Université Abdelmalek Essaâdi Ecole Nationale de Commerce et de Gestion National School of Management TANGER DCESS : Finance Audit et Contrôle de gestion Thème de la présentation: L’ECOLE DE LA DECISION Année Année Universitaire Universitaire 2009-2010 2009-2010 Table des matières Introduction générale..........................................................3 1ére partie : Généralités sur l’école de la décision..............4 I. LES CONCEPTS DE BASE........................................................4 1. 2. 3. 4. 5. II. Définition de la décision..............................................................4 Les typologies de décision...........................................................5 Le processus.................................................................................7 Le processus de décision..............................................................8 La rationalité................................................................................8 CONTEXTE HISTORIQUE ET ORIGINE DE L’ÉCOLE DE LA DÉCISION.....................................................................................................8 2émé partie : Les auteurs de la décision...........................10 I. L’ORIGINE : CHESTER BERNARD (1886­1961, USA)..............10 1. Biographie...................................................................................10 2. L’apport.......................................................................................10 II. HERBERT ALEXANDER SIMON ...........................................11 1. Biographie...................................................................................11 2. L’apport.......................................................................................14 III. R. M. CYERT ET J. G. MARCH ............................................25 1. Biographie...................................................................................26 2. L’apport ......................................................................................26 Conclusion.........................................................................35 2 2010 ECOLE DE LA DECISION 2010 ECOLE DE LA DECISION Introduction générale L’organisation est composée d’un ensemble d’acteurs qui ont des missions et des tâches différentes. Ces personnes sont souvent confrontées à des problèmes pour lesquels il faut trouver une solution. Tous ceux qui ont des responsabilités de direction sont la plupart du temps occupés à prendre quotidiennement un grand nombre de décisions diverses. Ceci nous fait penser que la prise de décision est l’acte le plus important dans la conduite des organisations. Mais cet acte n’est pas facile, il nécessite des études et des analyses pour aboutir à des résultats pertinents et efficaces. Donc on peut voir une organisation comme un lieu où se prennent des décisions. Par ailleurs, le décideur ne doit pas compter seulement sur son expérience, il a besoin d’un certain nombre de connaissances théoriques. En effet, la théorie des organisations nous fournit un corpus important sur la prise de décision. Dans ce sens, nous allons présenter, d’une manière sommaire, ce corpus de la façon suivante : Dans une première partie nous mettons l’accent sur le contexte historique de l’école de la décision ainsi que sur certains concepts de base, et dans la seconde partie nous étudions l’apport des théoriciens fondateurs de l’école. 3 2010 ECOLE DE LA DECISION 1ére partie : Généralités sur l’école de la décision I. LES CONCEPTS DE BASE Avant d’entamer l’étude de la décision d’un point de vue organisationnel, il convient tout d’abord, d’énoncer certains concepts de base, à savoir : La décision ; Les typologies de décision ; Le processus ; Le processus de décision ; La rationalité. 1. Définition de la décision : Selon le Dictionnaire Larousse : La décision est « l’acte par lequel quelqu’un décide ou se décide ». Ainsi le verbe décider est : « Avoir la responsabilité du choix » ; « Prendre une résolution » ; « Choisir comme objectif quelque chose » ; « Se prononcer sur quelque chose ». D’après Wikipédia : La décision est conçue comme : « le fait d'effectuer un choix lors de la confrontation à un problème afin de le résoudre ». 4 Selon le dictionnaire encyclopédique : Décider est déterminer ce qu’on doit faire, se prononcer sur et trancher d’une manière définitive, prendre un parti, une résolution. Décision : c’est la qualité de quelqu’un qui n’hésite pas et qui prend nettement parti, qui ne change pas de résolution. En analysant les différentes définitions présentées ci-dessus, on constate que celles-ci convergent, plus ou moins, vers un certains nombre de concepts à savoir : action, qualité, partition, opinion, choix, résolution, objectifs, etc. Ces éléments nous permettent d’avoir une vision d’ensemble sur la décision en pouvant dire que C’est l’acte par lequel un ou des décideurs opèrent un choix entre plusieurs options permettant une solution satisfaisante à un problème donné. 2. Les typologies de décision On distingue des nombreuses décisions qui s’appliquent à des problèmes différents, elles comportent à la fois des éléments quantifiables et des facteurs qualitatifs. Ces dernières peuvent être réparties selon plusieurs classifications de décisions qui dépendent du critère retenu. a. Classification selon l’incertitude ou le risque Avant de prendre une décision, il convient d’en évaluer le risque au niveau de ses conséquences. Les résultats dépendent souvent d’évènements survenants dans l’environnement. Selon cette optique, on distingue 3 types de décisions : Décision certaine : Les résultats sont connus à l’avance, et le risque est nul. Le responsable peut considérer qu’il connaît avec une certitude suffisante « l’état de la nature » dans lequel il doit prendre une décision. Autrement dit, il considère l’avenir comme certain et estime qu’à une décision donnée correspond un seul 5 2010 ECOLE DE LA DECISION résultat connu sans ambiguïté. , l’entreprise maîtrise toutes les variables qui interviennent. Décision aléatoire : L’entreprise arrive à connaître les différentes éventualités et à associer une probabilité à chacune, donc le risque est mesuré par des probabilités. Décision incertaine : L’entreprise n’arrive pas à maîtriser ou à probabiliser toutes les variables, le risque ne peut être mesuré. b. Classification selon l’objet Par rapport à l’objet sur lequel porte la décision, on retrouve souvent une classification fonctionnelle : Décision de production ; Décision d’approvisionnement ; Décision technique ; Décision commerciale ; Décision financière. c. Classification selon l’importance du problème traité : C’est une classification des décisions selon le niveau du problème à traiter et a été introduite par Igor ANSOFF en 1960, ce classement est devenu célèbre en distinguant trois trois niveaux hiérarchiques de décisions qui doivent être prises dans une entreprise: les décisions opérationnelles, les décisions administratives (tactiques) et les décisions stratégiques. On parle également du modèle pyramidal car elles sont classées sous la forme d’une pyramide. 6 2010 ECOLE DE LA DECISION 2010 ECOLE DE LA DECISION Les décisions stratégiques concernent les décisions à long terme puisqu’elles conditionnent la manière dont l’Entreprise va se positionner sur un marché de manière à retirer le maximum de profit des ressources qu’elle mobilise. il s’agit de définir la manière dont l’entreprise va s’insérer dans son environnement. Les décisions administratives ou tactique doivent alors permettre de définir comment les ressources de l’Entreprise doivent être utilisées pour parvenir à réaliser les objectifs définis dans le cadre des décisions stratégiques. Il s’agit alors d’organiser la collecte et l’affectation des ressources matérielles, humaines, financières et technologiques au sein de l’Entreprise. (Ex. : décision d’organiser des formations pour les salariés, de réorganiser une usine…). Les décisions opérationnelles sont à très court terme, s’appliquent dans le cadre de la gestion courante de l’Entreprise et concernent l’utilisation optimale des ressources allouée dans le cadre du processus productif de l’Entreprise (gestion des stocks, gestion de la production…). d. Classifications selon les intervenants On peut distinguer également les décisions individuelles des décisions collectives. Pour les premières, une personne effectue le choix. Quant aux secondes, plusieurs individus participent à l’opération. 3. Le processus Selon Tabatoni : « un processus est un système d’activité séquentielles, le système lui-même est un ensemble d’éléments interdépendants dotés d’une structure ». 7 4. Le processus de décision Par juxtaposition des deux définitions précédentes : Le processus de décision semble être l’ensemble des étapes interdépendantes aboutissant à l’élaboration d’un choix d’une solution à un problème. 5. La rationalité En sciences humaines et sociales et en économie : « La rationalité caractérise une conduite cohérente, voire optimale par rapport aux buts de l’individu. II. CONTEXTE HISTORIQUE ET ORIGINE DE L’ÉCOLE DE LA DÉCISION La théorie de la décision, qui consiste à l’étude formelle de la prise de décision et des choix optimaux en répondant à des problèmes organisationnels, est née durant la seconde guerre mondiale, de l’intérêt de certains chercheurs en mathématiques et en statistiques pour la stratégie militaire, notamment les études menées par l’armé britannique dans le cadre de l’installation des systèmes radars et les efforts de décodage du code secret des communications allemandes. en 1940 : la recherche opérationnelle (RO) apparaît en Angleterre et puis aux USA à des fins de recherches militaires : il s’agissait pour le royaume uni d’utiliser au mieux ses moyens militaires, à l’époque, insuffisants (avions, forces antiaériennes (D.C. A.), moyens maritimes. L'idée fondamentale était de mettre autant de soin dans l'emploi des moyens qu'on en avait mis pour les concevoir et les construire. On peut estimer que Babagge fut l'initiateur de cette science appliquée , il était un brillant 8 2010 ECOLE DE LA DECISION 2010 ECOLE DE LA DECISION étudiant à l'université de Cambridge ,savant universel, professeur de mathématiques à Cambridge L’indéniable succès de la RO à organiser les activités militaires des alliés accréditera l’idée que la prise de décision est un phénomène qui peut être étudié de façon scientifique, et donc Après la guerre, la recherche opérationnelle s'introduit dans le monde des affaires, l'objectif étant d'organiser, produire, stocker et vendre de façon optimale. Entre la fin des années 40 et le début des années 50 plusieurs contributions vont voir le jour pour : la programmation linéaire : fondée et développée par dantzig, un mathématicien Américain qui a apporté les outils nécessaires de résolution de problème. la théorie des jeux créée par Von Neumann elle s'applique aux problèmes économiques ou militaires dans le but de prendre une décision eu à l’égard de multiples paramètres (d'optimiser une production, un bénéfice, face à une concurrence; de s'opposer (militairement) efficacement à un adversaire; de maîtriser, dans la mesure du possible, les phénomènes naturels (météorologie, séismes, ...). la théorie de la décision ; Les premiers pas de cette école sont dus aux travaux de Chester BARNARD en 1938 dans son livre « The Functions of the Executive », Ainsi, les propositions que cet auteur avait esquissées à partir de son expérience de praticien vont être, sept ans plus tard, traduites sous une forme 9 2010 ECOLE DE LA DECISION scientifique par H. A. SIMON dans son livre publié en 1945 et intitulé : « Administrative Behavior » (Comportement Administratif). Ce qui a marqué le début du développement d’une véritable « théorie administrative de la décision ». Toutefois, c’est avec l’introduction du nouveau paradigme de la rationalité (concept de rationalité limitée) par SIMON qu’on commence à parler vraiment d’une « école de prise de décision ». Et finalement, J. G. MARCH et R. M. CYERT vont joindre SIMON dans cette école en adoptant le même concept. 2émé partie : Les auteurs de la décision I. L’ORIGINE : CHESTER BERNARD (1886-1961, USA) 1. Biographie : Il poursuit ses études à l’université de Harvard, Il entre au service de la compagnie de téléphone Bell en 1909 pour assumer la présidence de l'entreprise à l'âge de 41 ans. Il quitte l'entreprise en 1948 pour assumer la présidence de la Fondation Rockefeller jusqu'en 1952. Sa bibliographie comprend 37 articles et un livre,The Functions of the Exécutive, publié en 1938 par l'université Harvard. C'est ce livre qui réunira une grande part de ses idées sur la gestion. 2. Apport : Barnard étudie le rapport entre l’organisation formelle et l’organisation informelle. Il suggère en effet que les eux sont forcément juxtaposés suite à la complexité de la dimension humaine dans toute organisation. 10 En outre, il conçoit l’organisation 2010 ECOLE DE LA DECISION comme étant une « coordination d’actions coopératives », donnant ainsi une nouvelle vision à la variable humaine dans l’organisation. De ce fait, les idées avancées par l’auteur se résument comme suit : La nécessité de la dimension informelle à tous les niveaux et particulièrement à celui de la direction, cœur de la communication organisationnelle ; La communication, tissu connectif de l’organisation, détermine les modes de coordination des actions, permet de partager les fins communes. Elle est douée d’autorité ; L’autorité définit l’influence d’un sujet sur les décisions d’un autre, et ne coïncide donc pas avec la hiérarchie. En somme, le rôle du dirigeant devient le contrôle délibéré, conscient et spécialisé des considérations dont l’examen donne lieu aux divers choix des membres de l’organisation. Ainsi, le dirigeant doit créer le réseau de communication nécessaire et choisir les objectifs de l’organisation. Cette pensée laisse apparaître d’une façon implicite la notion de décision du libre arbitre en fonction d’intérêts individuels ou entrepreneuriaux II. HERBERT ALEXANDER SIMON 1. Biographie : Herbert Simon est né en 1916 dans le Wisconsin. Son père ingénieur dans le domaine de l'électricité avait fait des études à Darmastad en Allemagne avant d'émigrer en 1903 aux États-Unis. Simon fut très jeune introduit à l'idée que le comportement humain pouvait être étudié scientifiquement, par le plus jeune frère de sa mère, Harold Merkel, qui étudiait l'économie à l'Université du Wisconsin à Madison. Il entra en 1933 à l'Université de Chicago où il étudia les sciences sociales et les mathématiques notamment sous 11 2010 ECOLE DE LA DECISION l'égide d'Henry Schultz un économètre spécialiste de l'économie mathématique. Ces études le conduisirent à s'intéresser au domaine de la prise de décision dans les organisations qui devint le sujet de sa thèse en science politique qu'il soutint en 1943 à l'Université de Chicago. A Chicago, il a étudié la science politique sous la direction d'Harold Lasswell et de Charles Edward Merriam et comme eux, il a subi l'influence de Graham Wallas, un professeur de la London School of Economics qui dés 1908, avait souligné l'importance de la psychologie et des institutions dans le domaine politique et économique. Parmi ceux qui l'influencèrent, Simon cite également l'économiste Richard T. Ely, Norman Angell, l'auteur du livre The Great Illusion et Progress and Poverty d'Henry George. De 1939 à 1942, Simon fut directeur d'un groupe de recherche à l'université de Californie (Berkeley), puis il enseigna la science politique à l'Illinois Institute of Technology Il fut de 1943 à 1949, professeur de science politique dans une université de l’Illinois. Le livre qu’il publia en 1947 « Administrative behavior » eut un grand succès aux Etats-Unis. Il devint professeur à l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh en 1949, d’abord d’administration jusqu’en 1961, puis d’administration et de psychologie jusqu’en 1965, enfin de psychologie et de Computer Science. H. A. SIMON, outre des activités de conseil auprès de nombreuses organisations, a été notamment président du Conseil des Etats-Unis pour la Recherche en Science Sociale (1961-1965) et président du département « Behavioral Science » du Conseil pour la Recherche Nationale (N.R.C.) (1968-1970). En 1978, le milieu des économistes avait été surpris à l’annonce de l’obtention de H. A. SIMON du Prix Nobel d’Economie, car « il avait relativement peu publié ». En fait, jusqu’à l’année 1970, il a écrit plus de 300 papiers de recherche, articles et livres portant sur des domaines très variés. Ainsi, à côté des parties de son œuvre reconnues par les économistes, une multitude d’autres travaux lui avaient déjà valu le Prix de l’Association Américaine de Psychologie (1969), le Prix de 12 l’Association Américaine d’Informatique (1970) et le Prix de l’Association Américaine de Science Politique (1971). Ses publications touchent, nous l’avons dit, des domaines très variés, on peut citer à titre d’exemple : La science politique et l’administration publique : Public administration (1950), Mesure et observation du pouvoir politique (1953), etc. Les organisations et certaines problèmes de management : Analyse des promotions du personnel (1951), La rémunération des cadres (1957), Le concept de but dans une organisation (1964), etc. Les mathématiques: Théorie des servo-mécanismes appliqué à l’étude du contrôle de production (1956) etc. La logique : Logic theory machine (1956), Heuristic problem solving (1958), etc. Les ordinateurs : Un programme qui simule la pensée humaine (1961), Ordinateurs en psychologie (1963), etc. La psychologie et la science du comportement : Inter-réaction dans les groupes sociaux (1952), Un modèle de comportement de choix rationnel (1955), etc. L’économie générale et d’entreprise : Cadre pour une théorie de la firme (1954), Nouveaux développements dans la théorie de la firme (1962), etc. Toutefois, ses ouvrages les plus marquants et qui résument relativement son œuvre restent les suivants : « Administrative behavior » (1947), « Organizations » (1958), « The new science of management decision » (1961), « The science of the artificial » (1969) et « Models of bounded rationality » (tomes 1 et 2 en 1982, tome 3 en 1997). Par ailleurs, parmi ses articles, on peut citer : “Theories of decision making in economic and behavioral science”, American Economic Review, 1949; “A behavioral model of rational choice”, Quarterly Journal of Economics, 1955; 13 2010 ECOLE DE LA DECISION “Rational choice and the structure of the environment”, Psychological Review, 1956; “The structure of ill-structured problems”, Artificial Intelligence, 1973; “From substantive to procedural rationality”, Cambridge University Press, 1976. A travers toutes ses publications, on peut relever la problématique fondamentale de H. A. SIMON qui est d’expliquer comment les décisions se prennent réellement dans les organisations. Il a essayé d’étudier toutes les implications (psychologiques, organisationnelles, logiques, …) de sa théorie de la décision. Ce qui nous amène à s’interroger sur le point de départ et la méthode qu’a choisi SIMON pour bâtir sa théorie. C’est ce qui fera l’objet du point qui suit. 2. Apport : Depuis ses premiers ouvrages sur la gestion des services municipaux en 1937 jusqu’à la publication du tome 3 de Models of Bounded Rationality [1997], le fil conducteur de l’oeuvre de Simon, consiste à s’interroger sur la manière dont les être humains prennent leurs décisions. Tout au long de sa carrière. Simon va décliner cette question principale autour de trois axes de réflexion. Le premier axe porte sur la question de la notion de rationalité limitée des agents telle que la conçoit Simon. Le deuxième axe, que l’on trouve dans les premiers travaux de Simon et qui continuera à faire l’objet de nombreuses publications, concerne le rôle de l’organisation dans la prise de décision. 14 2010 ECOLE DE LA DECISION 2010 ECOLE DE LA DECISION Le troisième axe dans lequel on trouve que H. Simon a décomposé le processus de décision en trois étapes essentiels intitulé IMC (Intelligence, Modélisation, Choix). Le quatrième axe porte sur le développement de typologie de décision par H.Simon en distinguant les décisions programmées et non programmées. La rationalité limitée D’abords on va s’attacher à exposer la notion de rationalité humaine des agents telle qu’elle a été conçue par SIMON, ensuite cette réflexion débouchera, notamment sur le concept de rationalité procédurale, concept qui permet de rendre compte de la manière dont les individus prennent leurs décisions. H.A.SIMON a exposé sa théorie de la décision pour la première fois et sous une forme presque achevée, en 1947, dans son livre « Administrative behavior » ; il l’a construite en appliquant la théorie psychologique du comportement à l’organisation et à l’économie. Il considère que si l’on veut analyser le vrai processus de prise de décision chez l’homme, il faut supporter à la fois que l’homme n’est ni trop rationnel ni trop affecté par l’environnement, c'est-à-dire que c’est la notion de rationalité limitée qui joue un rôle central dans la réflexion de Simon. Cette notion de rationalité limitée comporte deux aspects : D’une part elle signifie que les êtres humains sont rationnels puisqu’ils peuvent expliquer, la plupart du temps, les décisions qu’ils prennent 15 « Dans une définition large 2010 ECOLE DE LA DECISION de la rationalité, pratiquement tout comportement humain est rationnel. Les gens ont des raisons pour faire ce qu’ils font, et, si on les interroge, ils peuvent donner leur avis sur ce que se sont ces raisons » [Simon 1991b, p. 1]. D’autre part cette rationalité est limitée parce que les individus commettent des erreurs de jugement et n’atteignent pas toujours les buts qu’ils se sont fixés. « (…) Dire qu’il y a des raisons aux actions des gens signifie qu’il y a une connexion entre les actions et les buts (valeurs, fonction d’utilité) que les gens ont. Les actions augmentent la possibilité que quelques-uns de ces buts soient atteints. Toutefois, même dans ce que nous pouvons appeler un comportement rationnel, il peut y avoir de réels écarts entre l’action et la réalisation du but » [Simon 1991b, p. 1]. H.A.SIMON relève que la rationalité des décisions n’est pas du tout complète dans la réalité. Elle a des limites pratiques qui dépendent des hommes, des buts visés et des caractères de l’environnement. « Une décision dans la vie réelle comprend quelques buts ou valeurs, quelques faits en ce qui concerne l’environnement, et quelques inférences tirées des valeurs et des faits. Les buts et les valeurs peuvent être simples ou complexes, cohérents ou contradictoires ; les faits peuvent être réels ou supposés, basés sur des observations ou des rapports réalisés par d’autres ; les inférences peuvent être valides ou fausses » [Simon 1959, p. 273] Selon ce constat la question posée est qu’est­ce qui limite la rationalité individuelle ? Les individus prennent leurs décisions quelles qu’elles soient en fonction des buts qui peuvent être simples ou complexes, cohérents ou contradictoires ; des faits concernant l’environnement et qui peuvent être réels ou supposés, basés sur des observations ou des 16 2010 ECOLE DE LA DECISION rapports réalisés par d’autres ; et des inférences tirées des faits et qui peuvent être valides ou fausses. La rationalité limitée provient de l’incapacité des individus à traiter l’ensemble des informations en provenance de leur environnement. Cette limitation de la possibilité, pour les individus, de saisir leur environnement est liée à la manière dont ils se représentent le monde. En effet, la représentation subjective du monde d’un individu détermine le contenu d’une décision et la manière dont elle sera prise. Cette représentation subjective dégage deux conclusions : La représentation est tributaire du contexte dans lequel évolue l’agent individuel. La rationalité est située dans un espace social. L’émotion peut aussi orienter le choix d’un agent. En effet, ce peut être l’émotion qui attire l’attention d’un agent vers tel aspect de son environnement plutôt que vers un autre ; Il va y avoir des écarts entre l’action et la réalisation des buts. « Premièrement les acteurs peuvent avoir (et la plupart du temps auront) une information incomplète ou erronée sur la situation et les changements potentiels de la situation au cours du temps (…) Deuxièmement, même si l’information est complète, un acteur peut être incapable (et généralement sera incapable) de calculer toutes les conséquences de l’action (…) Troisièmement, les acteurs n’ont généralement pas qu’un seul but, et il peut y avoir des incompatibilités entre les buts, la réalisation de l’un d’entre eux interférant avec la réalisation des autres (…) Quatrièmement, un acteur peut ne pas parvenir à atteindre un but en raison de son ignorance des moyens d’action. » [Simon 1991b, p.2]. L’approche de la rationalité limitée empêche l’axiomatisation des comportements individuels. Pourtant, aux yeux de Simon, il est possible de faire une description scientifique de la manière dont les agents prennent leurs décisions, c’est-à-dire de rendre compte du « 17 2010 ECOLE DE LA DECISION comment » les agents agissent, ce qui mène au concept de rationalité procédurale. Le concept de rationalité procédurale Le concept de rationalité procédurale consiste à considérer que les procédures par lesquelles les individus parviennent à prendre des décisions sont rationnelles. Dès lors, ces décisions peuvent faire l’objet d’une analyse scientifique puisque leur caractère rationnel implique qu’elle relève d’un ordre que l’on peut exhiber [Simon 1976]. L’analyse de la rationalité à partir des procédures s’oppose explicitement à la rationalité telle qu’elle est définie par les tenants de l’économie néo-classique. En effet l’homo economicus est considéré comme capable d’effectuer tous les calculs nécessaires à la réalisation de choix optimaux. Sous cette hypothèse, l’analyse de la procédure de décision n’a pas d’utilité, la connaissance de l’environnement suffit pour savoir ce que sera le choix d’un agent. C’est ce que Simon appelle la rationalité substantive. Ainsi, l’intérêt de mettre à jour la rationalité de la procédure de la prise de décision n’a de sens que dans les situations où le choix des agents est difficile à réaliser. L’organisation comme moyen de rationnaliser la prise de décision L’administration est souvent présentée comme « l’art de faire faire les choses ». Dans une organisation administrative, l’accent est mis sur les processus et les méthodes qui assurent l’efficacité de l’action, en dépit du processus de prise de décision. Cette négligence vient peut être de l’idée que la prise de décision se limite à la formulation d’une politique globale. Or, au contraire, le processus de décision ne s’achève pas au moment où l’on a déterminé l’objectif général d’une organisation. 18 2010 ECOLE DE LA DECISION Simon dans son ouvrage « Administrative Behaviour » s’intéresse aux problèmes de choix préliminaire. Une théorie générale d’administration doit induire des principes d’organisation qui garantissent de bonnes décisions, au même titre qu’elle doit comporter des principes qui assurent une action efficace. Dans une organisation administrative, le personnel d’encadrement participe à la réalisation des objectifs de cette organisation, dans la mesure où il influence les décisions des exécutants ; c'est-à-dire les personnes situées au bas de la hiérarchie administrative. Si cette description du processus administratif est correcte, la construction d’une organisation administrative efficace n’est pas autre chose qu’un problème de psychologie sociale. il s’agit de mettre en place un personnel d’exécution et de lui superposer une équipe de cadres capables d’influencer ce personnel d’exécution afin qu’il agisse de façon efficace et coordonnée. Il faut donc s’intéresser de la manière dont les décisions et le comportement des employés sont influencés. Il faut observer, en outre, que le comportement de l’individu au sein d’une organisation administrative, est intentionnel, c'est-à-dire tourné vers des buts ou des objectifs généraux. Cette intentionnalité opère une intégration dans le modèle de comportement dans le sens que chaque décision implique le choix d’un but et d’un comportement approprié. Cet objectif peut à son tour devenir un élément intermédiaire conduisant à un but lointain ; et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’un objectif relativement final soit atteint. Par ailleurs, Simon introduit le concept de compromis. Et c’est à travers ce concept qu’il explique l’impossibilité de l’atteinte pleine des objectifs nécessitant un même comportement de la part de l’organisation. En effet, l’environnement limite inévitablement les alternatives disponibles et, par conséquent, fixe un seuil au-delà duquel l’objectif ne pourra être pleinement atteint. 19 2010 ECOLE DE LA DECISION La prise de décision dans le processus administratif L’activité administrative est une activité de groupes. Chacun de ces groupes se voit assigner des tâches particulières. Ces dernières obéissent à des processus administratifs qui sont des processus de décision : Ils consistent à isoler certains éléments dans les décisions des membres de l’organisation, et à instituer des procédures régulières pour choisir et déterminer ces éléments et les transmettre aux membres concernés. Ordinairement, les décisions que prend l’organisation pour l’individu : Précisent sa fonction, c'est-à-dire, sa compétence générale ; Confèrent l’autorité, en définissant les personnes aptes à prendre de nouvelles décisions ; Fixent des limites à sa liberté de choix pour coordonner des activités des divers collaborateurs de l’organisation. L’organisation administrative est caractérisée par la division des tâches (spécialisation horizontale selon les théories de l’époque). Simon porte plutôt son attention sur la spécialisation verticale, qui divise les responsabilités de décision entre le personnel d’exécution ou d’encadrement. Ainsi, il est possible d’établir une pyramide ou une hiérarchie d’autorité plus ou moins officielle et de spécialiser les membres de cette hiérarchie en leur assignant des fonctions de prise de décision spécifiques. Il voit que les raisons de cette spécialisation verticale sont les suivantes : Elle est indispensable avec la spécialisation horizontale pour réaliser la coordination ; Elle permet d’assurer la compétence en matière de prise de décision ; Elle permet aux exécutants d’être plus responsables dans leurs décisions. Ces trois éléments ont, l’un comme l’autre, leur utilité: La coordination : Le comportement du groupe exige que tous ses membres adoptent les mêmes décisions. La coordination revêt un double aspect : De fond et de forme. L’aspect de forme est modélisé par la 20 description relations générale entre les des 2010 ECOLE DE LA DECISION comportements membres de et des l’organisation délimitant de ce fait l’autorité de chaque collaborateur ainsi que son domaine de compétence. L’aspect de fond, quant à lui, précise la nature de cette tâche ; La compétence : Toute décision nécessitant une compétence particulière doit être confiée à des personnes qualifiées ; La responsabilité : Les orientations définies au sommet de la hiérarchie administrative limitent le champ d’action des subalternes en leur assignant des tâches techniques relevant de leur essor. Les modes d’influence dans les organisations L’organisation est confrontée au problème de la cohérence des actions de ses membres puisque que rien n’indique a priori qu’ils partagent les mêmes buts. « Ce ne sont pas les « organisations » qui prennent les décisions mais des êtres humains, qui se comportent en tant que membres d’organisations. Rien n’oblige, en bonne logique, le membre d’une organisation à prendre ses décisions uniquement en fonction de valeurs qui sont limitées du point de vue de l’organisation» « La construction d’une organisation administrative efficace n’est pas autre chose qu’un problème de psychologie sociale. Il s’agit de mettre en place un personnel d’exécution et de lui superposer une équipe de cadre capable d’influencer ce personnel d’exécution afin qu’il agisse de façon efficace et coordonnée. » L’influence dans les organisations administratives relève de deux catégories : Celle qui donne aux subalternes les attitudes et habitudes qui les conduisent à prendre une décision favorable à l’organisation en leur incluant un sentiment 21 de loyauté vis-à-vis de 2010 ECOLE DE LA DECISION l’organisation, un souci d’efficience et en le formant ; Celle qui impose des décisions prises par d’autres instances de l’organisation. Cette catégorie repose sur l’autorité et les services du conseil d’information. Loyauté : Le fait d’évaluer les diverses solutions possibles en fonction de leurs conséquences sur l’organisation, et primer les solutions favorables pour le groupe. Le critère d’efficience : Etre efficient signifie prendre le chemin le plus court, le moyen le moins coûteux pour atteindre l’objectif désiré. Dans l’organisation administrative, l’efficience est impérative pour régler les décisions des employés. La Formation : Elle peut donner à la réflexion de l’individu un cadre de référence et peut aussi lui apprendre les solutions approuvées pour prendre des décisions satisfaisantes sans qu’il ait besoin de demander des conseils ou de s’en remettre à son supérieur hiérarchique. L’autorité : Une des fonctions pertinentes de l’autorité est de faire exécuter une tâche par un individu sans lui laisser d’autres alternatives. C.I.Bernard: « on dit qu’un employé se soumet à l’autorité lorsqu’il accepte de plier sont comportement aux décisions d’un supérieur, sans examiner indépendamment les mérites de ces décisions » L’autorité ne peut être appliqué au delà d’un seuil appelé« seuil de consentement ». ; Conseils et informations : Les informations et renseignements circulent dans toutes les directions à travers l’organisation, donc il faut l’existence des lignes de communication pour la diffusion de l’information sous une forme convaincante. Beaucoup d’effets qui intéressent la décision ne sont vérifiables qu’au moment de la décision et souvent même par les seuls exécutants. 22 2010 ECOLE DE LA DECISION Le processus de décision rationnel : Le troisième axe de réflexion de Simon, concerne la décomposition du processus de décision. L’économiste H. Simon (prix Nobel d’économie en 1978) a démontré, à travers son modèle IMC, que toute décision est un processus complexe correspondant en général à trois étapes : Etape 1 : Intelligence, quel est le problème ? ; Etape 2 : Modélisation, quelle est la solution ? ; Etape 3 : Choix, quelle est la meilleure solution ? Intelligence Modélisation Choix La phase d’intelligence ou de renseignement : au cours de cette première phase de processus de décision, il convient d’identifier et diagnostiquer le problème qui se présente, de le 23 2010 ECOLE DE LA DECISION formuler, et d’explorer et reconnaitre les conditions dans lesquelles le problème se pose. Le décideur explore l’environnement (économique, technique, politique et social) pour identifier les situations appelant décision. Percevoir une telle situation ou problème revient à détecter, à travers les informations qui nous parviennent, un déséquilibre entre ce qui se passe, le réel et ce qui aurait dû se passer ; c'est-à-dire une image construite du réel. La phase de conception ou de modélisation : La seconde phase dite de conception des solutions n’est autre quel’ identification et l évaluation de toutes les solutions alternatives réalisables par l'entreprise en utilisant éventuellement des modèles de raisonnement. Il s’agit de la phase de conceptualisation, qui nécessite, d’une part, la recherche et la collecte de toutes les informations nécessaires pour appréhender et résoudre le problème et l’élaboration de toutes les solutions alternatives possibles et compatibles pour l'entreprise, d’autre part ,le décideur doit « inventer, développer, analyser diverses actions envisageables ». Le modèle décrit les interdépendances qui existent entre ces variables. L’utilisation de ce modèle permet d’expliciter le système des solutions possibles identifiées par l’analyse. Les solutions sont en fait des manœuvres que l’on peut pratiquer sur des variables contrôlables, dans des délais et avec des moyens identifiables. La phase de choix (ou sélection): La troisième phase dite de choix consiste à déterminer la solution préférable, c’est-à dire celle qui contribue le mieux à la réalisation des performances souhaitées et donc à la mise en œuvre des objectifs retenus qui lui permettent d’évaluer chaque solution dégagée par le modèle. Elle suppose que le décideur a précisé ses critères de choix, car le décideur peut privilégier un critère dominant, ou plusieurs critères distincts, les décisions sont les choix qui résultent de l’application de ces critères. 24 2010 ECOLE DE LA DECISION Le processus de décision de Simon tient donc dans un choix fait , la rationalité limitée individuelle, et l influence de l’organisation sur les conduites. Typologie de décision selon H.Simon Selon Simon (1960), chaque décision peut se situer sur une échelle allant de structurée (programmable) à complexe (non programmable). Une décision est dite structurée quand tous les tenants et aboutissants de cette décision peuvent être clairement définis à l’avance. Elle peut être programmée en utilisant un logiciel qui fournira une solution déterministe. Une décision est dite non structurée quand il est à peu près impossible de spécifier d’avance toutes les règles et facteurs intervenant dans cette décision. Donc Herbert distingue deux catégories de décision qui sont complémentaires : Les décisions programmées : Appelées également décisions bien structurées, elles sont répétitives. Pour ce genre de décisions, l’organisation applique le plus souvent une procédure normalisée. Selon la terminologie de Simon (1980 et 1983), il s’agit du genre de décision que l’on peut retrouver à tous les niveaux de l’organisation et qui consisterait à appliquer des procédures connues, répétitives et routinières. Par exemple, chaque matin, il faut prendre un certain nombre de décisions pour mettre en marche la production, ou répondre à la demande d’un client. Tant que les décisions impliquent des actes et des procédures habituelles, connus, prévus, il s’agit de décisions dites «programmée» : les éléments, les étapes et les intervenants sont établis et codifiés d’avance et sans risque de changements importants. On 25 2010 ECOLE DE LA DECISION peut facilement confier à un ordinateur ce genre de décision, puisqu’il s’agit de réponse prévues à des situations prévues et prévisibles. Les décisions non programmées : Appelées aussi non structurées, elles sont nouvelles. Pour ce genre de décisions, il n’y a pas de procédures préétablis, raison pour laquelle les dirigeants doivent agir de manière à opter pour le mode le plus approprié. Pour chacune de ces deux catégories, Hebert reconnaît des techniques de prise de décisions. Au contraire de la précédente, la décision non programmée implique l’imprévu, le non-codifié, l’inattendu, le nouveau, l’ad hoc. Un client qui demande un aménagement encore jamais réalisé du produit qu’il achète, un employé qui demande un type de congé ne figurant pas dans le règlement ou le taux de rebus qui dépasse soudain la limite admise sont autant de situations qui appellent autre chose que le simple jeu habituel et automatique des procédures établies. Plus susceptibles d’être nombreuses, sinon exclusives, dans le cadre du management traditionnel. III. R. M. CYERT ET J. G. MARCH En se basant sur le principe de la rationalité limitée, Richard Michael CYERT et James Gardner MARCH ont complété l’approche de SIMON. Ils ont développé en 1963 une théorie relative au management des organisations appelée « A behavioral Theory of the firm » (théorie comportementale de la firme), dans la quelle les deux auteurs postulent que la firme constitue une organisation mettant aux prises des groupes aux intérêts multiples appelées « coalitions d’individus », et dans laquelle les processus de prise de décision passent par des médiations entre les différentes sous organisations. Donc, dans une organisation, c'est-à-dire « la firme », il ne 26 s’agira plus de maximiser un objectif mais de rendre compatibles plusieurs objectifs. R. M. CYERT et J. G. MARCH se sont basés dans leur théorie sur le comportement des entreprises américaines, et plus précisément sur le processus d’élaboration des décisions dans les dites entreprises. Ils sont partis de deux idées de bases pour arriver à concrétiser leur théorie. Mais avant d’entamer la présentation et l’analyse de leur apport, il nous paraît intéressant de présenter brièvement une courte biographie des deux auteurs. 1. Biographie : Richard M. CYERT, 1912-1998 : Né en 1912, il obtint un doctorat d’économie à l’université de Columbia à New York en 1949,et en devint professeur d’économie et d’administration industrielle à l’université Carnegie-Mellon à Pittsburg. James March : Né en 1928 dans les Cleveland Ohio, il devient en 1953 chercheur senior, puis professeur en organisation industrielle et psychologie à l’institut de technologie de Carnegie jusqu’en 1964. Il est ensuite professeur de psychologie et de sociologie au département des sciences sociales à l’université de Californie, et enfin enseigne à l’université de Stanford en sciences de l’éducation, et depuis 1980 en science de management. De nombreuses participations dans des conseils nationaux sont à son actif ainsi que plusieurs expériences comme membre du comité de direction de différentes compagnies (Sun Hydraulics CorporationWally Industries) depuis les années 90 complètent sa connaissance de l’entreprise. 27 2010 ECOLE DE LA DECISION 2010 ECOLE DE LA DECISION Il est docteur Honoris Causa de plusieurs universités dont: la Copenhagen school of Economics, la Swedish school of Economics d’Helsinki, l’université du Wisconsin, et la Helsinki school of Economics. 2. L’apport de R. M. CYERT et J. G. MARCH CYERT et MARCH ont focalisé leur travail sur l’élaboration des décisions dans les entreprises des Etats-Unis en portant leur attention sur les entreprises privées, économiques, relativement grandes et concurrentielles en même temps. L’accent était mis sur les décisions qui se répètent parce que la répétition est un symptôme du comportement ; leur intention était de décrire et même prédire, la prise de décision plutôt que de porter un jugement ou de lui y chercher une amélioration. Dans ce processus d’élaboration de leur théorie, ils se sont basés sur deux idées essentielles : La première est l’insuffisance de la théorie microéconomique classique de l’entreprise. En effet, celle-ci voit la firme comme un entrepreneur qui n’a qu’un objectif de maximisation du profit, qui possède une connaissance parfaite des marchés et qui décide toujours rationnellement. Donc, pour CYERT et MARCH, cette théorie n’est pas une théorie de l’entreprise mais plutôt, « une théorie du marché cherchant à expliquer, à un niveau très général, la façon dont les ressources sont allouées au moyen d’un système de prix ». Elle n’explique pas comment pour une entreprise donnée sont allouées les ressources internes et comment sont fixé les objectifs et les buts. La deuxième est l’utilisation des apports des théories politique, psychologique et sociologique pour expliquer le comportement de l’entreprise , c'est-à-dire comment dans une 28 2010 ECOLE DE LA DECISION organisation qui a des motivations multiples autre que le profit, et qui a, en même temps, des employés limités en matière de capacités d’information et de jugement va procéder à l’élaboration d’une décision. Sur les deux idées de base, R. M. CYERT et J. G. MARCH ont présenté les deux conceptions classiques du modèle d’entreprise : la première est celle du modèle rationnel, la deuxième est celle du modèle politique. Le modèle rationnel de l’entreprise Selon CYERT et MARCH, le modèle rationnel est le modèle d’entreprise où les décisions de l’organisation sont celles des dirigeants, où chacun d’eux possède : 1- Une connaissance de toutes les alternatives ; 2- Une connaissance de toutes les conséquences de chaque alternative ; 3- Une connaissance de la valeur de chacune de ces conséquences ; 4- Une règle de décision lui permettant le choisir. Ce type de modèle a deux sources principales, la première c’est la théorie économique moderne, qui traite l’entreprise dans une économie de marché, où le chef d’entreprise représente le pivot de l’activité concernant l’organisation, la direction, et le recueil des informations et des résultats. La deuxième source du modèle rationnel est la théorie traditionnelle de la gestion qui attribue au directeur de l’entreprise deux caractéristiques très importantes, l’une est l’exercice de son autorité sur l’organisation qui se manifeste par la prise des décisions, et la recherche d’obtention des objectifs. L’autre caractéristique est la responsabilité du directeur au sein de l’entreprise qui consiste à « réaliser une combinaison technique d’homme, de matière, d’activité ou de toutes autres choses permettant d’atteindre les objectifs de l’organisation ». 29 Par ailleurs, CYERT et MARCH ont évoqué que, suite à des observations dans les entreprises américaines, ils ont découvert que le modèle rationnel, sous quelque forme que ce soit, convient mal pour la description du micro processus de prise de décision. Malgré cette affirmation, ils ont justifié par trois arguments la conservation du modèle rationnel à savoir : Même si les entreprises utilisent à divers moments une multitude de procédures pour élaborer leurs décisions, il n’y aurait, en fait, que les procédures qui s’approchent le plus près des procédures rationnelles qui perdurent. Les différentes firmes sont en moyenne rationnelles et toutes les firmes prennent à un moment donné des attitudes qui se distribuent de façon plus ou moins régulière autour d’une solution rationnelle. Le modèle rationnel est une première approximation raisonnable de quelques phénomènes de prise de décisio Le modèle politique de l’entreprise Selon CYERT et MARCH, l’entreprise apparaît comme une coalition qui possède une connaissance de toutes les alternatives et de toutes les conséquences de chaque alternative, mais au même temps cette coalition ignore la valeur exacte de chaque conséquence et ne possède pas de méthode pour établir une règle de décision. Donc, il existe une certaine procédure de compromis entre les divers intérêts à l’intérieur de la coalition dont le but n’est rien autre que d’arriver à une décision. Cette procédure peut être qualifiée de variante de puissance, parce que dans un modèle politique d’entreprise, chaque personne ou groupe inclus dans une coalition possède un certain pouvoir et que chaque membre contrôle la solution en fonction de sa part en matière de puissance. Pour CYERT et MARCH, le modèle rationnel et le modèle politique ont fait l’objet d’une critique, « c’est une double incapacité que ces 30 2010 ECOLE DE LA DECISION 2010 ECOLE DE LA DECISION modèles partagent (…) ils souffrent souvent des deux idées préconçues : (…) L’idée préconçue que les diverses alternatives sont toutes connues et que le problème consiste à faire un choix entre elles ; L’idée préconçue qu’une décision est prise par un directeur, puis exécutée par le reste de l’organisation comme s’il s’agissait de routine plutôt que d’autre chose ». Cette critique était le motif essentiel qui les a motivé à élaborer une nouvelle théorie appelée « théorie du comportement de la firme », à travers laquelle ils vont essayer, d’une part, de justifier les insuffisances des modèles rationnels et politiques et, d’autre part, de décrire le processus d’élaboration des décisions et de prédire le comportement de l’entreprise. 3. La théorie comportementale de la firme CYERT et MARCH commencent leur théorie en considérant la firme comme « un groupe de participants aux demandes disparates », parce qu’ils ont tous un intérêt au système et au même temps sont soumis à une considérable variété des contraintes internes et externes, et ils s’adaptent partiellement à l’incertitude de l’environnement. A partir de là, CYERT et MARCH analyse tout processus de décision en 3 composantes : les objectifs ou les buts, les attentes, et les choix de l’organisation. Les buts de la firme dépendent de tous les membres de l’organisation. Ils sont définis au cours de la négociation entre les coalitions de l’organisation sur les rétributions désirées. En plus, les buts de la firme ne sont pas totalement rationnels puisque sont souvent définis sous forme de contrainte, donc ils ne peuvent pas être décrits en termes de préférence d’une majorité. Ainsi, CYERT et MARCH ont résumé les variables qui déterminent la fixation des buts d’une organisation : d’une part, les variables qui concernent l’importance des buts comme la composition des coalitions, la 31 division du travail dans la prise de décision et la définition des problèmes de l’organisation, d’autre part, les variables qui concernent le niveau d’aspiration sur un but bien déterminé tel que le but et la performance passée de l’organisation et des autres similaires. Les attentes ou les aspirations de l’organisation sont une sélection des informations retenues pour prendre une décision. Les choix de l’organisation sont opérés à l’aide de procédures qui influencent considérablement la décision. Ces procédures cherchent le plus souvent à éviter l’incertitude, à maintenir les règles existantes et à utiliser des règles simples. Ces procédures sont toujours standards. En effet la théorie du comportement de l’entreprise repose sur l’idée qu’il y a quatre principes de base pour la prise de décision à savoir : Le quasi résolution des conflits ; La volonté d’éviter l’incertitude ; La recherche de la problématique ; L’éducation de l’organisation. 3.1. La quasi résolution des conflits Une organisation est une coalition dont les membres visent des buts différents. Ces buts sont une série de contraintes indépendantes, au niveau des aspirations imposées à l’organisation pour les membres de la coalition que constitue celle-ci. La diversité de ces contraintes peut provoquer une sorte de problèmes qui prennent la forme de conflits, leur résolution nécessite, selon CYERT et MARCH, le recours à la rationalité locale, à des règles qui situent la décision à un niveau acceptable et à une attention échelonnée aux buts. 32 Rationalité locale 2010 ECOLE DE LA DECISION 2010 ECOLE DE LA DECISION Chaque unité dans l’entreprise, ou la firme, doit s’efforcer de résoudre son problème pour et par elle-même à son niveau, à travers la délégation (de la décision) et la spécialisation dans les buts et les décisions. Cela permet à l’entreprise de passer d’une situation comportant de nombreux problèmes complexes et imbriqués, de nombreux buts conflictuels, à une série de problèmes simples et localisés. La vérification de l’efficacité d’une telle méthode dépend naturellement du degré de cohésion entre les décisions qu’engendre cette méthode, tout entre elles qu’avec le milieu externe et ses exigences, cette cohésion est facilitée par deux caractéristiques du processus de décision : les règles situant la décision à un niveau acceptable; l’attention échelonnée pour les buts. Les règles situant la décision à un niveau acceptable Ces règles peuvent être appelées aussi les règles d’acceptabilité de la décision. Ici, CYERT et MARCH affirment que pour que les décisions locales participent à l’optimisation des décisions globales, tout en répondant à de nombreuses demandes locales spécifiques, les règles établies au sein de l’entreprise ont tendance à satisfaire toutes les demandes. L’attention échelonnée pour les buts Ici, on parle du traitement séquentiel des problèmes d’habitude, « les organisations arrivent en partie à résoudre le conflit entre plusieurs buts en visant ces buts différents à différents moments », c'està-dire traiter les problèmes les uns après les autres sans chercher à les fusionner dans une solution plus globale. C’est ainsi que le décalage dans de temps entre les objectifs permet à l’organisation de résoudre un problème à la fois et de ne s’occuper que d’un but à la fois. 33 2010 ECOLE DE LA DECISION 3.2. La volonté d’éviter l’incertitude L’organisation vise et cherche toujours à éviter l’incertitude de deux façons : En mettant en place des procédures internes qui permettent de réagir rapidement aux « rétroactions » que renvoie l’environnement en réponse aux actions de l’organisation. Cela signifie que l’organisation privilégie la réaction à court terme, en réponse à des problèmes urgents, plutôt que l’anticipation à long terme. En négociant avec l’environnement des conditions stables de l’activité, l’entreprise dans ce cas, ne pense guère que l’environnement est exogène et prédictible, elle essaie surtout à la rendre contrôlable et pour cela elle recourt à une multitude de pratiques qui peuvent parfois être illégales. 3.3. La recherche de la problématique Dans une théorie d’entreprise fondée sur son comportement, il existe une étroite corrélation entre la théorie du choix et la théorie de la recherche, la recherche dans ce cas est suscitée par un problème pour en trouver la solution. Pour CYERT et MARCH, si la recherche se fait dans le cadre d’une organisation, elle aura 3 caractéristiques : La recherche est motivée : c'est-à-dire qu’il n’y a pas de recherche spontanée, planifiée ou systématique au contraire, la recherche à l’intérieur d’une firme est toujours orientée par l’existence d’un problème qui est reconnu quand l’organisation n’arrive pas à atteindre un ou plusieurs de ses buts ou quand un échec de ce genre peut être prévu dans l’avenir immédiat. Dans ce cas, la résolution du problème peut être effectuée soit via la découverte d’une alternative qui répond au but, soit même par une révision de ces buts. 34 2010 ECOLE DE LA DECISION La recherche suit une pensée simple : c'est-à-dire qu’elle reste proche des manifestations premières du problème – autrement dit, elle flotte aux alentours des symptômes du problème – sans autant rechercher les causes fondamentales, elle se contente d’envisager que les solutions habituelles, sans rechercher l’innovation. Manque d’objectivité dans la recherche : CYERT et MARCH ont fait distinction entre trois types de manque d’objectivité : celui qui reflète une formation spéciale ou une expérience acquise dans différents secteurs de l’organisation ; celui qui reflète l’interaction d’espoirs et de spéculations ; celui qui se traduit dans les communications et reflète un conflit resté sans solution au sein de l’organisation. L’organisation fait donc preuve d’une certaine paresse qui se traduit par des comportements non optimaux. Elle peut en général se le permettre, car elle dispose d’un volant de ressources excédentaires qui l’autorise à ne pas modifier sa conduite, alors même que les conditions environnementales fluctuent. Cet excédent, ou autrement dit surplus organisationnel « organizational slack » désigne le « fait qu'il y a souvent un excès de ressources disponibles par rapport aux besoins des acteurs ». Ce surplus « a un effet positif pour l'entreprise dans la mesure où cette réserve peut permettre de faire face à d'éventuelles difficultés imprévues ou bien, au contraire de saisir des opportunités qui peuvent se présenter dans l'environnement ». 35 2010 ECOLE DE LA DECISION III.4. L’éducation de l’organisation : L’apprentissage Selon CYERT et MARCH, les organisations s’instruisent par le même processus que celui des personnes physiques, mais elles font preuve d’un comportement qui s’adapte via un processus d’apprentissage qui porte sur 3 points : Les objectifs Ils sont modifiés par l’organisation en fonction des résultats obtenus par rapport aux objectifs précédents et en imitant d’autres organisations comparables. Les règles d’attention Elles sont adoptées parce que la firme apprend à changer les questions auxquelles elle doit prêter attention. La firme sélectionne des portions de l’environnement qu’elle surveille attentivement en fonction de quelques critères simples tels que les problèmes rencontrés, les événements qui amènent à modifier les zones surveillées et même les règles de surveillance. Les règles de recherche L’organisation tend à adopter comme règle de recherche les manières de faire qui ont conduit à des succès et à écarter celles qui ont échoué ; les règles évoluent ainsi par le jeu de l’échec des règles admises et le succès des nouvelles. Ainsi, les quatre concepts que ne venons de les présenter à savoir : la quasi résolution des conflits, la volonté d’éviter l’incertitude, la recherche de la problématique et d’éducation de l’organisation, sont fondamentaux pour comprendre le processus de prise de décision dans les organisations, et qui peuvent servir pour présenter la structure de base du 36 processus de prise de décision au sein d’une organisation selon CYERT et MARCH. 37 2010 ECOLE DE LA DECISION Conclusion Les différentes approches ne se sont pas intéressées à la décision en tant que telle mais se sont focalisées sur le processus qui aboutit à la prise de décision. Et c'est dans ce sens que Simon a parlé de la rationalité limitée qui vient remplacer la rationalité illimitée des théories économique classiques. Les travaux de Simon vont être appuyés plus tard, avec l'avènement de March et Cyert, qui ont donnée un caractère opératoire à ses idées. Ils avancent, en effet, que la prise de décision est le résultat des coalitions des groupes existants au sein de l'organisation. L'ensemble de ces travaux présentent les points communs suivant: ils se sont tous inspirés de l'apport de C. Barnard, considéré comme le père de l'Ecole de décision, et tous ces travaux se sont mis d'accord sur le fait que l'entreprise regroupe un ensemble de coalitions dont la plus dominante, en termes d'autorité, fait adhérer les autres à ses ambition. En outre, l'ensemble des acteurs ont avancé l'idée que l'organisation exerce une certaine influence sur les individus. 38 2010 ECOLE DE LA DECISION 2010 ECOLE DE LA DECISION Bibliographie ­ Saussois, Jean­Michel, Théories des organisations, Éditions La Découverte, 2007. ­ Chabaud, Didier, Glachant, Jean­Michel , Parthenay, Claude, Les grands auteurs en Economie des Organisations, EMS Editions, 2008. ­ Josien, Samuel, Landrieux­Kartochian, Organisation et Management l'entreprise,Gualino,2008 Sophie, de ­ J.C. SCHEID, Les grands auteurs en organisation, DUNOD, 1990. ­ Yves­Fréderic LIVIAN : Organisation : Théories et Pratiques, DUNOD, 2ème édition, 2001. 39