Rétinites virales de l’immunocompétent

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21-244-A-10
Rétinites
virales
de
l’immunocompétent
Viral
retinitis
of
immunocompetent
individuals
A.-L.
Rémond,
P.
Le
Hoang,
B.
Bodaghi
Mots-clés
:
Rétinite
nécrosante
ARN
syndrome
Virus
de
l’herpès
Rétitine
virale
non
nécrosante
Nécrose
rétinienne
Certains
virus
ont
un
tropisme
particulier
pour
le
tissu
rétinien,
peuvent
ainsi
l’attaquer
et
entraîner
une
nécrose
rétinienne
profonde,
aussi
bien
chez
les
sujets
immunodéprimés
que
les
immunocompétents.
L’acute
retinal
necrosis
syndrome,
ou
ARN
syndrome,
est
une
atteinte
rare
due
au
virus
de
la
famille
des
herpèsvirus,
survenant
chez
les
sujets
immunocompétents.
Le
tableau
regroupe
une
nécrose
rétinienne,
une
vascularite
occlusive,
une
hyalite
et
une
papillite.
Le
diagnostic
est
clinique.
La
prise
en
charge
est
une
urgence
médicale,
diagnostique
et
thérapeutique,
mais
n’empêche
pas
toujours
la
survenue
de
complications
redoutables,
telles
que
le
décollement
de
rétine
et
la
phtyse
oculaire.
D’autres
atteintes
rétiniennes
virales
sont
parfois
difficiles
à
différencier
de
celles
dues
à
des
agents
infectieux
non
viraux
tels
que
les
bactéries
ou
les
parasites.
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Keywords:
Necrotizing
retinitis
ARN
syndrome
Herpes
virus
Viral
retinitis
non-necrotizing
Retinal
necrosis
Some
viruses
have
a
particular
affinity
for
the
retinal
tissue,
and
can
attack
and
cause
a
deep
retinal
necrosis,
both
in
immunosuppressed
and
immunocompetent
patients.
The
Acute
Retinal
Necrosis
Syndrome
or
ARN
syndrome
is
a
rare
achievement
due
to
the
herpes
virus
family,
occurring
in
immunocompetent
individuals.
This
syndrome
manifests
with
vitreitis,
retinal
necrosis,
severe
retinal
occlusive
vasculitis
and
papillitis.
Diagnosis
is
clinical.
This
is
a
diagnostic
and
therapeutic
emergency,
but
it
is
not
always
possible
to
prevent
the
occurrence
of
serious
complications
such
as
retinal
detachment
and
ocular
phthisis.
Some
viral
retinal
disorders
are
sometimes
difficult
to
differentiate
from
those
caused
by
non-viral
infectious
agents
such
as
bacteria
or
parasites.
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2017
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Plan
Introduction
1
Rétinite
nécrosante
aiguë
virale
:
«
ARN
syndrome
»
2
Définition
2
Présentation
clinique
2
Physiopathologie
4
Diagnostic
5
Facteurs
de
risque
5
Évolution
et
pronostic
5
Complications
6
Rétinite
virale
non
nécrosante
6
Définition
6
Atteintes
rapportées
7
Diagnostic
7
Autres
rétinites
nécrosantes
virales
7
Rétinite
à
cytomégalovirus
7
Rétinite
zostérienne
7
Rétinite
au
virus
d’Epstein-Barr
7
Rétinite
aux
virus
HHV6,
HHV7
et
HHV8
7
Rétinite
du
virus
de
la
rougeole
7
Rétinite
du
virus
de
la
rubéole
8
Rétinite
due
au
virus
West
Nile
8
Rétinite
due
au
virus
de
la
grippe
8
Rétinite
au
cours
de
la
fièvre
de
la
vallée
du
Rift
8
Rétinite
au
cours
des
virus
émergents
comme
la
dengue
8
Diagnostics
différentiels
:
autres
rétinites
8
Rétinites
infectieuses
9
Rétinites
non
infectieuses
10
Traitement
10
Traitement
de
l’ARN
syndrome
10
Surveillance
13
Approche
recommandée
13
Cas
particuliers
13
ARN
sur
injection
intraoculaire
de
corticoïdes
13
ARN
postvaccination
14
ARN
avec
plusieurs
virus
14
Choroïdite
immune
controlatérale
suivant
une
ARN
14
Artérite
de
Kyrieleis
14
Conclusion
14
Introduction
Les
rétinites
virales
regroupent
de
nombreuses
présentations
cliniques,
qui
varient
surtout
selon
le
statut
immunitaire
de
l’hôte,
en
particulier
l’efficacité
de
l’immunité
à
médiation
cel-
lulaire
(cell-mediated
immunity
CMI).
Les
facteurs
de
risques
principaux
sont
l’immunodépression
d’origine
diverse
(virus
de
l’immunodéficience
humaine
[VIH],
diabète,
âge
avancé,
can-
cer,
corticothérapie,
thérapies
immunosuppressives)
et
l’infection
congénitale.
Les
conceptions
récentes
individualisent
deux
tableaux
diffé-
rents
(Fig.
1)
:
les
rétinopathies
nécrosantes
virales,
avec
:
la
nécrose
rétinienne
aiguë
(acute
retinal
necrosis
[ARN]
syn-
drome),
la
nécrose
rétinienne
progressive
externe
(progressive
outer
retinal
necrosis
PORN
;
ou
progressive
retinal
necrosis
PRN),
la
rétinite
à
cytomégalovirus
(CMV),
les
rétinites
virales
non
herpétiques
;
les
rétinopathies
non
nécrosantes.
ARN
et
PRN
syndrome
sont
des
maladies
orphelines
présen-
tant
un
fort
potentiel
de
menace
visuelle.
Le
tableau
de
rétinite
nécrosante
aiguë
a
été
décrit
pour
la
première
fois
en
1971
par
Urayama
et
al.,
comme
une
panuvéite
unilatérale
avec
vascu-
lite
conduisant
finalement
à
une
nécrose
rétinienne
diffuse
et
un
décollement
rétinien
rhegmatogène.
C’est
une
atteinte
rare,
aussi
connue
sous
le
nom
d’uvéite
de
Kirisawa [1],
en
l’honneur
de
leur
professeur
Naganori
Kirisawa,
professeur
d’ophtalmologie
de
l’Université
Tohoku.
En
1982,
Culberston
et
al.
découvrent
l’association
entre
les
virus
herpétiques
et
l’ARN [2].
Les
virus
res-
ponsables
sont
le
virus
herpes
zoster
(VZV),
le
virus
herpes
simplex
(HSV1-2)
;
et
plus
rarement
le
cytomégalovirus
(CMV)
ou
le
virus
d’Epstein-Barr
(EBV).
D’autres
rétinites
nécrosantes
virales,
en
dehors
de
l’ARN
syn-
drome,
ont
été
décrites,
mais
restent
exceptionnelles
et
sont
plus
souvent
dues
à
des
virus
différents
de
la
famille
herpès.
Au
cours
des
dernières
décennies,
notre
connaissance
de
l’ARN
s’est
considérablement
étendue.
Deux
études
anglaises,
publiées
en
2007
et
2012,
ont
estimé
l’incidence
de
ce
syndrome
à
envi-
ron
un
cas
pour
deux
millions
de
personnes
et
par
an [3,
4].
De
plus,
les
études
épidémiologiques
et
génétiques
ont
mis
en
évidence
certaines
caractéristiques
prédisposantes.
De
nou-
veaux
outils
diagnostiques
ont
été
développés
pour
identifier
EMC
-
Ophtalmologie 1
Volume
14
>
n1
>
mars
2017
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(16)74292-4
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21-244-A-10 Rétinites
virales
de
l’immunocompétent
Interaction
hôte-virus
Virus Hôte
Rétinopathies
virales nécrosantes
Rétinopathies virales
non nécrosantes
ARN PRN/
PORN
Immunocompétent Immunodéprimé
CMV
HHV6
HHV7
HHV8
Figure
1.
Différentes
présentations
cliniques
de
rétinites
virales
herpé-
tiques
selon
le
statut
immunitaire
du
patient.
ARN
:
acute
retinal
necrosis
;
PRN
:
progressive
retinal
necrosis
;
PORN
:
progressive
outer
retinal
necrosis
;
CMV
:
cytomégalovirus
;
HHV
:
herpèsvirus
humain.
rapidement
et
avec
précision
l’organisme
responsable,
et
pour
renforcer
la
capacité
de
l’ophtalmologiste
de
discerner
l’ARN
d’autres
causes
d’infection
rétinienne.
En
parallèle,
le
traitement
a
progressé,
avec
une
amélioration
des
traitements
antiviraux
systémiques
et
une
utilisation
accrue
de
thérapie
locale
par
injec-
tion
intraoculaire.
Bien
que
la
relative
rareté
de
cette
atteinte
et
le
manque
d’études
randomisées
compliquent
la
mise
en
place
de
guidelines,
une
littérature
abondante
existe
maintenant
sur
les
causes,
les
caractéristiques
et
les
traitements,
permettant
ainsi
une
amélioration
du
pronostic
visuel.
La
prise
en
charge
doit
être
rapide
et
adaptée
au
terrain.
Rétinite
nécrosante
aiguë
virale
:
«
ARN
syndrome
»
Définition
Le
tableau
de
rétinite
nécrosante
aiguë
est
un
syndrome
clinique
associant
une
panuvéite
aiguë
unilatérale
à
une
vascularite
réti-
nienne
responsable
d’une
nécrose
rétinienne
diffuse,
et
enfin
d’un
décollement
de
rétine
rhegmatogène.
Dans
un
premier
temps,
une
étiologie
inflammatoire
pure
a
été
suspectée,
mais
un
agent
viral
a
ensuite
été
identifié
sur
des
examens
anatomopathologiques
de
plusieurs
yeux
énucléés.
Le
virus
de
la
famille
herpès
était
présent
dans
toutes
les
couches
de
la
rétine
atteinte,
prouvant
ainsi
une
cause
infectieuse [2].
Des
biopsies
vitréennes
ont
pu
mettre
en
évi-
dence
des
fragments
de
virus
HSV
et
VZV [5].
Ce
tableau
fait
donc
suite
à
une
réplication
virale
chez
un
patient
immunocompétent
et
met
en
jeu
le
pronostic
visuel
par
sa
gravité
et
le
risque
de
bilaté-
ralisation
dans
un
tiers
des
cas.
Le
terme
de
BARN
(bilateral
ARN)
a
été
formulé
par
Young
et
Bird
en
1978 [6].
L’ARN
nécessite
un
traitement
rapide
et
global
:
étiologique
et
symptomatique
anti-
inflammatoire
dans
un
second
temps
et
dans
certains
cas.
Les
virus
responsables
sont
de
la
famille
des
herpès
virus
sont
:
le
VZV,
le
HSV1,
2,
plus
rarement
le
CMV
et
l’EBV [7].
Présentation
clinique
Terrain
L’ARN
syndrome
est
une
urgence
médicale,
diagnostique
et
thérapeutique.
Il
se
rencontre
typiquement
chez
un
patient
d’âge
moyen
(moyennes
variables
selon
les
séries
:
36,04
ans
;
43,4
ans [8] ;
54,3
ans [3] ;
avec
des
extrêmes
de
6[9] à
85
ans [3]),
sans
antécédent
particulier,
immunocompétent
et
plus
souvent
un
homme
(H/F
:
2,53 [9]).
Les
études
épidémiologiques
ont
mis
en
évidence
que
les
rétinites
à
HSV2
survenaient
chez
les
patients
jeunes
alors
que
celles
dues
à
HSV1
ou
encore
à
VZV
survenaient
plus
tard,
traduisant
ainsi
les
deux
pics
de
fréquences [8] :
20–30
ans
et
50–60
ans.
L’atteinte
rétinienne
est
le
plus
souvent
isolée.
Il
est
néanmoins
possible
d’observer
une
rétinite
liée
à
HSV1
simultanément
ou
au
décours
d’une
méningite
;
liée
à
HSV2
dans
le
cas
d’une
encé-
phalite
;
et
liée
à
VZV
dans
le
cas
d’un
zona
ophtalmique.
Chez
l’animal,
la
réaction
de
Von
Szily
montre
une
voie
de
propa-
gation
du
virus
via
la
chambre
antérieure
au
ganglion
ciliaire
ipsilatéral,
puis
au
noyau
d’Edinger-Westphal
et
au
noyau
supra-
chiasmatique,
traversant
ensuite
la
ligne
médiane
et
se
propageant
le
long
du
nerf
optique
controlatéral
jusqu’à
la
rétine [10].
Cette
voie
explique
certains
cas
de
rétinite
nécrosante
controlatérale
survenue
chez
des
patients
aux
antécédents
de
kératite
herpétique
ipsilatérale [11].
Malgré
l’immunocompétence
apparente,
il
existe
probable-
ment
un
terrain
immunologique
particulier
prédisposant
les
patients
à
ce
type
d’infection.
Il
est
largement
reconnu
que
l’immunosuppression
induite
par
l’utilisation
de
corticoïdes
exo-
gènes
peut
prédisposer
à
une
ARN.
Même
s’il
n’existe
aucune
prédilection
raciale
ou
sexuelle
identifiée,
certaines
associations
avec
la
classe
II
du
complexe
majeur
d’histocompatibilité
ont
été
retrouvées,
notamment
avec
HLA-DQw7
(phénotype
Bw62)
et
-
DR4
chez
les
Caucasiens
aux
États-Unis [12] ;
et
avec
les
antigènes
HLA-Aw33,
-B44
et
-Drw6
au
Japon.
Signes
fonctionnels
et
examen
clinique
En
phase
aiguë,
le
patient
peut
avoir
un
œil
rouge,
une
douleur
périorbitaire
modérée,
une
photophobie
et/ou
une
baisse
d’acuité
visuelle.
L’atteinte
est
unilatérale
initialement
et
peut
se
bilaté-
raliser
dans
un
tiers
des
cas,
avec
un
délai
très
variable
selon
les
études
:
de
six
semaines [1] à
sept
mois [9,
13].
L’examen
du
segment
antérieur
est
non
spécifique
et
retrouve
une
inflammation
de
chambre
antérieure
variable
(Tyndall
de
1
à
4+),
de
nombreux
pré-
cipités
rétrocornéens
plutôt
granulomateux
(Fig.
2),
mais
parfois
fins.
D’autres
signes
sont
parfois
visibles
tels
qu’une
épisclérite,
une
sclérite,
une
kératite,
un
hypopion
(Fig.
3),
un
hyphéma,
une
atrophie
irienne
et
une
hypertonie
oculaire.
L’examen
du
segment
postérieur
permet
de
suspecter
forte-
ment
le
diagnostic
et
retrouve
les
signes
décrits
par
Holland
et
al.
en
1994 [14] :
une
nécrose
rétinienne
(Fig.
4),
une
vascularite
occlusive,
une
hyalite
et
une
papillite
(Tableau
1).
La
nécrose
réti-
nienne
est
de
pleine
épaisseur,
bien
limitée,
située
initialement
en
extrême
périphérie,
et
s’étend
de
manière
circonférentielle,
puis
centripète,
vers
le
pôle
postérieur
en
doigt
de
gant [15].
La
hyalite
rend
parfois
l’examen
très
difficile.
Lorsque
la
nécrose
évo-
lue
depuis
un
certain
temps,
on
peut
observer
un
décollement
de
rétine
exsudatif
plus
ou
moins
étendu
de
mauvais
pronos-
tic
chirurgical
en
raison
de
nombreuses
lésions
rhegmatogènes
souvent
associées.
La
vascularite
périphérique
peut
être
contiguë
ou
à
distance
et
parfois
très
étendue,
diffuse,
voire
sur
toute
la
périphérie [16].
Il
faut
rechercher
à
l’interrogatoire
et
à
l’examen
clinique
des
céphalées
et
une
raideur
de
nuque
nécessitant
alors
une
ponc-
tion
lombaire
et
une
imagerie
par
résonance
magnétique
(IRM)
en
urgence
à
la
recherche
d’une
méningoencéphalite
herpétique.
La
forme
bilatérale
est
un
facteur
de
risque
d’encéphalite
au
décours [17].
2EMC
-
Ophtalmologie
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Rétinites
virales
de
l’immunocompétent 21-244-A-10
Figure
2.
Précipités
rétrocornéens
et
Tyndall
protéique,
témoins
d’une
inflammation
importante
du
segment
antérieur.
Figure
3.
Hypopion
lors
d’une
nécrose
rétinienne
aiguë
ou
acute
retinal
necrosis
syndrome.
Tableau
1.
Critères
diagnostiques
du
syndrome
de
nécrose
rétinienne
aiguë
ou
acute
retinal
necrosis
syndrome [14].
1Nécrose
rétinienne
de
pleine
épaisseur,
bien
limitée,
située
initialement
en
moyenne
périphérie,
avec
une
tendance
à
l’extension
circonférentielle
puis
vers
le
pôle
postérieur
2
Vasculite
occlusive
prédominant
sur
le
réseau
artériel
3
Réaction
de
chambre
antérieure
variable,
pouvant
aller
d’un
fin
Tyndall
à
un
hypopion
cellulaire
ou
hémorragique
4
Réactions
cellulaires
vitréennes
avec
une
hyalite
variable
5
Papillite
plus
ou
moins
importante
D’autres
manifestations
neuro-ophtalmologiques
peuvent
sur-
venir,
voire
même
précéder
la
nécrose,
rendant
le
diagnostic
difficile
et
les
aléas
thérapeutiques
possibles.
Mathias
et
al.
rap-
portent
le
cas
d’une
femme
de
54
ans,
avec
un
tableau
de
neuropathie
ischémique
antérieure
aiguë
sans
aucune
lésion
rétinienne
associée
et
ayant
développé
une
nécrose
rétinienne
12
jours
plus
tard.
L’analyse
du
vitré
et
la
biopsie
de
l’artère
tem-
porale
ont
montré
une
infection
à
VZV [18].
Examens
complémentaires
Le
laser
flare
meter
permet
d’évaluer
le
Tyndall
protéique
et
sur-
tout
de
suivre
l’inflammation
au
long
cours.
A
B
C
Figure
4.
Rétinophotographies
d’un
patient
immunocompétent
qui
présente
une
nécrose
rétinienne
aiguë
à
virus
herpes
zoster
du
côté
droit
(A,
B).
La
nécrose
est
étendue
à
toute
l’hémirétine
supérieure.
La
rétine
est
blanche
avec
des
hémorragies
en
tache,
témoins
de
l’ischémie.
Le
nerf
optique
présente
des
fibres
à
myéline,
confirmé
par
l’aspect
du
côté
gauche
(C).
Le
champ
visuel,
lorsque
celui-ci
est
réalisable,
peut
localiser
la
perte
fonctionnelle
relative
à
la
nécrose,
mais
surtout
rechercher
une
atteinte
du
nerf
optique
associée.
La
tomographie
à
cohérence
optique
(OCT)
peut
montrer
un
œdème
maculaire
de
degré
variable.
Les
appareils
récents
(spec-
tral
domain-OCT
SD-OCT)
montrent
une
hyperréflectivité
et
une
perte
de
l’architecture
normale
de
la
rétine
au
niveau
des
zones
EMC
-
Ophtalmologie 3
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21-244-A-10 Rétinites
virales
de
l’immunocompétent
A B
Figure
5.
Angiographies
à
la
fluorescéine
(A)
et
au
vert
d’indocyanine
(B)
de
l’œil
droit
du
même
patient.
On
observe
en
supérieur
des
vas-
cularites,
dont
certaines
occlusives,
des
zones
ischémiques,
des
diffusions
capillaires
étendues
et
un
œdème
papillaire.
nécrotiques [19].
Cet
œdème
peut
également
se
développer
secon-
dairement
malgré
la
cicatrisation
rétinienne.
L’OCT,
examen
non
invasif,
permet
la
surveillance
au
long
cours.
Les
rétinophotographies
sont
souvent
difficiles
à
réaliser
en
rai-
son
de
la
hyalite.
L’angiographie
à
la
fluorescéine
révèle
mieux
les
zones
nécrotiques
(Fig.
5),
hypofluorescentes,
la
présence
d’une
vascularite
occlusive
associée,
les
territoires
ischémiques
qui
en
découlent
et
parfois
une
papillite.
L’angiographie
au
vert
d’indocyanine
(Fig.
5)
montre
les
zones
nécrotiques
en
hypocya-
nescence.
L’autofluorescence
permet
de
suivre
la
progression
de
la
maladie,
en
détectant
les
modifications
au
niveau
de
la
rétine
sen-
sorielle
et
de
l’épithélium
pigmentaire
bordant
la
nécrose [20].
Les
zones
nécrotiques
sont
hypo-auto-fluorescentes,
bordées
par
des
limites
hyper-auto-fluorescentes
correspondant
aux
dommages
adjacents
de
la
rétine
externe.
En
présence
de
céphalée
et
de
raideur
de
nuque,
il
faut
réa-
liser
en
urgence
une
ponction
lombaire
et
une
IRM
cérébrale
à
la
recherche
d’une
méningoencéphalite
herpétique,
menac¸ant
le
pronostic
vital.
La
ponction
de
chambre
antérieure
permet
d’identifier
le
virus
responsable
et
d’adapter
le
traitement,
et
d’éliminer
certains
diag-
nostics
différentiels
parfois
difficiles,
tels
que
la
toxoplasmose
extensive.
Un
bilan
biologique
complet
doit
être
réalisé
pour
appré-
cier
le
statut
immunitaire
du
patient,
avec
en
particulier
une
numération
formule
sanguine,
des
sérologies
virales
:
virus
de
l’immunodéficience
humaine,
virus
des
hépatites
B
et
C,
virus
herpétiques
(valeur
négative
seule
utile)
;
et
une
sérologie
syphi-
lis
avec
TPHA-VDRL
(treponema
pallidum
hemagglutination-
veneral
disease
research
laboratory),
mais
aussi
une
analyse
de
la
fonction
rénale
en
raison
de
la
toxicité
fréquente
des
antiviraux
et
la
néces-
sité
d’adaptation
des
posologies.
Critères
diagnostiques
En
1971,
Akira
Urayama
décrit
pour
la
première
fois
le
tableau
clinique
de
l’ARN,
comme
étant
une
panuvéite
aiguë
unilatérale
associée
à
une
vascularite
progressive
aboutissant
à
une
nécrose
rétinienne
diffuse
(Fig.
2)
et
enfin
un
décollement
rétinien
rheg-
matogène.
En
1994,
Holland
et
the
Executive
Committee
of
the
American
Uveitis
Society
affinent
la
définition
et
établissent
cinq
critères
:
une
inflammation
de
chambre
antérieure
;
des
réactions
cellulaires
vitréennes
;
un
ou
plusieurs
foyers
de
nécrose
avec
des
limites
localisées
en
périphérie
;
vasculite
occlusive
avec
impli-
cation
artérielle
;
une
papillite [14] (Tableau
1).
Le
terme
BARN
désigne
une
atteinte
bilatérale
initiale
ou
secondaire.
La
bilaté-
ralisation
secondaire
survient
dans
un
tiers
des
cas.
Le
délai
est
variable
selon
les
études.
Le
plus
long
rapporté
est
de
46
ans [21].
Les
caractéristiques
principales
sont
énumérées
dans
le
Tableau
2.
Les
virus
responsables
sont
ceux
de
la
familles
des
herpès
virus
:
le
Tableau
2.
Principales
caractéristiques
de
l’acute
retinal
necrosis
syndrome.
Terrain Immunocompétent
Rétinite
Lésions
nécrotiques
périphériques,
de
progression
circonférentielle
et
centripète
Inflammation
Tyndall
cellulaire
et
protéique,
précipités
rétrocornéens
granulomateux
Hyphéma,
hypopion
Hypertonie
Hyalite
dense,
vascularite,
papillite
Virus VZV
>
HSV
1
et
2
>>
CMV
>>>
EBV
VZV
:
virus
herpes
zoster
;
HSV
:
virus
herpes
simplex
;
CMV
:
cytomégalovirus
;
EBV
:
virus
d’Epstein-Barr.
VZV,
le
plus
fréquent [9,
13],
les
HSV1
et
2,
plus
rarement
le
CMV
et
exceptionnellement
l’EBV.
On
peut
noter
l’association
avec
l’âge
du
patient
ici.
En
2015,
Takase
et
al. [22] ont
tenté
d’établir
de
nouveaux
critères
diagnostiques,
toujours
basés
sur
les
aspects
cliniques
initiaux,
mais
en
intégrant
également
l’évolution
clinique,
ainsi
que
les
résultats
des
prélèvements
(Tableau
3).
Les
différentes
combinai-
sons
ont
été
analysées
pour
optimiser
la
sensibilité,
la
spécificité,
les
valeurs
prédictives
positive
et
négative.
Le
but
de
ce
travail
était
d’améliorer
le
rendement
diagnostique
et
ainsi
d’améliorer
le
pronostic
visuel
des
patients
en
diminuant
le
retard
au
trai-
tement.
Certaines
limites
ne
permettent
pas
encore
de
valider
complètement
ces
critères
:
nombre
d’experts
et
de
centres
par-
ticipants
limité,
réalisation
uniquement
au
Japon,
nombre
de
contrôles
faible.
Une
validation
ultérieure
reste
nécessaire.
Physiopathologie
Les
nécroses
rétiniennes
aiguës
surviennent
aussi
chez
les
immunocompétents
en
raison
d’une
grande
virulence
des
virus
HSV
et
VZV,
expliquant
le
caractère
brutal
et
rapidement
pro-
gressif
de
l’atteinte
malgré
un
système
de
défense
efficace.
Les
phénomènes
inflammatoires
mis
en
jeu
sont
brutaux,
les
effets
cytopathogènes
nombreux,
responsables
des
conséquences
délé-
tères
pour
l’œil
de
cette
lutte
antivirale.
L’inflammation
est
marquée
et
la
hyalite
dense.
L’infection
de
la
rétine
se
fait
par
transmission
neurogène
des
particules
virales [23,
24].
La
propagation
par
voie
hématogène
ou
par
contiguïté
à
partir
du
segment
antérieur
ne
semble
pas
être
en
cause.
Les
modèles
animaux
ont
montré
que
l’injection
d’une
préparation
virale
au
niveau
de
la
chambre
antérieure
aboutis-
sait
à
une
rétinite
de
l’œil
controlatéral,
avec
une
transmission
au
niveau
du
chiasma
optique [25],
et
que
l’injection
au
niveau
de
la
muqueuse
labiale
aboutissait
à
une
infection
de
l’uvée
4EMC
-
Ophtalmologie
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Rétinites
virales
de
l’immunocompétent 21-244-A-10
Tableau
3.
Paramètres
utilisés
par
Takase
en
2015
pour
développer
de
nouveaux
critères
diagnostiques
d’un
acute
retinal
necrosis
syndrome.
Signes
cliniques
initiaux
1a.
Tyndall
cellulaire
ou
précipités
rétrocornéens
granulomateux
1b.
Lésions
blanc-jaunâtres
en
périphérie
rétinienne
1c.
Vascularite
rétinienne
1d.
Hyperhémie
de
la
papille
1e.
Opacités
vitréennes
1f.
Hypertonie
intraoculaire
Évolution
clinique
2a.
Extension
rapide
et
circonférentielle
de
la
ou
des
lésion(s)
rétinienne(s)
2b.
Survenue
de
déchirures
ou
de
décollement
rétinien
2c.
Survenue
d’occlusion
vasculaire
2d.
Développement
d’une
atrophie
optique
2e.
Bonne
réponse
aux
antiviraux
Prélèvements
intraoculaires
PCR
ou
CCI
positif
pour
HSV1,
HSV2,
ou
VZV
PCR
positive
pour
HSV1,
HSV2,
ou
VZV
CCI
positif
pour
HSV1,
HSV2,
ou
VZV
PCR
:
polymerase
chain
reaction
;
HSV
:
virus
herpes
simplex
;
VZV
:
virus
herpes
zoster
;
CCI
:
coefficient
de
charge
immunitaire.
antérieure
en
passant
par
les
terminaisons
sympathiques
et
le
ganglion
cervical
supérieur [26].
Les
cellules
impliquées
sont
les
lymphocytes
T.
La
survenue
d’un
ARN
lors
d’une
encéphalite
virale
vient
appuyer
cette
théorie.
Dans
un
cas,
le
génome
avait
été
isolé
à
la
fois
sur
le
liquide
cérébrospinal
et
sur
l’humeur
aqueuse
chez
un
patient
immunocompétent
présentant
une
encéphalite
et
une
ARN
unilatérale [27].
Diagnostic
Le
diagnostic
d’une
nécrose
rétinienne
aiguë
est
clinique,
conforté
par
une
réponse
favorable
au
traitement
antiviral.
Il
est
parfois
difficile,
cependant,
de
poser
de
manière
absolue
le
diagnostic.
Les
prélèvements
oculaires
(ponction
de
chambre
antérieure
et/ou
biopsie
vitréenne)
sont
donc
indispensables,
à
visée
étiologique
et
thérapeutique,
mais
sans
retarder
le
traite-
ment.
Le
tableau
d’ARN
est
une
urgence
thérapeutique.
Il
faut
débuter
le
traitement
dès
la
présomption
diagnostique.
La
ponc-
tion
de
chambre
antérieure
garde
un
bon
rendement,
même
réalisée
après
un
traitement
antiviral
de
quelques
jours.
Deux
techniques
sont
utilisées
pour
mettre
en
évidence
l’infection
virale
sur
les
prélèvements
:
une
méthode
directe,
de
biologie
moléculaire,
la
polymerase
chain
reaction,
permettant
également
une
évaluation
quantitative
avec
le
calcul
du
nombre
de
copies
virales
;
et
une
méthode
indirecte,
d’immunologie,
le
calcul
du
coefficient
de
charge
immunitaire
(CCI).
Ces
deux
techniques
sont
réalisables
sur
l’humeur
aqueuse
et
le
vitré.
Elles
ont
toutes
deux
des
avantages
et
des
inconvénients
(Tableau
4).
La
PCR
(poly-
merase
chain
reaction)
a
un
très
bon
rendement
diagnostique
et
peut
se
faire
sur
une
très
faible
quantité
d’humeur
aqueuse
(moins
de
20
l).
Elle
est
également
très
utile
pour
le
suivi
de
l’évolution
et
de
l’efficacité
thérapeutique
avec
la
mesure
du
nombre
de
copies
virales.
En
cas
de
prélèvement
négatif,
un
second
prélèvement
peut
se
positiver
même
après
l’initiation
d’un
traitement.
En
cas
d’immunodépression,
la
synthèse
d’immunoglobuline
est
limitée
voire
nulle,
rendant
le
coefficient
de
charge
moins
intéressant.
Facteurs
de
risque
Les
deux
facteurs
de
risque
majeur
de
rétinite
nécrosante
sont
l’immunodépression,
plus
particulièrement
celle
tou-
chant
l’immunité
à
médiation
cellulaire
(CMI),
et
l’infection
Tableau
4.
Caractéristiques
des
deux
techniques
de
recherche
virologique.
Polymerase
chain
reaction
Coefficient
de
charge
immunitaire
Principes
Détection
de
l’ADN
viral
et
quantification
du
nombre
de
copies
Rapport
entre
la
charge
immunitaire
de
l’humeur
aqueuse
et
celle
du
sang
Caractéristiques
Méthode
directe
Méthode
indirecte
Prélèvement
nécessaire
Humeur
aqueuse
Humeur
vitréenne
Humeur
aqueuse
Humeur
vitréenne
Sensibilité
80
à
95
%[28] 57
à
90
%
Spécificité
97
%
ADN
:
acide
désoxyribonucléique.
Tableau
5.
Facteurs
de
risque
individualisés
dans
la
rétinite
nécrosante.
HSV1
VZV
Encéphalite
concomitante
ou
antécédents
Zona
Antécédents
de
neurochirurgie
Varicelle
concomitante
ou
antécédent
récent
HSV2
Méningite
en
cours
ou
antécédents
Herpès
néonatal
Antécédents
de
neurochirurgie
Traumatisme
oculaire
Cicatrices
choriorétiniennes
HSV
:
virus
herpes
simplex
;
VZV
:
virus
herpes
zoster.
congénitale.
D’autres
facteurs
favorisent
certains
virus.
Par
exemple,
un
antécédent
de
zona
favorise
une
nécrose
à
VZV,
une
intervention
neurochirurgicale
une
nécrose
à
HSV1,
ou
encore
une
intervention
ophtalmologique
une
atteinte
à
HSV2
(Tableau
5).
Évolution
et
pronostic
En
l’absence
d’un
diagnostic
et
d’un
traitement
rapide,
l’évolution
d’une
nécrose
rétinienne
aiguë
est
défavorable
avec
un
pronostic
visuel
très
mauvais.
Le
décollement
de
rétine
sur-
vient
dans
75
%
des
cas [29] et
65
%
des
patients
ont
une
acuité
visuelle
inférieure
à
1/10e.
L’atteinte
de
l’œil
controlatéral
est
de
10
à
20
%
lors
de
la
pré-
sentation
initiale,
et
augmente
jusqu’à
33
%
après,
selon
un
délai
très
variable
selon
les
séries.
Dans
les
deux
ans,
l’œil
controlatéral
est
atteint
dans
65
%
en
l’absence
de
traitement.
Une
étude
multicentrique
japonaise,
réalisée
en
2013
chez
104
patients
immunocompétents,
a
rapporté
les
différents
fac-
teurs
impliqués
dans
le
devenir
des
rétinites
nécrosantes.
Les
facteurs
de
mauvais
pronostic
étaient
la
présence
d’un
décolle-
ment
de
rétine,
une
infection
à
VZV [30,
31],
une
acuité
visuelle
initiale
très
basse,
une
atteinte
de
la
zone
1
(selon
les
zones
défi-
nies
par
Holland
dans
les
rétinites
à
CMV [14],
soit
3000
m
autour
de
la
fovéola
ou
1500
m
autour
de
la
papille),
et
une
atteinte
du
nerf
optique [31].
D’autres
séries
insistent
sur
l’étendue
de
la
zone
atteinte
ou
le
délai
de
prise
en
charge [9,
13].
Une
atteinte
de
moins
de
90
%
a
un
bien
meilleur
pronostic
qu’une
atteinte
totale [9],
et
l’extension
de
la
zone
nécrotique
en
l’absence
de
traitement
favorise
le
décollement
de
rétine.
La
vitrectomie
prophylactique
n’était
pas
corrélée
au
pronostic.
Ces
résultats
suggèrent
que
des
atteintes
graves
de
la
rétine
ou
du
nerf
optique
avant
la
mise
en
place
du
traitement
affectent
fortement
le
pronostic
visuel.
Le
pro-
nostic
à
long
terme
est
surtout
dépendant
des
récidives
et
de
la
survenue
de
complications,
mettant
en
jeu
le
résultat
fonctionnel
final.
EMC
-
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Rétinites virales de l’immunocompétent

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