Étudier le design d’un livre « Les oiseaux ne se retournent pas » de Nadia Nakhlé J’ai choisi d’étudier le design du roman graphique « Les oiseaux ne se retrournent pas » de Nadia Nakhlé, auteure, dessinatrice et réalisatrice. Publié en 2020 dans les éditions Delcourt de la collection Mirages, ce roman graphique est aussi un concert/spectacle animé, annulée récemment à cause de la pandémie. Le récit raconte l’histoire d’Amel, une enfant qui fuit la guerre dans son pays, l’histoire alterne entre son présent et son passé, le livre est divisé en 7 chapitres et un épilogue, l’auteure réalise une analogie entre le récit d’Amel et « La Conférence des oiseaux » de Farid Ud Dîn Attâr, l’histoire d’une bande d’oiseaux qui doivent traverser 7 vallées pour trouver Simurgh leur roi, chaque oiseau symbolisant un comportement humain. L’oiseau symbolise l’homme, capable de s’élever dans le monde intelligible, mais devant constamment revenir au monde sensible. Le format du livre est de 20 cm par 26 cm, un peu plus petit qu’un A4 (21 cm par 29,7 cm). Le livre fait 220 pages et des grilles varie puisque la mise en page dépend d’où le récit va nous emmener et de si les émotions transmises à travers l’illustration nécessitent plus de place que d’autres. Par exemple au début du roman, le moment où Amel doit quitter sa ville natale prend une double page puisqu’elle se retrouve désespéré et minuscule face à ce décor de ville fantôme, ce sentiment d’abandon est représenté par des couleurs sombres et des contrastes de taille entre la typo et le reste de l’image ainsi que des contrates fortes des couleurs. Ce roman peut nous faire penser à Persépolis dans l’ensemble de son identité graphique et dans son contenu par Marjane Satrapi. Sur la première de couverture de ce roman onirique, au centre de l’illustration, on y retrouve le personnage principal Amel, derrière elle les restes d’une ville détruite, la partie basse du livre est dédié à des motifs d’oiseaux imprimés en vernis sélectif, et dans la partie supérieure de la couverture, on y trouve le nom de l’auteure et le titre avec « les oiseaux » en plus grand que le reste du titre, dans une typo en sérifs classique pour rappeler les ornements des motifs d’oiseaux. L’oiseau n’est pas un animal choisi au hasard puisque le roman au récit lyrique raconte la rencontre d’Amel et de Bacem, un jeune musicien enrôlé dans l’armée. Quel autre meilleur moyen que de symboliser l’espoir à travers la musique, et le chant de l’oiseau, allégorie de la liberté ? Alors que la première de couv. est très généreuse dans son illustration, la dernière de couv. est beaucoup plus minimaliste, on y voit simplement une citation de Farid Ud Dîn Attâr « Rien n’est jamais fermé, sinon à tes propres yeux. » comme un hommage fait au poète iranien. Et en dessous un oiseau en vernis sélectif, mais pas n’importe lequel un colibri : le seul oiseau au monde qui peut reculer, une métaphore nous renvoyant directement au titre du roman « les oiseaux ne se retournent pas ». Le style de l’autrice est épuré et les tons sombres permettent aux lecteurs de se plonger dans une ambiance venant d’un autre univers rempli d’inconnu et de danger. Les illustrations et la typographie faites à la main (technique du fusain) nous emmène dans un récit poétique, rempli de rêves et d’espoirs. L’auteure reste éloignée des considérations géopolitiques (la nationalité n’est jamais dite) pour se concentrer sur la dimension humaine et refléter la violence des trajectoires en exil. « Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. » C’est sur cette citation de Mahmoud Darwich, poète palestinien, que s’ouvre « Les oiseaux ne se retournent pas », puisqu’il s’agit du leitmotiv du roman qui accompagne l’héroïne dans son périple jusqu’à la France. « Ce projet est né d’une révolte et d’un désir, celui de porter l’espoir des enfants de l’exil, de dénoncer la situation actuelle tout en donnant son entière place à la poésie. » Nadia Nakhlé