Chapitre 4 : Enjeux économiques : évaluation des impacts du changement climatique
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des dimensions non marchandes qui renvoient aux méthodes d’évaluation fondées sur les coûts et les
préférences individuelles des agents. Comment donner une valeur monétaire à la disparition d’une espèce
ou à l’altération d’un paysage ?
L’analyse coût-efficacité peut être utilisée pour révéler la politique de coût minimal parmi celles
réalisant des objectifs donnés de conservation ou d’exploitation exprimés le plus souvent en quantités.
Cette approche permet d’éviter l’écueil de l’évaluation monétaire d’objectifs non marchands. Au contraire
de l’analyse coût-bénéfice, qui fixe de manière endogène, en fonction des arbitrages économiques, les
niveaux optimaux de ressources à conserver ou de pollution à éliminer, l’analyse coût-efficacité repose
sur des objectifs exogènes fixés par des experts ou par un consensus sociopolitique, comme l’illustre le
débat international sur le seuil de concentration de GES à ne pas dépasser (voir Exemple 1).
L’évaluation économique des impacts du changement climatique
Le 1er Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) de juillet 2011 se compose
de fiches-action mettant en avant des mesures phares pour différents domaines (eau, forêt, biodiversité)
[2]. Le PNACC ne propose pas d’évaluation du coût financier pour les préconisations ; un montant global
de 171 millions d’euros est évoqué sans précision (page 18) pour tout le territoire national. Le rapport
de l’ONERC en 2009 indique quelques éléments chiffrés [4]. La démarche consiste à évaluer les impacts
physiques du changement climatique sur les rendements de certaines ressources, puis à les traduire
en termes de volume de production et enfin à les évaluer monétairement à partir d’un prix moyen de
référence ou d’une valeur tutélaire issue des conclusions du Centre d’Analyse Stratégique. Cette dernière
étape est très délicate et les évaluations menées sur le blé, le maïs, le vin ou la forêt n’ont qu’une valeur
illustrative. Plus fondamentalement une mise en garde est nécessaire sur le transfert de valeurs, c’est-à-
dire sur l’utilisation de valeurs obtenues dans un contexte donné pour un autre contexte. Afin d’éviter ce
transfert souvent peu robuste, la production d’évaluations locales doit être encouragée, c’est pourquoi
la démarche du PNACC présente surtout l’intérêt de construire des bases de données et des indicateurs
nécessaires pour une aide à la décision ancrée dans la réalité économique et écologique locale.
Du changement climatique aux changements globaux
Les changements globaux incluant changement climatique et changements d’usage ont conduit
à des modifications importantes de la biodiversité marine et terrestre. La surpêche, l’intensification et
la déprise agricoles, les invasions d’espèces induisent des évolutions préoccupantes avec notamment
des phénomènes d’extinction, d’érosion, de déclin de la biodiversité [8]. Ces évolutions d’espèces, de
peuplements, de communautés ou d’écosystèmes ont des conséquences sur les sociétés humaines via les
dommages, menaces et risques qu’elles font peser sur les biens économiques et les services écosystémiques
fournis par cette biodiversité. Des valeurs d’usage direct notamment alimentaire, énergétique ou médical,
des valeurs d’usage indirect lié à la pollinisation, aux cycles de l’eau ou du carbone, des valeurs récréatives,
culturelles ou esthétiques, valeurs d’option pour un usage futur et capacité d’adaptation peuvent être
ainsi perdues ou affaiblies et ce de manière plus ou moins irréversible. Beaucoup de travaux et d’outils
sont disponibles pour mesurer l’impact des activités humaines sur l’écosystème, mais on dispose en
revanche de peu de résultats et d’outils permettant d’évaluer l’impact des écosystèmes sur le bien-être
humain. L’évaluation économique est alors nécessaire pour construire des indicateurs objectifs de ces
impacts et pour guider les orientations des politiques de conservation et de préservation.
Si la biodiversité est le support de la production d’autres biens et services écosystémiques, la plus
grande partie de la valeur économique est rattachée à sa valeur de non-usage. Cela est particulièrement
évident quand la biodiversité en jeu concerne une espèce ou un écosystème emblématique, menacé
et/ou sans équivalent. Dans les autres cas, comme les forêts tempérées et les écosystèmes littoraux et
marins, seule l’expérience empirique peut montrer que leurs valeurs économiques non marchandes sont