LA SURMORTALITE LE SEUL CRITERE DE CALCUL DU NOMBRE DE MORTS DÛS AU COVID-19 Chaque soir, les autorités sanitaires de la plupart des pays publient le nombre de décès du coronavirus. Ces chiffres ne tiennent pas toujours compte des décès (souvent à leurs domiciles) de malades sans une cause vraiment identifiée ni d'une éventuelle surmortalité liée à un accès plus difficile aux soins dans les hôpitaux ou plus généralement au renoncement aux soins. D’où l’utilité de connaître la mortalité complète pendant la pandémie pour appréhender une éventuelle surmortalité due au covid-19. La surmortalité élément déterminant de la fiabilité des bilans La surmortalité (l’excès de décès lors de la crise épidémique par rapport à une situation normale) permet d’avoir une vision statistique complète d’une épidémie. Cela passe par une comparaison des décès totaux dans la période de crise par rapport à un nombre de décès moyen fondé généralement sur la mortalité des cinq années précédentes. L’écart constatée par rapport à cette moyenne, la surmortalité, assure d’englober tout à la fois les décès comptabilisés officiellement comme relevant du Covid19, la mortalité directe de personnes mortes du virus sans qu’on l’ait déterminé et la mortalité indirecte due aux conséquences de l’épidémie (la restriction de l’accès au soin) La réunion de ces 3 composantes donne le bilan final de l’épidémie. Il ne correspond pas uniquement à des hausses de décès d’ailleurs, car la période en cause se traduit aussi par une baisse de la mortalité en raison de la réduction des déplacements et des activités (accidents de la route, accidents professionnels...). La limitation de l’accès et/ou du renoncement au soin pendant le confinement et après Ce phénomène a été observé dans la plupart des pays. Ainsi au Maroc, Selon une note fin juillet du Haut Commissariat au Plan Marocain HCP, la crainte de contamination et le manque de disponibilité des moyens ont constitué les principaux motifs de cette restriction des soins. Parmi les 11,1% de personnes souffrant de maladies chroniques ayant nécessité un examen médical lors du confinement, 45,2% n’ont pas eu accès à ces services et parmi les 10,1% de personnes souffrant de maladies passagères et ayant nécessité une consultation, 37% n’ont pas pu en bénéficier. Il en a donc découlé un certain nombre de décès qu’on se doit d’appréhender comme conséquence indirecte de l’épidémie. Des décès aux causes parfois difficiles à déterminer LA SURMORTALITE LE SEUL CRITERE DE CALCUL DU NOMBRE DE MORTS DUES AU COVID-19 Le premier écueil du calcul de la surmortalité liée au coronavirus est celui de l’attribution d’une cause déterminée à un décès d’une personne, âgée notamment et surtout passée 80 ans quand elle souffre de polypathologies. Ce problème fait encore débat, même en Europe. 2 « Le lien peut être ténu, par exemple dans le cas d’un suicide lié au confinement, ou très fort, si l’infection perturbe l’équilibre précaire causé par des maladies préexistantes et provoque par exemple un décès par Parkinson ou insuffisance cardiaque. On peut mourir du Covid-19 ou avec le Covid-19» comme le précise dans une interview Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale, à l’Université de Genève et un des meilleurs spécialistes en ce domaine. Dans l’incertitude d’une situation, le décès pourtant est normalement affecté au décompte des victimes de l’épidémie. Le calcul de la surmortalité : une opération délicate ou difficile selon les pays La difficulté de ce calcul réside dans le bon enregistrement et dans des délais raisonnables des décès, incluant bien donc toutes les précisions nécessaires à la connaissance des causes de la mort. Il est en général plus facile à effectuer dans les pays développés et une première estimation de la surmortalité en Europe - une hausse de 50% entre fin mars et début avril - a été publiée fin juillet. Santé publique France a toutefois réagi à ce premier chiffrage en estimant que « seules les données exhaustives des causes médicales de décès, collectées à partir de l'ensemble des certificats de décès, électroniques et papier, permettront de quantifier précisément l'excès de mortalité associé à l'épidémie" en ajoutant que la collecte et le traitement des certificats de décès papier "nécessitent plusieurs mois" et qu'ils "ne pourront pas être analysés avant fin 2020". Santé publique France a déclaré également qu’il était urgent de « généraliser l'utilisation de la certification électronique des décès", "disponibles de façon réactive ». Un moyen qui "n'était utilisé, début 2020, que pour 20% de la mortalité nationale, avec une forte hétérogénéité régionale". De nombreux pays moins développés, comme le Maroc n’ont malheureusement pas les moyens nécessaires pour mesurer rapidement la surmortalité. Et de nombreux pays à faible revenu, comme en Afrique, ne tiennent même pas de registre de décès, ou en tiennent un mais sans en préciser les causes. C’est en effet un processus difficile car les causes de mortalité doivent être codées, à partir des certificats de décès remplis manuellement par le médecin, selon la classification internationale des maladies de l’OMS. Une exception notable en Afrique, tout de même, l’Afrique du Sud où des chercheurs du Conseil sud-africain de la recherche médicale (SAMRC), un organisme indépendant, ont estimé déjà qu’environ 17 000 décès supplémentaires causés par le coronavirus n’ont pas été enregistrés, entre mai et fin juillet, dans les statistiques officielles qui s’établissaient alors à seulement 8 800 morts ! LA SURMORTALITE LE SEUL CRITERE DE CALCUL DU NOMBRE DE MORTS DUES AU COVID-19 Une meilleure connaissance de la surmortalité au Maroc serait pourtant fort utile pour le suivi de l’épidémie, pour le respect des standards internationaux recommandés par l’OMS et, ne serait ce qu’en mémoire de toutes les victimes ! L’écart entre surmortalité et bilan surtout hospitalier sera certainement beaucoup plus réduit qu’en Europe (une hausse de la surmortalité constatée de 50% entre fin mars et début avril, rappelons le), du fait d’une proportion de personnes âgées (les victimes principales) beaucoup moins élevée dans nos pays encore « jeunes ». 3 En tout état de cause, les évaluations actuelles entre les différents pays doivent être interprétées avec beaucoup de prudence du fait de l’hétérogénéité des bases des calculs et des structures de la population : est-il raisonnable et vraiment scientifique en effet de comparer, par exemple, certains pays d’Afrique Noire à la jeunesse débordante avec une Italie vieillissante ? Vous trouverez, ci-dessous, des précisions sur la restriction de l’accès au soin par la population au Maroc, sur la surmortalité en Europe, sur l’action des associations AMMAIS ET AMRM au Maroc face à l’épidémie ainsi que la bibliographie Casablanca, le 26/08/2020 Dr MOUSSAYER KHADIJA اﻟدﻛﺗورة ﺧدﯾﺟﺔ ﻣوﺳﯾﺎر اﺧﺗﺻﺎﺻﯾﺔ ﻓﻲ اﻟطب اﻟﺑﺎطﻧﻲ و أﻣراض اﻟﺷﯾﺧوﺧﺔSpécialiste en médecine interne et en Gériatrie Présidente de l’Alliance Maladies Rares Maroc (AMRM) رﺋﯾﺳﺔ اﺋﺗﻼف اﻷﻣراض اﻟﻧﺎدرة اﻟﻣﻐرب, Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), رﺋﯾﺳﺔ اﻟﺟﻣﻌﯾﺔ اﻟﻣﻐرﺑﯾﺔ ﻷﻣراض اﻟﻣﻧﺎﻋﺔ اﻟذاﺗﯾﺔ و واﻟﺟﮭﺎزﯾﺔ, Ancienne chef de service à l’Hôpital de Kenitra, Ancienne interne aux Hôpitaux de Paris - Pitié Salpêtrière - Hôpital Charles Foix,Vice-présidente du Groupe de l’Auto-Immunité Marocain (GEAIM), Vice-présidente de l’association marocaine des malades d’angioedème (AMMAO), Vice-présidente de l’association marocaine des intolérants et allergiques au gluten (AMIAG), Vice-présidente de l'association marocaine de la fièvre méditerranéenne familiale (AMFMF), conseillère au bureau de l’association du rachitisme vitamino-résistant hypophosphatémique POUR EN SAVOIR PLUS 1/ Un Accès restreint au soin de la population pendant le confinement au Maroc La crainte de contamination à la pandémie du nouveau coronavirus (covid-19) et le manque de moyens ont limité l’accès aux services de santé en période de confinement, selon le Haut Commissariat au Plan (HCP) du Maroc dans une note parue fin juillet. Le non accès aux services de santé est dû au manque de moyens, pour 34,2% dans le cas des maladies chroniques, 35,6% des maladies passagères et 26,2% des services de santé maternelle, S’agissant des services de santé reproductive, 36% évoquent la crainte d’être contaminé au virus comme raison de non accès à ces services. Cette crainte est à l’origine du renoncement à la vaccination des enfants de moins de 5 ans pour 50,1% des cas. LA SURMORTALITE LE SEUL CRITERE DE CALCUL DU NOMBRE DE MORTS DUES AU COVID-19 La note du HCP indique que les contraintes d’accès aux services de santé apparaissent comme des difficultés non négligeables pour les soins de santé maternelle et la vaccination des enfants de moins de 5 ans, avec respectivement 26,6% et 24,2%. 4 Le HCP souligne que parmi les 11,1% de personnes souffrant de maladies chroniques ayant nécessité un examen médical durant le confinement, 45,2% n’ont pas eu accès à ces services, les hommes (46,6%) plus que les femmes (44,4%), les ruraux (53,2%) plus que les citadins (41,4%), les plus pauvres (48%) plus que les plus aisés (37%) et les enfants âgés de 6 à 14 ans (64,2%) plus que ceux de moins de 5 ans (39,2%). Le HCP précise ensuite que : -parmi les 10,1% de personnes souffrant de maladies passagères et ayant nécessité une consultation, 37% n’ont pas pu en bénéficier, 46% en milieu rural contre 33% en milieu urbain. Ils sont plus nombreux parmi les hommes (41%) que les femmes (35%), parmi les adultes de 25 à 55 ans (39%) que les enfants de moins de 5 ans (34%) et chez les 20 les plus défavorisés (47%) que les 20% les plus aisés (26%). -parmi les 7% de femmes ayant besoin d’un suivi de grossesse ou de consultations prénatales et postnatales, 26,2% n’ont pu bénéficier de ces services, 22% en urbain et 33% en rural et 27% parmi les 20% les plus pauvres contre 22% chez les 20% les plus aisées. -sur les 2,4% de personnes ayant besoin d’un suivi médical lié à la santé reproductive, 21% n’ont pu y accéder dont 98% sont des femmes, 27% en milieu rural contre 17% en milieu urbain et 17% parmi les 20% les plus aisés contre 23% parmi les 20% les plus défavorisés. -sur les 32% d’enfants de moins de 5 ans ayant nécessité, en période de confinement, un service de vaccination, 12% n’en ont pas bénéficié, 11% en urbain et 13% en rural et 17% chez les 20% les plus défavorisés contre 13% parmi les 20% les plus aisés Ces données ont été faites à partir de sondages réalisés du 15 au 24 juin 2020 sur un échantillon représentatif de 2.169 ménages. Il faut saluer à ce propos l’excellent travail statistique accompli par le HCP sur les les données sociales et économiques du Maroc pendant la pandémie. 2/ La surmortalité en Europe Selon des données (provisoires) publiées fin juillet par l’Institut français de la statistique (Insee), les écarts entre les bilans officiels au jour le jour et la surmortalité constatée à partir des registres de décès peuvent être significatifs pour certains pays . On sait en effet maintenant que la surmortalité en Europe a enregistré une hausse de 50% entre fin mars et début avril, en raison de la pandémie et plus précisément respectivement de 71 % en Espagne, 49 % en Italie, 44 % en Belgique et de 28 % en France sur l’ensemble des 8 semaines comprises entre début mars et fin avril. LA SURMORTALITE LE SEUL CRITERE DE CALCUL DU NOMBRE DE MORTS DUES AU COVID-19 3/ La mobilisation de l’Association Marocaine des maladies auto auto-immunes et systémiques stémiques (AMMAIS) et de l’Alliance des Maladies Rares au Maroc (AMRM) face à la Covid-19. 5 Rappelons que les objectifs d’AMMAIS, créée en 2010, sont d’informer et de sensibiliser le grand public et les médias marocains sur les maladies auto auto-immunes et systémiques, émiques, d’aider à leurs meilleures prises en charge et de promouvoir la recherche et les études sur elles. Ammais est par ailleurs à l’origine de la création en 2017 de l’Alliance des Maladies Rares au Maroc (AMRM). (AMRM Les deux associations, sans beaucoup de moyens financiers mais avec beaucoup de bonne volonté, se sont mobilisées depuis le début de l’épidémie au Maroc en Mars pour : - informer ormer et sensibiliser la population aux risques que fait courir la Covid Covid-19 et aux enjeux de cette crise inédite et violente sur des thèmes comme : la préservation de la santé des personnes âgées, le port du masque, la fiabilité des tests, l’impact sur les personnes attentes de maladies rares, les conséquences parfois néfastes du confinement… - apporter leurs soutiens et leurs aides à d’autres associations de malades. Elles ont à cet effet intensifié leurs collaborations avec d’autres associations, et en particulier avec les associations marocaines des malades souffrant d’angioedèmes (AMMAO) présidée par Imad El Aouni, de mucoviscidose (AMM) présidée par Fenna Builler, du syndrome de Rett (AMSR) présidée par Mustapha El Mokhtar, pour, de solidarité avec les enfants de la lune (ASELM) présidée par Habib Ghazaoui, des Intolérants et Allergiques au Gluten (AMIAG) présidée par Mme Jamila Cherif Idrissi, des Maladies Auto-immunes immunes et Systémiques (AMMAIS), de Biologie Médicale (AMBM) présidée par Abdellatif Loudghiri, Loudghiri, ainsi que le groupe d’étude de l’auto l’autoimmunité (GEAIM) présidée par le Dr Fouzia Chraibi, assistée notamment du Dr Mounir Filali, Secrétaire Général. L’auteur de ces lignes après avoir salué la réussite du confinement au Maroc , s’est par ailleurs inquiété iété rapidement de la tournure que prenait le déconfinement, confondu trop facilement avec une victoire définitive sur le virus non seulement par une partie de la population mais aussi par certains commentateurs dans les médias. La multiplication débordante des « Fake News » et des théories complotistes a contribué aussi largement à ce moment là à brouiller la perception de la réalité sur l’épidémie qui continuait en fait. D’où à un relâchement dangereux dans les comportements, même si les autorités ont tout fait pour appeler à la vigilance. Dans une tribune publiée le 7 juillet sur le site Oujdacity et intitulée « PAS D’ARMISTICE À ATTENDRE AVEC LE COVID-19 ! », l’auteur de ces lignes, présidente des 2 associations, a alerté sur le risque de rebond de l’épidémie au Maroc en prévenant que « Nous avons gagnés la première bataille mais pas encore la guerre » et en précisant : « On aura de toute façon à faire face à des risques de retour de la pandémie ; le tout est de savoir si cette dernière se réduira à des « vaguelettes » ou malheureusement à une forte vague, si on continue à perdre le sens des réalités ». LA SURMORTALITE LE SEUL CRITERE DE CALCUL DU NOMBRE DE MORTS DUES AU COVID-19 Une mise en garde réitérée dans plusieurs articles, et notamment, le 9 juillet sur le forum médical SBA-Médecine.com 6 4/ Bibliographie utile - La crainte de contamination au covid-19 et le manque de moyens limitent l’accès aux services de santé - Maroc diplomatique avec MAP -28 juillet 2020 https://maroc-diplomatique.net/la-crainte-de-contamination-au-covid-19-et-lemanque-de-moyens-limitent-lacces-aux-services-de-sante/ - Hausse de 50% de la surmortalité en Europe à cause du coronavirus. Par. Maroc diplomatique avec MAP. -. 29 juillet 2020. https://maroc-diplomatique.net/europe-hausse-de-50-de-la-surmortalite-en-europe-acause-du-coronavirus/ - L’impact du Covid-19 sous-estimé dans de nombreux pays – Le Temps -30 mai 2020 https://labs.letemps.ch/interactive/2020/surmortalite-et-covid-19/ - TheEconomist/covid-19-excess-deaths-tracker https://github.com/TheEconomist/covid-19-excess-deaths-tracker -Surveillance de la mortalité au cours de l'épidémie de COVID-19 du 2 mars au 31 mai 2020 en France –Santé publique France 31/07/2020 https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infectionsrespiratoires/infection-a-coronavirus/documents/rapport-synthese/surveillance-de-lamortalite-au-cours-de-l-epidemie-de-covid-19-du-2-mars-au-31-mai-2020-enfrance#:~:text=A%20partir%20de%20ces%20sources,VIC%20et%20EHPAD%2FEM S). LA SURMORTALITE LE SEUL CRITERE DE CALCUL DU NOMBRE DE MORTS DUES AU COVID-19