Telechargé par marie.duffieux

Cas CAMIF Matelsom

publicité
Cas CAMIF Matelsom
« Nous ne sommes pas pressés, car nous savons que nous allons gagner»
Interview d’E. Jacquillat , BFM Business, 4 mars 2016.
Définition RSE selon la norme ISO 26000 :
La RSE c’est la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses
décisions et activités sur la société et sur l'environnement, se traduisant par un
comportement éthique et transparent qui : contribue au développement durable, y
compris à la santé et au bien-être de la société ; prend en compte les attentes des
parties prenantes ; respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les
normes internationales de comportement ; est intégré dans l'ensemble de
l'organisation et mis en œuvre dans ses relations" .
(NF
ISO 26 000, 2010).
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 1
Table des matières
Question 1 : En quoi le business model de CAMIF Matelsom traduit une conception de la valeur
différente de celle de l’entreprise classique ? Qu’est-ce que cela implique dans les objectifs/la
finalité de l’entreprise ? ..........................................................................................................................3
Question 2 et 3 : Porter et Kramer suggèrent de remplacer le concept de RSE au profit de celui de
valeur partagée ? Selon eux, trois voies permettent de créer des opportunités de valeur partagée ?
Illustrez-les à partir du cas. Quels sont les éléments qui caractérisent la RSE de l’entreprise CAMIF
Matelsom ? ..............................................................................................................................................6
Conclusion : Quel avenir pour CAMIF Matelsom après la crise sanitaire ? ........................................ 13
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 2
Question 1 : En quoi le business model de CAMIF Matelsom traduit une conception de la valeur
différente de celle de l’entreprise classique ? Qu’est-ce que cela implique dans les objectifs/la
finalité de l’entreprise ?
Rapide rappel historique : la Camif a été fondée en 1947 par Edmond Proust, fondateur de la MAIF
(Mutuelle d’Assurance des Instituteurs de France). D’abord fond de soutien à destination des
sociétaires de la mutuelle en difficulté au sortir de la guerre, ce fond se transforme, en 1949, en
coopérative d’achat sous forme de société anonyme à capitale variable1 . Les valeurs de cette
coopérative seront basées sur l’idée d’une entreprise citoyenne, solidaire et soucieuse de son
environnement.
Réservée aux membres de l’Éducation Nationale, son mode de gouvernance est basé sur un conseil
d’administration composé d’enseignants, d’inspecteurs d’académie, de maires, tous sociétaires, mais
ayant peu de compétences en matière d’économie, de choix stratégiques d’entreprise et de notion
de rentabilité, de concurrence ou de marketing. Le fait également que la CAMIF ait été créé pour et
par des enseignants qui rejetaient le modèle d’économie capitaliste a certainement joué dans
nombre de décisions.
C’est ce manque de compétences qui sera fatale à la Camif en 2008 : le conseil d’administration ne
réagit pas face à l’intensification de la concurrence par internet, ni devant les déficits qui se creusent.
Il (le conseil d’administration) continue de voter des résolutions inappropriées et les sociétaires
constituant l’assemblée générale (1.5 million au total) votent en totale confiance. Les erreurs ne sont
jamais sanctionnées, sans doute parce que pas comprises (et par conséquent admises) par
l’ensemble des intervenants.
L’acquisition de la CAMIF par Matelsom :
Dans le cadre d’une fusion-acquisition horizontale, le but recherché par une entreprise X sera
d’acquérir un avantage concurrentiel, d’augmenter ses revenus en offrant une gamme de produits
supplémentaires à ses clients, sans avoir à investir du temps et des ressources pour développer ses
propres produits, et de disposer de ressources et de parts de marchés supérieures à celles de la
concurrence.
Quand Emery Jacquillat choisi de racheter la CAMIF en 2009, celle-ci était pour Matelsom son
principal concurrent. Cependant son fichier client (3.5 millions d’adresses) et le fort attachement des
clients à la CAMIF représentaient une puissance de différentiation inégalée dans le secteur de la
vente en ligne. Enfin, la CAMIF était en 2006 la troisième entreprise de vente à distance de France.
Emery Jacquillat a montré dès le début de la création de Matelsom, sa capacité d’innovation et
d’adaptation dans un environnement à la fois concurrentiel et hostile2. Saisie d’opportunité, prise de
risque, esprit d’innovation permanent vont devenir l’ADN de Matelsom.
1
Société Anonyme à Capital Variable : société dont la principale caractéristique provient du fait que le capital
n’est pas figé mais au contraire mouvant. Le capital peut augmenter lorsque des associés ou de nouveaux
entrants rajoutent des capitaux. La Camif étant une entreprise mutualiste, cette structure juridique est
parfaitement adaptée.
2
Par hostile, il faut entendre une capacité à réagir face à un événement mettant l’entreprise en péril mais
n’étant pas d’origine concurrentiel. Ici les grèves de 1995.
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 3
Mais le nouveau PDG n’ignore aucune des difficultés devant lesquels il se trouve au moment de la
reprise de la CAMIF :
 Une entreprise qui vient de déposer le bilan et qui présente un passif de 100 millions d’euros
 Une structure d’entreprise figée, cloisonnée, réfractaire au modèle capitaliste, à la notion de
profitabilité
 25 000 clients lésés au moment du dépôt de bilan (les commandes passées peu avant le
dépôt de bilan n’ont pas été honorées)
 Une clientèle cible qui bien qu’adhérant aux valeurs CAMIF est plus individualiste, qui
souhaitent satisfaire ses propres besoins, et ne se reconnaissant plus dans l’offre CAMIF
 Un environnement extrêmement concurrentiel dans le meuble et la VAD (Vente à Distance)
On peut penser qu’Emery Jacquillat a senti le tournant qui était en train de se produire dans notre
société : le consommateur devient consom’acteur. Chaque acheteur de biens de consommation
souhaite désormais acquérir des biens en rapport avec ses valeurs, quelles qu’elles soient. La
tendance de la démarche d’achat éthique et solidaire, d’abord discrète et portée par quelques-uns,
est devenue un mouvement social profond3 , et a été mise en lumière notamment par l’intervention
d’Arnaud Montebourg en 2012, lorsqu’il a prôné le Made In France dans les pages du Parisien4. Le
salon MIFExpo (Made In France Expo) verra le jour la même année.
Se baser sur les valeurs historiques de la CAMIF5, garder et renforcer l’image d’une entreprise
citoyenne, solidaire et soucieuse de son environnement écologique et économique seront les leviers
principaux du nouveau business model de la CAMIF initié par Emery Jacquillat.
Mais Camif Matelsom choisi d’aller plus loin et se positionne comme une « entreprise à mission »
avant l’heure6. L’entreprise adopte un nouveau slogan qui a lui seul présente de manière très nette
sa feuille de route à ses différentes parties prenantes : Changeons le monde de l’intérieur.
Ainsi des parties prenantes telles que les clients, les fournisseurs et les fabricants pèseront plus
dans la prise de décision que la profitabilité ou les dividendes des actionnaires.
Emery Jacquillat énoncera ainsi sa stratégie :
« Proposer des produits et services pour la maison au bénéfice de l’Homme et de la planète.
Mobiliser notre écosystème (consommateurs, collaborateurs, fournisseurs, actionnaires, acteurs du
territoire), collaborer et agir pour inventer de nouveaux modèles de consommation, de production et
d’organisation. »
C’est l’éthique qui fait la force du business model de la Camif Matelsom , l’éthique et sa capacité
d’innovation.
E. Jacquillat a conscience que pour relancer la CAMIF, ils (les différents membres de la gouvernance)
doivent se concentrer sur ce qu’ils savent faire de mieux et engager toutes ses parties prenantes
dans la réussite du projet, avec une ambition à la hauteur de la marque7. De plus les actions et
3
Cette expression n’engage que l’auteur de ce devoir.
Voir article présenté dans les annexes.
5
On notera que dans CAMIF, il y a MIF, Made In France, alors qu’au départ cet acronyme signifiait Mutuelle de
Instituteurs de France.
6
Suite au Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE) dans le cadre duquel
Camif Matelsom a été consulté, la société inscrira, en novembre 2018, la définition de sa mission sociale dans
ses statuts et deviendra l’une des premières Sociétés BCorp à Objet Social Étendu (SOSE) de France.
7
Ambition énoncée dans le rapport RSE CAMIF Matelsom de 2013.
4
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 4
projets doivent avoir un impact positif pour « réparer la blessure » causée par la chute de la CAMIF,
blessure infligée aux clients lésés (25.000 au total) et aux fournisseurs qui ont perdu plusieurs
dizaines de millions d’euros lors de la liquidation.
Etre responsable de manière sociale et environnementale (RSE) devient une nécessité devant ses
différents constats.
Après avoir passé 3 ans à poser des jalons (entre 2009 et 2012 la CAMIF a connu une restructuration
profonde avec embauche d’anciens et de nouveaux salariés, externalisation de la logistique et de la
relation client vers des entreprises basées en France et de préférence prés de Niort, nouveau système
informatique, levées de fonds et nouvelle offre de produits), il peut enfin mettre en place le projet de
RSE qu’il avait prévu dès la reprise de la coopérative.
En résumé :
 Un business model basé sur l’innovation et la notion de valeur partagée
 Nouveau slogan en accord : « Changeons le monde de l’intérieur »
 Une stratégie de différentiation par le choix du développement durable
 Une stratégie d’innovation en termes de sa démarche d’impact économique global
 Reprise de collaboration avec les anciens fournisseurs français et contact avec de
nouveaux, français également ou implantés en Europe de l’Ouest uniquement. Les coûts
de fabrication ne sont pas à l’origine de la collaboration. Seules la provenance, la qualité
des produits (durable, recyclés, ou recyclables) importent.
 Externalisation de la relation client et de la logistique vers des entreprises locales,
françaises et performantes.
 Embauche d’anciens salariés et politique d’intégration active pour que la greffe prenne
avec l’équipe Matelsom.
 Gouvernance collaborative.
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 5
Question 2 et 3: Porter et Kramer suggèrent de remplacer le concept de RSE au profit de celui de
valeur partagée ? Selon eux, trois voies permettent de créer des opportunités de valeur partagée ?
Illustrez-les à partir du cas. Quels sont les éléments qui caractérisent la RSE de l’entreprise CAMIF
Matelsom ?
La notion de valeur partagée de Porter & Kramer
Cette notion est le fruit du travail de M. Porter et Kramer qui en publiant 2 articles qui repensaient
la RSE (en 2006 et 2011), ont créé un nouveau concept.
Face aux dérives d’interprétation de la démarche RSE, qui devient un outil pour améliorer l’image de
l’entreprise, Porter et Kramer propose une nouvelle approche par la création de valeur dans le sens
où elle alerte sur la nécessité d’adopter un nouveau modèle de gestion en rupture avec le modèle de
la maximisation de la valeur pour les seuls actionnaires.
La Chaîne de valeur de Porter
Il choisit, en collaboration avec Kramer, de repenser l’idée de la chaîne de valeur et de la mettre en
harmonie avec la démarche RSE : La notion de valeur partagée associée à la RSE doit être envisagée
en termes de performance globale.
La chaîne de valeur de la RSE de Porter et Kramer
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 6
Il est intéressant de constater qu’E. Jacquillat semble avoir suivi les préconisations de Porter et
Kramer presque à la lettre.
Rappelons les 3 voies de la notion de valeur partagée de Porter&Kramer émises en 2011 :
A. Renouvellement de produits et de services afin de les adapter aux besoins sociaux (concevoir
autrement ses produits et marchés)
B. Augmentation de la productivité dans la chaîne de valeur (en économisant les matières
premières par exemple) : upcycling pour la CAMIF (repenser sa chaîne de valeur)
C. Contribution à la création de « clusters » ou pôles de compétitivités tels que la Silicon Valley
en Californie (intégrer un cluster localement).
Emery Jacquillat va baser la mise en place de cette chaîne de création de valeur sur l’innovation.
A. Renouvellement de produits et de services afin de les adapter aux besoins sociaux :
concevoir autrement ses produits et ses marchés.
La notion de valeur partagée est au cœur du projet d’entreprise. La conviction de l’équipe dirigeante
de la CAMIF est qu’il ne peut y avoir de développement durable sans que l’entreprise ne soit
rentable, et que cette création de valeur est d’autant plus durable qu’elle est partagée tout au long
de la chaîne de valeur8.
La CAMIF devient une SAS9, et une levée de fonds a permis l’accueil d’investisseurs adhérents au
projet de valeur partagée : Citizen Capital (fonds d’investissement spécialisé dans « l’Impact
Investing »10, Perspectives&Participations (fond de la BRED-Banque Populaire),FCOI (Fonds de CoInvestissement de la Région Poitou-Charentes et du FEDER), la famille Jacquillat, Finalp (famille
Fournier, fondatrice de Mobalpa), et 15% des salariés.
De plus, tous les actionnaires ont décidé d’un commun accord de ne pas se verser de dividendes tout
au long de leur investissement en capital dans la société, leur rémunération ne se faisant qu’à la
sortie, pour permettre à l’entreprise de réinvestir davantage, le pari étant celui de la création de
valeur à long terme.
La notion de temps est également fondamentale dans la démarche de la reconstruction de la CAMIF.
Et qui dit temps, dit également, enracinement et symbolique.
Pour envoyer un message fort à toutes ces parties prenantes, la CAMIF déménage son siège social
qui était situé à Nanterre pour revenir à Niort, berceau de la CAMIF.
8
Rapport RSE CAMIF Matelsom 2013.
SAS : Société à Actions Simplifiées : forme juridique qui laisse le plus de libertés aux associés pour déterminer
les règles d’organisation et de fonctionnement de l’entreprise. La loi de modernisation de 2008 a allégé les
règles de fonctionnement de la SAS, et n’oblige plus à un capital minimum et autorise les apports en industrie.
Encore une fois E. Jacquillat démontre sa capacité à saisir les opportunités commerciales et juridiques pour
mener à bien ses projets.
10
« Impact Investing » ou investissement à impact social, est une stratégie d’investissement cherchant à
générer des synergies entre impact social, environnemental et sociétal d’une part , et retour financier neutre
ou positif d’autre part.
9
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 7
La position de 3ème vendeur à distance de France représente également un avantage non négligeable
pour la CAMIF, qui possède un portefeuille de 300000 clients.
En respectant les valeurs CAMIF historiques (entreprise citoyenne, solidaire et soucieuse de son
environnement écologique et économique), la nouvelle gouvernance de la CAMIF choisit de s’inspirer
de ces valeurs pour appuyer sa démarche orientée RSE au cœur de son business model.
La stratégie de la CAMIF se montre d’emblée citoyenne et solidaire, avec pour objectif avoué le
changement dans la continuité :
 octroi aux 25000 clients lésés par la liquidation de l’entreprise en 2008 d’une remise à vie de
7% sur l’ensemble du catalogue.
 Paiement à réception de la marchandise (aucun vépéciste ne pratique cela !). L’image de la
confiance que la CAMIF accorde à ses clients est renforcée. Un délai de 30 jours ainsi que la
livraison gratuite devient également une norme CAMIF. La satisfaction client est au cœur de
la démarche marketing de l’entreprise.
 Renoncement à la publication d’un catalogue annuel (démarche développement durable et
pertinente en matière de gestion de coûts).
 Refonte du site internet, accompagné d’une forte présence sur les réseaux sociaux. Le site
Camif.fr est au cœur de la restructuration de la société. Stratégie à la fois marketing (utiliser
en 2009 tous les canaux internet pour approcher de nouveaux clients) et en droite ligne avec
l’image développement durable. Résultat, en 2016, 60% de la clientèle CAMIF était
composée de nouveaux clients.
B. Augmentation de la chaîne de valeur :
Une nouvelle façon d’appréhender ses produits et marchés peut favoriser l’innovation et le
développement de produits portant des « avantages sociaux et environnementaux ».
CAMIF resserre son offre produits sur l’univers de la maison. 70% des produits vendus sur le site
sont d’origine 100% française. Ainsi cette nouvelle façon d’appréhender ses produits et son marché
permet à la CAMIF d’apporter à son environnement des avantages sociaux et environnementaux : le
contact avec les anciens fournisseurs a été rétabli et même renforcé, CAMIF ayant mis en place la
Conso’localisation (nous y reviendrons plus loin).
La nouvelle gamme de produits respecte l’environnement en privilégiant les sources
d’approvisionnement françaises et l’instauration de partenariats équilibrés avec ses propres
fournisseurs.
Le site présente également la « conso’localisation » permettant à chaque client de géolocaliser le
produit qu’il souhaite acheter. Certains produits sont également illustrer par des vidéos courtes,
permettant de découvrir les méthodes de fabrication, ainsi que l’artisan qui a conçu l’objet. On reste
bien dans cette optique de proximité et de création de lien : l’humain est présent à chaque étape et
de manière visible sur le site.
Enfin les produits ne présentant pas le label « Origine France » proviennent uniquement de l’Europe
de L’Ouest.
CAMIF crée également une gamme de meubles pour les jeunes créée à partir de produits
« upcyclés » : après de le développement durable, l’économie circulaire devient une démarche
logique. Pourquoi créé uniquement du mobilier durable et responsable, alors qu’il est possible de
faire du neuf avec de l’ancien ?
Depuis 2012, la CAMIF collabore et présente sur son site la marque API’UP.
API’UP est une association française, conjuguant économie circulaire et insertion dans le travail.
Cette association collecte des déchets puis des designers redonnent vie aux meubles.
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 8
Il s’agit, encore une fois d’une démarche stratégique cohérente et profitable à l’entreprise
économiquement, E. Jacquillat étant convaincu qu’à terme « entre 15 et 20% du marché du meuble
passeront par du rénové et de l’Upcyclé ».
Toujours dans le cadre de la stratégie marketing tournée vers la satisfaction du client, CAMIF choisi
une entreprise française, Téléperformance, pour la gestion de la relation client. Encore une fois, la
démarche s’articule autour de l’idée de performance globale de l’entreprise, et non celle de profit
immédiat. Certes, dans le cadre d’une reprise, nombre d’entreprises aurait choisi une plate-forme à
l’étranger pour minimiser ses coûts et augmenter sa profitabilité. CAMIF choisit de miser sur un
investissement à plus long terme : prendre pour partenaire une entreprise française est conforme
aux valeurs CAMIF et à la stratégie marketing. De plus, E. Jacquillat demande à Téléperformance de
s’implanter à Niort pour ainsi créer des emplois et surtout permettre à la CAMIF de rester dans sa
démarche RSE : être un acteur économique local ayant un fort impact positif sur le tissu économique
et social de son environnement
Il en sera de même pour la logistique et l’informatique qui seront également externalisée en
travaillant avec Géodis, transporteur français, à dimension internationale et des SSII à même de
permettre à la CAMIF de continuer à avoir un site internet performant, agile face aux innovations, et
réactif dans son adaptabilité. Encore une fois, CAMIF choisit des partenaires locaux et performants.
C. Création de clusters ou de pôle de compétitivité
En 2014, l’entreprise entame une collaboration avec Mines Paris Tech sur la raison d’être de
l’entreprise. Cette collaboration aboutit à la mise en place de la Cellule ’OSE (issue de Objet Social
Etendu et bien entendu référence au composant du bois la cellulose), un nouvel organe de
gouvernance destinée à garantir le respect des orientations stratégiques liées à la mission de
l’entreprise. Elle supervise également l’ensemble de la démarche RSE de la Camif.
La Camif garantit également à ses parties prenantes un droit de regard direct sur son engagement en
matière de développement durable.
L’entreprise se dirige également vers une gouvernance partagée et collaborative en intégrant ses
collaborateurs au comité de direction.
Nous ne pouvons que constater qu’un modèle d’entreprise basé sur le concept de valeur partagée
reste tourné vers l’Humain : les clients, les collaborateurs, les fournisseurs, les acteurs sociaux
évoluant autour de l’entreprise. Chaque décision sera ainsi prise en envisageant l’impact positif
global et sociétal, et non en envisageant l’impact positif sur le profit et les dividendes des
actionnaires.
Le langage est, en économie et en marketing, un outil fondamental pour communiquer et
convaincre.
Emery Jacquillat a basé la relance de la CAMIF sur les valeurs historiques de l’entreprise mais
également sur la base des 25000 clients lésés par la liquidation. Pour reconquérir une clientèle qui
est, à priori, réfractaire au principe d’économie capitaliste, et qui également fait partie d’une
catégorie socio-professionnelle confrontée régulièrement aux acronymes, il choisit de manière assez
malicieuse devrais-je dire, de réinterpréter certains d’entre eux pour structurer la démarche RSE de
la CAMIF.
Ainsi il permet à toutes ses parties prenantes de comprendre aisément les caractéristiques de la RSE
de l’entreprise CAMIF :
RSE : Responsabilité Sociétale de l’Entreprise devient Redonner du Sens à l’Entreprise11.
11
Les informations sur les acronymes sont également issues du rapport RSE 2017 de la CAMIF. Il est à noter
que celui-ci est intitulé Rapport Développement Durable ».
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 9
Ainsi l’entreprise CAMIF donne une direction à la question posée lors de sa reprise : « Quelle est la
finalité de l’entreprise et comment peut-elle avoir un impact positif ? ».
La CAMIF définit ainsi sa mission12 :
Proposer des produits et des services pour la maison au bénéfice de l’Homme et de la planète.
Mobiliser notre écosystème (consommateurs, collaborateurs, fournisseurs, actionnaires, acteurs du
territoire), collaborer et agir pour inventer de nouveaux modèles de consommation, de production
et d’organisation.
AAA : le triple A est une notation financière utilisée en finance et en économie pour déterminer le
risque de solvabilité financière d’une entreprise, d’un pays, d’une collectivité, etc…
L’entreprise CAMIF va l’interpréter pour définir ses grandes valeurs principales :
Audace (il est tout à fait prudent de prendre des risques),
Agilité (l’expérimentation est la règle)
Attention (la principale qualité de l’entreprise est sa capacité à créer du lien et à mobiliser les
consciences).
CQFD : « Ce Qu’il Fallait Démontrer » devient « Choix de produits de Qualité privilégiant la fabrication
Française dans le respect du développement Durable ». Cette nouvelle interprétation sera
déterminante pour le choix des fournisseurs présents et futurs.
C.A.M.I.F : « Coopérative des Adhérents aux Mutuelles des Instituteurs de France » devient
« Client-Actionnaires-Monde (qui entoure l’entreprise, son environnement)-Intérieur (salariés)Fournisseurs »
S’attacher à avoir un impact positif pour toutes les parties prenantes et sur l’ensemble des enjeux du
développement durable s’avère être un formidable levier de création de valeur économique,
d’engagement de d’innovation. Nous sommes face à un nouveau modèle d’entreprise conciliant
performance économique et création de valeur partagée pour l’ensemble de la société (société au
sens social).
La Conso’localisation : chaque produit proposé sur le site présente des logos facilement identifiables
pour le consommateur et lui permettent d’acheter en connaissance de cause. Ce concept permet de
choisir un article en fonction de son lieu de production. Ainsi chaque client peut peser sur l’économie
locale13. Le client découvre l’entreprise ayant fabriqué le produit, mais également le nombre
d’emplois que cette dernière à créer ainsi que l’origine des produits qu’elle utilise. Des vidéos
montrent également les travails des artisans. Cela permet de renforcer l’implication du
consommateur, considéré comme un consom’acteur.
La transparence étant le maître-mot des échanges CAMIF-Parties prenantes, quand l’objet n’a pas
une origine 100%France, le logo n’apparaît pas , mais la fiche technique du produit précise le pays où
a été fabriqué le produit ou « Fabriqué en Europe ».
Emery Jacquillat reconnait un surcoût généré par cette stratégie de 10%. Mais cette stratégie basée
sur le long terme se révèle payante : en 2013, l’entreprise présentait des bénéfices et son chiffre
d’affaires a progressé de 21% entre 2014 et 2015. Ainsi Camif démontre que le concept de valeur
partagée inventé par Porter&Kramer est non seulement adaptable aux PME, mais qu’il est également
rentable quand toutes les parties prenantes d’investissent vers le même objectif : la performance
globale.
Quant aux fournisseurs CAMIF, ils affichent 60% de croissance depuis la reprise de leur collaboration
en 2009.
12
13
Cette mission sera intégrée en 2017 dans les statuts de l’entreprise.
Cf. interview d’E. Jacquillat, annexe 2 cas CAMIF
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 10
La société n’est plus au service de l’entreprise, l’entreprise se met au service de la société et tout le
monde en tire des bénéfices (matériels ou immatériels).
La conso’localisation a permis de mettre en place le « TourCamif du Made In France » qui permet
aux collaborateurs, clients, et fournisseurs CAMIF de se retrouver dans différentes villes de France
chez un fabricant acteur de l’économie circulaire et durable. Ces échanges permettent aux clients de
découvrir les modes de fabrications vertueux, mais également d’échanger avec les experts fabricants
et les experts CAMIF, afin d’apporter des améliorations ou de nouvelles idées qui vont permettre aux
acteurs de la chaîne de fabrication de mieux comprendre les attentes du consom’acteur.
Création de « La Place » sur le site CAMIF : une base de données permettant à chacun d’acheter
locale avec plus de 140 fabricants français, de faire réparer ou recycler ses objets dans tous les
Repairs Cafés de France, ou encore de donner une seconde vie à ses meubles en contactant les
ressourceries et les réseaux associatifs comme Emmaüs ou encore les fédérations de collecte comme
ENVIE.
Encore une fois, CAMIF réinterprète les business model courants : la Marketplace devient La Place.
Le consom’acteur ne va pas y trouver des produits du monde entier : il va découvrir une autre
manière de consommer.
Une autre innovation collaborative est annoncée : faire de chaque domicile client un point de vente
CAMIF et un lieu de prescription potentiel. Encore une fois, le client est au cœur de l’entreprise en
devenant un ambassadeur de la marque.
Emery Jacquillat ne fait, encore une fois, que réinterpréter un business model existant : Uber.
Enfin l’entreprise envisage d’aller plus loin dans sa démarche d’ouverture vers l’extérieur en mettant
un pied dans la micro-industrie et en proposant des modèles créés par les designers CAMIF , à
disposition en open source pour des ateliers de fabrication locaux.
Encore une fois, nous constatons que la démarche stratégique d’externalisation tournée vers le
développement territorial est source d’avantage concurrentiel et de valeur partagée.
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 11
En résumé :
 La RSE pratiquée par CAMIF Matelsom est normative : le bien en soi, maintenir la planète
habitable, aider les personnes dans le besoin
 L’entreprise se base sur un business model inspiré par l’Open Innovation et la
gouvernance collaborative. Cela lui permet de pratiquer l’humilité de reconnaître que
l’interne n’est pas capable de produire toute l’innovation nécessaire à la pérennité de
l’entreprise.
 L’impact sociétal et environnemental est au cœur de chaque démarche de la CAMIF :
intégrer les clients, les collaborateurs et les fournisseurs dans toutes les démarches
d’innovation est significatif d’une pensée tournée vers l’humain et la création de lien social
avant l’idée de profitabilité monétaire. Et E. Jacquillat démontre que ces deux notions ne
sont pas incompatibles puisque l’entreprise affiche en 2015 un chiffre d’affaire en
progression de 15% et un Ebitda de 2 M€. La démarche RSE normative de la CAMIF se
révèle rentable également pour les collaborateurs puisque l’entreprise a mis en place une
participation aux résultats pour les employés
 La création de son modèle économique durable amène la CAMIF à aller plus loin et au-delà
de son statut de simple entreprise pourvoyeuse d’emplois et de produits : elle souhaite
mobiliser et éveiller les consciences sur la consommation responsable, le respect de
l’environnement, et, par ricochet, la santé.
 Enfin, la CAMIF est la première entreprise à avoir obtenu le label BCorp. Elle participera
également à l’élaboration de la loi PACTE votée en 2017 et destinée à encourager la
démarche RSE dans toutes les entreprises. La CAMIF sera la première entreprise de France
à inscrire sa démarche RSE dans ses statuts.
 En 2017 , pour rendre les produits MIF compétitifs et inciter un plus grand nombre de
consommateurs à acheter local, la Camif lance une pétition demandant la création d’une
« TVA responsable » moins élevée et appliquée sur les produits les plus durables, les plus
équitables et les plus respectueux de l’environnement. L’idée est de convaincre qu’en
réduisant la TVA de façon significative sur les productions les plus vertueuses, cela impulse
une dynamique positive en France. La pétition donne également quelques pistes :
encourager les initiatives responsables : Made In France, circuits courts, écoconception,
réparabilité. Maintenir et créer de l’emploi en France dans des secteurs porteurs et
durables, positionner le pays en leader sur les productions responsables.
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 12
Conclusion : Quel avenir pour CAMIF Matelsom après la crise sanitaire ?
La crise du Covid 19 oblige notre société mondiale et française à revoir ses priorités : est-il judicieux
de vouloir acheter à l’autre bout de la planète un objet que l’on peut trouver en bas de chez soi ?
Nombre d’entreprises avaient commencé une démarche de réflexion dans ce sens en s’attachant à
une démarche liée à la réduction des démarches polluantes.
Aujourd’hui se pose également la question de la proximité et de l’accessibilité aux marchandises et
aux matières premières. Encore une fois, est-il utile d’acheter ou de faire produire à l’autre bout de
la planète ce que l’on peut trouver en bas de chez soi ?
La crise du Covid 19 nous prouve qu’acheter à bas coût peu avoir un impact désastreux sur notre
économie dés lors que les échanges sont interrompus. En même temps, on voit apparaître des
comportements vertueux tels que l’achat de fruits et légumes chez le maraîcher local, où la
fabrication de pain et gâteaux maison, bien plus bénéfique pour la santé que les produits
transformés.
La CAMIF s’est toujours inscrite dans cette idée du « consommons local pour bien consommer ».
Certes cela à un coût : coût de production plus élévés pour l’entreprise et prix de vente plus élevés
pour le consommateur, réduisant ainsi le champ de la clientèle potentielle.
Cependant, si les volumes de vente d’une entreprise augmente, elle va pouvoir, potentiellement,
réduire à terme ses coûts de production et , par ricochet, baisser son prix de vente sans impacter
son volume de marge. Ainsi nous entrons à nouveau dans un cycle vertueux bénéfique à la fois pour
l’entreprise et pour le client.
Il est amusant de constater que E. Jacquillat n’a pas perdu en la matière ses réflexes d’innovation et
sa capacité à saisir les opportunités : une publicité CAMIF apparaît actuellement sur les écrans de
télévision avec le slogan « Nos meubles pensent très très fort à demain ». Il n’a pas oublié la leçon de
1995 qui lui a permis de lancer Matelsom. Je pense qu’ils sont prêts pour la suite.
A suivre.
USM32A / Cas CAMIF / Mme Cécile EZVAN
Remis par Marie Duffieux M’Bahia / Avril 2020
Page 13
Téléchargement