WWW.REVMED.CH
9 janvier 2019 47
NOUVEAUTÉS EN
MÉDECINE
2018
une complication grave et invalidante touchant 30-40 % des
patients.6 Les thérapies actuelles ne sont pas satisfaisantes
à ce jour pour garantir la fermeture des fistules. Les seuls
traitements approuvés à l’heure actuelle pour les fistules sont
les anti-TNF, avec un taux de fermetures qui reste assez bas,
de l’ordre de 23-30 % après un an de traitement.7 Le traitement
chirurgical consiste soit dans la fistulotomie, qui présente un
haut risque d’incontinence anale, ou alors le drainage avec des
fils de Seton.8 D’autres techniques ont été essayées avec des
résultats inconsistants, tels que le lambeau d’avancement
rectal, l’injection de colles biologiques et le PLUG (un cône de
sous-muqueuse de porc lyophilisé biodégradable).
Dans ce contexte, beaucoup d’intérêts se sont portés dans le
domaine des cellules souches. En effet, une suspension de
cellules souches allogéniques expansées, dérivées de tissus
adipeux (Cx601 ou darvadstrocel- renommé Alofisel) a été
administrée localement, avec de grandes efficacité et sécurité
dans le traitement des fistules périanales complexes chez des
patients qui ont précédemment répondu de manière insuffi-
sante à une thérapie biologique ou conventionnelle.9 En 2016,
une étude randomisée, en double aveugle, contrôlée (ADMIRE
CD II Study) a démontré qu’une proportion statistiquement
plus importante de patients traités avec Cx601 versus placebo
obtenait une rémission clinique (définie comme fermeture des
orifices externes) et radiologique (définie comme absence de
collections > 2 cm de la fistule traitée, confirmée par IRM) de
l’atteinte fistulaire à 24 semaines après traitement (51 vs 36 %,
P 1⁄4 ,021).10 L’efficacité et la bonne tolérance de ce traitement
à court terme étaient également confirmées à long terme avec
un suivi à 52 semaines.11
L’injection d’Alofisel nécessite une préparation de la fistule
2 semaines avant le traitement. Les fils de Seton doivent être
en effet retirés et l’orifice interne de la fistule suturé. Une seule
injection d’une suspension de 120 millions de cellules est
alors effectuée, la moitié de la dose sur les parois de la fistule
et l’autre autour de l’orifice interne. En mars 2018, la Commis-
sion européenne (CE) a autorisé l’Alofisel (Tigenix-Takeda)
pour le traitement de fistules périanales complexes chez les
patients adultes, atteints de maladie de Crohn luminale non
active/légèrement active, lorsque les fistules ont répondu de
manière inadéquate à au moins un traitement conventionnel
ou une biothérapie. Le prix du darvadstrocel sur la liste NHS
(National Health Service) est de CHF 61,56 par traitement, mais
la NHS n’a pas approuvé pour le moment son financement.
Pour l’instant, ce traitement n’est pas encore disponible sur
le marché.
L’Alofisel représente donc une nouvelle alternative de traite-
ment peu invasif dans le cadre de fistules périanales complexes,
qui pourra peut-être réduire les traitements immunosuppres-
seurs ou le recours à la chirurgie en améliorant la qualité de vie
de patients avec maladie de Crohn périanale.
LE TOFACITINIB : UNE NOUVELLE CLASSE
THÉRAPEUTIQUE POUR LA RECTOCOLITE
HÉMORRAGIQUE
Les inhibiteurs des JAK kinases sont des molécules à petit poids
moléculaire récemment développées, pour le traitement des
maladies inflammatoires chroniques, ayant pour cible la signa-
lisation intracellulaire. Les JAK (Janus kinases- JAK1, 2 et 3 et
TYK2) appartiennent à la grande famille des kinases, et sont
des molécules cytosoliques liées à des récepteurs transmem-
branaires qui, une fois activées, induisent la transcription de
STAT (signal transducers and transcription activators), impli-
qués dans l’inflammation chronique. Les inhibiteurs de JAK
empêchent la phosphorylation et l’activation de STAT avec une
fonction immunorégulatrice.12,13
Ces molécules sont administrables par voie orale, ce qui est
très apprécié par les patients. Le tofacitinib est un inhibiteur
de JAK non sélectif, déjà utilisé dans le cadre des maladies
rhuma tologiques, notamment l’arthrite rhumatoïde et le pso-
riasis. D’un point de vue pharmacocinétique, cette molécule a
une demi-vie d’environ 3 heures et atteint le pic de concentra-
tion en 30 minutes.14
L’efficacité du tofacitinib a été évaluée dans trois études de phase
3 de type RCT. Deux sont des études d’induction (OCTAVE
Induction 1 et 2) et la troisième (OCTAVE sustain) évalue ce
traitement dans le maintien à long terme (52 semaines). Dans
OCTAVE 1 et 2, 598 et 541 patients avec RCH active et sans
réponse ou intolérance au traitement conventionnel ou aux
anti-TNF étaient randomisés pour recevoir le tofacitinib 10 mg
2 fois par jour versus placebo pendant 8 semaines. La rémis-
sion clinique à 8 semaines était l’objectif primaire des études
et la guérison muqueuse l’objectif secondaire. Les taux de
rémission étaient significativement plus importants sous tofa-
citinib 18,5 versus 8,2 % (p = 0,007) dans OCTAVE 1 et 16,6 ver-
sus 3,6 % (p = 0,0005) dans OCTAVE 2. Les taux de cicatrisation
muqueuse à 8 semaines étaient significativement plus élevés
sous tofacitinib que sous placebo. L’efficacité du tofacitinib
n’était pas différente pour les patients ayant déjà reçu un trai-
tement d’anti-TNF par rapport aux patients naïfs. Les patients
répondeurs à 8 semaines ont été inclus dans une étude de main-
tenance à 52 semaines. Les taux de rémission clinique et de
guérison étaient à nouveau significativement plus élevés sous
tofacitinib.15
Concernant les effets secondaires, les données sur le tofa-
citinib provenant de l’expérience en rhumatologie, sont
plutôt rassurantes. Trois types d’événements liés à la molécule
ont été décrits. Un risque infectieux, avec notamment un
risque d’infection à Herpes Zoster avec zona. Le Collège amé-
ricain de rhumatologie a conseillé une vaccination avant de
débuter le traitement. Le deuxième effet secondaire a consisté
en une élévation des taux de cholestérol et triglycérides, mais
sans survenue de complications cardiovasculaires. Enfin, les
auteurs ont noté une élévation des enzymes musculaires sous
inhibiteur de JAK par rapport au placebo sans rhabdomyolyse.
En août dernier, le tofacitinib (Xeljanz – Pfizer) a reçu l’auto-
risation de mise sur le marché par la Commission européenne
pour les patients avec une RCH active ayant une réponse ina-
déquate au traitement conventionnel ou aux anti-TNF. Le prix
actuel est de CHF 1460.- pour une boîte de 56 comprimés à 5 mg.
Concernant la maladie de Crohn, de manière inattendue,
l’essai de phase 3 avec tofacitinib était négatif. Toutefois,
deux inhibiteurs sélectifs de JAK-1, le filgonitib et l’upadaciti-
nib sont en train d’être étudiés avec des résultats déjà très
encourageants.