Edmond Dounias – Document de Synthèse HDR Partie 1. Parcours de recherche
3 / 82
- Partie 1 -
Synthèse du parcours de recherche
Ethnoécologie des peuples des forêts tropicales
un parcours marqué par l’anthropologie de l’alimentation
Mots clés : anthropologie de l’alimentation, ethnoscience, forêts tropicales humides, contraintes
environnementales, interactions bioculturelles, savoirs, savoir-faire, pratiques
Introduction
Notre fil d’Ariane : l’anthropologie de l’alimentation
Man ist was Mann ißt
(dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es)
Cette manière de paraphraser Brillat Savarin dans son traité de 1939 sur la physiologie du goût à
travers un jeu de mot allemand non restituable en français, nous semble parfaitement résumer notre
démarche en anthropologie de l’alimentation qui a guidé nos pas de chercheur durant les deux
décennies écoulées sous la direction bienveillante d’Igor de Garine. Cette démarche consiste en effet à
envisager l’alimentation comme épicentre de notre dispositif d’étude. L’alimentation constitue un objet
de convergence interdisciplinaire permettant d’analyser – à travers une posture en ethnoscience – les
interactions étroites entre (i) santé, (ii) état nutritionnel, (iii) biologie et écologie des ressources, (iv)
système de production et (v) choix culturels.
Le fait alimentaire est un objet de recherche hybride dont la portée ne se réduit pas à une simple
absorption de nutriments en vue de couvrir des besoins physiologiques. En amont de ce fait alimentaire,
se trouve en effet un milieu donné, avec ses caractéristiques climatiques, édaphiques et biotiques. Sur
la base de leur saisonnalité, leur distribution et leur accessibilité, les ressources engendrent des
schémas d’acquisitions suivant des itinéraires techniques propres à chaque société. Avant d’être
consommées, ces ressources subissent une transformation par le biais d’une technologie alimentaire
éprouvée. Elles sont l’objet de transactions qui s’opèrent soit dans un cadre de marché soit dans un
cadre d’échanges structurant divers réseaux sociaux. La consommation d’aliments fait appel à de
nombreux codes sociaux qui régissent le déroulement des repas. Ces codifications reposent sur un
système de représentations qui intègre l’ensemble des caractéristiques écologiques et culturelles. Ce
système de représentations médiatise les rapports entre la société et son environnement physique et
social. Ainsi, partie du milieu tel qu’il est appréhendé et analysé par le chercheur, l’approche
ethnoécologique du fait alimentaire permet une relecture de ce même milieu, tel que la société qui vit en
son sein se le représente.
À l’interface d’un vaste corpus de champs disciplinaires résumés dans la figure 1, l’alimentation est un
objet d’étude idéal pour analyser les stratégies élaborées par une société face aux changements de son
environnement (Garine 2004, 2006).