« Les morts ne souffrent
plus. Ils sont heureux !
J’envie
« Leur fosse où l’herbe
pousse, où s’effeuillent les
bois.
« À quoi songeaient les
deux cavaliers dans la
forêt »
Maintenant, ô mon Dieu !
que j’ai ce calme sombre
De pouvoir désormais
Voir de mes yeux la pierre
où je sais que dans l’ombre
Elle dort pour jamais ;
« À Villequier »
En présence de tant
d’amour et de vertu,
Il ne sera pas dit que je me
serai tu,
Moi qu’attendent les maux
sans nombre !
« Charles Vacquerie »
La pauvre âme a souri dans
l’angoisse, en sentant
A travers l’eau sinistre et
l’effroyable instant
Que tu t’en venais avec
elle !
« Charles Vacquerie »
Livre V :
Écoutez-moi. J’ai vécu ; j’ai
songé.
La vie en larmes m’a
doucement corrigé.
Ils ont vécu et ont voulu continuer de vivre – c’est ce qu’ils me
disent au moyen de leurs maisons, bâties et ornées pour des
siècles, et non pour l’heure fugitive (291)
(A propos de la science)
Alors que dans cet élément rigoureux et clair, il dispose de sa
force en totalité : ici, il peut voler ! (239)
Qu’il est difficile de vivre lorsque l’on sent que l’on a contre soi
et partout autour de soi le jugement de nombreux millénaires !
(296)
Car chez eux, cette force subtile qui leur est propre s’arrête
d’ordinaire là où s’arrête l’art et où commence la vie ; mais nous,
nous voulons être les poètes de notre vie, et d’abord dans les
choses les plus modestes et les plus quotidiennes. (299)
Je connais mieux la vie pour avoir été si souvent sur le point de
la perdre : et c’est justement pourquoi je possède plus, en fait de
vie, que vous tous ! (303)
Nous nions et devons nier parce que quelque chose en nous
veut vivre et s’affirmer, quelque chose que nous ne connaissons
peut-être pas encore, ne voyons pas encore ! (307)
Je veux avoir auprès de moi mon lion et mon aigle afin de
toujours avoir des signes et des présages m’indiquant la
grandeur ou la petitesse de ma force. (314)
Non ! La vie ne m’a pas déçu ! Année après année, je la trouve
au contraire plus vraie, plus désirable et plus mystérieuse (324)
Une perte est une perte pendant une heure à peine : avec elle,
d’une manière ou d’une autre, un cadeau nous est aussi tombé
du ciel – une nouvelle force par exemple : et ne serait-ce qu’une
nouvelle occasion d’accéder à la force ! (326)
Nous n’allons pas assez mal pour devoir aller mal de manière
stoïcienne ! (326)
Seulement, le pays qui m’a vue naître n’existe plus. Ni ce lieu que nous appelions
patrie, ni cette époque qui était aussi notre patrie. Nous sommes maintenant
comme des chauve-souris. J’ai cinq enfants : mon fils aîné est en seconde et la plus
petite va au jardin d’enfants. Notre pays n’existe plus, mais nous continuons de
vivre.
Trois monologues sur une peur très ancienne, p 70
Sur la porte, il y avait un mot : « Cher homme, ne cherche pas des objets de valeur,
nous n’en avions pas. Utilise ce dont tu as besoin, mais sans marauder. Nous
reviendrons. »
Le chœur des soldats, p 76
Tout le monde était bien payé : trois fois le salaire mensuel plus frais de mission.
Et puis, on buvait… Vous savez ; la vodka, ça aide… Elle enlève le stress. Il y avait
bien une raison si, pendant la guerre, on distribuait aux soldats ce fameux verre de
vodka, avant l’attaque…
Le chœur des soldats, p 80
Chaque jour, dans le journal mural, baptisé Journal de combat, on écrivait : « Les gens
travaillent avec courage et abnégation », Nous tiendrons et nous vaincrons !... Pour
cet exploit, j’ai reçu mille roubles et un diplôme d’honneur… »
Le chœur des soldats, p 81
Je leur demande de prendre ma fillette, même pour des expériences… Je ne veux
pas qu’elle meure…. Je suis d’accord pour qu’elle devienne un cobaye, comme une
grenouille ou un lapin, pourvu qu’elle survive.
Monologue sur de vieilles prophéties, p 90
Je me demande pourquoi on écrit si peu sur Tchernobyl. Pourquoi nos écrivains
continuent-ils à parler de la guerre, des camps et se taisent sur cela ? Est-ce un
hasard ? Je crois que, si nous avions vaincu Tchernobyl, il y aurait plus de textes.
Ou si nous l’avions compris. Mais nous ne savons pas comment tirer le sens de
cette horreur. Nous n’en sommes pas capables.
Monologue à propos d’un paysage lunaire, 93.
Chez nous un seul homme avait peur. Il craignait de quitter la tente, dormait dans
sa combinaison de caoutchouc. Un lâche ! Il a été exclu du parti. Il criait : « Je veux
vivre ! »
Monologue sur un témoin qui avait mal aux dents et qui a vu Jésus tomber
et gémir, p 98