l’existence d’un État stable, structuré, et maintenu debout par une Constitution. À l’époque de
l’Ordre ancien, les gouvernants sont la plupart du temps mis à leur fonction par une volonté
extérieure au corps politique (droit divin) ; alors que plus tard, les monarques vont conserver,
au moins jusqu’à la fin du 18e siècle, la faculté d'interpréter les lois. On assiste à la mise en
place d’un État qui ne tient plus debout par le fait d’une volonté extérieure, mais en raison de
la constitution d’un contrat. L’État moderne est indissociable d’une certaine laïcisation du
pouvoir. Les fondements mêmes de l’État ont bougé durant cet intervalle. Cette justification
n’est pas du tout la même entre la période d’Aristote et la période de Locke.
Depuis la fin du 17e siècle, nous sommes entrés dans une période nouvelle, celle de la
justification de la relation entre gouvernant et gouvernés. Le pouvoir politique n’est plus
justifié par un ordre divin, un ordre cosmique : désormais on repère un lien circulaire et fermé
entre les gouvernés et les gouvernants, lien marqué par l’avènement de l’État moderne. À
partir d’une certaine époque moderne, l’État devient l’institution d’un pouvoir.
Constitutionnalisme moderne et individualisme politique
Il faut limiter le pouvoir pour faire tenir le taux social. Pas de distinction entre gouvernants et
gouvernés, tous font partie d’un même corps, la notion de « corps politique » est une notion
extrêmement forte. La conscience individuelle n’est pas de même contour au Moyen Âge qu’à
la période moderne. Une société moderne se distingue par le fait que les relations
gouvernants-gouvernés ont changé. Les articulations sont fictionnelles, on invente un rapport
pour se faire croire que la volonté des gouvernants n’est rien d’autre que celle exprimée par
les gouvernés. Il y a un changement de posture du sujet dans le monde, montée de
l’individualisme. À la même période, les scientifiques décomposent les corps complexes en
corps primaires, on découvre l’atome. Hobbes applique une méthode scientifique à
l’explication de la société politique. Les théoriciens du Contrat social explosent la société
politique pour retrouver les éléments naturels qui la composent.
Le discours de Benjamin Constant (1919) sur la liberté des anciens et des modernes nous
explique que ce qui caractérise les sociétés anciennes est le fait que l’individu ne s’appartient
qu’incomplètement. Il est déterminé par le groupe (exemple : Grèce antique : liberté de
participer à la fonction publique, mais d’un point de vue social, moins libre de choisir un
conjoint, holisme). La philosophie du Contrat social est au cœur de cette question (Hobbes vs.
Locke). C’est l’individu qui légitime l’existence de l’État politique.
Le Constitutionnalisme moderne et ses limites
Ce qui caractérise le Constitutionnalisme moderne, c’est qu’il est lié au phénomène d’écriture
constitutionnelle. À partir du moment où le pouvoir ne se justifie plus qu’à partir des
individus, il va falloir établir des garanties de ces nouvelles donnes, par la mise en place de
contraintes ; on repense la relation au pouvoir, avec la séparation des pouvoirs. Mais il a
longtemps manqué à ces textes les verrous objectifs qui font que les parties ne sont pas des
juges. Les mécanismes précis d’obstruction absolue au pouvoir sont rarement mentionnés
dans les textes et le fait est que ce sont les parties qui les interprètent de façon ultime. Il
appartiendra donc au Constitutionnaliste contemporain de combler les lacunes du
Constitutionnalisme ancien.
Le Constitutionnalisme moderne correspond à l’époque moderne en histoire mais la dépasse
légèrement. Les périodes historiques ne sont pas les mêmes selon les États. Cette époque se
caractérise par la prise de conscience des limites d’un ancien temps et l’émergence sur la
scène politique de l’individu en tant que citoyen. On pensait autrefois que quelques règles