http://portaildoc.univ-lyon1.fr Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0) http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD -LYON 1 INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES FACULTE DE PHARMACIE 8, avenue Rockefeller – 69373 LYON Cedex 08 Année 2014 Thèse n° 31-2014 MEMOIRE DU DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE PHARMACIE HOSPITALIERE – PRATIQUE ET RECHERCHE soutenu devant le jury interrégional le 13 octobre 2014 Par Mlle Anne-Laure MOUTERDE Née le 15 mars 1987, A Tarbes (Hautes-Pyrénées) Conformément aux dispositions de l’arrêté du 4 octobre 1988 tient lieu de THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE ****** OPTIMISATION D’UNE DEMARCHE D’ANALYSE PHARMACEUTIQUE DES PRESCRIPTIONS CIBLEE SUR LES MEDICAMENTS A RISQUE ****** JURY Président: Madame Catherine RIOUFOL, MCU - PH Membres : Monsieur Pierrick BEDOUCH, MCU - PH Monsieur Hervé BONTEMPS, PH Madame Julie LE SCANFF, PH Madame Magali BOURDELIN, assistante spécialiste MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1 Président de l’Université Vice-Président du Conseil d’Administration M. François-Noël GILLY M. Hamda BEN HADID Vice-Président du Conseil Scientifique M. Germain GILLET Vice-Président du Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire M. Philippe LALLE Composantes de l’Université Claude Bernard Lyon 1 SANTE UFR de Médecine Lyon Est UFR de Médecine Lyon Sud Charles Mérieux Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Directeur : M. Jérôme ETIENNE Directeur : Mme Carole BURILLON Directrice : Mme Christine VINCIGUERRA UFR d'Odontologie Directeur : M. Denis BOURGEOIS Institut des Techniques de Réadaptation Directeur : M. Yves MATILLON Département de formation et centre de recherche en Biologie Humaine Directeur : Anne-Marie SCHOTT SCIENCES ET TECHNOLOGIES Faculté des Sciences et Technologies Directeur : M. Fabien DE MARCHI UFR de Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) Directeur : M. Yannick VANPOULLE Ecole Polytechnique Universitaire de Lyon (ex ISTIL) Directeur : M. Pascal FOURNIER I.U.T. LYON 1 Directeur : M. Christophe VITON Institut des Sciences Financières et d'Assurance (ISFA) Directeur : M. Nicolas LEBOISNE ESPE Directeur : M. Alain MOUGNIOTTE Mars 2014 2 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1 ISPB – Faculté de Pharmacie Lyon Directrice : Madame la Professeure Christine VINCIGUERRA Directeurs Adjoints : Madame S. BRIANCON, Monsieur P. LAWTON, Monsieur P. NEBOIS Madame S. SENTIS, Monsieur M. TOD Directrice Administrative : Madame P. GABRIELE LISTE DES DEPARTEMENTS PEDAGOGIQUES DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DES SCIENCES PHYSICO-CHIMIQUE ET PHARMACIE GALENIQUE • CHIMIE ANALYTIQUE, GENERALE, PHYSIQUE ET MINERALE Monsieur Raphael TERREUX (Pr-HDR) Monsieur Pierre TOULHOAT (Pr-PAST) Madame Julie-Anne CHEMELLE (MCU) Monsieur Lars-Petter JORDHEIM (MCU) Madame Christelle MACHON (AHU) • PHARMACIE GALENIQUE – COSMETIQUE Madame Stéphanie BRIANCON (Pr) Madame Françoise FALSON (Pr) Monsieur Hatem FESSI (Pr) Madame Joëlle BARDON (MCU-HDR) Madame Marie-Alexandrine BOLZINGER (MCU-HDR) Madame Sandrine BOURGEOIS (MCU) Madame Ghania HAMDI-DEGOBERT (MCU) Monsieur Plamen KIRILOV (MCU) Monsieur Fabrice Pirot (MCU-PH-HDR) Monsieur Patrice SEBERT (MCU-HDR) • BIOPHYSIQUE Monsieur Richard COHEN (PU-PH) Madame Laurence HEINRICH (MCU) Monsieur David KRYZA (MCU-PH) Madame Sophie Lancelot (MCU-PH) Monsieur Cyril PAILLER-MATTEI (MCU) DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE PHARMACEUTIQUE DE SANTE PUBLIQUE • DROIT DE LA SANTE Monsieur François LOCHER (PU-PH) Madame Valérie SIRANYAN (MCU-HDR) • ECONOMIE DE LA SANTE Madame Nora FERDJAOUI MOUMJID (MCU-HDR) Monsieur Hans-Martin SPÄTH (MCU) Madame Carole SIANI (MCU-HDR) • INFORMATION ET DOCUMENTATION Monsieur Pascal BADOR (MCU-HDR) • HYGIENE, NUTRITION, HYDROLOGIE ET ENVIRONNEMENT Madame Joëlle GOUDABLE (PU-PH) 3 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) • INGENIERIE APPLIQUEE A LA SANTE ET DISPOSITIFS MEDICAUX Monsieur Gilles AULAGNER (PU – PH) Monsieur Daniel HARTMANN (Pr) • QUALITOLOGIE – MANAGEMENT DE LA QUALITE Madame Alexandra CLAYER-MONTEMBAULT (MCU) Monsieur François COMET (MCU) Monsieur Vincent GROS (MCU PAST) Madame Pascale PREYNAT (MCU PAST) • MATHEMATIQUES – STATISTIQUES Madame Claire BARDEL-DANJEAN (MCU) Madame Marie-Aimée DRONNE (MCU) Madame Marie-Paule PAULTRE (MCU - HDR) DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE SCIENCES DU MEDICAMENT • • CHIMIE ORGANIQUE Monsieur Pascal NEBOIS (Pr) Madame Nadia W ALCHSHOFER (Pr) Monsieur Zouhair BOUAZIZ (MCU - HDR) Madame Christelle MARMINON (MCU) Madame Sylvie RADIX (MCU -HDR) Monsieur Luc ROCHEBLAVE (MCU - HDR) CHIMIE THERAPEUTIQUE Monsieur Roland BARRET (Pr) Monsieur Marc LEBORGNE (Pr) Monsieur Laurent ETTOUATI (MCU - HDR) Monsieur Thierry LOMBERGET (MCU - HDR) Madame Marie-Emmanuelle MILLION (MCU) • BOTANIQUE ET PHARMACOGNOSIE Madame Marie-Geneviève DIJOUX-FRANCA (Pr) Madame Isabelle KERZAON (MCU) Monsieur Serge MICHALET (MCU) • PHARMACIE CLINIQUE, PHARMACOCINETIQUE ET EVALUATION DU MEDICAMENT Madame Roselyne BOULIEU (PU – PH) Madame Magali BOLON-LARGER (MCU - PH) Madame Céline PRUNET-SPANO (MCU) Madame Catherine RIOUFOL (MCU - PH - HDR) DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DE PHARMACOLOGIE, PHYSIOLOGIE ET TOXICOLOGIE • TOXICOLOGIE Monsieur Jérôme GUITTON (PU – PH) Monsieur Bruno FOUILLET (MCU) Monsieur Sylvain GOUTELLE (MCU-PH) Madame Léa PAYEN (MCU -HDR) • PHYSIOLOGIE Monsieur Christian BARRES (Pr) Monsieur Daniel BENZONI (Pr) Madame Kiao Ling LIU (MCU) Monsieur Ming LO (MCU - HDR 4 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) • PHARMACOLOGIE Monsieur Bernard RENAUD (Pr) Monsieur Michel TOD (PU – PH) Monsieur Luc ZIMMER (PU – PH) Madame Bernadette ASTIER (MCU - HDR) Monsieur Roger BESANCON (MCU) Madame Evelyne CHANUT (MCU) Monsieur Nicola KUCZEWSKI (MCU) Monsieur Olivier CATALA (Pr PAST) Monsieur Pascal THOLLOT (MCU PAST) Madame Corinne FEUTRIER (MCU-PAST) DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DES SCIENCES BIOMEDICALES A • IMMUNOLOGIE Monsieur Jacques BIENVENU (PU – PH) Monsieur Guillaume MONNERET (PU-PH) Madame Cécile BALTER-VEYSSEYRE (MCU - HDR) Monsieur Sébastien VIEL (AHU) • HEMATOLOGIE ET CYTOLOGIE Madame Christine TROUILLOT-VINCIGUERRA (PU - PH) Madame Brigitte DURAND (MCU - PH) Monsieur Olivier ROUALDES (AHU) • MICROBIOLOGIE ET MYCOLOGIE FONDAMENTALE ET APPLIQUEE AUX BIOTECHNOLOGIE INDUSTRIELLES Monsieur Patrick BOIRON (Pr) Monsieur Jean FRENEY (PU – PH) Madame Florence MORFIN (PU – PH) Monsieur Didier BLAHA (MCU) Madame Anne DOLEANS JORDHEIM (MCU) Madame Emilie FROBERT (MCU - PH) Madame Véronica RODRIGUEZ-NAVA (MCU) Madame Ghislaine DESCOURS (AHU) • PARASITOLOGIE, MYCOLOGIE MEDICALE Monsieur Philippe LAWTON (Pr) Madame Nathalie ALLIOLI (MCU) Madame Samira AZZOUZ-MAACHE (MCU - HDR) DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DES SCIENCES BIOMEDICALES B • BIOCHIMIE – BIOLOGIE MOLECULAIRE - BIOTECHNOLOGIE Madame Pascale COHEN (Pr) Monsieur Alain PUISIEUX (PU - PH) Monsieur Karim CHIKH (MCU - PH) Madame Carole FERRARO-PEYRET (MCU - PH) Madame Caroline MOYRET-LALLE (MCU – HDR) Madame Angélique MULARONI (MCU) Madame Stéphanie SENTIS (MCU) Monsieur Olivier MEURETTE (MCU) Monsieur Benoit DUMONT (AHU) 5 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) • BIOLOGIE CELLULAIRE Madame Bénédicte COUPAT-GOUTALAND (MCU) Monsieur Michel PELANDAKIS (MCU - HDR) • INSTITUT DE PHARMACIE INDUSTRIELLE DE LYON Monsieur Philippe LAWTON (Pr - HDR) Madame Angélique MULARONI (MCU) Monsieur Patrice SEBERT (MCU – HDR) Madame Valérie VOIRON (MCU - PAST) • Assistants hospitalo-universitaires sur plusieurs départements pédagogiques Madame Emilie BLOND Madame Christelle MOUCHOUX Madame Florence RANCHON • Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche (ATER) ème Monsieur Eyad AL MOUAZEN 85 section ème Monsieur Boyan GRIGOROV 87 section ème Madame Mylène HONORAT 85 section ème Monsieur Abdalah LAOUINI 85 section ème Madame Marine CROZE 86 section Pr : Professeur PU-PH : Professeur des Universités, Praticien Hospitalier MCU : Maître de Conférences des Universités MCU-PH : Maître de Conférences des Universités, Praticien Hospitalier HDR : Habilitation à Diriger des Recherches AHU : Assistant Hospitalier Universitaire PAST : Personnel Associé Temps Partiel 6 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) SERMENT DE GALIEN : Je jure, en présence des maîtres de la faculté, des conseillers de l’ordre des pharmaciens et de mes condisciples, D’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon art et de leur témoigner ma reconnaissance en restant fidèle à leur enseignement ; D’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma profession avec conscience et de respecter non seulement la législation en vigueur, mais aussi les règles de l’honneur, de la probité et du désintéressement ; De ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le malade et sa dignité humaine ; En aucun cas, je ne consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels ; Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque. 7 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) REMERCIEMENTS : A Madame le Docteur Catherine Rioufol, Vous m’avez fait l’honneur d’accepter la présidence de ma thèse, Soyez assurée de ma profonde reconnaissance. A Monsieur le Docteur Pierrick Bedouch, Vous avez accepté de participer au jury de ma thèse, Recevez mes remerciements pour avoir consenti à juger ce travail. A Monsieur le Docteur Hervé Bontemps, Vous avez accepté de diriger ma thèse, Je vous remercie de m’avoir permis de réaliser ce travail. Merci aussi pour votre confiance, votre encadrement et vos précieux conseils de pharmacien hospitalier ! Que cette thèse soit le gage de ma gratitude et de ma profonde estime. A Madame le Docteur Julie Le Scanff, Vous avez accepté de siéger parmi les membres du jury, Soyez assurée de mes sincères remerciements. A Madame le Docteur Magali Bourdelin, Tu m’as encadrée tout au long de mon travail. Je ne saurai suffisamment te remercier pour ta disponibilité, tes remarques et ton enthousiasme à l’égard de ma thèse. Sois assurée de ma sincère reconnaissance et de mon amitié. A l’ensemble des personnes qui ont participé à cette thèse, En particulier les pharmaciens, internes et étudiants en pharmacie de l’hôpital Nord-Ouest pour votre contribution à la validation des prescriptions sans quoi ce travail n’aurait pu avoir lieu. A Monsieur Eric Berthonnaud, Je vous remercie pour votre aide et vos conseils précieux pour la méthodologie de ce travail. 8 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) A mes parents, Pour m’avoir toujours accompagnée et soutenue pendant ces longues années, Un grand merci de m’avoir permis d’en arriver là. A mes Daltons, Jérôme, Hervé, Loïc et Yann A mon homonyme, Anne et à Agathe (quel beau renfort féminin!), Pour tous ces bons moments passés ensemble et ceux à venir, avec votre sœur préférée ! A mes amis, « Les couleurs » de l’amphi Bourquelot déjà presque tous docteurs ! Malgré la distance, merci pour votre présence et votre amitié, dans ces moments à la fois studieux et festifs à Paris ou ailleurs, en France comme à l’étranger ! Les Compiègnois merci pour votre amitié fidèle et tous ces bons moments ! Les Lyonnais, merci pour votre présence et ces nombreux verres partagés ! Bénédicte, merci pour ton aide précieuse dans tous ces chiffres et leur interprétation ! Noémie, merci pour ta relecture minutieuse, tes remarques pertinentes et ton aide pour la mise en page qui n’a pas de secret pour toi ! A l’ensemble de mes cointernes Grenoblois, Lyonnais, Caladois ou Berjalliens, A l’ensemble des équipes pharmaceutiques et les préparateurs avec qui j’ai travaillé pendant ces 8 semestres, Merci d’avoir dynamisé et égayé mon internat ! 9 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Sommaire SOMMAIRE ................................................................................................................................. 10 LISTE DES TABLEAUX : .................................................................................................................. 13 LISTE DES ANNEXES :.................................................................................................................... 15 LISTE DES ABREVIATIONS : ........................................................................................................... 16 INTRODUCTION : ......................................................................................................................... 18 PREMIERE PARTIE : ...................................................................................................................... 20 REVUE BIBLIOGRAPHIQUE ET JUSTIFICATION DE L’ETUDE ............................................................. 20 I- CADRE REGLEMENTAIRE : ..................................................................................................... 21 LOI « HOPITAL, PATIENTS, SANTE ET TERRITOIRES » (HPST) :............................................................. 21 DECRET DU 31 OCTOBRE 2008 : ................................................................................................... 21 DECRET DU 12 NOVEMBRE 2010 : ................................................................................................ 21 ARRETE DU 6 AVRIL 2011 : .......................................................................................................... 21 MANUEL DE CERTIFICATION V2010 : ............................................................................................. 22 CIRCULAIRE DU 14 FEVRIER 2012 : ................................................................................................ 22 I.1 I.2 I.3 I.4 I.5 I.6 II- L’IATROGENIE MEDICAMENTEUSE : ...................................................................................... 23 II.1 II.2 DEFINITIONS : ............................................................................................................................ 23 ETAT DES LIEUX :......................................................................................................................... 24 II.2.1 II.2.2 II.3 Etude ENEIS :..................................................................................................................................... 24 Autres études de la littérature : ........................................................................................................ 27 SITUATIONS A RISQUE POUR LE PATIENT : ........................................................................................ 29 II.3.1 Liées au patient :............................................................................................................................... 30 II.3.1.1 Population gériatrique : ........................................................................................................... 30 II.3.1.2 Population pédiatrique : .......................................................................................................... 32 II.3.1.3 Situations physiopathologiques : ............................................................................................. 34 II.3.2 Liées aux médicaments : ................................................................................................................... 35 III- METHODES D’ETUDE DU RISQUE MEDICAMENTEUX : ........................................................ 39 III.1 LES METHODES CLASSIQUES UTILISEES EN PHARMACOVIGILANCE : ....................................................... 39 III.1.1 III.1.2 III.1.3 La notification spontanée des effets indésirables médicamenteux : ............................................ 40 Autres méthodes utilisées : .......................................................................................................... 41 Les méthodes prospectives de détection des effets indésirables :................................................ 42 III.2 III.3 METHODE DE DETECTION RETROSPECTIVE MANUELLE, METHODE DITE DES « TRIGGER TOOLS »: .............. 43 METHODES DE DETECTION AUTOMATIQUE DES EFFETS INDESIRABLES VIA DES BASES DE DONNEES ELECTRONIQUES OU ALERTES ELECTRONIQUES :............................................................................................ 45 III.4 METHODE DE DETECTION A L’AIDE DE « TABLEAUX DE BORD » :.......................................................... 47 10 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.5 PLACE DU PHARMACIEN HOSPITALIER DANS LA GESTION DES ALERTES INFORMATIQUES DES LOGICIELS DE PRESCRIPTION : ....................................................................................................................................... 48 DEUXIEME PARTIE : ..................................................................................................................... 50 MISE EN PLACE D’UNE METHODE DE DETECTION ET DE SELECTION DES ORDONNANCES A RISQUE A L’HOPITAL NORD-OUEST (HNO).................................................................................................... 50 I- OBJECTIFS : .......................................................................................................................... 51 II- MATERIELS ET METHODES : .................................................................................................. 53 APPROCHE PAR CRITERES BIOLOGIQUES :......................................................................................... 53 II.1 II.1.1 II.1.2 II.1.3 II.1.4 II.2 Patients de l’étude : .......................................................................................................................... 53 Analyse pharmaceutique des prescriptions : .................................................................................... 54 Recueil de données : ......................................................................................................................... 54 Pertinence des critères étudiés : ....................................................................................................... 54 APPROCHE PAR MEDICAMENTS A RISQUE : ...................................................................................... 55 II.2.1 Sélection des médicaments :............................................................................................................. 55 II.2.1.1 Par l’expérience : ..................................................................................................................... 55 II.2.1.1.1 II.2.1.1.2 II.2.1.1.3 II.2.1.2 II.2.1.2.1 II.2.1.2.2 II.2.1.2.3 II.2.1.2.4 II.2.1.2.5 Approche par IP réalisées en 2013 : ..........................................................................................................56 Approche par unités de soins validées en 2013 : .....................................................................................56 Approche par médicaments et interactions médicamenteuses : ............................................................56 Approche par sondage auprès de pharmaciens hospitaliers : ................................................. 57 Présélection de la liste des médicaments : ...............................................................................................57 Composition de la liste des pharmaciens pour l’envoi :...........................................................................57 Elaboration d’un questionnaire :...............................................................................................................57 Diffusion : ....................................................................................................................................................58 Choix des méthodes d’exploitation des résultats et classement des médicaments : ............................58 II.2.2 Méthode de validation par médicaments à risque mise en place à l’HNO : ..................................... 60 II.2.2.1 Patients de l’étude : ................................................................................................................. 60 II.2.2.2 Analyse pharmaceutique des prescriptions : ........................................................................... 61 II.2.2.3 Recueil de données : ................................................................................................................ 61 II.2.2.4 Méthodes d’exploitation des résultats : .................................................................................. 61 II.2.2.5 Uniformisation des validations par les pharmaciens : ............................................................. 62 III- RESULTATS : ..................................................................................................................... 63 III.1 APPROCHE PAR CRITERES BIOLOGIQUES : ........................................................................................ 63 III.1.1 Taux d’IP effectuées : ................................................................................................................... 63 III.1.2 Types d’IP effectuées : .................................................................................................................. 63 III.1.3 Taux d’IP par critères : .................................................................................................................. 63 III.1.4 Médicaments concernés par les IP : ............................................................................................. 64 III.1.4.1 Pour les INR ≥ 4 : ...................................................................................................................... 64 III.1.4.2 Pour les dyskaliémies : ............................................................................................................. 64 III.1.4.3 Pour les créatininémies ≥ 125 µmol/l : .................................................................................... 65 III.1.5 Pertinence des critères : ............................................................................................................... 66 III.2 APPROCHE PAR MEDICAMENTS :.................................................................................................... 67 III.2.1 Médicaments sélectionnés : ......................................................................................................... 67 III.2.1.1 Par l’expérience : ..................................................................................................................... 67 11 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2.1.1.1 III.2.1.1.2 III.2.1.1.3 III.2.1.2 Approche par IP réalisées en 2013 : ..........................................................................................................67 Approche par unités de soins validées en 2013 : .....................................................................................70 Approche par médicaments et interactions médicamenteuses : ............................................................72 Par le sondage : ........................................................................................................................ 72 III.2.1.2.1 III.2.1.2.2 III.2.1.2.3 Description des pharmaciens ayant participé : ........................................................................................72 Classement d’après la pondération des résultats : ..................................................................................73 Proportion de pharmaciens : .....................................................................................................................75 III.2.1.3 Médicaments retenus : ............................................................................................................ 77 III.2.2 Méthode de validation par médicaments à risque mise en place à l’HNO : ................................. 79 III.2.2.1 Nombre d’ordonnances validées : ........................................................................................... 79 III.2.2.2 IP effectuées sur les médicaments retenus : ........................................................................... 80 III.2.2.2.1 III.2.2.2.2 III.2.2.3 III.2.2.4 III.2.2.5 Quantitativement : .....................................................................................................................................80 Qualitativement : .......................................................................................................................................83 Services concernés par ces IP : ................................................................................................ 84 Devenir des IP (acceptation) : .................................................................................................. 85 Paramètres physiopathologiques des patients concernés par des IP :.................................... 86 DISCUSSION :............................................................................................................................... 87 I- APPROCHE PAR CRITERES BIOLOGIQUES : ............................................................................. 87 II- APPROCHE PAR MEDICAMENTS : .......................................................................................... 89 II.1 II.1.1 II.1.2 II.2 SELECTION DES MEDICAMENTS : .................................................................................................... 89 Par l’expérience : .............................................................................................................................. 89 Par le sondage : ................................................................................................................................ 90 METHODE DE VALIDATION DES MEDICAMENTS A RISQUE MISE EN PLACE A L’HNO : ............................... 92 CONCLUSIONS : ........................................................................................................................... 97 BIBLIOGRAPHIE :.......................................................................................................................... 99 ANNEXES : ................................................................................................................................. 108 12 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) LISTE DES TABLEAUX : Tableau 1 : EIG évitables survenus pendant l’hospitalisation, résultats des études ENEIS de 2004 et 2009........................................................................................................................................................ 26 Tableau 2 : EIG évitables à l’origine d’hospitalisations résultats, des études ENEIS de 2004 et 2009 .. 27 Tableau 3 : Nombre de critères anormaux détectés, d’IP et d’IP en lien avec le critère....................... 64 Tableau 4 : Principaux médicaments concernés par les IP .................................................................... 65 Tableau 5 : Test d’indépendance entre le nombre d’IP et les critères .................................................. 66 Tableau 6 : Test d’indépendance entre le nombre d’IP en lien avec les critères et les critères............ 66 Tableau 7 : Médicaments concernés par les IP qui ont eu lieu en 2013................................................ 67 Tableau 8 : Principaux médicaments concernés par les IP qui ont eu lieu en 2013 en fonction du nombre de prescriptions ........................................................................................................................ 68 Tableau 9 : Principaux médicaments concernés par les IP qui ont eu lieu en 2013 en fonction du nombre de patients traités .................................................................................................................... 68 Tableau 10 : Grandes familles de médicaments concernées par les IP qui ont eu lieu en 2013 ........... 69 Tableau 11 : Médicaments concernés par les IP en fonction des unités de soins validées ................... 70 Tableau 12 : Médicaments concernés par les IP portant sur les interactions médicamenteuses ......... 72 Tableau 13 : Répartition des pharmaciens du sondage selon leur ancienneté d’exercice .................... 73 Tableau 14 : Classement des médicaments en fonction du score total et du score « risque très élevé » ................................................................................................................................................................ 74 Tableau 15 : Classement des médicaments en fonction du score « absence de risque / risque faible » ................................................................................................................................................................ 75 Tableau 16 : Classement des médicaments en fonction du pourcentage de réponses « risque très élevé » et « risque élevé » ..................................................................................................................... 76 Tableau 17 : Classement des médicaments en fonction du pourcentage de réponses « absence de risque / risque faible » et « risque modéré » ......................................................................................... 77 Tableau 18 : Médicaments retenus pour l’étude mise en place à l’HNO .............................................. 78 Tableau 19 : Nombre de prescriptions validées par médicament retenu ............................................. 79 Tableau 20 : Nombre et pourcentage d’IP effectuées par médicament retenu .................................... 80 13 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Tableau 21 : Test du Chi2 des IP effectuées par médicament retenu ................................................... 81 Tableau 22 : Taux d’IP effectuées par an à l’HNO de 2011 à 2014 ........................................................ 82 Tableau 23 : Types d’IP effectuées sur les médicaments présentant un taux d’IP significativement supérieur ................................................................................................................................................ 83 Tableau 24 : Unité de soins concernés par les IP effectuées sur les médicaments présentant un taux d’IP significativement supérieur............................................................................................................. 84 Tableau 25 : Nombre et pourcentage d’IP sur les médicaments retenu qui ont été acceptées ........... 85 14 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) LISTE DES ANNEXES : Annexe 1 : Liste des médicaments ou classes de médicaments proposés aux pharmaciens lors du sondage Annexe 2 : Grille de recueil des données pour la validation par médicaments à risque 15 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) LISTE DES ABREVIATIONS : ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé AOD: Anticoagulants Oraux Directs ARA II : Antagoniste de l’Angiotensine II AVK : Anti-Vitamines K CH : Centre Hospitalier CHU : Centre Hospitalier Universitaire Clcréat : Clairance à la créatinine CRPV : Centres Régionaux de Pharmacovigilance DGOS : Direction Générale de l’Offre de Soins EIG : Evènement Indésirable Grave EIM : Evènements Indésirables Médicamenteux ENEIS : Enquête Nationale sur les Evénements Indésirables graves associés aux Soins FIP : Fiche d’Intervention Pharmaceutique GHS : Groupe Homogène de Séjour HAS : Haute Autorité de Santé HBPM : Héparine de Bas Poids Moléculaire HNO : l’Hôpital Nord Ouest HPST : loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » IEC : Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion INR: Index Normalized Ratio 16 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) IP: Intervention Pharmaceutique MCO : Médecine, Chirurgie, Obstétrique MDS : Médicaments Dérivés du Sang PH : Pharmacien Hospitalier PUI : Pharmacie à Usage Intérieur RCP : Résumé des Caractéristiques du Produit SFPC : Société Française de Pharmacie Clinique SSR : Soin de Suite et Réadaptation UPU : Unité des Post-Urgences URCC : Unité de Reconstitution Centralisée des Cytotoxiques VO: Voie Orale VPP : Valeur Prédictive Positive 17 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Introduction : La qualité de la prise en charge médicamenteuse des patients hospitalisés est devenue une priorité, en particulier suite aux accidents récents médiatisés, comme l’affaire Saint Vincent de Paul qui a conduit au décès d'un enfant de 3 ans à la suite d’une erreur d’administration et aux textes de loi qui ont fait suite, notamment l’arrêté du 6 avril 2011 (1). D’après la deuxième édition de l’étude ENEIS (Enquête nationale sur les évènements indésirables liés aux soins) qui a eu lieu en 2009, le nombre d’évènements indésirables graves survenus en cours d’hospitalisations est évalué en moyenne à 6,2 pour 1000 journées d’hospitalisation. Parmi ceux-ci, 87 ont été identifiés comme « évitables», soit 2,6 pour 1000 journées (2). Parmi ces évènements indésirables évitables, certains sont liés à des erreurs qui ont eu lieu au cours du circuit du médicament. L’analyse pharmaceutique des prescriptions permet d’intervenir sur certaines de ces erreurs et la validation des ordonnances est nécessaire pour en diminuer le nombre. Réglementairement, l’analyse pharmaceutique des prescriptions concerne l’ensemble des ordonnances qui devraient être analysées quotidiennement, c'est-à-dire avant toute dispensation et administration des traitements aux patients. Cependant, en raison de l’effectif pharmaceutique, l’analyse exhaustive des prescriptions dans certaines pharmacies à usage intérieure (PUI) ne peut pas avoir lieu. C’est le cas de l’Hôpital Nord Ouest (HNO), centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône par exemple. Il s’agit d’un établissement de 600 lits et places, dont 400 lits de Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO). L’équipe pharmaceutique, composée de 6 pharmaciens, 2 internes en pharmacie et 3 étudiants en 5ème année hospitalo-universitaire a intégré cette activité de pharmacie clinique et de validation des prescriptions à l’ensemble des autres missions propres aux pharmaciens exerçant au sein d’une PUI. L’ensemble des unités de soins de l’établissement est informatisée pour le circuit du médicament (de la prescription à l’administration), à l’exception du service de réanimation qui est en cours d’informatisation, et dispose d’un dossier patient informatisé accessible aux pharmaciens. Un total de 420 prescriptions est à analyser en moyenne chaque jour, ce qui ne permet pas la validation de l’ensemble tous les jours par l’effectif pharmaceutique actuel. 18 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) A l’HNO, l’analyse pharmaceutique des prescriptions s’effectue actuellement selon un planning défini. Celui-ci concerne les patients de certains services qui sont validés systématiquement (gastroentérologie, pneumologie, cardiologie, gériatrie, neurologie, unité sanitaire de niveau 1 (USN1)). Les médicaments facturés en sus des groupes homogènes de séjours (GHS) et qui relèvent du contrat de bon usage, et certains antibiotiques dits « réservés » dont l’indication nécessite une validation sont eux aussi analysés de manière systématique. Dans le contexte de l’arrêté du 6 avril 2011 selon lequel le pharmacien doit valider obligatoirement les prescriptions contenant des « médicaments à risque » ou celles des « patients à risque », des critères de ciblage des prescriptions ont été mis en place à l’HNO. Ceux-ci permettent au pharmacien de sélectionner de manière pertinente certaines ordonnances qui semblent prioritaires à valider sur l’ensemble de l’établissement, en plus des validations habituelles qui ont lieu quotidiennement dans l’hôpital. Une première approche concernant les résultats biologiques a été envisagée. Chaque jour, une extraction des données du laboratoire de biologie de l’HNO permet de recenser les patients présentant des résultats biologiques anormaux, et de valider leur prescription de manière transversale entre les différents services de l’hôpital. Une deuxième approche portant sur les médicaments considérés comme étant à risque lors de la validation pharmaceutique des prescriptions a été élaborée. Notre étude a pour objectif d’analyser les résultats obtenus suite aux validations des prescriptions à l’aide de ces deux approches et de discuter du choix des critères retenus pour leur application en pratique courante. Ce mémoire comporte, en première partie une revue bibliographique justifiant l’étude, à savoir le cadre réglementaire dans lequel s’inscrit cette problématique, les données de la littérature concernant l’iatrogénie médicamenteuse et celles portant sur les méthodes qui permettent d’étudier le risque médicamenteux. La méthodologie et les résultats de la méthode de détection et de sélection des ordonnances à risque à l’HNO sont présentés et discutés dans la deuxième partie. 19 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Première partie : Revue bibliographique et justification de l’étude 20 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) I- Cadre réglementaire : Au niveau juridique, plusieurs dispositifs incitent les établissements de santé à la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse : I.1 Loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) : La loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) inscrit comme priorité la qualité et la sécurité des soins, avec un rôle renforcé de la commission médicale d’établissement (CME) ou de la conférence médicale d’établissement, notamment en ce qui concerne « la définition de la politique du médicament et des dispositifs médicaux stériles » (Décret n°2010-1029 du 30 août 2010 relatif à la politique du médicament et des dispositifs médicaux stériles dans les établissements de santé) (3). I.2 Décret du 31 octobre 2008 : Le Décret n° 2008-1121 du 31 octobre 2008 relatif au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations mentionné à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale incite, par des mesures financières, les établissements de santé à s’engager contractuellement à l’amélioration de la sécurisation du circuit du médicament. A ce titre, l'établissement souscrit à des engagements relatifs aux médicaments notamment par l'informatisation du circuit du médicament et le développement de la prescription et de la dispensation à délivrance nominative (4). I.3 Décret du 12 novembre 2010 : Le décret du 12 novembre 2010 relatif à la lutte contre les évènements indésirables associés aux soins intègre la sécurisation et la gestion des risques liés à la prise en charge médicamenteuse dans la gestion globale des risques associés aux soins (5). I.4 Arrêté du 6 avril 2011 : L’arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé (1) encadre la dispensation : "le pharmacien doit assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament, associant à sa délivrance : l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale si elle existe, la préparation éventuelle des doses 21 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) à administrer, la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament. Il doit, par des conseils appropriés et dans le domaine de ses compétences, participer au soutien apporté au patient. Les médicaments peuvent être délivrés globalement à l’unité de soins en renouvellement d’une dotation adaptée, préalablement définie par le pharmacien et le médecin responsable de l’unité de soins, ou à défaut celui désigné par l’ensemble des prescripteurs concernés, cela dans l’attente de la mise en place d’une informatisation pour permettre à la PUI l’accès aux informations nécessaires à l’analyse pharmaceutique des prescriptions. L'établissement s'organise pour garantir une validation pharmaceutique pour les médicaments à risque". Il est précisé que les médicaments à risque sont des médicaments requérant une sécurisation de la prescription, de la dispensation, de la détention, du stockage, de l'administration et un suivi thérapeutique approprié, fondés sur le respect des données de référence afin d'éviter les erreurs pouvant avoir des conséquences graves sur la santé du patient. Sont cités comme exemples les anticoagulants, antiarythmiques, agonistes adrénergiques IV, digitaliques IV, insuline, anticancéreux, solutions d'électrolytes concentrées... Il est précisé qu’il s'agit le plus souvent de médicaments à marge thérapeutique étroite et que les médicaments expérimentaux rentrent également dans cette catégorie. I.5 Manuel de certification V2010 : Le manuel de certification V2010 des établissements de santé (révision avril 2011) identifie la démarche qualité de la « Prise en charge médicamenteuse » du patient comme une pratique exigible prioritaire (PEP) (critère 20) (6) . I.6 Circulaire du 14 février 2012 : La circulaire N°DGOS/PF2/2012/72 du 14 février 2012, relative au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse dans les établissements de santé, est un accompagnement et un appui à la mise en œuvre de l’arrêté du 6 avril 2011 (7). Les nombreux dispositifs juridiques règlementent l’activité du pharmacien hospitalier et s’inscrivent dans une démarche de sécurisation des soins apportés aux patients. En effet, certaines données de la littérature rapportent des déficits dans ce domaine de la prise en charge des patients hospitalisés, en particulier en ce qui concerne l’iatrogénie médicamenteuse. 22 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) II- L’iatrogénie médicamenteuse : Etymologiquement, le mot iatrogène signifie en grec « provoqué par le médecin ». Le Haut Comité de la Santé Publique (HCSP) considère les évènements iatrogènes comme « les conséquences indésirables ou négatives sur l’état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqués ou prescrits par un professionnel de santé habilité et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé » (8). Ainsi, la notion de iatrogénie englobe les pratiques professionnelles liées aux médicaments mais aussi celles liées aux soins. Il est important de distinguer les deux notions. Nous allons nous intéresser ici plus particulièrement à l’iatrogénie médicamenteuse. II.1 Définitions : La Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC) a élaboré un dictionnaire français de l’erreur médicamenteuse (9) qui a pour vocation d’établir un langage commun sur la problématique des erreurs médicamenteuses. Les définitions suivantes en sont extraites : - Un évènement indésirable médicamenteux (adverse drug event (ADE) en anglais) est un dommage survenant chez un patient lié à sa prise en charge médicamenteuse et résultant de soins appropriés, de soins inadaptés ou d’un déficit de soins. L’événement indésirable médicamenteux peut se traduire notamment par l’aggravation de la pathologie existante, l’absence d’amélioration attendue de l’état de santé, la survenue d’une pathologie nouvelle ou prévenue, l’altération d’une fonction de l’organisme ou d’une réaction nocive due à la prise d’un médicament. Il peut être la conséquence d’une erreur médicamenteuse ou d’un effet indésirable médicamenteux. Il est évitable s’il est secondaire à une erreur médicamenteuse. - Un effet indésirable médicamenteux (adverse drug reaction (ADR) en anglais) est une réaction nocive et non voulue à un médicament, se produisant aux posologies normales chez l'homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d'une maladie ou pour la restauration, la 23 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) correction ou la modification d'une fonction physiologique ou résultant d’un mésusage du médicament ou produit (10). L’iatrogénie médicamenteuse représente un coût humain et économique considérable. Elle peut être évitable dans de nombreux cas : - un événement indésirable évitable est un événement indésirable qui n’aurait pas eu lieu si les soins avaient été conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante au moment de sa survenue. Le caractère évitable est apprécié à l’issue d’une évaluation précise de la situation clinique du patient et des conditions de prise en charge (2). Les pouvoirs publics ont fait de la lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse un des objectifs de la loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Des objectifs précis concernant la proportion de séjours hospitaliers au cours desquels survient un événement iatrogène, la fréquence des événements iatrogènes d’origine médicamenteuse et entraînant une hospitalisation ainsi que la fréquence des événements iatrogènes évitables à l’hôpital et en ambulatoire ont été formulés (11). L’estimation de l’iatrogénie médicamenteuse est très variable entre les différentes études, en fonction notamment de la méthodologie employée et des données épidémiologiques recherchées. Ainsi, ces chiffres varient de 19% dans une étude effectuée à Harvard (12) à 36% dans une étude nord-américaine (13). Un état des lieux de la situation effectué dans la littérature nous a permis d’apprécier la fréquence de ces évènements retrouvés en milieu hospitalier ainsi que leur part d’évitabilité. II.2 Etat des lieux : II.2.1 Etude ENEIS : En 2004, pour répondre aux besoins exprimés par la direction générale de la santé (DGS) et par la direction générale de l’offre de soins (DGOS), une enquête pionnière dite « ENEIS » (enquête nationale sur les événements indésirables graves associés aux soins) a été réalisée. Les objectifs de celle-ci étaient : 24 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) - connaître l’incidence des évènements indésirables graves (EIG) dans les établissements de santé, - identifier parmi ces évènements ceux qui étaient évitables, - analyser leurs causes latentes et les facteurs contributifs de ces évènements. En accord avec les différentes autorités de santé, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a réédité cette enquête en 2009 selon les mêmes principes (protocole et méthode) afin de mesurer l’évolution de ces données depuis 2004. Il s’agit d’une enquête longitudinale, prospective, d’incidence sur une population ouverte de patients hospitalisés et suivis pendant une période de 7 jours maximum. Elle permet d’évaluer, d’une part, la proportion des EIG ayant motivé une hospitalisation parmi l’ensemble des séjours et, d’autre part, la densité d’incidence des événements survenus pendant l’hospitalisation pour 1000 journées d’hospitalisation. L’observation a porté sur l’ensemble des séjours dans les unités de médecine et de chirurgie dans des établissements de santé de court séjour. L’enquête a été réalisée dans chaque service par un binôme constitué d’un infirmier enquêteur effectuant la détection des événements à l’aide du cadre infirmier du service, et d’un médecin enquêteur chargé de les confirmer et de les analyser avec le médecin responsable de la prise en charge du patient. L’enquêteur infirmier est passé dans chaque unité à trois reprises : le 1er jour du recueil, puis au 3e et au 7e jour. En cas de détection d’un événement indésirable à partir du questionnaire infirmier, le médecin enquêteur était chargé de l’analyse des évènements détectés pour en confirmer le caractère indésirable grave et associé aux soins, mais aussi pour étudier sa gravité (conséquences pour le patient) et pour apprécier sa nature évitable. En 2004, 450 EIG liés aux soins ont été confirmés parmi les événements détectés (24,4%) (N=1848). En 2009, 374 EIG liés aux soins ont été confirmés parmi les événements détectés (24,3%) (N=1539). En 2004, 255 EIG ont été identifiés pendant l’hospitalisation (56,7%) et 195 EIG étaient cause d’hospitalisation (43,3%). En 2009, sur les 374 EIG identifiés au cours de l’enquête, 214 sont survenus pendant l’hospitalisation (57,2%) et 160 sont à l’origine d’une hospitalisation (42,8%). En 2009, parmi les EIG survenus en cours d’hospitalisation, dont le nombre est évalué en moyenne à 6,2 pour 1 000 journées d’hospitalisation, 87 ont été identifiés comme « évitables», soit 2,6 pour 1 000 journées. Par ailleurs, ont été observés en moyenne pour 1 000 jours d’hospitalisation, 1,7 EIG 25 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) évitables ayant entraîné une prolongation d’hospitalisation et 1,7 EIG évitables ayant pour origine des actes invasifs ou des interventions chirurgicales (2). Tableau 1 : EIG évitables survenus pendant l’hospitalisation, résultats des études ENEIS de 2004 et 2009 Concernant les EIG à l’origine d’hospitalisations, 4,5% des séjours ont été causés par un EIG et 2,6% l’ont été par un EIG évitable. 1,6% des séjours sont causés par des EIG évitables associés à des produits de santé et notamment aux médicaments (1,3% des admissions). 119 EIG ont été identifiés en médecine ambulatoire ; tous ne résultaient pas pour autant d’une pratique « de ville» car certains ont été cliniquement reliés à des hospitalisations précédentes. Les 41 autres hospitalisations pour EIG résultent d’un transfert direct d’une hospitalisation antérieure. 26 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Tableau 2 : EIG évitables à l’origine d’hospitalisations résultats, des études ENEIS de 2004 et 2009 Les résultats de 2009 sont proches de ceux de 2004. La différence entre le nombre d’EIG parmi les évènements détectés en 2004 et en 2009 était non significative (p=0,97). De plus, Il n’y avait pas de différence significative entre 2004 et 2009 sur la répartition des EIG causés et identifiés pendant l’hospitalisation (14). II.2.2 Autres études de la littérature : L’étude espagnole ENEAS, construite sur une méthodologie similaire à celle d’ENEIS, montre une densité d’incidence des EIG survenus pendant l’hospitalisation proche (7,3 pour 1 000 jours d’hospitalisation) et estime que 1,9% des séjours sont causés par des EIG (15). Ces études, principalement fondées sur l’interrogation des équipes de soins, ne permettent pas, pour des raisons de faisabilité, de suivre le séjour complet des patients, d’où le choix de calculer une densité d’incidence (proportion d’évènements pour 1 000 journées d’hospitalisation). En France, d’autres études initiées par les centres régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) ont été mises en place sur le sujet. La première est une étude transversale qui a été menée en 1997 par le Réseau des CRPVs. Elle a montré que les effets indésirables médicamenteux étaient à l’origine de 10,3% des hospitalisations un 27 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) jour donné dans des services de médecine, de chirurgie et de long séjour des hôpitaux publics. Dans un tiers des cas, les effets indésirables étaient considérés comme graves (16). Une deuxième enquête a été réalisée en 1998 par le Réseau des CRPVs sur un échantillon représentatif de services de médecine et spécialités médicales des hôpitaux publics. Les hospitalisations liées à un effet indésirable d’un médicament représentaient 3,19% des cas (17). En 2007, une nouvelle étude : l’étude EMIR « Effets indésirables des Médicaments : Incidence et Risque » a été menée par les CRPVs sur un échantillon représentatif des services de spécialités médicales (court séjour) tirés au sort dans l’ensemble des centres hospitaliers universitaires (CHU) et centres hospitaliers (CH) français. Elle a permis d’estimer à 3,6% la proportion des hospitalisations dues à des effets indésirables de médicaments (18). En ce qui concerne les résultats en termes de proportion des hospitalisations causées par un EIG, une étude australienne apporte des résultats comparables. Elle a été réalisée sur des séjours hospitaliers de 31 établissements de santé en 1992 et retrouve que 16,6% des admissions étaient causées par des EIG (19). D’après une étude anglaise prospective portant sur 18 820 admissions de patients adultes en 2004, 5,2% d’entre elles étaient directement liées à un accident iatrogénique (20). Certaines études prennent en compte les évènements indésirables potentiels. Une étude prospective de cohorte, menée par Bates et al., a évalué l’incidence et l’évitabilité des effets indésirables médicamenteux avérés et potentiels. 4 031 admissions ont eu lieu pendant la durée de l’étude (6 mois) dans les services de médecine et de chirurgie des deux hôpitaux étudiés. Les effets indésirables médicamenteux ont été mis en évidence par des déclarations spontanées de l’équipe médicale et soignante et par l’examen quotidien des dossiers des patients. Les événements indésirables étaient revus par deux relecteurs indépendants qui jugeaient si celui-ci était avéré ou potentiel ainsi que de sa sévérité et de son évitabilité. Ils ont recensés 6,5% d’effets indésirables médicamenteux avérés et 5,5% d’effets potentiels. Parmi ces effets indésirables, ils les ont classés selon leur sévérité : fatals (1%), mettant la vie du patient en danger (12%), sérieux (30%) et significatif (57%). Par ailleurs, 28% des effets étaient considérés comme évitables (21). Aux Etats-Unis, une cohorte historique avec analyse rétrospective des dossiers médicaux de tous les patients admis pour un évènement iatrogène dans une unité de soins intensifs d’un hôpital 28 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) universitaire de Boston a inclue 5 727 patients. 1,2% des patients admis en soins intensifs l’ont été pour une cause iatrogène (suite à l’étude des motifs d’hospitalisation des patients). Parmi ces cas identifiés, 33% sont liés à une prise médicamenteuse et 34% sont évitables. Les auteurs se sont intéressés uniquement aux cas les plus graves ayant conduits à une hospitalisation en soins intensifs, ce qui peut expliquer en partie le faible pourcentage retrouvé (22). Enfin, une méta-analyse a été conduite en recherchant les études menées sur le sujet publiées dans 4 bases de données électroniques pendant 32 ans. Elle a permis d’estimer une incidence globale de 6,7% d’évènements indésirables médicamenteux, survenus au cours d’une hospitalisation ou ayant conduit à une hospitalisation, 0,32% d’entre eux ont été fatals chez les patients hospitalisés. Ils apparaissent comme étant entre la 4ème ou la 6ème cause de décès aux Etats-Unis. Leur incidence est restée stable durant les 30 ans de l’étude (23). Suite au constat des nombreuses variations de fréquence des erreurs médicamenteuses mais aussi des effets et évènements indésirables médicamenteux retrouvées dans la littérature, une méthode observationnelle basée sur des cas cliniques a été mise en place par Burkle. Il a identifié et classé des problèmes cliniques communs qui ne sont pas caractérisés dans les définitions et algorithmes habituels de détection des évènements iatrogènes médicamenteux. Il apparaît que beaucoup de modèles utilisés pour décrire la relation entre erreur médicamenteuse, effet et évènement indésirable médicamenteux sont souvent mal interprétés ou contiennent des insuffisances limitant leur utilisation courante et précise pour l’ensemble des cas retrouvés en pratique ; ils ne sont adaptés qu’aux cas simples. Il a ainsi décrit différents schémas conduisant à un ou plusieurs évènements iatrogènes médicamenteux que l’on retrouve dans la pratique clinique et mis en place des algorithmes pour aider l’amélioration de l’identification, de la classification et de la quantification des évènements dus aux médicaments (24). II.3 Situations à risque pour le patient : Le rapport de mission sur l’iatrogénie médicamenteuse et sa prévention (25) aborde la notion de facteurs de risque iatrogène et cite comme exemples : - l’âge, le sexe, les caractères génétiques - les antécédents pathologiques et iatrogènes - le nombre de médicaments reçus, le nombre de prescripteurs et d’ordonnances simultanés 29 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) - le nombre et la sévérité des pathologies traitées - l’existence d’une insuffisance hépatique ou rénale - le défaut d’information donnée au malade et à son entourage Ainsi, de nombreux facteurs de risque variés existent. Nous avons étudié plus particulièrement les situations à risque d’iatrogénie médicamenteuse liées aux patients et aux médicaments eux-mêmes. II.3.1 Liées au patient : Certains patients sont plus à risque de subir un accident iatrogène, plusieurs facteurs de risque sont étudiés dans la littérature. II.3.1.1 Population gériatrique : Les personnes âgées représentent une population considérée comme étant particulièrement à risque. Le vieillissement physiologique et la fréquence des comorbidités modifient le rapport bénéfice/risque des médicaments : la connaissance de ces facteurs et leur évaluation systématique sont indispensables pour améliorer la qualité de la prescription médicamenteuse. Par ailleurs, le sujet âgé est soumis à des modifications pharmacocinétiques liées au vieillissement physiologique. Celles-ci concernent la distribution, le métabolisme et l’élimination des médicaments et nécessitent des adaptations posologiques et des précautions d’emploi. De plus, il présente des pathologies (aigües ou chroniques) qui vont modifier les objectifs thérapeutiques et le risque iatrogène. La polypathologie justifie la prescription de traitements multiples, mais la polymédication est le principal facteur de risque d'iatrogénie, dont les conséquences sont sévères chez les patients âgés (26) (27). La polymédication représente le principal facteur de risque d’iatrogénie chez le sujet âgé (28). De nombreuses études ont cherché à évaluer ce risque. Une étude prospective réalisée en France en 2001 par Doucet et son équipe sur 2 814 admissions du sujet âgé de 70 ans ou plus (moyenne d’âge de 82,4 ans) a comptabilisé 500 effets indésirables liés aux médicaments, dont 40,2% étaient considérés comme évitables (29). 30 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Le risque potentiel d’interactions médicamenteuses liées aux cytochromes P450 (CYP 450) a été évalué à 80% chez la personne âgée de plus de 65 ans et polymédicamentée, recevant plus de 5 médicaments. Ce risque augmente de 12% à l’ajout de chaque médicament sur les ordonnances contenant déjà 5 médicaments (30). Une étude menée dans un service des post-urgences chez des sujets âgés de plus de 75 ans pendant 2 mois confirme ces résultats : une iatrogénie médicamenteuse a été mise en évidence dans 29% des cas. Elle est directement responsable de l’hospitalisation dans 17% de ces situations et l’évènement indésirable aurait pu être évité une fois sur deux (31). Une liste de médicaments inappropriés a été proposée par ML Laroche, il s’agit de médicaments à éviter chez les personnes âgées. Ces médicaments inappropriés présentent un rapport bénéfice/risque défavorable ou une efficacité incertaine par rapport à d’autres solutions thérapeutiques plus sûres (32). L’outil STOPP-START s’inscrit dans le même objectif : il s’agit d’un outil de détection de la prescription inappropriée chez la personne âgée, reprenant, entre autres, les critères de Beers et qui a été adapté aux pratiques françaises (33). La proportion de médicaments inappropriés reçus chez des personnes âgées de plus de 65 ans non hospitalisées a été estimé à 23,5% aux Etats-Unis (34). Par ailleurs, une étude sur le sujet a actuellement lieu au sein de l’établissement. Il s’agit de l’étude OPMED : « optimisation de la prise en charge médicamenteuse ». Son objectif principal est d’évaluer l’impact d’un programme multidisciplinaire sur la prescription de médicaments potentiellement inappropriés chez la personne âgée hospitalisée, à l’aide notamment d’une analyse pharmaceutique adaptée et standardisée (35). D’après un rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS), paru en 2001 le sujet âgé représente 16% de la population française et 39% de la consommation de médicaments (36). L'âge, en lui même, ne semble pas être un facteur de risque d'accident iatrogénique, mais il est, en revanche, un facteur de gravité de ces accidents (37). 31 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) A l’étranger, une méta-analyse réalisée en 2002 fait la synthèse des études menées sur l’iatrogénie médicamenteuse ces 20 dernières années. Malgré les limites méthodologiques soulignées dans de nombreuses études, elle estime à 16,6% le taux d'hospitalisation moyen lié à un problème médicamenteux chez le sujet âgé. 88% de ces évènements indésirables médicamenteux seraient évitables (38). Aux Pays-Bas, Van der Hooft et al. ont évalué à 1,83% le taux d’hospitalisations pour évènement iatrogène médicamenteux chez le sujet âgé. Celui-ci augmente à 3,2% lorsque les sujets ont plus de 80 ans (39). En Italie, ce même taux a été mesuré à 3,4% des admissions, les comorbidités des patients et le nombre de médicaments reçus étant les principaux facteurs de risque (40). Aux Etats-Unis, d’après l’estimation de Budnitz et al., les évènements iatrogènes médicamenteux conduiraient à 99 628 hospitalisations par an des patients âgés de 65 ans ou plus, dont 48% auraient plus de 80 ans (41). II.3.1.2 Population pédiatrique : De même, les enfants sont considérés comme des patients particulièrement exposés aux évènements iatrogènes, à l'hôpital comme à domicile. Diverses raisons peuvent expliquer cela : la nécessité d'une posologie précise ajustée, le manque de formes galéniques médicamenteuses adaptées, les petits volumes à administrer… Selon Autret-Leca en 2006 (42) et Savet en 2005 (43), de nombreux médicaments ont été conçus et mis sur le marché sans développement spécifique à la population pédiatrique. L'évaluation des médicaments en pédiatrie est pourtant indispensable en raison des particularités pharmacologiques qui caractérisent l'enfant tout au long de son développement : il n’est pas possible d’extrapoler aux enfants les données acquises dans la population adulte. Les indications de posologie pédiatrique dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP) sont souvent insuffisantes, ce qui augmente les risques d'erreurs de prescription. De plus, les spécialités commercialisées présentent souvent une forme galénique inadaptée à l’utilisation en pédiatrie, rendant leur administration difficile. L’étude menée par Fontan sur l’administration des médicaments dans cette population particulière a mis en évidence que seulement 11,9% des médicaments injectables pédiatriques étaient prêts à 32 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) l’emploi. Des manipulations spécifiques de préparation sont très souvent nécessaires (pour la voie orale comme pour la voie injectable), ce qui constitue une source potentielle d'évènements iatrogènes. D’après cette même étude, les comprimés étaient coupés dans 46,7% des cas et broyés dans 74% des cas (44). Dans ce contexte, l’incidence des erreurs médicamenteuses liées à la fois à la prescription et à l’administration des médicaments en pédiatrie, est probablement importante, bien qu’elle ne soit pas évaluée précisément. Le nombre d’études réalisées en pédiatrie est faible, en particulier en raison des difficultés rencontrées pour le recueil des données. Les études suivantes ont pour objectif commun d’évaluer les erreurs médicamenteuses recensées dans des services de pédiatrie. Les résultats retrouvés présentent une grande variabilité du fait notamment des différences dans la durée des études menées, dans les méthodes utilisées pour le recueil de données des erreurs ainsi que dans les définitions d’erreurs médicamenteuses et de leur gravité. Une étude rétrospective sur 5 ans conduite par Ross et al. en Grande Bretagne à propos d’erreurs documentées et rapportées dans le dossier du patient dans un hôpital pédiatrique, retrouve que 0,15% des admissions sont liées à une erreur médicamenteuse. Le taux le plus élevé étant retrouvé dans le service de soins intensifs où il atteint 0,98%. 56% des erreurs concernent la voie intraveineuse (IV) et 44% les antibiotiques (45). Une étude rétrospective menée dans un service d’urgence pédiatrique au Canada pendant 12 jours a inclue 1 532 patients. Elle retrouve 154 erreurs de prescription (10,1%) et 59 erreurs d’administration (3,9%) (46). L’étude de Suresh et al. conduite pendant 27 mois aux Etats-Unis porte sur 1230 erreurs médicales qui ont eu lieu dans un service de soins intensifs de néonatalogie. Elle retrouve 47% d’erreurs médicamenteuses, quelque soit le stade du circuit du médicament : de la prescription à l’administration (47). 33 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) En France, les erreurs médicamenteuses en pédiatrie ont aussi été détectées à l’aide d’une activité de pharmacocinétique clinique au cours de laquelle des dosages de médicaments et des adaptations bayésiennes de posologies sont réalisées. Savet et al. ont effectué pendant 9 mois, 2 605 dosages de médicament et 877 adaptations bayésiennes de posologies. Ils ont mis en évidence 16 erreurs médicamenteuses ce qui correspond à un taux de 1,82 pour 100 adaptations de posologie et 0,61 pour 100 mesures de concentration sanguine (43). Stheneur et al. ont rapportés 75 erreurs médicamenteuses dans une étude multicentrique prospective conduite pendant 2 mois dans 9 services de pédiatrie d’hôpitaux universitaires français (48). L’étude menée par Fortescue et al. aux Etats-Unis est prospective et a analysé 10 778 ordonnances. Parmi celles-ci 616 (5,7%) comportaient une erreur dont 18,7% étaient potentielles et 0,8% évitables. 74% de ces erreurs concernaient une erreur de prescription : 28% se rapportaient au dosage, 18% à la voie d’administration et 9% à la fréquence d’administration (49). Ces études retrouvent des résultats et des pourcentages d’erreurs médicamenteuses très variables. Les erreurs d'administration ou de prescription sont les plus fréquentes, en particulier les erreurs de dose, de perfusion intraveineuse, de posologie et de fréquence. II.3.1.3 Situations physiopathologiques : Enfin, certaines situations physiopathologiques représentent des facteurs de risque d’iatrogénie médicamenteuse pour le patient, en particulier l’insuffisance rénale aigue ou chronique. Les patients insuffisants rénaux sont la cible de nombreux accidents iatrogènes d’origine médicamenteuse du fait notamment de l’absence d’adaptation posologique. Une étude effectuée à Paris, publiée en 2010 montre que les patients insuffisants rénaux présentent un risque d’erreur médicamenteuse important (deux fois plus que les patients normorénaux). Ces erreurs pourraient être facilement évitées, en effet les adaptations posologiques chez le patient insuffisant rénal sont bien documentées, contrairement à celles nécessaires chez le patient insuffisant hépatique (50). Dans l’étude de Marcum et al. utilisant les données biologiques pour détecter les effets indésirables médicamenteux, les critères recherchés les plus impliqués étaient l’insuffisance rénale aigüe, 34 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) l’hypokaliémie, l’hyperglycémie et l’hyperkaliémie. L’index normalized ratio (INR) était peu représenté dans la survenue de ces effets (51). De même, selon l’étude espagnole d’Aranaz et al., l’âge représentait un facteur responsable de 39,8% des effets indésirables liés aux médicaments, l’insuffisance rénale chronique 45,4% , l’insuffisance cardiaque 49,1% (52). II.3.2 Liées aux médicaments : Certaines familles de médicaments sont particulièrement responsables d’un taux important d’évènements indésirables. La HAS cible en particulier les psychotropes et les anticoagulants de la famille des anti-vitamines K (AVK) (53). Les médicaments anticoagulants bénéficient d’un programme de surveillance spécifique. Il s’applique notamment les anticoagulants oraux directs (AOD) qui sont suivis au niveau européen (le comité de pharmacovigilance et d’évaluation des risques (PRAC) évalue les données de sécurité disponibles de façon semestrielle) et au niveau national (le profil de sécurité de ces molécules est surveillé et un bilan est présenté en comité technique de pharmacovigilance tous les 6 mois), notamment en ce qui concerne le risque hémorragique (54). Les incidences des événements hémorragiques rapportés au cours des essais cliniques sont comparables entre les AOD et l’AVK de référence, la warfarine. Cependant, il a été observé que les AOD étaient associés à des taux d’hémorragies intracrâniennes plus faibles que la warfarine mais les taux d’hémorragies gastro-intestinales étaient plus élevées (55)(56). La comparaison du risque hémorragique des patients traités par AVK avec ceux qui changent leur traitement AVK par un AOD a été menée. Cette étude montre, qu’à 4 mois de suivi, il n’y a pas d’augmentation du risque d’évènement hémorragique sévère chez les personnes qui substituent leur traitement par AVK avec un AOD en comparaison avec celles qui restent sous AVK. Les résultats ne montrent pas non plus d’augmentation de risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique, d’embolie systémique, d’infarctus du myocarde (IDM) ou d’évènements composites (57). Une seconde étude comparant les AVK et les AOD ne retrouve pas, dans une analyse en intention de traiter, d’excès de risque hémorragique quelle que soit l’indication considérée ou d’excès de risque 35 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) thrombotique artériel dans l’indication de traitement chronique de la fibrillation auriculaire (FA), chez les patients initiant un AOD versus AVK dans les 90 premiers jours de traitement (58). L’incidence des accidents hémorragiques et des décès liés au traitement anticoagulants injectables, les héparines, observée au cours des études cliniques varie entre 0 et 7 % (0 à 2 % de décès) avec les héparines non fractionnées, et entre 0 et 3 % (0 à 0,8 % de décès) avec les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) (54). Dans l’étude ENEIS, les médicaments les plus impliqués dans la survenue des EIG sont les médicaments cardiovasculaires, les antalgiques, les anti-inflammatoires et les psychotropes (2). De nombreuses études ont été menées le sujet, en France comme à l’étranger. Une des études réalisées de nouveau par les CRPVs en France a montré que les accidents hémorragiques dus aux AVK arrivaient au premier rang des accidents iatrogènes (17), ce que confirme l’étude de Hoonhout et al. (59). L’étude prospective de Doucet et al. menée en 2001 chez le sujet âgé, a mis en évidence que les médicaments les plus impliqués dans les évènements indésirables médicamenteux sont les médicaments psychotropes (31,1%) et les médicaments de la sphère cardio-vasculaires (43,7%) (29). Ceci rejoint les données de la littérature dans lesquelles, malgré des pourcentages variables, les classes médicamenteuses les plus fréquemment retrouvées comme étant à risque d’iatrogénie sont les anti-infectieux (12) (60) (59), les médicaments psychotropes (60) (61) et les médicaments de la sphère cardio-vasculaires (40) (60) (61). D’après Budnitz et al., les hospitalisations pour évènements iatrogènes médicamenteux chez le sujet âgé sont dues dans 67% des cas à quatre classes de médicaments, administrés seuls ou en association. Il s’agit des AVK (dans 33,3% des cas), des antiagrégants plaquettaires (13,3%), des insulines (13,9%) ou des antidiabétiques oraux (10,7%) (41). Certains médicaments à marge thérapeutique étroite sont également fréquemment responsables d’iatrogénie médicamenteuse. Certains peuvent être monitorés à l’aide de dosages plasmatiques afin de suivre leur concentration et de tenter de diminuer ce risque (62). On retrouve notamment : 36 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) - Les digitaliques, en particulier la digoxine, qui exige une surveillance étroite des taux plasmatiques, de la situation physiologique du patient (en particulier la fonction rénale) et des interactions médicamenteuses (63). - Certains antibiotiques comme les glycopeptides et les aminosides nécessitent des dosages plasmatiques pendant le traitement pour adapter les doses en fonction des taux résiduels et des taux au pic. Ce qui permet d’éviter la toxicité de ces thérapeutiques (insuffisance rénale principalement) tout en atteignant une concentration efficace pour le traitement de l’infection (64) (65). - Les antiépileptiques comme la carbamazépine, le phénobarbital et l’acide valproïque présentent une grande variabilité pharmacocinétique intra-individuelle et nécessitent un suivi thérapeutique. De plus, ces médicaments sont des inducteurs ou inhibiteurs enzymatiques puissants, ce qui risque de modifier leur efficacité et leur tolérance (66). - Les immunosuppresseurs (ciclosporine, mycophénolate mofétil, siroliumus…) nécessitent euxaussi un suivi thérapeutique à l’aide d’un dosage des concentrations plasmatiques afin de s’assurer d’une part de leur efficacité (prévenir un rejet de greffe par exemple) et d’éviter tout risque de surdosage (67). D’autres médicaments ou classes de médicaments, ont une activité enzymatique (inhibitrice ou inductrice) et sont métabolisés par les cytochromes P450. Ces propriétés pharmacocinétiques sont un facteur de risque d’interactions médicamenteuses. Il s’agit d’un autre type de facteur de risque pour le patient d’origine médicamenteuse. C’est le cas par exemple de la rifampicine, un antituberculeux qui est également un puissant inducteur enzymatique. Il provoque une diminution d’efficacité de nombreux médicaments administrés de manière concomitante (68). Ainsi, l’iatrogénie médicamenteuse a été largement étudiée dans la littérature en France et à l’étranger. Elle est responsable de nombreux cas d’hospitalisations ou de prolongation d’hospitalisations, en proportion variable selon la population et les médicaments concernés. 37 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) En parallèle de l’étude des cas liés à l’iatrogénie médicamenteuse à l’hôpital, des méthodes d’étude du risque médicamenteux, en vue de pouvoir le prévenir, ont été étudiées et mises en place. 38 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III- Méthodes d’étude du risque médicamenteux : De nombreuses méthodes permettant la détection d’événements indésirables (médicamenteux ou non) sont utilisées depuis plusieurs années. III.1 Les méthodes classiques utilisées en pharmacovigilance : La pharmacovigilance est définie comme « la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’usage des médicaments ». Elle est née dans les années 1970 dans le but de maîtriser les conséquences indésirables de l’utilisation des médicaments. Ses missions se sont progressivement élargies, du simple recueil des effets indésirables médicamenteux à la quantification du risque médicamenteux puis à la diffusion d’une information pertinente et indépendante sur le médicament. Il s’agit plus précisément de la surveillance des médicaments et la prévention du risque d’effet indésirable résultant de leur utilisation, que ce risque soit potentiel ou avéré. Elle repose sur : - Le recueil basé sur la notification spontanée des effets indésirables par les professionnels de santé, les patients et associations agréées de patients et les industriels avec l’appui du réseau des 31 centres régionaux de pharmacovigilance en France. - L’enregistrement et l'évaluation de ces informations. - La mise en place d'enquêtes ou d'études pour analyser les risques, la participation à la mise en place et au suivi des plans de gestion des risques. - L’appréciation du profil de sécurité d’emploi du médicament en fonction des données recueillies. - La prise de mesures correctives (précautions ou restrictions d’emploi, contre-indications, voire retrait du produit) et la communication vers les professionnels de santé et le grand public. 39 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) - La communication et la diffusion de toute information relative à la sécurité d'emploi du médicament. - La participation à la politique de santé publique de lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse. La pharmacovigilance s’appuie sur une base réglementaire nationale et européenne : lois, décrets, directives, bonnes pratiques de pharmacovigilance publiées par arrêté (69). III.1.1 La notification spontanée des effets indésirables médicamenteux : Il s’agit d’une méthode de surveillance passive consistant au recueil, à l’échelon du territoire, des cas d’effets indésirables des médicaments observés suite à leur mise sur le marché. Elle repose sur la déclaration par les professionnels de santé de tout effet indésirable « grave » ou encore « inattendu » aux CRPVs. La notification spontanée reste le système universel de base utilisé dans tous les pays puisqu’elle permet de surveiller toute la population traitée par le(s) médicament(s) étudié(s). Son coût est modéré. L’application des méthodes d’imputabilité permet d’approcher la relation de cause à effet entre la survenue de l’effet indésirable et la prise du médicament. En France, une méthode officielle et validée de mesure de l’imputabilité médicamenteuse est utilisée (70). Elle repose sur des critères chronologiques et sémiologiques. La notification spontanée a permis depuis plusieurs années la description du profil des effets indésirables de nombreux médicaments en situation réelle de prescription. Cependant, elle ne permet jamais une collecte exhaustive de l’ensemble des cas survenus, en raison notamment de la sous-notification des effets indésirables médicamenteux par les professionnels de santé aux CRPVs. Des études récentes ont permis de quantifier cette sous-notification. Dans un travail concernant les hépatites médicamenteuses chez des patients hospitalisés, parmi l’ensemble des cas retrouvés, environ 8% ont été notifiés spontanément (71). Une autre équipe française a montré à partir de trois autres études, que 4,16 à 5,26% seulement des cas d’évènements indésirables graves ont été rapporté par la méthode de la déclaration spontanée des effets indésirables (72). 40 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Une étude espagnole s’est intéressée aux facteurs influençant les déclarations spontanées et a montré que la sous-notification des effets indésirables concerne principalement les effets psychiatriques et gastro-intestinaux. La notification des cas est élective, les effets les mieux connus et les moins graves sont les moins déclarés (73). La notification spontanée ne renseigne pas sur les conditions d’exposition et ne prend pas en compte la taille de la population traitée, ce qui ne permet pas de calculer le taux d’incidence du risque. Elle reste cependant la seule technique permettant de surveiller le médicament durant toute sa commercialisation. Elle est le moyen irremplaçable d’identification des effets indésirables inconnus jusqu’alors : elle joue donc un rôle essentiel dans l’alerte en pharmacovigilance. III.1.2 Autres méthodes utilisées : En pharmacovigilance, des méthodes de pharmaco-épidémiologies peuvent être utilisées pour étudier le risque médicamenteux. Le suivi de cohorte, par exemple, permet d’identifier en population réelle après mise sur le marché, l’incidence vraie des effets indésirables d’un médicament. La méthode cas-témoin est également utilisée en raison notamment de sa rapidité et de son moindre coût par rapport à la méthode des cohortes. Elles posent néanmoins le problème de la sélection des témoins et des biais dans le recueil de l’exposition médicamenteuse (74). Ces études pharmaco épidémiologiques permettent de vérifier et de quantifier le risque médicamenteux suspecté à partir de la notification spontanée. De même, les essais cliniques de phase III peuvent être utilisés. Ils sont habituellement construits pour évaluer le bénéfice d’un médicament, et non pas pour quantifier les effets indésirables. En effet, leur durée est brève, ils excluent souvent les sujets à risque, les enfants, les populations très âgées et les patients inclus sont en faible nombre, ce qui ne permet pas une puissance méthodologique suffisante. En revanche, la prise en compte de plusieurs essais dans une méta-analyse permet d’approcher la fréquence réelle de l’effet indésirable médicamenteux et de rechercher certains facteurs de risque (75). 41 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) La méthode cas / non cas consiste, à partir des observations enregistrées dans la Banque Nationale de Pharmacovigilance, à définir comme cas les observations comportant au moins un code de l’effet indésirable étudié dans la classification de l’organisation mondiale de la santé (OMS) utilisée par le système français de pharmacovigilance. L’ensemble des autres observations de la banque représente les non-cas ou témoins. Afin de reproduire la démarche d’une analyse cas-témoin à l’intérieur d’une base de données fermée, est définie comme exposition à un médicament de la classe étudiée la présence de ce médicament dans l’observation, quel que soit son score d’imputabilité. L’importance de l’association entre l’effet indésirable et le médicament est évaluée par le rapport de cotes (RC) d’exposition à ces médicaments chez les cas et les non-cas (74). Cette méthode a permis d’établir que le risque de syndrome de sevrage était plus important avec la paroxétine ou la venlafaxine qu’avec les autres antidépresseurs sérotoninergiques (76). Les principales limites de cette méthode sont liées à celles des études cas/témoins ainsi qu’à celles de la notification spontanée (sous notification, biais de reconnaissance de l’effet indésirable, absence d’estimation de la population traitée, informativité des observations…). Parmi les différentes méthodes d’étude du risque médicamenteux en pharmacovigilance, la notification spontanée reste la méthode fondamentale permettant notamment la détection et l’alerte. Dans certaines circonstances telles qu’un effet indésirable fréquent ou grave par exemple, elle peut s’avérer suffisante pour assurer une décision concernant un médicament. Ces décisions peuvent être une information concernant le bon usage, une restriction d’indication voire un retrait du marché. Cependant, cette méthode ne permet pas de quantifier réellement l’incidence des effets indésirables des médicaments. Il convient donc de faire appel aux méthodes pharmaco épidémiologiques. III.1.3 Les méthodes prospectives de détection des effets indésirables : Les méthodes prospectives de détection des effets indésirables des médicaments, basées sur les résultats biologiques du laboratoire par exemple, ont l’avantage de fournir un bénéfice immédiat au patient mais elles génèrent beaucoup de données, dont certaines manquent de pertinence. De plus, ce sont des méthodes sensibles mais peu spécifiques. La quantité de signaux générés gêne l’acceptation de la remarque pharmaceutique par le clinicien et l’utilisation en pratique courante. De ce constat est née la volonté d’engendrer moins de signaux en quantité mais que la spécificité de ceux-ci soit améliorée. Pour cela il est nécessaire de lier les différentes sources d’informations 42 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) relatives au patient entre elles : les résultats biologiques, les médicaments prescrits, les antécédents du patient... Ceci afin d’obtenir une méthode repérant en temps réel les effets indésirables médicamenteux potentiels chez un patient donné, dans une situation précise, définie. Pour cela, Neubert et son équipe ont étudié la possibilité d’associer les données disponibles dans le dossier médical, comme les résultats biologiques par exemple du patient aux connaissances théoriques médicales contenues dans le RCP des médicaments prescrits chez le même patient ; le but étant de transformer les connaissances théoriques sur les effets indésirables des médicaments des RCP en données exploitables pour leur détection. Cette méthode a été testée sur 970 patients admis en hospitalisation dans des services de pédiatrie et de médecine interne. Elle permet d’augmenter la spécificité des effets indésirables médicamenteux potentiels détectés, tout en maintenant une sensibilité élevée. En effet, au-delà des alertes relatives aux interactions médicamenteuses nombreuses sur chaque prescription, cette méthode signale en temps réel si un résultat de laboratoire pathologique ou un médicament risquant de perturber le test du laboratoire est associé à la prescription (77). L’impact réel de cette méthode en pratique courante, en termes de gain de temps et de coûts mais aussi en terme d’influence sur la décision du clinicien reste à évaluer. III.2 Méthode de détection rétrospective manuelle, méthode dite des « Trigger Tools »: Face à des systèmes de signalement des événements indésirables médicamenteux sous performants, l’analyse de tous les dossiers médicaux serait une solution pour détecter tous ces évènements. Cependant, cela semble complexe et chronophage. La méthode des « trigger tools » permet une alternative. Elle repose sur une analyse rapide d’une série de dossiers tirés au hasard dans les unités de soins. Chaque dossier n’est évalué que sur les critères recherchés relatifs aux signaux d’alertes d’évènements indésirables ou « triggers ». Une fois les dossiers à risques isolés, une analyse plus fine permet de détecter les évènements indésirables les plus fréquents. Le « trigger tool » ou « outil déclencheur » est un système de mesure rétrospectif permettant, par la lecture des dossiers des patients hospitalisés, la détection d’événements indésirables. En effet, il a été constaté que ces derniers ne sont pas systématiquement mentionnés dans le dossier du patient 43 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) alors que les mesures prises pour y remédier le sont et les conséquences sur le patient aussi. Ce sont ces événements que le « trigger tool » recherche, au moyen de 21 critères, répartis en une liste de médicaments, de résultats pathologiques d’analyses de laboratoires et de signes cliniques évocateurs d’effets indésirables médicamenteux. Dans un dossier de patient, l’apparition d’un de ces critères est recherchée. Si le critère est retrouvé, une recherche plus approfondie est effectuée, pour étudier la présence d’évènement indésirable et de référencer le cas si nécessaire. La méthodologie pour mener à bien cette démarche est décrite de manière précise : les évènements indésirables retrouvés sont classés selon leur sévérité (de A à I), les « triggers» ou indices à chercher sont catégorisés (mais l’équipe peut en imaginer de nouveau en fonction de leurs habitudes de travail), les personnes habilitées à effectuer cette démarche sont précisées ainsi que la manière dont les dossiers patients sont sélectionnés. Lorsqu’un des « triggers » recherché est positif, la recherche d’évènement indésirable associé doit être menée dans le dossier du patient pour prouver son imputabilité (78). Cette méthode vient des Etats-Unis où elle a été appliquée à tous les risques médicaux avec un succès constant (79) (80). Une étude effectuée par Griffin chez 854 patients ayant été hospitalisés dans un service de chirurgie a retrouvé un taux de 14,6% d’effets indésirables chirurgicaux dont 44% ont entrainé une prolongation de la durée d’hospitalisation ou une réadmission et 8,4% ont mis en jeu le pronostic vital ou entrainé une invalidité permanente ou le décès du patient. Par ailleurs, l’équipe a rapporté que plus de la moitié de ces évènements n’avaient pas été détecté autrement que par la méthode des « trigger tool » (81). Cette méthode a pu être exportée et testée ailleurs dans le monde, en adaptant la liste des « triggers » (82) (83). Depuis, l’utilisation des « trigger tool » pour détecter et permettre de prouver l’imputabilité d’un effet indésirable à un médicament a été démontré comme étant plus efficace que la déclaration spontanée des évènements indésirables ou la revue manuelle des dossiers patients (84) (85) (86). En particulier, une étude menée par Classen compare la détection des effets indésirables à l’aide de trois méthodes appliquées à la même cohorte de 795 patients provenant de trois hôpitaux en 2004. Les effets indésirables concernent un tiers des motifs d’hospitalisation. La méthode des « trigger 44 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) tool» a permis de détecter 90,1% des événements indésirables alors que la déclaration spontanée de ces mêmes effets a permis d’en recenser 1% et le système d’analyse (basé sur les indicateurs de sécurité des patients) retenu pour suivre les risques au niveau national en a comptabilisés 8,99%. La méthode des « triggers » a révélé 10 fois plus d’EIG que les deux autres méthodes. 393 événements indésirables ont été détecté au total dont 355 uniquement par les « triggers tools » (87). III.3 Méthodes de détection automatique des effets indésirables via des bases de données électroniques ou alertes électroniques : L’analyse de risques par les « triggers tools » peut être informatisée et systématisée si l’on dispose de dossiers patients informatisés. La détection automatique des situations à risque a été initiée par la méthodologie décrite par Classen dès 1990. Elle utilisait les données électroniques du dossier patient pour émettre des alertes automatiques au pharmacien sur la prescription d’un médicament ciblé chez un patient allergique par exemple. Les auteurs évoquent la possibilité d’identifier les patients à risque à l’aide de « trigger » pour limiter ou contrôler la prescription de certains médicaments et ainsi réduire l’apparition d’effets indésirables. Les « triggers » testés sont par exemple des données biologiques (clairance à la créatinine ou créatininémie, kaliémie, INR, glycémie), la prescription de médicaments à marge thérapeutique étroite, d’un antidote ou d’un correcteur d’un effet indésirable (88) (89) (90). D’autres équipes ont aussi par la suite utilisé les données du laboratoire pour détecter ces évènements indésirables hospitaliers (84) (91). D’autre part, l’informatisation a permis de diminuer le nombre d’évènements indésirables sur l’ensemble du circuit du médicament de manière générale (prescription du bon médicament à la bonne dose, alertes informatiques biologiques suite aux dosages sanguins…). Mais les alertes électroniques émises permettent-elles d’identifier, parmi les patients hospitalisés, ceux qui sont à haut risque de survenue d’évènements indésirables médicamenteux, fréquemment responsables d’iatrogénie? L’étude observationnelle prospective menée par Moore et son équipe a pour but d’évaluer la valeur prédictive positive (VPP) des alertes électroniques pour détecter ces EIM. Pour cela, 4 types d’EIM ont été suivi : hypoglycémie, hyperkaliémie, hypokaliémie et thrombocytopénie. Lorsqu’un patient présentait l’un de ces critères, les auteurs ont recherché une origine médicamenteuse pouvant 45 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) expliquer les taux biologiques anormaux. Au total, 611 alertes ont été recensées chez 456 patients parmi lesquels 101 ont eu une ou plusieurs origines médicamenteuses identifiées, 1 à 72 heures après l’alerte. Les auteurs ont mis en évidence que les alertes étudiées ont une VPP suffisante en prévention primaire pour détecter en temps réel les patients à risque de développer un EIM (4 alertes sont nécessaires pour éviter un EIM pour l’hypoglycémie et l’hyperkaliémie, 5 alertes pour la thrombopénie) (92). Une étude portant sur la détection des EIM chez 250 patients a permis de comparer la méthode traditionnelle de détection des « global trigger tool » (lecture rétrospective et manuelle des dossiers patients) avec une méthode informatisée utilisant une base de données des patients hospitalisés. Ces deux méthodes ont retrouvé respectivement 54 (22%) et 53 (21%) des patients ayant un ou plusieurs EIM. De plus, 140 (56%) patients avaient un ou plus critère (trigger) testé positif. Sur les 137 EIM détectés par au moins une méthode, 86 (63%) ont été détecté par la méthode traditionnelle des « trigger tool », 97 (71%) par la base de données électronique et 46 (34%) par les deux méthodes. Le lien retrouvé entre les deux méthodes est relativement faible avec environ un tiers des EIM détectés par les deux approches. Une combinaison de ces deux méthodes complémentaires semble être l’approche optimale pour détecter les EIM des patients hospitalisés (93). Des études visant à associer certains médicaments à risque à des critères biologiques ont été menées. Mull et son équipe, pour détecter les EIM, ont étudié certains critères applicables aux patients ambulatoires suite à un consensus d’experts. Ces critères associent la présence d’un médicament à un résultat biologique ou à un critère clinique anormal et à une durée de traitement. Les médicaments concernés sont des médicaments neutropéniants, néphrotoxiques, hyperkaliémiants, hypokaliémiants, la warfarine et les hypnotiques (94). Dans le cas particulier des traitements anticoagulants et plus spécifiquement les AVK, des alertes basées sur un INR supérieur à 3 et la prescription de vitamine K, l’antidote de ces traitements responsable de nombreux cas d’iatrogénie, ont été évalué par Hartis. Il en conclut que ce sont des indicateurs fiables pour mettre en évidence les EIM liés à la prescription de warfarine (95). 46 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.4 Méthode de détection à l’aide de « tableaux de bord » : Depuis de nombreuses années, les services de pharmacovigilance et les agences nationales ont mis en place des systèmes de report d’évènements indésirables. L’informatique et les statistiques médicales permettent d’aborder cette problématique d’une façon innovante et systématique pour contribuer à détecter et prévenir les évènements indésirables liés aux médicaments. En effet, la plupart des informations médicales des patients sont maintenant disponibles en format électronique et sont stockées dans de grandes bases de données hospitalières ainsi que dans les courriers des patients. Un projet européen a mis au point des analyses sémantiques sophistiquées de ces documents. La fouille statistique des données électroniques stockées et récupérées a permis l’identification d’associations significatives entre différentes variables. Ces variables associées peuvent être d’une part des combinaisons de médicaments et des conditions du patient et, d’autre part, des indicateurs d’effets indésirables comme des résultats anormaux d’analyse biologique. Ces connaissances sur les effets indésirables médicamenteux ont aidé à identifier des situations à risque dans chaque contexte de soins, selon les caractéristiques des patients (antécédents médicaux, évolution de l’état du patient au cours du séjour et le lieu d’hospitalisation (type d’hôpital ou spécialité médicale), etc.). A l’aide de ces connaissances, le projet a développé des outils innovants capables de rechercher certaines catégories d’effets indésirables dans les bases de données médicales et de fournir sur ceux-ci des chiffres fiables par pays, par région, par hôpital ou par unité médicale. Ils décrivent leur type, leurs conséquences et leurs causes probables. Cette étude a montré que la fréquence d’apparition d’évènements indésirables variait selon le type d’hôpital, la spécialité médicale et l’état de santé des patients. Des différences entre les hôpitaux et les pays, par exemple entre la France et le Danemark ont également été décrites ; elles peuvent être en relation avec les habitudes de prescription et d’utilisation des médicaments. L’objectif de ce projet est donc de développer des applications informatiques innovantes capables de détecter automatiquement des situations à risque et de fournir aux professionnels de santé des informations pertinentes pour les aider à prévenir ou mieux gérer ces effets indésirables (96). Cette méthode rétrospective de détection des EIM a aussi été testée et étudiée par Hackl à Lille. Elle se base sur des cas cliniques rencontrés dans une unité de soins, dans un contexte précis. Il s’agit de 47 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) « tableaux de bord » par unité de soins, qui retracent les EIM rencontrés. Les indicateurs intègrent les données concernant les médicaments, les données démographiques, les résultats biologiques du laboratoire ainsi que les diagnostics effectués par rapport au cas du patient. Le but de cette méthode est d’améliorer la vigilance des équipes soignantes sur le risque d’EIM et de les sensibiliser sur les causes de leur survenue, afin de pouvoir les détecter automatiquement et de diminuer le taux des EIM évitables (97). Ainsi, la déclaration spontanée des EIM conduit souvent à une sous déclaration des évènements, ce qui ne permet pas de calculer l’incidence de ces évènements. La relecture des dossiers médicaux est plus précise mais très chronophage. La principale limite de ces méthodes est qu’elles sont rétrospectives. III.5 Place du pharmacien hospitalier dans la gestion des alertes informatiques des logiciels de prescription : La place du pharmacien hospitalier dans la détection et la gestion de ces EIM chez les patients potentiellement à risque semble alors pertinente. Celle-ci a été étudiée par Mc Mullin et son équipe. Leur logiciel leur permettait de détecter des situations potentiellement à risque concernant le dosage prescrit des médicaments (en fonction des données démographiques, des données du laboratoire…) et d’émettre des alertes ensuite transmises aux pharmaciens. Ceux-ci relayaient alors l’information et les recommandations de prise en charge au prescripteur en fonction du contexte. Dans l’étude, 35 molécules ont été ciblées pendant 6 mois. Le problème principalement identifié concernait la dose (surdosage le plus souvent), pour 10% des molécules prescrites. Seulement 41% des alertes étaient transmises au prescripteur (98). Ceci confirme qu’actuellement, selon leur nature, 49% à 96% des alertes produites sont outrepassées par les prescripteurs en cas de transmission automatique par les systèmes d’aide à la décision (99). Horn et son équipe décrivent eux-aussi le manque de pertinence de nombreuses alertes émises par les outils informatiques. En particulier en ce qui concerne les informations relatives aux interactions médicamenteuses. Dans ce contexte, il leur semble nécessaire de faire évoluer les moyens électroniques de détection existants. Selon eux, 80% des alertes ne seraient pas prises en compte par 48 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) les médecins. Ils décrivent alors le rôle du pharmacien et sa contribution pour la réalisation de logiciels adaptés, permettant d’identifier les situations réellement à risque et nécessitant une alerte ; ceci afin de réduire le risque d’interactions médicamenteuses ayant des conséquences pour la prise en charge du patient (100). Une équipe brésilienne a mis en place un outil permettant d’assurer la comparaison et la reproductibilité des interventions pharmaceutiques. Pour cela, une revue de la littérature scientifique a permis d’extraire 49 études portant sur le sujet et retrouvant 58 types d’interventions pharmaceutiques. L’outil final comporte 54 items organisés en 12 domaines. La reproductibilité de chaque item a été recherchée par des tests statistiques, ce qui permet de fournir un outil performant pour la description des éléments des interventions pharmaceutiques. Cet outil permet de comparer rétrospectivement les différentes études ayant eu lieu sur le sujet et pourrait servir de référence pour des études à venir (101). En France, la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC) a mis en place un document similaire (102): il s’agit d’un outil informatique de documentation et d’analyse des interventions pharmaceutiques. Les objectifs de cet outil sont : - D’aider le pharmacien clinicien au quotidien à recueillir et quantifier les interventions de pharmacie clinique effectuées à partir de l’analyse pharmaceutique des prescriptions, - De standardiser les pratiques et quantifier l’activité principale de pharmacie clinique, - De favoriser la mise en commun des données pour la recherche épidémiologique, - D’aider à l’enseignement de la pharmacie clinique. Il s’agit du premier outil de ce type traduit en langue française, disponible sur le site internet de la SFPC. Il a été testé auprès de 12 pharmaciens francophones ce qui a permis de prouver sa reproductibilité. L’utilisation d’un référentiel commun permet d’uniformiser les pratiques et d’utiliser une base commune et comparable pour la réalisation d’études portant sur l’évaluation de l’impact du pharmacien clinicien dans la gestion et la prévention des évènements indésirables liés aux médicaments. 49 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Deuxième partie : Mise en place d’une méthode de détection et de sélection des ordonnances à risque à l’Hôpital Nord-Ouest (HNO) 50 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) I- Objectifs : La validation systématique ciblée des prescriptions contenant certains médicaments à risque a été mise en place à l’HNO en décembre 2012 suite au référencement des AOD (rivaroxaban, dabigatran), dans le but d’assurer leur dispensation nominative individuelle. Depuis octobre 2013, la colchicine et le méthotrexate par voie orale (VO) font aussi partie des médicaments validés quotidiennement et de manière systématique au centre hospitalier. Une requête informatique par code de la classification Anatomique, Thérapeutique et Chimique (ATC) sur le logiciel de prescriptions de l’établissement (CristalNet®) permet la réalisation de cette nouvelle pratique. Après un an de validation systématique des prescriptions des anticoagulants par voie orale, 192 prescriptions ont été analysées et le taux d’IP réalisées sur ces ordonnances est de 33%. Les interventions effectuées sont principalement retrouvées en cas de posologie supra thérapeutique (en particulier chez la personne âgée ou en insuffisance rénale) ou en cas d’interactions médicamenteuses (avec l’amiodarone, les héparines calciques ou de bas poids moléculaires, les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine…) (103). Concernant la colchicine, 6 mois après la mise en place de ces validations systématiques, le taux des IP effectuées est de 57,2%. 25% d’entre elles concernent une interaction médicamenteuse contre indiquée ou déconseillée (avec un macrolide ou du vérapamil le plus souvent). Le taux d’IP obtenu après 6 mois de validation des prescriptions contenant du méthotrexate par VO est de 50%, l’intervention majeure est un surdosage dû à la prescription quotidienne de ce médicament (104). Par ailleurs, une validation des prescriptions de manière transversale sur les différentes unités de soins de l’établissement, à l’aide des critères biologiques rendus anormaux par le laboratoire de biologie est effective à l’HNO depuis 2011. Suite aux limites rencontrées avec le système ciblé de validation des prescriptions à l’aide des critères biologiques, et forts de l’expérience de la validation ciblée sur les AOD, la colchicine et le méthotrexate par VO, nous avons souhaité évaluer plus précisément ces deux modes de validation des prescriptions. Pour compléter cette étude, nous avons mis en place une approche ciblée par médicaments considérés comme étant à risque lors de la validation des prescriptions, afin de connaître les 51 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) médicaments sur lesquels le plus grand nombre d’interventions pharmaceutiques sont effectuées, et d’évaluer leur pertinence. La méthodologie et les résultats obtenus suite aux validations des prescriptions à l’aide de ces deux approches sont présentés dans cette deuxième partie ainsi qu’une discussion sur le choix des critères retenus pour leur application en pratique courante. 52 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) II- Matériels et méthodes : II.1 Approche par critères biologiques : Etant donné l’évolution de la réglementation évoquée dans la première partie, la nécessité de la prévention du risque iatrogène par le pharmacien clinicien ainsi que la quantité importante d’ordonnances à analyser et le manque de moyens pharmaceutiques, une hiérarchisation des prescriptions à analyser s’impose pour améliorer la sécurité du patient. C’est pourquoi, une activité d’analyse pharmaceutique ciblée des patients à risque en fonction de résultats biologiques anormaux à été mise en place à l’HNO de Villefranche-sur-Saône. Cette démarche vient en complément de la validation déjà réalisée par services de l’établissement, pour les médicaments dont les indications relèvent du contrat de bon usage ainsi que pour certains antibiotiques dits « réservés ». Une étude a été menée pour analyser cette nouvelle approche ciblée de validation des prescriptions au sein de l’établissement, pour évaluer la pertinence des critères biologiques sélectionnés mais aussi pour améliorer et développer cette méthode. Une étude rétrospective sur l’activité d’analyse ciblée des prescriptions à l’HNO a été menée pendant 19 mois : de septembre 2012 à mars 2014. Les critères associés à un risque ont été initialement mis en évidence par une revue de la littérature et par une étude comparative (analyse par critères versus analyse habituelle), ce qui a permis de sélectionner les critères (105). II.1.1 Patients de l’étude : Les critères d’inclusion des patients dans l’étude sont : kaliémie ≤ 3 mmol/l, kaliémie ≥ 5,2 mmol/l, INR ≥ 4 et/ou créatininémie≥ 125 µmol/l. Une requête informatique permet de détecter les résultats biologiques précédemment définis parmi l’ensemble des résultats biologiques rendus par le laboratoire de biologie de l’établissement. Une liste des patients concernés par ces critères est éditée de manière quotidienne, les jours ouvrés. 53 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) II.1.2 Analyse pharmaceutique des prescriptions : Une analyse pharmaceutique de ces ordonnances ciblées a lieu quotidiennement, les jours ouvrés. Elle est intégrée à l’activité de pharmacie clinique habituelle de validation des prescriptions des services du centre hospitalier. Cette activité est réalisée par des pharmaciens et internes en pharmacie qui valident les prescriptions selon une analyse de niveau 2, d’après la classification de la SFPC (106). Le logiciel de validation des prescriptions est CristalNet®. Les IP et les optimisations pharmaceutiques associées correspondent à la classification de la SFPC (102). II.1.3 Recueil de données : Afin de mener à bien notre étude, les données suivantes ont été recueillies : valeur du critère biologique, nombre de prescriptions analysées sur la période étudiée, IP effectuées. Plus particulièrement, nous avons étudié le nombre d’IP, le type d’IP et les médicaments concernés par ces IP. Le taux d’IP dans notre étude correspond au ratio du nombre d’IP effectué sur le nombre de critères détectés pendant la période étudiée. Il est à noter que l’ordonnance d’un même patient a pu être validée plusieurs fois. En effet, si celui-ci présente au cours de son hospitalisation (ou lors de différents séjours hospitaliers) plusieurs bilans biologiques comportant une anomalie sur un des critères étudiés, sa prescription fera l’objet de plusieurs validations. II.1.4 Pertinence des critères étudiés : La pertinence des critères retenus a été évaluée à l’aide d’un test du Chi2 d’indépendance. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SAS® version 9.2. Pour l’ensemble des analyses, le seuil de significativité retenu était de 0,05. 54 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) II.2 Approche par médicaments à risque : Une approche complémentaire de celle basée sur les critères biologiques et ciblée sur certains médicaments considérés comme étant à risque lors de la validation des prescriptions a été mise en place à l’HNO. II.2.1 Sélection des médicaments : La définition des médicaments et des prescriptions à risque est difficile à définir et aucune liste validée et officielle n’existe. D’après l’arrêté du 6 avril 2011, cette problématique concerne de très nombreuses thérapeutiques et en prenant en compte la définition de ce texte de loi, les médicaments à risque représentent un nombre important de médicaments à cibler. En effet, il s’agit des « médicaments requérant une sécurisation de la prescription, de la dispensation, de la détention, du stockage, de l'administration et un suivi thérapeutique approprié, fondés sur le respect des données de référence afin d'éviter les erreurs pouvant avoir des conséquences graves sur la santé du patient (exemples : anticoagulants, antiarythmiques, agonistes adrénergiques IV, digitaliques IV, insuline, anticancéreux, solutions d'électrolytes concentrées...). Il s'agit le plus souvent de médicaments à marge thérapeutique étroite » (1). Ainsi, en l’absence de liste de référence de médicaments à risque, chaque établissement tend à établir sa propre liste validée par les pharmaciens et/ou en Commission des Médicaments et Dispositifs Médicaux Stériles (COMEDIMS) (107) (108). Dans ce contexte, nous avons cherché à établir notre propre liste de médicaments à risque. II.2.1.1 Par l’expérience : Nous avons réalisé une extraction informatique de l’ensemble des IP effectuées sur l’établissement de santé pendant l’année 2013. Pour chaque médicament ayant fait l’objet d’une IP, nous avons identifié le nombre de prescriptions de ce même médicament qui ont eu lieu sur cette année 2013, afin de rapporter le taux d’IP au volume de prescriptions. Différents axes de réflexion, en fonction des IP réalisées pendant l’année 2013, ont contribués à la sélection des médicaments à risque de l’étude : 55 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) II.2.1.1.1 Approche par IP réalisées en 2013 : Pour chaque molécule ayant fait l’objet d’une IP pendant l’année 2013, le nombre de prescription associée ainsi que le nombre de patient ayant reçu cette molécule ont été comptabilisé. Ainsi, pour chaque médicament concerné on obtient : - le nombre d’IP, - le ratio du nombre d’IP par rapport au nombre de prescription contenant ce médicament, - le ratio du nombre d’IP par rapport au nombre de patient ayant reçu ce traitement ciblé. Il est à noter que par molécule, le nombre de prescription diffère du nombre de patient du fait des mutations du patient entre différentes unités de soins lors du parcours de sa prise en charge hospitalière. Ont été éliminées les molécules dont le nombre de prescriptions ou de patients par an est anecdotique (< à 5). II.2.1.1.2 Approche par unités de soins validées en 2013 : A l’HNO, différentes approches complémentaires ont lieu pour la validation des prescriptions : en fonction des critères biologiques, par unités de soins, les médicaments en sus des GHS, certains antibiotiques réservés... Ces validations induisent des biais dans les IP réalisées. Par exemple, avec l’approche par critères biologiques (kaliémie, créatinémie, INR), les IP réalisées se rapportent davantage aux médicaments dont la posologie est à adapter selon la fonction rénale, aux AVK et enfin aux médicaments interagissant avec la kaliémie. Afin de limiter ce biais, nous avons souhaité identifier les IP réalisées (indépendamment de la validation en fonction des critères biologiques) dans les différents services d’hospitalisation. Pour cela, nous avons répertorié les IP émanant des unités de soins dans lesquelles se trouve un pharmacien référent qui valide régulièrement les prescriptions de ce service (gastro-entérologie ; pneumologie ; neurologie ; médecine gériatrique et service de soins de suite et réadaptation (SSR). II.2.1.1.3 Approche par médicaments et interactions médicamenteuses : Une extraction des IP concernant uniquement les interactions médicamenteuses a été menée. Cela concerne les IP intitulées d’après la classification de la SFPC « interaction médicamenteuse (tout type)», « contre-indication », « association déconseillée », « précaution d’emploi », « à prendre en compte », « non conformités aux consensus ou contre-indication ». 56 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Les IP concernant une interaction liée à un paramètre biologique du patient ont été supprimées, il s’agit par exemple, d’IP intitulée « association déconseillée » lorsque la kaliémie ou la créatininémie du patient déconseille l’utilisation du médicament. II.2.1.2 Approche par sondage auprès de pharmaciens hospitaliers : Pour obtenir notre liste de médicaments à risque, en complément de la recherche bibliographique et des approches précédentes basées sur notre expérience, nous avons mis en place un sondage auprès de pharmaciens hospitaliers. Nous avons souhaité interroger nos confrères sur leurs notions et leurs connaissances des médicaments à risque par rapport à leur pratique de validation pharmaceutique des prescriptions. Ainsi, nous avons réalisé un sondage auprès de 95 pharmaciens hospitaliers pour estimer leur perception des médicaments à risque lors de la validation pharmaceutique des prescriptions. II.2.1.2.1 Présélection de la liste des médicaments : Le choix des médicaments retenus pour ce sondage a été fait en concertation avec l’équipe de l’HNO. 2 internes en pharmacie, 1 assistant spécialiste et 2 pharmaciens hospitaliers (PH), se sont réunis pour élaborer, d’après leurs pratiques à l’HNO une liste de médicaments à risque. Cette liste a été testée auprès de 13 pharmaciens hospitaliers pour la faire évoluer et y apporter des modifications (ajout de médicaments ou classes thérapeutiques, classes thérapeutiques précisées, etc.). II.2.1.2.2 Composition de la liste des pharmaciens pour l’envoi : Les pharmaciens choisis pour l’envoi du sondage font partie des connaissances de l’interne, de l’assistant spécialiste et du PH travaillant sur le projet. Il s’agit d’un échantillonnage de convenance de pharmaciens exerçant tous dans un établissement de santé. II.2.1.2.3 Elaboration d’un questionnaire : Il était demandé aux pharmaciens interrogés de classer, pour chaque médicament, le niveau de risque associé perçu, selon leur ressenti. Il leur a été précisé que le but de l’exercice est de rechercher, pour chaque médicament, un niveau de risque global sans distinction d’âge ou de pathologies par exemple. De même, il a été précisé qu’il s’agit d’un risque lors de la validation 57 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) pharmaceutique des prescriptions uniquement. Ceci exclut le risque lié au rangement, à la préparation, à la prescription ou à l’administration des médicaments. Etant donné que tous les médicaments comportent un risque, il leur était demandé de choisir le niveau de risque leur semblant le plus approprié pour tous les médicaments ou classes de médicaments cités. Pour cela, à chaque médicament proposé, ils devaient choisir un niveau de risque parmi : « risque très élevé », « risque élevé », « risque modéré » ou « absence de risque / risque faible ». II.2.1.2.4 Diffusion : Ce sondage a été élaboré à l’aide d’un document « Googledoc » et diffusé par courrier électronique au panel de pharmaciens hospitaliers. Il comporte 63 médicaments ou classes de médicaments présélectionnés (voir Annexe 1). II.2.1.2.5 Choix des méthodes d’exploitation des résultats et classement des médicaments : Pour exploiter les résultats, nous avons choisi plusieurs méthodes : II.2.1.2.5.1 Pondération des réponses : Une première approche est une pondération des réponses. Un score global est attribué par médicament. Ce score est construit de la manière suivante : 5 points par réponses « risque très élevé », 3 points par réponses « risque élevé », 1 point par réponses « risque modéré » et enfin 0 par réponses « absence de risque / risque faible ». Cette approche a permis d’établir le palmarès des 10 médicaments considérés comme étant les plus à risque d’après l’expérience des pharmaciens hospitaliers. Nous avons ensuite construit 3 classements qui prennent respectivement en compte : - le score global de chaque médicament, - le score correspondant au risque de la catégorie « très élevé » seul, - le score correspondant au risque de la catégorie « absence de risque / risque faible ». 58 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) II.2.1.2.5.2 Proportion de pharmaciens : Nous avons aussi recensé les médicaments pour lesquels 80% ou plus des pharmaciens sont d’accord pour leur attribuer un même niveau de risque. Nous obtenons ainsi 3 classements : risque « très élevé » ; risque « élevé » (qui correspond à l’addition des pourcentages obtenus dans la catégorie « risque très élevé » avec ceux de la catégorie « risque élevé ») et risque « faible » (addition des pourcentages obtenus dans la catégorie « absence de risque/ risque faible » avec ceux de la catégorie « risque modéré »). 59 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) II.2.2 Méthode de validation par médicaments à risque mise en place à l’HNO : II.2.2.1 Patients de l’étude : Nous avons menée une étude prospective à l’HNO. Elle consiste à analyser, pour chaque médicament identifié comme étant à risque, 100 prescriptions. Dans cette étude, sont inclus l’ensemble des patients ayant le médicament étudié prescrit dans leur traitement le jour de la validation. La prescription ne doit pas avoir été validée au préalable : aucun pharmacien n’ayant travaillé sur la prescription auparavant. L’analyse pharmaceutique de ces ordonnances ciblées a eu lieu quotidiennement, les jours ouvrés pendant la période de l’étude. Elle est intégrée à l’activité de pharmacie clinique habituelle de validation des prescriptions des services du centre hospitalier. Pour certains médicaments, la validation a lieu sur une courte période (2 ou 3 jours). L’ensemble des pharmaciens et internes en pharmacie de l’HNO présents le jour donné participe à cette validation, selon un planning défini. Pour ces médicaments, nous avons souhaité obtenir une répartition des prescriptions par services qui corresponde le plus possible aux habitudes de prescription de l’établissement et ainsi limiter un biais éventuel de prescription liés à des spécificités propres à certains services. Pour cela, nous avons extrait le nombre de prescriptions qui ont eu lieu durant l’année 2013 par services et par médicament sélectionné et établit cette distribution. L’ensemble des services prescripteurs du médicament donné est ainsi inclus dans l’étude. Le planning des validations tient compte de cette répartition : le nombre d’ordonnances à analyser par services est précisé. Ainsi, les prescriptions validées pour l’étude un jour donné sont sélectionnées selon leur proportion dans les services concernés, et par ordre alphabétique du nom du patient ; jusqu’à obtenir le nombre de prescriptions suffisants dans l’unité de soins en question. Pour d’autres médicaments, la validation a lieu chaque jour, par une « veille quotidienne » des nouvelles prescriptions contenant ces médicaments, jusqu’à atteindre le nombre souhaité de prescription ; sans prendre en compte la répartition des prescriptions par services. 60 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Enfin, certains médicaments sont validés de manière systématique à l’HNO, nous avons ainsi exploité les données du fichier de ces analyses effectuées quotidiennement. II.2.2.2 Analyse pharmaceutique des prescriptions : De la même manière que pour l’approche par critères biologiques, cette activité est réalisée par des pharmaciens et internes en pharmacie qui valident les prescriptions selon une analyse pharmaceutique de niveau 2, qui effectuent des IP et qui proposent des optimisations pharmaceutiques, d’après la classification de la SFPC (106). Le logiciel de validation des prescriptions est CristalNet®. II.2.2.3 Recueil de données : Une grille de recueil de données est nécessaire à la réalisation de l’étude. Celle-ci a été élaborée et mise à la disposition de chaque pharmacien validant (voir Annexe 2). Pour chaque ordonnance validée, des données d’identification du patient (date de validation, numéro de venue du patient, date de naissance, sexe, service d’hospitalisation, nom du médicament) ont été recueillies. Si une IP a été effectuée à propos du médicament étudié (et uniquement dans ce cas-là), cette grille de recueil est complétée par des données concernant le motif d’hospitalisation, certains critères cliniques (antécédents cliniques, comorbidités…), des critères biologiques (fonction rénale, kaliémie, plaquettes, hémoglobine, INR…) ainsi que la nature de l’IP et l’optimisation pharmaceutique associée proposée. Pour chaque médicament sélectionné, sont comptabilisées les IP effectuées, de manière qualitative, quantitative ainsi que le suivi de leur acceptation par l’équipe médicale à l’origine de la prescription. Un même patient présentant plusieurs des médicaments ciblés n’a pas pu être inclus plusieurs fois dans l’étude En effet, la validation s’effectue pour un médicament précis et un des critères d’inclusion est l’absence de validation préalable de l’ordonnance. II.2.2.4 Méthodes d’exploitation des résultats : Les résultats concernant le taux d’IP obtenu ont été analysés à l’aide, d’une part, d’un test du Chi2 d’indépendance, où, pour l’ensemble des analyses, le seuil de significativité retenu était 3,84 pour un 61 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) risque à 5% (pour 1 degré de liberté). Si le taux d’IP est significatif, celui-ci est comparé au taux d’IP habituellement retrouvé sur l’établissement afin de déterminer si celui-ci est significativement supérieur au taux d’IP habituel. II.2.2.5 Uniformisation des validations par les pharmaciens : Une fiche d’aide à la validation des prescriptions avec des rappels généraux sur la validation des médicaments ou classe thérapeutique des médicaments concernés par l’étude a été élaborée. Celle-ci a été expliquée à l’aide d’un diaporama et diffusée à l’ensemble des pharmaciens de l’équipe participant aux validations lors d’une réunion qui a eu lieu au moment de la mise en place de l’étude. Cette démarche vise à rappeler les grandes particularités de chaque classe médicamenteuse incluse afin d’uniformiser les pratiques de chaque pharmacien. De plus, des réunions de pharmacie clinique ont lieu mensuellement à l’HNO. Elles rassemblent pharmaciens, internes en pharmacie et étudiants en 5ème année hospitalo-universitaire. A partir de cas cliniques rencontrés, des discussions permettent de réfléchir et décider ensemble de conduites à tenir et interventions à effectuer. Par ailleurs, des fiches d’interventions pharmaceutiques ou « FIP » sont réalisées pour standardiser les IP afin d’optimiser et uniformiser les pratiques de validation. Celles-ci sont effectuées par un groupe de travail multicentrique composé de pharmaciens cliniciens de 3 centres hospitaliers. Une revue de la littérature est réalisée sur un sujet sélectionné et permet d’élaborer la FIP. Cette FIP est ensuite validée par une collaboration pharmacien/médecin avec des praticiens référents dans le domaine concerné. La FIP est ensuite diffusée à l’ensemble des pharmaciens des autres établissements. Ainsi, des FIP telles que « paracétamol chez le patient de moins de 50 kg et chez l’insuffisant rénal sévère» élaborée avec des gériatres et des néphrologues, ou « colchicine chez l’insuffisant rénal et/ou personne âgée » validée par des rhumatologues, des internistes et des gériatres, ou encore « association de médicaments allongeant l’intervalle QT » ont vues le jour et servent de support d’aide à la validation des prescriptions. 62 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III- Résultats : III.1 Approche par critères biologiques : L’étude a inclus 2 454 patients. L’âge moyen des patients est de 80,1 +/- 13,6 ans. 8 001 ordonnances ont été validées, incluant 8 606 critères au total. III.1.1 Taux d’IP effectuées : 1 770 IP ont été réalisées, soit un taux d’IP de 20,6%. Parmi ces IP effectuées, 1 166 (65,9%) sont en lien avec le critère biologique anormal détecté. III.1.2 Types d’IP effectuées : Les principales IP réalisées sont relatives à une posologie supra-thérapeutique (34,0%), une contreindication (15,9%) et une indication non traitée (14,8%). Les contre-indications sont de deux types et concernent soit deux médicaments soit une situation physiopathologique du patient (insuffisance rénale par exemple). Les indications non traitées portent par exemple sur l’ajout d’une supplémentation potassique en cas d’hypokaliémie. Les optimisations pharmaceutiques associées aux IP réalisées qui ont été proposées sont principalement une adaptation posologique (34,4%), l’ajout d’un médicament (20,2%) et la substitution ou l’échange d’une thérapeutique (17,8%). III.1.3 Taux d’IP par critères : Parmi les critères biologiques anormaux détectés, ont été rapportés 907 INR ≥ 4, 1 804 dyskaliémies et 5 895 créatininémies ≥ 125 µmol/l. Les taux d’IP par critères sont respectivement 26,4% pour l’INR dont 70,7% en rapport avec le critère, 34,3% pour les dyskaliémies dont 73,1% en lien avec le critère et 19,3% pour les patients insuffisants rénaux dont 64,1% en lien avec le critère. 63 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Tableau 3 : Nombre de critères anormaux détectés, d’IP et d’IP en lien avec le critère Nombre de Nombre d’IP en lien avec Critère critères anormaux Nombre d’IP le critère détectés INR ≥ 4 907 (10,5%) 239 (26,4%) 169 (70,7%) Dyskaliémie 1 804 (21,0%) 618 (34,3%) 452 (73,1%) Créatininémie ≥ 125 µmol/l. 5 895 (68,5%) 1 138 (19,3%) 730 (64,1%) III.1.4 Médicaments concernés par les IP : III.1.4.1 Pour les INR ≥ 4 : Les médicaments concernés par les IP en lien avec un INR élevé, sont dans 71,8% des cas les anticoagulants de la famille des anti-vitamines K (AVK) (toutes les molécules de cette famille confondues). Ces IP portent aussi sur la vitamine K, l’antidote de ces anticoagulants, dans 11,4% des cas. Nous retrouvons de manière plus ponctuelle des IP mentionnant une interaction avec la digoxine par exemple (1,2%) ou avec des antibiotiques, en particulier de la famille des quinolones (1,2%). Ces IP alertent sur une association déconseillée et préconisent un suivi thérapeutique avec une surveillance rapprochée de l’INR. III.1.4.2 Pour les dyskaliémies : 78,0% des IP en rapport avec une dyskaliémie concernent des suppléments ioniques, parmi lesquels on retrouve les sels de potassium dans 31,8% des cas, le polystyrène sulfonate de sodium dans 25,4% des cas et enfin les polyioniques dans 8,6% des cas. Les autres médicaments retrouvés parmi ces IP sont les diurétiques (dans 7,6% des cas) et les médicaments antihypertenseurs de la famille des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes de l’angiotensine II (ARA II) (dans 2,7% des cas). 64 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.1.4.3 Pour les créatininémies ≥ 125 µmol/l : 21,3% des IP en lien avec une insuffisance rénale concernent les médicaments anti-infectieux (toutes classes confondues) et plus précisément l’amoxicilline/acide clavulanique dans 8,9% des cas et la famille des fluoroquinolones dans 6,0% des cas. Par ailleurs, ces IP concernent les médicaments antalgiques dans 12,1% des cas (en particulier le paracétamol dans 7,7% des cas), les diurétiques dans 8,6% des cas, les HBPM dans 7,4% des cas et les antidiabétiques oraux dans 6,6% des cas. Tableau 4 : Principaux médicaments concernés par les IP Critères Classe médicamenteuse concernée par les IP Pourcentage (%) INR AVK Vitamine K Digoxine Quinolones 71,8% 11,4% 1,2% 1,2% Suppléments ioniques Dont : Sels de potassium Polystère sulfonate de potassium Polyioniques 78,0% Diurétiques 7,6% IEC + ARAII 2,7% Anti-infectieux Dont : Amoxicilline / acide clavulanique Fluoroquinolones 21,3% Antalgiques Dont : Paracétamol 12,1% Diurétiques 8,6% HBPM 7,4% Antidiabétiques oraux 6,6% Kaliémie Clairance 31,8% 25,4% 8,6% 8,9% 6,0% 7,7% 65 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.1.5 Pertinence des critères : - Test d’indépendance entre le nombre d’IP et les critères retenus : Tableau 5 : Test d’indépendance entre le nombre d’IP et les critères Critère Nombre d’IP p value INR ≥ 4 239 (26,4%) 0,001 Dyskaliémie 618 (34,3%) < 0,001 Créatininémie ≥ 125 µmol/l. 1138 (19,3%) < 0,001 Il existe une liaison significative entre le taux d’IP effectué et les trois critères étudiés (p=0,001 pour l’INR et p<0,001 pour les dyskaliémie et la créatininémie). Il semble pertinent de valider les prescriptions contenant ces résultats biologiques anormaux. - Test d’indépendance entre le nombre d’IP en lien avec le critère et les critères retenus : Tableau 6 : Test d’indépendance entre le nombre d’IP en lien avec les critères et les critères Nombre d’IP en lien Critère p value avec le critère INR ≥ 4 169 (70,7%) 0,094 Dyskaliémie 452 (73,1%) < 0,001 Créatininémie ≥ 125 µmol/l. 730 (64,1%) 0,034 Il existe une liaison significative entre le taux d’IP en lien avec le critère et le critère retenu pour la kaliémié (p<0,001) et pour le critère créatininémie (p=0,034). En revanche, la liaison n’est pas significative pour le critère INR (p=0,094>0,05). 66 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2 Approche par médicaments : III.2.1 Médicaments sélectionnés : III.2.1.1 Par l’expérience : Le fichier informatique des IP extrait de manière brute comporte 4 328 lignes. Ont été exclues : - Les IP réalisées par les pharmaciens du centre hospitalier de Trévoux : CH appartenant à la même communauté hospitalière de territoire (CHT), dont les pratiques sont similaires (logiciels et type de prescriptions identiques) (337 lignes). - Les IP concernant une non-conformité du livret thérapeutique de l’établissement (1 042 lignes). - certaines lignes non exploitables (absence du nom de la molécule) (70 lignes). Le fichier de travail comporte alors 2 865 lignes exploitables. III.2.1.1.1 Approche par IP réalisées en 2013 : A l’aide de l’approche par IP réalisées en 2013, on obtient : Tableau 7 : Médicaments concernés par les IP qui ont eu lieu en 2013 Médicaments Nombre d’IP (n=2 865) 1 Fluindione 154 2 Paracétamol 140 3 Potassium chlorure 100 4 Amox/ac.clavulanique 98 5 Ofloxacine 80 6 Enoxaparine 60 7 Allopurinol 54 8 Spironolactone 51 9 Warfarine 49 10 Dalteparine 48 67 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Tableau 8 : Principaux médicaments concernés par les IP qui ont eu lieu en 2013 en fonction du nombre de prescriptions Médicaments Ratio IP/prescriptions (en %) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Céfépime Voriconazole IV Teicoplanine Levofloxacine Ciprofloxacine Temozolomide Erythropoietine alpha Rivaroxaban Docusate sodique 20,6 18,7 16,7 15,6 13,8 12,8 12,8 12,7 12,7 Tableau 9 : Principaux médicaments concernés par les IP qui ont eu lieu en 2013 en fonction du nombre de patients traités Médicaments Ratio IP/patients (en %) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Tocilizumab Temozolomide Immunoglobuline humaine octagam Méthadone Modecate Teicoplanine Cefepime Acenocoumarol Levofloxacine Erythropoietine alpha 87,5 61,1 41,7 38,5 37,5 29,3 25,0 22,0 21,4 21,4 68 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Des regroupements logiques de molécules ont permis de mettre en évidence : Tableau 10 : Grandes familles de médicaments concernées par les IP qui ont eu lieu en 2013 Ratio Ratio Nombre d’IP IP/prescriptions IP/patients (n=2 865) (en %) (en %) Anticoagulant Antalgique Antibiotiques AVK : fluindione/warfarine/acénocoumarol Héparine : enoxaparine / daltéparine / tinzaparine 227 6,0 15,3 122 1,8 2,6 AOD : rivaroxaban / dabigatran 43 12,5 19,0 Paracétamol 143 0,5 0,9 Tramadol 57 0,6 0,8 Morphine 35 0,3 0,5 Quinolones: ofloxacine/ lévofloxacine/ ciprofloxacine 128 8,6 11,6 69 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2.1.1.2 Approche par unités de soins validées en 2013 : Les tableaux suivants répertorient, par médicaments, le nombre d’IP, le nombre de prescriptions et le ratio du nombre d’IP par rapport au nombre de prescriptions, selon les unités de soins : Tableau 11 : Médicaments concernés par les IP en fonction des unités de soins validées Gastrologie Pneumologie Ratio IP/prescriptions (en %) Médicament Neurologie IP Prescrip -tions Ratio IP/prescriptions (en %) Médicament IP Prescrip -tions Potassium chlorure VO 17 286 5,9 Fluindione 27 225 12,0 Amox/ac.clavulanique 15 260 5,8 Ciprofloxacine 13 51 25,5 Ofloxacine 15 109 13,8 Amox/ac.clavulanique 10 331 3,0 Enoxaparine 14 132 10,6 Fentanyl 10 188 Phosphore 14 178 7,9 Paracétamol 10 Paracétamol 13 1293 1,0 Ofloxacine Allopurinol 12 30 40,0 Osmotan 5 % 12 619 Potassium 11 chlorure 10% IV Fentanyl Polyvitamines injectables Solution d'oligoélements Spironolactone Ratio IP/prescriptions (en %) Prescrip Médicament IP -tions Temozolomide Levetiracetam 1 1 58 19,0 5 140 3,6 Bromazepam 3 47 6,4 5,3 Perindopril 3 68 4,4 986 1,0 Scopolamine 3 38 7,9 9 113 7,9 Carbamazepine 2 46 4,3 Allopurinol 8 41 19,5 Fluindione 2 92 2,2 1,9 Osmotan 5 % 8 294 2,7 Hydroxyzine 2 122 1,6 206 5,3 Pantoprazole 8 247 3,2 Irbesartan 2 43 4,6 8 87 9,2 Perindopril 8 65 12,3 Lorazepam 2 25 8,0 8 221 3,6 Potassium chlorure VO 7 228 3,1 Mianserine 2 34 5,9 8 227 3,5 Ondansetron 2 80 2,5 8 122 6,6 Pantoprazole 2 361 0,5 Paracétamol 2 910 0,2 Prégabaline 2 52 3,8 Tramadol LP 2 41 4,9 70 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Médecine gériatrique SSR Médicament IP Prescriptions Ratio IP/prescriptions (en %) 14,7 Potassium chlorure VO 11 119 9,2 554 2,0 Paracétamol 10 356 2,8 10 73 13,7 Fluindione 9 210 4,3 Amox/ac.clavulanique 9 84 10,7 Acénocoumarol 4 17 23,5 Potassium chlorure VO 9 210 4,3 Citalopram 4 22 18,2 Daltéparine 8 113 7,1 Fer 4 55 7,3 Ofloxacine 8 32 25,0 Colchicine 3 15 20,0 Macrogol 3350 3 198 1,5 Ofloxacine 3 17 17,7 Prednisone 3 16 18,7 Médicament IP Prescriptions Ratio IP/prescriptions (en %) Fluindione 18 122 Paracétamol 11 Warfarine Enoxaparine 7 61 11,5 Tiapride 7 118 5,9 Colchicine 6 6 100,0 Potassium chlorure 10% IV 6 47 12,8 71 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2.1.1.3 Approche par médicaments et interactions médicamenteuses : Les principaux médicaments concernés par les interventions pharmaceutiques portant sur les interactions médicamenteuses sont : Tableau 12 : Médicaments concernés par les IP portant sur les interactions médicamenteuses Ratio Ratio Médicament Nombre d’IP IP/prescriptions IP/patients (en (en %) %) III.2.1.2 III.2.1.2.1 Escitalopram 43 5,2 8,8 Amiodarone 32 3,6 7,1 Cyamémazine 26 3,6 6,1 Tiapride 20 1,6 3,0 Sels de fers ferreux 16 0,9 1,1 Dabigatran 16 12,0 16,3 Levodopa 15 2,1 5,9 Macrogol 13 0,3 0,5 Lévothyroxine 11 0,6 1,6 Métoclopramide 10 0,3 0,4 Citalopram 10 2,4 3,8 Fluindione 10 0,4 0,9 Par le sondage : Description des pharmaciens ayant participé : 178 envois de questionnaires ont eu lieu et 95 participations (53,4%) ont été recensées. 21% des personnes ayant répondu sont des internes en pharmacie, 27% des assistants et 51% des praticiens hospitaliers. Parmi eux, 33% exercent en CHU, 41% en CH avec une activité majoritaire de MCO, 18% dans un CH ayant une activité majoritaire de SSR, de soins de longue durée (SLD), d’établissement d’hébergement 72 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), 2% en CH de santé mentale, psychiatrique et 6% dans d’autres types d’établissement (clinique privée, hospitalisation à domicile (HAD)…). La répartition des pharmaciens ayant répondu en fonction de leur ancienneté d’exercice est la suivante : Tableau 13 : Répartition des pharmaciens du sondage selon leur ancienneté d’exercice III.2.1.2.2 Ancienneté Nombre de pharmaciens (%) 0 – 5 ans 39 (41%) 5 – 10 ans 20 (21%) 10 - 15 ans 9 (9%) 15 – 20 ans 12 (13%) 20 – 25 ans 9 (9%) 25 – 30 ans 2 (2%) 30 – 35 ans 2 (2%) 35 – 40 ans 2 (2%) Classement d’après la pondération des résultats : Le classement obtenu suite à la pondération, pour chaque médicament, d’après le score global et en prenant en compte le risque « très élevé » uniquement correspond aux mêmes 10 premiers médicaments. 73 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Il s’agit des médicaments suivants, avec le score obtenu dans les deux cas : Tableau 14 : Classement des médicaments en fonction du score total et du score « risque très élevé » Score « risque Médicament ou classe Score total très élevé » 1 AVK 451 415 2 Potassium 425 360 3 AOD 423 360 4 Méthotrexate VO 405 325 5 Digitaliques 393 290 6 Immunosuppresseurs 393 290 7 Aminosides 379 245 8 Lithium 351 215 9 Colchicine 334 190 10 Anti tuberculeux 316 170 De même, l’extraction du score correspondant aux 10 médicaments considérés comme étant les « moins à risque » d’après les pharmaciens hospitaliers sondés, permet d’obtenir la liste suivante : 74 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Tableau 15 : Classement des médicaments en fonction du score « absence de risque / risque faible » Score « absence de risque / Médicament ou classe risque faible » 1 Laxatifs 62 2 Anti H2 69 3 Inhibiteurs de la pompe à protons 80 4 Sétrons 119 5 Inhibiteurs calciques 120 6 Béta lactamines 122 7 Paracétamol 124 8 Antagonistes des récepteurs NMDA 131 9 Hormones thyroidiennes 132 10 Antagonistes de l’angiotensine II 134 III.2.1.2.3 Proportion de pharmaciens : Seule pour la classe des AVK, l’ensemble des pharmaciens interrogés est d’accord pour estimer que ces médicaments présentent un risque « très élevé », à plus de 80 % (87%). Pour les 62 autres médicaments ou classes de médicaments, les avis divergent et les réponses sont discordantes. Les 18 médicaments ou classes thérapeutiques pour lesquels 80% ou plus des pharmaciens sont d’accord pour leur attribuer un risque « très élevé » ou « élevé » sont les suivants : 75 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Tableau 16 : Classement des médicaments en fonction du pourcentage de réponses « risque très élevé » et « risque élevé » % de réponses « risque très Médicament ou classe élevé » + « risque élevé » 1 AVK 100% 2 Potassium 98% 3 Aminosides 98% 4 AOD 97% 5 Digitaliques 96% 6 Immunosuppresseurs 96% 7 Méthotrexate VO 94% 8 Lithium 89% 9 Anti rétroviraux 86% 10 Colchicine 86% 11 Antifongiques azolés 82% 12 Amiodarone 81% 13 Anti tuberculeux 81% 14 Sulfamides hypoglycémiants 80% 15 HBPM 80% 16 HNF 80% 17 Flécaine 80% 18 Glycopeptides 80% De même, les avis sont divergents à propos des médicaments représentant un risque faible lors de la validation pharmaceutique, aucun médicament n’obtient de consensus de la part des pharmaciens sondés. L’addition des pourcentages obtenus dans la catégorie « absence de risque/ risque faible » avec ceux de la catégorie « risque modéré » met en évidence que seulement 4 médicaments ou classes de 76 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) médicaments sont considérés comme étant à risque faible ou modéré par 80% ou plus des pharmaciens questionnés. Il s’agit de : Tableau 17 : Classement des médicaments en fonction du pourcentage de réponses « absence de risque / risque faible » et « risque modéré » % de réponses «absence de risque/ Médicament ou classe risque faible» + « risque modéré » 1 Laxatifs 93% 2 Inhibiteurs de la pompe à protons 90% 3 Anti H2 90% 4 Inhibiteurs calciques 81% III.2.1.3 Médicaments retenus : Les médicaments retenus pour faire partie de l’étude mise en place à l’HNO l’ont été grâce : - A l’étude de la littérature, - A l’expérience et aux pratiques de l’HNO en matière de validation des prescriptions, - Aux résultats obtenus suite au sondage envoyé aux pharmaciens hospitaliers, A l’aide de ces différentes approches, nous avons établi une liste de médicaments considérés comme étant à risque lors de la validation des prescriptions. 77 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Ainsi, nous avons choisi de valider, les médicaments suivants : Tableau 18 : Médicaments retenus pour l’étude mise en place à l’HNO Médicaments sélectionnés : HBPM Anticoagulants HNF AVK AOD Paracétamol Antalgiques Morphine Tramadol Aminosides Anti-infectieux Macrolides Antifongiques azolés Potassium Digoxine Autres Colchicine Lithium Méthotrexate par VO 78 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2.2 Méthode de validation par médicaments à risque mise en place à l’HNO : III.2.2.1 Nombre d’ordonnances validées : Notre étude nous a permis de valider, pour chaque médicament retenu, le nombre d’ordonnance suivant : Tableau 19 : Nombre de prescriptions validées par médicament retenu Médicament sélectionné Nombre d’ordonnances validées Anticoagulants Antalgiques Anti-infectieux Autres HBPM 100 HNF 100 AVK 100 AOD 401 Paracétamol 105 Morphine 100 Tramadol 102 Aminosides 45 Macrolides 39 Antifongiques azolés 25 Potassium 100 Digoxine 35 Colchicine 99 Méthotrexate par VO 23 79 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2.2.2 IP effectuées sur les médicaments retenus : Lors de la validation pharmaceutique de ces prescriptions, nous avons comptabilisé les IP effectuées. La validation pharmaceutique ciblée de ces prescriptions à permis d’obtenir les taux d’IP suivant : III.2.2.2.1 Quantitativement : Tableau 20 : Nombre et pourcentage d’IP effectuées par médicament retenu Médicament Nombre d’IP % d’IP effectuées sélectionné effectuées Anticoagulants Antalgiques Anti-infectieux Autres HBPM 10 10% HNF 0 0% AVK 9 9% AOD 104 25,9% Paracétamol 5 4,8% Morphine 3 3% Tramadol 2 2,0% Aminosides 6 13,3% Macrolides 7 17,9% Antifongiques azolés 6 24% Potassium 8 8% Digoxine 11 31,4% Colchicine 57 57,6% Méthotrexate par VO 10 43,5% En prenant comme référence les IP effectuées sur l’ensemble des prescriptions de l’établissement en 2013, soit 3 009 IP sur 26 172 prescriptions, le test du Chi2 effectué a permis de retrouver les résultats suivants : 80 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Tableau 21 : Test du Chi2 des IP effectuées par médicament retenu Médicament sélectionné Nombre d’IP effectuées Anticoagulants Antalgiques Anti-infectieux Autres Chi2 HBPM 10 0,22 HNF 0 12,98 AVK 9 0,61 AOD 104 79,60 Paracétamol 5 4,67 Morphine 3 7,08 Tramadol 2 9,11 Aminosides 6 0,15 Macrolides 7 3,83 Antifongiques azolés 6 1.59 Potassium 8 1,20 Digoxine 11 13,62 Colchicine 57 203 Méthotrexate par VO 10 23.05 Ainsi, les médicaments pour lesquels le test du Chi2 est significatif (>3,84) sont les HNF, le paracétamol, la morphine, le tramadol, la digoxine, la colchicine, les AOD et le méthotrexate par VO. Pour ces médicaments le taux d’IP retrouvé est statistiquement différent de celui habituellement réalisé sur l’établissement. Pour les macrolides, dont le nombre de prescriptions n’a été que de 39, le test du Chi2 est à la limite de la significativité (Chi2 =3,83 pour un seuil à 3,84). Par ailleurs, nous avons recherché le taux d’IP habituellement réalisées à l’HNO grâce à l’activité de pharmacie clinique effectuée (toutes unités de soin et méthodes de sélection des prescriptions confondues). Depuis 2011, ce taux s’élève en moyenne à 9,85% : 81 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Tableau 22 : Taux d’IP effectuées par an à l’HNO de 2011 à 2014 2011 9,9% 2012 9,7% 2013 10,6% Janvier à juillet 2014 9,2% La stabilité dans le temps du taux d’IP effectuées à l’HNO par l’équipe pharmaceutique permet de comparer les taux d’IP obtenus par l’approche ciblée par médicaments à risque de notre étude. Ainsi, nous retenons comme étant supérieure au taux d’IP habituellement réalisé, la validation ciblée des prescriptions contenant un médicament ayant permis d’obtenir un test du Chi2 statistiquement significatif et un taux d’IP supérieur à 9,85% Il s’agit des médicaments suivants : - Digoxine - Colchicine - AOD - Méthotrexate par VO Pour ces médicaments qui présentent un taux d’IP significativement supérieur à celui habituellement réalisé à l’HNO, nous avons étudié les IP de manière qualitative, le suivi de l’acceptation de ces IP par les médecins prescripteurs ainsi que les services dans lesquels ces IP ont le plus souvent lieu. Les autres médicaments présentent un taux d’IP significativement inférieur au taux d’IP habituellement réalisé sur l’établissement. C’est pourquoi nous ne détaillerons pas les IP effectuées avec ces médicaments. 82 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2.2.2.2 Qualitativement : Tableau 23 : Types d’IP effectuées sur les médicaments présentant un taux d’IP significativement supérieur Principale optimisation Médicament sélectionné Principale IP effectuée pharmaceutique proposée Digoxine Monitorage à suivre (72,7%) Suivi thérapeutique (72,7%) Posologie supra-thérapeutique (18,2%) Adaptation posologique (18,2%) Non conformités aux référentiels (50,9%) Optimisation des modalités d’administration (9,1%) Substitution/échange (50,9%) Posologie supra-thérapeutique (28,1%) Adaptation posologique (28,1%) Interaction médicamenteuse (tous types) (21,0%) Substitution/échange (21,0%) Interaction médicamenteuse (tous types) (51,9%) Substitution/échange (51,9%) Posologie supra-thérapeutique (16,3%) Adaptation posologique (16,3%) Posologie infra-thérapeutique (14,5%) Adaptation posologique (14,5%) Non-conformité aux référentiels / contre-indication (10,6%) Adaptation posologique (10,6%) Mauvais choix de galénique (9,1%) Colchicine AOD Plan de prise non optimal (4,8%) Monitorage à suivre (1,9%) Méthotrexate par VO Optimisation des modalités d’administration (4,8%) Suivi thérapeutique (1,9%) Médicament correcteur ou synergique à ajouter (70%) Ajout (70%) Surdosage (20%) Arrêt (20%) Posologie infra-thérapeutique (10%) Adaptation posologique (10%) 83 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2.2.3 Services concernés par ces IP : Pour ces mêmes médicaments qui présentent un taux d’IP significativement supérieur à celui habituellement réalisé à l’HNO, nous avons recensé les unités de soins les plus concernées par ces IP. Pour cela, nous avons comptabilisé le nombre d’IP effectuées dans les services rapporté au nombre de prescriptions validées dans la même unité de soins lors de l’étude. Nous obtenons les résultats suivants : Tableau 24 : Unité de soins concernés par les IP effectuées sur les médicaments présentant un taux d’IP significativement supérieur Médicament sélectionné Digoxine Colchicine AOD Méthotrexate par VO Unité de soin SSR (50%) Médecine (33%) Chirurgie (33%) UPU (20%) SSR (80%) UPU (72,7%) Chirurgie (60%) Médecine (50%) Chirurgies (43,7%) SSR (33,3%) UPU (24,1%) Médecine (23,4%) Chirurgie (57%) Urgence et UPU (50%) Médecine (36,4%) Les services de chirurgies et de SSR sont les plus concernés par les IP portant sur ces médicaments ciblés, mise à part pour la digoxine pour laquelle les services de médecine comptabilisent un nombre d’IP supérieur à celui des services de chirurgie. Les services d’urgences et des post-urgences sont eux-aussi fréquemment confronté à des IP liées aux prescriptions de ces médicaments. 84 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) III.2.2.4 Devenir des IP (acceptation) : Pour les médicaments validés dans le cadre de notre étude et présentant un taux d’IP significatif, nous avons suivi et comptabilisé le nombre d’IP qui ont été acceptées par les prescripteurs et qui ont conduit à une modification de la prise en charge médicamenteuse du patient. Nous obtenons les résultats suivants : Tableau 25 : Nombre et pourcentage d’IP sur les médicaments retenu qui ont été acceptées Nombre d’IP effectuées Nombre d’IP acceptées % d’acceptation HBPM 10 8 80% HNF 0 0 0% AVK 9 6 66,7% Paracétamol 5 2 40% Morphine 3 0 0% Tramadol 2 0 0% Potassium 8 5 62,5% Digoxine 11 8 72,7% Aminosides 6 4 66,7% Anti fongiques 6 2 33,3% Macrolides 7 6 85,7% Colchicine 57 36 63,2% AOD 104 76 73,1% Méthotrexate par VO 10 6 60% Nous avons pris comme référence le nombre d’IP acceptées par rapport au nombre d’IP réalisées à l’HNO au mois de mars 2014 (pour des IP réalisées en dehors de l’étude mise en place). Sur un échantillon de 60 IP, le taux d’acceptation retrouvée est de 61,7%. Les faibles tailles des échantillons obtenus avec les médicaments testés ne nous permettent pas d’effectuer des tests statistiques adaptés. En revanche, en comparant au taux d’IP habituellement 85 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) acceptées à l’HNO, nous pouvons dégager des tendances d’acceptation dans les médicaments testés dans notre étude. Ainsi, l’acceptation des IP effectuées sur les médicaments que nous avons retenus comme étant à risque est supérieure à celles habituellement réalisées à l’HNO pour les HBPM, les AVK, le potassium, la digoxine, les aminosides, les macrolides, la colchicine et les AOD. Ce taux d’IP acceptées supérieur à notre référence à l’HNO concerne donc 61,5% des médicaments testés. Ce taux d’acceptation atteint même 80% ou 85% pour certains des médicaments, ce qui nous conforte dans la pertinence des IP réalisées dans ces situations. III.2.2.5 Paramètres physiopathologiques des patients concernés par des IP : Le recueil des données physiopathologiques prévu dans la grille initiale de recueil des données, n’a pas permis de mettre en évidence, ni de dégager une tendance à propos de la présence d’un critère biologique ou physiologique pour les médicaments retenus dans l’étude. Pour les AOD seulement, nous avons pu déterminer certains paramètres physiologiques à propos des patients concernés par les IP portant sur cette classe thérapeutique. 26,5% sont normorénaux (clairance à la créatinine (Clcréat)>90 ml/min), 31,6% sont insuffisants rénaux légers (60<Clcréat<90 ml/min), 33,7% sont insuffisants rénaux modérés (30<Clcréat<60 ml/min) et enfin 8,2% sont insuffisants rénaux sévères (Clcréat<30 ml/min). 14,9% de ces mêmes patients pèsent plus de 100 kg, 76 ,6% entre 50 et 100 kg et enfin 8,5% pèsent moins de 50 kg. De plus, 54,4% de ces IP correspondent au traitement habituel du patient et 45,6% concernent une initiation de traitement. La principale indication de traitement retrouvée dans 87,3% des cas est l’arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire (ACFA). 86 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Discussion : Ainsi, nous avons mis en place notre étude de sélection des prescriptions « à risque », selon deux grandes approches : par critères biologiques ou par médicaments à risque. Les résultats et limites obtenus ont pu être identifiés et discutés. I- Approche par critères biologiques : Notre étude montre que cette méthodologie de validation des prescriptions permet de cibler des patients à risque à partir de critères biologiques choisis et pertinents. Le taux d’IP obtenu avec cette méthode (20,6%) est supérieur à celui obtenu avec l’analyse classique des prescriptions pour laquelle il est de l’ordre de 10%. La validation des prescriptions à l’aide des 3 critères biologiques retenus, permet d’obtenir un taux d’IP supérieur à celui habituellement retrouvé, de manière statistiquement significative (p<0,05). Ceci rejoint l’étude de Marcum et al. qui utilise les données biologiques pour détecter les effets indésirables médicamenteux. Dans leur travail, les critères recherchés les plus impliqués étaient l’insuffisance rénale aigüe, l’hypokaliémie, l’hyperglycémie et l’hyperkaliémie. L’INR était peu représenté dans la survenue de ces effets (51). De même, dans notre étude, nous avons observé que les ordonnances sélectionnées à l’aide du critère INR conduisent à la réalisation d’un taux d’IP statistiquement significatif par rapport aux prescriptions « tout venant » ; cependant, les IP effectuées sur ces prescriptions ne sont pas significativement en lien avec le critère INR. Celles-ci concernent d’autres médicaments présents sur les ordonnances sélectionnées de cette manière. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que le laboratoire de biologie signale les INR très hauts directement au prescripteur qui prend immédiatement en charge le surdosage. Par ailleurs, les médicaments principalement concernés par les IP effectuées à l’aide de ce critère sont les anticoagulants. Le moyen de sélection des prescriptions à l’aide des INR≥ 4 ne permet pas d’intervenir sur un risque en amont qui concernerait une interaction avec un antibiotique par exemple et un risque potentiel de déséquilibre de l’INR. Les prescriptions validées à l’aide de cette 87 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) méthode comportent déjà un INR supérieur à la normale et l’IP s’effectue sur l’anticoagulant luimême ou son antidote, ce qui n’est pas le plus pertinent et ne permet pas d’éviter un risque a priori en recommandant un suivi plus rapproché de l’INR par exemple. Il est néanmoins bien montré que les prescriptions médicales sont le lieu de nombreux effets indésirables et d’accidents iatrogènes potentiellement très graves et évitables dans plus de 50% des cas (12) (60) (84). De même dans l’étude de Moore et al. les auteurs ont évalué la capacité prédictive d’une sélection de marqueurs biologiques perturbés pour relier l’évènement indésirable à la prescription d’un médicament. L’hyperkaliémie s’est avérée le marqueur permettant de relier le plus d’événements indésirables (VPP de 31%) et les médicaments les plus impliqués étaient les IEC et les sartans (92). Les principales IP effectuées concernent pour l’INR les anticoagulants, pour les dyskaliémies les suppléments ioniques et les diurétiques et enfin pour la créatininémie les anti-infectieux. Il s’agit des médicaments fréquemment responsables d’iatrogénie médicamenteuse à l’hôpital, comme par exemple les anti-infectieux (12) (59) (60) ou les médicaments cardiovasculaires (29) (52) (60) (61). Par ailleurs, la population de l’étude est une population âgée (80,1 ans en moyenne) : notre méthode cible d’emblée une population à risque. En effet, comme nous l’avons déjà vu auparavant, les sujets âgés ont un risque accru de développer des effets indésirables iatrogènes du fait de la polymédication, qui est la conséquence du caractère polypathologique des patients âgés. La polymédication est le principal facteur de risque d’iatrogénie médicamenteuse dans cette population (26) (27) (28). De plus, les risques liés à la prescription médicamenteuse chez ces patients sont majorés du fait des modifications des paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques liés à l’âge et aux pathologies aigües et/ou chroniques (30). Certaines études ont relevé des différences entre les taux d’IP effectuées dans les services de chirurgie et de médecine notamment. C’est le cas de l’étude menée par Demange qui trouve un taux d’IP deux fois plus élevé en chirurgie qu’en médecine (109). Cependant, notre étude ne nous a pas permis de comparer les taux d’IP effectuées en fonction des services d’où proviennent les prescriptions du fait du manque trop important de données. 88 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Cette méthode de validation des prescriptions est pertinente et permet d’obtenir un taux d’IP important et significatif. Cependant, comme nous l’avons montré avec le critère INR, les IP effectuées ne sont pas toujours en lien avec le critère retenu. De plus, les patients insuffisants rénaux chroniques par exemple restent souvent hospitalisés longtemps, ont des bilans biologiques fréquents mais leur prescription est peu modifiée. Ce sont des patients retrouvés régulièrement dans le fichier des patients à risque mais pour lesquels la pertinence de l’analyse pharmaceutique de leur prescription à chaque bilan biologique est discutable, du fait de l’absence de modifications majeures dans leur prise en charge médicamenteuse. Ainsi, nous avons envisagé des axes d’amélioration de la méthodologie, en particulier en ce qui concerne l’optimisation de la pertinence des critères utilisés. Des combinaisons telles que l’association d’un de ces critères biologiques avec la prescription d’un médicament ou dans une situation physiopathologique sont à considérer. C’est pourquoi, nous avons mis en place une approche ciblée par médicaments. II- Approche par médicaments : II.1 Sélection des médicaments : II.1.1 Par l’expérience : A l’HNO, durant l’année 2013, certaines classes de médicaments ont été principalement concernées par les IP réalisées. Il s’agit par exemple des anticoagulants, des antalgiques ou des antibiotiques. Il s’agit globalement des mêmes médicaments que ceux retrouvés à l’aide des critères biologiques. En effet, la validation à l’aide des critères biologiques était effective à cette période. Cependant, nous n’avons pas retenu l’ensemble des médicaments dans notre étude du fait notamment de certains circuits de validation indépendants à l’HNO. C’est le cas par exemple des immunoglobulines humaines qui sont validées et dispensées à l’aide du circuit des médicaments dérivés du sang (MDS). La recherche par unités de soins validées retrouve une plus grande hétérogénéité dans les médicaments concernés par les IP effectuées. Certains médicaments sont concernés par un grand nombre d’IP dans certains services uniquement, ce qui est dû à des spécificités de certaines spécialités médicales. Nous ne les avons pas choisis dans notre étude car leur prescription est 89 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) quasiment exclusivement réalisée dans ces unités de soins. C’est le cas en particulier du témozolomide dans le service de neurologie. L’approche par interactions médicamenteuses retrouve des médicaments qui diffèrent des approches précédentes. Il s’agit par exemple de l’escitalopram, de l’amiodarone ou de la cyamémazine : des médicaments connus comme étant à risque de provoquer des torsades de pointe. Une des principales limites pour sélectionner des médicaments à risque à l’aide de cette approche correspond au nombre de prescription à l’HNO qui ne nous a pas permis d’obtenir le nombre suffisant de prescriptions dans des délais compatibles avec l’étude. Par ailleurs, cette problématique spécifique des interactions médicamenteuses fait par ailleurs l’objet d’un travail indépendant à l’HNO. II.1.2 Par le sondage : Grâce au sondage réalisé, nous avons pu obtenir le point de vue de plusieurs pharmaciens (praticiens hospitaliers, assistants hospitaliers ou internes en pharmacie hospitalière) d’ancienneté différente sur le sujet. Ceux-ci exercent dans des établissements de santé variés et n’ont pas tous la même activité et les mêmes pratiques en termes de pharmacie clinique et de validation des prescriptions. Nous constatons que le classement des médicaments les plus à risque en fonction de leur score total ou du score « risque très élevé » uniquement, est le même. Ceci nous conforte dans l’idée que le score attribué reflète tout particulièrement les médicaments considérés comme étant « très à risque ». De même, le classement obtenu répertorie les mêmes médicaments que ceux identifiés précédemment par les différentes approches propres à l’activité de l’HNO : l’activité de pharmacie clinique réalisée au centre hospitalier concerne globalement les mêmes médicaments que ceux pressentis par nos collègues hospitaliers. Ce questionnaire confirme les difficultés à établir une liste de médicaments à risque. En effet, une seule classe de médicament obtient l’unanimité et est considérée comme étant à « risque très élevé » d’après 87% des pharmaciens sondés : les anticoagulants de la famille des AVK. On constate aussi que 95% des pharmaciens attribuent un « risque très élevé ou élevé » à 5 autres médicaments : le potassium, les aminosides, les AOD, les digitaliques et les immunosuppresseurs. Ceci permet de conclure à une certaine homogénéité du risque attribué lors de la validation de ces derniers 90 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) médicaments ou classes de médicaments. En revanche, avec ces résultats, il peut sembler surprenant que 6% des pharmaciens sondés ne considèrent pas le méthotrexate par VO comme étant à risque très élevé ou élevé… Pour tous les autres médicaments du sondage, de trop grandes disparités dans les réponses nous empêchent de conclure aussi facilement sur leur niveau de risque pour la validation des prescriptions. De même, il n’y a que 4 classes de médicaments ou médicaments considérés comme comportant peu de risques par 80% des pharmaciens : ce qui confirme le fait que tous les médicaments contiennent une part de risque. La difficulté pour établir le niveau de risque des médicaments par cette méthode est peut être liée à certaines limites relatives au questionnaire émis que nous avons identifiées. En effet, tous les médicaments comportent une part de risque et la définition du risque est vaste et peut être différente pour chacun, selon son expérience et en fonction des médicaments cités. Aucune précision sur ce propos n’a été apportée lors de la diffusion du sondage, laissant chacun à sa propre appréciation. De plus, le fait de limiter dans le questionnaire le risque à la validation pharmaceutique des prescriptions n’a probablement pas été perçu de la même manière par l’ensemble des personnes ayant répondu. En témoignent par exemple, les réponses concernant l’insuline : médicament bien connu pour son risque iatrogène en particulier lors de son administration ou de son rangement dans les unités de soins mais assez peu lors de la validation des prescriptions. Les erreurs d’administration d’insulines faisant partie des 10 événements qui ne devraient jamais arriver d’après l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui a édité une fiche de recommandation pour l’administration (110) (111). Cependant, 31% des sondés ont répondu par un « risque très élevé », 44% par un « risque élevé », 18% par un « risque modéré » et 24% par un « risque faible/absence de risque ». De plus, nous n’avons pas pu choisir tous les médicaments existants, le choix retenu est critiquable et peut sembler incomplet. Celui-ci est basé sur l’expérience du centre hospitalier et est directement lié à la pratique professionnelle quotidienne, ce qui explique le choix d’avoir exclu les chimiothérapies (injectables ou par voie orale) ainsi que les MDS ou médicaments stupéfiants par exemple. En effet, 91 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) ceux-ci sont gérés à l’HNO selon un circuit de validation et de dispensation différent et indépendant des autres thérapeutiques. Ceci ne signifiant pas pour autant que nous ne validons pas les prescriptions qui en contiennent et que nous considérons ces médicaments comme ne comportant pas de risque lors de la validation de leurs prescriptions ! Pour conclure, cette approche par sondage auprès des pharmaciens hospitaliers est très intéressante et complémentaire des autres méthodes de sélection des médicaments à risque. La disparité des réponses confirme la difficulté à établir une liste répertoriant ces thérapeutiques, bien que la sécurité de la prise en charge du patient le nécessite et en dépende. Ces thérapeutiques demandent à être suivies et dispensées avec une attention toute particulière. II.2 Méthode de validation des médicaments à risque mise en place à l’HNO : Grâce à cette étude, nous avons mis en évidence qu’il est statistiquement pertinent de valider les ordonnances contenant de la digoxine, de la colchicine, un AOD ou du méthotrexate par VO. En effet, pour ces médicaments, le taux d’IP effectué est statistiquement différent (p<0,05) et supérieur à celui réalisé habituellement à l’HNO. Nous les retenons donc comme étant particulièrement à risque d’iatrogénie médicamenteuse. Les données retrouvées dans la littérature confortent notre choix. En effet, le méthotrexate par VO et les AOD font partie des médicaments figurant sur la liste de l’ANSM des évènements indésirables graves évitables ne devant jamais survenir (110). Ce sont des évènements, dont le risque iatrogène est bien connu ; ils ne devraient jamais arriver et des mesures de prévention adéquates doivent être mise en œuvre pour éviter leur survenue. De plus, du fait de leur risque iatrogène, les AOD bénéficient d’un programme de surveillance spécifique au niveau européen et national, pour leur risque hémorragique en particulier (54). De même, la digoxine, et les digitaliques de manière plus générale, sont des médicaments à marge thérapeutique étroite nécessitant une surveillance rapprochée de leurs taux plasmatiques, de la situation physiologique du patient (en particulier sa fonction rénale) et des interactions médicamenteuses (63). La digoxine et la colchicine figurent aussi parmi les critères STOPP de l’outil 92 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) STOPP-START : ces médicaments sont considérés comme inappropriés chez la personne âgée du fait de leur risque iatrogène (33). Dans cette population, leur balance bénéfice/risque est défavorable. Ainsi, l’iatrogénie médicamenteuse liée à ces médicaments et retrouvée dans la littérature confirme qu’il s’agit de médicaments à risque. C’est pourquoi, nous retenons ces médicaments pour le suivi des prescriptions à risque à l’HNO. La validation systématique de ces prescriptions est pertinente et sera initiée ou poursuivie. Elle sera intégrée à l’activité de pharmacie clinique, en complément de celle déjà en place. En revanche, ce travail ne nous permet pas de retenir les autres médicaments testés, pourtant intégrés dans notre étude car connus comme étant à risque d’iatrogénie médicamenteuse. Par exemple, d’après cette étude, la validation des prescriptions contenant une HNF n’apparaît pas comme étant pertinente (elle est même statistiquement moins intéressante), alors que ce sont des médicaments anticoagulants à risque élevé d’iatrogénie (54). Ceci peut s’expliquer par le fait que le suivi des résultats biologiques du temps de céphaline activé (TCA) sur lesquels sont basées les adaptations posologiques de ce médicament ne s’effectue pas de manière régulière par les pharmaciens de l’HNO. Il en est de même pour les HBPM : il serait probablement intéressant de les cibler à l’aide de critères biologiques associés comme l’insuffisance rénale sévère par exemple. De même, les tests statistiques effectués avec les médicaments pour lesquels nous n’avons pas pu atteindre 100 prescriptions ne disposent pas de la même puissance. Le résultat statistique obtenu avec les macrolides notamment, à la limite de la significativité serait donc à confirmer sur un nombre plus important de prescriptions. Par ailleurs, nous avons choisi dans notre étude le paracétamol alors qu’il fait parti des 10 médicaments considérés comme comportant un « risque faible » ou une « absence de risque » par les pharmaciens interrogés à l’aide du sondage. Ce choix s’explique par le fait qu’une FIP a été mise en place à l’HNO. Elle concerne en particulier les posologies du paracétamol chez les patients de faible poids (< à 50 kilogrammes) ou les patients insuffisants rénaux sévères. Les résultats obtenus lors de notre étude ne permettent pas un taux d’IP suffisant avec cette thérapeutique pour la retenir seule dans notre démarche de validation ciblée des prescriptions. La 93 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) validation ciblée de ces prescriptions est même statistiquement moins intéressante que la validation habituelle à l’HNO. Il faudrait envisager de cibler les prescriptions des patients traités par ce médicament mais ayant aussi un poids inférieur à 50 kilogrammes ou ayant une fonction rénale altérée. Les autres médicaments antalgiques étudiés dans le cadre de notre travail (morphine et tramadol) conduisent à des résultats similaires. Le choix des médicaments étudiés s’est fait grâce aux différentes données obtenues à la fois par la littérature, par les données de l’HNO sur le sujet et enfin à l’aide du questionnaire envoyé aux pharmaciens hospitaliers. Plusieurs médicaments n’ont volontairement pas été retenus. Ce choix s’explique notamment par des spécificités propres à l’établissement. Par exemple, les chimiothérapies n’ont pas été inclues dans l’étude. En effet, à l’HNO, leur système de dispensation est séparé de celui des autres médicaments. De même, les prescriptions sont informatisées selon un circuit différent de celui des autres ordonnances : la validation pharmaceutique des cures de chimiothérapies prescrites est indépendante de celle des autres médicaments. Ainsi, la spécificité de ce circuit et la période de recueil de données trop courte, nous ont conduits à ne pas retenir dans notre étude ces thérapeutiques. Il serait cependant probablement intéressant de mener une étude similaire sur ces médicaments en particulier, bien connus comme étant à risque lors de la validation pharmaceutique des prescriptions (112) (113). De même, dans le questionnaire envoyé aux pharmaciens, les médicaments immunosuppresseurs et les antituberculeux font partie du palmarès des médicaments retenus comme étant les plus à risque lors de la validation des prescriptions et par plus de 80% des pharmaciens sondés, alors que nous ne les avons pas sélectionnés dans notre étude. Ceci s’explique par l’activité du centre hospitalier et par le nombre de prescriptions concernées : le délai d’obtention d’un nombre suffisant de prescriptions pour ces médicaments sur notre établissement de santé n’était pas compatible avec la réalisation et la mise en place de l’étude. En effet, un test a été réalisé pendant 4 mois sur la validation des prescriptions contenant des médicaments immunosuppresseurs, ce qui a permis de valider 33 prescriptions uniquement. Ces validations ont conduit à la réalisation de seulement 3 IP (9%). Par ailleurs, ces ordonnances étaient 94 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) très hétérogènes, en particulier du fait des médicaments retenus qui correspondaient à plus de 10 molécules différentes. Ce nombre restreint de prescriptions peut notamment s’expliquer par le fait que le centre hospitalier n’est pas universitaire et qu’il ne dispose pas de l’ensemble des spécialités médicales à l’origine des prescriptions de ces médicaments. L’HNO n’est pas un centre hospitalier réalisant des greffes d’organes et n’est pas spécialisé dans le suivi des patients en ayant bénéficié, ce qui ne conduit pas à la prescription d’immunosuppresseurs, nécessaires pour la prise en charge de ces patients. Il en va de même pour le faible nombre de prescriptions de médicaments antituberculeux ou encore d’antirétroviraux. Ces derniers font principalement l’objet de prescriptions en consultation et sont donc, pour la plupart, dispensés dans le cadre de la rétrocession et non de l’hospitalisation. Ces différentes raisons ont fait que nous n’avons pas retenu ces classes médicamenteuses dans notre étude. Le lithium est aussi retrouvé dans le sondage comme ayant un risque élevé ce qui explique que nous l’avons initialement intégré à l’étude. Cependant, nous n’avons pu valider que 3 prescriptions dans le cadre de notre travail. Ce faible nombre d’ordonnances est lié au nombre total de prescriptions en 2013 à l’HNO qui n’est que de 28 pendant l’année. L’établissement ne dispose pas de lits de psychiatrie, ce qui limite les prescriptions de ce médicament stabilisateur de l’humeur. Dans ce contexte, les données liées à ce médicament à risque n’ont pas pu être exploitées, bien que ce médicament à marge thérapeutique étroite soit responsable d’iatrogénie médicamenteuse (en particulier du fait de ses nombreuses interactions médicamenteuses) (114). Le volume de prescriptions du CH correspond à une des principales limites de l’étude. Celle-ci a pu être anticipée pour certains médicaments, la colchicine et le méthotrexate par VO notamment, dont le recueil de données a débuté plusieurs mois avant le début de l’étude. Nous obtenons donc un nombre suffisant de prescriptions pour l’analyse des résultats de ces médicaments. Pour les médicaments anti-infectieux retenus (aminosides, macrolides et antifongiques azolés) et les digitaliques, l’objectif de validation de 100 ordonnances pour le recueil de données de l’étude n’a pas pu être atteint pour les mêmes raisons. Nous avons cependant souhaité analyser et exploiter les données obtenues avec un nombre inférieur de prescriptions validées qui nous a semblé malgré tout pertinent. 95 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) En ce qui concerne l’acceptation des IP réalisées par le prescripteur, les effectifs d’IP étant trop faibles pour permettre de réaliser des tests statistiques nous avons seulement pu mettre en évidence une tendance. Celle-ci est en faveur d’une forte acceptation des IP, pour 61,5% des médicaments testés. Ces médicaments correspondent à ceux qui ont obtenu un taux d’IP significatif. Néanmoins, il reste nécessaire de confirmer cette tendance à l’aide d’échantillons de taille plus importante. Dans la littérature, ce taux d’acceptation des IP est variable (73,4% à 79,2%) et est corrélé à la présence des pharmaciens dans l’unité de soins, directement auprès des prescripteurs (115) (116). Ce qui n’a pas été le cas dans notre étude, constituant ainsi une nouvelle limite. La méthodologie de notre étude prévoyait de recenser les critères physiopathologiques des patients concernés par les IP effectuées sur les médicaments ciblés. Cependant, les faibles effectifs d’IP obtenu ne nous ont pas permis d’obtenir des résultats significatifs ni de mettre en avant une tendance, du fait de la grande disparité des quelques résultats obtenus. Seule une description de certaines caractéristiques (fonction rénale, poids, indication du traitement, traitement habituel ou initié) des patients traités par AOD, pour lesquels nous avons réalisé une IP, a pu être effectuée. Ainsi, nous n’avons pas pu établir une cartographie des risques faisant le lien entre médicaments, situations physiopathologiques et critères biologiques notamment ; comme cela a pu être réalisé avec les tableaux de bords décrits par l’équipe lilloise par exemple (97). Ainsi, nous avons retenu comme étant pertinente la validation ciblée des prescriptions contenant un médicament dont le test statistique est significatif et ayant un taux d’IP supérieur à celui habituellement retrouvé à l’HNO ; à savoir la digoxine, la colchicine, les AOD et le méthotrexate par VO. Néanmoins, l’ensemble des autres médicaments testés comportent un risque important lors de la validation des prescriptions. Il semble nécessaire d’effectuer une validation pharmaceutique attentive de ces prescriptions mais il serait certainement plus pertinent d’y associer d’autres critères pour mieux sélectionner les patients à risque. Il pourrait par exemple s’agir des patients traités par AVK et ayant un INR élevé ou encore des patients traités par HBPM et ayant une insuffisance rénale sévère. 96 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD -LYON 1 INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES FACULTE DE PHARMACIE 8, avenue Rockefeller – 69373 LYON Cedex 08 Conclusions : Mémoire soutenu par Mlle MOUTERDE Anne-Laure Dans le cadre de l’arrêté du 6 avril 2011, nous avons souhaité déterminer des paramètres afin d’orienter le travail du pharmacien en fonction du risque médicamenteux des prescriptions. L’objectif de cette étude est la mise en place d’une analyse ciblée des ordonnances pour augmenter la pertinence des interventions pharmaceutiques (IP) réalisées lors de la validation des prescriptions et la qualité de cette activité de pharmacie clinique. Pour cela, nous avons ciblé des prescriptions contenant des critères biologiques anormaux ainsi que certains médicaments à risque que nous avons sélectionné au préalable. La première approche concernant les critères biologiques a mis en évidence que valider les prescriptions des patients présentant une insuffisance rénale sévère, une dyskaliémie ou un Index Normalized Ratio (INR) ≥ 4 permet d’obtenir un taux d’IP de 20,6%, statistiquement supérieur à celui recueilli habituellement (p<0,05). Pour la seconde approche basée sur les médicaments à risque, nous avons établi une liste de ces médicaments à l’aide de la littérature, de l’expérience en termes d’IP réalisées à l’Hôpital Nord-Ouest (HNO) mais aussi des 95 réponses obtenues suite à l’envoi d’un questionnaire à un panel de pharmaciens hospitaliers sur leur perception des médicaments à risque. Un objectif de validation de 100 prescriptions contenant un des 15 médicaments à risque retenu dans notre liste a été fixé, afin de juger de la pertinence des validations pharmaceutiques réalisées à l’aide de cette approche. 97 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Cette étude a permis d’obtenir un taux d’IP statistiquement significatif (p<0,05) pour la digoxine, les anticoagulants oraux directs (AOD), le méthotrexate par voie orale ou encore la colchicine. De plus, le taux d’acceptation des IP émises pour ces médicaments est supérieur à celui habituellement réalisé à l’HNO (61,7%) pour 61,5% des médicaments testés. Ces taux importants révèlent un impact certain sur les prescriptions médicales des IP effectuées sur les médicaments que nous avons choisis. Grâce à notre étude, nous pouvons retenir ces deux méthodes d’analyse ciblée pour sélectionner des prescriptions à risque. Celles-ci sont pertinentes et permettent de distinguer des patients présentant un risque médicamenteux important. Il serait désormais intéressant de tester l’association de ces critères biologiques aux médicaments à risque ciblés afin d’affiner encore la sélection des prescriptions et d’augmenter la pertinence de nos critères. Cependant, afin que le pharmacien clinicien soit plus efficient dans sa démarche, des outils d’aide à la sélection de patients à risques, notamment informatiques, sont nécessaires. Par ailleurs, une approche ciblée par pathologie, couplée aux critères biologiques et médicamenteux déjà testés, est une autre méthode de sélection des patients à risque à envisager pour une étude future. Le Président du Jury, (Nom et Signature) VU ET PERMIS D’IMPRIMER Lyon, le Vu, le Directeur de l’ISPB – Faculté de Pharmacie de Lyon Pour le Président de l’Université Claude Bernard Professeur Christine VINCIGUERRA 98 MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0) Bibliographie : 1. Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé. 2. Michel P, Minodier C, Lathelize M, Moty-Monnereau C, Domecq S, et al. Les évènements indésirables graves associés aux soins observés dans les établissements de santé. Doss Solidar Santé. 2010;17. 3. LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. 2009-879 juill 21, 2009. 4. Décret n° 2008-1121 du 31 octobre 2008 relatif au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations mentionné à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale. 2008-1121 oct 31, 2008. 5. 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Th. D. Pharm., Lyon 1, 2014, 113 p. RESUME : Parmi les évènements indésirables liés aux soins, une grande partie d’entre eux sont évitables. Certains sont liés à des erreurs qui ont lieu au cours du circuit du médicament. L’analyse pharmaceutique des prescriptions permet d’intervenir sur une partie de ces erreurs et la validation des ordonnances est nécessaire pour en diminuer le nombre. D’après l’arrêté du 6 avril 2011, le pharmacien a l’obligation de valider les prescriptions contenant des « médicaments à risque » ou celles des « patients à risque ». Dans ce contexte, nous avons mis en place des critères de ciblage des prescriptions afin de sélectionner de manière pertinente les ordonnances qui semblent prioritaires à valider sur l’ensemble de l’hôpital Nord-Ouest (HNO). Une première approche concernant les résultats biologiques a été menée à l’aide de l’extraction quotidienne des données du laboratoire de l’HNO qui permet de recenser les patients présentant des résultats biologiques anormaux. Une deuxième approche, portant sur les médicaments considérés comme étant à risque lors de la validation des prescriptions a été élaboré. Une liste de ces médicaments a été établie à l’aide de la littérature, de l’expérience en termes d’IP réalisées à l’HNO mais aussi des 95 réponses obtenues suite à l’envoi d’un questionnaire à des pharmaciens hospitaliers sur leur perception des médicaments à risque. La validation ciblée des prescriptions par critères biologiques montre que valider les prescriptions des patients présentant une insuffisance rénale sévère, une dyskaliémie ou un INR≥ 4 permet d’obtenir un taux d’IP de 20,6%, supérieur à celui recueilli habituellement, de manière statistiquement significative (p<0,05). En ciblant des médicaments à risque, nous avons obtenu un taux d’IP statistiquement significatif (p<0,05) pour la digoxine, les AOD, le méthotrexate par VO ou encore la colchicine. De plus, le taux d’acceptation des IP émises pour ces médicaments est supérieur à celui habituellement réalisé à l’HNO (61,7%) pour 61,5% des médicaments testés. Ainsi ces deux méthodes d’analyse ciblée de sélection des prescriptions à risque sont pertinentes et permettent de distinguer des patients à risque d’iatrogénie médicamenteuse importante. MOTS CLES : Pharmacie clinique Validation pharmaceutique des prescriptions Analyse ciblée Médicaments à risque JURY : Mme RIOUFOL Catherine, MCU-PH M. BEDOUCH Pierrick, MCU-PH M. BONTEMPS Hervé, PH Mme LE SCANFF Julie, PH Mme BOURDELIN Magali, assistante spécialiste DATE DE SOUTENANCE : Lundi 13 octobre 2014 ADRESSE DE L’AUTEUR : 9, rue de Castries – 69002 LYON MOUTERDE (CC BY-NC-ND 2.0)