Cpge Coubertin La force de vivre Citations Les Contemplations Le Gai savoir La Supplication Livre IV : Vous savez que je désespère, Que ma force en vain se défend, Et que je souffre comme père, Moi qui souffris tant comme enfant ! « Trois ans après » Je veux apprendre toujours plus à voir dans la nécessité des choses le beau : je serai ainsi l’un de ceux qui embellissent les choses. Amor fati : que ce soit dorénavant mon amour ! Je ne veux pas faire la guerre au laid. (276) Je n’avais plus aucun désir de vivre. Dans la nuit, je me tenais près de la fenêtre et regardais le ciel : « Vassenka, que puis-je faire ? Je ne veux pas vivre sans toi. » Une voix solitaire p 28 Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère «V» Je n’étais jamais gai quand je la sentais triste ; J’étais morne au milieu du bal le plus joyeux Si j’avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux. «V» Je composais cette jeune âme Comme l’abeille fait son miel. « VI » Hermann reprit alors : « Le malheur, c’est la vie. Cela me rend malheureux de voir que les hommes ne veulent absolument pas penser la pensée de la mort ! J’aimerais contribuer en quelque manière à leur rendre la pensée de la vie encore cent fois plus digne d’être pensée. (278) Car, croyez-moi ! – le secret pour retirer de l’existence la plus grande fécondité et la plus grande jouissance, c’est : vivre dangereusement ! Bâtissez vos villes sur le Vésuve ! (283) Il est un lac qui un jour s’interdit de s’écouler et jeta une digue là où il s’écoulait jusqu’alors : depuis, le niveau de ce lac ne cesse de monter. Peut-être est-ce précisément ce renoncement qui nous donnera à nous aussi la force grâce à laquelle on peut supporter le renoncement lui-même (285) Voici des espérances ; mais qu’en verrez-vous et qu’en entendrez-vous si vous n’avez pas dans vos propres âmes vécu l’expérience de la splendeur, de la ferveur et des aurores ? (286) « Donner du style » à son caractère – un art grand et rare ! L’exerce celui qui embrasse du regard tout ce que sa nature offre de forces et de faiblesses, intègre ensuite tout ceci à un plan artistique jusqu’à ce que chaque élément apparaisse comme art et comme raison, et que même la faiblesse enchante l’œil. (290) Je donnai naissance à un garçon. Maintenant, j’ai quelqu’un pour qui vivre et respirer. Une voix solitaire p 28 (Sur un ton gai, soudain.) Et pourquoi partir ? C’est si beau ici ! Tout fleurit, tout pousse. Des moustiques aux animaux domestiques, tout vit. Monologue sur ce dont on peut parler avec les vivants et les morts p 40 Empoisonnée par la radiation ou non, elle reste ma patrie. À aucun autre endroit, on n’a besoin de nous. Même l’oiseau aime son nid… Monologue d’un village : comment appeler les âmes du paradis pour pleurer et manger avec elles, p 48 Je n’ai personne pour qui pleurer, alors je pleure pour tout le monde. Pour des étrangers. Je vais sur leurs tombes et je leur parle… Monologue d’un village : comment appeler les âmes du paradis pour pleurer et manger avec elles, p 57 Je n’ai pas peur de la terre ou de l’eau, j’ai peur de l’homme… Là-bas, pour cent dollars, on peut acheter une mitraillette au marché… Trois monologues sur une peur très ancienne, p 68 J’avais un grade militaire : lieutenant-colonel de train. Ici, je me suis retrouvée au chômage puis j’ai trouvé du travail comme femme de ménage à la mairie. Je lave les planchers… J’ai vécu toute une vie et je n’ai pas la force d’en entamer une seconde… Trois monologues sur une peur très ancienne, p 69 « Les morts ne souffrent plus. Ils sont heureux ! J’envie « Leur fosse où l’herbe pousse, où s’effeuillent les bois. « À quoi songeaient les deux cavaliers dans la forêt » Maintenant, ô mon Dieu ! que j’ai ce calme sombre De pouvoir désormais Voir de mes yeux la pierre où je sais que dans l’ombre Elle dort pour jamais ; « À Villequier » En présence de tant d’amour et de vertu, Il ne sera pas dit que je me serai tu, Moi qu’attendent les maux sans nombre ! « Charles Vacquerie » La pauvre âme a souri dans l’angoisse, en sentant A travers l’eau sinistre et l’effroyable instant Que tu t’en venais avec elle ! « Charles Vacquerie » Livre V : Écoutez-moi. J’ai vécu ; j’ai songé. La vie en larmes m’a doucement corrigé. Ils ont vécu et ont voulu continuer de vivre – c’est ce qu’ils me disent au moyen de leurs maisons, bâties et ornées pour des siècles, et non pour l’heure fugitive (291) (A propos de la science) Alors que dans cet élément rigoureux et clair, il dispose de sa force en totalité : ici, il peut voler ! (239) Qu’il est difficile de vivre lorsque l’on sent que l’on a contre soi et partout autour de soi le jugement de nombreux millénaires ! (296) Car chez eux, cette force subtile qui leur est propre s’arrête d’ordinaire là où s’arrête l’art et où commence la vie ; mais nous, nous voulons être les poètes de notre vie, et d’abord dans les choses les plus modestes et les plus quotidiennes. (299) Je connais mieux la vie pour avoir été si souvent sur le point de la perdre : et c’est justement pourquoi je possède plus, en fait de vie, que vous tous ! (303) Nous nions et devons nier parce que quelque chose en nous veut vivre et s’affirmer, quelque chose que nous ne connaissons peut-être pas encore, ne voyons pas encore ! (307) Je veux avoir auprès de moi mon lion et mon aigle afin de toujours avoir des signes et des présages m’indiquant la grandeur ou la petitesse de ma force. (314) Non ! La vie ne m’a pas déçu ! Année après année, je la trouve au contraire plus vraie, plus désirable et plus mystérieuse (324) Une perte est une perte pendant une heure à peine : avec elle, d’une manière ou d’une autre, un cadeau nous est aussi tombé du ciel – une nouvelle force par exemple : et ne serait-ce qu’une nouvelle occasion d’accéder à la force ! (326) Nous n’allons pas assez mal pour devoir aller mal de manière stoïcienne ! (326) Seulement, le pays qui m’a vue naître n’existe plus. Ni ce lieu que nous appelions patrie, ni cette époque qui était aussi notre patrie. Nous sommes maintenant comme des chauve-souris. J’ai cinq enfants : mon fils aîné est en seconde et la plus petite va au jardin d’enfants. Notre pays n’existe plus, mais nous continuons de vivre. Trois monologues sur une peur très ancienne, p 70 Sur la porte, il y avait un mot : « Cher homme, ne cherche pas des objets de valeur, nous n’en avions pas. Utilise ce dont tu as besoin, mais sans marauder. Nous reviendrons. » Le chœur des soldats, p 76 Tout le monde était bien payé : trois fois le salaire mensuel plus frais de mission. Et puis, on buvait… Vous savez ; la vodka, ça aide… Elle enlève le stress. Il y avait bien une raison si, pendant la guerre, on distribuait aux soldats ce fameux verre de vodka, avant l’attaque… Le chœur des soldats, p 80 Chaque jour, dans le journal mural, baptisé Journal de combat, on écrivait : « Les gens travaillent avec courage et abnégation », Nous tiendrons et nous vaincrons !... Pour cet exploit, j’ai reçu mille roubles et un diplôme d’honneur… » Le chœur des soldats, p 81 Je leur demande de prendre ma fillette, même pour des expériences… Je ne veux pas qu’elle meure…. Je suis d’accord pour qu’elle devienne un cobaye, comme une grenouille ou un lapin, pourvu qu’elle survive. Monologue sur de vieilles prophéties, p 90 Je me demande pourquoi on écrit si peu sur Tchernobyl. Pourquoi nos écrivains continuent-ils à parler de la guerre, des camps et se taisent sur cela ? Est-ce un hasard ? Je crois que, si nous avions vaincu Tchernobyl, il y aurait plus de textes. Ou si nous l’avions compris. Mais nous ne savons pas comment tirer le sens de cette horreur. Nous n’en sommes pas capables. Monologue à propos d’un paysage lunaire, 93. Chez nous un seul homme avait peur. Il craignait de quitter la tente, dormait dans sa combinaison de caoutchouc. Un lâche ! Il a été exclu du parti. Il criait : « Je veux vivre ! » Monologue sur un témoin qui avait mal aux dents et qui a vu Jésus tomber et gémir, p 98 « Écrit en 1846 » Quand partout le supplice à la fois se consomme Quand la guerre est partout, quand la haine est partout, Alors, subitement, un jour, debout ! debout ! « Écrit en 1846 » Oh ! jamais, quel que soit le sort, le deuil, l’affront, La conscience en moi ne baissera le front ; Elle marche sereine, indestructible et fière ; « Écrit en 1846 » La source dit au gouffre amer : « Je te donne, sans bruit ni gloire, « Ce qui te manque, ô vaste mer ! « Une goutte d’eau qu’on peut boire. » « IV » Gloire aux fermes penseurs inclinés sur celui Que le sort, geôlier triste, au fond de l’exil pousse ! Ils ressemblent à l’aube, ils ont la force douce, Ils sont grands ; « À Jules J. » Et, pendant que je dis : « Tout est leurre, imposture, Ou combien te faudrait-il aimer et toi-même et la vie pour ne plus aspirer à rien d’autre qu’à donner cette approbation et apposer ce sceau ultime et éternel ? (341) Nous autres, les humains, nous comprenons des choses, mais les animaux, eux, se contente de vivre. Et les oiseaux… Trois monologues sur la « poussière qui marche » et « la terre qui parle » p 100 Me souvenir ? Je veux me souvenir, mais, en même temps, je ne veux pas… (Elle semble écouter une voix intérieure ou, peut-être, discuter avec elle-même.) Si les savants ne savent rien, si les écrivains ne savent pas, alors c’est à nous de les aider par notre vie et notre mort. Monologue sur la difficulté de vivre sans Tchekhov ni Tolstoï, p 108 L’humour était notre seule planche de salut. On racontait des blagues sans arrêt. Monologue sur ce que saint François prêchait aux oiseaux, p 114. Nous nous efforcions tous, inconsciemment, de calquer notre attitude sur quelque chose que nous connaissions déjà. Cela est resté gravé dans ma mémoire. Et cette fillette qui remuait la main en disant au revoir à sa maman : Tout va bien, elle est courageuse. Nous vaincrons ! » Monologue sur ce que saint François prêchait aux oiseaux, p 116. Maintenant, je ne filme que des animaux. Je vous l’ai dit : j’ai découvert le sens de ma vie… Monologue sur ce que saint François prêchait aux oiseaux, p 120. L’impensable s’est produit : les gens se sont mis à vivre comme avant. Renoncer aux concombres de son potager était plus grave que Tchernobyl. Monologue à deux voix pour un homme et une femme, p 126. Je rapporte au musée tout ce que je peux…Je ramasse… Mais il m’arrive de penser à tout abandonner, à m’enfuir ! Comment puis-je supporter tout cela ? Monologue sur ce regret du rôle et du sujet, p 142. J’ai peur de vivre sur cette terre. On m’a donné un dosimètre, mais à quoi bon ? Je lave le linge, chez moi. Il est si blanc, mais le dosimètre sonne. Le chœur populaire, p 149. Dans les premiers jours, la question « qui est coupable ? » nous semblait la plus importante. Plus tard, lorsque nous avons appris plus de choses, nous nous sommes demandé : « Que faire ? » Comment se sauver ? Maintenant que nous nous sommes « Mensonge, iniquité, mal de splendeur vêtu ! » Mon chien Ponto me suit. Le chien, c’est la vertu Qui, ne pouvant se faire homme, s’est faite bête. Et Ponto me regarde avec son œil honnête. « Ponto » faits à l’idée que cela va durer non pas un an ou deux, mais plusieurs générations, nous avons commencé à retourner mentalement en arrière. A tourner une page après l’autre. Monologue sur ce que nous ignorions : la mort peut être si belle, p 153. Mère, nous n’avons pas plié, quoique roseaux, Ni perdu la bonté vis-à-vis l’un de l’autre, Ni demandé la fin de mon deuil et du vôtre À cette lâcheté qu’on appelle l’oubli. « Dolorosae » J’ai beaucoup réfléchi. Je cherchais le sens…Tchernobyl est une catastrophe de la mentalité russe. Vous n’y avez jamais pensé ? Bien sûr que je suis d’accord lorsque l’on dit que ce n’est pas le réacteur qui a explosé, mais tout l’ancien système de valeurs. Quelque chose, pourtant, me manque dans cette explication… Monologue sur le fait qu’un Russe a toujours besoin de croire en quelque chose, p 173 Ai-je donc vidé tout, vie, amour, joie, espoir ? J’attends, je demande, j’implore ; Je penche tour à tour mes urnes pour avoir De chacune une goutte encore ! « Paroles sur la dune » Paul, il me semble, grâce à ce fier souvenir Dont tu viens nous bercer, nous sacrer, nous bénir, Que dans ma plaie, où dort la douleur, ô poëte ! Je sens de la charpie avec un drapeau faite. « À Paul M. » Ce qui est resté dans ma mémoire de cette période ? L’ombre de la démence…La manière dont nous creusions…J’ai noté dans mon journal ce que j’ai compris. Dès les premiers jours, j’ai su à quel point il était facile de devenir poussière… Monologue sur la légèreté de devenir poussière, p 163. Ma fille m’a dit récemment : « Maman, si j’accouche d’un bébé difforme, je l’aimerai quand même. » Vous vous rendez compte ? Elle est en terminale et elle a déjà des idées pareilles. Monologue sur un petit monstre qu’on aimerait quand même, p 194 L’homme se lève tôt le matin… Et il ne pense nullement à l’éternité, ses pensées vont à son pain quotidien. Et vous voulez forcer les gens à penser à l’éternité ? Voilà bien l’erreur de tous les humanistes. Monologue sur des victimes et des prêtres, p 218 Parfois, je réfléchis et je cherche des consolations : peut-être que la mort n’est pas la fin de tout. Il a peut-être simplement changé de monde et vit ailleurs. Aujourd’hui, je travaille dans une bibliothèque. Je lis beaucoup. Je rencontre des gens divers. J’ai envie de parler de la mort. De comprendre. Je cherche dans les journaux et les livres. Je vais voir des pièces qui parlent de la mort. Sans lui, j’ai physiquement mal. Je ne peux pas vivre seule… Une autre voix solitaire, p 240 - Fils », dit-il doucement, « allez en plaindre un autre. « Je suis dans ce grand bois et sous le ciel vermeil, « Et je n’ai pas de lit, fils, mais j’ai le sommeil. » « Les malheureux » Livide et radieux, Socrate m’a tendu Sa coupe en me disant : – As-tu soif ? Bois la vie. « Les malheureux » Et, quand, dans le supplice où nous devons lutter, Le lâche destin va jusqu’à nous insulter, Quand sur nous il entasse outrage, rire, blâme, Et tant de contre-sens entre le sort et l’âme Que notre vie arrive à la difformité, La laideur de l’épreuve en devient la beauté. » « Les malheureux »