gie anti-p53) pour l’étude des altérations de la p53 humaine
chez 108 femmes tunisiennes atteintes du cancer du sein. Nous
avons également cherché des corrélations possibles entre la ré-
ponse de l’organisme vis-à-vis de la p53 et certaines données
cliniques connues pour leur valeur pronostique.
Les anticorps anti-p53 révélés par Western Blot ont été dé-
crits pour la première fois en 1982 par Crowford et al. [10]
dans le sérum de 9 % des patients ayant le cancer du sein. Plus
récemment une quinzaine d’études utilisant la méthode Elisa
ont évalué la présence d’anticorps anti-p53 dans le cancer du
sein [37]. La fréquence de ces anticorps anti-p53 est de 15 à
20 %, mais la majorité de ces études ont été réalisées soit en
Europe, soit aux États-Unis, aucune étude n’a été réalisée en
Afrique du Nord ni précisément en Tunisie où la fréquence du
cancer du sein (29,8 %) est proche de celle des populations
européennes [4].
Nous avons montré par une analyse sérologique que 14 %
des patientes sont séropositives pour les anticorps anti-p53.Ce
pourcentage de positivité se situe dans l’intervalle des valeurs
trouvées (1 à 26,5 %) dans des études analogues [2,27,37,42].
Nos analyses statistiques ont montré d’une part, une corré-
lation négative entre la production de ces anticorps et l’expres-
sion des récepteurs hormonaux démontrant ainsi que la réponse
immune anti-p53 serait un marqueur d’agressivité tumorale,
elle-même connue pour être associée à l’absence de récepteurs
d’hormones stéroïdiennes [30,33,27].D’autre part, on démon-
tre une corrélation positive entre l’apparition d’anticorps anti-
p53 et l’envahissement ganglionnaire ; cette corrélation n’a pas
été démontré par certaines études [27].
Parmi les hypothèses sur la rupture de tolérance vis-à-vis de
la p53,l’apparition des anticorps dirigés contre cette protéine
serait la conséquence de son accumulation dans les cellules
tumorales. Normalement la p53 est indétectable in situ dans
un tissu sain, son altération peut induire une augmentation de
sa demi-vie qui passe de 15–20 minutes à 4–12 heures [20,31].
Il en résulte une accumulation nucléaire qui est mise en évi-
dence par analyse immunohistochimique. Ainsi, nous avons
révélé l’accumulation de la p53 dans les cellules tumorales de
37,5 % des patientes. Cette positivité vis-à-vis de la p53 nu-
cléaire a été déjà démontrée dans 20 à 50 % des cas des can-
cers mammaires [26]. Dans notre étude, l’accumulation de la
p53 nucléaire est corrélée significativement avec le grade his-
tologique élevé (p= 0,0006) puisque dans 63,6 % des cas où la
p53 est accumulée, la tumeur est de grade III. Pour le grade I,
toutes les tumeurs analysées sont négatives conformément aux
résultats de la littérature. Dans les cas de carcinomes canalaires
infiltrants, une corrélation hautement significative a été trouvée
entre la proportion de cellules positives pour la p53 et le grade
histologique SBR III [15]. Ces résultats signifient que l’altéra-
tion de la p53 est associée au grade le plus agressif du cancer.
La surexpression de la p53 altérée et/ou de la p53 sauvage
peut entraîner sa reconnaissance par le système immunitaire.
Elle sera ainsi considérée comme un antigène tumoral [39,
11]. Bien que la présente étude n’ait démontré aucune corréla-
tion entre les résultats de l’immunohistochimie et de la sérolo-
gie, nous avons observé que dans 21 % des cas étudiés, l’accu-
mulation de la p53 nucléaire est accompagnée d’une synthèse
d’anticorps anti-p53. Cette situation concorde avec une étude
réalisée par [32] sur des patients thaïlandais où il avait été dé-
montré que la présence des anticorps anti-p53 était fortement
associée à une accumulation tumorale de la protéine p53 ; ce
qui implique que cette réponse immune est déclenchée par l’ac-
cumulation de la p53 dans les tumeurs comme cela a été décrit
dans le cas du cancer du poumon [44]. Mais, il semble que cet
effet dose stipulé par la plupart des auteurs [10,37] ne soit le
seul responsable de la rupture de tolérance de l’organisme vis-
à-vis de la p53.
Nous avons démontré que dans 75,7 % des cas analysés, il y
a une accumulation tumorale de la protéine p53 sans qu’elle
soit associée à une synthèse d’anticorps anti-p53. Cela signifie
bien que l’effet dose à lui seul est insuffisant pour avoir la
rupture de tolérance. L’accessibilité des cellules immunitaires
àl’antigène pourrait constituer une condition importante pour
induire une réponse immunitaire. Cette accessibilité est norma-
lement observée en cas d’envahissement ganglionnaire. En ef-
fet, nous avons montré que la production d’anticorps anti-p53
n’était pas observée en absence d’envahissement ganglionnaire
(Tableau 5). Ce dernier facteur semble donc déterminant pour
l’obtention d’anticorps anti-p53. Ainsi, sur l’ensemble de ces
analyses, nous avons observé que 50 % des patientes séroposi-
tives pour la p53 sont positives en immunohistochimie et pré-
sentent un envahissement ganglionnaire. Selon le modèle pré-
conisé, l’effet dose d’un côté et l’accessibilité des cellules
immunitaires à l’antigène de l’autre permettrait la réponse an-
ti-p53. Cependant, 50 % des patientes séropositives pour la p53
sont négatives en immunohistochimie et présentent un envahis-
sement ganglionnaire. Ces patientes représentent 7,2 % des cas
étudiés pour lesquelles la p53 n’est pas décelable par IHC dans
les cellules tumorales. Ce résultat indique encore une fois que
l’accumulation de la p53 qui traduit normalement l’altération
du gène p53 n’est pas forcément associée à la rupture de tolé-
rance.
Dans les cas où l’on détecte des autoanticorps anti-p53 en
absence d’une accumulation de la protéine cible p53 dans les
cellules tumorales, il est à noter que l’absence d’accumulation
de la p53 n’indique pas forcément l’absence de mutation du
gène. En effet, il a été décrit des mutations de la p53 qui n’in-
duisaient pas d’accumulation de la protéine dans les cellules
tumorales [29,5,34]. Ce type de mutations affecte cependant
la structure et la fonction de la protéine et pourrait donc géné-
rer de nouveaux épitopes T reconnus comme non soi par les
lymphocytes T CD4
+
qui par coopération avec les lymphocytes
B induiraient la production d’autoanticorps, ces cellules vont
activer ces derniers malgré la faible accumulation d’autoanti-
gène p53. Ce type de mécanisme a déjà été invoqué pour ex-
pliquer la réponse antitumorale.
Tableau 5
Confrontation de l’état de l’envahissement ganglionnaire (N) avec les résultats
de la sérologie et de l’immunohistochimie anti-p53 dans le cancer du sein
Envahissement
ganglionnaire
Antip53–
IHC–
Antip53+
IHC–
Antip53–
IHC+
Antip53+
IHC+
Total
N+ 29 4 16 4 53
N–1006016
W. Troudi et al. / Immuno-analyse & Biologie spécialisée 21 (2006) 38–4442