Mise au point : Technique Reçu le : 23 novembre 2014 Accepté le : 23 mai 2015 Artéfacts et images pièges en échographie Artifacts and pitfalls in ultrasound images Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com A. Mrani Zentar*, G. Sebti, S. Alj, H. Jalal, M. Ouali Idrissi, N. Cherif Idrissi Ganouni Service de radiologie, CHU Mohamed VI, Marrakech, Maroc Summary Résumé Ultrasound artifacts result from physical phenomena that alter the ultrasound images from the corresponding anatomical sections. They arise either from different absorption problems or inadequate reflection. Reverberation artifacts, comet tail, mirror image, shadow cone, posterior reinforcement, anisotropy and duplication are distinguished. There are also other types of artifacts associated with ultrasound machines and sensor technology, malfunction and the environment. Regular monitoring of sensor status and camera settings is required to alleviate artifacts. Knowledge of artifacts is essential for improving the diagnostic performance of the technique. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Les artéfacts en échographie sont la conséquence de phénomènes physiques qui modifient les images échographiques par rapport aux coupes anatomiques correspondantes. Ils résultent soit de problèmes d’absorption différente, soit d’une réflexion inadéquate. On distingue, les artéfacts de réverbérations, de queue de comète, d’image en miroir, de cône d’ombre, de renforcement postérieur, d’anisotropie et de duplication. Il existe d’autres types d’artéfacts liés à la technologie des échographes et des capteurs, au dysfonctionnement de l’appareil et à l’environnement. Le contrôle régulier de l’état des sondes et le réglage de l’appareil permettent d’atténuer certains artéfacts. Leur connaissance est indispensable pour améliorer les performances diagnostiques de cette technique. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Artifacts, Physical phenomena, Sensor technology, Diagnostic Mots clés : Artéfacts, Phénomènes physiques, Technologies des échographes, Diagnostic Introduction Les artéfacts en échographie sont la conséquence de phénomènes physiques qui modifient les images échographiques par rapport aux coupes anatomiques correspondantes. Ils peuvent être dus soit à une absorption différente des faisceaux d’ultrasons par les tissus, soit à une réflexion inadéquate de ces derniers [1]. Ces différents phénomènes seront responsables au final d’une modification de l’image échographique pouvant ainsi induire en erreur l’opérateur. D’où * Auteur correspondant. Centre hospitalo-universitaire Mohamed VI, Marrakech, Maroc. e-mail : [email protected] (A. Mrani Zentar). l’utilité de bien connaı̂tre ces différents phénomènes générant les artéfacts en échographie. L’objectif de cet article est d’abord de décrire les différents types d’artéfacts, de faciliter la reconnaissance des images pièges en échographie et dans un second temps de montrer les différents moyens permettant l’atténuation de la suppression de ces artéfacts. Rappel de la sémiologie échographique L’interprétation des images ultrasonores bidimensionnelles repose sur l’observation de structure d’échogénicité différente. On distingue les échos d’interfaces des échos de structures [1,2]. http://dx.doi.org/10.1016/j.frad.2015.05.006 Feuillets de radiologie 2015;55:329-335 0181-9801X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 329 A. Mrani Zentar et al. Feuillets de radiologie 2015;55:329-335 Figure 1. Illustration de l’image échographique en fonction de la réflexion des faisceaux d’ultrasons par les différents. Les échos d’interface sont très prononcés et correspondent à la réflexion des faisceaux d’ultrasons par des structures d’impédance acoustique très différentes, telles que l’os, le diaphragme, l’air digestif ou l’air pulmonaire. Alors que les échos de structures sont de faibles amplitudes et correspondent à la réflexion diffuse et à la dispersion des ultrasons dans les milieux relativement homogènes, tels que les organes intraparenchymateux. En effet, l’échogénicité d’un tissu dépend de son homogénéité tissulaire, sa vascularisation et de sa teneur en graisse (fig. 1). Les artéfacts en échographie Les artéfacts en échographie peuvent être la conséquence de quatre types de phénomènes [1,3,4] : les phénomènes physiques, la technologie de l’échographe et des capteurs, un dysfonctionnement de l’appareil ou une altération de l’environnement de l’appareil. Les artéfacts liés aux phénomènes physiques Les artéfacts liés aux phénomènes physiques sont la conséquence des différents phénomènes physiques pouvant atteindre les faisceaux d’ultrasons lors de leur passage par les différentes structures de l’organisme (du liquide au solide). On distingue les artéfacts. Les artéfacts de réverbération Ils sont liés au piégeage des ultrasons entre deux surfaces réfléchissantes entre lesquelles ils rebondissent. À chaque rebond, un petit écho est libéré vers la sonde et forme une image [2,4]. Le retard entre deux échos conduit la machine à placer l’image à une profondeur de plus en plus grande (fig. 2 et 3). Les artéfacts en queue de comète La queue de comète est un cas particulier de réverbération [3–5] créé par des micro-bulles d’air ou cristaux de cholestérol Figures 2 et 3. Mécanisme de piégeage d’air entre deux surfaces réfléchissantes engendrant l’artéfact de réverbération. Il est dû à des réflexions multiples sur deux interfaces réfléchissantes. Les réflexions (flèches blanches) sont à l’origine des fausses interfaces (flèches bleues et vertes). Ces dernières deviennent de moins en moins marquées en raison de l’absorption par les tissus. 330 Artéfacts et images pièges en échographie Figure 4. Illustration de l’artéfact en queue de comète (a) et l’aspect échographique de ce dernier (b). qui formeront une ligne échogène composée de multiples échos contigus (fig. 4). L’image en miroir L’artéfact dit « image en miroir » survient lorsque le faisceau ultrasonore se réfléchit sur une interface très échogène. Ainsi, l’onde incidente se réfléchit avant d’atteindre une autre structure et au retour les échos reprennent le même chemin, se réfléchissant à nouveau contre l’interface linéaire avant d’atteindre la sonde (fig. 5). L’appareil d’échographie ne tient pas compte de cette réflexion et considère un déplacement rectiligne des ultrasons [3] (fig. 6). Le cône d’ombre Les cônes d’ombres de séparation Un cône d’ombre se forme lorsque les ultrasons rencontrent une interface très réfléchissante ou une structure absorbante. Ainsi, un écho très brillant est visible à la surface de la structure, puis plus aucune image ne se forme, faute d’ultrasons transmis (fig. 7). L’ombre présente une forme de cône avec les sondes sectorielles et d’un rectangle avec les sondes linéaires (fig. 8 et 9). Les cônes d’ombres des parois latérales L’ombre de bord est dû à une réfraction du faisceau d’ultrasons en marge des structures rondes. La déviation des ultrasons est responsable du retour d’un moins grand nombre d’échos dans cette zone. Ce type d’artéfacts est on distingue deux sous-types dans cette catégorie : les cônes d’ombres de séparation et des parois latérales [3–5]. Figure 5. Illustration du phénomène physique engendrant la constitution d’une image en miroir. Figure 6. Angiome hépatique réalisant l’artéfact en image en miroir avec visualisation de la fausse image en extrahépatique après réflexion des ultrasons sur le diaphragme. 331 A. Mrani Zentar et al. Figure 7. Illustration de l’artéfact de cône d’ombre de séparation avec une sonde sectorielle. Feuillets de radiologie 2015;55:329-335 Figure 9. Angiome du bras calcifié, réalisant l’artéfact de cône d’ombre de séparation rectangulaire lors de l’exploration par une sonde linéaire. observé avec des structures, telles que les lésions kystiques, les bords de la vésicule biliaire et les reins (fig. 10). L’artéfact de renforcement postérieur Il se produit à chaque fois que le faisceau d’ultrasons traverse une structure liquidienne anéchogène. Les structures tissulaires qui se trouvent situées en arrière d’une zone liquidienne reçoivent proportionnellement plus d’ultrasons que les régions voisines, pour lesquelles le faisceau a été atténué [2,3,6,7]. L’image est ainsi plus brillante (fig. 11 et 12). L’artéfact d’anisotropie Lorsque l’échogénicité d’une structure dépend de l’orientation du faisceau, elle est alors dite anisotropique. En effet, Figure 8. Lithiase vésiculaire réalisant l’artéfact de cône d’ombre de séparation. 332 Figure 10. Artéfacts de cône d’ombre des parois latérales observés avec une structure ronde, notamment la tête fœtale lors d’une échographie obstétricale. Figure 11. Artéfact de renforcement postérieur observé après passage des faisceaux d’ultrasons à travers un kyste hydatique hépatique. Artéfacts et images pièges en échographie Figure 12. Artéfacts de renforcement postérieur (flèche jaune), observés après passage des faisceaux des ultrasons à travers le liquide du vitré. l’échogénicité est maximale lorsque le faisceau incident arrive perpendiculairement à la structure et elle diminue lorsque l’obliquité augmente [7,8] (fig. 13 et 14). L’artéfact de duplication ce type d’artéfact est observé essentiellement avec les muscles droits abdominaux qui font office de deux lentilles qui font converger les faisceaux d’ultrasons incidents entraı̂nant ainsi la duplication de ces derniers et engendrant une image surajoutée à l’image réelle [1,5,6] (fig. 15). Les artéfacts liés à la technologie des échographes et des capteurs Ils sont engendrés par des phénomènes liés à la conception même de la sonde échographique en rapport avec l’émission Figure 15. Artéfact de duplication de la sonde vésicale sur une coupe longitudinale par une sonde basse fréquence. d’ultrasons et la captation des échos de retour. On distingue, les artéfacts d’épaisseur de coupe et du lobe accessoire [1–3]. Les artéfacts d’épaisseur de coupe Le faisceau d’ultrasons n’est en réalité pas un plan sans épaisseur. C’est en fait un volume dont l’épaisseur est la plus faible au niveau de la zone focale et qui s’évase en s’éloignant de la sonde. La représentation sur l’écran donc sur un plan, est alors une moyenne d’une épaisseur de tissus homogènes ou hétérogènes. En cas d’hétérogénéité, l’échogénicité affichée est la moyenne de l’échogénicité des tissus inclus dans l’épaisseur du faisceau (fig. 16). C’est les effets de volume partiel. Les effets de volume partiel sont rencontrés lorsque l’épaisseur du faisceau intéresse à la fois une structure liquidienne et les parties molles adjacentes. Une fraction des parties molles Figures 13 et 14. Il est possible de différencier des structures en jouant sur leur différence d’anisotropie. L’inclinaison de la sonde de quelques degrés entre a et b fait disparaı̂tre l’insertion du muscle long biceps (b). 333 A. Mrani Zentar et al. Feuillets de radiologie 2015;55:329-335 Figure 16. Illustration du mécanisme de l’artéfact de l’épaisseur de coupe. Figure 19. Inclusion dans la coupe de structures situées dans des plans éloignés en rapport avec l’artéfact du lobe accessoire. sera intégrée à la structure liquidienne, introduisant faussement des échos dans cette structure (fig. 17). Les artéfacts liés au dysfonctionnement de l’appareil L’artéfact du lobe accessoire Ce type d’artéfacts est observé par des appareils d’un certain âge, mal entretenu. Le dysfonctionnement sera soit en rapport avec l’émission des ultrasons et dans ce cas la sonde émettrice de faisceaux ultrasonore est atteinte par décollement de sa membrane qui sera remplie d’air empêchant ainsi l’émission de faisceau à ce niveau et va se manifester par un artéfact dit de décollement de membrane [2] (fig. 20). Le dysfonctionnement peut aussi atteindre les capteurs et il ne sera pas réglé par le réglage de la focale, engendrant ainsi l’artéfact dit de cristaux cassés (fig. 20). Cet artéfact est lié à l’émission de plusieurs faisceaux latéraux. L’image est essentiellement formée par le faisceau principal central, car les faisceaux latéraux (accessoires sont vite atténués. Cependant, dans les structures de faible atténuation comme les liquides, une image peut être formée à partir des ultrasons d’un faisceau latéral ; la machine, considérant l’existence d’un seul faisceau, place l’image dans l’alignement du faisceau principal (fig. 18 et 19). Les artéfacts liés à l’environnement de l’appareil échographe Ce sont des perturbations dues à un environnement rayonnant continues ou intermittentes. Elles peuvent provenir également du secteur et sont de basse ou haute fréquence [3] (fig. 21). Figure 17. Inclusion du muscle psoas à l’intérieur de la vessie, en rapport avec un effet de volume partiel. Figure 18. Inclusion dans la coupe de structures situées dans des plans éloignés. 334 Figure 20. Artéfacts de décollement de membrane et de cristaux cassés observés en cas de sonde défectueuse. Artéfacts et images pièges en échographie Conclusion L’échographie est un outil très utile pour diagnostiquer plusieurs pathologies, mais il peut aussi générer des pièges échographiques qui pourraient induire en erreur l’opérateur. Certains artéfacts sont utiles (cône d’ombre, ombre de bord et renforcement postérieur) pour le diagnostic mais la majorité d’entre eux sont nuisibles. Pour les artéfacts qui dépendent du milieu rencontré, seul une bonne manipulation de la sonde dans un milieu adéquat ainsi que les nouvelles technologies de sondes, produits de contraste et les nouveaux algorithmes pourraient aider au diagnostic. Déclaration d’intérêts Figure 21. Type d’image obtenue lorsqu’on place un secteur haute tension à côté de l’appareil d’échographie. Les moyens permettant d’atténuer les artéfacts en échographie Pour tous les artéfacts cités dessus, l’utilisation d’un gel aqueux, dit « de couplage », permet d’éliminer l’air entre la sonde et la peau et d’éliminer ainsi certains artéfacts comme ceux de réverbération. Un contrôle de l’état des sondes régulier avec l’obligation de signaler les problèmes de câbles, membranes, etc. permet d’éviter les artéfacts liés au dysfonctionnement de l’appareil. Un bon réglage de l’appareil peut aussi réduire certains artéfacts. Pour exemple, un contraste important de l’image est utile pour examiner le cœur alors qu’un faible contraste permet de bien imager les organes. Le gain général doit être ajusté au cours de l’examen pour régler la brillance générale de l’image. Le gain, quant à lui, ne doit pas être réglé trop fort, car l’image devient trop blanche et le signal est saturé entraı̂nant une diminution du contraste de l’image. Il ne doit pas non plus être réglé trop faiblement, car l’image devient toute noire. Un juste milieu doit être trouvé pour optimiser l’image [2,3]. Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] Bushong SC, Archer BR, Mosby. Diagnostic ultrasound: physics, biology and instrumentation; 1991. Gibbs V, Cole D, Sassano A. Ultrasound: physics and technology. Churchill Livingstone-Elsevier; 2009. Gérard Schmutz. Pièges et artéfacts en échographie abdominale ; collection d’imagerie radiologique : Masson Éditeur, Paris, 1993. Eur J Radiol 1994;18(1):77–8. Bourgeois JM, Boynard M, Espinasse P. L’image par l’échographie. Sauramps Medical; 1995. Grataloup-Oriez C, Charpentier A. Principes et techniques de l’échographie-Doppler. Elsevier; 1999. Farges G, Wahart G, Denax JM, Métayer H. Guide des bonnes pratiques biomédicales en établissement de santé. Innov Technol Biol Med 2002;23(Suppl. 2). Klimczak C. 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