lombalgies subaiguës est comparable aux formes chroniques sur le plan théorique et peut s’appuyer sur les recommandations du NICE (25) (cf. annexe) mais elle n’est actuellement pas suffisamment mise en œuvre dans la pratique. En phase subaiguë, la prise en charge peut s’appuyer sur des simples séances de kinésithérapie en libéral associées dans la plupart des cas à une information adaptée ; pour les patients présentant un risque élevé de passage à la chronicité, un cadre thérapeutique plus strict au sein d’un programme pluridisciplinaire devrait pouvoir être proposé. Associer une stratégie d’éducation, par des interventions brèves prodiguées par un médecin ou un kinésithérapeute avec une information simple concernant la nature de la douleur et des conseils sur les exercices physiques à réaliser, participe à la lutte contre les facteurs de risque de chronicité (32). Les lombalgies chroniques LOMBALGIE Points communs aux différentes recommandations • Prise en charge active : l’exercice physique est efficace à court terme dans le traitement à visée antalgique et fonctionnelle de la lombalgie chronique par rapport à l’absence de traitement ou à un traitement placebo. Il est impossible de conclure sur l’éventuelle supériorité d’un type d’exercice par rapport à l’autre (exercices spécifiques en flexion ou extension versus général de type aérobie). L’exercice physique quel que soit son type est donc recommandé mais aucune technique ne l’est particulièrement. Les traitements multidisciplinaires (selon le modèle bio-psychosocial) associant des séances d’éducation, des conseils, des exercices physiques intensifs, supervisés ou non par un kinésithérapeute, associés à une prise en charge psychologique sont recommandés pour le traitement à visée antalgique, fonctionnelle et, dans une moindre mesure, pour le retour au travail des lombalgiques chroniques. ET EXERCICES La lombalgie chronique n’est pas une entité clinique et diagnostique, mais plutôt un symptôme chez des patients présentant différents stades d’incapacité et de chronicité. En cas d’atteinte légère et de faible incapacité fonctionnelle, un traitement simple peut être suffisant. Cette prise en charge s’appuie sur le traitement antalgique (médicamenteux et/ou physiothérapie), l’information claire du patient pouvant entrer dans le cadre d’un programme d’éducation thérapeutique et la réalisation d’exercices (généraux et/ou spécifiques). Aucun élément n’est prédominant par rapport à l’autre, c’est la combinaison des trois qui permet une réelle efficacité (1, 2, 25). En raison de sa nature multidimensionnelle, la lombalgie chronique entraînant une incapacité importante ne peut pas être prise en charge par un traitement simple. Il est important d’utiliser tous les moyens efficaces dont on dispose et de proposer une démarche cohérente. Le pronostic fonctionnel de la lombalgie chronique est conditionné par la durée de l’arrêt de travail : la proportion de patient retournant au travail après six mois d’arrêt est estimée à 50 %, elle est proche de zéro après deux ans. Afin d’essayer d’apporter une réponse au problème posé par cette pathologie, différentes formes de prise en charge globale pouvant favoriser la réinsertion peuvent être proposées. 227 LOMBALGIE ET EXERCICES • Prise en charge passive : les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont efficaces sur l’intensité de la douleur et le comportement vis-à-vis de la douleur en comparaison à un placebo ou à une liste d’attente. Aucune technique n’est supérieure aux autres. Les TCC en association à un autre traitement (exercice physique, kinésithérapie) semblent plus efficaces sur la douleur en comparaison à leur utilisation isolée. La preuve de l’efficacité des écoles du dos ne comportant qu’un programme d’éducation n’est pas faite dans la lombalgie chronique. Leur association à des séances d’exercice physique a une efficacité antalgique à court terme. Des courtes séries de manipulations vertébrales peuvent être envisagées avec une efficacité à court terme retrouvée. Ces manipulations nécessitent au préalable un bilan clinique et para-clinique. L’effet antalgique est équivalent à la kinésithérapie à court terme et supérieure à l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens seuls, à l’acupuncture et à l’école du dos. 228 Spécificités des recommandations françaises • Massages : bien qu’il n’existe pas d’étude attestant leur efficacité, les massages peuvent être proposés au début d’une séance de rééducation selon un accord professionnel. • Hydrothérapie et créno-balnéothérapie : le thermalisme peut être proposé dans la prise en charge des lombalgies chroniques car il a un effet antalgique et parce qu’il contribue à restaurer la fonction. La balnéothérapie peut également être proposée en raison d’un effet antalgique et fonctionnel à court terme non retrouvé à plus long terme. • Physiothérapie : l’électrostimulation transcutanée semble montrer une efficacité antalgique pendant la période d’application. La place de l’électro acupuncture reste à définir car elle a un effet antalgique à court terme sans qu’une technique particulière soit recommandée. • Contention : l’intérêt d’une contention lombaire reste à démontrer dans la lombalgie chronique, elle peut être proposée mais pas en traitement de première intention. Cependant, son utilisation peut être une solution à la poursuite des activités physiques. Les données récentes de la littérature apportent des éléments de réponse complémentaire. Une étude de 2007 (24) montre une diminution significative du nombre de jours avec douleurs, de la sévérité du vécu de la douleur (échelle de Québec) et une diminution non significative du nombre de jours d’arrêt de travail. L’analyse post-hoc démontre par ailleurs, que dans le sous-groupe de participants ayant une bonne adhésion au port de l’orthèse, les différences entre les groupes sont plus fortes en faveur du groupe intervention sur la diminution du nombre de jours avec douleurs y compris sur le nombre de jours d’arrêt de travail. L’ensemble des critères de jugements ne sont pas modifiés en fonction du type d’orthèse. Une revue Cochrane de 2008 (31) ne met pas en évidence de différence statistiquement significative du port d’orthèses lombaires dans la lombalgie chronique par rapport à l’absence de traitement ou une prise en charge usuelle. • Les tractions vertébrales : elles ne sont pas recommandées. Spécificités des recommandations européennes selon le COST B13 L’utilisation de thérapies physiques (chaud / froid, laser, ultrasons, massages, corsets) n’est pas recommandée. L’électrostimulation transcutanée n’est pas non plus recommandée. L’électrostimulation percutanée et la neuro-réflexothérapie peuvent être envisagées lorsqu’elles sont disponibles. Au total, en s’appuyant sur les recommandations de bonnes pratiques, la prise en charge des lombalgies chroniques comporte, en première intention, la réalisation d’exercices physiques. La physiothérapie antalgique et les massages ne sont que des traitements adjuvants et ne sont pas prioritaires dans la stratégie thérapeutique. LOMBALGIE Actuellement, il existe autant de types de programmes que d’équipes (exercices en aérobie, stretching, renforcement musculaire spécifique, techniques de McKenzie, techniques d’Alexander). Les divers exercices utilisés sont très hétérogènes (technique, durée, fréquence, condition de réalisation) mais tous sont efficaces dans la lombalgie chronique. La plupart des programmes d’exercices ont montré un effet favorable sur l’intensité des douleurs à court, moyen et long termes, sur l'incapacité fonctionnelle, sur l’amélioration de la mobilité rachidienne à court et long termes, sur l’amélioration de la force musculaire à court, moyen et long termes. Il existe également une diminution de la consommation d’antalgiques, une diminution de la durée de l’arrêt de travail et une diminution du nombre de rechutes douloureuses. ET EXERCICES CONTENU DES DIFFÉRENTS PROGRAMMES D’EXERCICES 229 Comparaison des techniques d’exercices LOMBALGIE ET EXERCICES Pilate vs exercices généraux L’étude de Wajswelner en 2012 (34) a comparé un programme individuel basé sur la technique Pilate à des exercices de renforcement musculaire globaux dans une population de lombalgiques chroniques. Chaque participant a bénéficié de deux séances d’une heure deux fois par semaine sur six semaines supervisées par un kinésithérapeute ainsi que des auto-exercices réalisés à la maison. Le suivi est réalisé sur 6, 12 et 24 semaines avec comme critères de jugement la douleur, le handicap, la fonction, la qualité de vie et la perception globale de la santé. À 6 semaines, il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes sur l’échelle de Québec. Les deux groupes montrent une amélioration significative de l’ensemble des paramètres, avec des résultats similaires à 12 et 24 semaines de suivi. 230 Exercices aérobies vs exercices spécifiques En 2001, Tritilanunten (30) a cherché à montrer l’efficacité d’exercices en aérobie comparés à un programme d’exercices en flexion lombaire dans le traitement des lombalgies chroniques ; 72 patients lombalgiques âgés entre 30 et 50 ans randomisés en deux groupes sont suivis sur trois mois. À l’issue de ces trois mois, l’étude retrouve une différence significative entre les deux groupes en faveur du groupe « exercices en aérobie » ; cette étude est toutefois de faible niveau de preuve. L’étude de Ferreira en 2007 (11) de haut niveau de preuve a comparé des programmes d’exercices généraux (renforcement, stretching, exercice aérobie), à des exercices spécifiques (exercices centrés sur les muscles du tronc, manipulations vertébrales) au cours de lombalgies chroniques pendant 12 semaines. Les critères utilisés pour le suivi sont la fonction et la perception globale du bénéfice par le patient. À 8 semaines, le groupe « exercice spécifique » et le groupe « manipulation » ont des résultats significativement supérieurs mais dont la pertinence clinique est faible en comparaison avec le groupe « exercices généraux ». Les trois groupes ont des résultats similaires à 6 et 12 mois. Exercices généraux seuls versus exercices généraux plus stabilisation du tronc L’étude de Koumantakis en 2005 (18) tend à suggérer que des exercices généraux de renforcement musculaire du tronc seul, sans l’association à des exercices de stabilisation conduisent à de meilleurs résultats en termes de handicap sur le questionnaire de Rolland Morris, comparé à des exercices généraux associés à une stabilisation, de façon immédiate après les deux mois de prise en charge. Aucune différence n’est retrouvée sur les paramètres de la douleur. Cette différence n’est pas retrouvée trois mois après la fin de la prise en charge. Cette étude confirme également le bénéfice des programmes d’exercices physiques quels qu’ils soient dans la prise en charge des lombalgies chroniques. LOMBALGIE Programmes d’exercices généraux associés à une intervention éducative Le programme proposé par Bendix (3) et al consiste en la réalisation de 24 séances d’exercices d’une heure et demie trois fois par semaine pendant huit semaines en ambulatoire. Il est associé à des séances d’éducation et contribue à une réduction significative de la durée d’arrêt de travail et de la consommation de soins. D’autres équipes (16) proposent des protocoles comparables comportant des exercices aérobies et de renforcement musculaire à raison d’une heure trente à deux heures ET EXERCICES Exercices aérobies seuls Une étude ouverte, parue en 2011 (28), sur l’activité physique adaptée à raison d’une heure trois fois par semaine sur 12 mois, montre l’efficacité d’une prise en charge générale en termes d’endurance cardiorespiratoire, de mobilité du rachis, de force musculaire globale, de posture et de participation sociale chez des patients lombalgiques chroniques. Chez les patients ayant terminé l’ensemble de l’étude, on note une réduction statistiquement significative sur les douleurs lombaires et une amélioration de leur santé globale par rapport aux patients ayant interrompu le programme. Une étude parue en 2009 (20) a étudié l’impact de l’intensité d’un programme d’exercices généraux sur la composition des fibres musculaires. Ce projet n’a pas montré de différence statistiquement significative de la composition du muscle multifidus en fonction de différents niveaux d’intensité d’activité (entre moins de 1000 kcal/semaine et plus de 2000 kcal/semaine). 231 trois fois par semaine avec apprentissage d’autoprogramme. Une éducation thérapeutique est associée à la prise en charge comportant des informations sur l’effet délétère de l’inactivité, la dédramatisation de la douleur et l’apprentissage de l’intérêt pour l’activité physique. Au total, l’ensemble de ces données montre l’intérêt des programmes d’exercices dans la prise en charge de la lombalgie chronique. La capacité du patient à pratiquer des exercices en aérobie dans ses activités quotidiennes sans supervision spécifique doit être appréciée. L'autre possibilité étant de lui proposer un programme plus spécifique de renforcement musculaire et d'étirement nécessitant un encadrement. LOMBALGIE ET EXERCICES Place de l’isocinétisme 232 • Principes : le reconditionnement musculaire participe à la réduction des croyances, des peurs et des conduites d’évitement. Ce renforcement réalisé de façon progressive peut être réalisé sur dynamomètre isocinétique lors d’exercices gymniques ou lors de mise en situation permettant un travail fonctionnel et/ou un travail des fléchisseurs et des extenseurs du tronc. Les dynamomètres isocinétiques sont des outils efficaces et validés dans la prise en charge et l’évaluation des lombalgies chroniques, permettant une reprise progressive de l’activité physique qui contribue à lutter contre la cinésiophobie. L’appréhension liée à cette reprise d’activité doit être prise en compte pour obtenir une réduction efficace visant la reprise d’une activité professionnelle. Au-delà du gain de force pur, on peut penser que le renforcement sur dynamomètre isocinétique qui permet un mouvement guidé, avec une résistance auto-adaptée aux possibilités de chaque sujet, contribue à désinhiber les patients vis-à-vis de la reprise des activités physiques et ainsi réduire leurs croyances erronées concernant l’activité considérée à tort comme génératrice de douleurs . • Résultats : l’étude ouverte d’E. Coudeyre de 2004 (6) a montré que le renforcement isocinétique des extenseurs du rachis notamment à vitesse rapide, permet une prise de conscience de ses capacités par le patient. Cette désinhibition se traduit par une amélioration de la force musculaire, des indices fonctionnels (Québec) ainsi qu’une réduction des croyances de peur et d’évitement (FABQ) qui contribue à la reprise du travail et à l’amélioration de la qualité de vie. L’étude d’Olivier en 2008 (21) confirme qu’il n’y a pas de supériorité de cette technique de réentraînement à l’effort dans la prise en charge d’une lombalgie chronique. Elle apporte en revanche un confort dans la rééducation et une possibilité d’adaptation aux capacités du patient que ne peuvent fournir les machines à charge conventionnelles. • Limites : l’étude de Bernuz en 2012 (4) a évalué les sollicitations cardiorespiratoires et métaboliques durant une évaluation de la force musculaire en mode dynamique des fléchisseurs et extenseurs du tronc par dynamomètre isocinétique chez des patients sains. L’étude retrouve une augmentation de la fréquence cardiaque correspondant à 84 % de la fréquence maximale obtenue lors d’une épreuve d’effort conventionnelle et à 80 % de la fréquence maximale théorique a été mesurée. Il existait une augmentation non significative de la tension artérielle systolique de 20 %. Au niveau des échanges gazeux une consommation d’oxygène correspondant à 47 % de la VO2 max a été mesurée. Lors d’un exercice isocinétique du tronc de type « évaluation », les sollicitations cardiorespiratoires sont importantes, et plus particulièrement lors des tests dits « de résistance à la fatigue », comportant au moins 15 répétitions à vitesse rapide, le plus souvent à 120°/s. L’attitude clinique pratique qui consiste en la recherche de facteurs de risques cardiovasculaires, voire à la réalisation d’un électrocardiogramme avant tout exercice isocinétique chez le patient lombalgique, doit être rigoureusement respectée, même lors d’une simple évaluation. La présence de facteurs de risque cardiovasculaire devrait faire pratiquer une épreuve d’effort si une série de type « résistance à la fatigue » est envisagée. Le développement d’exercices isocinétiques du tronc en mode excentrique pourrait être une alternative, compte tenu de la moindre sollicitation cardiovasculaire de ce mode de contraction. LOMBALGIE Exercices en groupe supervisés vs individuel Un essai randomisé contrôlé japonais (27) comparant une prise en charge individuelle dans les programmes d’exercices à une prise en charge en groupe n’a pas montré de différence statistiquement significative dans le suivi des lombalgies chroniques. Le rapport coût/ efficacité est cependant meilleur pour la prise en charge en groupe. Dans une méta analyse, Hayden et al (14, 15) ont conclu que la stratégie la plus efficace pour ces patients lombalgiques chroniques consiste en ET EXERCICES Conditions de réalisations 233 LOMBALGIE ET EXERCICES des programmes d’auto-rééducation supervisés par un thérapeute lors de consultations régulières de suivi. Une approche de groupe permet, d’après la revue systématique de la littérature de Van Middelkoop et al. (32), de réduire significativement l’intensité de la douleur et l’incapacité à court terme comparativement à un traitement usuel. Les exercices basés sur un modèle de groupe permettent à la fois une synergie d’action bénéfique pour les patients (la prise en charge est plus didactique) et un avantage médico-économique pour la société. 234 Restauration fonctionnelle du rachis (7, 23) • Concept : La restauration fonctionnelle du rachis (RFR) a été initiée par T. Mayer dans les années 1990. Il propose une alternative pour le traitement de la lombalgie chronique résistant aux thérapeutiques classiques et occasionnant des coûts élevés de prise en charge. Ce programme favorise la restauration des paramètres physiques du syndrome de déconditionnement caractérisé par la perte de souplesse rachidienne, de la force et de l’endurance. En parallèle, une réadaptation sociale, professionnelle et psychologique (prise en charge bio-psycho-sociale) est menée. L’élément clé de la réussite est la participation active du patient, sa motivation, l’acceptation et la meilleure gestion de la douleur. La possibilité de faire travailler la fonction rachidienne met en jeu des stratégies de coping qui sont élaborées lors du programme. • Indications : Ce type de prise en charge implique de nombreux professionnels sur un temps court et intense, ce qui engendre un coût supplémentaire par rapport aux méthodes classiques. La RFR est une prise en charge appropriée en traitement de recours dans les centres de référence. Elle s’adresse à des patients lombalgiques chroniques déconditionnés en situation de handicap avec retentissement professionnel et pour lesquels les différents traitements se sont révélés jusqu’alors inefficaces. La progression par contrat caractérise ce type de prise en charge. Il existe une certaine hétérogénéité des populations de patients inclus : la lombalgie subaiguë peut faire l’objet d’une RFR dans certains cas, les patients inclus peuvent être en arrêt de travail ou non. Les paramètres évalués à l’inclusion (paramètres physiques, de douleur, d’incapacité fonctionnelle, score d’anxiété–dépression) varient suivant les équipes. ET EXERCICES LOMBALGIE • Contre-indications : L’absence de compréhension de la finalité du programme, la barrière linguistique, l’existence de comorbidités cardio-vasculaires, psychologiques ou psychiatriques et la recherche de bénéfices secondaires (dont l’implication avérée du patient dans une démarche de mise en invalidité) contre-indiquent la réalisation de ce type de programme. • Organisation : La durée du programme varie selon les équipes (3 à 6 semaines), le nombre de patients par groupe varie en général entre quatre et dix. La prise en charge est faite en hospitalisation, à temps complet ou partiel, avec une équipe pluridisciplinaire associant le plus souvent médecin de médecine physique et de réadaptation, kinésithérapeute, ergothérapeute, assistante sociale, psychologue, sophrologue, diététicienne et éducateur sportif. • Contenu des programmes : L’objectif principal du programme RFR est de corriger et d’équilibrer les paramètres physiques déficitaires, de restaurer la fonction du rachis malgré la douleur et d’aider à résoudre les difficultés psychologiques, sociales et professionnelles. Basé sur la fonction, le traitement est délibérément actif, ne faisant pas appel aux méthodes passives (chaleur, massage, électrothérapie, immobilisation, traction, etc.). Les tests réalisés en début, en cours et en fin de programme fixent et ajustent les objectifs en fonction des possibilités de chacun, qu’il soit sédentaire ou travailleur de force. Ils mettent en évidence la progression et la récupération fonctionnelle. Le lombalgique chronique n’est ainsi plus soigné au travers d’une relation duelle habituelle, mais par l’action conjointe des différents soignants parlant un langage commun, ayant un objectif identique et agissant sur un même lieu de soins (unité d’action et de lieu). La bonne coordination de l’équipe et les réunions hebdomadaires de synthèse participent à l’harmonisation nécessaire autour du malade. Il s’agit d’un véritable contrat passé entre le malade et l’institution. La rencontre avec d’autres patients participe à l’émulation retrouvée habituellement dans un groupe. Le programme RFR est construit sur les mêmes principes généraux utilisés dans la rééducation fonctionnelle des lésions de l’appareil locomoteur. Le rachis et la région sous-pelvienne sont ainsi globalement rééduqués comme une articulation périphérique. Les principes de cette rééducation sont le gain d’amplitude articulaire et de souplesse musculo-tendineuse, la récupération du potentiel musculaire analytique et global, la proprioception, la récupération fonctionnelle et la réadaptation cardiaque. 235 ET EXERCICES LOMBALGIE 236 • Trois temps rythment le programme : flexibilité, force, endurance. Le gain de flexibilité est l’objectif à atteindre dans les premiers jours. Le programme étant basé sur la récupération par le mouvement, il est logique de s’attacher à retrouver rapidement les qualités de souplesse articulaire et musculotendineuse. Ce travail est obtenu par des exercices sans contrainte, à faible coût énergétique et par des gestes conduits. Cette première étape participe largement à la désinhibition physique et au retour à la confiance en soi. Ce gain doit permettre de mieux exploiter le renforcement musculaire qui va suivre. Le gain de force vise à consolider un ou plusieurs maillons d’une chaîne biomécanique qui vient de gagner en mobilité. Ce renforcement musculaire est réalisé en analytique, puis en fonctionnel, suivant différents modes de contraction. Il s’agit de restaurer des paramètres de force déficitaires, en étant guidé par les évaluations. Le gain en endurance est l’objectif de fin de programme. Il faut exploiter les acquis de flexibilité et de force en les transposant dans un plan de travail où le principe est l’utilisation d’un grand nombre de répétitions d’exercices. C’est ainsi une façon de réadapter le lombalgique aux efforts de longue durée. La sommation des gains en flexibilité, en force et en endurance permet de lever les appréhensions et de préparer l’organisme à des contraintes de charges de travail importantes : la quantité des efforts cumulés dans la journée à la fin de la cinquième semaine dépasse probablement ce qui peut être imposé dans la vie courante. Les travaux en physiologie sportive ont permis de sérier différentes techniques de développement des qualités physiques de force et d’endurance. En maîtrisant les mécanismes de déconditionnement et de reconditionnement, les différents intervenants programment et adaptent le renforcement musculaire spécifique et généralisé, le réentraînement à l’effort et le réinvestissement de ce capital physique nouvellement restauré au sein d’activités analytiques et fonctionnelles visant la recoordination neuromusculaire. Tous les traitements et techniques utilisés visent à gommer durablement le syndrome de déconditionnement physique objectivé lors de l’évaluation physique d’inclusion. Au cours du programme, le renforcement musculaire va être réalisé en même temps en force et en endurance. Un travail en ergothérapie basé sur le port de charges, l’étude de gestes, les postures prolongées et les études du poste de travail est à associer. • Aspect psychologique et éducation thérapeutique : l’inclusion du lombalgique dans un tel programme comporte en elle-même un aspect Les thérapies cognitives et comportementales sont en continuité avec l’approche multidisciplinaire. Cette approche a montré son efficacité et est bien documentée dans la littérature (19). Elle sera traitée par ailleurs dans la monographie. Il est cependant important de souligner que les recommandations ne sont pas en faveur d’une technique ET EXERCICES Traitements associés LOMBALGIE thérapeutique psychologique. Sur le plan physique, elle comporte un aspect restaurateur, dont le reflet narcissique n’est pas négligeable. Cet aspect est d’autant plus marqué que la motivation du patient à participer à la rééducation est importante, que les règles de l’entraînement s’appliquent sans restriction et que le gain fonctionnel se manifeste. Sur le plan socioprofessionnel et familial, l’attention de l’entourage est attirée par cet aspect de restauration fonctionnelle, modifiant son regard sur le lombalgique. Sur le plan psychologique, chaque intervenant, chaque exercice, chaque étape alimente cette restauration narcissique. Une dynamique de groupe est en place à plusieurs niveaux : groupe constitué des thérapeutes et des patients, groupe des patients lombalgiques entre eux, groupe de synthèse où les résultats sont analysés, groupe de reconvocation où les résultats sont suivis à distance, ce groupe ayant alors un rôle de réseau. Les réunions hebdomadaires de synthèse avec le patient et l’ensemble de l’équipe assurent la cohésion du groupe et la bonne coordination dans le programme. Cette stratégie peut s’accompagner ou non de séances d’éducation thérapeutique, réalisées fréquemment en groupe, basées sur une participation active des patients, encadrées par des professionnels impliqués dans les programmes de restauration fonctionnelle. • Efficacité : Le bénéfice rapporté de la RFR repose sur le fait que chaque intervention réalisée dans ce programme intégré est meilleure que la somme de chacune prise séparément. L’efficacité de ces programmes est reconnue dans la littérature. Le critère principal d’efficacité est le retour au travail. La plupart des études rapportent un taux de retour au travail entre 65 et 72 % et une réduction du nombre de jours d’arrêt de travail. On peut penser que lorsqu’il existe un retentissement professionnel on doit proposer de manière précoce les programmes de RFR. Pour garantir une efficacité à long terme, un suivi est nécessaire comportant la réinduction de consignes ou la supervision d’exercices par un thérapeute. 237 particulière et qu’elles préconisent l’association des TCC avec des exercices actifs de restauration fonctionnelle. L’étude d’Helen en 2011 (29), étudiant le yoga pour les lombalgies chroniques, montre un effet traitement plus important que les soins usuels avec une modification statistiquement significative sur le questionnaire de Rolland Moris. ADHÉSION AU PROGRAMME D’EXERCICES ET ÉDUCATION DES PATIENTS La démarche éducative n’est pas nouvelle dans la prise en charge des lombalgies puisque, dès 1969, les premières écoles du dos intègrent des séances d’information parfois d’éducation gestuelle (8). Selon l’OMS, l’éducation thérapeutique du patient vise à aider les patients à acquérir ou à maintenir les compétences dont il a besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Bilan éducatif Il n’existe pas de recommandations en langue française sur le bilan éducatif. Le National Institute of Health and Clinical Excellence suggère simplement de prendre en compte les attentes et préférences des patients parmi les traitements recommandés. LOMBALGIE ET EXERCICES Outils 238 Les outils destinés à informer et à éduquer les patients retrouvés dans la littérature sont nombreux et variés. Ils font appel à l’information orale ou écrite. Le Guide du dos, traduction du Back Book (5), est le livret le mieux validé et le plus utilisé en France comme à l’étranger. L’association de différents outils d’information semble avoir un effet synergique mais les informations qui ne font pas partie intégrante d’un parcours (contextualisé) semblent perdre de leur impact. Contenu informatif Selon les recommandations européennes, le contenu du message éducatif doit être rassurant et doit aborder des notions simples comme l’inutilité du repos au lit de plus de deux jours, l’absence de gravité si aucun des « Reds flags » n’est présent, la meilleure récupération avec la reprise d’activités légères sans majoration des douleurs, le lien entre la précocité de la reprise d’activités professionnelles et de loisirs et le meilleur pronostic à court et moyen termes. En l’absence de recommandations pour le contenu de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) du lombalgique, il est toutefois possible de s’appuyer sur les travaux d’Epstein et al (9) qui ont structuré les différentes étapes pour aider le clinicien à communiquer avec le patient. Le clinicien comprend le vécu et les attentes du patient, construit un partenariat, donne ses recommandations, contrôle la bonne compréhension et l’adhésion du patient. L’éducation est également adaptée en fonction du stade de la pathologie. Le message « one to one », situation habituelle de consultation, permet d’établir un diagnostic éducatif, d’expliquer le projet thérapeutique et de délivrer les grandes lignes du message éducatif. Les groupes de discussion sont plus adaptés à la phase chronique dans le cadre de programmes multidisciplinaires permettant le partage d’expériences personnelles entre patients en complément des interventions de professionnels. Intervention complexe Le fait de structurer le programme d’ETP améliore les résultats attendus comparativement aux soins usuels accompagnés d’une simple brochure LOMBALGIE Intervention simple Les simples conseils sont, par exemple, aussi efficaces à trois mois sur la douleur et l’incapacité que les thérapies manuelles ou la méthode de McKenzie. Ils sont optimisés si des exercices sont proposés en association. Le Back book, a prouvé son utilité en réduisant les répercussions fonctionnelles, en améliorant les connaissances sur la relation activités-lombalgies mais sans modifier significativement les peurs et les croyances, ce que peut apporter un programme d'ETP plus structuré. Même si la précocité de l’intervention conditionne le pronostic, un simple livret éducatif peut donner des résultats à 6 et 18 mois sur la douleur et la qualité de vie chez des patients lombalgiques évoluant depuis plus de dix ans. ET EXERCICES Impact de l’éducation des patients 239 d’information comme cela a été démontré dans deux études (33, 12) ; cependant les résultats divergent en fonction des critères d’évaluation : plusieurs études démontrent qu’un protocole court d’ETP n’est pas plus efficace sur la douleur que les soins courants. En revanche, dans trois études, ce même programme réduit de manière significative la durée cumulée d’arrêt maladie, résultat qui n’est pas confirmé en milieu professionnel sur le délai de retour au travail. D’autres études démontrent des résultats durables de l’ETP sur l’incapacité, la douleur ou la qualité de vie. Les stratégies d’adaptations des patients expliquent, au moins en partie, cette réduction d’incapacité fonctionnelle alors que la douleur est équivalente. Si l’objectif d’une intervention éducative dans la lombalgie est d’améliorer l’adhésion au traitement, alors des explications structurées délivrées en consultation semblent efficaces sur la gestion de la douleur (multiplié par dix en cas d’explication de l’utilité du traitement, multiplié par 3,2 en cas d’explication de la nature de la maladie). En revanche, elles ne changent rien aux adaptations de la vie courante. L’information et l’éducation basée sur le modèle biopsychosocial sont des stratégies efficaces pour modifier les croyances, minimiser les conséquences et augmenter l’adhésion au traitement. LOMBALGIE ET EXERCICES Efficacité de l’observance 240 Le caractère chronique de la lombalgie implique des représentations inadaptées souvent résumées par le terme générique de catastrophisme. Il est alors nécessaire d’accompagner le patient dans une stratégie de soins adaptés et d’optimiser l’adhésion au traitement. L’étude de Genêt (2002) (13) a évalué l’efficacité et l’observance à un an d’un programme court de rééducation (5 séances d’une demi– journée à raison d’une par semaine en hôpital de jour) assorti d’un autoprogramme consigné sur un livret chez des patients lombalgiques chroniques. Il était recommandé aux patients de réaliser les exercices quotidiennement à la maison pendant 15 minutes. Chaque séance comprenait un temps d’exercice aérobie (tapis de marche, vélo, rameur), un temps d’étirement et de mobilisation du rachis et des plans sous-pelviens, un temps de renforcement musculaire isométrique et isotonique des membres et du tronc plus une séance de balnéothérapie. Le livret comprenait des auto-exercices reprenant les thématiques du programme de rééducation. Cette étude a montré que l’observance quantitative à un auto programme dans la lombalgie chronique est satisfaisante mais qu’en revanche l’observance qualitative est médiocre. Le bénéfice clinique du programme persiste à trois mois mais les résultats observés à 12 mois se rapprochent de l’évaluation à J0. Enfin, les patients observants à un an ont une incapacité (indice de Québec) et un handicap significativement moins important que les patients non observants. La prise en charge gymnique permet probablement aux patients d’intégrer leurs possibilités physiques et de rompre le cercle vicieux de la cinésiophobie malgré l’absence d’augmentation des performances physiques. Les résultats de cette étude permettent de proposer l’attitude suivante afin d’améliorer l’observance à un programme d’exercices : élaborer un autoprogramme spécifique avec un nombre restreint d’exercices mais comportant systématiquement des exercices de renforcement des muscles extenseurs du rachis, insister sur la pédagogie en rappelant l’innocuité des exercices malgré la douleur et motiver le patient sur la relation entre bénéfices des exercices et persévérance. Enfin, programmer de manière systématique une séance de ré-induction pour évaluer et corriger la réalisation des exercices et montrer les bénéfices du travail en quantifiant les progrès obtenus. LOMBALGIE La prise en charge des patients lombalgiques nécessite une évaluation globale selon le modèle bio-psycho-social qui intègre les composantes médicales, fonctionnelles et socio-professionnelles des patients. Elle comporte systématiquement une médication antalgique adaptée, une information claire et rassurante, la réalisation d’un programme d’exercices. Lorsqu’il existe un retentissement professionnel, on doit proposer de manière précoce un programme de restauration fonctionnelle du rachis. Pour les lombalgiques chroniques sans retentissement professionnel, un programme d’exercices en ville avec suivi à long terme peut suffire. Les coûts présentés par les programmes multidisciplinaires et la nécessité d’une implication forte du patient imposent de sélectionner les patients les plus motivés et de réaliser, lors des entretiens préprogramme, un contrat d’objectifs et de moyens avec le patient. Le phénotypage des patients semble essentiel pour adapter une prise en charge personnalisée. ET EXERCICES CONCLUSION 241 Les modalités de suivi seront adaptées à chaque patient en fonction des objectifs fixés avec lui. À chaque consultation, l’interrogatoire et l’examen clinique s’assureront de l’absence des signes d’alerte. La douleur et son retentissement sur les activités quotidiennes seront appréciés. L’objectif du suivi est d’éviter la médicalisation excessive tout en assurant un accompagnement thérapeutique qui réconforte le patient. Un aspect très intéressant - et vraisemblablement très prometteur de la prise en charge des lombalgiques chroniques en accident du travail et en arrêt de travail prolongé - est l’adjonction au programme de restauration fonctionnelle de procédures de reprise facilitée des activités professionnelles par du temps partiel ou des activités aménagées. Ce type de démarche facilite le retour au travail, réduit le nombre de jours d’arrêt de travail et permet une économie pour le système de santé. Bibliographie 1. ANAES. (Mars 2000) Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique. Service des recommandations et références professionnelles, Paris, France. 2. Airaksinen O, Brox JI, Cedraschi C, Hildebrandt J, Klaber-Moffett J, Kovacs F, LOMBALGIE ET EXERCICES Mannion AF, Reis S, Staal JB, Ursin H, Zanoli G (2006) COST B13 Working Group 242 on Guidelines for Chronic Low Back Pain. Chapter 4. European guidelines for the management of chronic non specific low back pain. Eur Spine J. Mar;15 :S192-300. 3. Bendix AE, Bendix T, Haestrup C, Busch E. (1998) A prospective, randomized 5-year follow-up study of functional restoration in chronic low back pain patients. Eur Spine J.; 7:111-9. 4. Bernuz B, Edouard P, Coudeyre E, Calmels P, Bedu M, Roche F, Degache F. 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La kinésithérapie et les exercices physiques spécifiques ne sont pas recommandés à ce stade. • En phase subaiguë, l’information délivrée est équivalente en privilégiant une prise en charge autonome pour les patients. Un programme d’exercices structurés pouvant comporter une activité aérobie, des mouvements spécifiques, du renforcement musculaire, du contrôle postural et des étirements doit être associé. Ce programme doit être adapté au patient en privilégiant les programmes collectifs encadrés. • En phase chronique, en cas d’atteinte légère et de faible incapacité fonctionnelle, un traitement simple associant exercices contrôlés, de l’information/éducation et des médicaments antalgiques peut être suffisant. En cas d’incapacité fonctionnelle plus importante et/ou de retentissement professionnel, une prise en charge pluridisciplinaire de type Restauration Fonctionnelle du Rachis doit être associée. Elle doit comporter un programme d’exercices intensifs, de l’éducation intégrant une approche cognitivo-comportementale, et une démarche de réinsertion socio-professionnelle, si nécessaire. 246 Chap10.indd 246 02/02/15 15:08 11. CHIRURGIE ET LOMBALGIE : DE NOUVEAUX PARAMÈTRES À ÉTUDIER, DES INDICATIONS SÉLECTIVES, UNE PRISE EN CHARGE PLURIDISCIPLINAIRE C HIRURGIE Les indications chirurgicales dans la lombalgie chronique restent mal codifiées malgré le nombre important d’arthrodèses pratiquées chez les lombalgiques chroniques. Le démembrement de cette pathologie permet d’apporter des réponses ciblées et devrait limiter le recours aux arthrodèses ou autres chirurgies invasives sans preuve d’efficacité. La lombalgie chronique, et plus particulièrement la place de la chirurgie, constitue un problème important pour plusieurs raisons : • Il s’agit d’un problème de santé publique d’un coût considérable, les explorations complémentaires et les traitements pas toujours adéquats intervenant pour une large part. • La physiopathologie de la lombalgie est encore mal démembrée et il peut paraître surprenant de traiter chirurgicalement une pathologie dont on identifie mal la cause. • Les résultats des arthrodèses sont difficiles à évaluer car la méthodologie des essais est souvent pauvre et il n’y a peu d’étude contrôlée comparant la chirurgie avec l’histoire naturelle ou le traitement médical. Le traitement médical est loin d’être la panacée car son échec conduit inéluctablement à la chirurgie comme dernier recours alors qu’un traitement précoce et adapté, chirurgical ou médical, pourrait parfois résoudre un problème segmentaire isolé. On ne peut exclure la chirurgie de l’arsenal thérapeutique comme le préconisent certains sans apporter la preuve des méthodes non invasives dont le coût est considérable par le biais des antalgiques et autres thérapeutiques « manuelles » à l’efficacité parfois douteuse qui n’ont jamais démontré leur efficacité dans une étude randomisée de niveau 1. ET LOMBALGIE Jean-Charles Le Huec, Antonio Faundez, Stéphane Aunoble 247 Nous nous intéresserons plus particulièrement aux indications chirurgicales chez les lombalgiques chroniques avec discopathie avec ou sans atteinte radiculaire. C’est un problème fréquent. C HIRURGIE ET LOMBALGIE L’ORIGINE NON MÉCANIQUE DE LA DOULEUR AU COURS DE LA LOMBALGIE 248 C’est effectivement la première question à se poser. Il paraît en effet logique d’opérer une fracture, une tumeur ou de mettre en place une prothèse de hanche pour une coxarthrose évoluée car on sait ce que l’on traite et parce que le traitement est codifié, validé et les résultats favorables en sont connus. Cependant, aucune étude prospective randomisée n’a été effectuée sur la pose des prothèses de hanche depuis les premières implantations dans les années 1950. C’est sans doute le premier obstacle à franchir pour imposer des études prospectives randomisées pour les lombalgiques. En matière de lombalgies, pratiquer une arthrodèse repose sur la même théorie qui était appliquée à la hanche et au genou avant le début des prothèses articulaires. L’arthrodèse, en supprimant le mouvement, stabilise le segment et supprime la douleur liée à des mouvements anormaux sur un disque dégénéré. L’instabilité, qui serait l’argument pour une arthrodèse rachidienne, est un terme totalement galvaudé par des opposants à la chirurgie qui n’ont aucune notion de biomécanique et utilise un langage totalement inapproprié. Une fracture de la colonne vertébrale donne une instabilité, mais un segment lombaire avec un disque dégénéré n’est pas instable : il passe d’une stabilité idéale à l’état jeune à un autre état de stabilité lorsque le disque dégénère, ce qui a pour conséquences de réduire les foramens et d’engendrer une biomécanique inadaptée des facettes articulaires avec un jeu musculo-ligamentaire qui est perturbé. Malgré la grande fréquence des lombalgies, nous savons peu de choses sur leur physiopathologie et il nous est parfois difficile d’expliquer à nos patients l’origine de leurs douleurs car les causes sont multiples et intriquées. En conséquence, il n’existe pas toujours de traitement codifié et réellement validé. Les patients lombalgiques ont souvent une multiplication d’examens complémentaires et subissent des thérapeutiques très diverses relevant plus volontiers des habitudes ou des croyances du thérapeute que d’un consensus établi par la communauté scientifique. Z Les anomalies vasculaires Elles jouent un rôle fondamental dans la physiopathologie de la pathologie rachidienne dégénérative (24). ET LOMBALGIE C HIRURGIE De nombreuses structures anatomiques sont candidates pour expliquer ces douleurs : disques, ligaments, muscles, nerfs, articulations interapophysaires postérieures, os… De même, l’intervention de processus « biochimiques », faisant notamment appel à des enzymes protéolytiques et à des cytokines, est maintenant reconnue. Les lombalgies sont d’origine multifactorielle : le vieillissement et les facteurs microtraumatiques sont largement incriminés. Le processus anatomique responsable de cet état pathologique est mal connu mais les travaux récents de M-C. Battié sur les cohortes de jumeaux vrais permettent de clairement identifier une origine génétique à la dégénérescence discale. Elle est estimée à 70 % dans de nombreux articles. Les techniques d’imagerie ont été, jusqu’à maintenant, peu satisfaisantes car il n’existe pas de parallélisme entre les données radiographiques (scanner et IRM) et les symptômes. Il est bien connu que des populations de lombalgiques et de non lombalgiques peuvent avoir des anomalies d’imagerie similaires. Les données épidémiologiques (incidence, âge de survenue, localisation…) connues concernant cette pathologie proviennent essentiellement de populations sélectionnées (patients symptomatiques, souvent hospitalisés), d’explorations morphologiques, d’études radiologiques ou chirurgicales. Les études cadavériques permettent l’analyse de la prévalence, de la distribution et des caractéristiques des lésions discales dans une population non sélectionnée et elles autorisent une analyse comparative des lésions discales chez des lombalgiques et des non lombalgiques. Des travaux analysant sur le plan histologique les anomalies observées sur des cadavres de lombalgiques et de non lombalgiques ont montré qu’aucune lésion anatomique spécifique ne permettait d’expliquer la survenue de lombalgies, les lésions observées étant similaires dans les deux populations. Cependant, plus les anomalies morphologiques étaient sévères et étendues, plus les lombalgies étaient fréquentes (14,15). Plusieurs processus complexes interviennent, notamment la vascularisation et l’innervation du disque, ainsi que la dégradation de la matrice discale par des enzymes protéolytiques. 249 • Dégénérescence discale et athérome de l’aorte abdominale et de ses branches : la colonne lombaire reçoit son apport sanguin des artères lombaires et de l’artère sacrée moyenne, issues de l’aorte abdominale (22) et il semble plausible que celles-ci soient atteintes très tôt au cours de la vie (dès l’âge de 20 ans) par des lésions athéromateuses. Ce phénomène peut entraîner des conséquences néfastes pour les disques intervertébraux. Des études cadavériques ont montré qu’une réduction du flux sanguin (athérome de l’aorte abdominale ou hypoplasie artérielle congénitale) était liée à la présence de lombalgies et que la dégénérescence discale lombaire était corrélée avec l’existence de lésions athéromateuses de l’aorte abdominale et, plus particulièrement, une sténose des ostiums des artères segmentaires au-dessus et en dessous du disque intervertébral correspondant (26,27). Ces données permettent peut-être d’expliquer les liens suggérés entre consommation tabagique et lombalgies (4,33). • Obstruction et dilatation veineuses : il a été montré qu’une dégénérescence et une protrusion discales pouvaient conduire à une compression du plexus veineux épidural associée à une dilatation veineuse aboutissant à un œdème de la racine nerveuse, à des processus d’ischémie, puis au développement d’une fibrose péri- et intraradiculaire (17,22). • Néo-vascularisation du disque dégénéré : une néo-vascularisation du disque intervertébral dégénéré, démontrée par de nombreux travaux (25,29) et favorisée par certains facteurs d’angiogénèse, pouvant activer des procollagénases présentes à un état latent au sein du disque intervertébral, entretient le processus de dégénérescence discale. C HIRURGIE ET LOMBALGIE Z L’innervation 250 Le disque intervertébral a été impliqué dans la genèse de la lombalgie, mais il est délicat d’expliquer comment une structure non innervée peut être responsable de douleurs. Les techniques d’immunohistochimie ont permis de montrer que les fibres nerveuses détectées dans les structures péridiscales (ligament longitudinal postérieur, capsule des articulations interapophysaires postérieures, partie externe de l’AF) contenaient des neurotransmetteurs nociceptifs (substance P (SP), du calcitonin-generelated peptide (CGRP), vasoactive intestinal peptide (VIP)) (1,2). Une étude immunohistochimique a démontré la présence d’une néo-innervation expri- mant la substance P dans les zones profondes du disque dégénéré (partie interne de l’annulus fibrosus et nucleus pulposus), et le lien étroit entre cette néo-innervation et la survenue de lombalgies (12). Le rôle de cette néo-innervation reste à préciser ; s’agit-il d’une tentative de réparation qui serait insuffisante et inadaptée, ou bien d’un véritable processus pathologique intervenant dans la physiopathologie de la lombalgie ? C HIRURGIE La dégénérescence discale est sous l’influence d’enzymes protéolytiques stimulées par diverses substances comme les cytokines (dont l’interleukine-1) ou inhibées par des inhibiteurs spécifiques (Tissue Inhibitors of Metalloproteinases ou TIMPs) (18). Parmi ces enzymes, les metalloprotéinases ont été les plus étudiées et certaines (MMP-1 ou collagénase et MMP-3 ou stromélysine) ont été détectées sous forme activée au sein du disque intervertébral. Il est donc probable qu’un stimulus mécanique entraîne, sur un terrain génétique prédisposant, un déséquilibre de ce système enzymatique (MMPs/TIMPs) déclenchant ainsi une cascade de phénomènes aboutissant à la dégénérescence de la matrice cartilagineuse. On voit bien que la physiopathologie de la lombalgie fait intervenir des phénomènes complexes et encore mal compris et qu’elle est loin de se résumer à un problème biomécanique que l’on pourrait résoudre par une vision purement mécanique. L’analyse d’un grand nombre de jumeaux homozygotes par M-C. Battié a permis de confirmer le rôle prédominant du facteur génétique dans la dégénérescence discale. L’apoptose cellulaire de la cellule discale qui vit dans un environnement fragile, mal pourvu en nutriments est probablement l’élément principal de la dégradation de la matrice discale. Les facteurs mécaniques viennent aggraver une situation déjà précaire. Les changements biomécaniques induits par la perte des propriétés visco-élastiques du disque ont des conséquences très importantes sur les structures environnantes : arthrose facettaire, distension ligamentaire et capsulaire, compression du nerf sinu-vertébral et altération des muscles stabilisateurs de l’unité fonctionnelle de base de Junghans. ET LOMBALGIE Z La dégradation de la matrice discale : un phénomène génétique à 70 % aux conséquences biomécaniques 251 C HIRURGIE ET LOMBALGIE ANALYSE BIOMÉCANIQUE GLOBALE DES LOMBALGIES 252 La nouvelle approche des lombalgiques est maintenant intégrée dans une analyse clinique et paraclinique globale du patient et de sa posture globale. L’IRM (en position couchée) n’est plus l’examen de référence, même s’il reste indispensable pour l’analyse du disque, des muscles, des facettes articulaires. L’apparition du système basse radiation EOS, installé pour la première fois au monde à Bordeaux en 2007 a transformé le démembrement des lombalgiques. Le système EOS, issu des travaux du prix Nobel de G. Charpak en 1991, est un système d’imagerie basse dose qui permet d’obtenir deux images simultanées strictement perpendiculaires de l’ensemble de l’individu en position debout. Cette station érigée est très importante car elle permet de démasquer des mouvements anormaux entre les vertèbres et, surtout, de pouvoir réaliser une analyse très fine du plan frontal et du plan sagittal. Les images sont obtenues sans distorsion car le rayon est perpendiculaire en permanence à tous les segments analysés. Le logiciel associé Stéréos permet une reconstruction 3D très utile pour supprimer les artefacts de mesure des images qui sont prises dans un plan qui n’est pas optimal. L’analyse de l’équilibre frontal et surtout sagittal a été nettement améliorée par ces clichés sur grande cassette ou par le système EOS. Les paramètres de l’équilibre sagittal sont essentiels à analyser dans la compréhension des lombalgies. Le pelvis qui supporte la colonne vertébrale doit être analysé comme une vertèbre pelvienne servant de fondation pour le rachis situé au dessus. Il faut donc le caractériser par une mesure car tous les individus n’ont pas le même pelvis. L’angle d’incidence (figure 1) est la carte d’identité de cette vertèbre pelvienne. Les travaux de Roussouly(32) ont permis de démembrer les différents types de colonnes vertébrales en 4 groupes. En pratique, trois groupes sont bien identifiables (figure 2). • patients à petite incidence (< 45°), qui ont un dos peu lordosé et très plat ; • patients à incidence moyenne (53°) qui ont un dos harmonieux avec une lordose lombaire de l’ordre de 60° et une cyphose thoracique moyenne de 45° ; • patients à forte incidence (> 65°) qui ont un rachis lombaire très lordosé compensé par une cyphose thoracique proportionnelle. Figure 1 : Angle d’incidence Repères anatomiques : centre des têtes fémorales et milieu du plateau sacré Perpendiculaire au plateau sacré Verticale passant par le centre des têtes fémorales Horizontale passant par le bord antérieur du plateau sacré Angle d’incidence : PI / Version pelvienne : PT / Pense sacrée : SS 45 à 60° > 60° Ainsi, la forme du dos chez les sujets sains est directement liée à la forme du bassin et est donc déterminée par l’angle d’incidence. Lors du processus de vieillissement, la dégénérescence discale entraîne une perte de la lordose lombaire dont nous avons vu l’origine géné- C HIRURGIE < 45° ET LOMBALGIE Figure 2 : Trois groupes dans la population en fonction de la valeur de l’incidence 253 tique qui peut être aggravée par les facteurs mécaniques, microtraumatiques, le tabagisme, etc. La cyphose lombaire progressive s’accompagne d’un mouvement de rétroversion du bassin pour maintenir la position d’équilibre global. Ce phénomène de compensation s’accompagne d’un travail musculaire des psoas et des muscles postérieurs et, par conséquent, d’une dépense d’énergie supplémentaire. La contraction musculaire postérieure sur des facettes arthrosiques s’accompagne d’une augmentation des douleurs à ce niveau. De façon concomitante, l’affaissement discal entraîne un rétrécissement des foramens avec apparition de symptomatologie de canal lombaire étroit central et latéral responsable de douleurs radiculaires. La contracture musculaire postérieure épuise les muscles postérieurs et est à l’origine de douleurs musculaires. À un stade plus avancé, lorsque la limite de rétroversion du bassin est atteinte, le patient va fléchir les genoux pour maintenir son équilibre ou se déplacer avec une canne (figure 3). La flexion permanente des genoux pour maintenir l’équilibre engendre une fatigue musculaire des quadriceps qui deviennent douloureux. Cette douleur est souvent confondue avec une souf- C HIRURGIE ET LOMBALGIE Figure 3 : Changement progressif de la version pelvienne au cours du processus dégénératif 254 france du nerf crural alors que celui-ci est rarement incriminé par la compression. Une chirurgie lombaire de décompression avec ou sans arthrodèse serait totalement inadaptée et serait à l’origine de mauvais résultats fonctionnels. Ceci est lié à une mauvaise interprétation de la clinique et, dans une grande majorité des cas, à une incompréhension de la biomécanique rachidienne conduisant à des chirurgies mal réalisées alors que le rétablissement de la lordose lombaire appropriée, associée aux décompressions nerveuses justifiées, permettrait d’obtenir d’excellents résultats dans le traitement des lombalgies (6). Cette notion récente est apparue depuis la fin des années 2010. Les études prospectives actuelles permettent de la confirmer. Des études comparatives par rapport à des cohortes anciennes bien documentées permettent de le démontrer. L’analyse de la qualité des muscles à l’IRM et la corrélation avec la fonction et la posture rachidienne sont encore en cours d’évaluation mais devraient conduire à une meilleure compréhension des douleurs dynamiques et posturales. Les conséquences sur l’intérêt de la rééducation en seront largement impactées. Il sera inutile de vouloir traiter par rééducation un patient dont le capital musculaire spinal est réduit à néant par la dégénérescence graisseuse primitive ou secondaire. De très coûteuses séances de rééducation au long cours seront ainsi évitées. RÔLE POTENTIEL DE LA CHIRURGIE ET DES ARTHRODÈSES DANS LES LOMBALGIES C HIRURGIE En 1911, Albee proposa l’arthrodèse postérieure dans le traitement du mal de Pott et Hibbs la recommanda dans le traitement de la scoliose (21). Puis, les indications furent progressivement étendues aux autres infections et fractures instables. Depuis vingt ans, les arthrodèses ont été proposées dans le traitement des tumeurs lytiques, du spondylolisthésis par lyse isthmique (SPL), pour les sponylolisthésis dégénératifs et, enfin, pour des lombalgies arthrosiques, avec une différence notable en fonction de l’existence ou non d’une sténose canalaire ou foraminale symptomatique. ET LOMBALGIE Z Historique 255 C HIRURGIE ET LOMBALGIE Z Épidémiologie des arthrodèses 256 On assiste, depuis quelques années, à une augmentation considérable du nombre d’interventions chirurgicales pour « instabilité segmentaire lombaire » (28). Aux USA, entre 1979 et 1987, le nombre d’arthrodèses lombaires a augmenté de 200 % (le nombre de laminectomies et de discectomies augmentant respectivement de 23 et 75 %). Le nombre d’interventions sur le rachis lombaire a encore augmenté de 100 % entre 1987 et 1990. En 1990, le nombre d’interventions sur le rachis lombaire de l’adulte aux USA était estimé à 279 000, dont 46 500 (17 %) arthrodèses et ce chiffre n’a cessé d augmenter au cours des années 2000 à 2010 pour atteindre un chiffre proche des 500 000 arthrodèses lombaires en 2011 aux USA. Les indications de ces arthrodèses étaient (21) des discopathies dégénératives (51 %), des spondylolisthésis (24 %), des sténoses lombaires (10 %), des fractures instables (7,5 %) ; 50 % des arthrodèses étaient associées à une ostéosynthèse en 1999. Le nombre d’ostéosynthèses a également augmenté de façon exponentielle au cours des années 2000-2010 et atteindre 70 % des arthrodèses. Plusieurs facteurs ont pu contribuer à cette forte augmentation : l’élargissement des indications (arthrose, discopathies, hernie discale), l’amélioration des techniques d’imagerie, l’amélioration des techniques et des matériels de fixation, celle également de la sécurité opératoire et de la couverture sociale. En France, comme dans beaucoup de pays, l’augmentation du nombre de chirurgiens spécialisés dans le rachis dans une région aboutit à un ratio plus important d’arthrodèses sans que l’on retrouve une autre cause. Ce dernier point explique, en large partie, les variations entre pays (rapport de 1/10 entre l’Écosse et les USA) et régionales observées aux USA (35/100 000 à l’Ouest et 4/100 000 à l’Est) : la corrélation est presque parfaite (r = 0,95) entre le nombre de chirurgiens et le nombre d’interventions sur le rachis lombaire (5). Pour des raisons d’assurance, les chirurgiens pratiquent la chirurgie de la colonne vertébrale de façon de plus en plus exclusive. La Société française de chirurgie du rachis (SFCR) regroupe la très grande majorité d’entre eux. Z Indications des arthrodèses dans le traitement des lombalgiques L’arthrodèse se propose de corriger la déformation si elle existe, de soulager les douleurs et d’améliorer la fonction. L’instabilité segmen- taire était le rationnel justifiant habituellement l’arthrodèse lombaire. A. Deburge, faisant le point en 1999 sur les indications d’arthrodèses, écrivait : « C’est donc sur la base de notre expérience personnelle, plus que sur des preuves scientifiques inexistantes, que nous envisagerons les indications de l’arthrodèse dans le rachis lombaire dégénératif » (10) ; depuis, les choses ont beaucoup évolué. C HIRURGIE • Hernie discale : l’indication d’arthrodèse est exceptionnelle mais peut se discuter en cas de récidive si une arthrectomie un peu trop étendue a été nécessaire pour libérer la racine (10) ; elle semble logique en cas de résection articulaire postérieure de plus de 50 %. • SPL (Spondylolisthésis) avec lyse isthmique : c’est une anomalie de la croissance vertébrale qui aboutit à une non-fusion de l’arc postérieur au niveau des isthmes. Les étiologies sont variées. Le diagnostic est le plus souvent fortuit ou découvert à la faveur de lombalgies ou de radiculalgies majoritairement de type L5 car la localisation la plus fréquente est l’isthme de L5. La forme du plateau de S1 est l’élément clé dans la prise en charge des SPL par lyse isthmique. - Si le plateau de S1 est en dôme, il s’agit d’une dysplasie et les lombalgies sont très précoces avant l’âge de 20 ans. Le glissement peut être très important et, parfois, on est en présence d’une ptose de la vertèbre L5. L’évolution est toujours défavorable et il faut donc discuter d’emblée un geste chirurgical dont le type dépendra de l’analyse de l‘équilibre sagittal (30). Chez le sujet très jeune avec des lombalgies rebelles, on peut discuter d'une reconstruction isthmique à condition que le disque soit totalement intact et le glissement nul. - Si le plateau de S1 est plat, les lombalgies plus ou moins accompagnées de radiculalgies apparaissent beaucoup plus tard à la faveur de la dégénérescence discale. La valeur de l’angle d’incidence est l’élément déterminant. Plus l’angle d’incidence est élevé plus les lombalgies sont précoces. Le glissement est également proportionnel à l’angle d’incidence. Le traitement chirurgical est guidé par la présence de radiculalgie et d’un défaut d’équilibre sagittal. En présence de deux l’indication chirurgicale est formelle et la chirurgie doit tenir compte du rétablissement des paramètres d’équilibre sagittal. De nombreuses chirurgies justifiées sont mal réalisées et conduisent à des échecs. ET LOMBALGIE Z Les indications peuvent se discuter schématiquement pour cinq grands groupes de pathologies 257 ET LOMBALGIE C HIRURGIE 258 Cette notion récente est essentielle et les séries qui ont tenu compte de ces paramètres montrent une très forte corrélation entre rétablissement des paramètres sagittaux et bons résultats cliniques (Bourghli). • Sténose lombaire et spondylolisthésis dégénératif : Autant les indications paraissent justifiées en cas de souffrance radiculaire rebelle au traitement médical, autant les indications dans la lombalgie sont controversées. Les essais publiés ne permettent pas de répondre quant à l’efficacité des diverses techniques chirurgicales, en raison des nombreuses insuffisances méthodologiques dans les articles avant 2000 et même dans les dix dernières années (13). Pour les lombalgies classiques, dites essentielles, avec discopathie, il est essentiel d’intégrer les paramètres de postures dans la compréhension des lombalgies. Il est devenu systématique de voir un patient muni d’une IRM avec un commentaire radiologique d’images totalement coupées de la réalité clinique. Le patient veut que l’on traite l’image, le généraliste ne comprend pas pourquoi le rhumatologue, qui base son examen sur la clinique, ne souhaite pas de chirurgie compte tenu de l’absence de corrélation anatomo-clinique. En l’absence de consensus, le patient finit chez le chirurgien en dernier recours. La question essentielle, qui n’est pas totalement résolue, est de savoir si nous disposons de critères fiables permettant d’incriminer une discopathie, objectivée sur les diverses techniques d’imagerie, dans la genèse de la lombalgie. Contrairement à une idée trop répandue et colportée par les radiologues depuis les années 1990, les clichés radiographiques simples ont une grande valeur sémiologique à condition de savoir les interpréter dans le cadre des lombalgies. Ils doivent être réalisés debout de face et de profil, et au minimum inclure le segment D12 aux têtes fémorales. Idéalement, tout patient lombalgique doit avoir un cliché debout sur grande cassette de C2 aux têtes fémorales de face et de profil. Un examen avec le système EOS à basse radiation est, bien sûr, la solution idéale car on obtient un full body pour une dose de radiation inférieure à une radio pulmonaire. Quinze centres sont équipés en France mais il en faudrait une centaine tant la demande est grande et les informations utiles non seulement pour les pathologies rachidiennes mais aussi celles des membres inférieurs. Le plus dur est souvent de convaincre les radiologues de l’achat de ce type de machine qui coûte pourtant seulement le prix d’un demi-scanner. Ces clichés debout ET LOMBALGIE C HIRURGIE permettent de démasquer les antélisthésis et rétrolisthésis, l’ouverture antérieure anormale des disques et, surtout, de mesurer les paramètres pelviens (incidence et version pelviennes) et rachidiens de l’équilibre sagittal pour démasquer les attitudes compensées et décompensées économiquement sur le plan musculaire. Cette notion essentielle (3,7), apparue au cours des dix dernières années et quasi inconnue des rhumatologues, est mieux appréhendée par les rééducateurs, mais malheureusement très peu connue des neurochirurgiens. Chez le lombalgique, les clichés dynamiques montrent plus souvent une hypomobilité qu’une instabilité mais peuvent démasquer des mouvements anormaux excessifs. • L’IRM ne reflète que la déshydratation du disque et les modifications décrites par Modic n’ont jamais été fortement corrélées avec l’existence de lombalgies mais plutôt l’existence de phénomènes discaux inflammatoires. La prise en compte des paramètres d’équilibres sagittaux et des éléments anatomiques apportés par l’IRM et corrélés à la clinique permettent de proposer des solutions chirurgicales beaucoup mieux adaptées que dans le passé. Un canal lombaire étroit par sténose foraminale sur un ou deux étages bénéficiera d’une décompression économique isolée sans ostéosynthèse. C’est dans cette indication que les techniques dites mini-invasives ont une place de choix pour une récupération rapide. Par contre, un canal lombaire étroit avec déséquilibre sagittal (plus ou moins frontal) devra bénéficier d’une prise en charge globale des deux problèmes : décompression nerveuse et rétablissement de l’équilibre, pour éviter les syndromes jonctionnels et rétablir une biomécanique musculaire économique sur un rachis aux courbures restaurées. La chirurgie d’arthrodèse lombaire sera en général la plus adaptée mais dans une équipe adaptée prenant en charge l’ensemble de ces paramètres (6). • Discopathie lombaire isolée : La lombalgie sans trouble radiculaire vrai ou simplement accompagnée de douleurs référées des membres inférieurs est certainement le problème le plus complexe à prendre en charge. • L’IRM ne reflète que la déshydratation du disque et les modifications décrites par Modic n’ont jamais été fortement corrélées avec l’existence de lombalgies mais plutôt l’existence de phénomènes 259 ET LOMBALGIE C HIRURGIE 260 discaux inflammatoires. Le Modic 1 serait le stade douloureux de la discopathie. • La discographie, très controversée au cours des années 2000, est maintenant totalement abandonnée compte tenu d’une mauvaise corrélation anatomo-clinique et, surtout, parce qu’elle est très nocive sur le disque sain servant de témoin ou elle peut engendrer une dégradation accélérée. • Ici aussi, l’analyse des paramètres d’équilibre sagittal est importante car certaines formes de dos seront plus que d’autres favorables à un traitement chirurgical (30). • L’immobilisation par corset plâtré ne simule qu’imparfaitement les effets d’une arthrodèse sur le disque L5S1 où le bermuda est plus efficace mais très inconfortable. Il est donc impératif, avant de réaliser une chirurgie chez le lombalgique de disposer de tests diagnostiques fiables et d’études contrôlées randomisées, comparant chirurgie et traitement conservateur. Ces études contrôlées ont été réalisées pour les discopathies isolées entre traitement conservateur et pose de prothèse discale. Le résultat était en faveur de la chirurgie dans ce cas précis mais la puissance de l’étude était faible du fait d’un petit nombre de patients inclus. Trois grosses études américaines prospectives et randomisées demandées par la FDA ont comparé arthrodèses lombaires et prothèses discales. L’étude la mieux réalisée et avec la plus forte puissance statistique a comparé la prothèse Maverick avec une arthrodèse antérieure isolée pour le niveau L5S1 ou L4L5. La comparaison est parfaite car la voie d’abord est la même, seul l’implant diffère contrairement aux deux autres études. Le résultat établit clairement une supériorité de la prothèse à deux ans de recul. La différence est significative mais faible. Cependant, ce résultat a permis d’obtenir le remboursement de la prothèse en France avec un service rendu supérieur à l’arthrodèse, contrairement aux deux autres prothèses acceptées également en France. Les conditions de pose et les indications ont été volontairement restrictives par la HAS, mais cette attitude est justifiée. Les indications idéales sont rares. Il doit s’agir d’un sujet jeune, de moins de 45 ans, avec une discopathie isolée, de bons muscles, sans arthrose facettaire, et avec un angle d’incidence inférieur à 60° (pour éviter les patients très hyperlordotiques). Avec ces restrictions, les résultats à moyen et long termes sont bons comme le confirme les résultats à dix ans de la Maverick (SRS Tel Aviv, 2013). C HIRURGIE Le problème de la technique chirurgicale employée est essentiel. Plusieurs techniques existent entre les voies d’abord antérieures non délabrantes pour le capital musculaire mais indiquées pour des gestes sur un ou deux niveaux (arthrodèses ALIF et prothèses discales) et les voies d’abord postérieures plus délabrantes pour les muscules mais permettant de traiter tous les niveaux avec décompression directe des nerfs et rétablissement de la hauteur discale par les cages et surtout rétablissement de la lordose adaptée aux paramètres pelviens. Il serait trop long de reprendre l’ensemble de ces techniques. Ce qui est important à prendre en compte c’est l’objectif recherché par le geste chirurgical. L’absence de ce critère essentiel a été à l’origine de l’échec de nombreuses chirurgies bien réalisées techniquement mais dont l’objectif, en particulier biomécanique, n’était pas atteint car totalement ignoré par l’opérateur lui-même. La chirurgie du rachis lombaire doit systématiquement intégrer l’analyse de l’équilibre sagittal : qu’il s’agisse d’une simple décompression ou d’une arthrodèse sur un niveau ou d’une chirurgie plus extensive dans le cadre d’une scoliose dégénérative. Les deux cas cliniques cités ci-après en exemple permettent de comprendre l’importance de ces paramètres sagittaux dans l’analyse des résultats lorsque tous les autres critères - fusion, décompression ont été réalisés correctement. - Exemple 1 (figure 4) : spondylolisthésis dégénératif avec lombalgies invalidantes avec canal lombaire étroit traité par décompression et arthrodèse. Le résultat est excellent sur la radiculalgie mais très mauvais sur la lombalgie. L’analyse de l’équilibre sagittal permet de comprendre une position non économique avec compensation permanente par utilisation de la musculature postérieure source d’épuisement et de douleurs musculaires et facettaires postérieures. Le résultat fonctionnel est mauvais, le patient ne reprend pas le travail et au-delà de 6 mois, sombre dans la dépression et passe en invalidité. - Exemple 2 (figure 5) : tableau clinique initial identique. Excellent résultat, aucune radiculalgie ni lombalgie, reprise de l’activité professionnelle à 3 mois. L’équilibre sagittal est parfait, la staitique est économique, la reprise du sport possible. ET LOMBALGIE Z Techniques chirurgicales 261 Figure 4 : Spondylolisthésis dégénératif avec lombalgies invalidantes avec canal lombaire étroit traité par décompression et arthrodèse. C HIRURGIE ET LOMBALGIE Le résultat est excellent sur la radiculagie mais très mauvais sur la lombalgie. L’analyse de l’équilibre sagittal permet de comprendre une position non économique avec compensation permanente par utilisation de la musculature postérieure source d’épuisement et de douleurs musculaires et facettaires postérieures. Le résultat fonctionnel est mauvais, un an de suivi. 262 Figure 5 : Spondylolisthésis par lyse isthmique avec lombalgies invalidantes avec canal lombaire étroit traité par décompression et arthrodèse. La chirurgie dans le cadre des lombalgies doit s’intégrer dans un programme de prise en charge complet. Les traitements non chirurgicaux, en particulier en phase initiale, sont absolument indispensables et doivent être réalisés correctement. Il doit s’agir d’une quasi prévention du potentiel évolutif grâce à un programme prenant en compte : le poids (surpoids), la qualité musculaire, les mauvaises postures, le tabagisme et le poste de travail. C HIRURGIE QUELLES AUTRES POSSIBILITÉS DE PRISE EN CHARGE ? ET LOMBALGIE Le résultat est excellent sur la radiculagie et la lombalgie. L‘analyse de l‘équilibre sagittal permet de comprendre une position économique sans compensation muculaire. Aucune douleur, 8 ans de suivi. 263 Il faut changer le cercle infernal de la prise en charge sectorielle et inadaptée et envisager une prise en charge pluridisciplinaire globale, qu’elle ait lieu à l’hôpital ou en ville. Après un bilan clinique précis au cours d’une consultation pluridisciplinaire avec rhumatologue, rééducateur, chirurgien orthopédiste, diététicienne et psychologue. Une évaluation socioprofessionnelle avec la participation d’une assistante sociale est réalisée afin de juger de la nécessité d’un programme de reconditionnement à l’effort. La situation de chaque patient est examinée au cas par cas, l’objectif étant de prendre une décision sous des formes diverses : réinsertion professionnelle dans l’activité antérieure, reprise de l’activité professionnelle sur un poste adapté (le médecin du travail connaissant les caractéristiques de l’activité professionnelle et les capacités de l’entreprise). L’aide du psychologue et de la diététicienne est souvent importante chez un patient obèse, dépressif qui a une image dégradée de lui-même dont il ne sortira que par une prise en charge globale au sein d’une école du dos où l’évaluation sera globale : clinique et paraclinique. Un examen EOS à basse radiation systématique associé à une IRM (et pas cinq !) sera suffisant pour établir un bilan précis. Les objectifs prioritaires sont de valider les traitements médicaux existants, de développer les prises en charge multidisciplinaires et d’évaluer les nouveaux programmes de ré-entraînement à l’effort ; et surtout, mais il s’agit là de l’objectif le plus délicat, d’empêcher le passage à la chronicité. C HIRURGIE ET LOMBALGIE CONCLUSION 264 Le nombre d’arthrodèses pour lombalgies chroniques a augmenté de façon exponentielle ces dernières années. La justification de cet état de fait est plus conjoncturelle (nombre de chirurgiens installés, profit, inefficacité des traitements médicaux…) que basée sur des preuves scientifiques. Cependant, l’arrivée de l’analyse globale du rachis par clichés sur grande cassette ou système EOS a permis de jeter un regard différent sur les lombalgiques et de permettre une analyse plus globale de l’origine des douleurs souvent ignorées dans le passé du fait d’une analyse qui s’était progressivement limitée à un examen clinique régional et une imagerie IRM et/ou scanner en position couchée. Cette nouvelle approche, globale et pluridiscipli- naire, permet une meilleure prise en charge des patients et, surtout, de réserver les arthrodèses aux patients ayant un trouble de l’équilibre sagittal manifeste. Les prothèses discales lombaires restent des indications rares chez le sujet jeune avant 45 ans avec discopathie isolée en L4L5 ou L5S1. Elles doivent être réservées à des centres spécialisés maîtrisant bien la technique de pose dans les règles éditées par la HAS. Références 1. Ahmed M, Bjurholm A, Kreicbergs A. (1991) SP- and CGRP- immunoreactive nerve 2. Ashton IK, Roberts S, Jaffray DC. (1994) Neuropeptides in the human 3. Barrey C, Roussouly P, Perrin G, Le Huec JC. Sagittal balance disorders in fibres in the rat lumbar spine. Neuro-Orthop; 12: 19-28. intervertebral disc. J Orthop Res; 12: 186-92. severedegenerative spine. Can we identify the compensatory mechanisms? Eur Spine J. 2011; 20 Suppl 5:626-33. 4. Battié M, Videman T, Parent E.Lumbar disc degeneration. Epidemiology and 5. Battie MC, Videman T, Gill K. (1991) Smoking and lumbar intervertebral disc 6. Benzakour A, Le Huec J-C. (2014) Importance of sagittal aligment in indication 7. Bourghli A, Aunoble S, Reebye O, Le Huec JC. Correlation of clinical outcome genetic influences Spine 2004, 29 :2679-90. degeneration: an MRI study of identical twins. 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Le système d’imagerie basse dose EOS est un atout indéniable s’il est disponible. • Les paramètres à mesurer : l’angle d’incidence, la version pelvienne, la lordose L4S1 et la lordose L1S1. • Les valeurs de référence pour un patient donné peuvent être retrouvées sur l’application iphone : sagittalmeter. • À un stade précoce, le traitement conservateur et la rééducation sont essentiels et suffisent. En cas d’échec, il faut effectuer une IRM et des clichés sur grande cassette. C HIRURGIE ET LOMBALGIE • En présence de troubles manifestes de l’équilibre sagittal ou de Modic 1 sur l’IRM, la chirurgie est à discuter. 268 • Le traitement chirurgical des SPL dégénératifs et des SPL avec lyse isthmique vise à décomprimer les racines et à restabiliser le rachis en restaurant l’équilibre sagittal. • L’arthrodèse reste l’intervention de référence ; sur des sujets jeunes avec Modic 1 sur un seul étage avec de bons muscles et des facettes intactes, on peut discuter la pose d'une prothèse discale. Conclusion François Rannou Un certain nombre de messages de cet ouvrage sont essentiels dans le domaine de la lombalgie. Quels sont-ils ? • Tout d’abord, la lombalgie est une maladie aux multiples visages nécessitant donc un interrogatoire, un examen clinique et des CONCLUSION La lombalgie est aujourd’hui la première cause d’incapacité fonctionnelle dans le monde devant les maladies cardio-vasculaires et métaboliques. Cet ouvrage très complet va permettre à nos collègues de pouvoir recevoir des informations très exhaustives sur le sujet. Nous espérons également qu’il permettra de faciliter la prise en charge de ces patients dans l’activité quotidienne des médecins, qu’ils soient généralistes ou spécialistes. Enfin, cet ouvrage pourrait également permettre à nos autorités nationales de santé de sonder l’importance du problème des lombalgies dans la population générale. En effet, même si la lombalgie est la première cause d’incapacité fonctionnelle dans la population, il est clair qu’aujourd’hui il n’existe pas assez de soutien institutionnel à la fois en recherche clinique et fondamentale dans le domaine. Ceci est probablement dû au fait que la lombalgie est une maladie complexe qui ne grève pas le pronostic vital. C’est, pour le XXIe siècle, un changement de paradigme dans la santé. En effet, jusqu’à aujourd’hui les autorités de santé s’attachaient surtout à la prise en charge des maladies potentiellement mortelles permettant en fait d’augmenter l’espérance de vie. Aujourd’hui, il est clair que, notamment dans les pays occidentaux, on s’intéresse de plus en plus non pas à l’espérance de vie qui est en plateau, mais à l’espérance de vie sans incapacité fonctionnelle. La lombalgie est la maladie phare et emblématique de ce changement de paradigme. À nous maintenant d’expliquer ce changement. 269 CONCLUSION examens complémentaires précis pour permettre, dans un premier temps, de porter un diagnostic et donc d’informer le patient. Ceci permettra probablement de diminuer l’incompréhension des patients et donc d’améliorer leur prise en charge. • On commence à être capable de dénombrer dans les lombalgies chroniques non spécifiques un certain nombre de tableaux pour lesquels un traitement médical ou chirurgical spécifique peut être envisagé. Le discours classique délivré au patient, sur le thème votre dos n’est pas plus abîmé que celui d’un patient asymptomatique, doit progressivement disparaître au profit d’explications cohérente et précise. • Les lombalgies inflammatoires représentent une part non négligeable des différents tableaux cliniques. Néanmoins, seul un pourcentage faible est en relation avec une maladie inflammatoire de type spondylarthropathie. • La lombalgie de l’enfant et de l’adolescent est une pathologie fréquente qui nécessite un examen clinique très précis et qui ne doit pas être négligée. • Les traitements non pharmacologiques sont les plus couramment utilisés actuellement, et ont montré un intérêt clinique tout à fait évident. Ce sont des traitements qui associent plusieurs corps de métiers médicaux et paramédicaux, avec comme objectif une réinsertion professionnelle et sociale. Les traitements pharmacologiques et les infiltrations sont beaucoup moins utilisés. • La chirurgie qui, ces vingt dernières années avait plutôt mauvaise presse dans la lombalgie chronique, doit faire partie de l’arsenal thérapeutique car aujourd’hui nous sommes capables, notamment grâce à des travaux français, d’isoler des troubles statiques du rachis sources de lombalgie chronique qui peuvent être améliorés par la chirurgie. 270 En conclusion, il est clair qu’aujourd’hui la lombalgie ne peut être prise en charge par une seule spécialité ou un seul corps de métier. Ce doit être une prise en charge pluridisciplinaire qui doit associer des médecins généralistes, rhumatologues, rééducateurs, chirurgiens de la colonne vertébrale, kinésithérapeutes, éducateurs en activité physique adaptée, ergothérapeutes, psychologues et assistantes sociales. 12. ANNEXES Annexe n°1 Questionnaire d’évaluation multidimensionnelle de la douleur chronique de l’adulte - HAS Annexe n°2 Échelles d’évaluation des lombalgies Annexe n°3 Recommandations européennes pour le traitement de la lombalgie chronique COST B13 (2004) Annexe n°4 Extraits des recommandations du Nice concernant l’information et les exercices pour la prise en charge précoce des lombalgies persistantes (2009) Annexe n°5 Surveillance médico-professionnelle du risque lombaire pour les travailleurs exposés à des manipulations de charges Recommandations élaborées par la Société française de médecine du travail (SFMT) ANNEXES Les recommandations de l’ANAES (février 2000) dédiées à la prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies et lombosciatiques communes de moins de trois mois d’évolution ainsi que le texte de l’HAS (mai 2005) portant sur la prescription de masso-kinésithérapie dans la prise en charge thérapeutique des lombalgies sont téléchargeables sur : www.institut-upsa-douleur.org 271 ANNEXE N°1 : Questionnaire d’évaluation multidimensionnelle de la douleur chronique de l’adulte (HAS) Figure 1 : Questionnaire d’évaluation multidimensionnelle de la douleur chronique de l’adulte (HAS) DOCUMENT POUR L’ÉVALUATION DE LA DOULEUR CHRONIQUE : FEUILLET DESTINÉ AU PATIENT Outils d’autoévaluation de la douleur chronique chez l’adulte Afin de préciser l’intensité de la douleur que vous ressentez actuellement (depuis les 8 derniers jours), nous vous demandons de répondre aux questionnaires suivants. N’oubliez pas de répondre à toutes les questions. Date : …/…/… Nom : ———— Prénom : ———— 1re PARTIE : Schéma des zones douloureuses Indiquez sur le schéma ci-contre où se trouve votre douleur habituelle (depuis les 8 derniers jours) en hachurant la zone. ANNEXES Mettez un “S” pour une douleur près de la surface de votre corps ou un “P” pour une douleur plus profonde dans le corps. 272 Mettez un “I” à l’endroit où vous ressentez la douleur la plus intense. Face Droite Dos Gauche Gauche Droite 2e PARTIE : Mesures de l’intensité la douleur (utiliser l’échelle 1, 2 ou 3) Trois échelles de mesure de l’intensité de la douleur vous sont proposées. Les réponses à une seule échelle sont suffisantes. Essayez de remplir l’échelle 1, en cas de difficultés remplissez l’échelle 2, ou l’échelle 3. Échelle 1 : Échelle visuelle analogique Nous vous proposons d’utiliser une sorte de baromètre de la douleur qui permet de mesurer l’intensité de la douleur. L’intensité de votre douleur peut être définie par un trait tracé sur une échelle comme dans l’exemple ci-dessous. pas de douleur douleur maximale imaginable Une extrémité correspond à la douleur maximale imaginable. Plus le trait est proche de cette extrémité, plus la douleur est importante. Une extrémité correspond à pas de douleur. Plus le trait est proche de cette extrémité, moins la douleur est importante. Indiquez par une croix ou un trait sur la ligne le niveau de votre douleur pour chacun des 3 types de douleur : Douleur au moment présent : pas de douleur douleur maximale imaginable Douleur habituelle depuis les 8 derniers jours : pas de douleur douleur maximale imaginable pas de douleur douleur maximale imaginable ANNEXES Douleur la plus intense depuis les 8 derniers jours : 273 Échelle 2 : Échelle numérique Entourez ci-dessous la note de 0 à 10 qui décrit le mieux l’importance de votre douleur pour chacun des 3 types de douleur. La note 0 correspond à “pas de douleur”. La note 10 correspond à la douleur maximale imaginable. Douleur au moment présent : pas de douleur 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 douleur maximale imaginable Douleur habituelle depuis les 8 derniers jours : pas de douleur 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 douleur maximale imaginable Douleur la plus intense depuis les 8 derniers jours pas de douleur 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 douleur maximale imaginable Échelle 3 : Échelle verbale simple Pour préciser l’importance de votre douleur répondez en entourant la réponse correcte pour chacun des 3 types de douleur : Douleur au moment présent : 0 absence 1 faible 2 modérée 3 intense 4 extrêmement intense Douleur habituelle depuis les 8 derniers jours : 0 absence 1 faible 2 modérée 3 intense 4 extrêmement intense ANNEXES Douleur la plus intense depuis les 8 derniers jours : 274 0 absence 1 faible 2 modérée 3 intense 4 extrêmement intense 3e PARTIE : Qualificatifs de la douleur Vous trouverez ci-dessous une liste de mots pour décrire une douleur. Pour préciser le type de douleur que vous ressentez habituellement (depuis les 8 derniers jours) répondez en mettent une croix pour la réponse correcte. 0 absent 1 faible non un peu 2 modérée 3 intense 4 extrêmement fort modérément beaucoup extrêmement Élancements Pénétrante Décharges électriques Coup de poignard En étau Tiraillement Brûlure Fourmillements Lourdeur Épuisante Obsédante Insuportable Énervante Exaspérante ANNEXES Déprimante 275 4e PARTIE : Échelle du retentissement émotionnel Les médecins savent que les émotions jouent un rôle important dans la plupart des maladies. Si votre médecin est au courant des émotions que vous éprouvez, il pourra vous aider. Ce questionnaire a été conçu de façon à permettre à votre médecin de se familiariser avec ce que vous éprouvez vousmême sur le plan émotif. Ne faites pas attention aux chiffres et aux lettres imprimées à gauche du questionnaire. Lisez chaque série de questions et soulignez la réponse qui exprime le mieux ce que vous avez éprouvé au cours de la semaine qui vient de s’écouler. Ne vous attardez pas sur la réponse à faire, votre réaction immédiate à chaque question fournira probablement une meilleure indication de ce que vous éprouvez, qu’une réponse longuement méditée. 3 2 1 0 Je prends plaisir aux mêmes choses qu’autrefois : Oui, tout autant Pas autant Un peu seulement Presque plus 0 1 2 3 3 2 1 0 ANNEXES J’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait m’arriver : Oui, très nettement Oui, mais ce n’est pas trop grave Un peu, mais cela ne m’inquiète pas Pas du tout Je ris facilement et vois le bon côté des choses : Autant que par le passé Plus autant qu’avant Vraiment moins qu’avant Plus du tout 0 1 2 3 276 Je me sens tendu ou énervé : La plupart du temps Souvent De temps en temps Jamais 3 2 1 0 Je me fais du souci : Très souvent Assez souvent Occasionnellement Très occasionnellement Je suis de bonne humeur : Jamais Rarement Assez souvent La plupart du temps 3 2 1 0 0 1 2 3 J’ai l’impression de fonctionner au ralenti : Presque toujours Très souvent Parfois Jamais 3 2 1 0 0 1 2 3 J’éprouve des sensations de peur et j’ai l’estomac noué : Jamais Parfois Assez souvent Très souvent Je ne m’intéresse plus à mon apparence : Plus du tout Je n’y accorde pas autant d’attention que je le devrais Il se peut que je n’y fasse plus autant attention J’y prête autant d’attention que par le passé 3 2 1 0 3 2 1 0 J’ai la bougeotte et n’arrive pas à tenir en place : Oui, c’est tout à fait le cas Un peu Pas tellement Pas du tout Je me réjouis d’avance à l’idée de faire certaines choses : Autant qu’avant Un peu moins qu’avant Bien moins qu’avant Presque jamais 3 2 1 0 J’éprouve des sensations soudaines de panique : Vraiment très souvent Assez souvent Pas très souvent Jamais Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission de radio ou de télévision : Souvent Parfois Rarement Très rarement ANNEXES 0 1 2 3 0 1 2 3 Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sens décontracté : Oui, quoi qu’il arrive Oui, en général Rarement Jamais 277 5e PARTIE : Échelle du retentissement de la douleur sur le comportement quotidien Pour chacune des 6 questions suivantes, entourez le chiffre qui décrit le mieux comment, la semaine dernière, la douleur a gêné votre : Humeur : ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement Capacité à marcher : ne gêne pas 0 1 2 Travail habituel (y compris à l’extérieur de la maison et les travaux domestiques : ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement Relation avec les autres : ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement Sommeil : ne gêne pas 0 ANNEXES Goût de vivre : 278 ne gêne pas 0 1 6e PARTIE : Mesures de l’intensité du soulagement de la douleur Trois échelles de mesures de l’intensité du soulagement vous sont proposées. La réponse à une seule échelle suffit. Échelle 1 : Échelle visuelle analogique Pas de soulagement Soulagement maximal Échelle 2 : Échelle numérique 0 % 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Soulagement % % % % % % % % % % maximal Échelle 2 : Échelle verbale simple Soulagement Scores Nul Faible Modéré Important Complet 0 1 2 3 4 ANNEXES Pas de soulagement 279 ANNEXE N°2 : Échelles d’évaluation des lombalgies Il n’existe pas d’outil « gold standard » de l’évaluation fonctionnelle de la lombalgie, mais les critères métrologiques (validité de contenu, de construit, faisabilité, adaptation linguistique, usage international) font actuellement référence à plusieurs outils dont le Questionnaire de Roland-Morris (Échelle d’Incapacité Fonctionnelle pour l’Evaluation des Lombalgies - EIFEL) et celui de Dallas, l’échelle de Québec, d’Oswestry ainsi que celle de Mactar (McMaster-Toronto Arthritis Patient Preference Disability Questionnaire) ÉCHELLE E.I.F.E.L. Échelle d’Incapacité Fonctionnelle pour l’Évaluation des Lombalgies (version française du Roland Disability Questionnaire, R.D.Q.) (1, 2). 24 items en 5 facteurs principaux : locomotion (marche, escaliers, habillage, transferts), activités domestiques, confort corporel et répercussions sociales et végétatives (habillage, irritabilité, sommeil, etc.). La méthode de calcul du score est la suivante : si le sujet répond à une question, il se voit attribuer 1 point pour la question, aucun point dans le cas contraire. Le score maximal possible est de 24 points et le score minimal de 0. Plus le score est élevé, plus la lombalgie a une répercussion fonctionnelle. Je reste pratiquement tout le temps à la maison à cause de mon dos Je change souvent de position pour soulager mon dos ANNEXES Je marche plus lentement que d’habitude à cause de mon dos 280 À cause de mon dos, je n’effectue aucune tâche que j’ai l’habitude de faire à la maison À cause de mon dos, je m’aide de la rampe pour monter les escaliers À cause de mon dos, je m’allonge plus souvent pour me reposer À cause de mon dos, je suis obligé(e) de prendre un appui pour sortir d’un fauteuil À cause de mon dos, j’essaie d’obtenir que d’autres fassent des choses à ma place À cause de mon dos, je m’habille plus lentement que d’habitude Je ne reste debout que de courts moments à cause de mon dos À cause de mon dos, j’essaie de ne pas me baisser ni de m’agenouiller À cause de mon dos, j’ai du mal à me lever d’une chaise J’ai mal au dos la plupart du temps À cause de mon dos, j’ai des difficultés à me retourner dans mon lit J’ai moins d’appétit à cause de mon mal de dos À cause de mon mal de dos, j’ai du mal à mettre mes chaussettes (ou bas/collants) Je ne peux marcher que sur de courtes distances à cause de mon mal de dos Je dors moins à cause de mon mal de dos À cause de mon dos, quelqu’un m’aide pour m’habiller À cause de mon dos, je reste assis(e) la plus grande partie de la journée À cause de mon dos, j’évite de faire de gros travaux à la maison À cause de mon dos, je suis plus irritable que d’habitude et de mauvaise humeur avec les gens À cause de mon dos, je monte les escaliers plus lentement que d’habitude À cause de mon dos, je reste au lit la plupart du temps Les fiches des différents scores sont à disposition sur le site : www.observatoire-du-mouvement.com Références 1. Zerkak D, Métivier JC, Fouquet B, Beaudreuil J. Validation of a French version of Med. 2013 Dec;56(9-10):613-20. 2. Coste J, Le Parc JM, Berge E, Delecoeuillerie G, Paolaggi JB. Validation française d’une échelle d’incapacité fonctionnelle pour l’évaluation des lombalgies (EIFEL). ANNEXES Roland-Morris questionnaire in chronic low back pain patients. Ann Phys Rehabil Rev Rhum Ed Fr. 1993 May; 60(5);335-41. 281 L’AUTO-QUESTIONNAIRE DE DALLAS L’échelle D.R.A.D. est la traduction française du Dallas Pain Questionnaire de Lawlis. McCoy et Selby (1), échelle de qualité de vie spécifique des lombalgies chroniques. Elle a été établie et validée par le GEL (Groupe d’Etude des Lombalgies), section spécialisée de pathologie rachidienne de la Société française de Rhumatologie (2). Pour chaque question (16 en tout), le patient doit mettre une croix sur l’échelle linéaire (cotée de 0% à 100%) à l’endroit qui correspondant le mieux à sa situation actuelle. Chaque valeurs des questions de 1 à 7 sont additionnées et multipliées par 3 pour évaluer la répercussion sur les activités quotidiennes. Chaque valeurs des questions de 8 à 10 sont additionnées et multipliées par 5 pour évaluer la répercussion sur les activités professionnelles et de loisirs. Chaque valeurs des questions de 11 à 13 sont additionnées et multipliées par 5 pour évaluer la répercussion sur l’anxiété et/ou la dépression. Chaque valeurs des questions de 14 à 16 sont additionnées et multipliées par 5 pour évaluer la répercussion sur la sociabilité. Plus le score est important et plus la lombalgie a une répercussion sur la qualité de vie. » Auto-questionnaire de Dallas (version traduite et validée par le GEL : Groupe d’études des lombalgies) Évaluation : Initiale Intermédiaire Finale Date : ______ Renseignements socio-administratifs : Nom : _________________ Prénom : _________________ ANNEXES 1/ La douleur et son intensité Dans quelle mesure avez-vous besoin de traitements contre la douleur pour vous sentir bien ? 282 0% Pas du tout 100 % Parfois Tout le temps 2/ Les gestes de la vie Dans quelle mesure votre douleur perturbe-t-elle gestes de votre vie quotidienne (sortir du lit, se brosser les dents, s’habiller, etc.) ? 0% Pas du tout (pas de douleur) 100 % Moyennement Je ne peux pas sortir du lit 3/ La possibilité de soulever quelque chose Dans quelle mesure êtes-vous limité(e) pour soulever quelque chose ? 0% Pas du tout (comme avant) 100 % Moyennement Je ne peux rien soulever 4/ La marche Dans quelle mesure votre douleur limite-t-elle maintenant votre distance de marche par rapport à celle que vous pouviez parcourir avant votre problème de dos ? 0% Je marche comme avant 100 % presque comme avant presque plus Plus du tout 5/ La position assise Dans quelle mesure votre douleur vous gêne-t-elle pour rester assis(e) ? 0% Pas du tout (pas d’aggravation de la douleur) 100 % Moyennement Je ne peux pas rester assis(e) 6/ La position debout Dans quelle mesure votre douleur vous gêne-t-elle pour rester debout de façon prolongée ? 0% Pas du tout 100 % Moyennement Je ne peux pas rester debout 0% Pas du tout (je dors comme avant) 100 % Moyennement Je ne peux pas dormir ANNEXES 7/ Le sommeil Dans quelle mesure votre douleur gêne-t-elle votre sommeil ? Total × 3 = ___% de répercussion sur le rapport activités quotidiennes 283 8/ Activité sociale Dans quelle mesure votre douleur perturbe-t-elle votre vie sociale (danser, jeux et divertissement, repas ou soirées entre amis, sorties, etc.) ? 0% Pas du tout (ma vie sociale est comme avant) 100 % Moyennement Je n’ai aucune activité sociale 9/ Les déplacements en voiture Dans quelle mesure votre douleur gêne-t-elle vos déplacements en voiture ? 0% Pas du tout (je me déplace comme avant) 100 % Moyennement Je ne peux pas me déplacer en voiture 10/ Les activités professionnelles Dans quelle mesure votre douleur perturbe-t-elle votre travail ? 0% Pas du tout (elle ne me gêne pas) 100 % Moyennement Je ne peux pas travailler Total × 5 = ___% de répercussion sur le rapport activités professionnelles/loisirs 11/ L’anxiété / le moral Dans quelle mesure estimez-vous que vous parvenez à faire face à ce que l’on exige de vous ? 0% Je fais entièrement face 100 % Moyennement Je ne fais pas face ANNEXES 12/ La maîtrise de soi Dans quelle mesure estimez-vous que vous arrivez à contrôler vos réactions émotionnelles ? 284 0% Je les contrôle entièrement (pas de changement) 100 % Moyennement Je ne les contrôle pas du tout 13/ La dépression Dans quelle mesure vous sentez-vous déprimé(e) depuis que vous avez mal ? 0% Je ne suis pas déprimé(e) 100 % Je suis complètement déprimé(e) Total × 5 = ___ % de répercussion sur le rapport anxiété/dépression 14/ Les relations avec les autres Dans quelle mesure pensez-vous que votre douleur a changé vos relations avec les autres ? 0% Pas de changement 100 % Changement radical 15/ Le soutien dans la vie de tous les jours Dans quelle mesure avez-vous besoin du soutien des autres depuis que vous avez mal (travaux domestiques, préparation des repas, etc.) ? 0% Aucun soutien nécessaire 100 % Soutien permanent 16/ Les réactions défavorables des proches Dans quelle mesure estimez-vous que votre douleur provoque, chez vos proches, de l’irritation, de l’agacement, de la colère à votre égard ? 0% Pas du tout 100 % ParfoisTout le temps Total × 5 =___ % de répercussion sur la sociabilité Références 1. Lawlis GF, Cuencas R, Selby D, McCoy CE. The development of the Dallas Pain Questionnaire. An assessment of the impact of spinal pain on behavior. Spine 2. Marty M, Blotman F, Avouac B, Rozenberg S, Valat JP. Validation of the French version of the Dallas Pain Questionnaire in chronic low back pain patients. Rev Rhum Engl Ed. 1998 Feb;65(2):126-34. ANNEXES 1989;14(5):511-6. 285 ÉCHELLE DE DORSO-LOMBALGIE DE QUÉBEC (QUEBEC BACK PAIN DISABILITY SCALE) C’est une échelle d’auto-évaluation de l’incapacité, qui traite du retentissement sur la vie quotidienne et les lombalgies (1, 2, 3, 4). Ce questionnaire traite du retentissement sur votre vie quotidienne de vos douleurs du dos. Les personnes souffrant du dos sont à même d’avoir des difficultés à exécuter certaines activités de la vie de tous les jours. Nous aimerions connaître vos difficultés éventuelles, compte tenu de vos problèmes de dos, à accomplir certaines des activités qui sont énumérées ci-dessous. Veuillez s’il vous plaît choisir une seule réponse (en entourant le chiffre approprié) par activité, sans en omettre aucune. Pour chaque activité, il vous faut donner une note comprise entre 0 et 5. Les réponses aux questions se cotent de 0 à 5 : 0 : aucune difficulté. 1 : difficulté minime. 2 : quelque peu difficile. 3 : assez difficile. 4 : très difficile. 5 : impossible à exécuter. Aujourd’hui, pensez-vous avoir une difficulté (compte tenu de vos problèmes de dos) dans l’exécution d’une ou plusieurs des activités suivantes : 1 2 3 4 5 6 Vous vous levez de votre lit Dormir une nuit entière Vous retournez dans votre lit Conduire une voiture Se tenir debout pendant une durée de 20 à 30 minutes Être assis dans une chaise pendant plusieurs heures 7 Monter un étage d’escalier Marcher le long de plusieurs pâtés de maisons (environ 300 à 400 mètres) Marcher plusieurs kilomètres Atteindre des étagères hautes Lancer une balle ANNEXES 8 286 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Courir le long d’un pâté de maison (100 mètres environ) Sortir de la nourriture du réfrigérateur Faire son lit Mettre des chaussettes (ou des collants) Se pencher en avant, afin de nettoyer la baignoire Déplacer une chaise Pousser ou tirer une lourde porte Porter deux paniers à provisions Soulever et porter une lourde valise Items de la version test, dont la formulation a été modifiée : 2 4 6 12 16 17 20 Dormir six heures d’affilée Voyager pendant une heure en voiture Demeurer assis pendant quatre heures Courir le long de deux pâtés de maisons Se pencher en avant au-dessus d’un évier durant 10 minutes Déplacer une table Soulever 18 kilos Références 1. Kopec JA, Esdaile JM, Abrahamowicz M, Abenhaim L, Wood-Dauphinee S, Lamping DL, Williams JI. The Quebec Back Pain Disability Scale: conceptualization and development. J Clin Epidemiol. 1996 Feb;49(2):151-61. 2. Kopec JA, Esdaile JM, Abrahamowicz M, Abenhaim L, Wood-Dauphinee S, Lamping DL, Williams JI. The Quebec Back Pain Disability Scale. Measurement properties. Spine (Phila Pa 1976). 1995 Feb 1;20(3):341-52. 3. Davidson M., Keating J.L., 2002. à peut peut-être être compléter ainsi : Davidson M, Keating JL. Phys. A comparison of five low back disability questionnaires: reliability and responsiveness. Ther. 2002 Jan;82(1):8-24. Validity of the French-language version of the Quebec back pain disability scale in low back pain patients in France. Joint Bone Spine. 2002 Jun;69(4):397-405. ANNEXES 4. Yvanes-Thomas M, Calmels P, Béthoux F, Richard A, Nayme P, Payre D, Laurent B. 287 OSWESTRY BACK PAIN QUESTIONNAIRE Le questionnaire modifié d’Oswestry permet d’évaluer les capacités fonctionnelles d’un patient atteint de douleurs lombaires (1, 2, 3). Il questionne la capacité d’une personne à compléter plus ou moins facilement des activités de la vie quotidienne. Les réponses aux dix questions sont compilées et un score sur 100 en est dérivé. Ce score représente le niveau d’incapacité du patient. Plus ce score est élevé, plus le patient prétend avoir des douleurs lombaires incapacitantes. Ce questionnaire est fréquemment utilisé, et ce, partout dans le monde. Sa fiabilité et a validité ont plusieurs fois été étudiées et le questionnaire d’Oswestry a été traduit dans plusieurs langues. Questionnaire d’évaluation de la capacité fonctionnelle (Version française de l’Oswestry Disability Index)1 Nom, prénom : ........................................ Date : . . / . . / 20. . « Merci de bien vouloir compléter ce questionnaire. Il est conçu pour nous donner des informations sur la façon dont votre mal au dos (ou votre douleur dans la jambe) a influencé votre capacité à vous débrouiller dans la vie de tous les jours. Veuillez répondre à toutes les sections du questionnaire. Pour chaque section, cochez une seule case, celle qui vous décrit le mieux actuellement. » ANNEXES >>> 288 >>> 1/ Intensité de la douleur 0 Je n’ai pas mal actuellement. 1 La douleur est très légère actuellement. 2 La douleur est modérée actuellement. 3 La douleur est plutôt intense actuellement. 4 La douleur est très intense actuellement. 5 La douleur est la pire que l’on puisse imaginer actuellement. 2/ Soins personnels (se laver, s’habiller, etc.) 0 Je peux prendre soin de moi normalement, sans augmenter la douleur. 1 Je peux prendre soin de moi normalement, mais c’est très douloureux. 2 Cela me fait mal de prendre soin de moi, et je le fais lentement et en faisant attention. 3 J’ai besoin d’aide, mais dans l’ensemble je parviens à me débrouiller seul. 4 J’ai besoin d’aide tous les jours pour la plupart de ces gestes quotidiens. 5 Je ne m’habille pas, me lave avec difficulté et reste au lit. 4/ Marche à pied 0 La douleur ne limite absolument pas mes déplacements 1 La douleur m’empêche de marcher plus de 2 km 2 La douleur m’empêche de marcher plus de 1 km 3 La douleur m’empêche de marcher plus de 500 m 4 Je me déplace seulement avec une canne ou des béquilles 5 Je reste au lit la plupart du temps et je me traîne seulement jusqu’au WC ANNEXES 3/ Manutention de charges 0 Je peux soulever des charges lourdes sans augmenter mon mal de dos 1 Je peux soulever des charges lourdes mais cela augmente ma douleur 2 La douleur m’empêche de soulever des charges lourdes à partir du sol mais j’y parviens si la charge est bien placée (par exemple sur une table) 3 La douleur m’empêche de soulever des charges lourdes mais je peux déplacer des charges légères ou de poids moyen si elles sont correctement placées 4 Je peux seulement soulever des objets très légers 5 Je ne peux soulever ni transporter quoi que ce soit 289 5/ Position assise 1 Je peux rester assis sur un siège aussi longtemps que je veux. 2 Je peux rester assis aussi longtemps que je veux mais seulement sur mon siège favori. 3 La douleur m’empêche de rester assis plus d’une heure. 4 La douleur m’empêche de rester assis plus d’1/2 heure. 5 La douleur m’empêche de rester assis plus de 10 minutes. 6/ Position debout 0 Je peux rester debout aussi longtemps que je veux sans augmenter la douleur. 1 Je peux rester debout aussi longtemps que je veux mais cela augmente la douleur. 2 La douleur m’empêche de rester debout plus d’une heure. 3 La douleur m’empêche de rester debout plus d’1/2 heure. 4 La douleur m’empêche de rester debout plus de 10 minutes. 5 La douleur m’empêche de rester debout. 7/ Sommeil 0 Mon sommeil n’est jamais perturbé par la douleur. 1 Mon sommeil est parfois perturbé par la douleur 2 À cause de la douleur, je dors moins de 6 heures 3 À cause de la douleur, je dors moins de 4 heures 4 À cause de la douleur, je dors moins de 2 heures 5 La douleur m’empêche complètement de dormir ANNEXES 8/ Vie sexuelle 0 Ma vie sexuelle n’est pas modifiée et n’augmente pas mon mal de dos 1 Ma vie sexuelle n’est pas modifiée, mais elle augmente la douleur 2 Ma vie sexuelle est pratiquement normale, mais elle est très douloureuse 3 Ma vie sexuelle est fortement limitée par la douleur 4 Ma vie sexuelle est presque inexistante à cause de la douleur 5 La douleur m’interdit toute vie sexuelle 290 9/ Vie sociale (sport, cinéma, danse, souper entre amis) 0 Ma vie sociale est normale et n’a pas d’effet sur la douleur 1 Ma vie sociale est normale, mais elle augmente la douleur 2 La douleur n’a pas d’effet sur ma vie sociale, sauf pour des activités demandant plus d’énergie (sport par exemple) 3 La douleur a réduit ma vie sociale et je ne sors plus autant qu’auparavant 4 La douleur a limité ma vie sociale à ce qui se passe chez moi, à la maison 5 Je n’ai plus de vie sociale à cause du mal de dos 10/ Déplacements (en voiture ou par les transports en commun) 0 Je peux me déplacer n’importe où sans effet sur mon mal de dos 1 Je peux me déplacer n’importe où, mais cela augmente la douleur 2 La douleur est pénible mais je supporte des trajets de plus de 2 heures 3 La douleur me limite à des trajets de moins d’une heure 4 La douleur me limite aux courts trajets indispensables, de moins de 30 minutes 5 La douleur m’empêche de me déplacer, sauf pour aller voir le docteur ou me rendre à l’hôpital Score global de handicap fonctionnel Total des scores partiels : .... /.... (sur 50 au maximum) Résultat en pourcentage (score ODI) : ........% Références 1. Fairbank JC, Couper J, Davis JB, O’brien JP. The Oswestry Low Back Pain Disability Questionnaire. Physiothérapie 1980;66:271-3. 2. Hudson-Cook N, Tome S, Nicholson K, Breen AA. Revised Oswestry Disabilitn Manchester UK: Manchester University Press; 1989:187-204. 3. Vogler D, Paillex R, Norberg M, de Goumoëns P, Cabri J. [Cross-cultural validation of the Oswestry disability index in French]. Ann Readapt Med Phys. 2008 Jun;51(5):379-85 ANNEXES Questionnaire. In: Back pain: new approach to rehabilitation and reeducation. 291 MACTAR Le MACTAR est une échelle fonctionnelle permettant d’évaluer les priorités du patient. Cette échelle est associée à l’opinion du patient sur son état de santé au cours du temps. (1, 2) Questionnaire MACTAR Ce questionnaire nous permet d’identifier quelles activités sont perturbées par votre maladie. Pensez-vous que votre maladie limite votre capacité à effectuer certaines activités ? En d’autres termes, existe-t-il certaines activités que vous effectuiez sans difficulté avant votre maladie et qui sont devenues maintenant douloureuses ou difficiles à effectuer ? Écrivez, ci-dessous, les activités affectées : ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Quelles sont les 3 principales activités, parmi celles que vous avez identifiées, que vous souhaiteriez être capable de faire sans douleur ou difficulté ? ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Dans le cadre indiquez, pour chaque activité, votre niveau de gêne actuelle : 0 1 Aucune difficulté 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Impossible à réaliser Références 1. Sanchez K, Papelard A, Nguyen C, Bendeddouche I, Jousse M, Rannou F, Revel M, Poiraudeau S. Patient-Preference Disability Assessment for Disabling Chronic Low ANNEXES Back Pain; Spine (Phila Pa 1976). 2009;34(10):1052-9. 2. Sanchez K, Papelard A, Nguyen C, Bendeddouche I, Jousse M, Rannou F, Revel M, Poiraudeau S. McMaster-Toronto Arthritis Patient Preference Disability Questionnaire sensitivity to change in low back pain: influence of shifts in priorities. PLoS One. 2011;6(5):e20274. 292 ANNEXE N°3 : Recommandations européennes pour le traitement de la lombalgie chronique COST B13 de 2004 RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS POUR LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE (LC) Traitement conservateur Les thérapies cognitivo-comportementales, les exercices physiques contrôlés (kinésithérapie), les sessions d’éducation et les traitements multidisciplinaires (sur le modèle bio-psycho-social) peuvent chacun être recommandés dans la LC. Les écoles du dos (intérêt à court-terme) et de courtes séries de manipulations peuvent être envisagées. L’utilisation de thérapies physiques (chaud/froid, laser, ultra-sons, massages, corsets...) ne sont pas recommandées. L’électrostimulation transcutanée n’est pas non plus recommandée. Traitements invasifs L’acupuncture, les infiltrations de corticoïdes (épidurales ou facettaires), les injections des zones gâchettes, de toxine botulinique, les thérapies par radiofréquence (facettes postérieures, intra-discales, racine du ganglion dorsal), les traitements thermiques intra-discaux, l’électrostimulation médullaire ne sont pas recommandés dans le traitement de la LC. Les injections intra-discales et la prolothérapie ne sont pas recommandées. L’électrostimulation percutanée et la ANNEXES Traitement médical L’utilisation des AINS et d’opioïdes faibles peut être recommandée pour l’antalgie. Les antidépresseurs sérotoninergiques ou noradrénergiques, les myorelaxants et les pansements à la capsaïcine peuvent aussi être utilisés. Nous ne pouvons pas recommander l’utilisation de la gabapentine. 293 neuro-réflexothérapie peuvent être envisagées lorsqu’elles sont disponibles. La chirurgie dans le cadre de la LC ne doit pas être recommandée avant l’échec de deux ans de traitement conventionnel (comprenant des programmes multidisciplinaires combinant thérapies cognitivo-comportementales et exercices physiques contrôlés) ou si ces derniers ne sont pas disponibles. Les patients devront être soigneusement sélectionnés, et ne devront pas présenter plus de deux disques dégénératifs. ANNEXES Commentaires • Il existe peu de guides de recommandations pour la prise en charge de la LC, par rapport à la lombalgie aiguë. • La LC n’est pas une entité clinique et diagnostique, mais plutôt un symptôme chez des patients présentant différents stades d’incapacité et de chronicité. Par conséquent, l’évaluation des facteurs pronostiques avant traitement est essentielle. • Dans l’ensemble, les preuves scientifiques sont limitées sur beaucoup d’aspects de l’évaluation diagnostique et des thérapeutiques concernant les patients lombalgiques chroniques. • En cas d’atteinte légère et de faible incapacité fonctionnelle, un traitement simple devrait être suffisant (exercices contrôlés, information-éducation et médicaments). • En raison de sa nature multidimensionnelle, la LC ancienne entraînant une incapacité importante ne pourra pas être prise en charge par un traitement simple. • La plupart des thérapeutiques ont des effets modestes. • L’approche la plus prometteuse semble être la thérapie cognitivocomportementale encourageant l’activité physique. • Il est important d’utiliser tous les moyens efficaces dont on dispose et de proposer une démarche cohérente. 294 ANNEXE N°4 : Extraits des recommandations du Nice concernant l’information et les exercices pour la prise en charge précoce des lombalgies persistantes (de 6 semaines à 3 mois) - 2009 RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS POUR LE TRAITEMENT DE LA LOMBALGIE CHRONIQUE (LC) 2) Activité physique et exercices - Informer les patients lombalgiques sur l’intérêt de rester actif sur le plan physique. - Informer les patients lombalgiques sur l’activité physique ANNEXES 1) Information, éducation et préférences du patient - Fournir des conseils et informations privilégiant une prise en charge autonome pour les patients. - Proposer une démarche éducative comportant une information sur la nature de la lombalgie commune, qui incite les patients à rester actifs physiquement et à poursuivre autant que possible leurs activités - Associer l’éducation thérapeutique aux autres interventions en accord avec les recommandations mais ne pas proposer de démarche éducative isolée - Tenir compte des attentes et préférences du patient vis-à-vis des traitements proposés mais sans s’appuyer sur ses attentes et préférences pour prédire la réponse au traitement - Proposer l’une des options thérapeutiques suivantes, en tenant compte des préférences du patient : programme d’exercices, séries de séances de thérapie manuelle ou d’acupuncture. Envisager une autre de ces options si le traitement choisi n’a pas apporté une amélioration satisfaisante. 295 - Proposer un programme d’exercices structurés adapté au patient qui devra comporter au maximum 8 séances sur 12 semaines. - Proposer un programme collectif d’exercices avec un encadrement, pour un groupe de 10 personnes maximum. - Un programme individuel structuré d’exercices avec un encadrement peut être proposé pour une personne donnée, en l’absence de programme collectif - Les programmes d’exercices peuvent comporter les éléments suivants : activité aérobie, mouvements spécifiques, renforcement musculaire, contrôle postural et étirements ANNEXES 3) Association d’une prise en charge physique et psychologique - Envisager une prise en charge de soins physiques et psychologiques, d’une centaine d’heures pendant 8 semaines maximum, pour les patients ayant bénéficié d’au moins un traitement moins intensif et qui garde un haut niveau d’incapacité et/ou une souffrance psychologique - Les prises en charge combinées associant soins physiques et psychologiques doivent inclure une approche cognitivo-comportementale et des exercices 296 ANNEXE N°5 : Surveillance médico-professionnelle du risque lombaire pour les travailleurs exposés à des manipulations de charges Recommandations élaborées par la Société française de médecine du travail (SFMT) Texte intégral disponible sur le site internet de l’Institut UPSA de la Douleur www.institut-upsa-douleur.org ANNEXES Ces recommandations de bonne pratique ont pour objectifs d’améliorer le repérage et l’évaluation des situations professionnelles exposant à des manutentions manuelles de charges afin de limiter et/ou contrôler l’exposition aux risques d’atteintes rachidiennes lombaires et de définir la surveillance médicale adaptée afin de dépister et limiter les atteintes rachidiennes lombaires liées à ces expositions dans le cadre d’une stratégie de prévention intégrée, collective et individuelle, en milieu de travail. Élaborées par la Société française de médecine du travail (SFMT), en partenariat avec plusieurs autres sociétés savantes, elles ont reçu le label de la Haute Autorité de Santé en octobre 2013. 297 L’Institut UPSA de la Douleur Un acteur clé dans la prise en charge de la douleur L’ Institut UPSA de la Douleur, association Loi 1901 à but non lucratif, a été fondé en 1993 pour répondre aux problèmes que pose la prise en charge de la douleur. L’Institut est géré par un Conseil Scientifique indépendant et bénévole qui réunit des personnalités du monde médical et scientifique français. Son rôle est notamment de décider des actions à entreprendre, valider les contenus des éditions de l’Institut UPSA de la Douleur (ouvrages, publications, site Internet…), sélectionner les dossiers d’attribution de fonds… L’Institut organise ses actions autour de quatre axes principaux : • aider au développement de la recherche contre la douleur • former et informer les professionnels de la santé • informer les patients et le grand public • coopérer avec la communauté scientifique Année après année, l’IUD a répondu à sa mission en mettant en place un grand nombre de moyens pour aider au développement de la Recherche fondamentale et clinique dans la lutte contre la douleur, notamment en soutenant plus de 150 projets de recherche pour un montant de plus de 3 millions d’euros. www.institut-upsa-douleur.org Vitrine de l’Institut UPSA de la Douleur, le site http://www.institut-upsa-douleur.org s’adresse à toute personne désireuse de se renseigner rapidement sur la douleur en général ou « sa » douleur en particulier. Destiné tant aux professionnels de santé qu’aux patients ou à leurs proches, le site de l’Institut, véritable base de données sur la douleur, délivre des informations de haute qualité, validées par son conseil scientifique, réactualisées selon les avancées et triées selon une arborescence qui permet une consultation rapide. Toute l’information sur la douleur est disponible pour tous et l’ensemble des documents sont en libre téléchargement : ouvrages (disponibles également sous format e-books, pouvant être facilement visionnés sur les tablettes et les smartphones), publications, brochures pour les patients, outils d’évaluation de la douleur, affiches… Constituer une véritable base de données sur la douleur Fort de plus de 20 ans d’existence, l’Institut UPSA de la Douleur a mis en ligne son savoirfaire afin d’offrir une base de données sur la douleur avec : • l’IUDTHÈQUE (bibliothèque numérique de la douleur permettant d’avoir un aperçu global de l’ensemble des documents disponibles) : POUR LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ : ouvrages, périodiques, protocoles de prise en charge de la douleur, échelles d’évaluation de la douleur, avancées thérapeutiques, aidemémoire pour les internes, textes officiels, formations ; POUR LES FORMATEURS ET ENSEIGNANTS : kits de diapositives sur la douleur, sur les soins palliatifs et sur la prise en charge de la douleur en cancérologie ; POUR LES PATIENTS : vidéos, brochures sur des pathologies douloureuses ou sur leur prise en charge ainsi que des textes de vulgarisation pour mieux comprendre la Douleur (ses mécanismes, ses traitements médicamenteux et non médicamenteux, son évaluation). • LA VIDÉOTHÈQUE : pratiques et didactiques, ces vidéos animées par des professionnels de santé sur diverses pathologies douloureuses, des traitements ou encore des problématiques environnementales, peuvent être utilisées pour former ou informer. • L’ACTUALITÉ DOULEUR : en un clic et en un clin d’œil, accès aux dernières recommandations, nouveautés, informations récentes... Soutenir la formation des professionnels de santé à la prise en charge de la douleur L’Institut favorise la formation des professionnels de la santé en mettant à leur disposition des kits et des programmes de formation, des vidéos, des périodiques (“L’infirmière et à la Douleur”, “La Douleur, des recommandations à la pratique”, “La Lettre de l’Institut UPSA de la Douleur” ou “Douleur et Santé Mentale”) et une collection d’ouvrages originaux abordant des thématiques précises non traitées jusque-là par les ouvrages francophones. Offrir des programmes de protocolisation de la prise en charge de la douleur aiguë en postopératoire (PROCEDOL) et aux urgences (PROTAU) Riche d’une cinquantaine de fiches, le programme PROCEDOL (Procédure de prise en charge de la douleur postopératoire) est destiné aux établissements hospitaliers. Classé par pathologie, PROTAU (Programme de traitements antalgiques en urgence) a été conçu pour apporter aux urgentistes et aux médecins confrontés à l’urgence des procédures antalgiques spécifiques des principaux syndromes douloureux rencontrés en situation d’urgence en fonction de la cause de la douleur. Ces fiches ont récemment été mises à jour et de nouvelles fiches ont été élaborées. À noter également qu’une application Douleur et Urgences est à disposition. Développer l’information vers le patient et le grand public Un travail de sensibilisation auprès des patients et auprès du grand public est également une des vocations de l’Institut qui édite et met en ligne des brochures pour guider les patients et leur entourage. Ces brochures de vulgarisation traitant par exemple de la morphine ou de l’arthrose sont consultables et téléchargeables dans la rubrique spécialement destinée aux patients et à leur entourage. Pour contacter l’Institut UPSA de la Douleur Tél. : 01 58 83 89 94 Courriel : [email protected] www.institut-upsa-douleur.org NOTES 300 27914026