I - LE SECTEUR ET LES ENJEUX 1.1 - Présentation du secteur Situation de la demande et de l’offre en électricité Le Cameroun doit faire face à une situation difficile d’approvisionnement en électricité depuis plusieurs années. Le sous-investissement couplé à un vieillissement du parc de production fait que l’offre est insuffisante au regard des besoins actuels (le déficit en période de pointe s’élevait à 100 MW en 2008 et 2009) et des perspectives de croissance de la demande des secteurs public et industriel. La demande en électricité est constituée du secteur public, basse et moyenne tension, et du secteur industriel haute-tension qui représentent respectivement 70% et 30% de l’électricité vendue par l’opérateur national, AES Sonel. La demande du secteur public (550 MW appelés en pointe) croît à un rythme soutenu, estimé à 30 MW par an, avec la perspective d’un quasidoublement des besoins en pointe à l’horizon 2015 (1000 MW en pointe) et un quadruplement (2000 MW) d’ici à 20301. La demande des secteurs industriels et miniers devrait atteindre 1500 MW d’ici 2020. Pour faire face à ces besoins, la capacité de production électrique installée d’AES Sonel est de 933 MW, à 77 % hydraulique. La période d’étiage, qui s’étale de janvier à juin, constitue en outre une période critique pour les ouvrages hydroélectriques et des rationnements sont régulièrement opérés. Début 2010, la mise en service par le producteur indépendant Dibamba Power Development Company (DPDC) de la centrale au fuel lourd de Dibamba (88 MW) a allégé les tensions sur l’offre sans toutefois régler durablement la question des délestages. Environnement institutionnel Le Cameroun s’est lancé dès le début des années 90 dans une réforme destinée à moderniser le secteur de l’électricité. Le Ministère de l’Energie et de l’Eau (MINEE) est en charge de l’élaboration et de la mise en oeuvre de la politique énergétique et de la planification sectorielle. Crée en 1999, l’Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité (ARSEL) veille au développement du secteur, à son équilibre économique et aux intérêts du consommateur. Dans la continuité de cette réforme, la privatisation de la Société Nationale d’Electricité (Sonel) en 2001 a donné lieu à la création de la société AES Sonel, concessionnaire du service public d’électricité (production, transport et distribution) jusqu’en 2021. AES Sonel est détenue par la société américaine AES Corp. (à hauteur de 56 %) et par l’Etat camerounais (44 %). La concession prévoit un plafonnement à 1 000 MW de la production électrique par AES Sonel en ligne avec la réforme du secteur qui prévoit son ouverture aux producteurs indépendants (deux opérateurs privés ont déjà été crées DPDC, cf supra et KPDC, cf infra). Dans ce contexte et avec le souci de mettre en valeur le potentiel hydroélectrique national encore sous-exploité, le Gouvernement a créée deux sociétés à capitaux publics : 1 Prévisions de croissance du Plan de Développement à Long Terme du Secteur de l’Electricité Horizon 2030 (juillet 2006). Les hypothèses de croissance économique sont celles retenues par le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (Scénario Médian). 20120716 NCO Lom Pangar.doc 3/14 - la société Electricity Development Corporation (EDC), créée en 2006 par décret présidentiel, qui a pour objet de gérer le patrimoine public dans le secteur électrique et de construire/exploiter les ouvrages de régulation du bassin de la Sanaga. Son périmètre d’activités intègre ainsi la construction et l’exploitation du barrage réservoir de Lom Pangar, ainsi que l’exploitation des trois ouvrages de régulation existants sur la Sanaga aujourd’hui exploités par AES Sonel. - la société Mekin Hydroelectric Development Corporation (HydroMekin), créée fin 2010 avec la mission de mettre en valeur le potentiel hydroélectrique du bassin du Dja. En 2011, le gouvernement du Cameroun a initié une deuxième phase de la réforme du secteur avec l’adoption le 14 décembre 2011 d’un nouveau texte de loi. Les principales implications pour le secteur sont i) la facilitation de la valorisation des sites hydroélectriques par des opérateurs privés à des fins d’autoproduction, avec obligation de revendre sur le réseau une partie de l’électricité produite au coût de revient, ii) la création d’un gestionnaire du réseau de transport de l’électricité indépendant d’AES Sonel. 1.2 - Politique du gouvernement L’insuffisance de la production contraste avec l’immense potentiel hydroélectrique du pays estimé à 13 700 MW de puissance « équipable », exploité aujourd’hui à hauteur de 5 %. La majeure partie du potentiel hydroélectrique du Cameroun se situe dans le bassin de la Sanaga, tant en terme de production (53% de la puissance équipable) que de régulation. L’hydroélectricité est pourtant la source d’énergie qui présente le meilleur rendement pour le pays. Le coût de revient de la mise en valeur du potentiel hydroélectrique est estimé à 0,04-0,05 USD/KWh en moyenne contre 0,08-0,09 USD/KWh pour l’alternative qui consisterait à produire de l’électricité à partir des réserves de gaz camerounaises. Le potentiel hydroélectrique de la Sanaga demeure néanmoins largement sous-exploité. Estimé à plus de 6 000 MW, dont 4200 MW pour des sites de grande capacité et 1800 MW pour des sites de plus petite taille, le potentiel n’est valorisé qu’au 1/10ème avec les deux sites exploités par AES Sonel (Edéa 384 MW et Song LouLou 265 MW). Cette situation s’explique par les fortes variations saisonnières et interannuelles de l’hydrologie dans le bassin de la Sanaga et une régulation actuelle insuffisante pour rendre la valorisation des sites de la Sanaga économiquement intéressante. L’objectif du présent projet est précisément de lever cette barrière. La mise en place d’une « redevance d’eau » pour financer la régulation du débit de la Sanaga Le concept de redevance d’eau est introduit dans l’article 15.1 de la nouvelle loi sur le secteur de l’électricité. Les autorités camerounaises ont préparé un décret et un arrêté qui précisent les modalités et le montant de la redevance d’eau applicable dans le bassin de la Sanaga (cf section 5.3). Il s’agit d’un forfait payable par les exploitants de centrales qui bénéficient du « service » de régulation du débit de la Sanaga auquel contribuera le barrage de Lom Pangar. Ce forfait, fixe, est proportionnel à la puissance nominale de l’usine hydroélectrique bénéficiaire, et donc aux « gains » générés par le turbinage du surplus d’eau en saison sèche. Ces gains sont importants et justifient l’introduction de cette redevance. Il convient de noter que si l’Etat Camerounais « avance » les fonds pour la réalisation de l’ouvrage de réalisation, ce sont les bénéficiaires du service de régulation qui en assureront in fine le financement. 20120716 NCO Lom Pangar.doc 4/14