D’autres tenteront plutôt de
percer les secrets de quelques négociations de paix entre empires. Les
littéraires retrouveraient enfin l’immense foule des œuvres perdues dans
le
naufrage du temps, les tragédies grecques, les liturgies des temples, les
rites
d’initiation d’Eleusis... Les artistes chercheront à faire surgir devant
eux
tous les grands monuments du passé détruits par la nature ou, plus
souvent, par
la sottise des hommes. Qui n’a essayé, devant les temples de l’Égypte
ancienne,
de se représenter quelque grande cérémonie, quelque procession
solennelle. Qui
n’a rêvé, en montant vers l’Acropole, de retrouver l’antique Athènes au
temps
de sa plus grande splendeur ?
Nos films à grand spectacle
tentent bien de nous permettre de rejoindre Cléopâtre malgré la fuite
inexorable du temps. Mais, nous le sentons bien, romanciers, poètes ou
cinéastes ne peuvent nous offrir que des approximations, des conjectures.
Les
documents qui nous sont parvenus du passé ne sont que de pauvres débris,
quelques traces, infiniment précieuses mais très fragmentaires. À voir le
peu
qui nous reste de tant de grandes civilisations disparues on a bien
l’impression
que l’oubli, peu à peu, recouvre tout et que tout redevient, peu à peu,
comme
si rien n’avait été. C’est vrai, très rapidement, pour les petits
événements de
notre vie quotidienne, mais c’est vrai aussi, à la longue, pour les plus
grands
empires. Tout, en ce monde semble aspiré peu à peu par le néant. Cette
terre
même qui nous porte, un jour disparaîtra. Tout redeviendra-t-il alors
comme si
nous n’avions jamais été, comme si nous n’avions jamais souffert, jamais
aimé ?
Eh bien ! non. Je suis convaincu
que rien de ce que nous disons, faisons, et même pensons ne se trouve
effacé.
Il n’y a rien de caché qui ne doive un jour être dévoilé, nous dit
l’Évangile[1]. Il semble que
certains scientifiques soient déjà précisément près de saisir, au moins
partiellement, ces traces du passé. Alors, imaginez, imaginez
l’impossible,
l’incroyable, le fantastique au-delà de tous vos rêves, imaginez que
quelqu’un
ait vraiment réalisé l’appareil qui permettrait de connaître tout cela,
de
voir, d’entendre les hommes du passé, dans leurs costumes, leurs décors,
de les
regarder bouger, remuer, s’agiter, bien souvent se battre, et tout cela «
pour
de vrai », avec l’accent local, la prononciation de l’époque, sans aucune
erreur possible ; non pas une reconstitution, mais l’événement lui-même,
comme
au moment où il s’est vraiment produit.
J’ai rencontré quelqu’un qui
prétendait l’avoir réalisé. Quelqu’un qui me paraît encore maintenant