peintre devient alors une profession, au sens que la bourgeoisie attache à ce mot.
L'artiste quitte les "guenilles du bohème" pour se couvrir de gloire, drapé de sa dignité.
Mais si la voie est "royale" le chemin est difficile, la route est longue et périlleuse, seuls
quelques élus, échappés au troupeau toujours plus important des aspirants au titre de
peintre,parviennent à se hisser au zénith, et deviennent les piliers de ce temple -
l'Académie - réceptacle de la grande tradition.
L'incapacité d'opérer une décentralisation satisfaisante amène les provinciaux à
affluer vers des structures d'accueil parisiennes, déjà saturées. Comme le nombre
d'étudiants ne cesse de croître, espérant comme Rastignac conquérir Paris, les Ateliers et
l'Ecole officielle sont engorgés, le gavage de ses oies blanches est donc plus difficile.
L'endoctrinement moins avisé, l'enseignement de l'école devient donc plus précaire, il
prête le flanc à la critique. Tous se ruent sur la bête blessée, on l'accuse d'étouffer la
créativité, de dispenser une formation superficielle, enfin son rôle est contesté. Cette
atmosphère hostile au colosse aux pieds d'argile, favorise l'éclosion d'écoles parallèles
non officielles. On voit apparaître de nouveaux centres de formation, comme les
académies "libres" - l'Académie Suisse et l'académie Julian - et de nouveaux lieux
d'exposition qui sont autant d'éléments favorables à la manifestation de nouvelles
esthétiques. En effet, l'esthétique académique inculquée, à la majorité des étudiants,
devient de plus en plus superficielle, et surtout, comme cette manifestation n'est plus la
seule prodiguée, on voit naître chez les artistes, à moitié formé, mais aussi chez les
meilleurs étudiants, des hardiesses novatrices. La voie aux innovations formelles, tant
pour des raisons liées à l'idéologie du système académique, qu'à cause de la
modification de la composition du public potentiel, est désormais ouverte. Ces
changements ne sont pas vus d'un bon œil par les institutions. Ces jeunes artistes sont
exclus du cursus habituel, au moment du Salon en particulier. Cette marginalisation
favorisera la constitution d'esthétique de groupe, en d'autres termes, le débat théorique.
Le principal événement annuel, du monde de la peinture française, au XIX° siècle est
le Salon de Paris. Son but est double, d'une part principal instrument de l'académie, il
passe en revue, récompense et contrôle les peintres en quête de reconnaissance officielle,
d'autre part, il se veut un vaste spectacle gratuit organisé, pour le public français et les
élites venues de l'étranger. Compromis entre le lieu d'exposition pour les professionnels,
le spectacle institué par un Etat bienveillant et le magasin, son statut est mal défini, ce
qui explique les modifications perpétuelles de ses règles. Il est inapte à trouver des
débouchés pour ces artistes toujours plus nombreux, dont la "machine"académique est
incapable d'assurer la carrière; mais, même si cette institution est insatisfaisante, si le
peintre ne peut en vivre, il ne peut pas s'en passer non plus dans le système existant. Cet
état de fait ne peut demeurer indéfiniment. En 1863 - période cruciale où l'Académie
commence à perdre de son influence- c'est le coup de glas. Le Salon des Refusés amène
des changements importants dans les règles formelles du système officiel. Même si des
artistes s'étaient déjà opposés au Salon, comme le fit Courbet en 1865, en défiant
ouvertement la doctrine et les usages académiques avec son "Pavillon du Réalisme",
exemple qui ne fut pas oublié, les adversaires les plus virulents sont les
Impressionnistes. Comme leur illustre prédécesseur, leur réaction ressemble fort à
l'attitude du héros de La Fontaine "Le renard et les raisins". Ils se comportent comme un
groupe uni contre l'adversité - les institutions officielles -. Refusés aux Salons, ils sont
contraints de se considérer eux-mêmes comme des rebelles. Ces artistes sont des