Determinants denis raynaud

Telechargé par Feryel yu
LES DÉTERMINANTS DU RECOURS À L'AUTOMÉDICATION
Denis Raynaud
La Documentation française | « Revue française des affaires sociales »
2008/1 | pages 81 à 94
ISSN 0035-2985
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2008-1-page-81.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour La Documentation française.
© La Documentation française. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
81
Les déterminants du recours
à l’automédication
Denis Raynaud*
Le développement de l’automédication est l’objet d’un débat en France.
Ce marché est assez peu développé par rapport aux autres pays européens.
Compte tenu des difcultés de nancement de l’assurance maladie, la pro-
gression de la part de l’automédication dans les dépenses de médicaments
semble assez probable. Contrairement aux autres consommations de biens
médicaux les professionnels de santé sont prescripteurs, l’automédication
met le consommateur au centre de la décision de consommation. À partir
de l’Enquête décennale Santé de 2002-2003, cet article étudie le recours à
l’automédication en fonction des caractéristiques démographiques, écono-
miques, sociales, d’état de santé… des individus et met en évidence leurs
rôles respectifs, tant sur la probabilité de recours à l’automédication que
sur les différentes formes d’automédication qui peuvent exister. Les résul-
tats permettent alors de s’interroger sur les perspectives de développement
de l’automédication dans un contexte où la demande dépend très largement
de facteurs économiques et culturels.
L’automédication en France : cadre général
L’usage du terme automédication est courant mais il ne fait pas l’objet d’une
dénition unique. L’automédication est dénie dans cette étude, dans la conti-
nuité des précédents travaux sur ce thème (rapport Coulomb, 2007), comme
le recours d’un patient à au moins un médicament de prescription médicale
facultative dispensé dans une pharmacie et non effectivement prescrit par
un médecin. Cette dénition de l’automédication exclut donc le recours à
des médicaments présents dans l’armoire à pharmacie familiale, prescrits
antérieurement par un médecin, et consommés de la propre initiative des
patients. Cette dénition est cohérente avec le mode de délivrance des médi-
caments en France, disponibles uniquement dans les pharmacies. En parti-
culier, la dénition anglo-saxonne de médicament OTC (over the counter)
n’est pas adaptée au marché français compte tenu du mode de délivrance
des médicaments dans notre pays qui interdit la mise à disposition directe
des médicaments devant le comptoir de l’ofcine. Ainsi, l’automédication
en France s’accompagne toujours de la délivrance du médicament par un
* Chef du bureau des dépenses de santé et des relations avec l’assurance maladie à la Drees.
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
82
RFAS No 1 2008
pharmacien qui doit donner des conseils sur l’utilisation ou la posologie
(Briand, Chambaretaud, 2001). Les médicaments à prescription médicale
facultative, qui sont considérés comme des médicaments d’automédication
seulement s’ils ne sont pas prescrits par le médecin, sont selon la réglemen-
tation des produits dont la toxicité est modérée, y compris en cas de sur-
dosage et d’emploi prolongé, et dont l’emploi ne nécessite pas a priori un
avis médical. Selon l’OMS, les médicaments destinés à l’automédication
doivent pouvoir être utilisés par les patients hors contexte médical, pour le
traitement de symptômes bénins reconnus par le patient.
En France, le marché de l’automédication est assez peu développé par rap-
port aux autres pays européens. En 2006, il représente seulement 8 % du
chiffre d’affaires du marché des médicaments de ville, alors que cette pro-
portion est triple en Suisse ou double en Allemagne ou au Royaume-Uni
(Coulomb, 2007). Le marché des médicaments à prescription médicale facul-
tative (PMF), qui inclut le marché de l’automédication, représente, quant
à lui, 19 % du marché total. Un des freins au recours à l’automédication
en France est la possibilité de se faire rembourser les médicaments à PMF
remboursables s’ils sont prescrits par un médecin. Le marché des médica-
ments à prescription médicale facultative regroupe en effet une majorité de
médicaments remboursables (14 % du chiffre d’affaires) et une minorité de
médicaments non remboursables (5 % du chiffre d’affaires). Les prix des
médicaments non remboursables sont libres et peuvent varier d’une phar-
macie à une autre alors que les prix des médicaments remboursables, même
lorsqu’ils sont achetés en automédication, sont régulés. Bien souvent, les
industriels décident eux-mêmes de ne pas demander le remboursement de
leur médicament pour pouvoir bénécier de la liberté des prix et de publi-
cité, toutefois, les médicaments d’automédication sont généralement des
médicaments à bas prix. Par ailleurs, pour pouvoir bénécier d’une autori-
sation de mise sur le marché (AMM), les médicaments non remboursables
sont soumis aux mêmes contraintes que les médicaments remboursables.
Ainsi, alors que l’automédication ne représente que 8 % du marché de ville
en valeur, elle représente 17 % du marché en volume. Les trois quarts des
médicaments à PMF remboursables sont achetés avec une ordonnance et
remboursés par l’assurance maladie, seule une minorité est effectivement
acquise par les patients en automédication. Dans les autres pays européens,
la situation est inverse, les médicaments à PMF, plus fréquemment non rem-
boursables, sont délivrés très largement en automédication (sept sur dix
en Suisse, huit sur dix au Royaume-Uni ou en Allemagne, en valeur). Au
nal, le marché de l’automédication est composé majoritairement de médi-
caments non remboursables (5 % du chiffre d’affaires), seulement 3 % des
médicaments de ville remboursables étant des médicaments à prescription
facultative achetés sans ordonnance. Des études qualitatives sur l’automédi-
cation (Direction générale de la santé, 2002) ont mis en évidence des écarts
de prix importants entre les pharmacies pour les mêmes produits. Compte
tenu de la réglementation des prix des médicaments, ces écarts ne concer-
nent que les médicaments non remboursables, qui représentent la majorité
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
83
Les déterminants du recours à l’automédication
du marché de l’automédication. Les médicaments étant situés derrière le
comptoir du pharmacien, l’afchage des prix est parfois peu lisible. En
conséquence, un consommateur connaît difcilement à l’avance le montant
à payer quand il a recours à l’automédication. Cette incertitude peut être un
frein à l’accès à l’automédication, plus important pour les ménages modes-
tes que pour les ménages aisés.
Dans un contexte de tensions accrues concernant le nancement de l’assu-
rance maladie en France, le veloppement de l’automédication pourrait être
source d’économies. En effet, l’achat d’un médicament d’automédication
n’est pas remboursé par l’assurance maladie, et il peut aussi éviter le rem-
boursement d’une consultation médicale. Toutefois, les représentants des
médecins pointent les risques liés à ce type d’évolution, notamment les ris-
ques de retard de diagnostic pouvant provoquer des pertes de chances pour
les patients et des augmentations de coût à moyen terme. Cependant, le sys-
tème du paiement à l’acte encourage les contacts médecins-patients et peut
à certains égards apparaître comme un frein au développement de l’auto-
médication. Les pharmaciens et la majorité des laboratoires pharmaceuti-
ques sont, quant à eux, favorables au développement de l’automédication
qui parallèlement aux économies potentielles pour la Sécurité sociale, peut
être source de prots supplémentaires pour eux-mêmes. En conséquence,
le débat sur l’intérêt d’un développement de l’automédication reste vif, et
les différents acteurs de ce marché peuvent être tentés de défendre des posi-
tions en lien avec leurs intérêts. Quant aux patients, ils souhaitent que le
sujet de l’automédication ne soit pas enfermé dans une simple considéra-
tion économique, et que son développement s’accompagne le cas échéant
d’un programme d’éducation à la santé (Actes du colloque de la mutualité,
2007). Le rôle des patients dans le développement ou non de l’automédica-
tion sera par dénition décisif puisque contrairement à la pharmacie pres-
crite pour laquelle ils suivent les conseils de leur médecin, ils sont moteurs
de la décision d’achat dans le cas de l’automédication.
Qui a recours à l’automédication ?
À partir de l’Enquête décennale Santé menée par l’Insee en 2002-2003
(cf. encadré), la suite de ce travail consiste à étudier, du point de vue des
patients, les déterminants du recours à l’automédication. Grâce aux infor-
mations recueillies durant les trois visites de l’enquêteur, sur une période de
deux mois, cette enquête permet en effet de connaître l’ensemble des achats
de médicaments des personnes enquêtées, et de savoir pour chaque achat
si c’est un médicament prescrit ou un médicament d’automédication. En
outre, pour les achats sans ordonnance, une question permet de savoir qui a
conseillé le recours à l’automédication. Ainsi, les déterminants du recours à
la pharmacie prescrite et non prescrite vont être comparés dans un premier
temps, puis les modes d’accès à l’automédication vont être analysés.
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
84
RFAS No 1 2008
Encadré:L’EnquêtedécennaledeSanté2002-2003
L’Enquête décennale de Santé 2002-2003 réalisée par l’Insee s’est dérou-
lée entre octobre 2002 et septembre 2003. Elle répond, comme les enq-
tes précédentes à un triple objectif :
relever la morbidité déclarée et évaluer l’état de santé de la population ;
mesurer la consommation de soins et de prévention ;
mettre en relation la consommation de soins avec l’état de santé déclaré
et les caractéristiques sociodémographiques des individus et du ménage.
L’enquête a été effectuée auprès d’un échantillon représentatif de ména-
ges ordinaires, la représentativité étant assurée au niveau national et pour
cinq régions. La période de collecte a comporcinq vagues (de septembre-
octobre 2002 à mai-juin 2003) an de tenir compte des variations saison-
nières de morbidité et de consommation. Les enquêteurs ont effectué trois
visites, espacées d’un mois. Les informations sur les achats de médica-
ments (prescrits ou non prescrits) ont été recueillies à partir d’un carnet
rempli par les enquêtés durant les deux mois d’enquête et relevé par l’en-
quêteur lors des visites 2 et 3.
Durant les deux mois d’enquête, 20 % des individus ont eu recours à au
moins un achat de médicament sans ordonnance, cette proportion s’éle-
vant à 53 % pour le recours à la pharmacie prescrite. Les recours à l’auto-
médication sont donc moins fréquents, ils représentent aussi moins d’achats
en nombre de boîtes : en moyenne, les personnes enquêtées ont acheté 0,4
boîte en automédication contre environ 3 boîtes de médicaments prescrits.
L’analyse comparée du recours à chacun des deux types de consommation
souligne des déterminants du recours aux soins bien différents. Ainsi, le
graphique 1 présente les différentes probabilités de recours à la pharmacie
durant l’enquête en fonction de l’âge et du sexe. Si la plus forte probabilité
de consommation des femmes ou des enfants en bas âge n’est pas démen-
tie quand on se limite aux médicaments d’automédication, les prols de
recours en fonction de l’âge sont typiques de chacune des deux consomma-
tions. Alors que pour la pharmacie prescrite, la probabilité de recours s’en-
vole à partir de 60 ans après avoir été minimale aux âges actifs (pour les
hommes en particulier), le constat est inversé pour le recours à l’automédi-
cation : c’est aux âges actifs que le recours apparaît le plus élevé, avec un
maximum entre 40 et 50 ans, puis la probabilité de recours diminue avec
l’âge, tant pour les hommes que pour les femmes.
Ces prols de consommation en fonction de l’âge et du sexe sont conrmés
par une analyse multidimensionnelle, qui tient compte aussi de l’état de santé
des individus de leur couverture sociale, et des caractéristiques démogra-
phiques, sociales et économiques des ménages auxquels ils appartiennent.
Le tableau 1 en annexe présente ainsi les résultats des estimations de deux
régressions logistiques, modélisant respectivement les probabilités d’avoir
au moins un recours à l’automédication et à la pharmacie prescrite durant
l’enquête. Cette étude comparée permet, au-delà de l’effet de l’âge, de faire
apparaître d’autres facteurs de différenciation entre le recours à l’automé-
dication et le recours à la pharmacie prescrite.
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
© La Documentation française | Téléchargé le 07/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.100.174.49)
1 / 15 100%

Determinants denis raynaud

Telechargé par Feryel yu
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !