Telechargé par HenriPKY

10 questions qui montrent la complexité de la lutte contre le terrorisme

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10 vulnérabilités dans la lutte contre le terrorisme
1) Une jeunesse abandonnée, chair à canon pour les terroristes
Dans notre pays, la procréation responsable est une chimère. Tout le
monde fait des enfants sans se soucier de comment ils vont vivre :
adultes comme adolescents. Cette irresponsabilité généralisée est un
atavisme culturel et philosophique contre lequel toutes les forces
sociales devraient lutter. « Dieu pourvoira à la vie des enfants qu’il nous
a donné » dit-on Et quand, en désespoir de cause, on est incapable de
nourrir, de vêtir, (ne parlons pas de l’instruction), sa trop nombreuse
progéniture, on l’abandonne dans les rues pour qu’elle gagne sa vie
comme elle pourra, ou encore on la livre au marabout pour qu’il en fasse
un bon musulman, avec la satisfaction d’avoir été utile à la bonne parole
par le don d’un fils. Dieu seul sait le nombre de ces jeunes, délaissés de
tous, sans famille, sans emploi, sans instruction, sans éducation qui
finissent happés par les criminels pour le trafic de drogue, de
médicaments, et la contrebande. Ils constituent une proie facile pour les
terroristes. Ne sachant pas ce qu’ils vont faire de leur vie et quelle valeur
elle a, ils peuvent la monnayer pour quelques centaines de milliers de
francs CFA (la prime d’engagement aux côtés des groupes terroristes a
été de 65 000 à 300 000 Fcfa à certains moments), en s’engageant dans
une cause dont ils ignorent tout et en se battant pour un chef qu’il n’ont
jamais rencontré. Voilà le terreau sur lequel le terrorisme est venu
s’implanter et s’épanouir.
La responsabilité nous incombe tous : l’État, les communautés, les
familles. En abandonnant nos enfants, nos ennemis les ont récupérés,
armés, et retournés contre nous.
2) Les groupes d’autodéfense, facteur de nuisance à l’État et à la
cohésion nationale
Le phénomène Kolgwéogo s’est développé sous nos yeux et l’État n’a pu
empêcher que ce groupe d’autodéfense ne soit un facteur de nuisance
supplémentaire dans un contexte post insurrectionnel où l’incivisme
avait le vent en poupe et l’État était très affaibli par 27 ans de dictature
de Blaise Compaoré. Des responsables comme Simon Compaoré l’actuel
patron du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès), en tant que
ministre d’État, ministre de la Sécurité nationale, peut méditer
aujourd’hui sur son action ou inaction sur ce problème. Ce sont les
communautés, qui, les premières, se sont levées contre les exactions de
ces groupes à Ténado et dans l’ouest où, pour des raisons culturelles
entre autres, leur implantation a été freinée. On ne crée que plus de
misères en affaiblissant l’État. On le voit aujourd’hui avec les drames de
Yirgou et les conflits communautaires qui ont surgi dans le pays. C’est de
bonne guerre pour les terroristes d’exacerber tous les différents qui
peuvent nuire à la cohésion nationale.
3) L’État affaibli, absent et défaillant
Les Africains ont longtemps adulé les pouvoirs absolus, confondant
immobilisme avec stabilité. Les partisans de la stabilité du pouvoir ne
faisaient aucune référence aux libertés des citoyens et à la prospérité de
la population. Après avoir consolidé son pouvoir et écarté toutes
velléités d’opposition, le président Blaise Compaoré était devenu sourd
aux cris de misères de la population. Des pans entiers du territoire était
en déshérence, sans aucun contact avec l’État : pas de routes, pas
d’écoles, pas de poste de santé : rien. C’était la « zone » où tous les
contrebandiers, les criminels et les trafiquants d’armes, de drogue, de
cigarettes, et de médicaments imposaient leurs lois. En prônant et
appliquant le concept de l’homme fort au détriment d’institutions
fortes, on met en avant le modèle de gouvernance mafieuse où c’est le
chef de bande, qui fait la loi selon ses humeurs et ses désirs et toute la
bande obéit. Ce qui crée les conditions pour que la corruption prospère
et devienne systémique et endémique. Ne se préoccupant que de son
patrimoine et de la préservation de son pouvoir les frontières deviennent
poreuses et non gardées, les bandes de bandits s’épanouissent et le
pouvoir les tolère et les considère comme moins dangereuses que les
partis d’opposition.
4) La sécurité du pays, c’est la sécurité du régime
Les questions de sécurité nationale ont été politisées à l’extrême, chaque
régime pensant à sa survie et non à l’intérêt du pays. Certains présentent
le Général Gilbert Diendéré comme un grand stratège du renseignement
et réclament sa libération parce qu’il aurait la solution contre le
terrorisme. C’est une erreur de penser qu’un système de renseignement
qui repose uniquement sur des hommes et leurs réseaux plutôt que sur
des institutions soit une solution au problème actuel. Le fameux système
de renseignement du Régiment de sécurité présidentielle(RSP) ne servait
pas le pays, mais le régime, c’est pourquoi ils se sont engagés dans un
putsch réactionnaire qui visait à restaurer l’ancien ordre. La transition
non plus n’a pas instauré un système de sécurité républicain, le pouvoir
MPP suspectant les militaires putschistes de velléités de retour au
pouvoir n’a pas voulu d’eux après sa victoire électorale Et en cela il ne
s’est pas trompé puisque l’ancien président Yacouba Isaac Zida est
pressenti comme le candidat du MPS (Mouvement patriotique pour le
salut du peuple) aux présidentielles de 2020.
Le chantier de reconstruction de notre système sécuritaire est entier. Si
le pouvoir MPP confond la sécurité du pays à celle de son pouvoir, on
sera pour de longues années encore à chercher à marcher. Avec la Covid19, le pays a appris que la sécurité d’un pays est une vaste question qui
peut concerner autant la santé que l’informatique… Bref la question
sécuritaire d’un pays pose aussi celle de son indépendance.
5) Financement européen des groupes terroristes
Les pays européens ont financé les terroristes qui causent la misère
dans le Sahel en payant des dizaines de millions d’euros de rançon. On
peut citer parmi ces pays l’Allemagne, l’Autriche, le Canada, la France,
l’Italie, les Pays Bas. En acceptant le principe du trafic d’êtres humains,
d’otages contre rançon, ils ont favorisé l’ancrage et l’expansion des
groupes terroristes au Sahel. Selon l’Observatoire sahélo-saharien de
géopolitique et de stratégie (OSGS), basé à Bamako, les États
occidentaux ont payé entre 2011 et 2014, près de 150 millions de dollars
aux mouvements terroristes du Sahel pour dénouer 38 cas
d’enlèvements d’otages.
Depuis 2003, AQMI a kidnappé tout seul des douzaines d’étrangers et on
pense qu’il a reçu des rançons dans la plupart des cas. Selon Lacher, un
montant estimé à 40-65 millions de dollars (soit 20 milliards à 32, 5
milliards de FCFA) a été payé en rançon aux groupes terroristes et leurs
appendices depuis 2008, au Sahel. Lesage Andrew a indiqué que pour un
seul captif occidental, la rançon peut s’élever à 6,5 millions de dollars, si
on multiplie cette rançon unitaire par les 38 otages libérés contre rançon
selon l’Observatoire malien, on obtient la somme de 123,5 milliards de
FCFA que les groupes terroristes ont reçue, soit près de 6,31% des
recettes propres de notre pays (le budget de l'État burkinabè gestion
2019. se chiffre en recettes à 1954,5 milliards de F CFA). Cet argent a été
d’un grand secours à la logistique des groupes terroristes qui ont acheté
des véhicules pickup et des téléphones satellitaires à des sociétés de ces
mêmes pays.
Ayant été l’une des causes du problème, les pays européens peuvent-ils
être la solution comme le pensent les dirigeants du G5 Sahel? Est-ce
raisonnable de croire que ce sont ces mêmes États occidentaux qui vont
financer la force du G5-Sahel? On est sidéré de voir que nos chefs d’État
ont la naïveté de croire que les partenaires financiers comme ils les
appellent vont nous sauver du terrorisme sans que nous nous battions
nous-mêmes.
Certains de ces groupes terroristes prétendent lutter contre la présence
occidentale au Sahel et justifient leurs attaques par la présence des
troupes françaises sur le sol des pays sahéliens. Les pays occidentaux
sont donc une partie du problème, peuvent-ils être aussi la solution?
6) Le Burkina Faso, producteur d’insécurité
Le Burkina Faso, depuis la prise du pouvoir par le CNR en 1984, a été un
facteur anxiogène en Afrique de l’Ouest. L’arrivée au pouvoir de jeunes
officiers qui créent des Comité de défense de la révolution et distribuent
des armes aux civils, menacent d’exporter leur «révolution», était mal
vue par les autres régimes de la région. Le pays va en plus commencer à
partir de 1984 une politique de soutien aux opposants de plusieurs
régimes qui allaient et venaient à Ouagadougou. Cette politique intrusive
dans les affaires des autres États s’intensifiera durant la longue dictature
de Blaise Compaoré qui l’affinera et l’approfondira par l’envoi de troupes
pour des bénéfices lucratifs au Liberia, en Sierra Léone, en Côte d’Ivoire.
Notre pays a, durant cette période produit l’insécurité en dehors de nos
frontières par le soutien et l’intelligence avec les rebelles de ces pays et
même des groupes terroristes. La politique de médiation de Blaise
Compaoré avec les rebelles maliens et les groupes terroristes est la
poursuite de cette politique par d’autres moyens. Selon International
Crisis Group « La diplomatie Compaoré permettait de contenir de
nombreux groupes armés hors du territoire burkinabè en faisant preuve
de bienveillance à l’égard de certains d’entre eux.»
Si le président Blaise Compaoré était accepté par les groupes terroristes,
c’est qu’il y avait un minimum de confiance que ceux-ci avaient en lui.
Jusqu’où la médiation s’arrêtait et quand la compromission débutait ? Là
est la question. Une médiation en principe est désintéressée, (elle ne
recherche que la paix et la concorde entre les parties en conflit). Mais
elle a des coûts, ce qui est indéniable. Quand une des parties au conflit
prend en charge ces coûts et non le médiateur, celui-ci ne peut plus être
et n’est plus impartial.
L’ancien ministre ivoirien Blé Goudé, cité par Lassané Yaméogo dans
« Les médias, un allié du terrorisme » a depuis La Haye dit que non
seulement le médiateur était stipendié par les groupes terroristes mais
que sa part dans le trafic des otages était substantielle. Il cite les propos
de Mohammed Abu Mustapha, un de ses voisins de cellule (de Blé
Goudé), homme à tout faire de Mokhtar Belmokhtar de Al Mourabitoune
qui lui aurait dit : « Blaise Compaoré était notre maître, notre
démarcheur. Il gagnait, nous aussi nous gagnions. Il avait l’exclusivité de
négocier avec les Occidentaux chaque fois que nous prenions en otage un
de leurs ressortissants. Le deal avec lui était que nous acceptions que les
fonds exigés soient réceptionnés par lui. Nous avions aussi convenus de
ne pas faire de prise d’otages au Burkina Faso ¨… Dès que nous prenons
un otage, on avertit tout de suite Blaise et il se charge d’informer les
autorités du pays dont est originaire l’otage. Quand nous exigions par
exemple 1 000 000 d’euros pour la libération d’un otage, Blaise dira aux
autorités concernées que nous demandons 3 000 000 d’euros comme
rançon. Une fois l’argent disponible, les autorités burkinabè nous
facilitaient le transport pour retourner à notre base au nord Mali. On
répartissait la rançon en deux parties. Un tiers nous revenait et Blaise
gardait les deux tiers restants. »
Nous payons aujourd’hui le mal que nous avons fait hier. Ils ont pactisé
avec le diable et lui ont offert le gite et le couvert. Celui-ci s’est installé à
demeure et veut aujourd’hui nous retirer le pays. Quand on vend son
âme au diable en se disant qu’on n’en voit pas l’utilité, c’est sa vie qu’on
perd.
7) G5-Sahel mais 3 pays concernés
Selon certaines sources, ce serait un regroupement né à l’initiative de la
Mauritanie. Si cela est vrai, la Mauritanie a réussi son coup, car il a réussi
à résoudre son problème et à refiler la patate terroriste aux trois pays du
Liptako Gourma que sont le Mali, le Burkina et le Niger. Si l’on dit cela,
c’est qu’à l’origine la plupart des membres des groupes terroristes au
Sahel étaient algériens ou mauritaniens.
En Mauritanie, la première attaque terroriste a eu lieu le 4 juin 2005 et a
fait 17 morts et 20 blessés. S’en est suivie une autre attaque sous la
transition politique en 2007, avec quatre touristes français qui ont perdu
la vie. Par la suite, on a assisté à des assassinats de militaires et à des
enlèvements. Cela, jusqu’en septembre 2011. C’est à cette date que les
attaques terroristes ont pris fin en Mauritanie jusqu’à ce jour.
La Mauritanie ne fait pas partie des pays ennemis cités par le dernier
regroupement des groupes terroristes Jamat Nusrat al Islam wal
Muslimin dirigé par Iyag Ag Ali. Pour tout dire la Mauritanie n’est pas
considérée comme ennemie, par ce groupe terroriste, mais aussi le Mali
et l’Algérie. On peut nous reprocher de faire le jeu des terroristes qui
cherchent à diviser, mais nous ne faisons que rapporter ce qu’ils ont dit
des alliés du G5.
Dans le G5, les pays concernés actuellement par les attaques des groupes
terroristes sont le Mali, le Burkina et le Niger.
L’association du Tchad qui est un pays sahélien et lutte certes contre
Boko Haram allonge le front et ne permet pas de concentrer les efforts
sur les trois frontières du Mali du Burkina et du Niger qui sont le foyer
principal. Si on veut lutter contre tous les groupes terroristes dans cette
partie de l’Afrique il faut en faire une affaire de la CEDEAO (Communauté
économique des États de l’Afrique de l’Ouest). Et dans ce cas, le Tchad
serait associé à cause de Boko Haram. Le Tchad est d’ailleurs plus proche
de l’Afrique de l’ouest que de l’Afrique centrale auquel il est associé pour
des raisons historiques, coloniales. Il faut sécuriser nos frontières et nos
pays mais si entre voisins il n’y a pas la paix des cœurs, on cherche à
envoyer le malin chez l’autre, la paix ne sera pas pour bientôt. Dans
certains milieux on se demande comment Malam Dicko qui a été arrêté
au nord Mali par les forces françaises et remis aux autorités maliennes a
pu quitter la prison et rentrer au Burkina prendre le maquis et mettre le
Soum à feu et à sang? Le Mali a-t-il voulu faire payer au Burkina le soutien
du régime Compaoré aux groupes terroristes maliens?
8) Les frontières
La souveraineté d’un pays se manifeste par le contrôle qu’il exerce sur
ses frontières. Les tenir inviolées est la preuve de son intégrité physique
et morale. Les frontières sont à un pays ce qu’est la vertu d’une jeune
femme. La porosité des frontières des pays sahéliens est exceptionnelle.
Notre État n’a pas toutes ses frontières bornées et ne peut pas battre sa
poitrine pour dire qu’il les contrôle. La frontière avec le Mali est la plus
longue et c’est du Mali que nous viennent les groupes terroristes. Il faut
revoir le système de contrôle des frontières sous l’éclairage des
nouvelles
technologies comme l’utilisation des drones et une
coopération accrue entre les différentes forces de défense et de sécurité,
en associant les corps comme ceux de la douane et des eaux et forêts.
9) Les forêts
Pour Thomas Edward Lawrence :« La rébellion doit avoir une base
inattaquable, un lieu à l’abri non seulement d’une attaque, mais de la
crainte d’une attaque ».
Il a parfaitement raison. Une petite observation de l’implantation des
groupes terroristes dans notre pays montre qu’ils ont appliqué ce
précepte. Dans un pays comme le Burkina Faso, l’abri le plus sûr est une
forêt. Les premières cellules terroristes ont tenté de s’implanter dans la
forêt de Samorogouan vers octobre 2015, d’où ils lançaient des attaques
contre les postes de gendarmerie. Le groupe terroriste Ansarul Islam de
Malam Dicko avait pour refuge la forêt de Foulsare au Soum. La région
de l’Est est aujourd’hui la plus boisée du pays c’est là que se retrouvent
les parcs et réserves de faune du pays. C’est pourquoi, elle a très vite
intéressé les groupes terroristes pour sa capacité à être un refuge et pour
ses richesses économiques. C’est pourquoi après Otapuanu les bandits
ont vite repris leur bivouac dans les forêts de l’est et chassent les
populations ainsi que le gibier sauvage. Il faut faire preuve de créativité
pour reconquérir ces espaces. Les nouvelles technologies, la coopération
entre les forces de l’État, tous les serviteurs de l’État et la population est
à mettre en œuvre Nos responsables aiment dire que nous ne sommes
pas confrontés à une guerre classique. Chiche faites preuve d’innovation
et arrêtez ce flot de sang qui coule dans notre pays
10) Les déplacés internes
Le temps de réponse du gouvernement face à un problème est très long.
Les populations qui ont été chassées de leur village vont faire une saison
des pluies sous les tentes. Ce sont des agriculteurs et des éleveurs pour
la plupart. Que feront-ils, de quoi vont-ils vivre, comment les enfants
seront scolarisés ? Une ville comme Kaya a eu sa population presque
multipliée par deux ; ce n’est pas en donnant du temps au temps que les
problèmes disparaissent. On l’a dit, les élites ne sont pas promptes à leur
venir en aide. Quand bien même elles le feraient, cela ne va pas durer.
Une solution de retour dans leurs villages ou dans certains villages en
sécurité ne peut-elle pas être envisagée avec les populations
concernées ? Les fameux volontaires pour la sécurité n’auraient-ils pas
dû être recrutés parmi ces populations d’abord. Des pays comme Israël
réussissent à sécuriser des colons dans des territoires qu’ils occupent,
entourés de groupes hostiles et offensifs. Pourquoi est-on incapable
d’organiser le retour de nos frères chez eux, en toute sécurité ?
KHP
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