devient une HTAP par augmentation des résistances
#p=Q×#R. La paroi vasculaire soumise à un hyperdébit
pulmonaire est lésée : les cellules musculaires lisses prolifèrent en
intraluminal avec hypertrophie de la média, l’intima s’épaissit et
se fibrose. Le mécanisme physiopathologique de ces modifica-
tions histologiques reste peu connu : l’augmentation des forces
de cisaillement pourraient être responsables d’une altération et
d’une dysfonction endothéliale avec dégradation de la matrice
extracellulaire et relargage de facteurs de croissance
[11]
.La
dysrégulation de la mort cellulaire serait également impliquée
dans la survenue de l’hypertension artérielle pulmonaire des
cardiopathies congénitales. Lévy et al. ont démontré l’émergence
de cellules endothéliales résistantes au phénomène apoptotique
dans l’HTAP irréversible, compliquant les cardiopathies congéni-
tales. Ces cellules prolifèrent, oblitèrent les artérioles pulmonai-
res et, parallèlement, une néoangiogenèse est observée. Cette
dysrégulation apoptotique est amplifiée par des phénomènes
inflammatoires, certaines cellules inflammatoires exprimant des
protéines antiapoptotiques
[12, 13]
. De plus, les lésions endothé-
liales favorisent les thromboses par activation des facteurs de
coagulation. Enfin la dysfonction endothéliale crée un déséqui-
libre de la balance vasodilatateur/vasoconstricteur
[2, 14]
.
■Conséquences cliniques
Shunt ventriculaire et artériel
Les phénomènes d’adaptation hémodynamique varient selon
les patients, mais surtout selon le type de shunt gauche-droite :
ventriculaire, auriculaire ou artériel.
Le retentissement du shunt gauche-droite dépend du gradient
de pression entre les deux systèmes communicants et de la taille
de la communication. Le petit calibre du défaut septal ou du
canal artériel (CA) oppose une résistance au flux sanguin qui le
traverse, le débit du shunt gauche-droite reste faible, les cavités
gauches sont peu dilatées, les pressions droites basses. Le shunt
gauche-droite est dit restrictif quand la pression artérielle
pulmonaire est normale. Cliniquement, ce shunt se traduit par
un simple souffle, témoin d’un flux véloce et turbulent à travers
la communication interventriculaire (CIV) ou le CA chez un
enfant asymptomatique.
De larges CIV ou CA entraînent une forte augmentation de
débit dans l’artère pulmonaire. Le shunt, peu symptomatique
chez le nouveau-né, le devient à la fin du premier mois de vie
du fait de l’hyperdébit pulmonaire lorsque les résistances
pulmonaires diminuent. La symptomatologie est caractérisée par
une dyspnée. Les mécanismes d’adaptation myocardique et
vasculaire avec l’hyperkinésie ventriculaire gauche se font, à
terme, au détriment de l’enfant qui se dénutrit. C’est le gradient
Doppler à travers la CIV ou le CA qui permet d’estimer la
pression artérielle pulmonaire en appliquant la loi de Bernouilli.
Le danger vient de la CIV non restrictive dont l’HTAP, initiale-
ment de débit, se transforme en HTAP fixée par augmentation
des résistances artérielles pulmonaires. La résultante clinique est
l’inversion du shunt qui devient droite-gauche, responsable de
la cyanose. L’évolution irréversible vers une HTAP fixée se fait
de façon plus ou moins précoce selon la taille de la communi-
cation, mais aussi de facteurs individuels
[2, 15-17]
.
Shunt auriculaire
La physiopathologie du shunt auriculaire diffère. Le sens et
l’importance du shunt sont fonction de la taille de la commu-
nication et du gradient de pression entre les deux oreillettes.
Celui-ci est directement lié aux performances diastoliques des
ventricules. En période néonatale, le ventricule droit est
hypertrophié avec une compliance proche de celle du ventricule
gauche
[1]
. La diminution de la compliance du ventricule gauche
avec l’âge et/ou une pathologie du myocarde (ischémie, hyper-
trophie) augmentent le volume du shunt gauche-droite. A
contrario, une altération de la fonction diastolique du ventricule
droit (sténose valvulaire pulmonaire ou anomalie d’Ebstein)
réduit le shunt gauche-droite, voire l’inverse pour devenir
droite-gauche. Le gradient de pression auriculaire dépend
également du retour veineux, de la compliance des deux
oreillettes et de la continence des valves auriculoventriculai-
res
[18]
. Le sens du shunt auriculaire est donc un baromètre,
reflet direct du rapport des pressions gauches et droites de
remplissage.
Le shunt atrial gauche-droite crée un hyperdébit pulmonaire
qui dilate progressivement les cavités droites. Ainsi un
nouveau-né avec une CIA est peu symptomatique, les répercus-
sions cliniques survenant avec l’âge. L’enfant peut présenter des
infections oto-rhino-laryngologiques (ORL) à répétition, à l’âge
adulte, ce shunt auriculaire se manifeste par des troubles du
rythme du fait de la dilatation de ces cavités droites ou une
insuffisance cardiaque droite. Seul5%à10%despatients
ayant une CIA développent un syndrome d’Eisenmenger dont
la physiopathologie reste mal connue
[19]
.
“Points essentiels
• Le shunt gauche-droite est le passage anormal de sang
oxygéné de la circulation systémique vers la circulation
pulmonaire.
• Le sens et l’importance du shunt sont fonction de la
taille de la communication et de la différence de pression
entre les deux cavités communicantes. Le shunt s’effectue
du plus résistif vers le moins résistif, du moins compliant
vers le plus compliant.
• Le shunt gauche-droite entraîne une adaptation
hémodynamique et des modifications vasculaires : une
perte de charge à gauche et un hyperdébit à droite : le
rapport Qp/Qs est augmenté et l’hyperdébit pulmonaire
entraîne une « HTAP de débit » : #p=#Q × R (loi de
Poiseuille).
• Différents systèmes neurohormonaux jouent un rôle
dans le maintien du débit cardiaque par augmentation
des résistances périphériques et augmentation de la
volémie.
• La surcharge en volume entraîne une hyperkinésie par
étirement maximal des sarcomères en cas de shunt artériel
ou ventriculaire.
• Un remodelage ventriculaire s’observe avec un
recrutement des sarcomères et une hyperplasie/
hypertrophie de la paroi, permettant une augmentation
du travail fourni.
• La paroi vasculaire soumise à un hyperdébit crée des
lésions d’artériolite pulmonaire irréversibles.
• L’HTAP de débit devient une HTAP par augmentation
des résistances #p=Q×#R.
• Le retentissement du shunt gauche-droite dépend de sa
taille, du gradient de pression entre les deux systèmes
communicants et de la taille de la communication. Le
shunt gauche-droite ventriculaire ou artériel est
caractérisé par son caractère restrictif ou non restrictif,
défini par le gradient de pression entre les deux systèmes
communicants. La fermeture du shunt doit être réalisée
avant la survenue de lésions d’artériolite pulmonaire
irréversibles en quelques mois.
• La physiopathologie du shunt auriculaire diffère. Le sens
et l’importance du shunt sont fonction de la taille du
défect et du gradient de pression entre les deux oreillettes
directement en relation avec les propriétés de compliance
des ventricules droit et gauche. Le shunt atrial gauche-
droite crée un hyperdébit pulmonaire qui dilate les cavités
droites. L’hypertension artérielle pulmonaire fixée
compliquant une CIA est rare.
Physiopathologie des shunts gauche-droite
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11-940-C-10
3Cardiologie