évolution biologique est un
processus difficile à percevoir, car
les changements auxquels elle
conduit se manifestent en général très len -
tement. Ceux-ci prennent donc toute leur
ampleur sur des périodes dépassant largement
les échelles habituelles de l’observation
humaine. Cette difficulté est certainement la
source majeure du scepticisme qui s’exprime à
son égard. Pour autant, affirmer que l’évolution
n’est pas observable est une attitude qui n’est
plus défendable aujourd’hui.
MESURER L’AMPLEUR DE LA VARIATION
INTRASPÉCIFIQUE
Tous les individus d’une même espèce sont
similaires mais non identiques. Ils présentent
des variations, dont Darwin a été l’un des
tout premiers à percevoir l’importance. Ces
variations, qui se manifestent aussi bien au
niveau de la morphologie que des compor -
tements, sont pour une part importante, bien
que non exclusive, inscrites dans le patrimoine
génétique. Elles résultent alors de mutations.
Les mutations sont l’expression la plus
manifeste de l’instabilité fondamentale du
matériel génétique. Ce sont des événements
certes rares, mais qui se produisent en perma -
nence, de façon spontanée et tota lement
imprévisible, tant du point de vue de leur
localisation que de leurs effets sur l’organisme.
La puissance des techniques actuelles de
séquençage de l’ADN rend possible l’analyse
du génome* entier d’une espèce. La com -
paraison du génome d’individus différents
devient donc envi sageable. Les variations
interindividuelles que l’on peut ainsi mesurer
s’avèrent beaucoup plus importantes qu’on
ne l’imaginait. Elles ne touchent pas seu -
lement le détail de la structure des gènes,
mais aussi leur nombre, car les mutations ne
se limitent pas à modifier la séquence* des
gènes existants mais contribuent également
à en faire naître de nouveaux (voir zoom,
p. 12).
VOIR LES EFFETS DE LA SÉLECTION NATURELLE
L’évolution biologique se définit comme le
processus qui conduit les êtres vivants à
acquérir des caractéristiques nouvelles, géné -
tiquement déterminées. Les mutations ne
représentent pas, à elles seules, ce processus,
même si elles en sont une composante
majeure. En effet, les mutations affectent
d’abord les individus, alors que c’est à l’échelle
des populations que se mesure l’évolution.
Les mutations ne sont à la base de traits
nouveaux, caractéristiques de l’espèce, que si
elles sont capables de se propager en son sein.
Leurs effets se conjuguent alors avec d’autres
mécanismes, comme la sélection naturelle,
révélée initialement par Darwin.
Divers exemples d’envahissement d’une
population par une mutation initialement
minoritaire sous l’action de la sélection
naturelle ont été rapportés. Parmi les mieux
documentés figurent les phénomènes de
résistance aux pesticides chez les plantes ou
les animaux. Ainsi, les tentatives d’éradication
des moustiques, partout où elles ont été
menées, et quels que soient les produits
utilisés, ont conduit à la multiplication de
formes résistantes, et cela en quelques années
seulement. Les études ont clairement montré
que les individus d’une population ne
deviennent pas résistants en « s’habituant »
individuellement au contact du pesticide. La
résistance, qui préexiste à la présence du
pesticide, n’est à l’origine le fait que de
quelques individus au sein de la population,
qui émergent spontanément par mutation.
En cas d’exposition au pesticide, ces individus
se reproduisent plus efficacement que les
autres (voire sont les seuls à pouvoir
continuer à le faire). C’est à cette occasion
qu’ils transmettent leur capacité de résistance
à leurs descendants et qu’ils deviennent
prépon dérants dans la population. Ainsi, le
pesticide ne crée pas les individus résistants, il
les sélectionne.
Les techniques actuelles de la génétique
permettent de caractériser les gènes res pon -
sables de ces résistances. Elles sont précieuses
dans la mesure où elles permettent de mieux
en comprendre les bases molé culaires. Dans le
cas de la résistance des mous tiques aux
insecticides organophosphorés, très commune
2
DOSSIER
L’évolution observable
Transformations morphologiques et anatomiques chez le lézard Podarcis sicula (© A. Herrel/MNHN)
L’