Xavier
Les Stimulateurs naturels de défense (SDN) de la Vigne
Partie 1 : Principe
Xavier Daire (XD), Chercheur à l'Unité mixte de recherche Inra, Université de Bourgogne,
Cnrs (Dijon) : « La vigne représente 20% de l’emploi des pesticides dans l’agriculture
française, essentiellement des fongicides, pour 3% de la SAU. L’enjeu essentiel, dans un
contexte où la viticulture subit de fortes pressions pour limiter l’emploi de ces fongicides, est
la réduction des doses de phytosanitaires. Les SDN permettront peut-être, à l’issue d’une
campagne, de réduire les doses employées de 30 à 40%. Aujourd’hui, nous ne le savons pas
encore, nous n’en sommes qu’au tout début. Les expérimentations sont en cours. Il y a 20
ans, ce sont des produits dont on n’aurait même pas parlé. Je pense qu’aujourd’hui le
marché est mûr pour cela.»
HISTORIQUE
Petite révolution dans le monde phytosanitaire. Le premier vaccin pour le blé a été mis sur le
marché cette année par les laboratoires Goëmar et répond au doux nom de Iodus 40. Tout a
commencé en 1992, quand des spécialistes du CNRS et de la société de biotechnologie
marine Goëmar, basée à Saint-Malo, isolent une molécule organique qui stimule les
défenses de la plante : le bêta 1-3 (1-6) glucane. Derrière ce nom complexe se cache un
simple sucre, de petite taille, un oligosaccharide, présent en grande quantité dans l’algue
brune Laminaria digitata. En déclenchant un signal d’agression dans la plante, cette molécule
empêcherait le développement de nombreux champignons, virus et bactéries et permettrait
ainsi aux tomates, blé, orge, riz, haricot et vigne, de mieux se défendre contre leurs
agresseurs. Après un long processus, Goëmar a obtenu l’homologation du Iodus 40, sur les
maladies précoces du blé : piétin verse, oïdium et septoriose. Un SDN (Stimulateur des
défenses naturelles) qui réduirait significativement les quantités de fongicides.
PRINCIPE
La vaccination des plantes est fondée sur le même principe que celle des humains : activer
les défenses naturelles avant contamination par l’agent infectieux. Le concept est simple, il
s’agit de mettre la plante en contact avec une molécule capable d’activer les défenses
naturelles végétales : un éliciteur (du verbe anglais to elicit qui signifie provoquer). Dans la
nature il existe de nombreux éliciteurs produits par des micro-organismes (éliciteurs
exogènes) ou par la plante elle-même lorsqu’elle est agressée (éliciteurs endogènes). La
présence d’un éliciteur déclenche chez la plante toute une série de réactions cellulaires avec
notamment la production de molécules destinées à renforcer la résistance des parois, mais
aussi d’antibiotiques végétaux tels que des phytoalexines ou des protéines de défense. Ces
molécules ont des propriétés antifongiques et antibactériennes.
L’application externe d’un éliciteur naturel ou d’une molécule de synthèse analogue
engendre donc la production de phytoalexines ou de protéines de défenses en l’absence de
tout agent pathogène. La plante, ainsi « vaccinée », se tient prête à riposter en cas
d’attaque.
Cependant dans les systèmes naturels, la maladie est plus l’exception que la règle du fait que
les plantes possèdent des canismes de défense contre les bioagresseurs. En premier lieu
la cuticule et la paroi cellulaire forment des barrières physiques, constitutives, qui s’oppose à
la pénétration de la plupart des microbes. Ensuite si certains pathogènes parviennent à
franchir ces premières lignes de défense, l’issue de la confrontation entre cet «intrus» et la
plante dépend de la capacité de la plante à percevoir ce dernier, puis à déclencher des
réactions de défense propres à empêcher le développement de la maladie. Cette
reconnaissance se fait grâce à certains composés, appelés éliciteurs, issus du pathogène ou
de la plante (par ex. des produits de la dégradation de la paroi végétale soumise à l’action
d’enzymes d’attaque d’un champignon). La fixation d’un éliciteur sur un récepteur de la
cellule végétale (élicitation) déclenche une cascade d’évènements qui aboutit à la synthèse
de composés de défense. Les plus connus sont des composés anti-microbiens comme les
protéines PR ou les phytoalexines.
Les éliciteurs, comme les potentialisateurs font partie de la famille des stimulateurs des
défenses naturelles des plantes. Les premiers induisent dès leur application des réactions de
défense contre un pathogène tandis que les deuxièmes provoquent l’induction de ces
réactions uniquement lorsque la plante se trouve confrontée au pathogène. Mais la
distinction n‘est pas toujours aussi simple. Certains éliciteurs se comportent comme des
potentialisateurs lorsqu’ils sont appliqués à faible dose.
Illustration des mécanismes de défense par les enzymes hydrolytiques ou phytoalexines
I-Les differents types de défenses
Il existe deux types de défenses : celles dites « passives » et celles dites « actives ».
I-1Les défenses « Passives »
Les réactions de défenses naturelles de la plante sont passives lorsque les constituants
présents ont été préformés avant l'infection. Elles restent actives jusqu’à la pénétration du
pathogène.
a)Les tissus de revêtements
Les épidermes, la cuticule, et les parois cellulaires.
Les épidermes permettent d’isoler les parenchymes des plantes du milieu extérieur. Ils sont
rendus plus ou moins imperméables par leur cuticule d’épaisseurs variables. Cette cuticule
est formée de cutine qui sont des cires non phénoliques. Les parois cellulaires sont
composées de cellulose et d’hémicellulose (80-90% du poids sec) ce qui permet de réduire la
digestibilité des tissus végétaux.
Au niveau de la vigne, il s’avère que l’épaisseur de la cuticule est à prendre en considération
dans la résistance au botrytis. En effet, des chercheurs ont constatés que les vignes
américaines (moins sensible à ce champignon) possédaient des épaisseurs plus importantes
que celles européennes (entre 4 à 10 microns alors que les vitis européens varie de 1,5 à 3,8
microns). Mais, il ne faut pas oublier le fait que la baie de raisins subit de nombreuses
attaques qui altère de façon significative la résistance au champignon, comme les micro
fissures, les perforations et autres attaques permettant la pénétration plus rapide du
pathogène.
De même, la résistance de la vigne à Botrytis cinerea est fonction de l'épaisseur de la
pellicule. Ainsi, des études ont permis de montrer que les cépages à pellicule plus épaisse
étaient moins sensibles à l'invasion de la maladie. Néanmoins, ces pellicules peuvent être
rapidement rompues par des enzymes de type pectinases et cellulases produites par le
champignon, ainsi que par d'autres agents extérieurs tels que les vers de la grappe.
Les cires cuticulaires
Les cires cuticulaires jouent un rôle fondamentale dans la résistance à la maladie suivant leur
composition, leur épaisseur. Marois et al ont montré qu’en éliminant ces cires à l’aide de
chloroforme, le taux de développement du botrytis sur les baies était de 98% (les baies
témoins traitées à l’eau ne se développe que dans 13% des cas d’infection.
L’écorce et le liège
b) Les réducteurs de digestibilité.
Certains composés ne sont pas produits directement lors de la photosynthèse des plantes
mais résultent de réactions chimiques ultérieures. Ce sont des composés métabolites
secondaires qui peuvent inhiber le développement d’agents infectieux.
Les tanins sont des acides phénoliques libres dans les cytoplasmes des cellules. Certains, par
exemple, sont capables d’inhiber des enzymes de Botrytis cinerea et ainsi de ralentir son
développement (inhibition réversible). Nous pouvons aussi trouver des enzymes
hydrolytiques telles que les glucanases et les lysozymes qui vont agir contre les agents
infectieux mais aussi, par exemple, contre les enzymes du tube digestifs de certains insectes.
Les rôles de ces composés phénoliques ou azotés sont multiples. Ils peuvent avoir une action
anti-herbivore (comme la menthe), ou inhiber les attaques de bactéries et de champignons
(action sur la germination ou le veloppement) ou encore intervenir dans la structure des
plantes (lignine, tanins).
Le resvératrol appartient au groupe des polyphénols. Il est présent dans les baies de raisins
et sa concentration peut fortement augmenter par la présence d’une élicitation c’est-à-dire
par la présence d’agents pathogène et plus particulièrement du botrytis. Une concentration
de 160mg/L de resvératrol permet ainsi fortement d’inhiber le champignon (voir graphique
oral). Le resvératrol joue son rôle de « barrière » au niveau de la pellicule. Néanmoins, si les
conditions sont favorables au développement du botrytis, celui-ci va synthétiser des
enzymes capables d’hydrolyser le resvératrol qui ne protégera plus les baies du champignon.
I-2Les défenses « Actives »
Les défenses actives sont induite lors de la reconnaissance du pathogène et restent actives
durant l’infection.
a) La reconnaissance du pathogène
La reconnaissance du pathogène par la plante est l’événement clef pour la mise en œuvre
d’une résistance. Si la plante ne reconnaît pas son agresseur, celui-ci est dit « virulent » et la
maladie se développe puisque la plante ne réagit pas ou n’oppose pas de résistances
suffisantes. Dans le cas contraire, le pathogène est dit « avirulent » et il est repéré par la
plante au moyen de molécules (protéines, peptides, lipide, glycoprotèine, etc) qui sont soit
exogène (produite par le pathogène) soit endogène (produite par la plante suite à l’action de
l’agent infectieux).
Pour intervenir efficacement, la plante doit reconnaître le plus rapidement possible l’arrivée
du pathogène. Pour cela, elle possède un système de surveillance constitué de « protéines
sentinelles » présente à différents niveaux : paroi, membrane cellulaire, cytoplasme, noyau.
De plus, elle doit détecter l’agent infectieux à de très faibles concentrations de protéines
d’avirulence.
b) Les types de réponses des plantes
La signalisation cellulaire.
Étape 1 : Modification des flux ioniques :
- efflux de K+ et de Cl-
- influx d’ions calcium et de H+
Sortie importante d’eau pouvant aller jusqu’à la plasmolyse de
la cellule (mort cellulaire)
Étape 2 : Stress oxydatif
Production de FAO (Forme Active de l’O2), superoxyde O2 et de peroxyde
d'hydrogène H2O2 produit à l’extérieur de la cellule par la NaDPH oxydase et qui
peuvent d’une part combattre l’agent pathogène mais aussi activer les gènes de
résistances.
Étape 3 : Phosphorylation / déphosphorylation de protéines
Transduction des signaux, amplification, activation de facteurs de transcriptions,
implication de diverses enzymes
Le renforcement des parois cellulaire
Le renforcement de la paroi est la réaction de défense qui est mise en œuvre le plus
rapidement. Elle se traduit par une modification des parois au niveau du site d’inoculation
de l’agent pathogène.
Ces changements s’effectuent à plusieurs niveaux :
- Dépôts supplémentaires de callose, et de subérine
- Imprégnation de substances dans la paroi (Phénols oxydés, mélanines,
calcium, silice, soufre, lignine)
- Modification des protéines de la paroi (quantité, type, formation de
liaisons oxydatives).
Ces modifications ont pour but de former une barrière mécanique à la progression du
pathogène grâce à un renforcement et à un épaississement de la paroi et ainsi à limiter les
échanges entre plante et pathogène. Par ailleurs, elles permettent d’accroître la résistance
contre les enzymes de dégradation des parois produites par le pathogène et d’empêcher la
diffusion de composés entre l’hôte et l’agresseur.
La réponse d’hypersensibilité (RH)
La réponse d’hypersensibilité se caractérise par la mort des cellules végétales infectées.
Cette nécrose aurait pour but de circonscrire l’agent infectieux et ainsi d’entraver sa
dissémination dans la plante
La mort cellulaire a deux origines : elle peut être provoquée par la plante elle même
(mécanisme de défense) ou par le pathogène. Dans le premier cas, la nécrose est déclenchée
par une ou plusieurs molécules intervenant dans la croissance ou le métabolisme de la
plante. Ainsi, les intermédiaires oxygénés réactifs, mais aussi les peroxydations, les influx
d’ions calcium et les efflux d’ions potassium, les dépolarisations et la vacuolisation du
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