La complémentation directe et indirecte des verbes de perception en anglais - Philip Miller

Telechargé par Yacoub Ghérissi
1
La complémentation directe et indirecte
des verbes de perception en anglais
Philip Miller, UMR 8528 SILEX, Université Lille 3
miller@univ-lille3.fr
Introduction
Le but de cet article est d'examiner certaines motivations
mantiques de l'alternance entre la complémentation directe et
indirecte des verbes de perception en anglais.1 Plus spécifiquement,
je m'intéresse aux cas le compment est un SN ou un SP dans
lequel la préposition introduit un SN. Je ne m'intéresserai donc pas
ici aux cas où le verbe de perception est suivi d'une complétive finie
(1a), infinitive (1b), gérondive (1c) ou d'un SP dont le complément
est une complétive extraposée (1d).2
1 J'ai eu l'occasion de présenter le contenu de cet article à une Journée
d'étude du CIRLEP à Université de Reims, le 3 novembre 2000, ainsi qu'au
minaire de linguistique anglaise de l'Université Lille 3 le 19 janvier 2001,
et dans un cadre de comparaison avec le français, au colloque « Complétude
et incomplétude », à Monbazillac, le 21 septembre 2001. Je remercie les
participants pour leurs remarques. En particulier, je tiens à remercier Anne-
Marie Berthonneau, Thierry Castelain, Liliane Haegeman, Ruth Huart, Jean-
Charles Khalifa, Maarten Lemmens, Brian Lowrey, Sabine Petit pour les
discussions que j'ai pu avoir avec eux sur certaines des analyses présentées
ici et leurs remarques. Enfin, certains des développements ci-dessous
doivent beaucoup au mémoire de maîtrise de Sabine Petit (Petit 1998).
2 Bien que cela n'ait pas une grande importance dans le cadre du présent
article, je soutiens, suivant en cela Kirsner et Thompson 1976, la position
selon laquelle dans tous les cas en (1) le compment du verbe de perception
est une proposition, dont le sujet n'est pas mantiquement l'objet de ce
même verbe de perception. Dans les cas comme (1b,c), où l'on comprend
que le sujet de la complétive objet the children est une entité perçue, cet
élément de sens n'est pas déterminé par la grammaire, mais est une simple
inrence, que l'on tire de la perception de l'evénement dans lequel est
impliqué le sujet en question. En effet, il suffit de modifier le contenu de la
PDF created with FinePrint pdfFactory trial version http://www.fineprint.com
2
(1) a. Sandy saw that the children were playing in the garden.
b. Sandy saw the children play in the garden.
c. Sandy saw the children playing in the garden.
d. Sandy saw to it that the children were playing in the garden
when Kim arrived.
De même, je ne m'intéresserai ici qu'aux interprétations strictement
perceptuelles des verbes de perception. J'exclus donc les
interptations intellectuelles ou cognitives typiques des complétives
finies (2a), mais que l'on trouve aussi avec des groupes nominaux
objets (2b), et d'autres interprétations plus marginales comme celle
en (1d), dont on remarquera qu'elle est également possible lorsqu'un
SN est compment de la préposition to, et non une complétive
extraposée (2c).
(2) a. I then saw that he knew the answer.
b. Mrs. Carey could not see anything amusing in what she
heard, and she smiled with constraint. (Somerset Maugham,
Of Human Bondage)
c. She saw to his comfort.
L'un des éléments qui apparaîtra dans cette étude est
l'importance, pour la compréhension de la compmentation des
verbes de perception, des divergences entre la conceptualisation des
différentes modalités perceptives et la façon dont celle-ci interagit
complétive de sorte que la perception de l'événement auquel elle réfère ne
conduise pas à inférer la perception du férent du sujet pour que cette
interprétation disparaisse. C'est le cas dans des exemples comme (i) et (ii)
(où c'est sans doute le cochon et non le fermier qui a été entendu), empruntés
à Kirsner et Thompson; voir aussi Lowrey et Millerparaître):
(i) I saw all hell break loose.
(ii) I heard the farmer killing the pig.
Par ailleurs, une analyse détaillée montre que (1c) est en fait
structurellement ambigüe entre l'analyse esquissée ci-dessus et une analyse
the children est objet direct, syntaxiquement et mantiquement du verbe
de perception (cette analyse alternative n'étant pas disponible pour (1b)),
voir Declerck 1982, Felsner 1999, Lowrey et Miller (à paraître).
PDF created with FinePrint pdfFactory trial version http://www.fineprint.com
3
avec les significations plus générales des différentes constructions
verbales (cf. Levin 1993, Goldberg 1995). Pour des raisons de place,
il ne me sera pas possible dans la présente étude de traiter de la
perception auditive (voir cependant Miller en prép.).
1. Modalité visuelle
Il est bien connu que l'anglais distingue deux grands groupes de
verbes référant à la perception visuelle, ceux en (3) qui se
construisent avec un objet direct, et ceux en (4) qui se construisent
avec un objet indirect, typiquement en at (mais pas exclusivement,
comme on le verra ci-dessous).3
(3) Objet direct: see, watch, (notice, observe, …)
(4) Objet indirect: look at, (glance at, glare at, peek at, peer at,
stare at, …)
Pour expliquer ce phénomène, nous commencerons par rappeler
l'alternance de complémentation entre objet direct et objet indirect en
at avec certains verbes dont le sens fait intervenir à la fois le
mouvement et le contact, appelée alternance conative (voir Levin
1993:41, Goldberg 1995:63-4).
1.1. Look et l'alternance conative
Considérons des paires d'exemples comme celles en (5a,b) et
(5c,d) kick apparaît alternativement avec un objet direct, et avec
un objet indirect en at (on trouvera dans (5e) une liste partielle de
verbes permettant cette alternance, voir Levin 1993:41 pour plus de
tails).
(5) a. He kicked the embers apart. (London, Tales of the
Klondyke)
b. The bartenders there would not kick him. (Henry, Roads to
Destiny)
3 Voir les listes de Levin 1993:185 sq. pour plus d'exemples.
PDF created with FinePrint pdfFactory trial version http://www.fineprint.com
4
c. “Chook! Mush-on! you Siwashes! he cried, attempting, in a
vermicular way, to kick at them, and discovering himself to
be tottering on the edge of a declivity. (London, Tales of the
Klondyke)
d. Ylario tried to kneel upon the floor in his gratitude, but the
cattleman kicked at him benevolently, growling, “None of
your opery-house antics, now.” (Henry, Heart of the West)
e. hammer, hit, strike, bite, claw, peck, shoot, jab, poke, cut,
hack, scratch, nibble, chew, etc.
Pour les verbes de cette famille, dont le sens comprend à la fois un
composant de mouvement et un composant de contact, l'alternance
entre la construction directe et indirecte peut être décrite de la façon
suivante. Avec l'objet direct, le mouvement atteint sa cible, il y a
contact effectif, le référent de l'objet est un véritable patient,
l'événement décrit par le verbe a effectivement lieu. Ceci se voit
particulièrement clairement dans la construction résultative en (5a),
le résultat du contact effectif est indiqué par la spécification du
changement dans la disposition des braises (apart) suite à
l'événement. Par contre, avec un objet indirect en at, le mouvement
est dirigé vers le férent de l'objet indirect, qui est une cible, mais
ne l'atteint pas, ou en tout cas ne l'atteint pas pleinement. Le référent
de cet objet n'est donc pas véritablement un patient, le contact n'est
pas complet, l'événement qu'on aurait avec un objet direct n'est pas
réalisé. Ceci se voit particulièrement bien dans un exemple comme
(5d). Les vachers dirigent des coups de pieds vers Ylario, mais n'ont
aucune intention qu'il y ait véritablement contact avec ce dernier
(comme le montre clairement l'adjonction de l'adverbe de manière
benevolently). Ylario est cible, et non patient, et l'événement “the
cattlemen kicked himn'est pas réalisé.4
4 Cette interprétation de l'alternance paraît tout à fait naturelle dans le cadre
d'un travail comme celui de Gropen et al. 1991, qui montrent, par des
expériences psycholinguistiques sur l'acquisition des complémentations, que,
dans les alternances entre objet direct et indirect pour un même verbe, sans
PDF created with FinePrint pdfFactory trial version http://www.fineprint.com
5
Considérons maintenant dans cette perspective les exemples de
look en (6).
(6) a. He looked at her, noting, as for the first time, the pansy blue
of the eyes that were his fiancé's best feature. (LOB P).
b. When I mentioned that for my first long voyage I did not
even have the money for the return fare, but had trusted to
luck that I would earn a sufficient amount, the young people
looked at me doubtingly. (LOB G)
c. With friendly brows and laughter // He looked me in the
eyes (Housman, Shropshire Lad XLII, in OED sub look)
d. The moment I looked him in the face I smelled mischief.
(Doyle, Stark Munro Letters)
(6a) et (6b) sont des emplois classiques de look, construit avec un
objet indirect en at. Par contre, en (6c) et (6d) look apparaît dans une
construction transitive directe qui n'est généralement pas discutée.5 Il
apparaît donc que le verbe look entre dans l'alternance conative. Or,
il s'avère que la construction directe n'est possible que lorsque l'objet
direct réfère à un humain et est suivi de in the eyes ou in the face.
Cette contrainte sur l'alternance conative dans la complémentation de
look nous permet de mettre à jour de façon précise la métaphore
conceptuelle sous-jacente aux constructions de ce verbe (au sens de
Lakoff et Johnson 1980). Look dans sa complémentation habituelle
conceptualise le regard comme une enti en mouvement, dirigée
vers une cible, mais qui ne l'atteint pas, ou en tout cas pas
pleinement. La cible n'est pas un vrai patient, il n'y a pas
véritablement contact. Par contre lorsque le regard croise le regard
d'un autre, on parle en anglais de visual contact (comme en français
de contact visuel). C'est précisément cela qui est à l'œuvre dans les
changement majeur de signification, les férents des objets directs tendent à
être interprétés comme plus affectés que ceux des objets indirects
correspondants.
5 On trouve également cette construction avec stare, mais à notre
connaissance elle n'est pas attestée avec les autres verbes de la série (4).
PDF created with FinePrint pdfFactory trial version http://www.fineprint.com
1 / 22 100%

La complémentation directe et indirecte des verbes de perception en anglais - Philip Miller

Telechargé par Yacoub Ghérissi
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !