Canal atrioventriculaire
R. Bassil Eter, P. Acar, D. Roux
Les canaux atrioventriculaires constituent un exemple d’anomalies cardiaques parmi lesquelles on
distingue principalement la forme partielle qui associe une communication interauriculaire basse de type
ostium primum à une fente mitrale, et la forme complète comprenant en plus une communication
interventriculaire d’admission. Elles résultent d’un développement anormal des bourgeons
endocardiques. Le canal atrioventriculaire complet est la cardiopathie principale des trisomiques 21.
L’électrocardiogramme est caractéristique dans la forme complète avec l’axe QRS à – 90° (± 30°).
L’échocardiographie bidimensionnelle confirme le diagnostic et montre le retentissement sur la taille et la
fonction ventriculaires, et sur les résistances artérielles pulmonaires. Le diagnostic anténatal est possible.
La physiopathologie de la forme partielle est celle d’une simple communication interauriculaire avec un
hyperdébit pulmonaire et celle d’une fuite auriculoventriculaire gauche qui conditionne la tolérance
fonctionnelle. Dans la forme complète, le risque d’hypertension artérielle pulmonaire fixée précocement
impose une cure chirurgicale avant l’âge de 6 mois. Le pronostic postopératoire dépend surtout de la
plastie mitrale.
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Mots clés : Canal atrioventriculaire ; Cardiopathie congénitale ; Communication interauriculaire ;
Communication interventriculaire ; Fente mitrale ; Bourgeons endocardiques ; Trisomie 21 ;
Échocardiographie 2D ; Échocardiographie fœtale ; Hypertension artérielle pulmonaire
Plan
Introduction. Épidémiologie 1
Embryologie 1
Anatomie pathologique 2
Lésions élémentaires 2
Anomalies associées 2
Formes de canal atrioventriculaire 3
Physiopathologie 3
Canal atrioventriculaire complet 4
Histoire et examen physique 4
Radiographie thoracique 4
Électrocardiogramme 4
Échocardiographie 4
Cathétérisme et angiocardiographie 5
Traitement 5
Pronostic 5
Canal atrioventriculaire partiel/intermédiaire 5
Histoire et examen physique 5
Radiographie thoracique 6
Électrocardiogramme 6
Échocardiographie 6
Traitement 6
Pronostic 6
Introduction. Épidémiologie
Les anomalies cardiaques de type canal atrioventriculaire
(CAV), aussi appelées anomalies des bourgeons endocardiques,
constituent 4 % des cardiopathies congénitales
[1]
. Elles sont le
plus souvent découvertes dans le cadre de syndrome génétique
particulier. L’exemple le plus classique est la trisomie 21
[2]
:
20 % des trisomiques 21 ont une forme de CAV. D’autres
syndromes associés, beaucoup plus rares, sont le syndrome
d’Ellis-van Crefeld et le syndrome de Pallister-Hall. Leur
expression clinique et leur évolution spontanée dépendent de
l’importance respective des shunts auriculaire et ventriculaire, et
des fuites valvulaires.
Embryologie
Lorsque l’embryon atteint 4,5 semaines de vie, le tube
cardiaque a complété déjà sa phase de looping. À ce stade, il est
encore une pompe tubulaire rudimentaire où la circulation
sanguine se fait en série, de l’oreillette au ventricule gauche par
le CAV commun, puis au ventricule droit par le foramen
interventriculaire, et finalement dans le tronc artériel à travers
le conus. Trois processus simultanés vont par la suite transfor-
mer le CAV : le développement des bourgeons endocardiques, le
cloisonnement de l’oreillette primitive et le cloisonnement
ventriculaire. Initialement, le CAV se déplace vers la droite pour
permettre à l’oreillette de se vider directement dans les deux
ventricules. Parallèlement, de petites masses mésenchymateuses
apparaissent au bord supérieur (ou antérieur) et inférieur (ou
postérieur) du canal : ce sont les bourgeons ou coussinets
endocardiques
[3]
. Leur formation est initiée par la transdiffé-
renciation cellulaire endothéliomésenchymateuse, pendant
laquelle des cellules endothéliales se détachent de l’endocarde et
s’enfoncent dans le jelly cardiaque sous-jacent, matrice extracel-
lulaire riche en acide hyaluronique qui sépare l’endocarde du
myocarde, pour se différencier en cellules mésenchymateuses
11-940-C-40
1Cardiologie
sous l’action de plusieurs signaux non complètement identi-
fiés
[4, 5]
. Ces bourgeons fusionnent bientôt au centre après une
croissance antéropostérieure et forment le septum intermedium
qui divise le canal en deux orifices droit et gauche. Deux autres
masses endocardiques, les bourgeons latéraux, se forment aux
bords droit et gauche du canal, et contribuent à la formation
des valves auriculoventriculaires.
Pendant ce temps, un renflement endocardique apparaît au
toit de l’oreillette primitive et prolifère rapidement vers le bas
et l’avant sous forme d’un croissant : c’est le septum primum
qui cloisonne l’oreillette en deux cavités, droite et gauche. Son
bord ventral libre délimite avec le septum intermedium un
orifice interauriculaire, l’ostium primum
[6]
. Celui-ci est bientôt
oblitéré par le septum intermedium qui s’incurve en un arc à
convexité postérieure vers les oreillettes et fusionne avec le
septum primum. Dans le même temps, la partie céphalique du
septum primum se résorbe partiellement ; c’est l’ostium secun-
dum, dont l’occlusion partielle sera plus tardive par apparition
d’une deuxième ébauche septale à droite du septum primum :
le septum secundum. Quant au cloisonnement ventriculaire, la
moitié gauche de la partie droite du septum intermedium
s’incurve et fusionne avec le septum interventriculaire muscu-
laire pour former le septum atrioventriculaire qui sépare
l’oreillette droite du ventricule gauche. La moitié droite de la
partie droite et la partie gauche du septum intermedium qui
s’accroissent latéralement contribuent à former respectivement
le feuillet septal de la valve tricuspide et le feuillet antérieur de
la valve mitrale. Les bourgeons endocardiques latéraux sont
incriminés dans la formation des autres feuillets des valves
tricuspide et mitral, le feuillet antérieur de la tricuspide
provenant du septum conal.
Anatomie pathologique
Lésions élémentaires
Vu leur rôle crucial dans les formations septale et valvulaire,
toute évolution déficitaire des bourgeons endocardiques est
responsable de malformations du CAV
[7]
. Elles sont d’autant
plus complexes et plus graves que l’interruption de l’embryoge-
nèse décrite est plus précoce. Les lésions élémentaires caracté-
ristiques qui en résultent sont la communication interauriculaire
type ostium primum, la communication interventriculaire
d’admission et les fentes valvulaires
[8]
.
Septum interauriculaire
Le sous-développement du septum intermedium résulte en
une déhiscence de la partie caudale du septum interauricu-
laire
[9]
. Cette communication se limite en haut par le bord
inférieur en croissant du septum interauriculaire. En bas, soit
elle s’arrête aux valves auriculoventriculaires dans les formes
partielles, soit elle se poursuit par la communication interven-
triculaire dans les formes complètes.
D’autres communications interauriculaires type ostium
secundum peuvent être associées. Très rarement, les ostia
primum et secundum peuvent fusionner et produire une
oreillette unique, où le septum interauriculaire n’est plus qu’un
vestige musculaire céphalique appendu au toit de
l’oreillette
[10]
; l’oreillette unique est trouvée communément
dans le syndrome d’Ellis Van Crefeld.
Septum interventriculaire
Il s’agit d’un défaut de tissu musculaire au-dessous des valves
auriculoventriculaires
[11]
. Cet orifice s’ouvre à gauche très près
de la valve mitrale antérieure mais à distance des valves
aortiques. Il s’agit donc d’une communication interventriculaire
très postérosupérieure, dans le septum d’admission. Elle s’étend
souvent en avant dans le septum membraneux. Elle peut être
associée à un ou plusieurs orifices dans le septum trabéculé.
L’absence du segment atrioventriculaire du septum interventri-
culaire explique que la valve gauche est plus bas insérée que la
normale. La continuité fibreuse des valves réalise l’anneau
atrioventriculaire commun.
Valves auriculoventriculaires
Les lésions valvulaires résultent d’un défaut de fusion des
bourgeons endocardiques antérosupérieur et postéro-inférieur.
L’appareil auriculoventriculaire gauche devient trifolié par
division du feuillet septal, qui devrait être la grande valve
mitrale, en deux éléments médians antérieur et postérieur
séparés par une fente de taille variable
[12]
. Les bords de cette
fente sont souvent irréguliers, épaissis, ourlés et parfois attachés
au septum sous-jacent par quelques cordages primaires courts.
La valve postérieure qui provient du bourgeon endocardique
latéral gauche est en règle normale. Il peut exister rarement un
double orifice valvulaire gauche du fait d’un orifice accessoire
situé en arrière de l’orifice principal
[13, 14]
. Les deux muscles
papillaires antérolatéral et postéromedian peuvent se rapprocher
l’un de l’autre, comme il peut exister un pilier antérolatéral
unique sur lequel convergent tous les cordages, réalisant en
finale une valve en parachute
[15]
.
À droite, les anomalies sont plus discrètes. Il s’agit le plus
souvent d’un sous-développement de la valve septale pouvant
conduire à une véritable lacune entre la valve septale et la valve
antérieure d’origine conale.
Les lésions valvulaires élémentaires s’observent exceptionnel-
lement à l’état isolé, en dehors de tout défaut septal. Elles sont
à différencier des fentes mitrales congénitales isolées. Dans le
CAV, le rapport chambre de remplissage/chambre de chasse est
inférieur à 1
[16]
, la valve gauche étant basculé vers le bas et
l’avant, et faisant partie d’une valve auriculoventriculaire
commune. La rotation antihoraire des muscles papillaires
gauches, plus accentuée au pilier postéromédian, est responsable
d’un feuillet postérieur de plus petite taille
[17]
(moins de 40 %
de la surface valvulaire gauche totale). La fente pointe vers le
septum d’admission
[18]
, au lieu d’avoir une direction antérieure
envers l’aorte, selon certains auteurs ; cette position est en fait
peu spécifique, pouvant varier dans les fentes isolées, selon Kohl
et Silverman
[19]
. Finalement, la fente congénitale isolée peut
être aussi dépourvue de cordages
[20]
, rendant sa différenciation
encore plus difficile des formes avec CAV.
Anomalies associées
Vu la bascule de la valve gauche, et la réduction de longueur
de la chambre de remplissage avec allongement de la chambre
de chasse du ventricule gauche
[21]
, cette dernière se trouve
étirée en un canal sous-aortique, éventuellement obstructif,
donnant en angiographie l’image typique en « col de cygne ».
Quand l’obstruction est sévère, une hypoplasie de l’aorte
horizontale et/ou une coarctation aortique sont fréquemment
associées. D’autres anomalies obstructives sont possibles
(membrane sous-aortique, insertion septale d’un cordage
accessoire de l’hémivalve antérieure, mal-alignement postérieur
du septum infundibulaire). Le mal-alignement du septum
infundibulaire peut être antérieur ; une tétralogie de Fallot est
associée alors. Le CAV peut aussi s’associer à une hétérotaxie.
Le système de conduction du CAV se caractérise par un
déplacement postérieur du nœud auriculoventriculaire derrière
la communication interventriculaire et par un déplacement
postéro-inférieur de la branche gauche du faisceau de His, avec
un allongement de la branche droite. Ceci est responsable d’une
dépolarisation inférieure droite-supérieure gauche avec un axe
QRS anormal sur l’électrocardiogramme
[22]
. Ce trajet particulier
a des répercussions importantes sur la réparation chirurgicale.
Les deux ventricules sont en général bien équilibrés (de 85 à
90 %), mais l’un des deux peut être dominant, le ventricule
droit le plus souvent, avec une hypoplasie relative du ventricule
controlatéral
[16, 23]
. Le pronostic postopératoire est dans ces cas
plus sombre. L’anatomie est parfois incompatible avec une
réparation à deux ventricules, et la chirurgie devient palliative
avec une dérivation cavopulmonaire.
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Canal atrioventriculaire
2Cardiologie
Formes de canal atrioventriculaire
On distingue trois formes de CAV
[24, 25]
(Fig. 1, 2).
Partiel
Les valves communes antérieure et postérieure sont réunies
par une languette fibreuse attachée fermement à la crête du
septum interventriculaire, donnant deux orifices auriculoventri-
culaires distincts avec un anneau valvulaire commun. La
malformation est un ostium primum auquel s’associe une valve
auriculoventriculaire gauche trifoliée par fente « mitrale », tandis
que la valve auriculoventriculaire droite est soit normale,
tricuspide, soit lacunaire entre ses valves antérieure et septale.
La fente mitrale isolée ou la communication interventriculaire
d’admission peuvent être les seules manifestations du CAV
partiel.
Complet
Cette forme réunit toutes les lésions élémentaires, réalisant
une large communication à la croix du cœur. L’ostium primum
et la communication interventriculaire d’admission sont en
continuité. Il existe alors un orifice auriculoventriculaire
commun, à grand axe horizontal perpendiculaire aux défauts
septaux, qu’il coupe à la jonction de son tiers inférieur et de ses
deux tiers supérieurs. À son pourtour s’attachent quatre ou cinq
éléments valvulaires :
en avant, une valve antérieure, plus ou moins fendue, qui
résulte de la fusion des composantes antérieure de la grande
valve « mitrale » et de la valve antérieure de la « tricuspide » ;
en arrière, une valve postérieure qui résulte de la fusion de la
composante postérieure de la grande valve « mitrale » et de la
valve septale de la tricuspide ; elle est le plus souvent
rudimentaire et non divisée, mais parfois trifoliée ou fendue
en son milieu ;
à gauche et à droite, deux valves latérales issues des bourgeons
endocardiques latéraux (petite valve « mitrale » et valve
postérieure de la « tricuspide ») ; elles ont des attaches
normales et ne sont pas impliquées dans la malformation.
Dans cette forme, Rastelli base sa classification sur la mor-
phologie et le mode d’insertion de l’hémivalve antérieure
[26]
.
Il distingue trois types :
le type A est le plus fréquent ; le feuillet commun antérieur
est divisé par une fente antéropostérieure, dont les bords sont
attachés à la crête du septum interventriculaire par de
multiples cordages tendineux ;
le type B est très rare ; l’hémivalve antérieure est partielle-
ment fendue et ses deux composantes sont amarrées par des
cordages qui s’insèrent sur un pilier du ventricule droit,
adjacent au septum ;
dans le type C, la communication interventriculaire (CIV)
apparaît souvent très grande. Le feuillet commun antérieur
n’est pas divisé, il flotte librement dans la CIV et s’insère
latéralement sur les muscles papillaires antérieurs des ventri-
cules droit et gauche.
Intermédiaire
Quand la languette de séparation des deux anneaux auricu-
loventriculaires ne s’attache pas à la crête du septum interven-
triculaire, il y a une petite communication interventriculaire
restrictive, permettant l’établissement d’un shunt au travers des
cordages denses attachant les valves communes à la crête
septale. La réparation chirurgicale consiste à enlever le tissu
anormal qui comble la communication interventriculaire
d’admission, donc à compléter le CAV pour le fermer par la
suite.
Physiopathologie
La physiopathologie du CAV est assez complexe et se carac-
térise par l’association de deux types de shunt, les shunts dits
« facultatifs » et ceux dits « obligatoires », avec les fuites des
valves auriculoventriculaires
[8]
.
L’hémodynamique est essentiellement celle de shunts dits
« facultatifs » dans les communications auriculaire et/ou
ventriculaire. Leur direction et leur importance dépendent de la
taille des défauts septaux qu’ils traversent, et du rapport des
résistances vasculaires pulmonaires et systémiques. Dans le CAV
partiel, il existe surtout une surcharge volumique du ventricule
droit par le shunt gauche-droite à travers la communication
interauriculaire type ostium primum, avec hyperdébit pulmo-
naire. Il s’ensuit une élévation modeste des pressions pulmonai-
res, mais les résistances vasculaires pulmonaires sont normales.
Dans la forme complète, le shunt ventriculaire gauche-droite
s’associe au shunt auriculaire. Elle peut se compliquer d’une
insuffisance cardiaque secondaire à la surcharge volumique du
ventricule gauche et d’une élévation majeure des résistances
vasculaires pulmonaires beaucoup plus rapide que dans une
communication interventriculaire de même taille. Les enfants
trisomiques 21 sont surtout à risque de développer plus préco-
cement une maladie vasculaire pulmonaire obstructive avec
inversion des shunts.
Figure 1. Canal atrioventriculaire complet. L’absence de structure sep-
tale atrioventriculaire et la présence d’une valve auriculoventriculaire
unique définissent le canal atrioventriculaire. 1. Communication interau-
riculaire ostium primum ; 2. valve auriculoventriculaire unique ; 3. com-
munication interventriculaire septum d’admission.
Figure 2.
A. Canal atrioventriculaire complet. Schéma anatomique montrant un
seul anneau valvulaire avec cinq ou six feuillets plus ou moins bien
individualisés. 1. Hémivalve commune antérieure ; 2. postvalve mitrale ;
3. hémivalve commune postérieure ; 4. valve tricuspide.
B. Canal atrioventriculaire partiel. Schéma anatomique montrant deux
valves auriculoventriculaires distinctes avec la grande valve mitrale fendue
en deux. 1. Communication mitrale ; 2. grande valve mitrale.
Canal atrioventriculaire
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3Cardiologie
Les régurgitations homologues par les valves auriculoventri-
culaires sont quasi constantes. Il s’agit surtout de fuite valvulaire
du ventricule à l’oreillette gauche, qui augmente encore le débit
pulmonaire à travers le shunt auriculaire. Il n’existe aucune
corrélation entre l’importance des fuites et la sévérité des lésions
valvulaires.
Les shunts dits « obligatoires » sont caractéristiques de ces
anomalies et n’obéissent pas aux résistances vasculaires pulmo-
naire et systémique car les gradients de pression qui les engen-
drent sont toujours importants. Ils s’établissent entre le
ventricule gauche et l’oreillette droite d’une part, et entre le
ventricule droit et l’oreillette gauche d’autre part à travers le
vaste défaut central des formes complètes, ou par les fentes
valvulaires et l’ostium primum dans les formes partielles. Ils
augmentent aussi le débit pulmonaire. Le shunt entre le
ventricule droit et l’oreillette gauche explique la cyanose
physiologique dans les CAV, bien que les pressions pulmonaires
soient normales et que les shunts septaux soient gauche-droite.
Canal atrioventriculaire complet
Les formes complètes sont retrouvées dans 20 % des cas de
CAV. C’est la cardiopathie la plus fréquente de certaines
trisomies, 18 et surtout 21 : un tiers des trisomiques 21 en sont
affectés et un tiers des cas de cette cardiopathie s’observe chez
ces trisomiques.
Histoire et examen physique
Les symptômes apparaissent dès le premier mois de vie,
lorsque les résistances vasculaires pulmonaires commencent à
chuter. Il en résulte un hyperdébit pulmonaire avec difficultés
alimentaires, hypotrophie et infections respiratoires hautes à
répétitions. L’examen physique peut montrer un thorax
déformé comme dans les shunts gauche-droite. Il existe un
souffle cardiaque holosystolique latérosternal gauche, devenant
plus doux en apical et irradiant à l’aisselle gauche en raison de
la fuite valvulaire gauche, avec un roulement d’hyperdébit
« mitral » à la pointe. Les bruits cardiaques B1 et B2 sont forts,
avec dédoublement de ce dernier et éclat de la composante
pulmonaire. On peut retrouver parfois un B3. Les pouls péri-
phériques sont normaux ou affaiblis, contrairement à la forme
partielle. Le foie est gros. Une cyanose discrète n’est pas rare.
Une cyanose plus accentuée peut témoigner d’une obstruction
ventriculaire droite, ou de syndrome d’Eisenmenger avec
inversion du shunt droite-gauche. À ce stade, le cœur se calme
et le souffle systolique disparaît, sauf à l’apex. L’auscultation est
alors dominée par l’éclat de B2.
Radiographie thoracique
La radiographie thoracique n’est pas un outil diagnostique,
mais elle informe sur la sévérité de l’atteinte. Dans les formes
complètes, il y a une augmentation de la vascularisation
pulmonaire, non corrélée à la cardiomégalie. Celle-ci est
développée aux dépens de toutes les cavités, en raison des
régurgitations auriculoventriculaires, surtout à l’oreillette droite
qui donne un aspect bossu caractéristique à la partie supérieure
du bord droit (shunt obligatoire ventricule gauche-oreillette
droite). Un éclaircissement de la périphérie pulmonaire fait
craindre le développement d’une maladie vasculaire
pulmonaire.
Électrocardiogramme
Le diagnostic peut être facilement évoqué sur l’aspect carac-
téristique de l’électrocardiogramme. Il montre une déviation
axiale gauche à – 90° (± 30°) avec rotation antihoraire, un bloc
auriculoventriculaire de premier degré, une surcharge biauricu-
laire, surtout gauche, et un bloc de branche droit incomplet sur
les dérivations précordiales droites. L’aspect de rSr’ est corrélé à
la dilatation ventriculaire droite, l’amplitude de r’ augmentant
avec les pressions systoliques droites. Des signes de surcharge
ventriculaire gauche peuvent être associés aussi.
Cependant, l’axe peut être droit en cas de sténose pulmonaire
associée, de résistances pulmonaires très élevées ou de bloc de
branche gauche.
Échocardiographie
Fœtale
Le diagnostic anténatal peut se faire entre 12 et 16 semaines
de grossesse. Le dépistage se fait surtout par les obstétriciens
grâce à la coupe quatre cavités. L’insertion des deux valves
auriculoventriculaires au même niveau est suspecte et peut
évoquer une forme partielle/mineure de CAV
[27]
. Une amnio-
centèse est indiquée pour éliminer des anomalies chromosomi-
ques sous-jacentes, en particulier la trisomie 21.
Bidimensionnelle
L’incidence apicale quatre cavités (Fig. 3) ou longitudinale
sous-costale permet de poser le diagnostic de CAV en montrant
l’ostium primum en continuité avec un vaste défaut du septum
atrioventriculaire, la communication interventriculaire d’admis-
sion, et le passage en pont des valves auriculoventriculaires
au-dessus de la crête du septum interventriculaire
[28]
. Il faut
rechercher d’autres communications interventriculaires asso-
ciées. Elle permet aussi d’apprécier la taille des défauts septaux.
De même, on peut reconnaître la déformation en « col de
cygne » que dessine la racine de l’aorte avec la voie sous-
aortique, cette dernière étant facilement obstruée par l’apposi-
tion de la valve auriculoventriculaire antérieure sur le septum
interventriculaire non seulement en diastole, mais pendant une
grande partie de la systole. Le degré d’équilibre ou de déséqui-
libre de la valve auriculoventriculaire par rapport au septum
interventriculaire ainsi que la taille des ventricules droit et
gauche sont déterminés par l’incidence apicale.
L’incidence sous-costale transverse permet de voir la fente de
la valve auriculoventriculaire antérieure gauche, dirigée vers le
septum interventriculaire. De plus, elle étudie la voie d’éjection
du ventricule droit et démontre la présence rare d’un deuxième
orifice mitral. Elle évalue aussi le nombre et la localisation des
piliers dans le ventricule gauche. En cas de deux muscles
papillaires, le muscle postéromédian est en position habituelle.
Le muscle antérolatéral subit une translation postéro-inférieure
le rapprochant du muscle postéromédian. Une rotation impor-
tante du pilier antérolatéral ou la présence d’un muscle papil-
laire unique, ce dernier occupant alors le siège du muscle
antérolatéral, sont des facteurs de risque important de sténose
sévère en postopératoire. Le degré de sténose, par l’analyse du
Doppler « transmitral », est fréquemment sous-estimé, la
communication interauriculaire ostium primum déchargeant
l’oreillette gauche. La recherche de straddling des cordages
Figure 3. Incidence apicale quatre cavités. Canal atrioventriculaire
complet de type C avec ventricule gauche dominant chez un patient. La
valve commune antérieure ne s’insère pas sur le septum mais s’attache
uniquement sur les muscles papillaires antérieurs des deux ventricules, elle
flotte au-dessus de la communication interventriculaire qui apparaît large.
Il existe une hypoplasie de la chambre de remplissage du ventricule droit.
OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; VD : ventricule droit ; VG :
ventricule gauche.
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Canal atrioventriculaire
4Cardiologie
(insertion dans le ventricule controlatéral) est également
fondamentale dans l’évaluation préoperatoire ainsi que le type
d’insertion de l’hémivalve antérieure selon la classification de
Rastelli. Un obstacle sous-aortique, facteur de risque de morbi-
dité et de mortalité postopératoire, peut être éliminé par
l’incidence sous-costale longitudinale ou parasternale long axe.
L’échocardiographie Doppler permet de décrire les shunts
auriculaire et ventriculaire. La taille fréquemment assez large de
ces défauts conduit à des flux peu véloces, traduisant l’égalisa-
tion des pressions. L’importance des fuites auriculoventriculaires
n’est pas corrélée à l’anatomie. Les flux régurgitant au travers
des valves auriculoventriculaires ainsi que les shunts sont
visualisés par le Doppler couleur. Celui-ci permet également
d’évaluer la pression artérielle pulmonaire systolique, en
l’absence d’obstacle pulmonaire, en alignant la ligne de tir du
Doppler continu sur la fuite valvulaire droite. La vélocité de
l’insuffisance pulmonaire permet de même une estimation de la
pression artérielle moyenne et diastolique, témoin des résistan-
ces artérielles pulmonaires.
Transœsophagienne
L’échocardiographie transœsophagienne est indiquée en
peropératoire afin d’évaluer la réparation de la fente valvu-
laire
[29, 30]
. Une réintervention peut être indiquée en cas de
fuite mitrale importante.
Tridimensionnelle
L’intérêt de l’échocardiographie 3D transthoracique voire
transœsophagienne (Fig. 4) réside surtout dans l’étude des fuites
mitrales résiduelles après chirurgie réparatrice des CAV
[31, 32]
.La
déficience de la valve postérieure, appelée aussi valve murale,
avec fuite latérale à son point de coaptation, ou une déficience
de la composante inférieure du feuillet antérieur avec régurgita-
tion médiale joue sans doute un rôle important. On comprend
que des informations sur l’extension d’une fente résiduelle, la
présence d’un double orifice valvulaire, la souplesse des feuillets
et leur surface respective soient essentielles pour optimiser le
geste de réintervention.
Cathétérisme et angiocardiographie
Le cathétérisme cardiaque est le plus souvent inutile quelle
que soit la forme du CAV. Il est indiqué en cas de suspicion
d’élévation des résistances vasculaires pulmonaires. Une mesure
des pressions pulmonaires est alors associée à des tests de
réactivité du lit vasculaire pulmonaire par l’oxygène et/ou le
monoxyde d’azote (NO). Une égalisation des pressions diastoli-
ques et moyennes dans les deux ventricules non réactives après
vasodilatation contre-indique la réparation chirurgicale.
Traitement
La chirurgie (Fig. 5), en cas de forme complète, doit être faite
entre 3 et 6 mois, avant la fixation des résistances pulmonaires
élevées, notamment s’il s’agit d’une trisomie 21
[33]
. La répara-
tion consiste à fermer, par transatriotomie droite, les septums
sous circulation extracorporelle par un ou deux patchs synthé-
tiques
[34]
, tout en préservant si possible l’intégrité des valves
antérieure et postérieure
[35]
. Quant à la reconstruction de la
valve « mitrale », le but est de produire une valve auriculoven-
triculaire systémique compétente et non sténosante. La théorie
tricuspide de la valve mitrale, apparue dans les années 1970
[36]
,
qui a conduit les chirurgiens à ne pas toucher la fente pendant
la cure complète des CAV, n’est plus retenue vu le taux de
réopérations des fuites mitrales résiduelles. La fente mitrale, qui
n’est plus considérée comme une commissure septale, est
suturée et son étanchéité vérifiée en postopératoire immédiat
par l’injection de sérum physiologique
[37]
. Une fente non
opérée
[38]
ou qui garde une fuite postopératoire même minime
risque de remanier les feuillets à long cours et de rendre la
réintervention plus difficile. Les anomalies associées sont
opérées d’emblée lors de la cure du CAV
[39]
. Un traitement
palliatif n’est envisagé qu’en cas d’impossibilité de septation
(hypoplasie ventriculaire ou communications interventriculaires
multiples).
Pronostic
Depuis la première opération réussie de CAV complet par
Lillehei et al. en 1954 avec la circulation croisée contrôlée
[40]
,
les résultats opératoires se sont nettement améliorés grâce aux
progrès techniques de la protection myocardique et de la
réanimation postopératoire
[41]
. Le risque de mortalité reste
cependant élevé (de l’ordre de 8,7 %)
[42]
, et le pronostic
postopératoire dépend surtout de la survenue d’un bloc auricu-
loventriculaire et d’une fuite résiduelle mitrale très fré-
quente
[43]
. Un pacemaker est mis en place en cas d’interruption
de la voie de conduction et de bloc auriculoventriculaire. Les
fuites mitrales postopératoires sont moins fréquentes chez les
trisomiques 21, parce que leur tissu valvulaire épais et redon-
dant permet une meilleure réparation
[44, 45]
. En cas de fuite
résiduelle importante avec instabilité clinique et/ou hémodyna-
mique malgré un traitement médicamenteux, l’échocardiogra-
phie transœsophagienne et l’échocardiographie tridimension-
nelle sont utiles avant de réaliser, selon les différentes indica-
tions, une plastie mitrale redux, la technique du double orifice
(technique d’Alfieri)
[46]
, un élargissement des feuillets valvulai-
res déficitaires par un patch péricardique non traité par du
glutaraldéhyde
[47, 48]
ou un remplacement de la valve mitrale
par une prothèse mécanique en dernière intention. La techni-
que du double orifice permet aussi de corriger un mouvement
systolique antérieur anormal de la valve mitrale et de réduire
l’obstacle sous-aortique qui est aussi une cause principale de
morbidité postopératoire tardive de CAV
[49]
. En cas de sténoses
itératives de la voie d’éjection du ventricule gauche, d’autres
techniques chirurgicales sont possibles, dont la myomectomie
modifiée de Ross avec élargissement de la voie de sortie du
ventricule gauche par un patch
[50]
. Les autres facteurs de
morbidité sont des shunts résiduels interauriculaire ou inter-
ventriculaire.
Canal atrioventriculaire
partiel/intermédiaire
Les formes partielles de CAV sont beaucoup plus fréquentes
et nettement moins graves que les formes complètes. Dans 5 %
des cas seulement, la trisomie 21 est présente.
Histoire et examen physique
Ces enfants sont peu symptomatiques, ce qui explique un
diagnostic assez tardif vers1à2ans. On retrouve des bronchi-
tes traînantes, un retard staturopondéral et un essoufflement à
l’effort. Les symptômes dépendent du shunt auriculaire et de la
régurgitation de la valve atrioventriculaire gauche.
L’auscultation est celle d’une communication interauriculaire
avec un souffle systolique, de grade 3/6 au maximum, au foyer
Figure 4. Vue ventriculaire gauche 3D d’une valve mitrale de canal
atrioventriculaire. La fente mitrale sépare la valve antérieure en deux
feuillets (supérieur et inférieur). A : commissure antérieure ; P : commis-
sure postérieure;F:fente.
Canal atrioventriculaire
11-940-C-40
5Cardiologie
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