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topoi 1161-9473 1999 num 9 1 1825

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Topoi
H. Humbach et S. Ziegler, Ptolemy, Geography, Book 6. Middle
East, Central and North Asia, China. Part 1 : Text and
English/German translations by S. Ziegler, 1998 ; M.G. Schmidt, Die
Nebenüberlieferung des 6 Buchs der Geographie des Ptolemaios.
Griechische, lateinische, syrische, armenische und arabische Texte,
1999
Paul Bernard
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Bernard Paul. H. Humbach et S. Ziegler, Ptolemy, Geography, Book 6. Middle East, Central and North Asia, China. Part 1 :
Text and English/German translations by S. Ziegler, 1998 ; M.G. Schmidt, Die Nebenüberlieferung des 6 Buchs der
Geographie des Ptolemaios. Griechische, lateinische, syrische, armenische und arabische Texte, 1999. In: Topoi, volume 9/1,
1999. pp. 275-290;
https://www.persee.fr/doc/topoi_1161-9473_1999_num_9_1_1825
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Compte rendu
H. HUMBACH et S. ZIEGLER, Ptolemy, Geography, Book 6. Middle East,
Central and North Asia, China. Part 1 : Text and English/German translations
by Susanne Ziegler, Wiesbaden (1998), X, 260 p.
M.G. SCHMIDT, Die Nebenüberlieferung des 6 Buchs der Geographie des
Ptolemaios. Griechische, lateinische, syrische, armenische und arabische Texte,
Wiesbaden (1999), X, 291 p. ; une carte en dépliant, 5 fig. non numérotées dans
le texte.
Avec ces deux ouvrages les historiens et archéologues de l'Orient ancien
disposent désormais de l'arsenal philologique nécessaire pour utiliser le livre VI
de Ptolémée qui couvre la plus grande partie de l'Orient.
La seule édition complète des huit livres de la Géographie demeure à ce
jour celle de C. F. Nobbe, qui remonte aux années 1843-45 (réimpression 1966
avec une introduction en latin d'A. Diller), mais ne s'appuie que sur un petit
nombre de manuscrits ; elle présente toutefois l'avantage d'offrir un double index
(noms propres et langue). Le livre VI fut le dernier, en 1845, de l'édition de
G. Wilberg dont la publication de l'ouvrage de Ptolémée s'arrêta là. Quoique
celui-ci eût utilisé un nombre de manuscrits plus important, le collationnement
était loin d'être complet. Il fallut attendre 1971 pour que I. Ronca — profitant
des recherches philologiques accumulées autour de Ptolémée par des éditions
partielles comme celles de Ch. Müller (1883), Ο. Cuntz (1923), L. Renou
(1925), Fischer (1932), et des études cartographiques comme celles de P.
Schnabel (1930, 1939) — donnât une véritable édition critique de ce livre VI, prenant
en compte les 46 manuscrits connus. Cette édition comporte trois traductions,
allemande, anglaise et latine (celle de J. Angelus, 1410). La publication
d'I. Ronca ne commençait cependant qu'au chapitre 9, laissant ainsi de côté
pratiquement tout l'Iran occidental avec la Parthie, la Mèdie, la Perside, la
Susiane, la Carmanie, ainsi que l'Assyrie, c'est-à-dire la rive gauche de la vallée
du Tigre, jusqu'à la Babylonie non comprise et l'Arabie Heureuse. La nouvelle
édition de S. Ziegler, qui englobe ces provinces, comble une lacune gênante
pour ceux dont l'intérêt ne se limite pas à l'Asie Centrale et à l'Extrême-Orient.
Elle couvre ainsi l'ensemble de l'Orient depuis le rebord occidental du plateau
iranien avec, de ce côté, trois excroissances proche-orientales (Mésopotamie non
babylonienne, Susiane, Arabie Heureuse), jusqu'à l'actuel Turkestan chinois et à
la Chine du Nord-Ouest (Sèrikè). Le reste de l'Orient est, comme on sait, réparti
entre le livre VII pour la Chine des Sines, au Sud de la Sérique, avec la capitale
Thinai, l'Inde et Ceylan-Taprobane, et le livre V pour le Proche-Orient
proprement dit : Babylonie, Mésopotamie, Arabie Pétrée et Arabie Déserte,
Topoi 9 (1999), fascicule 1
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Syrie, Palestine, pays du Caucase (les deux Arménies, la Colchide, l'Ibérie,
l'Albanie) et Sarmatie asiatique, à l'Est du Palus Meotis. C'est dans ce même
livre V qu'est traitée l'Asie Mineure.
Disciple, comme I. Ronca, de H. Humbach (Université J. Gutenberg de
May enee), qui fut l'inspirateur de ce projet d'une nouvelle édition critique et
commentée du livre VI de Ptolémée l, S. Ziegler, plutôt que de se limiter aux
huit premiers chapitres qui manquaient dans l'édition de Ronca, a choisi de
reprendre l'ensemble du livre VI : on lui saura gré d'avoir facilité la tâche du
lecteur qui n'aura qu'un livre à consulter au lieu de deux. La collation qu'elle a
faite des manuscrits a validé pour l'essentiel celle de son prédécesseur. Comme
lui, sur les 46 manuscrits connus dont aucun n'est antérieur au XIIIe siècle, elle
en a retenu 12 qui sont vraiment significatifs et qui se répartissent en trois
familles : X , W et v-A-Z dont les liens avec les deux précédents ne peuvent être
clairement définis. Elle a également tenu compte des leçons offertes par les
cartes qui accompagnent certains manuscrits, ainsi que de la tradition
secondaire. La traduction anglaise, imprimée en face du texte grec, suit étroitement
le texte proposé dans l'édition ; la traduction allemande a été faite d'après la
seule famille v-A-Z, dans le but de donner une image cohérente d'une famille, à
la fois dans son texte et avec ses coordonnées géographiques, et pour faire
toucher du doigt les problèmes de la transmission textuelle 2. L'auteur annonce
1.
Cette entreprise prend place dans le projet plus large d'une Collection des sources
pour l'histoire de l'Asie Centrale pré-islamique conçue par le professeur J.
Harmatta de Budapest et que dirige actuellement Ph. Gignoux. H. Humbacch a
donné sous forme d'articles plusieurs études sur la géographie historique du livre
VI, dont on trouvera la liste dans la bibliographie donnée par M.G. Schmidt.
2.
L'auteur fait justement remarquer (p. 12) que le texte de l'ensemble des manuscrits
place Kyreschata sur le fleuve Iaxarte, l'actuel Amou-darya (παρά μεν τον
Ίαξάρτην : VI, 12, 5), alors que seule la famille v-A-Z donne des coordonnées
géographiques compatibles avec une telle situation. En fait, il semble y avoir eu
confusion avec l'emplacement d'Alexandrie Eschatè qui, elle, se trouvait bel et bien au
bord du fleuve (c'est l'actuelle Khodjend : P. Bernard, « La città fondate da
Alessandro in Asia Centrale », dans Alessandro Magno. Storia e mito, Rome
[1995], p. 100-101) ; id., Abstracta Iranica 10 [1987], nos 176, 203 : comptes
rendus des articles de T.V. Beljaeva, G.A. Pugacenkova et L.I. Rempel), alors que
Ptolémée la situe parmi les villes « entre les deux fleuves (l'Oxus et l'Iaxarthe), à
quelque distance de ceux-ci » : μεταξύ δε και άποτέρω των ποταμών (VI, 12, 6).
Ór, Kyreschata n'a jamais été au bord de l'Iaxarte : si tel avait été le cas, Arrien,
dans la description très détaillée qu'il donne du siège de la ville (IV, 2-3), n'aurait
pas manqué de le signaler ; la seule rivière qu'il mentionne est le lit d'un torrent, à
sec à cette époque de l'année, qui traversait la ville et par où Alexandre s'introduisit
avec quelques hommes à l'intérieur des remparts. Le site a été identifié de façon très
plausible avec l'actuelle Ura-Tiube à une soixantaine de km au Sud-Ouest de
Khodjend - Alexandrie Eschatè : pour les études des spécialistes russes qui ont
traité de la question, voir P. Bernard, « Alexandre et l'Asie Centrale : réflexions à
propos d'un ouvrage de F.L. Holt », Studia Iranica 19 (1990), p. 28-29. Κυρέσχατα
représente la transcription grecque d'une forme perse *Kuru(s)-Kada (avec une
COMPTE RENDU
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un volume consacré aux cartes dont le texte écrit devait permettre l'exécution et
dont certaines accompagnent effectivement quelques manuscrits. Il y sera traité
des problèmes posés par ces cartes notamment quand elles semblent renvoyer à
une autre tradition du texte. Espérons que ce complément indispensable ne se
fera pas trop attendre. En attendant on utilisera les trois cartes dessinées par
I. Ronca dans son édition et qui sont le commentaire visuel des chapitres relatifs
à l'Asie Centrale du livre VI. Pour celles concernant le Proche-Orient, on se
reportera aux planches de l'édition des cinq premiers livres de la Géographie par
Ch. Müller (1901) 3.
Dans l'introduction de son étude sur la tradition secondaire, M.G. Schmidt
donne une présentation de la tradition manuscrite qu'elle illustre de stemmata
correspondants ; elle fait de même pour les cartes de l'Asie qui accompagnent
certains manuscrits du livre VI. Le principe suivi dans la présentation de la
tradition secondaire, représentée par Ammien Marcellin (A), Marcien d'Héraclée
(B), Etienne de Byzance (C), Jacques d'Édesse (D), Ananias de Siracène (E) et
Al-Khwârizmi (F), est de donner pour chaque auteur la liste des noms ou phrases
de caractère géographique (avec leurs différentes leçons) en renvoyant aux
passages correspondants de la Géographie de Ptolémée, avec, dans les notes, une
bibliographie succincte et une identification toponymique quand celle-ci a pu
être proposée.
A) Le livre XXIII des Res Gestae d'Ammien Marcellin, composé autour de
390 de n. è., et qui est le premier des trois à rendre compte de la catastrophique
expédition militaire de Julien en 363 de n. è. contre l'Empire sassanide,
comporte une digression géographique sur la Perse et l'Orient. Cette dernière est
une réélaboration très libre et fortement abrégée du livre VI de Ptolémée, faisant
également appel de façon intermittente à d'autres sources plus anciennes
(Strabon, Pline), et complétée de renseignements historiques et culturels, ainsi
que de descriptions géographiques. On débat pour savoir si Ammien avait utilisé
Ptolémée directement ou à travers une source intermédiaire. M.G. Schmidt
donne (p. 40) une liste de noms qui se trouvent dans les manuscrits M et V des
terminaison signifiant « les fondations pour une construction »), qui s'est conservée
dans le nom de la bourgade de Kurkat entre Ura-Tiube et Khodjend :
E. Benveniste, « La ville de Cyreschata », JA 244 (1943-1945), p. 163-166. Cette
Kurkat est déjà mentionnée au Xe siècle dans le Hudüd al-'Âlam, p. 115. On notera
que le qualificatif α'έσχάτη, qui flanque le nom de l'Alexandrie de l'Iaxarte et qui
correspondait parfaitement à sa position extrême sur la frontière orientale de
l'Empire d'Alexandre, recouvre en fait une adaptation au grec de la finale du nom
perse *kuru(s)Ka6a, grec Κυρέσχατα, ce qui a pu faciliter la confusion entre les
positions respectives des deux villes, confusion que l'on trouve déjà chez Strabon
(Τα Κυρα, εσχατον öv Κΰρου κτίσμα έπί τω Ίαξάρτη ποταμφ κείμενον : XI, 11,
4 ) et qui remonte certainement à l'une de ses sources.
Claudii Ptolemaei Geographia. Tabulae XXXVI, Paris (1901).
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P. BERNARD
Res Gestae datés du IXe siècle et qui, deux ou trois siècles avant les manuscrits
les plus anciens de Ptolémée, donnent des leçons conformes à la tradition la plus
sûre de la Géographie. Mais cette constatation n'est pas nécessairement un
argument à sens unique en faveur des tenants de la théorie de l'utilisation directe.
B) Le Périple de la mer extérieure, c'est-à-dire de l'Océan Indien et de
l'Océan Atlantique, de Marcien d'Héraclée (IVe- Ve s. de n. è.), dont la seule
édition demeure à ce jour celle de C. Müller dans les GGM, décrit au livre I les
côtes depuis la Mer Rouge jusqu'à la Chine avec les estuaires des fleuves, les
montagnes et les villes côtières. Si les distances sont empruntées à un certain
Protagoras, tout le reste démarque étroitement l'œuvre du « très divin et très
savant » Claude Ptolémée. Les manuscrits du Périple (XIP-XVIe) ne sont
malheureusement pas plus anciens que ceux de Ptolémée.
C) Les Ethnika du grammairien Etienne de Byzance (VIe siècle de n. è.),
répertoire de noms de peuples et de villes, dont les cinquante livres ne nous sont
parvenus que sous forme d'un abrégé, utilise la tradition secondaire de la
Géographie (Ammien Marcellin et surtout Marcien dont les emprunts sont signalés
dans les chapitres correspondants). M. G. Schmidt signale, cependant, deux
emprunts au Canon des poleis épisèmoi (voir ci-après), Arsakia de Mèdie et Suse.
D) Dans l'un des traités en langue syriaque, rassemblés dans son Examéron,
Jacques d'Édesse (633-708) donne une description sommaire du monde qui,
après un développement sur l'étendue des terres habitées, se réduit à une courte
liste de quelques éléments géographiques majeurs : mers (pour l'Orient, seule
apparaît la Caspienne), fleuves (Oxus, Iaxarte, Râ = Volga), montagnes
mentionnées par pays selon un ordre qui est celui dans lequel ces derniers sont
décrits dans le livre VI de Ptolémée (Mèdie, Arabie Heureuse, Carmanie, les
deux Scythies en-deçà et au-delà de l'Imaon, la Sérique, l'Arie, la Gédrosie),
enfin une liste des pays eux-mêmes qui complète l'énumération précédente.
M.G. Schmidt utilise l'édition d'A. Hjelt (1892) et sa traduction latine ; elle
donne également en transcription les noms syriaques qu'elle replace, quand c'est
nécessaire, dans le contexte général de la phrase. Bien que le mode de
présentation soit différent, la Géographie de Ptolémée est à la base de cet
opuscule. La transcription des noms grecs en syriaque est dans l'ensemble
remarquablement fidèle — dans la mesure où le permet la phonétique du
syriaque qui n'a point de voyelle brève — au point, par exemple, que le nom de
l'Assyrie est donné d'abord d'après la forme directement transposée du grec,
'Swry' = Άσσυρία, puis glosé par la forme proprement syriaque Αθυρ.
L'ancienneté du manuscrit Lugdunensis daté du IXe siècle, auquel remonte le
texte syriaque, autorise à tenir compte de quelques-unes de ses formes pour
l'établissement du texte de la Géographie de Ptolémée.
E) La Géographie en langue arménienne dont l'historien Moise de Khorène
fut longtemps considéré comme l'auteur et dont la réattribution au grand mathé-
COMPTE RENDU
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maticien et astronome arménien du VIIe siècle Ananias de Siracene vient d'être
confirmée par R. H. Hewsen (1992) 4, offre un texte beaucoup plus développé
que celui des auteurs précédents, et si le rapport à Ptolémée ne fait aucun doute,
il y a cependant tout lieu de croire que l'auteur a utilisé une version très
sensiblement remaniée de la Géographie ptoléméenne qui, sous le titre de Chorographia
Oikouménikè, serait l'œuvre, aujourd'hui perdue, du mathémathicien alexandrin
Pappos (IVe siècle de n. è.). Il existe deux versions de cette œuvre, une longue
(A), connue par un seul manuscrit, Venise 1245 (début du XVIIe s.), édité en
1881 avec une traduction française par A. Soukry d'une façon qui laisse à
désirer, et une version courte (B), plus récente que (A), dont il existe une
cinquantaine de manuscrits parmi lesquels l'auteur a collationné deux exemplaires
conservés à Tübingen, et qui représente une version à la fois abrégée et remaniée
de la précédente, l'une et l'autre versions présentant de nombreuses corruptions.
L'auteur donne une translittération des deux versions : pour la longue (A), elle a
collationné le manuscrit de Venise, et pour la courte (B), les deux manuscrits de
Tübingen. Pour chaque nom, elle renvoie aux principales éditions, dont celle de
J. Marquart, accompagnée d'un savant commentaire (Êransahr nach der
Geographie des Ps. Moses Xorenac'i, Abhandlungen der Akademie der
Wissenschaften in Göttingen, Phil- hist. KL, N. F., III/2, Berlin [1901]) et à la
traduction également commentée de R. Hewsen (op. cit., n. 5). Un soin
particiulier a été mis à étudier et discuter les formes arméniennes.
Outre la place prépondérante naturellement accordée à sa patrie arménienne
par Ananias d'après des sources locales, le texte présente de nombreuses
divergences par rapport à celui de Ptolémée. L'ordre de présentation a été modifié en
tenant compte de la proximité des provinces alors que le découpage ptoléméen
répondait à une répartition par cartes : c'est ainsi, par exemple, que la Chine des
Sères (Siwnikia, Cenk, Cenastan, la métropole de Siwra : cf. Σήρες, Σήρα =
Sian ?) et celle des Sines (Siwnec'ik : cf. ΣΙναι, Θΐνοα), l'Arie et les provinces
iraniennes, l'Arabie Heureuse et l'Arabie Déserte ont été rapprochées. Dans la
version longue (A) a été inséré un paragraphe sur « le pays perse », c'est-à-dire
sur la Perse sassanide (p. 99-101), qui anticipe sur la description de la Mèdie, de
l'Élymaïde, de la Perside et de l'Arie, lesquelles figurent séparément dans la
version courte (B), mais pas dans la version longue. Plusieurs provinces ne font
plus l'objet d'un développement propre : c'est le cas de la Parthie, des deux Carmanies, de l'Hyrcanie, de la Margiane, de la Bactriane, de la Sogdiane, des
Saces, des Paropanisades, de la Drangiane, de l'Arachosie et de la Gédrosie.
Certains éléments de leur description ont été englobés dans des ensembles plus
vastes : ainsi la Sogdiane (Sogdianoi, Sagastan) avec les fleuves Polytimètos
(l'actuel Zéravshan), Oxus et Iaxarte, avec les monts Oxiens, le peuple des
Oxeianoi et la ville d'Oxeia (Oxiana ?) (p. 86-87) refait-elle modestement
4.
The Geography of Ananias of Sirak (Asxarhac'ouc1). The long and short
Recensions. Introduction, Translation and Commentary (Beihefte zum Tübinger Atlas des
Vorderen Orients 11), Wiesbaden (1992).
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P. BERNARD
surface dans la description de la Scythie (p. 1 14-1 15) 5 et de l'espace qui s'étend
à l'Est de la Mer Hyrcanienne (p. 80-87) ; certains détails viennent d'une source
autre que Ptolémée comme la mention des richesses de la Sogdiane et de ses
marchands industrieux (p. 113) 6. De la célèbre Bactriane, il ne surnage que la
capitale Balkh-Bactres désormais rattachée à la Parthie (p. 109), qui se confond
elle-même avec le Khorassan (p. 1 10), à l'intérieur d'une province d'Arie qui est
supposée déborder largement, de part et d'autre de l'Arie proprement dite, depuis
l'Hyrcanie jusqu'à l'Inde (p. 108-111) et où l'on retrouve quelque chose de la
notion d'« Ariana » des écrivains classiques, qui correspond à la fois à un
découpage géographique (la 2e sphragide d'Eratosthène) et au domaine linguistique
des peuples iraniens (Strabon, XV, 2, 1; 2, 8). Ainsi constate-t-on qu'au VIIe
siècle de notre ère, ces deux provinces de l'Asie Centrale occidentale, qui,
pendant les trois siècles qui ont précédé notre ère, avaient, grâce à leurs colons
grecs, affirmé fortement leur personnalité, sont en train de perdre leur
individualité géographique au profit d'une part de l'Empire perse qui a absorbé la Margiane et surtout les deux Scythies d'en deçà et d'au-delà de l'Imaon, où la Chine
et les Turcs nouveaux venus ont établi de nouveaux centres de pouvoir et où les
colons sogdiens émigrés depuis des générations de la vallée du Polytimètos
fournissent le ferment d'un développement économique puissant. Dans ce haut
Moyen Âge commençant une certaine conception géographique de l'Asie
Centrale occidentale, telle que l'avaient formulée les historiens et géographes
classiques d'après des réalités politiques façonnées par les conquêtes achéménide
et grecque, se révèle inadaptée pour traduire les nouvelles réalités historiques. La
conquête islamique et le nouvel équilibre politique qu'elle instaure s'efforceront,
pas toujours avec succès, de procéder à un réajustement de la géographie ptoléméenne.
Le texte des manuscrits présente de nombreuses difficultés de lecture ; à
cela s'ajoutent les problèmes de transcription des noms propres que posent la
phonétique et la morphologie de l'arménien, et qui n'ont pas fait l'objet d'un
traitement uniforme. Il n'est pas facile de reconnaître la forme grecque Râ
(Volga) dans les formes Etil ou Tar (p. 83, 112), ou les monts Zagros dans
Agron (p. 88). Fréquemment, quand la forme s'y prête, les noms propres ont été
5.
6.
La Scythie d1 Ananias comprend, outre la Sogdiane, les deux Scythies, en deçà et
au-delà de l'Imaon, de Ptolémée (VI, 14 et 15) et le pays des Saces (VI, 13) ; elle
confine, à l'Est, à la Chine-Sérique (VI, 13). On notera aussi que chez Ananias la
seule voie d'accès à la Sérique depuis la Sogdiane ou la Bactriane (p. 11) reste celle
de Ptolémée par la montée des Comèdes et la « Tour de Pierre » (VI, 13, 2 ; cf.
aussi I, 11, 4, 6 ; 12, 7-9), alors qu'à son époque il y avait longtemps que le
commerce international, celui de la soie notamment, sous l'impulsion des
marchands sogdiens, avait ouvert d'autres routes vers le Turkestan chinois et la
Chine.
Je retiens la traduction de Hewsen (p. 74 A) de préférence à celle de M.G. Schmidt
(p. 113).
COMPTE RENDU
28 1
traduits : c'est le cas pour les trois Arables Heureuse, Déserte et Pétrée (p. 94),
pour la mer Rouge (p. 94), la Mésopotamie (p. 104), l'Ormètèrion et la « Tour de
Pierre» (p. 115), le cap du Sanglier (p. 94), etc. ; pour les ethnonymes
Anthropophages (p. 118), Galaktophages (p. 114), Ichthyophages (p. 95), Skénites (p. 95), Chélonophages (p. 97). L'histoire de l'Iran postérieure aux sources
de Ptolémée a laissé de nombreuses traces sous forme de noms de provinces
empruntés à la toponymie sassanide, ou de nouveaux acteurs de la scène politique
comme les Hephtalites, les Alkhon et les Valkhon (p. 116). Pareillement les
formes Cenk, Cenastan pour désigner la Chine correspondent au moyen perse et
au persan Cïn, qui lui-même remonte, comme le grec ΣΙναι-Θίναι, au nom de la
dynastie chinoise des Qin (246-208). Le très remarquable Cen-bakowr, qui
désigne le roi de la Chine des Sères, est l'équivalent du moyen perse bagpur,
« Fils du Dieu », qui traduit lui-même le titre chinois Tian-zi de l'empereur,
« Fils du Ciel » (p. 119). Certains noms grecs sont passés eux aussi en arménien
sous leur forme moyen-perse : 'Ραγαία est devenue Rê (p. 103), Άπαδάνα
Aspahan (Ispahan) (p. 107). Si la contribution du traité d1 Ananias à
l'établissement du texte de Ptolémée se réduit à presque rien, il marque cependant une
étape importante dans le devenir de la tradition géographique classique et sera
toujours lu avec intérêt par les historiens eux-mêmes : Marquart l'avait bien
compris et lui consacra, peu après la découverte par A. Soukry du manuscrit de
la version longue (A), un livre qui a marqué les études du monde iranien ancien
et médiéval (voir ci-dessus, p. 279).
F) Le géographe arabe Khwârizmi appartient à ces premières générations
de savants et penseurs islamiques qui, au IXe siècle, se mettent à l'apprentissage
de la science et de la philosophie grecques. Comme le souligne le sous-titre de
son Livre de la configuration de la terre (Kitäb sûrat al-ard), il se réclame de
Ptolémée, sans qu'on puisse décider, à l'examen de l'œuvre, s'il a utilisé
directement, en l'adaptant à de nouvelles données, le texte de son prédécesseur (peutêtre à travers une traduction syriaque), ou s'il s'en est inspiré à travers une source
dérivée qu'il aurait prise pour modèle. Cette œuvre est connue par un manuscrit
unique (Strasbourg 4247) publié en 1926 par H. von Mzik. À l'œuvre de
Khwârizmï, M. G. Schmidt a joint celle d'un certain Suhräb (Xe siècle), le Livre
des merveilles des sept climats, qui lui est étroitement lié sans qu'on puisse
décider si les similitudes s'expliquent par le recours direct de Suhräb à Ptolémée luimême, ou à une source commune elle-même dépendante du géographe
alexandrin. Il n'existe pour le Livre des Merveilles qu'un seul manuscrit (British
Museum Add. 2337), également publié par Mzik en 1930. Ces deux éditions
offrait à M.G. Schmidt des textes déjà soigneusement établis, même si sur
quelques points elle a été amenée à proposer d'autres lectures et restitutions. Elle
disposait aussi des recherches, qu'elle signale, faites depuis Mzik sur ces deux
textes par E. Honigmann (Die sieben Klimata und die Πόλεις Επίσημοι,
Heidelberg [1929]), Η. Daunicht (Der Osten nach der Erdkarte Huwârizmîs.
Beiträge zur historischen Geographie und Geschichte Asiens, Bonn [1968-
282
P. BERNARD
1970]), M. Maroth (« Ptolemaic Elements and geographical Actuality in AlHuwarizmi's Description of Central Asia », in J. Harmatta [ed.], From Hecateus
to al-Huwärizml, Budapest [1984]), et S.R. Jafri (Al-Khwarazmi's Geographical
Map of the world based on the Book « Surat al-Ard ». Introduction and
Interpretation of the Map, Dushanbe-Srinagar [1985]). La publication par V.
Minorsky en 1937 du traité géographique persan Hudûd al-'Âlam ou Les régions
du monde (Oxford), daté de la fin du Xe siècle et dont l'existence ne fut connue
qu'à la fin du XIXe siècle, ajoute une pièce importante au dossier dans la mesure
où l'auteur anonyme est bien informé sur l'Asie Centrale.
Chez Kwârizmî et Suhràb la description du monde n'est plus ordonnée par
régions naturelles comme chez Ptolémée, mais découpée en neuf bandes
horizontales, les « climats », correspondant chacune à un certain nombre de degrés
de latitude, et à l'intérieur desquelles les différents éléments d'une description
géographique sont présentés en six listes regroupant respectivement les villes,
montagnes, mers, îles, pays et fleuves. Dans ces bandes horizontales
échelonnées de l'équateur au pôle Nord, les noms des diverses entités
géographiques sont énumérés d'Ouest en Est. Un même « climat » s'étend ainsi sur la
totalité de la largeur des terres habitées, et les noms qu'il comporte vont d'un bout à
l'autre du registre des longitudes. En outre, à la différence des auteurs de la
tradition ptoléméenne antérieure, chaque nom est accompagné de coordonnées
qui permettaient de le situer sur une carte accompagnant le texte 7, et à partir
desquelles M.G. Schmidt a dressé elle-même sa propre carte (en dépliant). À
l'inverse des latitudes qui sont assez proches de celles de Ptolémée, les
différences de longitudes peuvent être chez Khwârizmï très importantes. Outre les
discussions éventuelles sur les coordonnées de Khwârizmi et de Surhäb,
M.G. Schmidt renvoie aux différentes publications concernées, notamment à
celles mentionnées plus haut. Certaines entrées font l'objet d'une brève mise au
point philologique et mentionnent la localisation la plus vraisemblable. Pour
faciliter le repérage des noms et les renvois aux éditions de Mzik qu'elle a prise
pour base de son texte, sauf à y introduire quelques corrections personnelles,
l'auteur a affecté à chacun d'entre eux le numéro qu'il porte dans la numérotation
continue que leur a donnée ce dernier. Pour éviter de trop désorienter les lecteurs
de Topoi, je me suis senti autorisé à « populariser » l'orthographe arabe des
noms propres en simplifiant la prononciation des consonnes à signes diacritiques
ou en les transcrivant par des lettres (dj, gh, kh, sh).
a) villes. À côté des nombreux noms nouveaux purement arabes ou persans
arabisés comme Bagdad (300), Al-Madâ'in (ex-Ctésiphon) (303), Shirâz (315),
Bukhara (395), Qandahär (ex Alexandrie d'Arachosie) (181), Hérât (glosé par
Suhrâb « Alexandrie de l'Est ») (330), Khodjend (ex-Alexandrie Eschatè) (399),
les anciens noms grecs, translittérés tels quels ou dans la forme, elle-même
arabisée, que leur ont donnée l'évolution phonétique dans le milieu des parlers
7.
Il n'en reste dans l'unique manuscrit de Strasbourg que quatre fragments.
COMPTE RENDU
283
locaux ou l'adaptation à ceux-ci, sont minoritaires : par exemple, Raya pour
Ragaia (309), Nihâwand pour Niphauanda (305), Kabul pour Kaboura (177),
Samarqand pour Marakanda (397), Büqäfälä pour Boukephala (328), Aträqärä
pour Ottorokora (406), etc. Certains d'entre eux ne font que retrouver leur forme
épichorique pré-grecque que le grec avait lui-même plus ou moins fidèlement
translittérée comme c'est le cas pour Hamâdan-Ecbatane (305), Marw-Antioche
de Margiane (392), Balkh-Bactres (396) etc. Je signale que Khodjend (399) ne
se trouve pas « à proximité d'Alexandrie Eschatè » ; les fouilles sur la citadelle
de la ville (voir n. 2) ont en effet permis de localiser l'emplacement de la
fondation grecque sur le site même de la ville islamique, qui a perduré jusqu'à
aujourd'hui. Comme dans les autres listes d'entités géographiques, celle des
villes comporte un certain nombre de noms d'agglomérations urbaines anonymes
simplement désignées par l'appellatif « ville » (madinat) et individualisées par
leurs coordonnées. D'après ces dernières et leur rapport avec celles de Ptolémée,
M.G. Schmidt propose un certain nombre d'identifications. Ainsi voit-elle dans
la ville anonyme (471), l'Alexandrie Eschatè de Ptolémée en soulignant la
proximité des latitudes respectives (42° dans Kwârizmi, 41° chez Ptolémée). Si
l'on accepte cette identification, qui ne peut être prouvée, il faut alors admettre
expressément que la ville anonyme en question forme chez Khwârizmï un
doublon avec la véritable fondation d'Alexandre qui se confond avec Khodjend.
De même aurait-il fallu préciser que Qûmis (385), conformément à un usage
fréquent dans la littérature arabo-persane, désigne ici la capitale de la province
médiévale de Qûmis, la Cornisene de Ptolémée 8, dont le vrai nom est
Dâmghân ; cela est précisé dans le développement que G. Le Strange consacre à
cette province dans son ouvrage The Lands of the Eastern Caliphate, Cambridge
(1905), p. 364-366, cité par l'auteur, mais, faute de pouvoir se reporter
facilement à ce livre, les antiquisants, ignorants de cette particularité, risquent
fort de confondre Dämghän-Qümis avec l'ancienne métropole de la Cornisene
antique, l'Hécatompyle des auteurs classiques, qui est identifié avec le site de
Shar-i Qûmis, à quelque distance de Dâmghân 9. Il y a d'autre cas où l'on aurait
souhaité que l'auteur mentionne les travaux archéologiques quand ils contribuent
à l'identification d'un site ou confirment celle-ci : ainsi pour {'emporium
islamique de Siraf (169) sur la côte iranienne du golfe Persique, fouillé avant la
révolution iranienne par l'Institut britannique de Téhéran. On aurait également
aimé que des renvois faits à l'excellent travail de Maroth (ci-dessus) l'auteur
extraie, pour la commodité du lecteur, les identifications acceptées depuis
longtemps et confirmées par les fouilles pour un certain nombre de sites de
8.
Chez Ptolémée (VI, 5, 1) la Cornisene est rattachée à la Parthie qu'elle sépare de
l'Hyrcanie au Nord.
9.
J'ai donné, avec la bibliographie essentielle, un aperçu de ce site identifié par
J. Hansman et fouillé par l'Institut britannique de Téhéran sous la direction de
D. Stronach, dans « L'Asie Centrale et l'Empire séleucide », Topoi 4/2 (1994),
p. 491-493.
284
P. BERNARD
l'Asie Centrale : Ushrüsana (398) = Shahristän, Banäkat (400) = Sharkiya ;
Akhsikat, l'ancienne capitale du Fergana (401) = villages de Akhsi et Sahand ;
Täraband (402) = Otrar ; al-Taräz, « la cité des marchands » (404) = vallée du
Talas, près de Auliya-Ata ; Aträqärä (406) = Pt. Ottorokorra, une cité imaginaire
(?). Des renvois à {'Encyclopaedia Iranica, en cours d'élaboration, qu'on ne
trouve pas dans la bibliographie de l'auteur, auraient complété utilement, quand
l'entrée a déjà été rédigée, les références à la deuxième édition de l'Encyclopédie
de l'Islam : je songe, par exemple, à l'article « Balx » dû à Fr. Grenet.
b) Montagnes. Un très grand nombre sont anonymes et identifiées
seulement par les coordonnées des extrémités de la chaîne qui donnent ainsi leur
orientation. Les nos 767/768 - 817/818 - 819/820 - 821/822 (Imäüs chez
Suhrâb) - 825/826 (Imadan) - 827/828 (Awqaraqûs), qui se succèdent d'Ouest en
Est, correspondent chez Ptolémée au prolongement oriental du Taurus constitué
par les chaînes Παρχοάθρας - Μασδωρανόν - Παροπάνισος - Καυκάσια "Ιμαον -' Ημωδά - Όττοροκόρας. Chez Khwârizmi, comme chez Ptolémée, de
l'extrémité orientale de l'Imaon (821/822 + 823/824) se détache vers le Nord une
chaîne qui marque la dorsale séparant les deux Scythies (ci-dessus p. 280), c'està-dire, en gros, d'un côté, le Turkestan chinois et, de l'autre, le Fergana, la
Sogdiane et le Kazakhstan. La célèbre « Tour de Pierre » (Burdj Hidjâra) (865866), qui est l'un des repères essentiels de la géographie ptoléméenne et du
réseau des voies caravanières de l'Asie Centrale, fait partie ici des chaînes de
montagnes, et se trouve déplacée à l'Ouest des monts des Comèdes (anonyme n°
867/868), alors qu'elle devrait se trouver à l'Est. Le mont Qäsiyä (971-872) qui
correspond aux monts Κάσια de Ptolémée représente le Karakorum.
c) Mers. L'Indikos Pelagos se décompose en un certain nombre de mers
depuis la Mer Rouge jusqu'à la Chine (p. 161-165). S'y ajoutent d'une part la mer
Hyrcanienne, encore appelée mer du Tabaristân, et la mer (ou lac) du Kwarezm,
notre mer d'Aral (voir ci-après) (p. 166-167). Comme chez Ptolémée, la mer
Hyrcanienne ou Caspienne est conçue comme une vraie mer intérieure fermée et
non plus, ainsi que le voulait l'opinion dominante dans l'Antiquité classique,
comme un golfe communiquant au Nord par un goulet avec l'Océan enserrant les
terres.
d) îles. À l'exception d'une seule, elles sont anonymes (p. 167-171).
e) Pays. Ils sont peu nombreux à être mentionnés. Pour l'Asie Centrale, il
s'agit du pays de Herat (1567), du Shash (oasis de Tashkent) et de TârabandOtrar (1585), des deux Scythies, celle des Turcs (1600) et celle des Turcs
Toghuzghuz (1601), ainsi que de la Sîrïqï- Sérique (1602).
f) Fleuves. Leur cours est déterminé par les coordonnées de leur source et
de leur embouchure, ainsi que par celles de leurs affluents, par celles des villes
qu'ils arrosent et celles des montagnes près desquelles ils passent. Pour ceux qui
ne restent pas anonymes comme l'ancien Iaxarte simplement désigné comme le
COMPTE RENDU
285
« long fleuve », les noms ont été pour la plupart réactualisés : Didjla = Tigre
(1959-1964), Mihrân = Indos (1979-2015), le fleuve de Balkh (avec le second
nom de Jâyhûn chez Suhrâb) = Oxus (2196-2240). En revanche la Volga a gardé
le nom de Râ (1976-1978) qu'elle avait chez Ptolémée, de même que le Bautis et
l'Oichardès en Sérique (voir ci-après p. 286) ou encore le lac Rwy (1976-1978)
qui transcrit l'Areia Limnè.
La grande nouveauté c'est que les deux grands fleuves de l'Asie Centrale
occidentale, l'Iaxarte devenu « le long fleuve » (2218-2240) et l'Oxus devenu
«la rivière de Bactres» (2196-2217), qui, chez Ptolémée, rejoignaient la
Caspienne, se jettent désormais correctement dans la Mer d'Aral. Celle-ci, sous
le nom de « lac du Khwarezm » fait ainsi son entrée dans le savoir
géographique 10. Cette innovation laissait encore néanmoins de grands progrès à
accomplir, car ce lac est représenté comme se trouvant au Sud-Ouest de la Caspienne
et non au Nord-Est comme il le devrait. Par ailleurs, le fleuve de Bactre arrose la
ville de Khwarezm (467), c'est-à-dire la Kâth médiévale (aujourd'hui Shah
'Abbâs Walï), longtemps avant de passer à Bactres n, à l'inverse de ce qui
devrait être. Un siècle et demi après la conquête arabe Samarkand (397) est
encore placée au Sud de Bactres (!), entraînant dans son sillage vers des latitudes
grossièrement erronées d'autres villes comme Bukhara (395), Khodjend (399) et
Ushrüsana (398) : tout cela parce que Ptolémée, par une erreur surprenante, avait
situé sous cette latitude la Maracanda antique (VI, 11,9) 12. Comme chez Ptolé10.
La toute première mention de la mer d'Aral figure dans le récit que nous a laissé
l'historien Ménandre de la visite que fit en 569 l'ambassadeur byzantin Zémarchos
auprès du khagan des Turcs occidentaux. Au retour, Zémarchos, traversant le
Khwarezm, contourna par l'Ouest la mer d'Aral. Ses accompagnateurs lui parlèrent
sans le nommer d'un « lac immense et large » où se jetait le fleuve qu'ils venaient de
traverser et dans lequel il ne reconnut pas l'Oxus quoique ceux-ci lui eussent
communiqué son nom 'Wx, transcrit en grec Ώήχ, persuadé qu'il était que l'Oxus,
conformément à l'opinion qui prévalait dans l'Antiquité, se jetait dans la Caspienne :
Ménandre, éd. R.C. Blockley (1985), p. 125 ; P. Chuvin, « Maracanda-Afrasiab
colonie grecque », dans Inde- Asie Centrale. Route du commerce et des idées
{Cahiers d'Asie Centrale 1-2), Tachkent (1996) , p. 351-355. On rapprochera de
Ώήχ le second élément du nom grec Μιθροάξος anthroponyme bactrien connu à
Délos (180-150 av. n. è.), ainsi que les formes latines Oaxus, nom du lac de
montagne d'où sort l'Oxus dans Pline, VI, 48 et Martianus Capella VI, 223, Oaxès = Oxus
dans Virgile, Bue. I, 65, qui représentent le calque phonétique exact du nom du
fleuve en bactrien Oaxsho (monnaies kushanes et gemme kushano-sassanide du IVe
s. de n. è.) : voir Fr. Grenet, BCH 107 (1983), p. 376-378, 380. Cette forme, plus
fidèle à l'original bactrien du nom de l'Oxus que le classique τΟξος, s'est
certainement transmise en Occident bien avant l'attestation de Virgile et même que
celle de Délos, peut-être dès l'époque achéménide.
11.
On sait que Balkh-Bactres se trouve en réalité non pas sur l'Oxus lui-même, mais
sur l'un des affluents de la rive gauche appelé précisément « rivière de Bactres ».
L'erreur peut provenir d'une confusion entre le canal du Dargom, qui irriguait la
plaine de Samarkand, et le fleuve Dargomanès qui représente la rivière de Qunduz
12.
286
P. BERNARD
mée — et comme dans la réalité d'ailleurs — ces deux maîtres-fleuves ont chez
Khwärizmi des cours grossièrement parallèles, d'où l'impression, qui n'est pas
fausse, d'une ressemblance générale des deux tracés. L'orientation de leurs cours
a cependant été substantiellement modifiée. Au lieu d'une direction d'ensemble
d'abord Sud-Nord, puis Est-Ouest chez Ptolémée, les deux fleuves coulent chez
Kwarizmî d'abord d'Est en Ouest, puis s'infléchissent vers le Sud-Ouest, à
l'inverse de la réalité où leurs cours est orienté du Sud-Est au Nord-Ouest. En ce
qui concerne l'Iaxarte, la prise en compte des coordonnées des manuscrits v-A,
qui présentent, pour les trois branches du haut cours de ce fleuve, de sensibles
différences de valeurs numériques par rapport au reste de la tradition manuscrite
de la Géographie, conduit à une restitution graphique de cette partie de son tracé
qui s'écarte de l'édition d'I. Ronca pour se rapprocher de celle de Khwârizmï
(p. 195-196). Ce type d'observation, qui a été également fait à propos du fleuve
Yûkhardîs-Oichardès en Sérique (p. 197), montre que dans certains cas les
chiffres des coordonnées géographiques ne doivent pas être considérés comme
des données sujettes à des variations fantaisistes (« exotik »), mais constituent
une tradition manuscrite à part entière qui mérite d'être prise en considération 13.
En Sérique, l'Oichardès de Ptolémée se retrouve dans le Yukhardis (22492260) et le Bautis avec ses trois branches convergentes dans le Bâtis de
Khwârizmï (2046-1065), mais avec deux branches supplémentaires et un exutoire vers
l'Est en direction des villes mythiques de Gog et Magog (473-474). Ces
dernières sortent tout droit de la tradition orientale du Roman d'Alexandre et de
ses prolongements islamiques 14.
13.
14.
en Bactriane sur les bords de laquelle le géographe a placé Maracanda :
P. Bernard, dans la Persia e l'Asia Centrale da Alessandro al X secolo, Roma
(1996), p. 344 ; id. en collaboration avec H-P. Francfort, Études de géographie
historique sur la plaine d'Ai Khanoum (Afghanistan), Paris (1978), ρ 75.
M.G. Schmidt s'écarte sur ce point d'I. Ronca et de S. Ziegler qui considèrent que
pour le livre VI les seules coordonnées valables sont celles de la recension X. Dans
son édition, S. Ziegler a effectivement retenu pour les cours supérieurs de l'Iaxarte
et de l'Oichardès les coordonnées de l'édition Ronca.
Lors de son expédition vers la Chine, Alexandre confine, dans l'extrême Nord, les
peuples barbares et monstrueux de Gog et Magog derrière une muraille de fer. Le
thème qui vient de la version syriaque du Roman d'Alexandre a été traduit en grec
dans l'Apocalypse du Pseudo-Méthode (fin du VIIe siècle) : H. van Thiele, Leben
und Taten Alexanders von Makedonien. Der griechische Alexanderroman nach der
Handschrift L, Darmstadt (1974), p. 248-252. Il a été souvent repris et développé
dans la littérature arabo-persane (par exemple dans le Coran, chez les poètes Firdusi
et Nezami) et illustré par des miniatures dans les manuscrits : U. SCERRAto,
« Alessandro-Iskandar "dhu'l-Qarnayn" nell'arte dell'Isiam », dans Alessandro
Magno. Storia e Mito, Rome (1996), p. 340-341. Les premières interférences entre
la légende d'Alexandre et celle de Gog et Magog nommés dans la Bible (Genèse)
ont dû se faire très tôt dans les milieux sémites du Proche-Orient et concernent alors
le Caucase : en effet, Flavius Josephe mentionne déjà ces deux peuples qui doivent
leur existence et leurs noms à deux des petits-fils de Noé, leurs fondateurs, et qui
COMPTE RENDU
287
Ce qui frappe le plus dans la carte de Khwärizmi, c'est que dans la plus
orientale des deux Scythies, celle dite des Toghuzghuz, c'est-à-dire celle d'au
delà de l'Imaon, ainsi que dans la Sérique voisine les toponymes sont presque
tous empruntés, sous une forme plus ou moins fidèle, à Ptolémée : a) villes :
(407) Atràqârâ = Όττοροκόρα, (472) Durusàqî = Δρωσακή, (536) *näbäsü =
Άυζακία, (408) Shirä = Σήρα, (408 + 497) *Sinistan = Σΐναι ; b) montagnes :
(947-948) (957-958) Anäräyä = Άνάρεα, (869-870) Asqatäkä = Άσκάτακα,
(951-952) Awraqyün-Awzaqyün= Άύζακια, (953-954)* Anibi = sans doute
"Αννίβα, (955-956) Asmirayä = Άσμιραία, (871-872) Qäsiyä = Κάσια, (973874) Itagüraz = Ίθαγουρ, (827-828) Awfaraqüs = Όττοροκόρας, (825-826)
Imadan = Ήμωδά ; c) fleuves : ci-dessus. Les seuls témoignages d'une
actualisation de la carte antique consistent en l'ethnonyme du peuple turc des
Toghuzghuz, c'est-à-dire les Uïghurs, qui sert à différencier la Scythie orientale
de celle des Turcs occidentaux, et en deux termes de titulature impériale
chinoise, Babgbür (409) 15 et *Daifu (410), attachés à des villes impériales. Les
noms des villes de Yädjüdj (538) et Madjüdj (499) (Gog et Magog), qu'on situait
vaguement aux confins septentrionaux du monde, relèvent, quant à eux, de la
légende plus que de la géographie proprement dite. Entre les mains de
Khwärizmi, la carte de Ptolémée s'est même appauvrie puisqu'elle a perdu, entre
autres, les sites qui signalaient chez le géographe alexandrin l'existence du
Turkestan chinois (VI, 16, 6-8) 16. Le contraste est grand avec le traitement
réservé aux régions situées plus à l'Ouest, en gros l'Iran oriental et l'ensemble de
la Transoxiane jusqu'au Fergana et au Sémiretchié, où Khwârizmï introduit un
grand nombre d'appellations nouvelles qui correspondent au développement
historique de ces régions postérieurement à l'époque de Ptolémée. Il faut attendre
le Hudùd al-'Âlam au Xe siècle et Gardizï au XIe pour un début de
renouvellement et d'enrichissement de l'information géographique sur le Turkestan chinois,
la Chine du Nord et les empires turcs anciens 17. La comparaison avec ce que ces
représentaient aux yeux des Grecs l'ensemble des tribus scythes (Antiquités Juives I,
123) ; Alexandre, pour faire obstacle à leurs invasions répétées, avait fermé par des
portes de fer le défilé du Caucase qui se nomme d'après elles (Antiquités Juives VII,
245 ; cf. Pline VI, 30).
15.
16.
17.
Dans le Hudûd al-'Âlam, p. 84, ce nom figure sous la forme Faghfûr-i Chin. Pour la
forme Cenbakowr chez Ananias de Siracène, voir ci-dessus p. 28 1 .
Pour les identifications qui ont été proposées pour les noms de la Géographie de
Ptolémée et de la tradition secondaire avec des sites du Turkestan chinois, on
trouvera commodément les indications essentielles réunies avec la bibliographie
afférente dans P. LiNDEGGER, Griechische und römische Quellen zum Peripheren Tibet ,
III. Zeugnisse von den Alexanderhistoriker bis zum Spätantike (Die Seidenstrasse)
Rikon-Zürich (Op. Tibetana 22) (1993), p. 138-145.
Une source capitale, aujourd'hui perdue, de ce nouveau développement des
connaissances géographiques était le Kitâb al-mamâlik wal-masälik de Jayhânî, qui, au
début du Xe siècle, profita de ses fonctions de vizir à la cour samanide pour rassem-
288
P. BERNARD
œuvres ont à nous apprendre sur cette partie du monde n'en souligne que mieux
le caractère compilatoire de cette partie du traité de Khwârizmî dont l'auteur n'a
visiblement pas cherché à exploiter des sources autres que livresques. Pourtant,
on devait certainement en savoir plus déjà sur cet Extrême-Orient continental
dans les milieux savants de Bagdad liés au califat, ne serait-ce que par les
ambassades arabes envoyées en Chine : entre 716 et 759, les annales chinoises
n'en dénombrent pas moins de dix-neuf 18. Maîtres de la Sogdiane, du Shash, du
Fergana et du Talas, les Arabes étaient bien placés pour recueillir les
informations qui filtraient de la Chine et du bassin du Tarim par les contacts
diplomatiques qu'entretenaient entre eux les divers États de la région, par les échanges
commerciaux dans lesquels les marchands sogdiens jouèrent un rôle
prépondérant, sans oublier les conflits armés qui mirent les armées arabes aux prises
avec les Chinois ; la bataille du Talas qui porte un coup d'arrêt décisif aux
tentatives d'expansion chinoises vers l'Ouest date de 751 19. Pour la Chine du
Nord-Ouest et le Turkestan chinois, la géographie de Khwârizmi enregistre un
état de connaissances reposant sur un savoir livresquement codifié qui ne
dépasse guère Ptolémée, mais il n'est pas impossible que celles-ci aient été en
réalité plus étendues, mais sans avoir encore subi de mise en forme littéraire,
comme pouvaient l'être les informations contenues dans les rapports
diplomatiques et les guides routiers à l'usage des marchands.
Le livre de M.G. Schmidt se termine par un tableau synoptique des Poleis
diasémoi, les « villes remarquables » 20 extraites du livre VIII de la Géographie
de Ptolémée, et d'une autre liste, dénommée Canon, des mêmes villes désignées
cette fois, sans que le sens change, comme Poleis épisèmoi, liste qui faisait
partie d'un recueil de tables astronomiques du même auteur. L'intérêt de ces
deux listes est qu'elles offrent un autre ensemble de coordonnées géographiques
et, pour le Canon, une autre tradition manuscrite
La Géographie de Ptolémée avait été conçue pour permettre l'établissement
de cartes : 10 pour l'Europe, 4 pour l'Afrique, 1 1 pour l'Asie, chacune d'entre
18.
19.
20.
bler toute une documentation de première main sur les différentes provinces de
l'Empire : V. Minorsky, Hudûd al-'Âlam, Oxford (1937), p. XVII-XVIII et p. 226 :
« The earliest systematic description of the lands to the South of the Tien-Shan was
perhaps contained in Jayhânî's lost work, but even Ibn Rusta, who seems to have
been the first to utilize that work, does not transcribe these data. The Hudûd al'Âlam and Gardïzî are the first to speak of China and Tibet ».
Hudûd al- 'Àlam, p. 225.
V. Minorsky écrit à ce propos : « This state of things is very insufficiently reflected
in early Muslim geographers whose allusions to the north-western China and the
roads leading thereto are extremely few and vague » {Hudûd al-'Âlam, p. 325).
Le prestige historique conféré par les historiens classiques explique certains choix,
mais pas tous : les différentes Alexandries sont nommées, ainsi que MaracandaSamarkand (mais en Bactriane), Ctésiphon et même Persépolis etc., mais la
mention de Spasinou Charax répond à l'actualité événementielle.
COMPTE RENDU
289
elles regroupant un ensemble de pays dans l'ordre où ils étaient décrits dans le
corps de l'ouvrage. Les cartes correspondant au livre VI, les seules dont il est
traité dans le livre de M. G. Schmidt, sont au nombre de 5 : carte n° 5 : Assyrie,
Susiane, Mèdie, Perside, Parthie, Carmanie Déserte ; n° 6 : Arabie Heureuse,
Carmanie et îles ; n° 7 : Hyrcanie, Margiane, Bactriane, Sogdiane, Saces,
Scythie en deçà de l'Imaon ; n° 8 : Scythie au-delà de l'Imaon, Sérique ; n° 9 :
Arie, Paropamisades, Drangiane, Arachosie, Gédrosie. Pour chaque pays la liste
des poleis diasèmoi du livre VIII retrace sommairement les frontières, puis
énumère quelques-unes de ces villes, de deux à quatre généralement21,
qualifiées de « remarquables », sans qu'il y ait de différence de sens avec
l'adjectif episèmoi du Canon. La valeur des coordonnées est exprimée de façon
différente d'une liste à l'autre. Celles des poleis episèmoi du Canon sont, comme
dans le livre VI de la Géographie, données en degrés, les longitudes étant
comptées à partir d'un méridien-repère qui est celui des îles Fortunées
(Canaries), à l'extrémité occidentale du monde, les latitudes à partir de l'Equateur. En
revanche, les Poleis diasèmoi du livre VIII de la Géographie ont leurs
coordonnées en heures, les longitudes étant comptées à partir d'Alexandrie, dans les
deux sens Est et Ouest, et les latitudes le sont, comme toujours, à partir de
l'Equateur. Pour faciliter la comparaison, M. G. Schmidt a converti les valeurs
horaires en degrés : celles des longitudes des Poleis diasèmoi du livre VIII selon
l'équivalence 4 minutes = 1° ; 1 heure = 15° ; 12 heures = 180°, celles des
latitudes de ces mêmes poleis diasèmoi (c'est-à-dire la durée du jour le plus
long) selon une table de conversion (p. 205). Par exemple, la ville de Drepsa
Metropolis en Sodgiane affiche les coordonnées suivantes : d'après les poleis
episèmoi {Canon + livre VI) : L. 120° Est ; 1. 45° Nord ; poleis diasèmoi (livre
VIII), recension X : L. Est 4 h, 30 m par rapport à Alexandrie =127 30' par
rapport aux îles Fortunées (on ajoute 60° pour passer de la longitude
d'Alexandrie à celle des îles Fortunées) ; 1. Nord 15h, 30m = 45° ; la recension
v-A des poleis diasèmoi donne des coordonnées analogues à celles des poleis
episèmoi : L. Est 4 h = 120° ; 1. 15h, 30 m = 45°.
L'auteur utilise pour l'édition des poleis diasèmoi du livre VIII de la
Géographie, qui n'avait jamais fait l'objet d'une édition critique 22, un stemma de 10
manuscrits un peu différent de celui qu'elle avait établi pour le livre VI. Pour les
poleis episèmoi du Canon, elle se fonde sur deux recensions, l'une composée de
deux manuscrits en onciales du IXe siècle (le Leidensis Graecus 78 et le Vaticanus Graecus 1291), la seconde reposant sur un troisième manuscrit de la même
époque (le Florentinus Laurentianus 2628), mais dont le Canon avait été perdu
et remplacé au XIVe siècle par une copie, ainsi que sur deux manuscrits inédits
de date plus ancienne (le Parisinus Graecus 2491 et le Vindobonensis Graecus
21.
L'Arabie Heureuse, comme dans le livre VI, se distingue par une grande abondance
de noms : plus d'une vingtaine avec les îles.
22.
Sauf pour trois noms dont P. Schnabel avait traité à fond.
290
P. BERNARD
160). Pour chaque nom, elle donne en apparat critique l'ensemble des leçons.
Malheureusement la critique textuelle et la comparaison des trois listes (Canon
livre VI et Livre VIII) ne permettent pas de lever les ambiguïtés qui pèsent sur
les rapports réciproques entre ces trois textes, ni de rendre compte des
contradictions observables dans la tradition manuscrite. Selon l'auteur, les poleis diasèmoi du livre VIII donnent l'impression, avec leur nombreuses corruptions,
d'être une adaptation du livre VI.
Un index donne les noms de la tradition secondaire qui reprennent les noms
grecs du livre VI. On regrettera qu'il n'en existe pas un second pour les très
nombreux noms nouveaux introduits après Ptolémée par Ananias de Siracène et
surtout par Khwärizmi dans leurs adaptations de l'œuvre de leur illustre
prédécesseur. La consultation du livre par les orientalistes, à qui il s'adresse tout
autant qu'aux antiquisants, en aurait été grandement facilitée. Le livre s'achève
sur une riche bibliographie.
S. Ziegler et M.G. Schmidt ont droit à notre reconnaissance pour avoir mis
à notre disposition simultanément ces deux outils de travail complémentaires et
d'une telle qualité. Ce n'est en rien diminuer leur mérite que de mentionner le
maître qui est à l'origine de cette entreprise et qui en a guidé la réalisation, le
professeur Helmut Humbach, de l'Université de Mayence. Les contributions
marquantes qu'on lui doit aux études de philologie iranienne l'avaient mis sur la
piste du livre VI de la Géographie de Ptolémée. Ses élèves sont en passe
d'achever la tâche qu'il avait personnellement amorcée par plusieurs articles. S. Ziegler
annonce un volume complémentaire de commentaires de géographie historique
et la publication des cartes : hoc erat in vous.
Paul BERNARD
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