See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/322055583 La Meseta marocaine Article · December 2017 CITATIONS READS 0 1,409 1 author: Ouanaimi Hassan Ecole Normarle Supérieure. Cadi Ayyad University. Marrakech. Morocco 89 PUBLICATIONS 559 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Ouanaimi Hassan on 25 December 2017. The user has requested enhancement of the downloaded file. 0 Géologues 194 26/09/2017 12:02 Page 19 géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents La Meseta, un terrain vagabond ou la marge fragmentée de l’Anti-Atlas ? Christian Hoepffner 1 , Hassan Ouanaimi 2 et André Michard 3 . Par « Meseta » ou « domaine mésétien », les géologues du Maroc désignent les terrains paléozoïques sévèrement déformés et granitisés avant le Trias (voir Michard et al., ce volume, Figs. 2 et 6). Ils affleurent dans la Meseta marocaine (Massif central, Bloc côtier Rehamna, Jebilet), dans le Moyen Atlas (Tazekka, Jerada) et plus à l’est (boutonnières de Midelt et du Rekkame, dans la Meseta orientale), et enfin dans le Haut Atlas (massif ancien du Haut Atlas occidental, Mougueur et Tamlelt dans le Haut Atlas oriental). C’est typiquement un segment de la chaîne hercynienne ou varisque. En cela, le domaine mésétien contraste avec celui de l’Anti-Atlas, dont la série paléozoïque est faiblement déformée. Le domaine mésétien ou, en bref, « la Meseta » est venue s’écraser contre l’Anti-Atlas, au cours du Carbonifère supérieur, lors de l’orogenèse varisque. Depuis, tout est resté à peu près en l’état. Certes, il y a eu une tentative de rifting au Trias-Lias, avortée au Jurassique moyen, puis recollage des morceaux au Crétacé supérieur-Tertiaire, d’où est sorti le Haut Atlas,mais les déplacements relatifs n’ont pas excédé quelques dizaines de kilomètres le long de la Faille sud-atlasique (FSA). En revanche, quid des positions réciproques de la Meseta et de l’Anti-Atlas pendant le Paléozoïque ? Les avis, quand ils s’expriment, divergent sur ce point de manière bien peu satisfaisante ! De nombreux spécialistes de la chaîne hercynienne limitent leur étude à la partie européenne de celle-ci, en ne dépassant pas vers le sud le Portugal et l’Espagne. Ces auteurs ne discutent pas de la Meseta. Cependant, dans les figures qui proposent leur vision des temps paléozoïques, l’Afrique du NW peut inclure la Meseta dans sa position actuelle, simplement séparée de l’Anti-Atlas par la FSA (Linnemann et al., 2008, 2014 ; Kroner et al., 2016), ou bien être tronquée au ras du Craton Ouest-Africain (« West African Craton », WAC), comme si la Meseta devait constituer un des nombreux fragments cadomiens ou avaloniens détachés du Gondwana, à l’instar d’Iberia (Nance et al., 2012 ; Franke et al., 2017). En revanche, Von Raumer et Stampfli (2008) discutent précisément du problème. Pour eux, la Meseta se sépare de l’Anti-Atlas au cours du Paléozoïque inférieur et moyen et finit par se trouver à environ 1 000 km de distance vers le SW (coordonnées actuelles), au Dévonien moyen-supérieur, de l’autre côté d’un bras océanique paléotéthysien. En cela, ils s’opposent à la position la plus anciennement adoptée par les « géologues marocains », qui favorisent une proximité constante des deux domaines et envisagent la Meseta anté-varisque comme une sorte de marge étirée, fragmentée, de l’Anti-Atlas (Hollard et Schaer, 1973 ; Michard, 1976 ; Piqué et Michard, 1989 ; Hoepffner et al., 2005, 2006 ; Michard et al., 2008, 2010). Pour les équipes ibéro-marocaines qui ont analysé en détail les relations entre les segments ibériques et Figure 1. Les domaines varisques de l’Anti-Atlas et du promontoire de l’Ouzellarh (logs A, A’), de la Meseta au sens strict (log B), du bloc des Sehoul (log C) et de la zone de transition dite Zone Sud-Meseta (logs D, E). Les chiffres cerclés 1 à 5 renvoient aux périodes géodynamiques décrites dans le texte. Carte simplifiée d’après Michard et al., 2010. 1. Professeur honoraire à la Faculté des Sciences de l’Université Mohamed V, Rabat, Maroc. Courriel : [email protected] 2. Professeur à l’École Normale Supérieure, LGE, Université Caddi Ayyad, Marrakech. Courriel : [email protected] 3. Professeur émérite, Université Paris-Sud, Faculté des Sciences d’Orsay, France. Courriel : [email protected] Géologues n°194 19 0 Géologues 194 26/09/2017 12:02 Page 20 géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents marocains de la chaîne varisque (Simancas et al., 2005, 2009), la Meseta est restée africaine de bout en bout au Paléozoïque, à l’exception du bloc des Sehoul au nord de Rabat (Fig. 1). Notre ambition est ici de donner quelques arguments, les uns classiques, d’autres récents, pour guider le lecteur entre ces thèses contradictoires. en Meseta. Elles permettent de mieux retracer l’évolution géodynamique à la marge nord du WAC, entre le rifting du supercontinent Rodinia et la collision pangéenne. Ce que l’on reconstitue, c’est en somme l’histoire d’un couple qui se sépare d’abord, pour mieux se retrouver ensuite. Nous pouvons y distinguer cinq périodes. Du nouveau pour le socle Le rifting cambrien Voici un argument récent, tiré de datations U-Pb sur zircon. On connaissait depuis longtemps la présence de rhyolites probablement néoprotérozoïques (semblables à celles de l’Ediacarien supérieur de l’Anti-Atlas) sous le Cambrien de la Meseta occidentale à El Jadida, dans les Rehamna et dans le Massif central (voir figure 1), mais cela ne disait rien sur le socle plus profond. La présence de granite d’âge 600 Ma a été reconnu dans la zone faillée Rabat-Tiflet (Tahiri et al., 2010), et tout dernièrement à Goaïda, au cœur de la Meseta centrale (Ouabid et al., 2017). Dans cette dernière localité, des granodiorites à 625±10 et des granites à 552±10 Ma ont également été datés. Un granite à 625 Ma est également connu à Wirgane, dans le massif ancien du Haut Atlas occidental (Eddif et al., 2007). Ainsi, tout le cortège des granites édiacariens de l’AntiAtlas est présent dans le socle mésétien. Il est enregistré par les deux domaines, suggérant qu’ils sont alors contigus, et marqué aussi bien par les dépôts que par le volcanisme associé. Celui-ci est précoce et généralement tholéiitique à l’ouest, plus tardif et alcalin à l’est (voir figure 1, logs A, A’, B). Le rifting progresse du Cambrien inférieur au Cambrien moyen-Furongien et de l’ouest vers l’est au nord du WAC. Mais attention, on n’a aucune preuve de l’existence de serpentinites exhumées par ce rifting entre les deux domaines ! Les galets de lherzolite cités par Pouclet et al. (2007) dans les calcaires cambriens de l’Ounein à l’ouest de l’Ouzellarh (voir figure 1, log A’) peuvent provenir de la suture panafricaine voisine. Un premier indice de la présence d’un socle éburnéen et d’éléments de la chaîne panafricaine du Cryogénien sous la Meseta, a été fourni par la présence de zircons datés à 700 Ma et 2 Ga dans des xénolithes remontés par les filons de lamprophyres permiens des Jebilet (Dostal et al., 2005). Plus frappant que ces données de « sondage naturel », des métarhyolites à l’affleurement sous le Cambrien des Rehamna centraux viennent d’être datées à 2 Ga (Pereira et al., 2015). C’est le premier affleurement de socle de type antiatlasique, et plus largement gondwanien, découvert en domaine mésétien. A noter qu’il surgit dans la Zone de Cisaillement de la Meseta Occidentale (ZCMO), cette cicatrice remarquable entre Bloc Côtier et Meseta centrale. Ainsi, il est encore trop tôt pour généraliser cette indication,si importante soit-elle,à tout le domaine mésétien. On ignore également si une couverture post-éburnéenne d’âge Paléoprotérozoïque supérieur (1,7 Ga) est présente ici comme dans l’Anti-Atlas (Soulaimani, ce vol.). De nouvelles données stratigraphiques 20 On a relevé depuis longtemps les parentés et les oppositions qui caractérisent la stratigraphie paléozoïque des domaines considérés (Hoepffner et al., 2005 ; Michard et al., 2008). Les données récemment obtenues (Fig. 1) concernent surtout la géochimie des roches magmatiques cambriennes et la présence d’une émersion ordovicienne Géologues n°194 La marge étirée de l’Ordovicien, proximale dans l’Anti-Atlas, distale en Meseta Une tectonique extensive en blocs basculés rend compte de la présence irrégulière du Furongien et de la discordance du Trémadocien dans les deux domaines (voir figure 1, logs A, B). On vient de montrer (Ouanaimi et al., 2016) la présence d’un système de fossés remplis de couches rouges d’âge Floien en domaine mésétien et sudmésétien (voir figure 1, logs A’, B, D-E). La Meseta marocaine est alors semblable à la Meseta ibérique et au Massif Armoricain ; les apports détritiques y arrivent plutôt de l’est (ceinture magmatique nord-gondwanienne de l’Ordovicien inférieur) tandis que ceux de l’Anti-Atlas viennent du sud (plateforme saharienne). Cependant, après le Floien, les mêmes dépôts silto-gréseux caractérisent les deux domaines : ils forment une seule et immense plateforme sableuse pendant quelque 25 Ma ! On ne les distingue qu’à l’Hirnantien, où des dépôts glacio-marins caractérisent la Meseta tandis que des moraines et des planchers glaciaires subaériens se développent dans l’Anti-Atlas. La bordure extrême de cette plateforme s’annonce seulement dans la zone RabatTiflet,entre Meseta ss.str. et Bloc des Sehoul,par la présence de coulées basaltiques sous-marines, datées de l’Ordovicien moyen (voir figure 1, log B). Eustatisme et équilibration thermique du Silurien au Lochkovien Le Silurien débute dans les deux domaines par une 0 Géologues 194 26/09/2017 12:02 Page 21 géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents transgression glacio-eustatique (« black shales » à Graptolites). Un bassin d’équilibration thermique peu subsident (lacunes fréquentes) va fonctionner ensuite jusqu’au Lochkovien, se comblant de silts et de shales, les carbonates apparaissant au Silurien supérieur. La Meseta se distingue de l’Anti-Atlas par la présence, à sa marge occidentale (Bloc côtier) d’un magmatisme basique (basaltes alcalins intraplaques) d’âge Silurien supérieur (log B). Cependant, un volcan sous-marin est aussi connu dans l’Anti-Atlas oriental au Lochkovien (log A), atténuant ainsi les différences entre les deux domaines. Les prémices de l’orogenèse varisque C’est probablement l’époque où les deux domaines se distinguent le mieux. Le domaine de l’Anti-Atlas au Dévonien inférieur et moyen est caractérisé par le passage graduel d’un bassin surtout détritique, à subsidence tectonique à l’ouest (bassin des Richs), à un bassin carbonaté et moins subsident à l’est (Anti-Atlas oriental),où il est bien connu par ses mud mounds. Au Dévonien supérieur, la tectonique extensive migre dans l’Anti-Atlas oriental où un système de blocs basculés multidirectionnels définit des rides surélevées et des bassins subsidents à sédimentation détritique et dépôts de pente (debris flows). Suite à ces mouvements de blocs,le Fammenien est discordant sur le Frasnien supérieur. En fait, l’Anti-Atlas partage en cela le sort de toute la bordure nord-gondwanienne de l’Afrique du Nord à l’Arabie (Frizon de Lamotte et al., 2013). La dislocation de la plateforme est plus importante dans la Meseta qui,elle,appartient au domaine orogénique varisque (Fig.2).En Meseta occidentale (Bloc côtier et ZCMO) et dans le Haut Atlas occidental, le Dévonien inférieurmoyen à faciès « Vieux grès rouges » (conglomérats, grès, pélites) est discordant jusque sur le Cambrien et l’Ordovicien (voir figure 1, log B, à gauche). Une plate-forme carbonatée lui succède, sur laquelle le Famennien est transgressif et discordant. Plus à l’Est en Meseta centrale et orientale et dans la zone Sud-mésétienne (voir figure 1, log A, à droite et logs D-E), des calcaires à cherts et des turbidites distales caractérisent au contraire un bassin profond à la même époque.Cette paléogéographie suggère un contexte tectonique extensif ou transtensif jusqu’au Dévonien moyen-supérieur. En revanche, une première phase de plissement se fait sentir dans l’est du domaine mésétien durant le Famennien-Tournaisien. Cette phase éovarisque est attestée par la discordance du Viséen moyen-supérieur sur les séries plissées de l’est du Massif central et de la Meseta orientale (voir figure 1, log B, à droite ; voir aussi Michard et al.,ce vol., fig. 6). On peut y voir l’effet, sur l’ancienne marge gondwanienne distale, de la subduction liée à la fermeture de l’océan Rhéique, fermeture qui débute alors (voir figure 2). La dislocation de la marge proximale (AntiAtlas) correspond alors à une extension dans le domaine avant-arc, attribuable à la convexion asthénosphérique. Dans le Bloc des Sehoul, la datation à 367 Ma du granite de Rabat (Tahiri et al.,2010),intrusif dans les schistes cambriens, montre que la structuration de ce bloc longtemps considérée comme calédonienne,est à rapporter en partie à cet évènement éovarisque. Le Bloc des Sehoul se rapprochera de la Meseta au début du Carbonifère le long de la Zone de faille Rabat-Tiflet (ZFRT, voir figure 1, log C) De la subduction à la collision varisque La déformation liée à la convergence LaurussiaGondwana va se développer suivant un rythme et des modalités très différentes entre les trois régions suivantes : l’Est de la Meseta, l’Ouest du même domaine et enfin le domaine de l’Anti-Atlas. Figure 2. Carte paléogéographique globale du Dévonien supérieur (Frizon de Lamotte et al., 2013, et références citées). La région entourée d’un tireté rouge au nord du Gondwana est affectée par la dislocation extensive dès le Dévonien moyen, tandis que plus au nord-ouest se développent les prémices de l’orogenèse varisque, à la marge de l’océan Rhéique qui se referme. NGC : Newfoundland-Gibraltar transfert zone. Dans l’Est de la Meseta, les plis « éovarisques » sont recouverts d’abord par des calcaires puis par des séries silicoclastiques. La sédimentation marine peu profonde devient lagunaire puis continentale au Westphalien supérieur. Un magmatisme calco-alcalin orogénique se développe du Viséen supérieur au Namurien avec des laves (andésites, rhyolites, ignimbrites) et des granites datés à 335-330 Ma. Il n’y a pas de plissement jusqu’au Westphalien supérieur-Stéphanien inférieur dans ce qui apparait comme un arc magmatique relativement rigide (Fig. 3). Enfin, intervient un plissement dit néo-varisque à grande longueur d’onde (bassin houiller de Jerada). À l’in- Géologues n°194 21 0 Géologues 194 26/09/2017 12:02 Page 22 géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents verse, dans l’Ouest de la Meseta, des bassins se creusent du Famennien au Serpukhovien, d’abord dans la zone des Nappes, au front de l’arc oriental, puis en Meseta centrale et occidentale.Les dépocentres sont limités par des couloirs de déformation de direction NE et ENE, soulignés par des dépôts chaotiques (debris flows, olistostromes) passant aux dépôts silicoclastiques de bassin. Un magmatisme gabbroïque est associé à ce contexte extensif/transtensif depuis le Famenno-Tournaisien jusqu’au Viséen supérieur (log B, à gauche). Il est de nature alcaline-transitionnelle et tholéiitique, traduisant un amincissement crustal qui n’atteint pas l’océanisation. On peut y voir un bassin avant-arc au-dessus de la subduction rhéique. Plissement, écaillage, mise en place de nappes en partie synsédimentaires se succèdent bientôt dans ce sous-domaine mésétien occidental, schistosité et métamorphisme se développant dans les unités profondes. Le métamorphisme atteint le faciès amphibolite à staurotide et disthène dans les Rehamna, où le pic de pression est daté > 300 Ma (âge 206Pb/238U sur monazite), tandis que le pic de température est daté vers 276 Ma (Wernert et al., 2016). C’est la phase varisque paroxysmale dans ces régions. Des granophyres se mettent en place dès 330 Ma dans les Jebilet, accompagnant les gabbros, mais les intrusions granitiques sont essentiellement datées entre 300 et 270 Ma : elles s’étalent longuement du Stéphanien à la fin du Permien inférieur (Autunien ; log B). C’est une époque de sédimentation continentale grossière, dans des bassins sur décrochements en régime transtensif dans un contexte post-collisionnel. Un volcanisme rhyolitique et andésitique calco-alcalin à alcalin accompagne l’accumulation détritique dans les bassins mésétiens, mais non dans le bassin d’Abadla, au sud de Béchar, prolongement du domaine anti-atlasique en Algérie. À noter que dans cette reconstitution, la suture rhéique est localisée à l’ouest de la Meseta occidentale, cachée sous les eaux de l’Atlantique. Elle n’est observable 22 que plus au nord, dans la chaîne varisque hispanoportugaise mais ceci est une autre histoire, du reste fort discutée (Pérez-Cáceres et al., 2017). Pas de nappe de charriage, de métamorphisme ni de granite varisque dans le domaine de l’Anti-Atlas. Les séries paléozoïques ne montrent qu’un plissement flexural accompagné de failles de décollement ou de décrochement, au-dessus d’un socle faillé (thick-skinned tectonics par inversion des paléofailles normales). La schistosité n’apparait que tout à l’ouest, dans le prolongement des Mauritanides (voir Michard et al., ce vol., Figs. 2 et 5). La déformation et l’émersion consécutive se développent entre le Namurien, à l’Ouest et le Permien inférieur, à l’Est (Sebti et al., 2009 ; Baidder et al., 2016). L’Anti-Atlas est une chaîne plissée d’avant-pays pour l’orogène mésétien comme pour les Mauritanides. Ainsi, les données nouvelles sur la stratigraphie paléozoïque comme les données (encore trop ponctuelles) sur les zircons du socle mésétien plaident, i) pour une continuité initiale, et ii) pour une contiguïté permanente au cours du Paléozoïque entre Meseta et Anti-Atlas. La Meseta est restée gondwanienne malgré les atteintes du rifting cambrien, qui n’a réussi l’ouverture de l’océan Rhéique qu’à l’ouest de la Meseta. Examinons encore deux types de données pour achever d’asseoir cette conclusion. Structure de la limite Meseta-Anti-Atlas Le fort contraste de structuration varisque entre Anti-Atlas et Meseta suppose un découplage entre les deux domaines pendant l’orogenèse. Il s’est réalisé par le fonctionnement d’une zone faillée, la Zone Sud-Meseta (ZSM), limitée au nord par la Faille Sud-Meseta (FSM) et au sud par un front mésétien montrant localement des chevauchements vers le sud (e.g.,Tineghir voir figure 1, log D). Le Haut Atlas est superposé à la zone faillée varisque depuis l’Atlas de Marrakech jusqu’au Tamlelt à l’Est, ce qui ne facilite pas l’étude de la déformation paléozoïque ! Large dans le Tamlelt, la ZSM s’étrangle peu à peu vers l’ouest. Dans le Massif ancien du Haut Atlas occidental, elle se résume à la célèbre Faille du Tizi n’Test (FTT) que soulignent des pincées de Trias rouge, liées à ses rejeux alpins. Les structures synmétamorphiques subméridiennes du domaine mésétien,intrudées par divers granites (Azegour, Tichka), s’interrompent abruptement et obliquement sur la FTT, suggérant un jeu décrochant dextre important, pendant l’orogenèse varisque. Figure 3. Une interprétation du contexte géodynamique de l’orogène mésétien au Carbonifère inférieur (coupe WNW-ESE en coordonnées actuelles), d’après Michard et al., 2010,modifié. Le bloc des Sehoul est figuré dans une position antérieure au jeu décrochant de la ZRFT (voir texte). Géologues n°194 En allant vers l’Est,la FSM éclate en plusieurs branches dans le promontoire 0 Géologues 194 26/09/2017 12:02 Page 23 géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents anti-atlasique de l’Ouzellarh, sorte de poinçon à armature précambrienne sur lequel le Viséen supérieur vient transgresser (voir figure 1 log A’). On aurait là une portion de la bordure sud du bassin carbonifère de la Meseta occidentale, inversée pendant la collision varisque. À l’Est du poinçon, les boutonnières d’Aït Tamlil et Skoura montrent assez bien le passage entre les domaines mésétien et anti-atlasique : les nappes mésétiennes d’Aït Tamlil se mettent en place dans le bassin carbonifère dont les dépôts reposent sur des séries antéviséennes autochtones discordantes sur le socle précambrien de l’Anti-Atlas (voir figure 1, log D). On aurait donc là, avant la collision varisque, le schéma simple d’un bassin d’avant-pays en contact avec sa marge sud. À Tineghir, la compression sub-méridienne donne des systèmes de plis E-O et des chevauchements vers le Sud impliquant les terrains anté-viséens et carbonifères. Plus à l’Est encore, dans le Tamlelt, n’affleurent que des terrains anté-viséens (voir figure 1, log E). La partie la plus au nord du Tamlelt se rattache au domaine de la Meseta orientale, tandis que le reste correspond à la bordure déformée de l’Anti-Atlas, affectée par des plis écaillés à vergence sud et des décrochements ductiles dextres E-O. De récentes investigations dans la boutonnière du Mougueur (Soulaimani et al.,2016) ont mis en évidence le même type de structures écaillées vers le sud et décrochantes dextres. Les embarras du paléomagnétisme Pour éclairer le problème de la mobilité possible de la Meseta, on a bien sûr songé au paléomagnétisme. L’étude de laves cambriennes et ordoviciennes avaient conduit Feinberg et al. (1990) à proposer l’existence d’un océan de plusieurs centaines de kilomètres entre AntiAtlas et Meseta, océan qui se serait résorbé durant le Dévonien. Ces résultats ont cependant été réfutés par des études plus récentes (Khattach et al., 1995). Des imprécisions sur l’âge des laves ont aussi conduit à des interprétations erronées, comme par exemple le modèle d’un espace océanique au Dévonien basé sur l’étude de roches basiques qui se sont révélées jurassiques (Salmon et al., 1987). Il faut enfin souligner l’importance de la réaimantation permienne qui complique, voire empêche l’interprétation des mesures faites sur les roches plus anciennes. Aucune étude paléomagnétique ne permet actuellement d’argumenter le modèle d’une Paléotéthys entre la Meseta et l’Anti-Atlas. Pour conclure Les avancées récentes des recherches en Meseta marocaine n’ont fait que renforcer l’argumentaire, déjà conséquent, en faveur de la continuité essentielle entre ce domaine et celui de l’Anti-Atlas : tous deux représentent la marge nord de la plateforme saharienne du Cambrien au Carbonifère inférieur, marge proximale dans l’AntiAtlas, marge distale en Meseta. Seul le Bloc des Sehoul, qu’on associe souvent au terrain Meguma de NouvelleEcosse, a pu appartenir à un terrain séparé de la Meseta s.s., par un couloir océanique (une ramification de l’Océan Rhéique) de l’Ordovicien au Dévonien moyen. 23 Géologues n°194 View publication stats