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LA BHAGAVAD GITA REVISITEE POUR LES OCCIDENTAUX - JACK HAWLEY

LA BHAGAVAD GITA,
REVISITÉE
POUR LES OCCIDENTAUX
JACK HAWLEY
Dédié affectueusement à Sri Sathya Sai Baba
2
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
5
PRÉFACE DE L’ÉDITEUR
7
INTRODUCTION
8
AVANT-PROPOS
12
1ère PARTIE : CONNAÎTRE LE VRAI SOI EN SOI, ET L’ACTION DÉSINTÉRESSÉEO
CHAPITRE 1 : L’ANGOISSE D’ARJUNA (ARJUNA VISHADA YOGA)
18
CHAPITRE 2 : LA VOIE DE LA CONNAISSANCE (SANKHYA YOGA)
24
CHAPITRE 3 : LA VOIE DE L’ACTION (KARMA YOGA)
37
CHAPITRE 4 : INTÉGRER LA CONNAISSANCE, L’ACTION ET LE
RENONCEMENT (JNANA-KARMA-SANYASA YOGA)
47
CHAPITRE 5 : CONTEMPLER LE BUT (SANYASA YOGA)
56
CHAPITRE 6 : DOMPTER L’ESPRIT ET LES SENS (DHYANA YOGA)
62
2ème PARTIE : LA NATURE MÊME DE DIEU
CHAPITRE 7 : CONNAÎTRE ET EXPÉRIMENTER LA DIVINITÉ (JNANA-VIJNANA
YOGA)
70
CHAPITRE 8 : LA DIVINITÉ IMPÉRISSABLE (AKSHARA BRAHMA YOGA)
77
CHAPITRE 9 : LA CONNAISSANCE ROYALE ET LE ROI DES SECRETS
(RAJAVIDYA RAJAGUHYA YOGA)
83
CHAPITRE 10 : LES GLOIRES DIVINES (VIBUTHI YOGA)
89
CHAPITRE 11 : LA VISION COSMIQUE (VISVARUPA DARSANA YOGA)
95
CHAPITRE 12 : LA VOIE DE L’AMOUR (BHAKTI YOGA)
102
3ème PARTIE : PARVENIR MAINTENANT À LA LIBÉRATION
CHAPITRE 13 : LE CHAMP ET LE CONNAISSANT DU CHAMP, DISCERNER
ENTRE LA MATIÈRE ET L’ESPRIT (KSHETRA KSHETRAJNA VIBHAGA YOGA)
107
3
CHAPITRE 14 : TRANSCENDER LES TROIS FORCES DE LA NATURE
(GUNATRAYA VIBHAGA YOGA)
116
CHAPITRE 15 : LA DÉVOTION AU SOI SUPRÊME (PURUSHOTTAMA YOGA)
121
CHAPITRE 16 : DEUX DESTINÉES : DIVINE OU DÉGÉNÉRÉE (DAIVA-ASURA
SAMPAD VIBHAGA YOGA)
125
CHAPITRE 17 : LA VOIE DE LA TRIPLE FOI (SRADDHA TRAYA VIBHAGA YOGA)
129
CHAPITRE 18 : LA LIBÉRATION VIA LA CONNAISSANCE, L’ACTION ET
L’AMOUR (MOKSHA SANYASA YOGA)
136
ÉPILOGUE
151
POSTFACE
153
BIBLIOGRAPHIE
160
À PROPOS DE L’AUTEUR
162
4
REMERCIEMENTS
La Bhagavad Gita est une connaissance universelle transmise au fil des siècles par
d’innombrables mains et d’innombrables esprits. Cette version particulière est mon
œuvre et ma responsabilité. En cours de rédaction, j’ai puisé à plus d’une trentaine de
commentaires inspirants sur la Gita (voir la bibliographie), dont certains furent très
utiles.
La Bhagavad Gita de Juan Mascaro fut mon introduction à la Gita, en 1975. Quelques
années plus tard, j’ai aussi lu la Geetha Vahini (The Divine Gospel), de Bhagavan Sri
Sathya Sai Baba, qui fut un véritable festin pour mon âme affamée et qui reste ma
principale source d’inspiration.
Puis quelques années plus tard, l’excellent commentaire de 1 008 pages rédigé par
Swami Chidbhavananda de l’Organisation Ramakrishna et simplement intitulé The
Bhagavad Gita entra en ma possession et reposa tranquillement pendant des années
sur mon étagère à portée de main pour n’être ouverte qu’épisodiquement avant de
devenir plus tard une de mes principales ressources.
Quelques années plus tard, en prenant la décision d’écrire ce livre, la Providence se
manifesta aussi et je reçus successivement plusieurs livres : M.K. Gandhi Interprets
the Bhagavadgita (particulièrement émouvant, parce qu’il vivait si ouvertement ces
principes aux yeux du public) ; une pure version de poche de la Gita publiée en
Nouvelle-Zélande, en privé (et anonymement), intitulée la Bhagavad Gita ; et une
concise et bien écrite Bhagavad Gita : The Song of God, traduite par Swami
Prabhavananda et Christopher Isherwood (introduction d’ Aldous Huxley).
Et finalement sont apparus précisément au bon moment quatre poids lourds
incontestables : un commentaire de 736 pages, le Srimad Bhagavadgita
Tattvavivecani, de Jayadayal Goyandka ; une collection de commentaires en dix-huit
volumes sur la Gita, de Swami Chinmayananda ; une série de trois tomes
d’enseignements clairs, The Bhagavad Gita for Daily Living, publiés aux Etats-Unis
par Eknath Easwaran ; et un nouveau commentaire de 685 pages sur la Gita de poche
5
susmentionnée, intitulé Message of the Lord, aussi publié anonymement en
Nouvelle-Zélande.
Il y a d’autres merveilleux livres sur la Gita qui m’ont apporté leur contribution au
bon moment, mais la raison pour laquelle j’ai sélectionné cette pile, c’est que ce sont
les livres avec lesquels j’ai jonglé sur mes genoux et le buffet pendant plus d’un an et
qui sont à la source de mes propres notes et donc de ce livre. Et l’on s’attache
progressivement à quelque chose qui repose sur ses genoux pendant si longtemps.
A côté de ces livres, quelques personnes ont gracieusement fait office de conseillers et
de testeurs d’idées durant le développement de ce livre. Je souhaite remercier les
membres distingués de mon panel improvisé indo-américain pour leurs nombreuses
suggestions et idées de correction utiles : Robert Ahern, Steve Hawley, Glenn
Hovemann, M. Nanjundaiya, Jagdish Narain, V.K. Narasimhan, V. Pandit, S.
Raghavan, K.V. Sundar Rajan, N.S. Venkatesh Varan, Laurie Viera et G.
Venkataraman.
Je suis comme toujours redevable à Louise, mon adorable épouse qui m’a été donnée
pour m’apprendre l’amour durant cette vie. Nous avons partagé les joies de la Gita à
partir du jour où nous l’avons découverte ensemble sur les sommets d’Ootacamund
dans le sud-ouest de l’Inde. ‘’Sisyas te ‘ham…’’
Toute ma reconnaissance va à l’égard de Sathya Sai Baba qui a non seulement rédigé
l’inspirant Geetha Vahini susmentionné, mais qui a aussi inspiré la Bhagavad Gita
d’origine – et qui jusqu’à ce jour, l’incarne à la perfection, en enseignant
journellement et sans relâche par l’exemple et par l’expérience directe ces mêmes
secrets aux milliers d’ ‘’Arjunas’’ qui font le voyage jusqu’à son ashram de Prasanthi
Nilayam (la ‘’Demeure de Paix Suprême’’). Sans Sa Présence en moi, aucun mot
n’aurait été écrit.
6
PRÉFACE DE L’ÉDITEUR
A la mort du Mahatma Gandhi – la ‘’grande âme’’, le leader de l’Inde qui libéra son
pays d’une manière non-violente du joug des Anglais – une photographie désormais
célèbre fut prise de tous ses biens : une simple pièce de vêtement en coton blanc, ses
lunettes, ses sandales, et son exemplaire bien usagé de la Bhagavad Gita. C’était un
livre qu’il lisait quotidiennement, une source d’inspiration infinie pour lui.
Aujourd’hui, la Gita est lue quotidiennement par des millions de personnes en Inde et
dans le monde entier. On la retrouve dans les foyers de centaines de millions de
personnes, littéralement, et beaucoup la considèrent comme la plus belle source
d’enseignement spirituel au monde.
Quand Jack Hawley nous a présenté cette version en prose extraordinaire qui raconte
l’histoire si clairement et si magnifiquement, tout le monde dans la société a eu
l’impression que nous avions reçu un don important – que nous nous sentons bénis
de pouvoir publier et de partager avec le monde.
Il y a une sagesse et une inspiration infinies dans ces pages. La Gita s’est avérée être
pour des centaines de générations l’un des plus grands dons jamais faits à l’humanité,
une des Ecritures les plus remarquables jamais écrites.
Vous pouvez la lire d’une seule traite, comme une histoire éblouissante riche de
grands enseignements ou vous pouvez simplement ouvrir ses pages au hasard et
méditer ses paroles en les appliquant à votre propre expérience de vie.
C’est plus qu’un livre, plus que les écrits de n’importe quel mortel. C’est une
révélation divine, remplie des paroles d’une grande âme illuminée – et ces paroles
peuvent vous guider vers une expérience de la vie bien plus vaste, voire jusqu’à
l’Illumination même.
Marc Allen
New World Library
7
INTRODUCTION :
POURQUOI LA BHAGAVAD GITA ?
‘’Ancienne, mais étrangement proche et familière…’’
La Gita est un poème épique et mystique sur la vie, la mort, l’amour et le devoir, issu
des peuples qui s’établirent dans les vallées fluviales de l’Asie du sud et qui y
développèrent une culture raffinée, il y a des milliers – et probablement des dizaines
de milliers d’années. Epais d’un demi-pouce, le poème est serti dans un plus vaste
poème d’une épaisseur de six pouces, le Mahabharata, chef d’œuvre littéraire qui
mesure les sommets et les abimes de l’âme humaine.
La Bhagavad Gita contient l’essence intime de l’Inde, les principes de moralité et de
spiritualité que l’on trouve dans les plus anciennes Ecritures de cette terre ancienne.
L’une d’elles, le Rig Veda, est la plus ancienne archive de l’humanité, dit-on. Lire la
Bhagavad Gita, c’est donc remonter le temps et d’innombrables époques et
cependant, en étudiant ces enseignements antiques et poussiéreux, ils me semblèrent
étrangement proches et familiers. C’était comme si une force pouvait enfin me
prendre la main et me guider le long d’un chemin pas si tranquille vers des vérités
importantes et pleines de sens ; comme si moi, cet homme d’affaires occidental trop
matérialiste qui résidait derrière des murs passés et blanchis à la chaux dans un
ashram du sud de l’Inde, je pouvais enfin maintenant être introduit aux secrets les
plus profonds de l’humanité.
Cet ancien volume n’est pas, comme on pourrait s’y attendre, une invitation à se
retirer de la vie pour méditer dans une caverne isolée. Il s’agit plus d’un manuel à
avoir sous la main, un guide amical pour vivre aujourd’hui une vie plus spirituelle –
plus sensée et plus satisfaisante tout en restant pleinement actif dans le monde. La
Gita considère comment neutraliser la peine et la souffrance de la vie et donc
comment atteindre le contentement et la sérénité, ce qui est un but magnifique. Mais
plus que cela encore, la Gita parle du premier prix le plus absolu : la libération et
l’autoréalisation dans cette vie même et ne se contente pas de parler de la quête de
ces choses sublimes : c’est une carte précise et détaillée qui conduit jusqu’au trésor,
8
un manuel pour vivre une vie supérieure et plus satisfaisante, ici et maintenant, en
cette époque actuelle difficile et troublée.
Et la Gita envisage aussi la manière de mourir et ce qui se passe ensuite.
En étudiant la Gita, j’ai été si captivé par cette Ecriture ancienne, mais néanmoins
actuelle, que j’ai minutieusement parcouru chacun des 700 versets (slokas). J’ai
appelé cela une ‘’revisitation’’ et ce ne fut pas une promenade de tout repos ! Le
message de la Gita est truffé de concepts spirituels profonds et parfois complexes.
Beaucoup de traductions méticuleuses effectuées par des érudits pour des érudits,
peuvent être presque péniblement exhaustives. Et le sanscrit, la première langue de la
Gita, contient des termes précis pour des concepts spirituels et philosophiques qui
une fois traduits en anglais, peuvent avoir l’air trop condensés, comme l’un de ces
anciens télégrammes facturés au mot. Il manque des détails importants et souvent,
vous ne savez pas ce qui est réellement dit.
Je voulais comprendre le livre d’une façon qui parlait aussi directement que possible
à mes combats et à mes préoccupations quotidiennes et j’ai pris le pli de jongler avec
cinq ou six traductions de la Gita sur mon bureau et sur mes genoux en griffonnant
des notes dans les marges, en les comparant et en rédigeant ma propre synthèse de
chaque sloka en anglais américain moderne. Ceci m’a permis d’entrer dans le flux des
idées sans interrompre ma lecture tous les quelques mots pour clarifier le sens d’un
concept difficile à saisir. J’ai fini par me frayer un chemin à travers une trentaine de
versions, beaucoup dépassant le millier de pages et certaines comprenant deux ou
trois volumes (l’une d’elles en comprenait dix-sept).
Ce ne fut pas aussi pénible ou studieux que cela, car au fil des ans, j’avais déjà
développé un lien avec la Gita. Même si mon milieu culturel (en tant que conseiller en
organisation du travail en Californie, via l’Etat de New York) est fort éloigné de l’Inde,
pour moi, les enseignements de la Gita étaient tangibles et immédiats. Durant douze
ans, ma femme Louise et moi, nous avions vécu environ six mois par an dans une
communauté spirituelle de l’Inde rurale où la culture de la Gita imprègne encore
fortement la vie quotidienne et j’ai pu ainsi tester ces enseignements sur la pierre de
touche des épreuves de la vie en les vivant.
9
A la fin de la journée, je lisais mes notes à Louise qui elle aussi avait appris à aimer
cette grande œuvre pour voir si mes écrits du jour avaient du sens pour un autre
Occidental ordinaire intéressé. Nous attendions avec impatience ces séances
nocturnes, et en apprenant à mieux comprendre la Gita, nous avons développé une
admiration et une foi encore plus grandes en elle.
Le dépoussiérage des bijoux de sagesse de la Gita pour les enfiler sur le collier de
notre vie quotidienne nous a changés et a embelli nos vies (et il est possible que notre
immersion dans la Gita ait même sauvé la vie de Louise, comme je l’explique dans la
postface). Il y a aussi une humilité qui vient en redécouvrant ces anciens joyaux qui
ont touché des âmes innombrables au cours de milliers d’années et l’on s’émerveille
de voir à quel point ils sont toujours pertinents et appropriés pour résoudre les
problèmes du monde d’aujourd’hui.
Dans la métaphore de la ‘’revisitation’’, il y avait plus que je ne l’avais imaginé. A
l’origine, c’était juste un terme amical impliquant une facilité de lecture. Mais au fur
et à mesure que le travail progressait, ma tâche devint plus évidente : il fallait que ceci
soit un style de Gita réellement différent. La manière traditionnelle de transmettre
ces anciennes vérités, c’est de présenter un enseignement concis comme un
aphorisme (du style ‘’télégramme’’), puis de l’expliquer en détail avec plusieurs pages
de profonds commentaires.
C’est une façon de faire trop pesante, trop encombrante pour notre époque. Il fallait
que celle-ci soit une Gita plus vivante, plus en phase, une Gita qui pouvait être lue
d’une seule traite sans revenir en arrière pour revoir certains mots et sans digresser
dans d’autres volumes pour trouver le sens réel. Cette Gita devait tenir sur ses
propres quilles sans aucune béquille d’aucune sorte. Le point essentiel et tout
l’intérêt, c’est de prendre votre temps et de la revisiter du début jusqu’à la fin en
aimant votre cheminement.
Et c’est ainsi que je me suis retrouvé à jongler encore plus intensément avec mes
livres références, en m’assurant qu’au bout du compte, je puisse cheminer aisément
et que Louise puisse écouter sans difficulté, en comprenant. Il m’a fallu répéter le
sens de termes non usuels et reformuler plusieurs fois les explications de certaines
10
idées utilisées assez différemment dans la Gita par rapport à nous, Occidentaux (la
définition de la ‘’réalité’’, par exemple). J’ai choisi de répéter ces clarifications entre
parenthèses pour que la lecture puisse se poursuivre avec fluidité.
‘’Clarté et fluidité’’ devint mon mantra au fur et à mesure que le travail avançait, mais
il me fallut aussi veiller à ce qu’il ne devienne pas simplement un nouveau manuel de
développement personnel intéressant – que la Gita conserve toute son énergie
spécifique et reste une Gita toute puissante et non diluée. Je testai ce manuscrit sur
plusieurs personnes qui connaissent le sanscrit et la Gita, dont des amis professeurs
qui n’hésitent pas à critiquer positivement. Certains froncèrent les sourcils (‘’pour les
Occidentaux, uniquement ?’’), mais après s’être plongés dedans, tous l’ont appréciée
et ont fait beaucoup de suggestions. Certains m’ont même avoué avoir
personnellement beaucoup appris. Aucun d’entre eux n’a trouvé trop redondants les
rappels fréquents. En l’occurrence, Krishna le personnage divin de la Gita, reformule
les mêmes vérités encore et encore dans des contextes différents et avec des images
différentes – comme une mère qui répète ses leçons à son enfant.
Voilà comment elle a vu le jour. Tout naturellement, cette nouvelle version de la
Bhagavad Gita a lentement et joyeusement mûri. C’est un livre concis, mais puissant,
qui invite dans notre vie des idées anciennes, mais néanmoins étrangement proches
et familières et qui nous offre une compréhension neuve d’anciennes vérités.
JH
Prasanthi Nilayam
Manhattan Beach
Janvier 2001
11
AVANT-PROPOS :
UNE VÉRITÉ PURE ET ÉTERNELLE
‘’Vous devez lire la Gita par l’entremise de votre cœur.’’
Lire la Bhagavad Gita, c’est osciller doucement entre la tête et le cœur, entre le
matériel et le spirituel, c’est établir un pont entre l’acquisition de la sagesse et son
application dans le monde réel actuel. C’est dans cette oscillation entre humanité et
divinité que réside le secret pouvoir de pénétration de la Gita, sa faculté de nous
élever et de nous émouvoir.
Nous sommes en l’an 3141 av. J.-C.. Arjuna, un prince guerrier réputé au
summum de sa puissance, le plus grand homme d’action de son temps,
s’apprête à combattre. C’est un combat juste pour regagner un royaume qui lui
appartient légitimement. Toute sa vie, il a été un homme battant et courageux,
célèbre pour sa vaillance exceptionnelle. Mais maintenant, à la veille du plus
grand choc de sa carrière militaire, une chose étrange se produit : ses mains
commencent à trembler.
Arjuna est dans son magnifique char de guerre tiré par quatre destriers blancs.
Le conducteur de son char et meilleur ami d’enfance d’Arjuna, c’est Krishna,
un Avatar, une Incarnation de la divinité sur la Terre. Arjuna, qui ne comprend
pas vraiment la divinité de Krishna, L’a prié de conduire son char au centre de
la plaine où la grande bataille va bientôt commencer. Les deux armées
ennemies se font massivement face de chaque côté.
La scène est épique, car il y a là deux figures emblématiques solitaires
parquées entre les légions du bien et du mal, une multitude de soldats, de
tentes, de feux, de chevaux qui hennissent, de bannières qui claquent dans la
brise du début d’après-midi, le branle-bas de combat, les bruits et les odeurs
caractéristiques qui remplissent l’air.
12
Le regard d’Arjuna mesure les forces antagonistes en s’attardant sur d’anciens
amis et sur des oncles et des instructeurs vénérés qui lui ont appris toute la
science de la guerre. Tous se préparent bravement à ce massacre mutuel, mais
il s’affale sur son siège, respire lourdement et regarde Krishna d’un air
interrogateur.
En lisant la Gita, nous en arrivons à mieux comprendre la vie comme une bataille
intérieure, une lutte qui implique l’esprit, le cœur, le corps et l’âme. Et ne vous y
trompez pas, c’est une lutte à mort. Nous apprenons que nos ennemis réels ne se
trouvent pas à l’extérieur, mais à l’intérieur de nous avec notre désir, notre colère et
notre avidité personnelle. C’est ce qui la rend si dure. Ces ennemis jurés ont si bien
conjugué leurs forces qu’ils sont presque invincibles. Nous perdons pied.
La Gita déclare hardiment que la spiritualité est l’unique solution gagnante. Elle nous
exhorte à nous tourner vers l’intérieur, vers le supérieur, à ne pas regarder plus loin
que le Soi réel en nous.
Avachi sur le siège de son char au milieu du champ de bataille, le prince Arjuna
demande d’une voix à peine audible : ‘’Pourquoi donc est-ce que j’agis ainsi,
Krishna ? La vie est si cruelle, si éprouvante. Je ne sais pas si j’ai encore le
cœur à me battre.’’ Ses yeux se remplissent de larmes, ses genoux fléchissent et
il s’enfonce encore un peu plus dans le siège de son char. ‘Bien-aimé ami’’, ditil, ‘’dis-moi, s’il Te plaît, quelle est la finalité de tout cela ?’’
Comme l’eau qui percole lentement à travers la terre et en sort fraîche et pure, des
idées importantes qui filtrent à travers les sables du temps s’épurent et deviennent la
vérité immaculée. Bien qu’elles aient été formulées différemment à différentes
époques par les différents peuples du monde, ces vérités sont connues de l’humanité
depuis des siècles, depuis des millénaires. Bien que toutes les races et que toutes les
époques peuvent avoir leurs propres conceptions de Dieu, toutes ont Dieu, la Vérité et
la Bonté. Toutes les religions et les systèmes philosophiques supérieurs s’accordent
presque complètement avec ces fondamentaux.
13
La Bhagavad Gita est l’une des formulations les plus anciennes, les plus claires et les
plus complètes qui concernent ces vérités éternelles. Dans la Gita, le divin s’adresse à
son ami, l’homme, au milieu d’une guerre vicieuse et il expose soigneusement les lois
et les principes qui gouvernent la vie humaine.
Nous voyons Arjuna sur le champ de bataille, ce magnifique guerrier qui en
impose et qui plie, accablé, les yeux perlant, implorant pour obtenir le sens de
la vie. Et Krishna, totalement imperturbable, répond : ‘’Oh, tu veux réellement
savoir ? Et alors, durant une vingtaine de minutes, Il va lui donner Sa réponse,
directement depuis la Source !
Les dix-huit chapitres de la Gita peuvent se diviser en trois parties. Les six premiers
chapitres se concentrent principalement sur la connaissance du vrai Soi et la
nécessité de s’acquitter effectivement de ses devoirs dans le monde pour le bien-être
de la société, en parallèle. Les six chapitres suivants se focalisent sur la nature même
de la divinité et sur le grand amour que l’on éprouve pour elle émanant de sa
connaissance intime. Et les six derniers chapitres nous proposent des connaissances
et une sagesse spécifiques pour parvenir au but même de l’existence, qui est de nous
libérer des douleurs et des peines inévitables que la vie nous inflige pour finalement
nous fondre dans la divinité.
Ce sont toutes là des idées d’une dimension et d’une force extraordinaires aux
subtilités et aux nuances multiples. Krishna expose progressivement chacun de ces
immenses concepts, pas à pas, chapitre après chapitre, jusqu’à ce que tout le tableau
devienne clair.
Imaginez ! Un homme avec lequel nous pourrions tous nous identifier se
trouve à un carrefour dans une situation critique, mis à genoux par toute la
pression et par toutes les complexités de la vie et tend une main tremblante. Et
son meilleur ami, une Incarnation de Dieu, lui prend la main et le guide tout
au long de la réponse – en lui expliquant pas à pas les plus profonds secrets de
tous les âges…
14
Parcourir la Gita ne se fait pas sans être bousculé. Certains mots sont imprononçables
et certaines idées seront si nouvelles pour nous ou tellement différentes par rapport à
notre culture occidentale que nous pourrions passer à côté ou pire, les rejeter. L’idée
de l’Atma, par exemple, qui est la divinité en nous, pourra paraître étrange à un
Occidental (‘’moi, Dieu ?’’) jusqu’à ce qu’il comprenne l’Atma comme une version de
l’âme. L’idée du ‘’détachement’’ et celle de ‘’s’abandonner’’ sont abominables pour la
majorité des Occidentaux. Pour certains, le concept de l’Avatar (un Dieu incarné) est
totalement impensable ; pour d’autres, il n’est acceptable que conformément à leur
idée de Dieu qui habite un corps.
Au début de l’histoire, la majorité des lecteurs approuvent le sentiment contre la
guerre d’Arjuna et ils sont consternés, lorsque Krishna qui paraît donner raison à la
guerre lui dit d’aller combattre ! Le choc diminue, quand nous apprenons
progressivement que la question n’est pas d’être pour ou contre la guerre, ni même
une question de tuer ou d’être tué, mais une question de vivre en accord avec sa vérité
intérieure et en faisant son devoir. Nous devons toujours nous rappeler que la bataille
est métaphorique et que la guerre se joue à l’intérieur de chacun de nous et qu’elle se
poursuivra tout au long de notre vie.
Nous serons sans aucun doute encore bousculés. Beaucoup de mots du sanscrit
d’origine ont de multiples sens (karma, par exemple) et il y a des concepts qui
peuvent ne pas avoir l’air à la mode à notre époque (comme le sacrifice, le devoir et la
pureté, par exemple).
Il importe d’essayer de ne pas se laisser rebuter ou de ne pas rejeter quoi que ce soit
dans la Gita prématurément, car ces vérités ont survécu aux sables du temps et ce qui
demeure est étonnamment pur et pratique. C’est une œuvre puissante saturée d’une
Vérité qui dépasse l’intellectualisation.
Vous devez lire la Gita par l’entremise de votre cœur. C’est votre état d’âme durant la
lecture qui facilite votre progrès dans cette ancienne Ecriture. Soyez aussi réceptif
que possible. Laissez de côté votre gêne et votre scepticisme pour un temps. Essayez
d’éviter les jugements trop hâtifs et faites preuve de patience à l’égard d’un usage peu
familier de termes familiers. Permettez à de nouvelles conceptions de l’unité et de la
15
divinité de pénétrer en vous et de vous faire grandir dans de nouveaux modes de
pensée et d’être. Lisez-la attentivement et soyez prêt à faire de petites pauses
contemplatives et méditatives en cours de route. Laissez-la vous pénétrer en
profondeur et assimilez-la. Une magie supérieure opère à lire ainsi.
La magie réside dans l’attitude générale du lecteur. Cet état d’esprit d’acceptation est
précisément la façon dont la Gita nous exhorte à vivre nos vies. C’est un état d’esprit
inestimable qui confère une vie plus heureuse. Lorsque nous absorbons ces
enseignements anciens dans cet esprit, son message supérieur s’insinue dans notre
être, motivant et investissant chacune de nos pensées et chacun de nos actes. Il
devient alors partie intégrante de nous et nous de lui. Ainsi, lire la Gita devient une
expérience réelle des vérités profondes qu’elle apporte. La lire ainsi, c’est être cette
vérité !
Après tout, la Gita n’est ni de la théologie, ni de la religion – c’est de la poésie. C’est
un chant d’amour universel chanté par Dieu à son ami, l’homme, qui ne peut être
confiné dans aucun credo. C’est une affirmation des vérités qui sont au cœur de ce
que nous croyons tous déjà et qui ne fait que clarifier ces vérités pour qu’elles
deviennent immédiatement utiles dans notre vie quotidienne. Ces vérités sont pour
notre cœur et pas simplement pour notre tête.
La Gita, est plus qu’un simple livre, plus que de simples mots ou de simples concepts.
Il y a en son sein une puissance accumulée. Lire la Gita, c’est être inspiré au vrai sens
du terme, c’est inspirer le souffle primordial et toujours neuf de l’énergie spirituelle.
Maintenant, nous sommes là, nous aussi, sur ce champ de bataille d’autrefois
et néanmoins curieusement actuel, témoins des grands enseignements de
Krishna. Nous aussi, nous sommes mis au courant des secrets. Nous observons
et nous écoutons le Seigneur Lui-même qui transmet les enseignements les
plus profonds et les plus élevés, tout en oscillant doucement entre l’extase et
l’esprit pratique. Nous aussi, nous sommes guidés dans les réponses précises et
affectueuses du Seigneur aux questions les plus angoissantes et les plus
importantes de l’humanité actuelle.
16
1ÈRE PARTIE :
CONNAÎTRE LE
VRAI SOI EN SOI,
ET
L’ACTION
DÉSINTÉRESSÉE
17
CHAPITRE 1 : L’ANGOISSE D’ARJUNA
(ARJUNA VISHADA YOGA)
‘’Pourquoi devrais-je livrer une guerre sanglante ?...
La mort serait préférable pour moi !’’
1° Ses yeux aveugles clignèrent à plusieurs reprises, tandis qu’il parlait à son ministre,
Sanjaya. Le vieux roi aveugle, Dhritarashtra, ne tenait plus en place et s’éclaircit la
voix : ‘’Dis-moi, Sanjaya, que se passe-t-il sur la plaine sacrée, là où la puissante
armée de mon fils, Duryodhana et celle de son cousin, Arjuna, sont rassemblées pour
combattre ?’’
Le vieil homme savait que la décision de son fils, Duryodhana, d’entrer en guerre était
mauvaise. Il savait que la faculté de discernement du jeune roi était obscurcie à cause
de la haine jalouse qu’il nourrissait à l’encontre de son cousin. Le vieil homme avait
eu des remords de conscience, mais il n’avait rien dit, lorsque son fils avait lésé la
famille d’Arjuna de son royaume légitime et lorsqu’il avait ensuite rejeté ses
demandes d’une simple parcelle insignifiante de la terre qui lui appartenait
légitimement. Le vieil homme avait gardé un étrange silence, lorsque son fils avait
mortifié la femme d’Arjuna et toute la famille en public en ordonnant à l’un de ses
sbires de tenter de la déshabiller. Il n’avait pas condamné la tentative odieuse de son
fils d’assassiner toute la famille d’Arjuna. Et le vieil homme n’avait pas non plus tenté
de faire changer son fils d’avis, lorsque le jeune roi avait méprisé toutes les dernières
ouvertures de paix de la part de la famille d’Arjuna.
Le vieil homme était tellement pris par son soutien obtus à son fils que ni des
sentiments éthiques ou spirituels ne purent pénétrer à l’intérieur de son cœur. Tout
discernement avait disparu. Une guerre injuste et inconsidérée était sur le point
d’éclater et bien qu’il fût la seule personne à ce moment-là qui puisse empêcher le
carnage désastreux, ce n’était pas du tout son intention.
2° Le ministre Sanjaya, de par son caractère honnête, avait reçu des pouvoirs
yoguiques temporaires pour voir et entendre ce qui se passait sur le champ de bataille
18
distant. (Le nom Sanjaya signifie ‘’victorieux du moi.’’) Il répondit à la question du
vieux roi d’une voix assurée : ‘’Votre fils, le roi Duryodhana, contemple maintenant
pour la première fois l’armée ennemie du prince Arjuna, alignée en ordre de bataille
et prête à combattre. Elle est manifestement plus formidable que Duryodhana ne s’y
attendait et il paraît quelque peu inquiet. Il se tourne vers ses propres forces, comme
s’il cherchait quelque chose ou quelqu’un du regard. Pareil à un enfant presque dans
son attitude, il repère Drona, son vieux maître de tir à l’arc au milieu de la foule et il
s’approche rapidement de lui.’’
Sanjaya s’interrompit et se pencha vers le vieil homme : ‘’Pourquoi votre fils court-il
auprès de son ancien maître ? Il est possible que sa confiance décline ou que sa
conscience l’embarrasse.’’
3° Le vieux roi ne réagit pas directement à ceci, ce qui montra à Sanjaya que l’état
d’esprit du vieil homme était aussi sinistre que celui de son fils. Sanjaya poursuivit sa
description de la scène distante : ‘’Votre fils lance quasiment à la tête de son
vénérable maître : ‘’Eh bien, Drona, regarde l’armée rassemblée par ton talentueux
disciple, Arjuna. Pourquoi l’avoir accepté comme élève et lui avoir enseigné l’art de la
guerre ?’’ La question comporte une raillerie, elle implique que Drona a commis une
erreur il y a quelques années en donnant des leçons à ce prince qui est désormais
l’ennemi.’’
Sanjaya secoua la tête. ‘’Personne ne devrait jamais parler ainsi à son maître. Cela
révèle la nervosité de votre fils.’’
4-6° Sans attendre la réaction du vieux roi, Sanjaya continua son compte-rendu : ‘’A
présent, votre fils mentionne un à un les noms des chefs réputés de l’armée ennemie
d’Arjuna, dont quelques-uns furent également les étudiants de Drona. Il articule trop
bien chaque nom, ce qui est une critique indirecte, mais assez éloquente de son vieux
maître concernant la grande force de l’opposition.
7-8° Mais maintenant, votre fils réalise qu’il a dépassé les bornes et il entreprend
d’énumérer les leaders de son propre camp. En tête de cette liste, il place le maître
Drona, geste d’une évidente condescendance. Alors que votre fils continue de parler,
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les généraux qui sont tout près semblent embarrassés par la façon dont il prononce
leurs noms.’’
9-10° Sanjaya attendit un moment, comme s’il continuait d’observer la scène
lointaine, puis il reprit son compte-rendu : ‘’Votre fils perçoit le malaise de ses
généraux et il s’interrompt soudain. ‘’Mais nous avons beaucoup de héros dans notre
camp’’, dit-il, ‘’prêts à sacrifier leurs vies pour moi !’’ Mais à nouveau, ses mots ne
cadrent pas avec son comportement. Il y a une bravade forcée dans sa voix ; on ne sait
pas vraiment s’il rabaisse sa propre armée ou celle de l’opposition. C’est comme si
votre fils sonnait inconsciemment sa ruine et celle de nos forces, alors même qu’il
tente de diminuer l’ennemi.
11° Il essaye de rectifier le tir et lance un ordre à ses généraux : ‘’Allez prendre
position !’’, dit-il, puis il ajoute : ‘’Et protégez à tout prix le maréchal Bhishma.’’ Ses
paroles et ses manières révèlent à nouveau des doutes, comme s’il n’avait pas
confiance en ses propres généraux. Ou peut-être que son souci de protéger le
vénérable Bhishma que les deux camps appellent ‘’grand-père’’ est une tentative pour
conférer un semblant de rectitude à son propre camp.’’
12° Sanjaya s’interrompit pour voir les événement se dérouler sur le champ de
bataille lointain, puis il reprit son récit : ‘’Maintenant Bhishma, comme s’il essayait
d’encourager votre fils et de sauver la situation qui se gâte, rugit brusquement comme
un lion et souffle dans sa conque, indiquant que la bataille a commencé !
13° ‘’Toutes les armées disposées derrière lui s’animent tout à coup et font résonner
leurs conques, leurs timbales, leurs cymbales, leurs cors et leurs trompettes. C’est un
long tumulte.
14-15° ‘’A présent, l’opposition emmenée par le prince Arjuna et son ami de toujours,
Krishna, répond à cette clameur assourdissante par de longs coups de conques
stridents.
16-18° ‘’Ce qui incite l’ensemble de leurs forces à s’unir à eux en soufflant dans leurs
trompettes et en battant leurs tambours – un bruit qui remplit la terre et le ciel de
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leurs échos. Le tumulte semble même plus grand que celui de l’armée de votre fils,
bien que l’armée d’Arjuna soit moins importante.
19° ‘’Comme le tonnerre, le bruit de l’opposition semble transpercer les cœurs des
armées de votre fils. C’est comme si les clameurs respectives des deux camps
répercutaient la justesse relative de leurs causes. Le vacarme supérieur de
l’opposition semble pénétrer anormalement les cœurs et les consciences de vos
forces.’’
ARJUNA PERD SA DÉTERMINATION
20-23° Le vieux roi aveugle se tortilla sur son siège, mais le toujours honnête Sanjaya
l’ignora et continua son commentaire : ‘’L’ennemi héréditaire de votre fils, le prince
Arjuna, conscient que la bataille est sur le point de commencer, lève son arc et parle
avec un zèle manifeste – peut-être trop manifeste. ‘’Krishna’’, dit Arjuna, ‘’place mon
char entre les deux armées ! Je veux voir ceux qui viennent ici et qui osent combattre
pour le malveillant Duryodhana.’’
24-25° ‘’Dans les deux camps, tout le monde regarde Krishna qui conduit le
magnifique char de guerre d’Arjuna dans l’espace à découvert entre les deux armées
et qui le positionne devant les généraux ennemis. ‘’Contemple les ennemis réunis’’,
dit Krishna, la voix légèrement tendue.
26-28° Arjuna observe maintenant longuement les deux armées et tout spécialement
ses oncles paternels, ses maîtres, ses cousins et divers bienfaiteurs, amis et camarades
des deux camps. Alors que son regard se porte sur ceux qui sont maintenant ses
ennemis, son attitude semble hésiter et il paraît confus. Il parle à Krishna, mais ses
paroles restent calées dans sa gorge. Le prince se reprend et recommence : ‘’En
voyant mes parents et mes amis rassemblés ici et prêts à combattre’’, dit-il, ‘’je suis
brusquement submergé par l’émotion.
29-30° Mes bras et mes jambes me semblent lourds, Krishna. Ma bouche est sèche,
mes poils se hérissent et mon corps tremble. Regarde ! Arjuna tend la main et il
semble lui-même surpris de la force du tremblement. Il s’éclaircit la gorge et
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continue : ‘’Je peux à peine tenir mon arc. Ma peau me brûle. Mon esprit
tourbillonne. Je peux difficilement tenir debout. Que m’arrive-t-il ?’’
31-32° Après cette indication de la faiblesse d’Arjuna, un léger sourire apparut sur le
visage du vieux roi. Sanjaya le remarqua et poursuivit son compte-rendu : ‘’Arjuna
prend une profonde inspiration et parle : ‘’Je vois pour nous de funestes présages,
Krishna. Quel bien peut-il y avoir à pourfendre ma famille ? Cela ne ressemble pas à
nos anciens jours de gloire, Krishna, mon vieil ami. Maintenant, je ne désire ni la
victoire, ni un royaume, ni les plaisirs. A quoi servent-ils ? A quoi sert la vie,
Krishna ?
33-35° ‘’C’est pour les gens qui sont de notre côté – nos propres maîtres, nos parents,
nos alliés – que nous recherchons les plaisirs de la victoire et un royaume. Ceux-ci
sont ici en tenue de campagne, prêts à sacrifier leurs biens et même leurs vies. Tout
cela est si inutile, Krishna. Même si ces ennemis veulent me tuer, je ne veux pas les
tuer – pas même pour la royauté du monde entier ou même des cieux. Si ces grandes
récompenses ne m’intéressent pas, pourquoi devrais-je livrer une guerre sanglante
pour ce royaume dérisoire ?
36-37° ‘’Je serais à jamais honteux, Krishna, si je devais tuer mes parents et mes
proches. Je ne pourrais trouver aucune satisfaction dans un tel massacre. Quand bien
même leurs arcs sont prêts à tuer, pourfendre ces gens serait un péché. Ils sont
mauvais, et alors ? C’est ma famille. Comment pourrais-je jamais être heureux par la
suite ?
38-39° ‘’Je sais que l’avidité les dévore. Et je sais qu’ils sont aveugles au mal, dans
toute leur traîtrise. Mais cela justifie-t-il que je sois également aveugle ?
40-41° ‘’Mon vieil ami’’, poursuit Arjuna, ‘’quand une famille décline, ses traditions
sont détruites et toute la famille perd son sens de l’unité. Sans unité, les femmes
deviennent corrompues et avec la déchéance des femmes, le monde est plongé dans le
chaos.
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42-45° ‘’Le trouble social, c’est l’enfer, Krishna, pour la famille, pour ceux qui la
détruisent et pour toute la société. On dit que ceux qui détruisent l’unité de la famille
doivent vivre en enfer. Bien ! Et pourtant me voici, mû par l’avidité et prêt à
pourfendre ma propre famille !
46° ‘’Krishna, si ces relations m’attaquent et me tuent, sans résistance et désarmé sur
ce champ de bataille, qu’il en soit ainsi. Mieux vaudrait la mort pour moi !’’
47° Après ces dernières paroles pénibles d’Arjuna, Sanjaya interrompit un moment
son commentaire, puis il dit au vieux roi aveugle ce qu’il voyait : ‘’A présent, le grand
guerrier, le prince Arjuna, submergé par l’angoisse au milieu du champ de bataille,
s’affale sur le siège de son char et jette par terre son arc et ses flèches.’’
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CHAPITRE 2 : LA VOIE DE LA CONNAISSANCE
(SANKHYA YOGA)
‘’La cessation de ta douleur et de ta peine dépendra de la manière dont tu
surmonteras ton ignorance du vrai Soi vivant en toi.’’
1° Des larmes de compassion et de confusion brûlaient les yeux d’Arjuna. Le vieux roi
aveugle se réjouissait en pensant qu’une victoire facile était à portée de main. Sanjaya
poursuivit le rapport fidèle de ce qui se passait sur le champ de bataille lointain :
2° Krishna voyant le prince-guerrier jadis brave sombrer dans une pitoyable faiblesse,
Son regard normalement doux se durcit et Il parle : ‘’Arjuna, d’où vient tout ce
désespoir ? Cette autocomplaisance égoïste en un moment de crise est honteuse et
indigne de toi. Tu es un homme très évolué, cultivé, censé vivre une vie basée sur la
vérité, une vie dharmique. Et pourtant, ton esprit confus est déséquilibré et il ne
reconnaîtrait pas la vérité si celle-ci te donnait un coup sur la tête.
3° ‘’Je sais que Mon manque de commisération te sidère, mais tu ne dois pas céder à
cette faiblesse ! La vérité et le droit ne peuvent jamais s’obtenir par la faiblesse. Tu es
un grand guerrier, un vainqueur patenté. Rejette cette défaillance. Lève-toi, ô fléau
des ennemis !’’
4-5° Arjuna L’interrompt : ‘’Je ne peux pas croire que Tu me dises de combattre !’’ Il
secoue la tête, comme pour essayer de s’éclaircir l’esprit. Krishna est calmement
assis. Arjuna respire profondément et lâche : ‘’Comment ?’’ Le mot reste comme
suspendu dans l’air qui les sépare…’’Comment ?’’, répète-t-il, ‘’comment ne pas faire
preuve de faiblesse, Krishna ? Pour moi, attaquer Bhishma qui fut comme un grandpère pour moi et agresser mon ancien maître bien-aimé, Drona, ce serait mal ! Je
devrais vénérer ces aînés, et non les mitrailler. Je ne veux pas d’une victoire tachée de
sang.
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6 ° Si je les tue, vivre ne m’intéressera plus, Krishna. Il vaudrait mieux que moi-même
je sois tué. Ah’’, marmonne-t-il piteusement, ‘’je ne sais que faire. De toute façon, que
je gagne ou que je perde cette bataille, je suis perdant.’’
ARJUNA DEVIENT LE DISCIPLE ET KRISHNA,
L’INSTRUCTEUR DIVIN
7-8° Je suis totalement confus, quant à mon devoir’’, continue Arjuna. ‘’Je ne peux
imaginer aucun remède contre ce terrible chagrin qui a consumé mon énergie,
Krishna. Si je devais gagner de grandes richesses et un grand pouvoir, qu’est-ce que
cela prouverait ? Je Te demande de m’aider, pas simplement de me dire de
combattre. Je Te supplie de me dire ce que je devrais faire. Je suis Ton élève ; sois
mon maître, mon guru. Je prends refuge en Toi et je m’abandonne à Toi. S’il Te plaît,
instruis-moi, bien-aimé Krishna, montre-moi la voie.’’
9° Le grand prince-guerrier, qui n’a encore jamais battu en retraite, s’enfonce un peu
plus dans la morosité et marmonne : ‘’Je ne combattrai pas’’ et il se tait.
10° Maintenant qu’Arjuna s’est offert comme élève, Krishna assume Son vrai rôle
d’instructeur divin. Il serre les rênes, scrute longuement le guerrier déconfit et Il
commence à parler :
11° ‘’Ton chagrin peut être sincère, Arjuna, mais il est sans cause. Tes paroles peuvent
sembler sages, mais ceux qui sont réellement sages ne pleurent ni les vivants ni les
morts !
12° ‘’Il n’y a jamais eu un temps où Moi ou toi ou n’importe lequel de ces rois et de ces
soldats rassemblés ici n’existaient pas – et il n’y aura jamais un temps où nous
cesserons d’exister. Les corps physiques apparaissent et disparaissent, mais pas
l’Atma (l’Ame, la Force de vie) qui vit en eux.
13° ‘’Cette Force de vie vient résider dans un corps pendant quelque temps. Dans ce
corps, elle expérimente la petite enfance, l’enfance, la jeunesse et la vieillesse et
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ensuite, après la mort, elle passe finalement dans un nouveau corps. Les
changements, comme la mort, se rapportent au corps, pas à l’Atma. Le sage ne se
laisse pas prendre par l’illusion qu’il est ce corps, Arjuna. Cette illusion, c’est
précisément la définition de l’ego.
14° ‘’Arjuna, le contact des sens avec les objets et les attractions du monde, crée des
sentiments comme le chagrin ou le bonheur et des sensations comme le chaud ou le
froid. Mais ils sont impermanents, éphémères, ils vont et ils viennent comme des
nuages qui passent. Endure-les patiemment et courageusement ; apprends à ne pas
être affecté par eux.
15° ‘’La personne sereine, non affectée par ces sentiments et ces sensations physiques
est identique dans la douleur et dans le plaisir et elle ne se permet pas d’être troublée
ou de se fourvoyer. C’est la personne qui est digne de l’immortalité. Réalise-le et
affirme ta force, Arjuna. N’assimile pas ton vrai Soi à ton seul corps mortel.
16° ‘’Réel, dans la spiritualité, veut dire ce qui est éternel, immuable, indestructible.
C’est la définition précise de la ‘’Réalité’’. Ce qui est réel ne cesse jamais d’être. Tout
ce qui est impermanent, même d’une très longue durée et d’apparence durable finit
par changer et n’a donc pas de Réalité véritable. Les sages comprennent la différence
entre le Réel et l’irréel. Quand tu auras pleinement saisi ce fait profond, tu auras
atteint le zénith de toute la connaissance.
Suivant cette logique, notre corps n’est pas réel. Et cependant, il y a quelque chose qui
réside à l’intérieur de ce corps qui est réel : l’Atma – qui est l’existence même, la
Conscience, la Pure Conscience.
17° ‘’Apprends à connaître cette Réalité. Elle imprègne tout le cosmos et elle est
immuable et indestructible. Aucun pouvoir ne peut l’affecter. Personne ne peut
changer l’immuable.
‘’Arjuna, cet Atma ressemble à l’espace ou au ciel. Les nuages apparaissent dans le
ciel, mais leur présence ne fait pas que les cieux se séparent pour leur faire de la
place. De même, l’Atma (le vrai Soi en dedans) reste toujours le même. Les choses du
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monde matériel vont et viennent, apparaissent et disparaissent, mais l’Atma ne
change jamais.
18° ‘’Seul le corps est mortel. Seul le corps périra. Mais l’Atma, qui est le vrai Soi à
l’intérieur est immortel et Il ne périra jamais. Alors combats, ô guerrier !
19° ‘’Tu parles de tuer ou d’être tué ; sache que le corps peut être tué, mais la Réalité
qui réside à l’intérieur ne peut jamais l’être. Dire qu’une personne tue et qu’une autre
est tuée peut être correct d’un point de vue physique, matériel, mais ce n’est pas la
Réalité du sujet.
20° ‘’L’Atma, ce nous réel, n’est jamais né et Il ne mourra jamais. En fait, cette
éternelle Réalité intérieure n’est jamais détruite ; Elle ne subit jamais aucun
changement. Lorsque ton ego prédomine et lorsque tu identifies erronément ton moi
avec le corps, tu as l’impression que la mort physique est la mort du moi et c’est
effrayant. Mais le Soi (l’Atma) ne peut jamais être ‘’tué’’. Quand le corps est tué,
l’Atma n’est pas affecté.
21° ‘’Celui qui comprend ce principe de l’Atma difficile à saisir – le vrai Soi à
l’intérieur qui est éternel, indestructible et immuable – réalise qu’à ce niveau de
compréhension, il n’y a pas de ‘’tuerie’’ ni d’ordre de tuer.
22° ‘’Comme une personne se débarrasse d’un vêtement usé, le Résident intérieur du
corps se dépouille de Son corps humain usé par le temps pour en revêtir un neuf.
23-24° ‘’Le Résident intérieur, le Soi, l’Atma – n’est pas affecté par tous ces
changements matériels. Il n’est ni blessé par les armes, ni brûlé par le feu, ni desséché
par le vent, ni mouillé par l’eau. Ce Soi intérieur est omniprésent (Il est partout). Il
est également éternel et immuable, parce qu’Il se situe au-delà de la dimension
matérielle du temps – Il est inaccessible au temps.
Arjuna, la cessation de ta douleur et de ton chagrin actuels dépendra de la manière
dont tu surmonteras l’ignorance de ton vrai Soi qui vit en toi.’’
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LES QUALITÉS DE L’ATMA
25° ‘’Il n’est pas aisé – comme Je l’ai dit, Arjuna – de sonder ce concept mystérieux
du vrai Soi. Tout le reste change dans le monde. Chaque créature, chaque pierre,
chaque brin d’herbe, chaque être humain, chaque élément ou composant de tout type
change. Il n’y a que l’Atma qui ne change jamais ! Parce qu’Il n’est jamais modifié, on
Le dit immuable. Parce qu’Il est invisible, qu’Il n’a pas de forme, qu’on ne peut ni
L’entendre, ni Le sentir, ni Le toucher, on Le dit non manifesté. Parce que l’être
humain ne peut ni Le percevoir ni Le concevoir, on Le dit inconnaissable. Pourquoi
pleurer un Soi qui est immuable, non manifesté et inconnaissable ?’’
26-27° Krishna laisse pénétrer ces idées, puis Il poursuit : ‘’Même si tu choisis de te
voir comme un corps matériel qui meurt, pourquoi endurer cette angoisse ? Ta
déprime vole ta force. La mort est inévitable pour tout ce qui est vivant. Tu sais que la
mort est une certitude dans toute la nature, alors pourquoi pleurer ce qui est naturel ?
Rien – absolument rien – dans la nature n’est permanent.
28° ‘’Tous les êtres sont éphémères. Avant de naître, ils sont non manifestés (non
matérialisés). A la naissance, ils sont manifestés. Après leur mort, ils redeviennent
non manifestés. Où y a-t-il là de quoi se lamenter ? Pleurer ce qui est provisoire
consume simplement ton énergie et retarde ta croissance spirituelle.
29° ‘’Personne ne comprend réellement l’Atma, Arjuna. Une personne Le voit comme
étant merveilleux, une autre parle de Sa splendeur, une autre encore de Son étrangeté
et il y en a beaucoup qui écoutent, mais qui ne comprennent pas du tout. Très peu
songent même à enquêter sur ce qu’il y a au-delà de ce monde physique.
30° ‘’Je suis bien conscient que J’ai viré dans la haute philosophie, mais tu dois
comprendre que tous les êtres, qu’ils soient ‘’amis’’ ou ‘’ennemis’’, possèdent en eux
cet Atma indestructible. Tu dois te situer au-delà de cette tristesse débilitante.’’
28
LE KARMA PERSONNEL DU GUERRIER
31° ‘’Le devoir personnel d’une personne dans la vie (son sva-dharma) devrait être
considéré comme sa responsabilité vis-à-vis de son Soi supérieur, l’Atma. Ce niveau
de devoir suprême comporte l’exigence que l’on ne fasse jamais rien qui s’oppose à ce
vrai Soi. Et même si tu considères plus étroitement ton sva-dharma de la perspective
d’être fidèle à ta profession, tu ne devrais pas hésiter à combattre. Pour un guerrier, la
guerre contre le mal, la convoitise, la cruauté, la haine et la jalousie est le plus haut
devoir.
32° ‘’La chance se présente, mais rarement. Cette guerre est une grande opportunité
non sollicitée pour toi de combattre pour la justice ; pour un guerrier, ce n’est pas
moins qu’un laissez-passer gratuit pour le Ciel. Par conséquent, réjouis-toi, Arjuna.
Sois heureux ! Le moment est opportun pour toi !
33° ‘’Mais si tu ne livres pas cette bataille du bien contre le mal, tu manqueras à ton
devoir dans le monde et à ton devoir envers ton propre Soi. Tu violeras ton sva-
dharma. Ne pas faire ce qui est juste, quand c’est requis, c’est pire que faire ce qui est
mal.
34° ‘’Si tu n’accomplis pas ton devoir, l’histoire de ton déshonneur sera répétée à tout
jamais. Pour un homme d’honneur, passer à la postérité comme étant sans honneur
est un sort pire que la mort. Les êtres humains ordinaires s’efforcent naturellement
de préserver leur vie, mais pour un guerrier, c’est différent. Les guerriers doivent
toujours être prêts, non seulement à protéger, mais à sacrifier leur vie pour une
cause. Sciemment abandonner ta vie pour un idéal rehausse ta gloire.
35° ‘’Tes excellents soldats penseront que c’est la peur qui t’a fait battre en retraite.
Bien qu’ils te tenaient en haute estime, ils te traiteront, toi et ton nom, avec dérision.
36° ‘’Tes ennemis qui nourrissaient malgré eux du respect pour ta valeur au combat
te calomnieront et ridiculiseront ta bravoure. Penses-tu vraiment qu’ils croiront que
tu te retires par amour pour ta famille ? Ceux qui tremblaient à l’idée de lutter contre
toi raconteront des blagues insolentes à propos de ta couardise. Ne pas accomplir ton
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devoir détruira la réputation bien méritée établie au fil de nombreuses batailles
héroïques.
37° ‘’Cette bataille est une cause juste, Arjuna. Quoi qu’il arrive, tu gagnes. Si tu es
tué, tu entres immédiatement au Ciel ; si tu es victorieux, tu acquiers renom et
renommée. Tu triomphes, de toute façon. Alors, lève-toi, Arjuna ! Combats !
38° ‘’Et prête attention à ce point important de la vie en général : la manière de
remporter cette grande guerre, c’est de réagir de manière égale à la douleur et au
plaisir, au profit et à la perte, à la victoire et à la défaite.’’
LE SECRET DE L’ACTION DÉSINTÉRESSÉE
39° Comme pour consolider ce point, Krishna s’arrête un instant, puis poursuit : ‘’Tu
viens tout juste d’entendre une explication intellectuelle du principe de l’ Atma (le vrai
Soi) et de la nécessité de discerner entre le Réel (l’Immuable) et le non réel (tout ce
qui change). Maintenant, sois attentif, pendant que J’explique une discipline
spirituelle appelée Karma Yoga pour vivre une vie plus efficace, plus heureuse dans ce
monde contrariant toujours changeant. C’est la voie de l’action désintéressée
consacrée à Dieu. En choisissant cette voie, tu peux vivre une vie spirituelle et
pourtant rester pleinement actif dans le monde. Tu peux rester un homme d’action et
réaliser tout ton potentiel sans pourtant être attaché ou pris par le matériel.
40° ‘’Le Karma Yoga (littéralement ‘’l’union avec Dieu par l’action’’) n’est absolument
pas dangereux, Mon vieil ami. Sur cette voie, aucun effort n’est vain et il n’y a pas
d’échec. Un peu de pratique seulement te protégera du cycle de la mort et de la
renaissance.
41° ‘’Quand les actions d’une personne ne sont pas basées sur le désir d’une
récompense personnelle, elle peut plus facilement stabiliser son mental et l’orienter
vers l’Atma, le vrai Soi intérieur. Pour la personne au mental stable, Arjuna, il n’y a
toujours qu’une seule décision, mais pour le mental vacillant entraîné dans mille
directions, les décisions qui l’assaillent sont sans fin et elles épuisent la force mentale
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de la personne. Les gens qui ont un mental instable finissent inévitablement par
échouer ; ceux qui ont un mental résolu remportent un grand succès.
42-43° ‘’Il y a des gens ignorant ce principe, qui se réjouissent de leur propre dogme
particulier en proclamant qu’il n’y a rien d’autre. Leur idée du ciel, c’est leur propre
jouissance. La raison principale pour laquelle ils s’engagent dans leurs activités, c’est
d’obtenir les plaisirs et la puissance que le ciel promet. Donc, même si leur mobile est
ordinaire et positif, ils sont en vérité remplis de désirs plutôt égoïstes.
44° ‘’Avec leurs esprits ainsi accaparés par leurs propres désirs égoïstes de plaisir et
de puissance éternels, ils ne peuvent pas développer la concentration maximale
requise pour atteindre l’union avec Dieu qui est l’unique objectif réel de l’humanité.
45° ‘’Les Ecritures décrivent trois composantes de la nature (appelées gunas). Je les
décrirai plus en détail plus tard, mais pour l’instant, efforce-toi de les transcender
toutes. Focalise-toi sur le dépassement de toute la nature et de tous les attachements
matériels. Etre esclave de la nature matérielle n’est certainement pas le but de la vie.
Concentre-toi plutôt sur l’Eternel qui se situe au-delà de cette matérialité. Concentretoi sur la libération de la tyrannie de ce que l’on appelle communément les paires
d’opposés. Perds cette manie de toujours tenter de tout évaluer et de tout juger.
Libère-toi de ta tendance coutumière à voir les choses comme bonnes ou mauvaises,
aimables ou détestables, agréables ou désagréables, etc. La tendance à être piégé dans
l’apparence des opposés est une maladie courante et débilitante. Reste plutôt
tranquille et centré dans le Soi (l’Atma). Ne recherche ni les louanges ni les objets
terrestres.
46° ‘’Le réservoir nécessaire durant la période sèche est de peu d’utilité lors d’une
inondation. Similairement, pour la personne qui est éclairée, même les Ecritures sont
superflues. Oui, vis à l’amiable avec l’existence matérielle, mais sache que tu dois la
transcender ! Prépare-toi à rien de moins que l’union avec la Divinité même !
47° ‘’Travaille dur dans le monde, Arjuna, mais par amour du travail seulement. Tu as
tous les droits de travailler, mais tu ne devrais pas désirer les fruits. Bien que
personne ne puisse te refuser les résultats de tes efforts, tu peux, par la
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détermination, refuser d’être attaché ou d’être affecté par les résultats, qu’ils soient
favorables ou défavorables.
‘’Les points essentiels dont il est question, Arjuna, sont le désir et l’absence de paix
intérieure. Désirer les fruits de son action provoque des soucis à cause d’un échec
possible – le mental vacillant que J’ai mentionné. Quand tu es préoccupé par les
résultats finaux, tu t’arraches du présent pour un futur imaginaire, généralement
effrayant. Alors, ton angoisse te dérobe ton énergie et pour aggraver les choses, tu
tombes dans l’inaction et dans la paresse.
‘’On n’accomplit pas de grandes choses dans un futur hypothétique, ô guerrier. C’est
seulement dans le présent que tu peux signer un réel accomplissement. L’esprit
inquiet tend à dévier du seul but réel – réaliser l’Atma, l’union avec la Divinité, le vrai
Soi intérieur.
‘’L’idéal, Arjuna, c’est d’être intensément actif et en même temps de n’avoir aucun
motif égoïste, aucune pensée de gain ou de perte personnel. Le devoir non contaminé
par le désir conduit à la tranquillité intérieure et à l’efficacité accrue. C’est l’art secret
de vivre une vie d’un réel accomplissement !
48° ‘’Travailler sans désir peut paraître impossible, mais la façon de le faire, c’est de
remplacer les pensées de désir par des pensées de divinité. Fais ton travail dans ce
monde avec ton cœur fixé sur le Divin au lieu des résultats. Ne t’inquiète pas des
résultats. Sois d’un caractère égal dans le succès ou dans l’échec. Cette égalité mentale
est ce que l’on entend par yoga (l’union avec Dieu). Oui, l’équanimité, c’est le yoga !
49° ‘’Le travail qui est accompli avec de l’inquiétude, quant aux résultats est de loin
inférieur au travail accompli dans un état de calme. L’équanimité – l’état mental
serein libéré des ‘’j’aime’’ et des ‘’je n’aime pas’’, de l’attraction et de la répulsion – est
vraiment l’attitude idéale dans laquelle vivre ta vie. Etre dans cet état d’esprit, c’est
habiter le Divin. Misérables sont ceux qui sont mus par les fruits de leurs actions.’’
50° ‘’Quand tu es doté de ce détachement de base, tu évacues les conséquences
karmiques de tes bonnes et de tes mauvaises actions et tu te défais des effets
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inévitables de tes actions. Ne perds jamais de vue l’objectif n°1 qui est de t’affranchir
de l’esclavage durant cette vie, de te dépouiller de l’attachement envers les choses
matérielles, de te détacher de l’ego et vraiment, de sortir de la roue de la naissance et
de la mort. En faisant ceci, tu t’unis réellement à Dieu.
‘’Je vois que tu soupires devant ce but à couper le souffle, Arjuna ! Sache que tu ne
peux y arriver qu’en unissant d’abord ton cœur à Dieu pour poursuivre après
seulement les choses d’ordre matériel. Procède dans cet ordre et pas dans l’ordre
inverse et alors tes actions seront reliées au but même de la vie – qui encore une fois
est l’union avec le Divin.
51° ‘’Le yogi est vraiment un sage dont la conscience est unie au Brahman (la
Divinité1). Les vrais yogis sont détachés. Ils ne se préoccupent pas du tout des fruits
de leurs actions et ils en ont donc fini avec l’angoisse. Le détachement, c’est le moyen
de transformer le karma chargé de souffrance (qui indique ici les conséquences
liantes de nos actes) en une vie sans souffrance. Le détachement, c’est le moyen de
s’élever au-dessus des activités matérielles et d’atteindre un état au-delà du matériel.
‘’Atteins cet état transcendant, Arjuna et n’entre pas dans la bataille comme un
simple soldat, mais comme un homme de vraie sagesse, un yogi. Ces grands
enseignements spirituels ne sont pas seulement destinés aux reclus ; ils sont destinés
aux personnes actives comme toi qui sont plongées dans le tourbillon et
l’effervescence du monde.
52° ‘’Quand ton esprit aura traversé le bourbier de l’illusion et quand ton intellect se
sera défait de sa confusion sur la vérité de qui tu es réellement, ton vrai Soi, alors tu
deviendras indifférent aux résultats de toutes tes actions.
53° ‘’Actuellement, Arjuna, ton esprit est déconcerté par des idées et des philosophies
conflictuelles. Quand il pourra solidement reposer et sans distraction dans la
contemplation du vrai Soi intérieur, tu seras éclairé et entièrement uni en amour avec
1
Brahman, la divinité, c’est le Suprême, la Présence divine – la plus haute Conscience absolue. Ne pas
confondre avec Brahma, le Créateur, ni avec les brahmanes, la caste des prêtres.
33
le Divin. C’est là où le yoga atteint son couronnement : dans la fusion de la conscience
individuelle et de la Conscience cosmique. C’est rien moins que le but de la vie !’’
LA DESCRIPTION DE CEUX QUI SONT ÉCLAIRÉS
54° Arjuna qui écoute attentivement interrompt : ‘’Mais Krishna, comment reconnaîton la personne éclairée que Tu décris, la personne absorbée dans le Divin ? Comment
une telle personne parle-t-elle, s’assied-elle, circule-t-elle, par exemple ? Si je le
savais, je pourrais mieux m’appliquer.’’
55° Krishna répond : ‘’Mon cher ami, tu devrais t’efforcer de devenir une telle
personne ! On dit de cette personne qu’elle est illuminée, que c’est une Sthithaprajna
(littéralement une personne établie dans la sagesse). C’est celle qui renonce à tous les
désirs égoïstes, aux envies et aux tourments du cœur, qui est satisfaite avec le vrai Soi
(l’Atma) et qui ne veut rien en dehors du Soi. Elle sait que la Félicité réelle ne se
trouve qu’à l’intérieur.
56° ‘’C’est l’homme ou la femme dont l’esprit n’est pas perturbé par le chagrin ni par
l’adversité, qui n’est pas assoiffé de plaisirs et qui est libre des trois traits qui
ternissent le plus l’esprit – à savoir l’attachement, la peur et la colère. Une telle
personne est une personne illuminée, c’est une Sthithaprajna.
57° ‘’La personne qui est détachée, sans désir, qui ne se réjouit pas à cause de la
bonne fortune et qui ne déprime pas à cause de la mauvaise fortune – une telle
personne est établie dans la sagesse au-dessus du tumulte du monde et elle est dès
lors illuminée.
58° ‘’La personne illuminée a appris à adroitement retirer les sens des attractions du
monde, tout comme la tortue rentre naturellement ses membres pour se protéger.
C’est très important, Arjuna. Permets-moi d’expliquer un peu plus en détail.
59-60° ‘’Quand des gens se distancient des plaisirs matériels, leur connaissance du
Divin augmente et cette connaissance fait que l’aspiration au plaisir diminue
34
graduellement. Mais au fond d’eux-mêmes, ils peuvent encore rêver de plaisirs.
Mêmes les esprits qui connaissent la voie peuvent être arrachés à celle-ci par les sens
indisciplinés.
‘’La plus grosse partie de la discipline spirituelle d’une personne doit par conséquent
se concentrer sur la soumission des sens volages et la vigilance par rapport à la
traîtrise des sens. Le degré de raffinement d’un individu ou d’une société se mesure à
l’aune de la manière dont la convoitise et les désirs sont contrôlés.
61° ‘’Les personnes illuminées contiennent leurs sens et les contrôlent en absorbant
toujours leur esprit dans la réalisation du but primordial de l’union avec Dieu. Elles
s’habituent à remplacer l’attrait des sens par des pensées divines.
62-63° ‘’La spirale descendante qui conduit à la perte d’une personne consiste en ce
processus : ruminer ou simplement penser aux attraits matériels développe
l’attachement envers ceux-ci. De l’attachement aux objets des sens proviennent les
désirs égoïstes. Des désirs contrariés provoquent l’éruption de la colère. La colère
génère l’égarement. Celui-ci provoque la confusion de l’esprit et fait oublier les leçons
de l’expérience. Les leçons oubliées de l’expérience obscurcissent la raison, ce qui
entraîne la perte du discernement (entre la Vérité et la non-vérité, entre le Réel et
l’irréel. Finalement, la perte du discernement fait que l’on s’éloigne du seul but de la
vie : réaliser l’union avec la Divinité intérieure. Alors, malheureusement, la vie de la
personne est gâchée.
64-65° ‘’Mais lorsque tu peux circuler dans un monde qui t’entoure d’attractions
sensorielles et pourtant être libre de l’attachement ou de l’aversion envers elles, la
tranquillité vient et s’installe dans ton cœur – et tu t’absorbes dans la paix et dans la
sagesse du Soi intérieur. La sérénité, Arjuna, c’est le point où s’achève tout chagrin !
66° ‘’Cette sagesse atmique (la connaissance du vrai Soi) n’est pas pour tout le
monde. Ceux qui possèdent un mental agité, incontrôlé, ne peuvent même pas
deviner que l’Atma est présent ici, à l’intérieur. Sans calme, où est la méditation ?
Sans la méditation, où est la paix ? Sans paix, où est le bonheur ?
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67-68° ‘’L’esprit qui vagabonde et qui s’attache aux objets des sens perd son
discernement et il dérive, c’est un bateau sans gouvernail. Même une petite brise lui
fait perdre le cap. Celles qui utilisent toutes leurs capacités pour contrôler leurs sens,
stabiliser leur esprit et se libérer de l’attachement et de l’aversion – sont les
personnes à la vraie sagesse, les personnes éclairées.
69° ‘’Les gens matérialistes perçoivent l’existence d’une manière très différente
comparativement aux gens spirituellement sages. C’est comme le jour et la nuit : la
nuit de l’un est le jour de l’autre. Ce que les personnes matérialistes éprouvent
comme étant réel – le corps, les poursuites terrestres, le plaisir, la douleur, la
maladie, les attractions sensorielles – les personnes éclairées le perçoivent comme
étant non réel et sans importance. Ce que les personnes éclairées connaissent comme
étant réel, l’Esprit, le silence, etc. – celles qui ne le sont pas le considèrent comme
étant irréel et sans valeur.
70° ‘’Les eaux de nombreux fleuves se déversent continuellement dans l’océan, mais
l’océan ne déborde jamais. Similairement, les désirs et les attachements affluent
constamment dans l’esprit de l’être illuminé, mais comme l’océan dans ses grandes
profondeurs, il est complètement calme et n’est jamais troublé.
71° ‘’Pour avoir accès à cet état de paix suprême, Arjuna, tu dois être libre de l’ego (le
sentiment du ‘’je’’ et du ‘’mien’’) et vivre sans envies. Tu dois oublier le désir.
72° ‘’C’est l’état inébranlable, tranquille, de celui qui est illuminé, le Sthithaprajna,
celui qui est fermement établi dans l’union avec Dieu. Quand on parvient à cet état,
on ne retombe jamais dans l’illusion. De plus, la personne qui se trouve dans cet état
au moment de la mort se fond dans la Divinité et elle devient une avec le Divin. Et
ceci, Arjuna, comme je l’ai souvent répété, c’est le but même de la vie !’’
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CHAPITRE 3 : LA VOIE DE L’ACTION
(KARMA YOGA)
‘’Accomplis ton devoir dans le monde,
Mais sans aucun attachement ni désir de résultat.
Garde ton esprit toujours centré sur le divin.
Ceci doit être aussi automatique que le souffle ou la pulsation cardiaque.’’
1-2° Arjuna interrompt : ‘’Ô Krishna, Tu ajoutes à ma confusion ! Tu laisses entendre
que la connaissance est supérieure à l’action, mais ensuite, Tu me pousses à livrer
cette guerre horrible. Combattre, c’est de l’action ! S’il Te plaît, sois plus clair : quelle
voie est juste pour moi, celle de la connaissance ou celle de l’action – laquelle me
conduira infailliblement au but suprême ?’’
3° Krishna répond : ‘’Au cours de ces nombreuses et bonnes années durant lesquelles
nous avons été comme des frères, Je n’ai pas totalement clarifié ceci pour toi, mais à
présent, Je vais le faire. Sache qu’au tout début, c’est Moi qui ai conçu les deux voies
spirituelles : celle de la connaissance et celle de l’action. J’ai établi la voie de la
connaissance pour la personne plus contemplative et la voie de l’action pour la
personne plus active, la personne plus orientée vers l’action.
‘’Souviens-toi, Arjuna, la vraie connaissance, c’est connaître l’Atma, le vrai Soi
intérieur. Que tu épures ton intellect par la contemplation ou par l’action
désintéressée, tu en arrives à réaliser l’Atma. Les deux voies conduisent à la
réalisation du Soi.
4-5° ‘’Ceux qui se contentent d’esquiver les activités matérielles en pensant qu’ils
‘’renoncent’’ à l’action ne peuvent pas atteindre le but suprême. Tu dois d’abord agir.
Simplement refuser d’agir est futile. Même le but prétendument ‘’passif’’ de clarifier
l’intellect et d’acquérir la connaissance ne peut pas s’atteindre sans action. Regarde la
nature. Le fruit qui mûrit ne ‘’renonce’’ pas et ne coupe pas son lien avec l’arbre avant
d’être totalement mûr. L’inaction est impossible, ne fût-ce qu’un seul instant, Arjuna.
Manger, dormir, respirer, les pulsations cardiaques, même les activités mentales
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subconscientes – sont toutes des actions. Chacun est poussé à l’action, sans rien
pouvoir y faire, par sa propre nature et par la nature elle-même. L’action est
inhérente à toute la nature. Du simple atome qui tourbillonne à l’univers entier, tout
est mouvement, tout est action.
6° ‘’Si l’on s’assied sans bouger, mais avec son esprit qui pense toujours aux
attractions sensuelles, c’est également être engagé dans l’action. Si tu penses que
simplement t’abstenir de bouger, c’est ne pas agir, tu es hypocrite et tu t’illusionnes.
7° ‘’Engage-toi dans l’action, fais ton travail, mais avec un contrôle total sur ton esprit
et sur tes sens. Et sois conscient que le travail que tu fais devrait contribuer d’une
façon ou d’une autre, directement ou indirectement, au plus grand bien de
l’humanité.
8° ‘’On est dans l’obligation de travailler, d’agir et même d’entretenir son corps – de
se baigner, de manger, de dormir et de respirer. Alors, accomplis tes devoirs
obligatoires, Arjuna. L’action liée au devoir est de loin supérieure à l’inaction.
LA LOI DU SACRIFICE
9° ‘’L’action (karma) attache normalement l’être humain à la roue des naissances et
des morts, mais pas lorsqu’elle est exécutée comme un acte sacrificiel – pas quand la
personne offre à la fois l’action et les fruits de l’action à la Divinité. A ce moment-là,
l’action ne lie pas. Notre travail dans la vie, c’est d’agir de façon désintéressée, de
façon sacramentelle même, sans penser à un bénéfice personnel. Il est tout à fait
possible pour toi de faire de grands progrès moraux et spirituels dans la vie matérielle
via l’action, sans être toutefois lié aux conséquences négatives de tes actions.
10° ‘’Au commencement, quand J’ai créé le monde, J’ai instauré le principe du
sacrifice en disant : ‘’C’est par le sacrifice que tu prospéreras et que tu rayonneras.’’
Ce que J’entends par ‘’sacrifice’’ n’est en aucune façon associé à l’image courante de
négligence de soi ou d’auto-flagellation. Sacrifice est employé ici d’une manière très
spéciale qui signifie offrir, aider et se consacrer au bien-être de l’humanité entière.
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Cela implique une communauté d’existence avec tous les autres êtres. Le sacrifice, au
sens spirituel du mot, est une règle universelle, une loi fondamentale de la nature, le
sacrifice en tant qu’esprit de don qui imprègne toute la création. Ce sacrifice est une
manière pour l’humanité de transformer en bonheur la souffrance terrestre.
11° ‘’L’adoration, par exemple (terme également mal interprété qui signifie honorer et
révérer) est une forme de sacrifice qui abonde dans le sens où J’utilise ce terme. Par
conséquent, Arjuna, révère et honore (adore) les devas, les entités divines, les
pouvoirs subtils de la nature qui sont présents dans le sacrifice. Chéris-les et ils te
chériront. Cette réciprocité est bonne pour toute l’humanité.
12° ‘’Mon cher ami, tu devrais trouver le juste milieu entre donner et recevoir.
Lorsque tu t’engages dans le service désintéressé (qui est sacrifice), tes désirs sont
naturellement comblés sans les formuler. Les personnes vertueuses donnent plus
qu’elles ne reçoivent ; les personnes redevables reçoivent plus qu’elles ne donnent.
Celui qui reçoit sans donner est un voleur.
13° ‘’Tu devrais même t’alimenter dans cet esprit de sacrifice. Tu es alors libéré du
fort attachement au goût et au plaisir qui attache si rapidement quelqu’un à la
gratification physique qui est un puits sans fond. La personne qui ne mange que par
jouissance se voit détournée du véritable but de la vie : réaliser la Divinité. En fait, la
définition de pécher n’est pas commettre de mauvais actes, comme beaucoup le
pensent, mais se détourner de Dieu. Dans ce sens, manger seulement par plaisir
physique est un péché.
14° ‘’Le cycle de la vie lui-même est issu des effets subtils du sacrifice, tel qu’il est
défini ici. Permets-Moi de t’expliquer ce cycle : toutes les créatures vivantes sont
alimentées et soutenues par la nourriture ; la pluie alimente et soutient la nourriture ;
la pluie, l’eau de la vie, jaillit de la nature, appelée du ciel, généreusement donnée
(sacrifiée) pour le bénéfice final de l’humanité. Par conséquent, toute la vie, Arjuna,
est issue, nourrie et soutenue par l’action désintéressée, par le sacrifice.
‘’Le sacrifice est la plus noble forme d’action. Le travail accompli dans la bonne
attitude d’esprit devient sacrifice. Le service est sacrifice. Ce niveau de sacrifice
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possède en fait en lui la Divinité, l’accomplir devient une force mentale subtile, mais
puissante. Ceci sacralise la vie elle-même. Pour finir, toutes tes actions, mentales et
physiques deviennent une offrande (un sacrifice) pour l’amélioration de l’univers.
15° ‘’Comme Je l’ai dit, chaque action désintéressée, sacrée (chaque sacrifice)
provient de Brahman, la Divinité, la Conscience Suprême Absolue. Il est présent
consciemment dans chaque acte de service. Le travail accompli avec le meilleur des
motifs devient sacrifice. La vie elle-même se transforme en sacrifice, quand elle est
orientée vers le service de la Divinité. Quand les gens exécutent un service comme un
sacrifice, quel que soit leur travail ou leur profession, l’univers lui-même s’élève et se
sublime. Tout le projet de la nature tourne autour, non pas de l’acquisition, mais de
l’offrande de l’action désintéressée qui est sacrifice.
‘’Cette loi de la vie qui est importante peut sembler éloignée de l’individu, Arjuna,
mais ce n’est pas le cas. Tout acte désintéressé effectué par qui que ce soit contribue
de manière importante à ce Tout mystérieux.
16° ‘’Toute la vie tourne de par cette loi du sacrifice, appelée ‘’la roue du yajna.’’ Ceux
qui en dévient et qui cherchent plutôt à donner libre cours à leurs sens pour leur
satisfaction personnelle et qui ignorent les besoins des autres vivent vainement et
gaspillent leur vie. Pourquoi Moi, le Créateur, l’ai-Je mise en mouvement ? Parce que
ce monde est un terrain d’apprentissage, un lieu où discipliner, former et élever tous
les êtres. Si nous refusons d’apprendre, nous ne pouvons pas tirer profit de la
scolarité.’’
LE SOI, L’ATMA, SE SITUE AU-DELÀ DU KARMA
17° ‘’Arjuna, ceux qui ont trouvé le contentement, la satisfaction purs et la paix de
l’Atma (du vrai Soi intérieur) sont comblés. Ils n’ont plus rien à accomplir dans ce
monde, plus d’obligations à satisfaire. Se situant dans l’Atma, ces personnes sont audelà du karma.
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18° ‘’Celui qui est fermement établi dans l’Atma connaît le sens réel de l’autonomie.
Cette personne n’a de dépendance d’aucune sorte à l’égard de qui que ce soit et n’a
rien à gagner ou à perdre par l’action ou par l’inaction.’’
AGIR À L’IMAGE DE DIEU
19° ‘’Cher ami, l’idée qui est très importante, c’est d’accomplir ton devoir matériel,
mais de le faire sans aucun attachement ni désir pour ses fruits. Garde ton esprit
toujours centré sur le Divin (l’Atma, le Soi). Que ce processus soit aussi automatique
que ta respiration ou que les battements de ton cœur. C’est ainsi qu’on atteint le but
suprême qui est de se fondre en Dieu.
20° ‘’Beaucoup l’ont fait. Le célèbre roi Janaka, un karma yogi, est parvenu à l’union
avec Dieu en accomplissant ses devoirs matériels dans cet esprit. L’ignorant ne peut
pas diriger la communauté, Arjuna ; ce sont ceux qui sont éclairés qui servent le
mieux la société. Aussi, accomplis ton travail matériel sans aucun attachement et
pour le meilleur intérêt de tous.
21° ‘’Tout ce qu’un grand homme ou qu’une grande dame fait, les autres le font aussi.
Les personnes éminentes doivent montrer leurs meilleures vertus dans l’intérêt du
public. Ensuite, les personnes ordinaires essayent de s’élever jusqu’à ce niveau.
22-24° ‘’Prends Mon cas, Arjuna. Il n’y a rien que Je ne possède, aussi il n’y a rien que
J’aie à gagner dans ce monde ou dans les autres mondes. Et pourtant, Je continue
d’agir. Si Moi, la Divinité, Je devais cesser d’œuvrer, l’humanité suivrait cet exemple
et ceci provoquerait le chaos. Si Je cessais d’agir, cela provoquerait le chaos
cosmique, ce qui résulterait dans la confusion et la destruction de l’humanité.
25° ‘’Les gens qui ignorent le vrai Soi intérieur travaillent en étant solidement
attachés à l’action, travaillent pour leur propre bien-être. Mais les personnes
illuminées qui connaissent le vrai Soi travaillent pour le bien-être du monde, sans
attachement, en aidant toujours à orienter l’humanité vers le dharma (vers l’action
juste, en vivant une vie basée sur la vérité).
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26° ‘’Toutefois, ne déstabilise pas les ignorants qui ont faim d’action égoïste. Laisseles continuer à travailler, mais montre-leur par l’exemple que le travail peut être
sanctifié, quand il est effectué dans le bon état d’esprit avec le cœur fixé sur la
Divinité.
27° ‘’L’ignorant qui s’identifie à tort au corps pense erronément : ‘’Je suis celui qui
agit’’, ce qui est la marque de l’égoïsme. En vérité, toutes les actions sont réellement
accomplies par la nature matérielle, Arjuna, pas par l’Atma. Rappelle-toi que le Soi
(l’Atma) est au-delà de toute action, de tout karma.
28° ‘’La personne qui connaît réellement la nature – que Je t’expliquerai plus en
détail plus tard – sait que, quand les sens qui font partie de la nature s’attachent aux
objets matériels qui font également partie de la nature, c’est simplement la nature qui
s’attache à la nature. Ce n’est pas moi, cet ego qui fait ceci ou cela. Le sage qui en est
conscient conserve une distance et il observe simplement ce jeu de la nature.
29° ‘’Les sages qui comprennent ces choses ne devraient pas s’abstenir d’action, car
cela perturberait l’esprit des ignorants qui sont emberlificotés dans, et attachés par
les conséquences de l’action (karma). Il n’y a pas de mal à ce que certaines personnes
accomplissent leur devoir avec de l’attachement ; le travail accompli avec de
l’attachement a sa place dans l’évolution de l’humanité.’’
TRANSFORMER SA PROPRE NATURE
30° ‘’Maintenant que tu es conscient de l’indispensable nécessité d’accomplir l’action,
Je vais te dire quelle est la meilleure voie pour toi, Mon vieil ami. Défais-toi de cette
ignorance fiévreuse qui t’a enveloppé. Libère-toi de ton ego. Cesse de penser à des
récompenses matérielles. Fixe ton esprit sur Moi, la Vérité, ton Atma, la Divinité en
toi. Sache que c’est le Divin qui est le moteur de toutes les actions dans l’univers.
Offre-Moi toutes tes actions à Moi, la Divinité. Et puis, avec un esprit et un cœur
parfaitement clairs, avance et livre cette bataille de la vie !
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31° ‘’Il y a de merveilleux bénéfices qui résultent de cette manière de vivre
désintéressée, Arjuna, mais tu ne peux les obtenir sans une foi ferme. Ces principes
doivent être vécus et non pas intellectualisés. Ceux qui les vivent avec sincérité sont
libérés de leur karma, des conséquences de leurs actions.
32° ‘’Mais ceux qui critiquent ces enseignements et qui ne les pratiquent pas sont
dans l’illusion et sans discernement spirituel. Ils sont la cause de leur propre chagrin
et de leur ruine et ils s’égarent.
33° ‘’Toutes les créatures vivantes, même les sages, se comportent conformément à
leur propre nature. C’est un point important. Le comportement de chacun s’enracine
dans les pensées et les tendances qui prédominent en lui. C’est le sens de la ‘’nature’’
d’une personne. Par conséquent, si la nature d’une personne est si puissante, tu
pourrais bien t’interroger sur la valeur de ne fût-ce qu’essayer de vivre suivant les
injonctions des Ecritures de ‘’faire ceci’’ et de ‘’ne pas faire cela’’. Tu pourrais te
demander : ‘’Pourquoi devrions-nous seulement tenter de la réfréner, si nous ne
sommes que les jouets de notre nature ?’’
34° ‘’La réponse n’est pas d’essayer de réfréner ta nature, mais d’améliorer
progressivement ta nature. Examine de plus près cette chose appelée ‘’nature’’. Les
propres sens d’une personne sont des obstacles majeurs à sa réalisation spirituelle.
Les sens tirent leur pouvoir des multiples préférences et aversions imprimées dans
l’esprit (par la famille, par la culture et par les actions de la personne dans cette vie et
dans ses vies antérieures). Ce système de préférences et d’aversions, en grande partie
inconscient et profondément ancré est ce qui suscite les pensées, les désirs et les
tendances d’une personne. Ce monde mental est grossièrement ce que l’on entend par
la nature d’une personne.
‘’Arjuna, la meilleure chose à faire avec ces pensées et ces désirs, c’est de les
transmuter en une attitude dévotionnelle, un désir de Dieu. Quand cette attitude
s’enracine, le système des préférences et des aversions s’effiloche, ce qui fait que
l’ardent pouvoir des sens se tarit graduellement. Les désirs sont des ennemis,
lorsqu’ils s’orientent vers l’extérieur, mais des alliés, lorsqu’ils se focalisent à
l’intérieur sur la Divinité.
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‘’Rappelle-toi, Arjuna, que la vie dans le corps et les sens n’est pas une fin en soi, mais
seulement une phase passagère. Vraiment, si l’œil n’aide pas une personne à voir
Dieu dans tout ce qu’elle voit, il vaut mieux être aveugle. Si l’oreille entraîne une
personne dans le tapage vulgaire, il vaut mieux être sourd. Les sens ne devraient pas
être des instruments qui te plongent dans la boue ; ils devraient servir tes intérêts,
contrôler tes appétits et t’aider à demeurer dans la Divinité.
35° ‘’Et ne pense pas, Arjuna, Mon vieux camarade, qu’il serait plus simple
d’abandonner tes responsabilités actuelles. Le devoir d’une personne dans la vie, c’est
son dharma. Ceci signifie essentiellement que tu dois vivre en suivant ta vérité
intérieure plutôt que tes désirs égoïstes. Tu dois faire ton devoir. Même si tes
responsabilités et tes obligations peuvent te sembler complètement dépourvues de
mérites, elles sont préférables aux responsabilités de quelqu’un d’autre, même si tu
les remplis à la perfection. Toi, Arjuna, tu es un prince–guerrier de par ta naissance et
par ta formation. Si tu essayes maintenant d’esquiver ton devoir et de te transformer
en sannyasin (en ascète spirituel) simplement parce que tu es confronté à des choses
qui te paraissent douloureuses, tu violes ta vérité intérieure (ta conscience, ton
dharma), qui est le fondement de ta vie ! Il est préférable de même mourir en
accomplissant ton propre devoir plutôt qu’en essayant d’accomplir le devoir d’un
autre.’’
LA GUERRE CONTRE LA COLÈRE ET LE DÉSIR
36° Arjuna baisse la tête et demande : ‘’Quelle est cette force terrible qui nous
entraîne dans des actes égoïstes, même contre notre volonté ?’’
37° Krishna répond : ‘’Cette force terrible, c’est le désir. Le désir est la force qui
t’entraîne – le désir égoïste qui émane de ta nature portée sur l’action. Les désirs
égoïstes sont insatiables : plus tu les alimentes, plus ils te sollicitent. C’est cela que
J’entendais par ‘’puits sans fond’’. Les désirs ne disent jamais ‘’Assez !’’. Et la colère
est toujours associée aux désirs et la colère corrompt tout. Ce duo désir-colère est ton
plus terrible, ton plus formidable ennemi ici sur terre.
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38° ‘’Les désirs obscurcissent ta lumière spirituelle et ils aveuglent ton discernement.
Tout comme une flamme est masquée par de la fumée, tout comme un miroir est
recouvert de poussière et tout comme un embryon est caché dans la matrice, la vraie
connaissance est dissimulée par le désir. Pour les personnes avancées
spirituellement, le désir ressemble à de la fumée qu se disperse facilement pour
révéler la lumière de la connaissance. Pour les personnes matérialistes, le désir
ressemble plus à de la poussière qui nécessite un astiquage vigoureux pour que la
lumière puisse briller. Pour les personnes réellement ternes, le désir les enveloppe
tellement qu’elles ressemblent à un embryon enfoui dans l’obscurité. Seul le temps et
une nouvelle naissance apporteront la lumière. Note, Arjuna, que dans tous ces
niveaux de réalisation spirituelle, c’est le désir qui voile l’éclat du vrai Soi intérieur de
la personne.
39° ‘’L’avidité n’est que le désir gonflé dans des proportions grotesques. Le sage sait
que le désir est l’ennemi juré, éternel, insatiable et il tente de prendre ses distances
par rapport à lui. Mais en dépit des meilleurs efforts d’une personne, le désir revêt
toujours des apparences multiples et il s’insinue insidieusement dans le cœur et dans
l’esprit.
40° ‘’Les bastions-clés de cet ennemi redoutablement destructeur doivent être
découverts avant que tu ne puisses les assiéger. Le désir grappilleur a capturé et il
occupe maintenant résolument les trois bases corporelles : les sens, le mental et
l’intellect. A partir de ces trois QG de campagne, le désir attaque et il détruit la
sagesse et le discernement et il voile l’Atma intérieur.
41° ‘’Par conséquent, Arjuna, cher ami et le plus formidable d’entre tous les guerriers,
attaque ces maraudeurs, ces désirs. Recapture tes sens, ton mental et ton intellect
(l’esprit supérieur, la buddhi que nous traiterons plus tard) et utilise-les à des fins
divines. Quand tu auras anéanti le désir, la splendeur de l’Atma resplendira.
42° ‘’Et connais les positions stratégiques que tu devrais occuper durant cette guerre.
Le désir tient plus solidement au subtil (plus raffiné, plus difficile à détecter) qu’au
grossier. Les sens sont plus subtils que le corps ; le mental plus subtil que les sens ;
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l’intellect plus subtil que le mental. Loin au-dessus de tout cela, il y a l’Atma, le plus
subtil de tous et qui est au-delà de tout désir.
43° ‘’Par conséquent, Arjuna, réaliser la vérité de ton vrai Soi (l’Atma) est ta
principale arme pour éradiquer le désir. La réalisation du Soi est la vraie
connaissance spirituelle (appelée jnana). Ce niveau de connaissance transcende tous
tes attribut inférieurs, quelle que soit leur finesse, ce qui inclut ton mental et même
ton intellect. Laisse gouverner ton Soi supérieur, ta véritable nature. Contrôle ton moi
à l’aide de ton Soi.’’
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CHAPITRE 4 : INTÉGRER LA CONNAISSANCE,
L’ACTION ET LE RENONCEMENT
(JNANA-KARMA-SANYASA YOGA)
‘’Quelle que soit la voie qu’une personne emprunte jusqu’à Moi, c’est Ma voie…Toutes
les voies mènent à Moi.’’
1° Krishna dit alors : ‘’J’ai enseigné ces mêmes vérités éternelles à Surya (le dieu
Soleil), Arjuna. Celui-ci les a transmises à son fils, Manu, le plus ancien d’entre les
hommes et lui à son fils, Ikshvaku, le premier roi, afin qu’il puisse mieux s’occuper de
ses devoirs matériels.
2-3° ‘’D’éminents sages apprirent ces grands secrets transmis ainsi au fil des âges,
mais avec le temps, le type de personnes adéquat se fit rare et la pratique de cette
connaissance déclina. J’utilise le terme ‘’secrets’’, non pas parce que ces vérités sont
cachées, mais parce que tellement peu de gens sont prêts à les entendre aujourd’hui.
Je te fais maintenant part de ces vérités, Arjuna, parce que Je t’aime et parce que tu
es digne de recevoir cette grâce.’’
4° Arjuna paraît perplexe et interrompt : ‘’Mais Krishna, comment un homme
contemporain peut-il instruire un ancien ? Nous sommes des amis proches depuis de
nombreuses années et je t’aime beaucoup, Krishna, mais tu n’as que cinq ou six
années de plus que moi. Tu es né des siècles, des millénaires après Surya et tous ceuxlà. Ils proviennent d’une époque si lointaine qu’elle dépasse l’imagination. Pourquoi
dis-tu que c’est toi qui as enseigné ceci au commencement ? Et s’il te plaît, ne me dis
pas simplement que c’était toi au cours d’une vie antérieure ! Cela rend les choses
encore plus étranges.’’
5° Krishna rit en Lui-même, sachant que le bon moment est venu. ‘’Arjuna’’, dit-Il,
‘’les gens disent que le soleil se lève et se couche, mais il ne se ‘’lève’’ pas et il ne se
‘’couche’’ pas, c’est seulement un point de vue. Je suis ainsi. Je ne suis pas né et Je ne
meurs pas, mais les personnes ordinaires qui Me voient ‘’aller’’ et ‘’venir’’ pensent que
Je suis né à de nombreuses reprises. Par souci de simplicité, laisse-Moi dire que toi et
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Moi, nous sommes passés par beaucoup, beaucoup de naissances. Dans cette vie
actuelle, tu les as oubliées, tandis que Je Me les rappelle toutes. J’ai conscience de la
continuité de Mon existence en tant qu’Atma à travers des époques innombrables,
mais tu n’as pas conscience de ton Atma, ta réalité durable. C’est la différence entre
nous.’’
LA DÉCLARATION DE KRISHNA
6° ‘’Et sache aussi qu’en tant que Divinité présente dans toutes les créatures et dans
toute la nature, Arjuna, Je suis non né et immortel. Et pourtant, de temps à autre, Je
Me manifeste sous forme matérielle et Je vis ce qui semble une vie terrestre. Je peux
sembler humain, mais ce n’est que Ma maya (Mon pouvoir d’illusion), parce qu’en
vérité, Je Me situe au-delà de l’humanité ; Je M’associe juste à la nature qui est
Mienne.
7-8° ‘’A chaque fois que la bonté et que le dharma (l’action juste) déclinent et que le
mal se renforce, Je M’incarne. Je le fais pour élever et pour transformer la société,
pour rétablir l’équilibre entre la bonté et la méchanceté, pour expliquer le plan et le
dessein sublimes de la vie et pour servir de modèle à suivre pour les autres. D’ère en
ère, Je viens en périodes de crise spirituelle et morale dans ce but.
9° ‘’Tu trouves cela étrange ? Il est difficile de comprendre, pour la majorité des gens,
que la Divinité suprême se meut sous forme humaine. Mais pour ces quelques
personnes qui osent apprendre le secret que c’est Moi, la Divinité, qui opère en elles,
qui est leur propre Soi, Ma venue sous forme humaine est une opportunité rare pour
se libérer de la croyance erronée qu’elles sont leurs corps.
10° ‘’Ainsi libérées de cette illusion, ces personnes spéciales cherchent refuge en Moi,
l’Atma. Elles s’absorbent en Moi, en pensant toujours à, et en se souvenant toujours
de la divinité en elles-mêmes. Purifiées de leur égoïsme, de leur peur et de leur colère
par le feu de cette formidable connaissance, comme beaucoup d’autres avant elles,
elles parviennent au but suprême. Pour tout but et tout dessein, ces personnes
spéciales ne font plus qu’un avec Moi. Ceci est absolument vrai. Ecarte tout doute.
48
11° ‘’Tu peux penser que c’est de la partialité, mais Je n’ai pas de favoris. Quelle que
soit la voie qu’une personne emprunte jusqu’à Moi, c’est Ma voie. Quelle que soit la
façon dont une personne M’approche, Je rends la pareille. Si elles Me traitent comme
un père ou comme une mère, Je les traite comme Mes enfants. Si elles Me servent
comme un maître, J’accepte leurs services en tant que Seigneur. Si elles M’adorent
comme un enfant, Je les approche comme un enfant. Celles qui se languissent de
Moi, Je Me languis d’elles. Pour celles qui Me voient comme un ami, Je suis l’ami. Et
même pour celles qui Me perçoivent comme un ennemi, Je les approche comme un
ennemi. Toutes les voies mènent à Moi, la Divinité.
12° ‘’La plupart de ceux qui désirent le succès dans les poursuites matérielles prient
les dieux (les déités mineures) pour que leurs besoins soient satisfaits. En vérité, tout
désir est une forme de prière et aboutit souvent à un succès rapide. Néanmoins, plus
l’idéal est élevé, plus ardûment on doit le poursuivre et plus on doit attendre.
13° ‘’Au commencement, J’ai établi le système évolutionniste de la nature par lequel
les êtres évoluent vers la perfection spirituelle. Puis, J’ai établi quatre catégories de
gens pour le fonctionnement harmonieux des sociétés et pour le progrès de
l’humanité. Ces catégories correspondent à des niveaux de conscience et de
réalisation morale et spirituelle qui sont progressivement plus élevés. Toutes les
sociétés possèdent généralement des groupes similaires. Le système s’écarte
malheureusement parfois de la trajectoire adéquate, mais sache que cette
organisation fondamentale convient pour l’harmonie sociale et l’objectif clair de toute
société.
‘’Et sache, Arjuna, que bien que toute ces personnes soient une dans leur âme, il y a
des différences en elles qui se fondent sur leur karma (les conséquences de leurs
actions précédentes) et sur leur constitution naturelle. Sache encore que même si Je
suis l’auteur de ces distinctions, Moi (l’Atma à l’intérieur), Je ne suis pas touché par
elles, parce que Je suis au-delà de tous les karmas, de toutes les conséquences de Mes
actions.’’
49
DÉTACHÉ DE LA ROUE DU KARMA
14° ‘’Les karmas ne s’attachent pas à Moi (l’Atma) parce que, comme Je l’ai dit, le
fruit de Mes actions ne Me préoccupe pas. Ainsi, celui qui comprend réellement ce
principe de l’Atma, le vrai Soi intérieur, n’est pas non plus lié par les conséquences de
ses propres actions.
15° ‘’Ce n’est pas une nouvelle découverte, Arjuna. Les anciens chercheurs de
libération en étaient bien conscients. Ils accomplissaient toutes leurs actions
matérielles sans aucun sentiment égoïste et ils n’encouraient aucune conséquence
karmique. Fais pareil, Arjuna.
16-17° ‘’Mais il arrivait même aux grands sages d’être perplexes sur ce qu’est l’action
et sur ce qu’est l’inaction. Je vais te dire quelles actions (karmas) accomplir et
lesquelles éviter. Ce secret peut réellement te libérer de la roue de la mort et de la
renaissance.
18° ‘’La personne qui est réellement sage (le jnani, le yogi, le sthithaprajna ou celui
qui est illuminé), c’est celle qui reconnaît l’inaction dans l’action et l’action dans
l’inaction. Elle voit que là où il y a apparemment une action qui se déroule au niveau
matériel, il peut vraiment y avoir de l’inaction à l’intérieur de l’individu ; de même, là
où il n’y a apparemment aucune action matérielle qui se déroule, il peut y avoir une
action considérable au niveau intérieur.
‘’Arjuna, les personnes vraiment sages sont dans le monde, mais pas du monde. Elles
peuvent être très occupées par des questions terre à terre, mais leurs esprits et leurs
cœurs demeurent dans la solitude. Elles sont ainsi reliées à l’Atma intérieurement. Ce
sont les sages qui ne sont pas affectés par le karma.
‘’Ceux qui ignorent le vrai Soi et qui pensent qu’ils sont plutôt le corps et l’agissant
peuvent bien tenter de renoncer aux actions matérielles, mais intérieurement, ils sont
toujours troublés par leurs attachements et par leurs désirs. Ce trouble intérieur est
lui-même action et donc, ils encourent toujours des conséquences karmiques, même
en n’agissant prétendument pas.
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19° ‘’Ceux qui sont vraiment sages agissent sans manigancer dans le but d’obtenir les
fruits de leurs actions et ils ne connaissent par conséquent aucune agitation
intérieure, ce qui brise la chaîne du karma. Tous leurs désirs égoïstes ont été
consumés dans le feu de la connaissance qu’ils ne sont ni le corps ni celui qui agit,
mais bien l’Atma, le vrai Soi intérieur.
20° ‘’Ces idées sont nouvelles pour toi, Mon cher ami, aussi écoute attentivement. Les
sages que Je viens de décrire sont toujours contents et ils n’ont besoin de rien. Ils ont
abandonné tous les soutiens extérieurs. C’est la vraie liberté personnelle. Ils agissent,
mais pour eux, les actions sont des adorations de la Divinité. L’affranchissement du
désir des fruits de leurs actions est la clé de leur succès.
21° ‘’En n’attendant rien, en n’espérant rien, en renonçant à tout, ils maintiennent
leur esprit et leurs sens sous contrôle. Ayant conquis le désir, ils n’encourent aucun
karma négatif, même en agissant dans le monde.
22° ‘’Ces sages ont transcendé les paires d’opposés ; ils sont pareils dans le succès ou
dans l’échec, indifférents à la perte ou au gain ; ils ne se soucient jamais de rivaliser
ou de se comparer ; ils sont dépourvus d’envie et font face à tout ce qui leur advient
dans le contentement. Ils ne sont pas non plus liés par les conséquences karmiques,
bien qu’ils accomplissent des actions matérielles.
23° ‘’Tout ton karma s’évapore, quand tu es détaché, quand ton esprit est purifié par
la connaissance que toute vie est une et quand tu accomplis tes devoirs avec l’esprit
de sacrifice comme un acte de dévotion, comme une offrande.’’
LES DIVERSES ATTITUDES DE L’ADORATION
24° ‘’Arjuna, tout, absolument tout est Dieu dans la création ! Ce qui est offert est
Brahman, l’acte même d’offrir est Brahman, celui qui offre est Brahman, même le feu
où l’offrande est versée est Brahman. Dieu n’est pas distant, mais Il est en toi-même
et Il est ton Soi. Vois la Divinité dans toutes tes actions et tu peux réellement
atteindre l’union avec Dieu, avec Brahman. Pour ce faire, il te faut être pleinement
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absorbé en Brahman, il te faut être constamment conscient de la Divinité à chaque
instant. Quoi que tu puisses faire, que ce soit manger, dormir, travailler, prier ou
respirer, cette attitude d’adoration (qui rappelle-toi est un sacrifice) aide au
développement de la connaissance et de la sagesse véritables.
25° ‘’Certains aspirants offrent un culte aux dieux mineurs. Quand elles sont
accomplies avec une réelle dévotion, ces offrandes apportent la croissance spirituelle.
Les chercheurs plus évolués se consacrent entièrement au Dieu Suprême, au
Brahman, en abandonnant leur conscience individuelle à la Conscience Cosmique, en
offrant leur ego au Seigneur.
26° ‘’Certains aspirants avancés apprennent en fait à suspendre les sens physiques de
l’audition, de la vision, du goût, du toucher et de l’odorat – en les offrant au feu de la
restriction sensorielle. Ils contrôlent ainsi les stimuli à la porte, avant qu’ils
n’accèdent à leur perception. D’autres font l’inverse – ils n’empêchent pas l’accès des
sensations, mais ils contrôlent leur influence sur l’esprit lui-même. Les deux
approches produisent le même résultat : la purification de l’esprit qui est absolument
nécessaire pour la connaissance du Soi.
27° ‘’D’autres, qui ont une connaissance profonde (du vrai Soi intérieur), dans des
actes d’adoration rares, font l’offrande de toutes leurs actions et de toutes les activités
de leurs sens, et même des fonctions de l’énergie vitale, de leurs pulsations
cardiaques et de leur respiration. Leur esprit est suspendu, le monde objectif est
réduit à néant, l’ego disparaît. A ce moment-là, le Soi est si pleinement identifié à
l’Atma – qui est la version personnalisée de Brahman – que celui qui accomplit ce
sacrifice se fond réellement en Brahman.
28° ‘’Il y en a encore d’autres dont le mode d’adoration est de faire l’offrande de leurs
richesses et de leurs possessions. D’autres encore font l’offrande de leur abnégation,
de leur souffrance et de leurs austérités (purifications). D’autres font des vœux
cléricaux ou monastiques, offrent la connaissance des Ecritures. Et d’autres font de la
méditation elle-même une offrande.
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29° ‘’Certains font l’offrande du prana, la mystérieuse force d’énergie vitale en eux. Ils
le font en contrôlant la respiration, en suspendant littéralement leur inspiration et
leur expiration.
30° ‘’D’autres encore s’abstiennent de nourriture et pratiquent le sacrifice en
spiritualisant leur énergie vitale – c’est-à-dire en déversant, métaphoriquement, leur
propre force vitale dans la force vitale cosmique. Le point essentiel de toutes ces
méthodes de sacrifice variées, c’est de développer une certaine attitude mentale. Ceux
qui vivent avec une attitude réellement révérencieuse, dont la vie entière est offerte
pour l’amélioration du monde n’encourent aucun péché (ni aucune dette karmique).
31° ‘’Ce monde n’est pas pour la personne qui n’accomplit aucun sacrifice, aucun
culte. Mais ceux qui vivent réellement leur vie comme une offrande goûtent le nectar
de Dieu. Ils réalisent le Divin par leur dévouement.
32° ‘’Donc, comme tu peux le voir, Arjuna, nombreuses et variées sont les offrandes
que les gens étalent devant Dieu. Toutes proviennent du travail de l’esprit, des sens et
du corps. Quoique l’action sous sa forme ordinaire soit liante, lorsqu’elle est convertie
en culte (dévotion), elle libère. Etre dévotionnel est le plan sacré de la nature.
33° ‘’Faire l’offrande de la connaissance (la connaissance spirituelle du vrai Soi, etc.)
comme sacrifice surpasse n’importe quelle offrande matérielle. Le but de tout ton
travail et de toutes tes actions n’est pas de multiplier tes biens au-delà de toutes
proportions (ce qui ne fait que t’enchaîner à la terre), mais de te conduire à la sagesse
spirituelle (jnana), à la connaissance intuitive du vrai Soi intérieur. Tu es en vie
uniquement pour atteindre l’illumination et t’unir à Dieu.
34° ‘’Une autre attitude qui aide au développement de la connaissance spirituelle,
c’est de vénérer de tout son cœur quelqu’un qui l’a authentiquement réalisée.
Lorsqu’une personne aspire sincèrement à l’illumination spirituelle, la Divinité, d’une
manière ou d’une autre, la met en contact avec un maître éclairé. Interroge
sincèrement ce maître. Tout comme une bougie peut en allumer beaucoup d’autres,
l’âme illuminée peut apporter la lumière à beaucoup de chercheurs compétents.
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35° ‘’Arjuna, une fois que tu auras acquis la sagesse spirituelle, tu ne seras plus jamais
trompé ni confus. Tu verras l’ensemble de la création dans ton vrai Soi et en Moi.’’
LE POUVOIR DE LA CONNAISSANCE DU SOI
36° ‘’La connaissance spirituelle (jnana) accomplit ce que rien d’autre ne peut
accomplir. Même la plus odieuse des personnes malavisées peut traverser le fleuve
traître du péché sur le radeau de cette connaissance spéciale.
37° ‘’Comme un feu brûlant, la connaissance du vrai Soi réduit en cendres les trois
karmas : le karma d’un futur distant, le karma d’un futur proche et le karma actuel
(prarabdha) qui est le karma qui s’épuise dans le présent. La connaissance atmique
détruit les deux premiers karmas et rend ineffectif le troisième, alors même qu’il
opère.
38° ‘’Dans la totalité du monde, rien ne purifie comme la connaissance spirituelle
(connaître le Soi). Mais cela nécessite d’investiguer la nature du Réel et du non-réel et
d’y consacrer entièrement son esprit. En temps voulu, on parvient à connaître ces
choses dans son cœur.
39° ‘’Considère la sagesse spirituelle comme ton but suprême, Arjuna. Approfondis ta
foi. Maîtrise tes sens. Alors, tu atteindras vite cette sagesse et tu réaliseras la paix
parfaite de la Divinité.
40° ‘’Les ignorants (qui méconnaissent l’Atma et qui sont dépourvus de foi) gaspillent
leurs vies. Par leur incrédulité, ils s’écartent du Soi et donc de la véritable unité avec
les autres. Misérables, ils ne peuvent pas être heureux, ni dans ce monde ni dans
aucun monde au-delà.
41° ‘’Les gens qui connaissent réellement la Divinité, qui ont renoncé à l’attachement
aux fruits de leur travail en l’offrant au Divin, qui ont utilisé l’épée de la connaissance
pour trancher leurs doutes concernant la vérité de leur Atma – aucun lien ne peut
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entraver ces gens. Quoique l’action les occupe toujours, le karma ne peut pas les
souiller.
42° ‘’Ô prince, l’ignorance de ton vrai Soi est la cause de ta répugnance actuelle à agir,
tout comme le contraire de l’ignorance, la connaissance du Soi entraînerait une action
intrépide. Alors, armé de l’épée de la sagesse, tranche les doutes qui ont envahi ton
cœur. Lève-toi, ô meilleur d’entre les hommes et prends position. Sois un guerrier !’’
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CHAPITRE 5 : CONTEMPLER LE BUT
(SANYASA YOGA)
‘’En sachant ceci, tu arrives à l’endroit où toutes les voies se rencontrent et tu acquiers
une paix de l’esprit durable.’’
1° Arjuna dit : ‘’J’ai écouté attentivement, Krishna, mais à un moment donné, Tu
recommandes la voie de la connaissance ou de la contemplation (une sorte de
sanyasa yoga) et l’instant d’après, la voie de l’action sans désir (le karma yoga). Cela
me semble contradictoire. Laquelle est vraiment la meilleure pour moi ?’’
2° Krishna répond : ‘’Les deux voies conduisent au même but qui est la libération
(moksha). Mais le karma yoga, la voie de l’action, est meilleure pour toi, Arjuna, et
pour la plupart des gens. De nombreux chercheurs spirituels présument qu’ils
devraient se retirer comme des sannyasins (renonçants) et ils peuvent être bénis tout
un temps par la tranquillité, mais le plus souvent, ce n’est qu’une mascarade de l’ego
sous forme de quiétisme.
3° ‘’L’homme d’action désintéressé (le karma yogi), qui ne ressent ni désir, ni
aversion, qui n’aspire ni à une chose ni ne répugne à une autre est le vrai
‘’renonçant’’. Ce qui importe, ce n’est pas comment tu te désignes, mais si tu es
affranchi de la volonté personnelle (de l’ego). Sans ego, tu te libères du karma.
4° ‘’Ceux qui sont mal informés pensent que ces deux voies – celle du renoncement
(sanyasa yoga) et celle de l’action (karma yoga) produisent des résultats différents,
mais ce n’est pas vrai. Dans l’essence, elles sont identiques : compare-les.
5° ‘’La connaissance juste (jnana yoga) conduit à l’action juste. L’action juste (karma
yoga) génère la connaissance juste. Emprunte l’une ou l’autre voie jusqu’à son terme
et elles se rencontrent. Là, le chercheur de connaissance contemplatif accueille
l’homme d’action et tous les deux sont pareillement affranchis du cycle de la
naissance et de la mort. Celui qui connaît cette unité des voies connaît réellement la
vérité.’’
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LE RÔLE DE L’ACTION (KARMA)
6-7° ‘’Comme Je l’ai déjà mentionné plus tôt, Arjuna, tu ne peux pas renoncer à
l’action sans l’accomplir d’abord. Le karma yogi arrive à réaliser, par l’expérience
directe de l’action désintéressée dans le monde, que la vie qui transcende les
tiraillements du désir matériel est meilleure que la vie qui s’emberlificote dans ceuxci. Sans l’expérience directe, on doit se fier à des théories et à des concepts. Les
théories et l’imaginaire n’ont pas de place dans la carrière spirituelle d’une personne.
‘’L’esprit qui s’absorbe dans le Divin tout en s’engageant dans des activités matérielles
est purifié. La purification de ton esprit veut dire que ton sentiment d’être l’auteur
disparaît et que Dieu devient l’auteur. Cela veut dire aussi que tu réalises que ton Soi
est l’Atma dans tous les êtres. Cette pureté d’esprit et de cœur conduit à une
discipline spirituelle plus élevée et donc à la véritable unité avec la Divinité. C’est à ce
niveau le plus élevé que convergent les voies du renoncement et de l’action.
8-9° ‘’La personne illuminée pense toujours : ‘’Je (le Je réel) ne fais rien ; je (ce corps)
ne suis que l’instrument.’’ Elle est constamment consciente de ceci en voyant ou en
entendant, en touchant ou en sentant, en mangeant, en se déplaçant, en dormant, en
respirant, en parlant, en lâchant ou en saisissant ou même en ouvrant ou en fermant
les yeux – consciente que toutes ces activités ne sont qu’interactions entre les sens
physiques et les objets matériels. Ces activités peuvent sembler réelles, mais ce n’est
pas le Soi, c’est simplement la nature qui est à l’œuvre. Toutes les actions qui ont trait
à l’existence corporelle ont lieu dans le moi matériel, qui n’est pas le Soi réel. L’Atma,
comme tu l’as appris, se situe au-delà de toutes les questions matérielles.
10° ‘’Tout comme le lotus qui flotte à la surface d’une eau boueuse n’est pas touché
par l’eau, quand tu offres toutes tes actions au Divin et quand tu renonces à tout désir
de résultat, tu ne peux pas être contaminé.
11° ‘’La pureté d’action, d’esprit et de cœur est absolument essentielle pour continuer
à croître spirituellement. Pour un karma yogi qui oriente toute sa vie vers la Divinité,
le corps, les sens et l’intellect ne sont que les instruments de son auto-purification.
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Tout travail que ce karma yogi accomplit est effectué sereinement et ceci augmente
son épanouissement spirituel.
12° ‘’Le karma yogi offre au Divin tout travail et tout désir pour les fruits du travail –
et obtient ainsi la paix éternelle dans le Divin. Mais la personne qui est mue par le
désir égoïste s’empêtre dans les agitations et les angoisses du mental.
13° ‘’Le vrai yogi, qui est maître de lui-même et qui s’est mentalement libéré des
actions matérielles, vit satisfait comme résident intérieur, simple résident du corps.
Ces yogis ne s’astreignent pas sans cesse à agir et ils n’engagent pas non plus les
autres à agir.
14° ‘’C’est mystérieux, Arjuna. Dieu a créé ce système, mais Il n’en est pas l’opérateur.
La Divinité ne détermine pas les agissements matériels de l’humanité et Elle
n’insuffle pas non plus le sentiment d’être l’auteur de l’action (l’ego) dans l’humanité
– et Elle ne relie même pas les actions aux conséquences des actions. La nature fait
tout cela. Toutes les actions, toutes les œuvres, tous les karmas reviennent à la
nature, pas au Divin. C’est l’humanité qui détermine sa propre destinée terrestre. Les
gens scellent leurs propres sorts.
15° ‘’De plus, Dieu n’est pas responsable et Il ne prend pas non plus note des
mauvaises actions ni même des bonnes actions d’une personne. Les mauvais karmas,
tout comme les bons karmas sont le résultat d’actions accomplies par des gens qui
pensent à tort que leur vrai Soi (l’Atma) est relié au matériel – ce qui n’est pas le cas.
C’est un point insaisissable, mais un point important. Le Divin est perfection, calme
et félicité absolus. Les actes matériels n’ont aucune place dans cette pureté bénie.
Penser autrement est ce que J’entends par ignorance et par illusion. Je répète : Dieu,
le vrai Soi à l’intérieur de chaque être vivant, ne participe en aucune façon aux
activités de la nature matérielle.’’
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LA LUMIÈRE DE LA SAGESSE
16° ‘’Tout comme les ténèbres de la nuit se dissipent, quand le soleil se lève, les
ténèbres de l’ignorance et de l’illusion se dispersent aussi, quand tu obtiens la
connaissance de ton vrai Soi.
17° ‘’Les sages jnana yogis (que J’ai précédemment nommés sthithaprajnas,
personnes illuminées), chassent cette ignorance de l’esprit et ils effacent ainsi les
impuretés passées. Ils fixent constamment leur esprit purifié sur la Divinité et ils
demeurent totalement absorbés dans le Divin, leur seul et unique but. C’est ainsi
qu’ils se fondent en Dieu et qu’ils sont libérés du cycle de la naissance et de la mort
pour ne plus jamais renaître.
18° ‘’Ils savent que la lumière du soleil touche pareillement toutes les créatures. Ceux
qui possèdent cette sagesse du Soi considèrent tous les êtres avec cette vision unifiée
et ils ont le même amour pour tous, que ces êtres soient spirituellement avancés ou
qu’il soient les derniers d’entre tous – ou même une vache ou un chien. Celui qui
connaît réellement Brahman voit uniquement la Divinité dans chaque être et dans
chaque chose.
19° ‘’Même dans le corps, ces êtres illuminés (jnana yogis ou jnanis) transcendent
toute notion d’une existence séparée de Dieu. Ils concentrent continuellement leur
esprit sur l’unité absolue de la Divinité et leur propre unité avec Cela. Puisque le
Divin est sans défaut, ils sont aussi sans ombre ni distorsion, réfléchissant la
perfection ultime de Dieu. Cette perfection est identique chez tout le monde : on
l’appelle Atma – néanmoins, elle n’est perçue que par les sages.’’
RÉALISER LA FÉLICITÉ DE BRAHMAN
20° ‘’Les sages, Arjuna, sont totalement libérés de l’illusion. Ils connaissent la
Divinité Suprême (Brahman) et ils ont l’expérience directe de leur propre identité
dans Cela. La bonne fortune ne les transporte pas au comble de l’allégresse et le
malheur ne les précipite pas au trente-sixième dessous. Ils ne jubilent pas et ils ne
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s’affligent pas. Ils savent que la sensation de plaisir apparaît et disparaît en un éclair
et ils savent que le prix du plaisir est inévitablement la souffrance et la douleur, ce qui
est effectivement très cher payé.
21° ‘’Ces personnes qui ne s’illusionnent pas n’ont besoin d’aucun soutien extérieur.
Par une méditation intense sur le Divin, totalement absorbées en Dieu, elles ont
réalisé la félicité éternelle qui émane de vivre dans le Soi (Atma). Grâce à cette
conscience spirituelle, elles s’élèvent au-dessus des attractions des sens et elles
éprouvent une félicité constante. Ivres de Dieu, elles se délectent de la Divinité et de
rien d’autre.
22° ‘’Les sages reconnaissent la nature transitoire des satisfactions matérielles et ils
ne recherchent donc pas le bonheur dans le royaume des sens. Les réjouissances
sensuelles sont les matrices de la souffrance. Les plaisirs terrestres, bien qu’ils
paraissent agréables, sont fugaces et en fin de compte douloureux. Les sages savent
qu’inévitablement et immanquablement, la souffrance ou l’abattement emboîte le pas
au plaisir matériel.
23° ‘’Le désir et la colère sont des contreparties, Arjuna. La colère est ta réponse aux
frustrations de désirs non satisfaits. Lorsque tu pourras contrôler ou transcender le
désir et la colère (qui émanent du corps, pas de l’Atma), tu auras trouvé le véritable
bonheur durable.
24° ‘’Ceux qui trouvent la paix et la joie complètement à l’intérieur d’eux-mêmes sont
ceux qui sont vraiment heureux. Leur félicité est directement proportionnelle à leur
affranchissement vis-à-vis des attractions matérielles. Pour finir, ils s’unissent
réellement à la Divinité, la Source même de félicité qui réside en eux.
25° ‘’Les péchés (erreurs) de ces sages ont été lavés. Leurs désirs et la colère et
l’avidité qui accompagnent toujours les désirs, ont disparu. Leur ignorance a disparu,
évincée par la connaissance de l’Atma. Leur esprit et leur cœur résident constamment
dans le Divin et cherchent toujours à contribuer au bien-être de tous. Ceux qui
parviennent à la félicité éternelle de la Divinité sont les saints réels.
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26° ‘’Ceux qui expérimentent réellement la Divinité ont brisé les chaînes du désir
égoïste. Par un effort permanent et intense, ils ont assumé la charge de leur esprit et
de leur corps et ils sont réellement au-dessus du désir, de la colère et de l’avidité. Ils
demeurent maintenant dans leur vrai Soi et ils expérimentent partout la félicité
éternelle !
27-28° ‘’Le processus pour vaincre le mental et les sens consiste à exclure le monde
extérieur en concentrant son regard sur le centre de la conscience spirituelle entre les
sourcils et à égaliser graduellement le souffle entrant et sortant. Puis, quand le corps,
le mental, les sens et l’intellect sont sous contrôle (sans désir, ni peur, ni colère), la
réalisation de la liberté et de la félicité constantes au sein de la Divinité survient.
29° ‘’Ne pense qu’à Moi, sans interruption, Arjuna. Sache que Moi, la Divinité
(Brahman), Je suis l’objet de tous les cultes et le bénéficiaire de toutes les offrandes.
Sache que Je suis la source de tous et l’ami de tous les êtres, partout. Sachant ceci, tu
arrives à l’endroit où toutes les voies se rencontrent et tu réalises une paix de l’esprit
durable.
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CHAPITRE 6 : DOMPTER L’ESPRIT ET
LES SENS
(DHYANA YOGA)
‘’…pas simplement connaître Dieu, mais s’unir littéralement à Dieu ! C’est le plan et le
but profonds de la création qui est caché à la plupart des gens.’’
1° ‘’Krishna continue le dialogue : ‘’Celui qui travaille dans le monde sans avoir besoin
d’une récompense ni attendre une récompense est à la fois un sannyasin (vrai
renonçant) et un karma yogi (yogi actif). Mais celui qui s’abstient simplement d’agir
dans le monde n’est ni l’un ni l’autre. Tu ne peux pas simplement abandonner tes
devoirs matériels, mais tu dois les accomplir au maximum de ta capacité humaine à
l’excellence.
2° ‘’Je répète, Arjuna, nul ne peut réellement s’unir à la Divinité sans renoncer à ses
désirs et sans abandonner son attachement au fruit de ses actions. Les voies de
l’action sans désir (karma yoga) et du renoncement (sanyasa) peuvent sembler
différer, mais ce n’est pas le cas. Toute la croissance spirituelle se fonde sur le
renoncement aux attachements et aux motifs égoïstes.
3° ‘’La voie, pour ceux qui grimpent vers les sommets spirituels, c’est l’action
désintéressée (le karma yoga). Pour ceux qui sont parvenus au sommet (l’union avec
Dieu), la sérénité profonde et l’absence de pensée sont leur voie.
4° ‘’Dieu ne peut pas être perçu dans l’effervescence mentale du matériel. Tu dois
éradiquer les pensées du monde. Quand tu ne t’attacheras plus à accomplir l’action et
quand tu auras éliminé tout désir de choses matérielles, alors seulement tu auras
atteint l’état le plus élevé du yoga (qui, encore une fois, est l’union avec la Divinité).
5-6° ‘’Je dois ajouter, Arjuna, que tu dois t’élever par tes propres efforts ! Tu ne dois
pas te permettre d’être humilié par ton ego. Sache que le moi peut être un ami ou un
ennemi – un ami, quand tu l’emploies pour conquérir le mental, les sens et le corps ;
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un ennemi, s’il t’entraîne dans le mental, les sens et le corps. Le vrai Soi (l’Atma) est
l’allié ; l’ego-mental est l’ennemi.
7° ‘’La personne sereine, qui est absorbée en Dieu et qui vit ainsi dans la paix, est le
vrai renonçant. Le maintien d’un esprit égal dans la chaleur et dans le froid, dans le
plaisir et dans la douleur, dans l’honneur et dans la disgrâce est un signe de la
personne spirituellement mûre. Le maintien d’un équilibre physique, mental et
intellectuel, quelle que soit la difficulté du défi, conduit à l’enjouement permanent qui
caractérise à coup sûr le yogi. (Rappelle-toi, un vrai yogi n’est pas un reclus spirituel,
mais une personne disciplinée et sainte qui vit pleinement dans le monde.)
8° ‘’La personne qui connaît l’Atma a conquis les sens et est calme en toutes
circonstances – cette personne est parvenue au sommet de la conscience humaine. Ce
yogi considère une motte de terre, un caillou ou une pépite d’or d’un œil égal. Les
gens matérialistes poursuivent les choses terrestres ; les gens pieux ne recherchent
que le Divin.
9° ‘’Le yogi qui contemple d’un regard égal les saints ou les pécheurs, ses parents ou
des étrangers, amis ou ennemis, ceux qui lui veulent du bien ou même ceux qui lui
veulent du mal est effectivement supérieur.
LA MÉTHODE DE MÉDITATION
10° ‘’Pour réaliser cet état divin, Arjuna, tu dois t’absorber complètement dans le vrai
Soi via le processus de la méditation (dhyana yoga). Tu dois contrôler ton esprit, ton
corps et tes sens et te libérer des possessions, des attentes, des désirs et de l’avidité.
Tu dois vivre seul, au moins intérieurement, dans un endroit calme. Cette discipline
interne appelée méditation est impérative, parce qu’elle est te permet d’atteindre des
buts élevés et nécessaires.
11-12° ‘’La méthode comprend la localisation d’un endroit propre où s’asseoir, ni trop
haut, ni trop bas, recouvert d’herbe kusha, d’une peau de daim et d’un tissu, dans cet
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ordre.2 Ensuite, le méditant s’efforce de calmer toutes ses pensées et ses sensations.
Purifier ainsi l’esprit le rend à son état d’origine et invite Dieu à entrer.
13-14° ‘’Pendant la méditation, assieds-toi droit, garde ton corps immobile et
empêche ton regard de vagabonder en fixant le bout de ton nez. Ou bien ferme les
yeux et concentre-toi sur le centre de la conscience spirituelle entre les sourcils.
Demeure dans un calme parfait avec tes pensées fixées sur Moi, le Divin.
15° ‘’Par une longue concentration, le mental cesse ses errances. Après quelque
temps, on développe ce qui est en essence une nouvelle faculté sensorielle connue
sous le nom de medha nadi, une capacité de pénétration intuitive qui fait que les
questions épineuses de la vie ne sont plus des problèmes. Le yogi qui a son esprit
constamment centré sur le Divin trouve la sérénité profonde, l’aboutissement de la
Réalisation du Soi et se fond en Moi.
16-17° ‘’Les gens qui mangent de trop ou trop peu ou qui dorment de trop ou trop peu
n’auront aucun succès dans la méditation. Prends seulement de la nourriture qui
n’échauffe pas le corps et qui n’excite pas l’esprit. Quand tu équilibres et quand tu
régules tes habitudes alimentaires, de sommeil, de travail et de divertissement, alors
la méditation dissout le chagrin et détruit la souffrance mentale.’’
LE YOGI
18-19° ‘’L’esprit est depuis longtemps dissipé par les choses matérielles et il ne se
maîtrise pas facilement, Arjuna. Mais quand on contrôle parfaitement et quand on
soustrait complètement l’esprit aux désirs égoïstes, alors on est en yoga, en union
avec la Divinité. L’esprit du yogi totalement concentré sur le vrai Soi n’oscille pas,
comme la flamme stable d’une bougie dans un lieu abrité.
20° ‘’Quand l’esprit devient immobile et calme, le Soi se révèle. Dans cette
profondeur, on expérimente la joie et la paix de la plénitude totale.
2
Certains détails des méthodes anciennes ont bien sûr changé au fil du temps, mais les principes restent les
mêmes.
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21-22° ‘’Quand tu plonges profondément dans cette félicité infinie du Seigneur qui se
situe au-dessus et au-delà des sens, tu ne t’éloignes plus jamais de la Vérité la plus
intime. Le but et le moyen d’atteindre le but deviennent identiques, la vie elle-même
devient méditation.
23° ‘’Dans cet état suprême, tu ne désires absolument rien d’autre et tu ne peux être
ébranlé par aucune calamité. Etre dans cet état mental, c’est connaître la signification
réelle du yoga (union avec Dieu). En fait, atteindre cet état, c’est couper tout contact
avec la douleur et assurément mettre un terme à tout ton chagrin.
24-26° ‘’Renonce à tous les désirs égoïstes qui ne sont que les produits de l’ego.
Utilise ton esprit pour juguler tes sens. Empêche ton esprit agité et nerveux de
vagabonder au dehors à la recherche de stimulations et de satisfactions. Tourne-le
vers l’intérieur et entraîne-le à se reposer en Dieu. Garde ton attention fixée sur
l’Atma, ton vrai Soi. Ne pense à rien d’autre. Alors, la paix et la quiétude te gagneront
progressivement.
27-28° ‘’Celui qui demeure dans le calme parfait avec le Divin, purifié des désirs et
des passions, qui connaît la vérité de l’Atma, repose dans la félicité suprême de
Brahman. Constamment uni à la Divinité, la félicité de ce yogi est éternelle.
29° ‘’Ainsi touché par Dieu, ce yogi voit l’unité et le vrai Soi (la Divinité) partout, dans
chaque créature, dans toute la création.
30° ‘’Ceux qui Me voient dans chaque chose et chaque chose en Moi connaissent la
vérité confondante que le Soi de l’individu est le Soi de tous. Puisqu’ils vivent dans la
conscience spirituelle permanente, Je ne suis jamais hors de vue ni perdu pour eux –
et ils ne sont jamais hors de vue ni perdu pour Moi.
31° ‘’Ceux qui sont en union cosmique avec Moi Me vénèrent (Brahman) dans les
cœurs de tous. Quel que soit leur mode de vie extérieur ou leur statut, puisqu’ils sont
passés du moi à Dieu, ils vivent leurs vies en Moi – et ainsi, chacun de leurs contacts
avec les autres êtres est intérieurement une adoration.
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32° ‘’Ces grands yogis savent avec certitude qu’ils sont un avec Brahman et par
conséquent un avec l’univers. Ainsi, ils éprouvent les joies et les tristesses ressenties
par autrui, comme l’expérience du Tout. Ceci est l’union spirituelle la plus élevée. Je
considère ces yogis comme les plus grands de tous…’’
33-34° ‘’Arjuna interrompt à nouveau : ‘’C’est impossible, Krishna ! Mon esprit est si
agité et si turbulent que je ne puis imaginer être jamais capable de parvenir à cette
grandeur que Tu enseignes. L’esprit humain est une fourmilière d’inconstance. Il est
aussi puissant qu’un éléphant rempli de désirs têtus pour des choses matérielles. Il
est pareil à une mule. S’il n’obtient pas ce qu’il veut, il devient irascible et intriguant.
Mon esprit ne pourra jamais être capturé, il ne reste jamais en place. Essayer de
l’attraper et de le maîtriser, c’est comme tenter de s’opposer à un vent furieux.’’
35° Krishna se met à sourire : ‘’Tu connais la nature de l’esprit, Arjuna. Il est agité et
difficile à soumettre, mais on peut le faire. Il y a quatre moyens principaux pour le
faire : la pratique régulière, l’enquête incessante, le détachement et une foi ferme.
Laisse-Moi t’expliquer.
‘’Par la pratique régulière, tu peux détacher l’esprit des attractions matérielles et
l’attirer vers l’Atma. En s’intériorisant, il devient plus calme. L’auto-investigation
incessante (vichara) conduit à la connaissance de l’Atma, le vrai Soi à l’intérieur de
toi. Le détachement (vairagya) résulte de cette auto-investigation et du discernement
(buddhi). Si tu concentres sérieusement tes pensées sur toutes les conséquences
négatives des désirs au fur et à mesure qu’ils surgissent en toi, la passion qu’ils
engendrent se tarit graduellement. Avec la diminution de la passion, ton esprit peutêtre contrôlé. Une foi solide et dévouée (sraddha) t’apporte la force de détermination
et de volonté pure. Ces quatre moyens sont connexes à la pratique de la méditation.
36° ‘’Ceux qui ne maîtrisent pas leur ego trouveront difficiles de contrôler l’esprit.
Mais ceux qui s’y efforcent avec les moyens corrects (la pratique incessante et le
détachement) domineront leur esprit volage et capricieux.’’
66
LA PROMESSE DE KRISHNA
37-39° Arjuna interrompt à nouveau : ‘’Qu’en est-il, si l’on meurt en essayant,
Krishna ? Qu’advient-il du yogi imparfait qui peut avoir la foi, mais qui ne peut
simplement pas soumettre son esprit et qui par conséquent s’éloigne de la voie, perd
de vue le but et meurt, sa tentative déjouée ? Ce yogi aura-t-il échoué dans les deux
monde, celui-ci et l’au-delà, tout comme le nuage qui se dissipe dans le ciel, incapable
de remplir sa mission d’apporter la pluie ? Chasse ce nuage sombre du doute qui est
en moi, Krishna.’’
40° Krishna répond : ‘’Le travail spirituel n’est jamais perdu. N’aie pas peur, Mon
ami. Celui qui accomplit ce bon travail n’aboutira pas à une mauvaise fin, ni dans ce
monde, ni dans aucun monde au-delà. Il te faut connaître cette vérité profonde,
Arjuna : celui qui s’efforce d’atteindre la réalisation ne perd jamais !
41-43° ‘’Conformément à la loi du karma, les âmes se réincarnent dans des milieux
adaptés à leur réalisation spirituelle. Les bonnes personnes (même celles qui se sont
éloignées de la voie spirituelle), quand elles meurent, se rendent au Ciel de ceux qui
font de bonnes actions. Elles y demeurent un certain nombre d’années, puis elles
renaissent, cette fois-ci dans un foyer pur et prospère. Quelques-unes d’entre elles
naîtront dans une famille spirituellement avancée, mais de telles naissances sont
difficiles à obtenir. Quand ceci se produit, le bon environnement fait ressortir leur
spiritualité latente et les conduit rapidement vers la libération.
44° ‘’Celles qui sont nées dans des foyers purs et prospères ont d’abord l’opportunité
d’exaucer les désirs relativement inoffensifs auxquels elles tenaient dans leurs corps
précédents. Mais dès qu’il est mis un terme à ces plaisirs, elles se sentent
irrésistiblement attirées vers la spiritualité par la force des bonnes habitudes qu’elles
avaient développées dans leur vie précédente. Même celles qui ne montraient qu’un
faible intérêt en s’informant simplement sur les questions spirituelles, progressent
plus que celles qui se contentent de suivre sans réfléchir les rites et les cérémonies de
leurs systèmes de croyance et qui bloquent ainsi leurs vrais progrès spirituels.
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45° ‘’Par un effort spirituel constant étalé sur de nombreuses vies, une personne se
purifie de tous les désirs et parvient au but ultime de l’union avec Dieu. Etre un yogi
veut dire que l’on est sérieusement sur la voie, mais pas nécessairement au bout. On
est un ‘’yogi’’ dans ce processus et on devrait persister, naissance après naissance,
jusqu’à ce qu’on soit prêt à fusionner avec la Divinité Suprême.
46-47° ‘’Le yogi qui progresse vers la Divinité est tenu comme plus évolué que les
ascètes qui pratiquent une pénitence sévère, comme supérieur aux érudits qui
connaissent les Ecritures et aux ritualistes qui accomplissent des rites en recherchant
des faveurs. Tous ceux-ci sont encore empêtrés dans le désir, dans une certaine
mesure. Alors, sois un yogi, Arjuna !
‘’Sache que le vrai yogi a choisi un grand idéal, cependant accessible dans la vie : se
tourner vers Dieu, progresser constamment et consciemment vers la Divinité – pas
juste avoir des connaissances sur Dieu, mais connaître Dieu au sens le plus complet,
littéralement devenir un avec le Divin !
C’est le plan et l’objectif profond de la Création qui est caché à la plupart des gens.
Arjuna, sois celui qui Me donne tout son cœur. Un tel yogi sera réellement Mien.’’
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2ÈME PARTIE :
LA NATURE
MÊME
DE DIEU
69
CHAPITRE 7 : CONNAÎTRE ET EXPÉRIMENTER
LA DIVINITÉ
(JNANA-VIJNANA YOGA)
‘’Je connais chaque être présent, passé et à venir, mais personne ne Me connaît
complètement.’’
1° Krishna dit : ‘’Permets-Moi d’être très clair, Arjuna. Ceci peut te paraître
impossible, mais un simple humain peut réellement arriver à connaître Dieu – pas
juste avoir des connaissances sur Dieu, mais réellement connaître Dieu. Ecoute,
pendant que Je t’explique comment y parvenir : en consacrant tout ton esprit à la
Divinité (Moi), en n’aimant que Moi, en méditant sur Moi et en dépendant
entièrement de Moi, comme ton unique refuge, tu parviendras sans aucun doute à Me
connaître dans Mon entièreté.
2° ‘’Pour ceci, tu auras besoin de la connaissance de la Divinité (jnana) et de la
sagesse de la Divinité (vijnana). Je te les donnerai. La différence entre les deux, c’est
ceci : on apprend à connaître via les sens et via l’esprit – c’est-à-dire, par la vision et
par la pensée. Mais on obtient la sagesse par la saisie directe, la perspicacité et
l’intuition. La connaissance la ‘’connaît’’ à un niveau intellectuel ; la sagesse la
‘’réalise’’ pleinement et peut l’appliquer dans la vie quotidienne. Une fois que tu
combines les deux, il n’y a rien d’autre à connaître dans ce monde.
3° ‘’Une personne sur des milliers recherche la connaissance de Dieu complète et
parmi celles-ci, une personne sur des milliers l’obtient réellement. Malgré ces
chiffres, c’est la Volonté de Dieu que tous les êtres soient destinés à atteindre ce degré
de perfection, avec le temps. Les rares personnes qui atteignent ce niveau de
connaissance deviennent impossibles à distinguer de la Divinité (Moi) et obtiennent
ainsi la libération.’’
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L’ESSENCE DE LA DIVINITÉ
4-5° ‘’Ecoute attentivement, car Je vais t’expliquer l’essence de la Divinité. Sache
d’abord que J’ai deux aspects : un aspect inférieur et un aspect supérieur. Mon être
inférieur est le royaume de la nature (prakriti). Conformément à l’ancien système de
connaissance, celle-ci comprend huit composantes fondamentales : la terre, l’eau, le
feu, l’air, l’éther (l’espace), le mental, l’intellect (le mental supérieur, buddhi) et l’ego.
Note que ces composantes fondamentales sont classée par ordre croissant, de la
matière grossière (les éléments physiques et chimiques) au plus subtil et plus raffiné :
le mental, l’intellect et l’ego (qui est le sentiment basique d’être un moi physique). Et
note que toutes ces huit composantes, même les très subtiles, appartiennent à
prakriti, le cosmos, le monde de la nature.
‘’Au-delà du monde de la nature, Je possède un second aspect, supérieur, qui est
distinct de toute la nature et qui pourtant agit sur elle. C’est Mon royaume spirituel
(Purusha). Purusha est la Force de vie, la source de conscience dans tous les êtres et
l’animateur de toute vie. Ce mystérieux Pouvoir soutient et maintient tout l’univers.
6° ‘’La combinaison de ces deux royaumes, la nature (qui est la matière inerte) et
l’Esprit (qui est la Conscience de Vie) est la matrice de tous les êtres. La vie elle-même
émane de cette union de la nature et de l’Esprit. Tout l’univers se développe à partir
de ces deux aspects de Moi et se dissoudra finalement en Moi.
7° ‘’Je suis la Pure Conscience, Arjuna, l’essence qui sous-tend tous les éléments et
tous les êtres. Rien, absolument rien n’existe qui soit séparé de Ma Divinité. Il n’y a
aucun pouvoir dans le cosmos qui n’émane pas de Moi et qui ne M’appartienne pas.
Tout l’univers est suspendu à Moi, comme si J’étais le fil d’un collier de perles. Les
perles peuvent être très différentes, mais la force qui les maintient toutes ensembles,
le fil central, c’est Moi, la Divinité.
8° ‘’Je suis la nature innée de chaque chose. Dans l’eau pure, Je suis la douceur. Je
suis le rayonnement du soleil et de la lune. Au cœur même des êtres humains, Je vis
comme virilité et courage. Je suis le Verbe sacré Om qui désigne le Divin et J’en suis
le son que l’on perçoit dans tout l’univers.
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9° ‘’Je suis la senteur délicate et légère, le doux parfum de la terre. Je suis l’éclat du
feu et du soleil. Je suis la lumière de la Divinité dans tous les êtres. Je suis l’esprit
subtil des pratiques spirituelles qui leur donne leur existence – Je suis l’amour du
dévot, par exemple ou l’austérité de l’ascète ou l’exquis sentiment de charité du
donneur.
10° ‘’Je suis la semence primordiale de toutes les entités, le pouvoir de discernement
(buddhi) de ceux qui sont intelligents, la splendeur de tous les êtres et de toutes les
choses resplendissantes.
11° ‘’Chez les forts, Je suis leur puissance et leur vigueur. Comme Je suis au-delà de
tout attachement, Je suis l’énergie du désir désintéressé. Je suis la force subtile des
bonnes actions qui les accorde au bien-être de l’humanité. Je suis le désir inné d’aider
les autres.
MAYA ET LES GUNAS
12° ‘’Arjuna, toute la nature est composée de trois caractéristiques appelées gunas. La
première est la bonté (sattva) ; la deuxième, l’activité passionnée (rajas) ; et la
troisième, l’obscurité, l’indolence, l’inertie (tamas). Elles émanent toutes de la nature
qui est Ma nature inférieure. Je revêts l’apparence de ce monde naturel, mais Je suis
distinct de lui. Ces trois qualités de la nature sont contenues en Moi, la Divinité, mais
Je ne suis pas en elles au sens où il Me faille dépendre d’elles en aucune manière. Je
ne dépends pas de la nature, elle dépend de Moi.
13° ‘’Les trois qualités de base de la nature (la bonté, la passion et l’obscurité) sont
comme les trois couleurs primaires qui se combinent à l’infini pour créer toutes les
nuances dans l’univers. De même, ces gunas se combinent infiniment pour créer
toute la variété de la nature. Tout cela semble ‘’réel’’, mais vu que cela change
constamment, ce n’est pas réel. A cause de cette mentalité de maya (l’illusion que le
monde est réel), les gens ne regardent pas au-delà du voile de l’illusion vers Moi, la
Conscience immuable, la Réalité absolue au-delà de tout le matériel ; ils ne regardent
pas au-delà vers Moi, qui suis la base de tout.
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14° ‘’Ce voile de l’illusion (maya) est difficile à percer, Arjuna. Seuls ceux qui aiment
et qui dépendent complètement de la Divinité réussissent finalement à le percer.
15° ‘’Ceux qui sont incapables de voir au-delà du voile ne peuvent pas discerner entre
le Réel et l’irréel. N’étant pas conscients de la Réalité de leur propre nature
supérieure (le vrai Soi intérieur), ils sombrent dans la nature inférieure, agissent mal
et commettent des actes qui les éloignent de la Divinité. Ne distinguant pas le saint de
l’impie, ils ne Me sont bien sûr pas dévoués à Moi, la Divinité.’’
LES QUATRE TYPES DE FIDÈLES
16° ‘’Il y a quatre types de personnes qui cherchent à établir un lien avec Moi :
premièrement, les gens qui sont las du monde – les gens qui prient Dieu pour être
soulagés de leurs souffrances physiques ou mentales ou pour être libérés de leurs
craintes et de l’adversité ; deuxièmement, ceux qui recherchent le bonheur dans les
choses matérielles – les gens qui prient Dieu pour obtenir richesse, famille, pouvoir,
prestige, etc. ; troisièmement, ceux qui recherchent le progrès spirituel – ceux qui
veulent se relier à la Divinité pour obtenir la connaissance et l’expérience qui aideront
à leur autoréalisation ; quatrièmement, les sages – ceux qui connaissent vraiment
l’Atma (le Soi), qui savent que Dieu seul existe et dont la seule impulsion est pour le
Divin et pour rien d’autre.
17° ‘’Parmi ceux-ci, le dernier type est le plus élevé, parce qu’ils connaissent Ma Vérité
et qu’ils Me sont dévoués. Comme Je leur suis extrêmement cher, ils Me sont très
chers. Les trois premiers sont attachés aux objets matériels ou aux états mentaux
qu’ils désirent.
18° ‘’Mais les quatre types sont certainement nobles, parce que toute raison pour se
tourner vers Dieu conduira à la transformation spirituelle, en temps voulu et est donc
bonne, au bout du compte. Toutefois, les sages de la dernière catégorie sont Mon
propre Soi. Ils Me connaissent comme l’essence qui est en eux et sont toujours avec
Moi. Leur dévotion est la plus grande. Tout comme de l’huile versée dans le feu
73
devient feu, les sages qui s’absorbent en Moi deviennent réellement un avec la
Divinité, leur propre Divinité, leur seul et unique but.
19° ‘’Après de longues vies passées à méditer sur Moi, ces sages viennent à Moi. Ils
voient que tout ce monde est en fait leur Soi le plus intime et ils réalisent que Dieu
seul prend l’apparence de tous les phénomènes. De telles grandes âmes sont rares,
sans aucun doute.
20° ‘’D’autres qui espèrent satisfaire leurs désirs matériels s’adressent à des dieux
moindres et offrent des rituels et des rites. Il est très facile d’atteindre ces déités
limitées, mais les bénéfices sont à l’avenant. La guérison de maladies, le gain d’un
litige, l’obtention d’un poste ou de pouvoirs psychiques insignifiants, tout cela attire
les gens matérialistes. Les vrais dévots de la Divinité Suprême n’accordent aucune
pensée aux choses matérielles. La question d’autres dieux ne se pose même pas pour
eux.
21° ‘’Et cependant, Arjuna, quelle que soit la forme de Dieu que les gens choisissent
de vénérer de bonne foi, c’est Moi, la Divinité qui rend leur foi stable et inébranlable.
Je le fais pour les aider à parcourir la voie spirituelle, étape par étape.
22° ‘’Dotés de cette foi ferme, ils obtiennent ce pour quoi ils prient. Les objets qu’ils
reçoivent sont en réalité dispensés par Moi. Les besoins de tous les êtres ne sont
satisfaits que par Moi, la Source cosmique.
23° ‘’Toutefois, les fruits pour lesquels ils prient sont éphémères, périssables (donc
non réels) et ils n’offrent qu’une satisfaction fugitive. Les adorateurs de ces déités des
sens vont à elles, mais Mes dévots viennent à Moi.
24-25° ‘’Les gens dotés de peu de sagesse ne comprennent pas Mon existence
suprême, immuable et ils ne pensent donc à Moi qu’en termes de personnalité
limitée, de corps matériel. Ils sont incapables de saisir la Divinité transcendante audelà de Ma forme humaine. Je ne Me révèle pas à eux. Très peu peuvent percer ce
voile de l’illusion appelé maya que Je tiens devant Moi.
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26° ‘’Arjuna, Ma maya trompeuse et Moi, nous sommes toujours mêlés. Tandis que
les autres sont trompés par l’apparence de la ‘’réalité’’ physique, Je suis omniscient.
Je connais chaque être – passé, présent et à venir – mais nul ne Me connaît
complètement. Si des âmes individuelles ne connaissent pas leur propre vérité
(Atma), comment vont-elles connaître la vérité de Dieu, l’Âme Cosmique ?
27° ‘’Pourquoi les gens ne connaissent-ils pas cette vérité profonde ? Parce qu’aussitôt
qu’ils sont nés, on les conduit à croire que le monde qui les entoure est ‘’réel’’. Ils
oublient leur unité avec la Divinité et ils chutent dans un conditionnement de
préférences et d’aversions qui engendre toutes sortes de désirs, d’attachements et de
haines. Avec leurs systèmes nerveux ainsi conditionnés, leur sens de l’individualité
(ego) est constamment renforcé. L’esprit impur envoûté par l’ego ne songe pas à faire
place à la dévotion pour Dieu. Sans cette dévotion, il est impossible de voir son unité
avec Dieu.
28° ‘’Mais ceux qui purifient leurs actions en les consacrant toutes au Divin
deviennent progressivement moins influencés par leurs propres habitudes et leurs
propres désirs. Petit à petit, ils surmontent le moi inférieur en Me vénérant, Moi, l’Un
insécable.
29° ‘’Peu importe à quel point tu souscris à l’illusion universelle que tu peux éviter la
douleur et n’avoir que du plaisir dans cette vie (ce qui est totalement impossible), tôt
ou tard, il te faudra affronter le fait de ton vieillissement inévitable et de ta mort
finale. Certaines personnes qui tentent d’échapper à la peur de la mort prennent
refuge en Moi. Une fois avec Moi, elles apprennent quel est leur vrai Soi (Atma) et
elles déterminent la nature de la Divinité. Par conséquent, parce que la mort pousse
les gens à chercher des réponses à des questions spirituelles importantes, elle devient
la plus grande servante de l’humanité, plutôt que son ennemi le plus craint.
30° ‘’Finalement, Arjuna, les yogis savent que c’est Moi, la Divinité (Brahman),
l’Adhyatma qui dirige tout le cosmos, ce qui inclut l’univers physique (adhibhuta), les
déités qui servent les objectifs divins (adhidaivas) et les esprits qui s’occupent de tous
les sacrifices ou offrandes (adhiyajnas).
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‘’La sagesse et la dévotion de ces yogis, ces âmes sages, les sert tout au long de leurs
vies – et spécialement à l’heure de la mort, quand la plupart des gens sont effrayés et
confus. C’est pourquoi la sagesse spirituelle est si importante. Ces yogis connaissent
réellement leur propre Atma (qui est la Divinité même, Moi) et ainsi, ils acceptent
calmement et tout naturellement la mort. Leur réalisation divine est à son apogée,
quand ils abandonnent leurs corps. A cet instant, leur conscience s’unit à Ma
Conscience cosmique et ils sont donc dispensés de renaître.’’
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CHAPITRE 8 : LA DIVINITÉ IMPÉRISSABLE
(AKSHARA BRAHMA YOGA)
‘’La question n’est pas d’espérer une bonne naissance, mais de viser une bonne mort.’’
1-2° Arjuna dit : ‘’Attends une minute, Krishna. Tes paroles soulèvent en moi des
questions. Précisément, qu’est-ce que Brahman, au juste, la Divinité Suprême et cet
Adhyatma que Tu as mentionné ? Et quelle est la nature essentielle du karma ? Que
sont réellement ces autres choses auxquelles Tu as fait allusion – adhibhuta,
adhidaiva et adhiyajna ? Je sais que Tu y as fait allusion comme à des esprits ou des
déités qui servent des objectifs divins, mais que veux-Tu dire exactement ? Et
comment exactement les yogis sont-ils unis à la Divinité au moment de leur mort ?’’
3° Krishna répond : ‘’Tu as posé sept questions, Arjuna, certaines d’entre elles étant
plutôt abstraites. Le temps passe vite. La guerre nous attend, prête à nous broyer,
aussi écoute attentivement. Premièrement Brahman (la Divinité) est Ma nature
absolue la plus élevée, plus vaste que tout ce que tu appelles vaste, omniprésente,
partout immanente, le Divin impérissable (indestructible, immortel, éternel).
‘’Ensuite, le terme Atma (ou Adhyatma) est employé pour indiquer la même
immensité, la Divinité Suprême primordiale existant dans tous les individus. Celle-ci
ne peut être connue sans beaucoup d’efforts.
‘’Puis, karma (qui signifie ici action) fait référence dans ce contexte à Mes vibrations
originelles, les actions initiales qui amenèrent à l’existence toute la création et qui la
maintiennent. (Tous les êtres font partie de ce karma.)
4° ‘’Le préfixe adhi signifie ‘’le commencement’’, ‘’premier’’, ‘’originel’’. Il relie
directement ces termes à l’omniprésence de la Divinité primordiale (Brahman).
Adhibhuta a trait à la Divinité la plus ancienne, initiale, qui existe dans l’univers
physique et particulièrement dans les éléments et les pensées qui composent
l’individu. Adhidaiva fait allusion à la Divinité primordiale qui réside dans les
nombreuses déités moindres qui, en tant que Mes agents, font fonctionner le corps, le
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mental et les sens d’un individu. L’œil est éclairé par Surya, le dieu-soleil, la main est
activée par Indra, etc. Et le terme adhiyajna se réfère à la Divinité la plus ancienne
dans l’acte de donner, l’esprit primordial de sacrifice désintéressé qui parcourt toute
la création.
‘’L’idée dans tout ceci, c’est que la Divinité est en fait partout présente dans l’univers,
dans chaque objet, dans toutes les créatures et chaque être individuel – et Elle l’a
toujours été. De plus, cette même Divinité existe dans chacune des activités que tous
ces êtres accomplissent dans la vie quotidienne – et cela a toujours été le cas.
‘’En dépit du fait que l’humanité trouve quantités de moyens pour séparer Dieu du
monde et malgré le fait que tout est périssable dans le monde (ce qui inclut ton corps,
Je te le rappelle), sache qu’il est totalement imprégné par le Divin Suprême
impérissable qui est Moi.’’
COMMENT MOURIR ?
5-6° ‘’Pour ce qui est de ta dernière question qui est très importante, sache ceci : celui
qui se souvient de Moi à l’instant de la mort viendra à Moi, sans aucun doute. La
conscience de cette personne se fondra dans Ma Conscience cosmique.
‘’C’est une loi universelle, Arjuna. La somme totale de toutes tes pensées et de tous tes
sentiments que tu as eus durant toute ta vie se condense en un seul état d’esprit au
moment de quitter le corps. Tu adoptes une constitution mentale particulière à
l’instant de la mort. Tout ce qui a occupé ton attention durant toute ta vie formera
inévitablement ta conscience, quand tu mourras – et c’est dans ce royaume de
conscience qu tu iras. Et puis, quelque temps plus tard, cette même structure mentale
se manifeste à nouveau dans le monde. C’est la prochaine naissance.
7° ’’Alors, que devrais-tu faire ? Pendant toute ta vie, prépare-toi à l’instant de la
mort. En fait, l’instant de la mort ne veut pas dire un instant futur dans le temps, il
veut dire ce moment même ! N’importe quel moment peut être ton dernier ; donc,
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considère-le comme le dernier, parce que ta pensée à cet instant est le fondement sur
lequel ta prochaine naissance se construit.
‘’Vis dans un état de vigilance spirituelle constante. Fais tout pour Dieu. Pense au
Divin à chaque instant. Comme le musicien des rues qui pince habilement les cordes
de sa guitare et qui simultanément joue, accomplis bien tes devoirs terrestres, mais
en même temps, sois conscient à chaque instant de la Divinité. Fais ton devoir,
Arjuna, combats, mais fais-le avec ton esprit et ton cœur fixés sur Moi. Alors, tu
viendras sûrement à Moi.
8° ‘’L’esprit bien entraîné ne poursuit rien d’autre. Par une pratique constante
(abhyasa yoga), la vie devient une méditation de toute une vie sur le Divin. Alors,
quoi que tu fasses, tu acquiers des tendances pieuses. Ceci devient une habitude de
l’esprit. Enseigne à ton esprit cette habitude. C’est ainsi qu’on trouve Dieu et qu’on va
à Dieu.
9° ‘’Le Divin sait tout. Le Divin est l’intelligence qui se cache derrière le
fonctionnement du cosmos entier, le Dirigeant souverain, concepteur de la structure
et du fonctionnement de l’univers. Le Divin est plus subtil que le subtil et néanmoins
le support de tout. Il est inconcevable, incompréhensible, aussi resplendissant et
immuable que le soleil, au-delà des ténèbres de l’ignorance, au-dessus de l‘illusion. Le
Divin est la Cause Première. Avant la Divinité, il n’y avait rien.
10° ‘’Rappelle-toi ainsi du Divin au moment de la mort. Je ne puis assez insister sur
l’importance de ceci. Quand viendra le moment de quitter ton corps, calme
parfaitement ton esprit ; retire complètement ta force vitale dans le centre de ta
conscience spirituelle (entre les sourcils). Tu atteindras ainsi la Divinité.
11° ‘’A présent, Je vais te parler du but suprême, l’état éternel qui est immortel, l’état
impérissable, indestructible indiqué par toutes les Ecritures et qui est au-delà de la
mort et de la renaissance. Seules les personnes qui se contrôlent et qui ne sont pas
contaminées par des désirs matériels peuvent parvenir à cet état.
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12-13° ‘’A l’instant de la mort, on devrait fermer les portes des sens, déposer l’esprit
dans le sanctuaire du cœur (spirituel), concentrer vers le haut toute l’énergie de la
force vitale, vers le centre de conscience entre les sourcils et répéter la syllabe Om qui
Me représente, Brahman, la Divinité suprême.
‘’Ce n’est pas simplement le son externe qui est bénéfique, c’est ce qui se passe à
l’intérieur. L’expression de ce son t’aide à focaliser tes pensées sur l’Unique, sur Dieu.
Quand tu t’absorbes dans la répétition de cette syllabe qui est en essence le nom
divin, tu te concentres sur le Divin – et alors, tu réaliseras le but suprême, la Divinité.
Tout comme la rivière se jette dans l’océan, ta conscience individuelle (Atma) se fond
dans la Conscience cosmique, Brahman.
14° ‘’Arjuna, dans un sens, ceci est l’essence même de Mes enseignements. La
manière aisée de te fondre en Moi, Brahman, c’est de te souvenir constamment,
résolument et incessamment de Moi à chaque instant de ta vie ! De cette manière, tu
es toujours paré pour mourir. La prochaine naissance d’une personne dépend de la
manière dont se passe sa mort. La question, ce n’est pas d’espérer une bonne
naissance, mais de viser une bonne mort.
15° ‘’Ce monde est transitoire et rempli de souffrance. Les grandes âmes qui ont
perfectionné leurs vies et qui sont venues à Moi ne sont plus sujettes à renaître pour
une autre vie. Evite de naître et tu évites la mort.’’
LES PLANS D’EXISTENCE
16° ‘’Les niveaux d’existence au-delà de la mort s’appellent lokas (mondes). Brahma-
loka est le plus élevé d’entre eux. Tous ces mondes et tous les êtres qui y habitent, de
Brahma-loka aux mondes les plus bas, sont sujets à la renaissance, ce qui inclut
Brahma Lui-même (pas Brahman – Brahma, l’aspect créateur de Dieu). Mais celui
qui dépasse ces niveaux moyens et qui parvient à Moi, l’état absolu, lui ne renaît pas.
80
‘’On obtient ce que l’on mérite, Arjuna. Ceux qui ne dépassent pas la notion de
paradis et d’enfer se vouent aux mondes intermédiaires et ils s’attachent eux-mêmes
à la mort et à la renaissance.
17-19° ‘’Contemple le niveau cosmique du temps et de la création. Quand Brahma, le
Créateur, s’éveille à l’aube de chaque jour cosmique, tout cet univers et toutes les
créations qui le composent sont instantanément manifestés et ils se dissolvent à
nouveau dans le non manifesté (sans forme) durant la nuit cosmique de Brahma.
Mais chaque jour et chaque nuit cosmique de Brahma durent des milliers de yugas et
chaque yuga dure entre 10 000 et 400 000 ans. Ce temps est insaisissable pour les
humains. Avec la succession des jours et des nuits de Brahma, la même multitude
d’êtres naissent et meurent automatiquement, tandis que l’univers physique poursuit
son expansion et sa contraction.
‘’Cet éternel jeu cosmique est le même dans le microcosme de l’âme individuelle que
dans le cosmos. Lorsqu’un individu se couche, tout le monde que son esprit
expérimente comme ‘’réel’’ disparaît pour réapparaître seulement au réveil.’’
L’IMMORTALITÉ
20° ‘’Mais au-delà même de l’état mystérieux, non manifesté dans lequel se dissolvent
tous les êtres lors de la nuit cosmique, il y a une autre Réalité non manifestée. C’est
Brahman, la Divinité, la Chose en Soi qui est au-delà du temps, qui ne périt pas,
même quand l’existence elle-même se dissout !
21° ‘’C’est cette Chose en Soi éternelle, absolue qui est l’ultime but. Je suis Cela,
Arjuna. Tous ceux qui parviennent à cette ultime demeure viennent à Moi, pour ne
plus jamais être séparés, pour ne plus jamais revenir.
22° ‘’Le seul moyen pour parvenir à cet état immortel, c’est par l’amour, par une
dévotion absolue à Mon égard (le Divin), seul. Tout comme la vague individuelle n’a
pas d’existence indépendante de la mer, l’âme séparée n’a pas d’existence réelle en
dehors de Moi, l’Ame universelle.
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23-25° ‘’Il y a deux voies pour l’âme individuelle : celle de l’immunité contre la mort
et la renaissance ou celle de l’esclavage. La première est allégoriquement la voie du
nord qui indique ici la voie de la lumière et de la clarté du jour, symboliquement un
ciel sans nuage. Elle conduit les âmes désintéressées (celles qui sont dépourvues
d’ignorance et d’égoïsme) à la Divinité suprême. L’autre est la voie du sud qui veut
dire ici la voie de l’obscurité ou la voie de la fumée ou du brouillard. Elle conduit les
âmes intéressées (les ignorants, les égoïstes) à la lumière plus pâle de la lune et les
enchaîne aux ténèbres de la renaissance et de la mort.
26° ‘’Ces deux voies, celle de la lumière (le nord) et celle de l’obscurité (le sud) ont
toujours existé. Suivre la voie de la lumière (ce qui ne fait pas référence à une période
particulière mais à un état d’esprit) te conduit au succès spirituel et à la liberté ;
suivre la voie obscure te conduit à des peines et à des souffrances supplémentaires.
27° ‘’Une fois que tu connais ces deux voies, tu ne peux plus jamais être trompé ni
t’égarer. Par conséquent, ami bien-aimé, gagne cette grande connaissance ! Sois un
yogi en permanence.
28° ‘’Le sage sait que vivre conformément aux injonctions des Ecritures (faire des
bonnes actions, des sacrifices, etc.) t’aidera à atteindre le ciel. Mais le vrai yogi sait
que même le ciel fait partie de la nature (prakriti) et qu’il est donc précaire. Par
conséquent, ce yogi transcende l’entièreté de la nature pour M’atteindre, Moi,
Brahman, la Divinité impérissable, l’Amour divin qui réside dans ton cœur.’’
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CHAPITRE 9 : LA CONNAISSANCE ROYALE ET
LE ROI DES SECRETS
(RAJAVIDYA RAJAGUHYA YOGA)
‘’J’accepte avec joie tout ce qui M’est offert avec une dévotion authentique, que ce soit
un fruit ou de l’eau, une feuille ou une fleur.Le don, c’est l’amour, le dévouement de
ton cœur.’’
1-2° ‘’Puisque tu es si réceptif, Arjuna, Je vais maintenant te révéler le secret le plus
mystérieux et le plus profond. La possession de cette connaissance te libérera des
chagrins de l’existence matérielle. C’est la route royale de la connaissance ultime, le
roi des secrets – la connaissance de la Divinité à la fois visible et invisible. C’est une
connaissance qui purifie, totalement en accord avec le dharma (une vie fondée sur la
vérité). Elle est aisée à mettre en pratique et c’est une joie de la contempler. Une fois
que tu connais ce secret, tu ne peux plus l’égarer.
3° ‘’Mais ceux qui manquent de foi en cette doctrine ne pourront pas Me trouver.
Pour les gens cyniques aux objections insignifiantes, ce secret est un livre fermé ; ils
sont contraints de suivre à nouveau le cycle de la mort et de la renaissance.’’
LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE DIVIN
4-6° ‘’Moi, Brahman, la Divinité suprême, en Ma forme non manifestée (invisible),
J’imprègne chaque chose et chaque créature de l’univers. Je suis l’origine de chaque
chose qui est et qui n’est pas. Tous les êtres de tous les mondes existent en leurs âmes
en Moi et dépendent de Moi. Mais Je ne demeure pas en eux, parce que cela Me
limiterait. C’est Mon mystère divin en tant que Divinité non manifestée. Je ne suis
jamais confiné, attaché, altéré ou en aucune façon limité. Alors que les oiseaux
traversent le ciel sans laisser de traces, comme le ciel, Je suis toujours Moi-même,
sans être affecté par aucune chose du monde phénoménal.
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7° ‘’A la fin d’un kalpa, un jour cosmique de Brahma (qui se compose d’un cycle
complet d’Ages terrestres, de milliards d’années), tous les êtres se dissolvent dans Ma
matière non manifestée qui est à ce moment la semence de leur prochaine venue à
l’existence. Puis, au début du cycle suivant, Je les réengendre, en les projetant au
moment de la création.
8° ‘’Encore et encore, J’anime la nature pour qu’elle produise cette multitude de
formes et d’êtres, en insufflant l’âme dans leur matière et en les soumettant toutes et
tous aux lois de leur propre nature.
9° ‘’Aucune de ces actions ne Me lie en aucune manière, Arjuna. Je reste non attaché
et imperturbable, indifférent aux fruits de ces actions. La nature, par sa proximité
avec la Divinité, poursuit les activités de la création.
10° ‘’Sous Mon regard attentif, les lois de la nature opèrent. Tandis que Je préside aux
procédures, l’animé et l’inanimé se manifestent et la roue du monde se met à tourner.
11° ‘’Les gens qui sont inconscients de Ma majesté transcendante ne peuvent pas
établir un rapport avec Moi. Ils ignorent que Je suis leur âme même. Ils Me
déconsidèrent, quand Je viens au monde, revêtu d’un corps et ils Me traitent comme
n’importe quel mortel ordinaire.
12° ‘’Leur ignorance accable leurs vies de souffrances et de désastres. Les égoïstes,
dont l’esprit est toujours agité et jamais en paix, mènent une vie cruelle. Les
paresseux vivent une vie d’ignorance indolente en ne cherchant qu’à satisfaire leurs
besoins physiques. Tous les espoirs et les actions de ces âmes ignorantes sont vains.
13-14° ‘’Mais les grandes âmes (mahatmas) sont différentes. Guidées par leur plus
divine nature et connaissant Ma vraie nature, elles M’aiment et elles M’offrent leur
dévotion constante – et elles ont beaucoup d’amour pour tous les autres.
‘’Etant donné que l’esprit prend la coloration de ce qu’il glorifie constamment, ceux
qui Me vénèrent résolument et qui sont toujours absorbés en Moi (Dieu) deviennent
littéralement cet amour. Ils deviennent divins et ils se fondent finalement en Moi.
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15° ‘’D’autres grandes âmes, celles qui empruntent la voie de la connaissance, Me
vénèrent comme l’Un dans le multiple. Elles sont parvenues à savoir que Mes
attributs et Mes formes sont inépuisables. Elles voient Mes millions de visages dans
chacun et dans chaque chose. Pour elles, toutes les choses et tous les êtres sont des
aspects de ce Soi unique, Dieu.
16° ‘’Parce que Je suis infini, la variété des manières dont on M’adore est infinie. Je
suis les rites et les rituels des Ecritures. Je suis les offrandes faites aux ancêtres. Je
suis l’aliment qui est thérapeutique et nourrissant. Je suis la pensée formatrice
derrière l’hymne psalmodié (mantra). Je suis le don offert au feu ; Je suis même la
flamme qui consume l’offrande.
‘’En dehors de Moi, Arjuna, il n’y a absolument aucune pensée, aucun objet et aucun
acte. Garder toujours à l’esprit cette grande idée est certainement la manière de
M’atteindre.
17° ‘’Je suis le père, la mère et le grand-père de cet univers. Je suis celui qui distribue
les fruits des actions des gens, leur karma. Je suis la seule chose qui soit digne d’être
connue et Je suis ce qui permet toute la connaissance. Tout comme l’eau est purifiée
en filtrant à travers la terre et tout comme les autres choses sont purifiées en étant
lavées par l’eau, l’humanité se purifie au contact avec Moi. Je suis la syllabe Om, le
son même de la Divinité. Je suis toutes les Ecritures qui furent jamais écrites.
18° ‘’Je suis le but qui est au bout de toutes les voies. Je suis le Seigneur de toute
création. Je suis le témoin intérieur dans chaque être humain. Je suis ton seul abri
durable ; tous les êtres demeurent en Moi. Je suis ton meilleur ami qui vit comme
conscience dans ton cœur. Je suis le début de la création, Son protecteur et Sa
dissolution. Je suis l’entrepôt où tout vie retourne, lorsque la création se dissout – et
Je suis la semence éternelle, indestructible d’où elle jaillit de nouveau.
19° ‘’Je suis la chaleur du soleil. Je fais tomber la pluie génératrice de nourriture et Je
la retiens. Je suis l’immortalité et la mort (qui est la conséquence des fruits de nos
actions). Je suis l’être et le non être. Sous Ma forme visible, Je suis le cosmos ; sous
Ma forme invisible, Je suis Son germe caché.’’
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LES HOMMES OBTIENNENT CE QU’ILS CHERCHENT
20-21° ‘’Ceux qui suivent les rituels et qui s’abstiennent de mauvaises actions, ceux
qui rendent un culte et qui prient pour un paradis atteignent finalement les plans
célestes et ils prennent part aux plaisirs célestes, mais quand les mérites qu’ils ont
obtenus dans la vie sont épuisés, ils retournent dans ce monde pour un nouveau cycle
de naissance et de mort. Captifs de leur propre attachement au plaisir et à la
jouissance – même la joie céleste – ils continuent d’aller et de venir.
22° ‘’A présent, écoute attentivement, Arjuna, voici le roi des secrets, joyau de la
couronne, la loi de la vie au niveau spirituel. Si tu ne penses qu’à Moi et si tu
M’adores et si tu Me vénères constamment sans que ton esprit et ton cœur ne soient
distraits, Je porterai personnellement le fardeau de ton bien-être ; Je subviendrai à
tes besoins et Je protégerai ce qui t’a déjà été donné.
‘’Tout comme un bébé dans la matrice reçoit protection et nourriture à cause de son
lien avec sa mère, les humains trouvent également un refuge, quand ils se relient à
Moi. Mais cette relation est encore plus grande que la relation qui unit le bébé et la
mère, parce que ce refuge est pour l’éternité !
23-24° ‘’Ceux qui avec foi font des offrandes à d’autres déités Me vénèrent réellement,
bien que d’une manière plus restreinte. Moi, la Divinité qui est présente en tous, Je
suis le destinataire qui apprécie toutes les offrandes, tout le culte et toute la dévotion.
Les dieux mineurs donnent à ceux qui les prient des choses du monde qui les
empêtrent encore plus dans le matériel. Moi seul, J’ai le pouvoir d’exaucer les prières
des gens sans les piéger dans les attachements. Je le fais pour augmenter leur
dévotion et pour faire avancer leur développement spirituel.
25° ‘’Ceux qui rendent un culte aux dieux mineurs vont aux dieux qu’ils prient. Ceux
qui rendent un culte à leurs ancêtres (les mânes) sont réunis avec eux après leur
mort. Ceux qui rendent un culte aux esprits élémentaux deviennent comme eux. Tout
ceci ne fait qu’ajouter aux attachements terrestres. Mais ceux qui Me rendent un culte
viennent à Moi, la Réalité Suprême.
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26° ‘’J’accepte avec joie tout ce qui M’est offert avec une dévotion authentique : un
fruit ou de l’eau, une feuille ou une fleur. Le don, c’est l’amour, le dévouement de ton
cœur. Seule la dévotion acquiert l’accès à la Divinité.
27° ‘’Par conséquent, Arjuna, tout ce que tu fais dans le monde, tout ce que tu
manges, tout ce que tu sacrifies, tout ce à quoi tu renonces ou que tu donnes – même
ta souffrance – offre-Moi le tout. Consacre-Moi toute chose, à Moi, la Divinité.
28° ‘’En offrant toutes tes actions au Divin, tu abandonnes l’attachement égoïste à
leurs fruits et ceci te libère des conséquences karmiques de tes actions – que les
conséquences soient agréables ou douloureuses. Si tu fixes constamment ton esprit
sur cette voie du renoncement, tu t’uniras à Moi.
29° ‘’Je suis présent de manière égale dans tous les êtres et Je montre le même visage
à toute la création : nul n’est favorisé, haïssable ou cher. Mais ceux qui M’aiment avec
un coeur qui déborde s’absorbent en Moi et comme ils demeurent en Moi, Je Me
révèle comme étant leur Résident Intérieur.
30-31° ‘’Je réside même dans ceux qui sont égarés. Sache, Arjuna, que le passage de la
débauche à la pureté n’est pas rare. Si une personne souillée par les actions déviantes
d’une vie entière se tourne vers Moi avec une dévotion pure, Je ne vois aucun
pécheur. Une dévotion toute neuve peut rapidement remodeler notre nature. Sois sûr
d’une chose : aucune personne qui M’est dévouée ne chute !
32° ‘’Celui qui prend refuge en Moi, quelle que soit sa naissance, son sexe ou sa
condition dans la société arrivera au but suprême : se fondre en Moi ! C’est vrai,
même pour ceux que la société peut mépriser ou considérer comme indignes (par
exemple les femmes, dans certaines cultures ou les classes sociales inférieures dans
d’autres). Il n’existe rien de tel qu’une naissance impie ou mauvaise. Quand un
ouragan d’amour souffle dans l’esprit et dans le cœur, toutes les distinctions
humaines disparaissent.
33-34° ‘’Tu t’es retrouvé dans ce monde transitoire et triste, Arjuna, alors détournetoi de lui et trouve en Moi tes délices. Donne-Moi tout ton amour. Adore-Moi, le
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Divin Unique. Transforme en offrandes tous tes actes. Abandonne-toi à Moi. Fais de
la Divinité ton idéal le plus cher et ton but le plus élevé. Fixe ton cœur et ton esprit
sur Moi, comme Je le prescris ici, et tu entreras réellement dans Mon Etre même.’’
88
CHAPITRE 10 : LES GLOIRES DIVINES
(VIBHUTI YOGA)
‘’Je suis le silence des choses secrètes, la sagesse du sage.’’
1° Krishna parle : ‘’Je constate, Ô guerrier, que ton cœur se réjouit de Mes paroles de
sagesse, aussi vais-Je élaborer.
2° ‘’Ni les dieux ni les grands sages ne connaissent réellement Mon commencement.
Puisque Je suis leur origine à eux tous, Ma splendeur ne leur est que partiellement
connue. Comme des enfants qui réitèrent leurs questions sur la naissance et l’enfance
de leurs parents, ils ne peuvent jamais pleinement comprendre, quel que soit le degré
de leurs investigations.
3° ‘’Certains sages déduisent de leurs intuitions et de leur connaissance partielle que
Moi, la Divinité Suprême, Je suis la source de toute création. Ainsi éclairés, ils
s’empressent de M’associer à leurs vies et ils sont libérés des mauvaises actions.
4-5° ‘’Certains attributs divins des humains ordinaires sont Ma création. Je suis
présent dans tous les êtres vivants comme ces qualités : intelligence, patience, sagesse
(connaître l’Atma), paix de l’esprit, retenue, contrôle de l’ego, discernement
(distinguer le Réel de l’irréel), équanimité, non-violence, austérité (purification),
autodiscipline (tapas), charité et autres traits positifs. Tous ces raffinements humains
émanent de la Divinité ; tous sont des aspects de Dieu diversement exprimés.
6° ‘’De Mon esprit sont nés les sept grands sages de l’Antiquité, les quatre anciens et
les quatorze Manus. Les sages symbolisent des plans de conscience ; les anciens
représentent les pères de l’humanité ; les Manus symbolisent le groupe des
administrateurs ayant pouvoir de faire fonctionner l’univers. Tout est issu de Moi.
89
CONNAÎTRE LES GLOIRES DE DIEU ET AIMER DIEU
7° ‘’Par la connaissance de ces détails mystiques, tu entrevois Mon pouvoir divin. Tu
sais que tout ce que tu détectes ou que tu perçois dans le cosmos tout entier est ce
pouvoir et par conséquent, tu sais que tu ne pourrais pas plus être séparé de Moi que
tu ne pourrais être séparé de ta propre vie.
8° ‘’Sages, les yogis n’ont de cesse de M’aimer. Ils savent que l’amour qu’ils éprouvent
pour Moi est Moi, car Je suis l’amour, Arjuna. Tout comme le brave fermier accorde
toute son attention à la terre en concentrant totalement son esprit sur ses cultures, les
yogis consacrent totalement leurs esprits et leurs cœurs au Divin en sachant que Dieu
seul est la source de tout.
9° ‘’Avec leur attention et leur vie focalisées sur Moi, absorbés en Moi, ces yogis
trouvent leur joie à parler de Moi avec d’autres d’esprit semblable. Rien n’est plus
cher à une personne que sa propre vie, Arjuna, et Je suis la vie ! Me consacrer ta vie
t’apporte une satisfaction illimitée.
10-11° ‘’A ceux qui Me donnent tout leur cœur, Je confère Buddhi (qui dépasse
l’intelligence matérielle), le pouvoir de distinguer entre le Réel et l’irréel. Au fur et à
mesure que leur connaissance de Mon pouvoir et de Ma splendeur augmente, ils sont
toujours plus attirés vers Moi. Je suis leur sagesse, Arjuna. Par compassion, Je choisis
de demeurer dans leurs cœurs et de là, Je dissipe l’ignorance avec la lumière de la
connaissance qu’ils sont la Divinité intérieure.’’
12-15° Emerveillé, Arjuna se met à passer en revue sa compréhension naissante du
pouvoir et de la splendeur de Dieu : ‘’Très cher Krishna ! Tu es la Divinité, la Présence
suprême ! Sous Ta forme manifestée (visible), Tu es l’univers entier ; sous Ta forme
non manifestée (invisible), Tu existes en tant que Dieu, Pure Conscience.
‘’Tu es l’essence qui sous-tend toutes choses, la source et le lieu de résidence de tout
ce qui est visible dans cet univers. Tu es toute la nature et pourtant, Tu es au-delà,
éternel. Tu es partout, en toutes choses, comme l’Omniprésent. Ceux qui ont employé
leurs facultés intuitives spéciales pour Te comprendre et T’atteindre louent ceci.
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‘’A présent, de Ta propre bouche, Tu le confirmes et néanmoins, Ta venue dans ce
corps humain reste même inconnue des dieux ! Toi seul, Tu connais Ta gloire dans
son entièreté.
16-18° ‘’S’il Te plaît, Krishna, dis-m’en plus au sujet de Tes splendeurs divines. Dismoi comment je peux développer la conscience constante de Toi. Parle-moi encore, Ô
Divin, de Tes pouvoir et de Tes attributs, car je ne me lasse jamais de les entendre.’’
19° Krishna répond : ‘’Fort bien, Ô ami guerrier. L’absorption dans les attributs du
Divin est aussi bonne que l’absorption dans la Divinité même. Mais parce que toutes
les splendeurs de la nature sont des attributs de Ma majesté, Je ne t’en donnerai
qu’un petit aperçu. A partir de cette connaissance partielle, tu peux inférer Mon
infinitude.
20° ‘’Je suis le vrai Soi le plus intime, l’Atma situé dans les cœurs de tous les êtres. Et
Je suis le commencement, le milieu et la fin de tous les êtres.
21° ‘’Parmi les déités qui régissent la lumière, Je suis celle de janvier, aimée de tous
pour orienter la course du monde vers la chaleur. Parmi les dieux du vent qui
apportent au monde un bien immense, Je suis le tourbillon. Parmi les astres du jour,
Je suis le soleil radieux et parmi les lumières nocturnes, Je suis la lune.
22° ‘’Parmi les Ecritures anciennes, Je suis la principale, le Sama Veda.3 Parmi les
dieux secondaires, Je suis Indra, leur chef. Parmi les organes des sens, Je suis le
mental qui enregistre toutes les sensations. Parmi les multiples niveaux de conscience
qui existent dans toutes les formes de vie, Je suis la Pure Conscience.
23° ‘’Parmi les onze déités destructrices, Je suis Shiva, destructeur du mal de l’esprit
qui apporte le bien-être durable à l’humanité. Et Je suis Rudra qui apporte la grâce à
l’humanité, via la peine. Parmi les êtres célestes qui acquièrent et qui accumulent les
richesses (les Yakshas et les Rakshasas), Je suis leur roi, Kubera, le Seigneur d’une
fabuleuse richesse. Parmi les huit éléments qui structurent la nature (la terre, le feu,
3
Le Sama Veda est l’essence des autres Vedas mise en musique. Les Vedas comprennent un florilège de
connaissance divine sous la forme de dizaines de milliers de chants mystiques et spirituels et d’aphorismes.
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l’eau, l’air, l’espace, le mental, l’intellect et l’ego), Je suis le feu, celui qui apporte la
chaleur et la vie. Et parmi toutes les montagnes, Je suis le Mont Méru qui dans la
constitution humaine s’apparente à la force vitale dans la colonne vertébrale.
24° ‘’Parmi les grands instructeurs spirituels qui gèrent le code de conduite, connaisMoi comme Brihaspati, le grand prêtre, saint même parmi les dieux. Parmi les chefs
de guerre, Je suis Skanda qui mène le monde à la victoire contre les démons. Parmi
tous les corps liquides, Je suis l’océan dans lequel tout le reste se fond.
25° ‘’Parmi les rishis (voyants), Je suis Bhrigu qui se situe toujours au plan le plus
élevé de la supraconscience. Parmi les sacrifices, Je suis le plus puissant, japa, la
répétition du nom du Divin. Parmi toutes les formules, Je suis Om, le plus sacré des
symboles soniques. Et parmi les choses inébranlables et stables, Je suis les
Himalayas.
26° ‘’Parmi les arbres, Arjuna, Je suis le figuier sacré (Ashvatta, le pipal) qui
représente l’arbre de la vie ‘’renversé’’, avec ses racines en haut issues de l’Esprit et
ses branches en bas qui recouvrent la Terre. Parmi les divinités les plus
spirituellement éclairées, Je suis Narada, le plus grand parmi ceux qui enseignent le
principe de l’unité au cœur de la vaste diversité du monde. Parmi les êtres célestes, Je
suis leur roi, Chitraratha. Parmi ces âmes hautement perfectionnées (les siddhas), Je
suis Kapila, le meilleur d’entre les meilleurs.
27° ‘’Parmi les chevaux, Je suis Uchchaishravas, né du nectar. Parmi les éléphants, Je
suis Airavata, issu de l’Océan de lait. Et parmi tous les humains, Je suis la royauté, le
monarque.
28° ‘’Parmi les armes, Je suis la foudre divine. Parmi les vaches, Je suis Kamadhenu,
la vache céleste de bonne composition qui peut satisfaire tous les besoins de la vie.
Parmi les instincts, Je suis le désir de procréation. Parmi les serpents, Je suis Vasuki,
le dieu des serpents, symbole de la Kundalini, le réservoir d’énergie cosmique lové
dans chaque personne.
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29° ‘’Parmi les serpents non venimeux, Je suis Ananta, le symbole des cinq éléments
de la nature sur lequel Je suis allongé. Parmi les déités aquatiques, Je suis Varuna,
leur roi. Je suis la déité présidente des ancêtres défunts (Aryama). Et parmi les
contrôleurs de l’univers, Je suis Yama, le dieu de la mort.
30° ‘’Parmi ceux qui défient le mal, l’iniquité et l’injustice, Je suis Prahlada, qui est
vertueux, alors même qu’il est le fils de l’ennemi juré des dieux. Parmi ceux qui
calculent et qui mesurent, Je suis l’évaluateur infaillible, le Temps lui-même. Parmi
les animaux, Je suis le lion. Parmi les oiseaux, Je suis l’aigle du Seigneur, Garuda.
31° ‘’Parmi les quatre purificateurs de la nature – la terre, l’eau, le feu et l’air – Je suis
le vent qui purifie les autres. Parmi ceux qui manient des armes mortelles, Je suis
Rama qui n’emploie ses armes que pour le bien de l’humanité. Parmi tous les
poissons, Je suis le requin, le plus puissant. Parmi les fleuves, Je suis le Gange et son
eau qui sanctifie.
32° ‘’Parmi toutes les choses créées, Arjuna, Je suis le commencement, le milieu et la
fin. Parmi toutes les sciences, Je suis la connaissance spirituelle – la connaissance de
l’Atma – la science du Soi qui fait disparaître l’ignorance. Parmi tous les instruments
d’enquête et de débat de l’humanité, Je suis la logique pure.
33° ‘’Parmi tous les sons du cosmos, Je suis la lettre A. En grammaire, Je suis le mot
composé, le mot le plus puissant. Comme Je suis le temps lui-même, Je suis sans
commencement ni fin. Je dispense le karma de tous les êtres et donc, on M’appelle le
‘’Dispensateur - au - visage - tourné - de - toutes - parts’’.
34° ‘’Je suis la mort certaine qui engloutit tout le monde et Je suis également la
graine de tout ce qui doit être. Parmi les qualités qui par leur grâce et leur sensibilité
sont dites ‘’féminines’’, Je suis la renommée et la fortune, la douceur du langage, la
mémoire, l’intelligence, la constance, la loyauté et le pardon.
35° ‘’Parmi les grands hymnes du Sama Veda, Je suis le meilleur (le Brihat Saman).
Parmi les mètres poétiques, Je suis le plus grand, la Gayatri. Parmi les mois, Je suis
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Margasirsha (qui court sur novembre et décembre), la période la plus favorable pour
la pratique spirituelle. Parmi les saisons, Je suis le printemps fleuri.
36° ‘’Parmi les pratiques malhonnêtes, Je suis le jeu de dé. Je suis la splendeur et le
rayonnement de ceux qui sont forts physiquement. Dans ce qui fait avancer
l’humanité, Je suis l’effort. Parmi les trois composantes de la nature, Je suis la bonté
(sattva).
37° ‘’Dans le clan des Vrishnis, Je suis Krishna. Parmi les Pandavas, Je suis Arjuna.
Parmi les grands sages ayant réalisé Dieu, Je suis Vyasa, connu comme une
incarnation de la Divinité. Parmi les voyants omniscients (kavis), Je suis Usana, le
premier d’entre eux.
38° ‘’Parmi ceux qui châtient, Je suis le sceptre, le symbole de la justice mesurée. Je
suis l’art du gouvernement chez ceux qui recherchent la victoire par de nobles
moyens. Je suis le silence des choses secrètes. Je suis la sagesse du sage.
39° ‘’Ô, Arjuna, Mon bien-aimé camarade, Je suis la source de chaque chose dans la
création, l’origine de tous les êtres, de toutes les vies. En fait, Je suis tout ce qui peut
être pensé, imaginé ou conçu. Rien dans ce monde, animé ou inanimé, ne peut exister
sans Moi.
40-41° ‘’Il n’y a pas de limite à Mes manifestations divines (vibhutis). Ce que J’ai
décrit n’est qu’un minuscule aperçu de Mes gloires. Tout ce qui est beau, puissant ou
splendide dans ce monde n’est issu que d’une partie de Mon pouvoir infini.
42° ‘’Et finalement, Arjuna, étant donné que cette pluralité de détails n’est que de peu
d’utilité pour toi, sache simplement que Moi, Brahman, J’existe et que Je maintiens
toute cette création par une petite fraction de Ma Gloire suprême.’’
94
CHAPITRE 11 : LA VISION COSMIQUE
(VISVARUPA DARSANA YOGA)
‘’Où que je regarde, Tu es là.’’
1-2° ‘’Les yeux brillants, Arjuna soupire : ‘’Merci, Krishna, pour cette merveilleuse
révélation de Tes gloires ; elle a supprimé mon illusion. Merci pour Ton compterendu détaillé de l’évolution et de la dissolution des êtres et Ta description sublime de
Ta splendeur.
3-4° ‘’Je sais à présent que Tu es ce que Tu dis être, Ô Divin, mais j’aimerais
réellement Te voir dans Ta vraie forme divine plutôt que simplement dans ce corps de
Krishna. Si c’est approprié et si j’en suis digne, daigne me la montrer maintenant.’’
5-7° Krishna dit : ‘’Tu en es digne, Arjuna. Je vais te faire voir des millions de Mes
formes, manifestations et couleurs, car rien n’existe en dehors de Moi. Et Je te ferai
contempler en Moi les nombreuses catégories d’êtres célestes et d’autres merveilles
encore jamais révélées auparavant. Et tu observeras toute la création d’êtres animés
et inanimés concentrée dans Mon Moi cosmique et tu seras le témoin de tout ce que
tes pensées intimes peuvent produire.’’
KRISHNA RÉVÈLE SA MERVEILLEUSE FORME COSMIQUE
8° ‘’Mais tu ne peux rien percevoir de tout ceci avec les yeux humains qui sont
composés d’éléments naturels et qui ne peuvent donc saisir que la nature physique. Il
va falloir que Je t’accorde une vision spéciale pour voir au-delà. A présent, fais usage
de la vision divine et contemple Ma forme cosmique divine.’’
9-11° Dans les appartements du vieux roi aveugle, Sanjaya se met à la décrire, avec
des yeux comme des soucoupes : ‘’Ô, roi !’’, s’exclame Sanjaya, ‘’le Seigneur Krishna
se révèle tout à coup sous la forme d’une merveilleuse vision : des milliers de visages,
95
des bouches et des yeux innombrables, des vêtements rehaussés d’ornements d’une
beauté jusqu’ici inconnue. Il porte de nombreuses armes, brandies comme les
symboles de Ses pouvoirs infinis, Lui-même paré d’habits célestes et de guirlandes de
fleurs – je peux même humer Ses parfums célestes. Il semble regarder dans toutes les
directions !
12° ‘’Il est impossible de décrire en mots terrestres la lumière éblouissante qui émane
de Lui – c’est comme si des milliers de soleils illuminaient soudainement le ciel.
Même ceci est un hommage insuffisant pour décrire la splendeur et la brillance de
Son aura.
13° ‘’Arjuna ‘’voit’’ maintenant l’univers entier et ses myriades de formes à l’intérieur
du corps cosmique de Krishna – les planètes, les lointaines étoiles, les êtres vivants,
les multitudes d’animaux, le vaste royaume végétal – toutes des expressions de la
même Conscience qui vit au cœur du Divin. Arjuna peut également voir les mondes
célestes. Tous les domaines intérieurs et extérieurs sont tous unis, immédiatement
concentrés dans cette vision du Suprême, tous contenus au sein de l’Etre unique, la
Divinité des divinités.’’
14-15° Arjuna balbutie : ‘’C’est grandiose, Krishna ! Je m’incline en signe de respect
pour Toi. Je peux à peine trouver mes mots. Je…je vois des choses que je n’ai jamais
vues, dont je n’ai jamais entendu parler ou que je n’ai même jamais conçues. Je vois
toutes les déités, Ô Divin et tous les types de créatures qui vivent dans Ton Etre. Je
vois toutes les multitudes de déités inférieures et d’animaux dont Tu as proclamé
l’existence auparavant. Je vois tous les voyants et tous les saints et les serpents
célestes – tous ces êtres sont contenus en Toi !
16-17° ‘’Mais je ne peux pas voir jusqu’où Tu T’étends, Krishna. Je ne vois pas de
limite à Ta forme cosmique divine ; aucune limite, aucune démarcation ne signale le
spectre de Ton existence. Je vois des yeux, des bras, des bouches et des ventres
innombrables, mais je ne trouve ni fin ni commencement à tout cela. Cela est, tout
simplement, sans limitation d’espace, de temps ou de pensée.
96
‘’J’aperçois des couronnes et tous les instruments et les symboles de Ton autorité sur
les mondes. La luminosité qui T’entoure est si éclatante qu’elle est difficile à
supporter, même pour cette vision divine que Tu m’as accordée.
18° ‘’De tout ceci, je peux uniquement conclure que Tu es effectivement l’Etre
Suprême impérissable, la seule chose à connaître. Tu es le dernier refuge pour tous, le
gardien et le soutien de l’univers. Tu es la base même du fonctionnement de l’univers,
ce que l’on appelle le Dharma éternel. Tu es l’Esprit Cosmique éternel (le Purusha).
Je suis maintenant convaincu de ces vérités, Ô bien–aimé Krishna.
19° ‘’Et je Te vois non né et immortel avec une puissance et une force infinies et
absolues, comme si Tu possédais un million de bras. Ta bouche est le feu qui
réchauffe l’univers et Ton rayonnement l’éclaire, comme si le soleil et la lune étaient
Tes yeux.
20° ‘’Ta présence vaste, illimitée remplit tout l’espace entre le ciel et la terre et elle
s’étend bien au-delà d’eux. Tu es partout ! Je vois aussi de la férocité et de l’effroi et
les êtres des trois mondes4 trembler.
21-22° ‘’Des nuées de déités tourbillonnent autour de Toi et entrent dans Ton être.
Certaines sont éblouies et elles Te louent craintivement. Des myriades d’autres êtres
célestes chantent des hymnes extatiques pour louer Ton impressionnant pouvoir de
purification. Même ces êtres élevés contemplent Tes yeux ardents avec stupeur,
incapables qu’ils sont de mesurer Ta figure universelle dans son entièreté.
KRISHNA RÉVÈLE L’INÉVITABILITÉ COSMIQUE DE LA
BATAILLE
23-25° ‘’Ô Krishna, j’en ai le souffle coupé. Où que je me tourne et dans n’importe
quelle direction, vers le haut et vers le bas et d’un côté à l’autre, je ne peux voir
aucune limite à Ta forme. Tout ce que je vois, c’est Ton immensité frôlant le ciel et les
4
Fait référence à la Terre, aux plans intermédiaires et aux cieux, et aux trois états de conscience : la veille, le
rêve et le sommeil profond.
97
horizons ; je perds tout sens de l’orientation et je me sens complètement perdu et
perplexe. Maintenant, en voyant Ta puissance démesurée, c’est comme si des millions
de bras et de dents s’apprêtent à broyer tout ce qui se trouve à leur portée.
‘’J’ai l’impression que tous les mondes et toutes les créatures deviennent comme je
me sens à l’intérieur de moi-même, épouvantés et terrorisés par Ta fureur. Quand je
tends le cou pour observer Tes bouches béantes et Tes dents qui grincent, Je suis
rempli d’horreur, la paix de mon esprit s’envole. Sois miséricordieux, ô Krishna, s’il
Te plaît, montre Ta clémence !
26-30° ‘’Je vois toutes les forces ennemies – les fils du vieux roi aveugle, des
généraux, des héros, des parents et d’autres qui se sont alliés avec eux – tous se
précipitent tête en avant dans Ton immensité pour être dévorés. Et j’observe qu’un
grand nombre de nos propres soldats et chefs de guerre se jettent également avec
inconscience dans la gueule du loup. J’entends les cris de terreur, quand ces forces
sont broyées et écrasées par Toi. Comme des rivières en crue qui se précipitent vers
l’océan, les héros des deux camps se précipitent en chancelant vers leur destin
horrible ; comme des papillons de nuit qui se jettent à dessein dans la flamme, ils se
ruent vers leur sort funeste. C’est comme si Tu gobais les mondes en Te pourléchant
les babines, ô Seigneur. Ta force de destruction ressemble à un embrasement intense
qui remplit le ciel et qui touche tout l’univers !
31° ‘’Quand Tu es si dévastateur et si féroce, Ta réalité se dissimule à moi
abruptement. Soudain, je ne sais plus qui Tu es ni quel est Ton but. Qui es-Tu ? Aidemoi à retrouver mon équilibre !’’
32° ‘’Krishna répond : ‘’Je suis le Temps, Arjuna – maintenant et ici, sur ce champ de
bataille, Je suis le Temps puissant, destructeur du monde. Avec ou sans toi, les
soldats sont déployés en ordre de bataille et qu’ils soient du côté des justes ou des
corrompus, ils sont prêts à passer l’arme à gauche et ils doivent mourir. La
destruction des ennemis est inévitable. Il n’est pas possible pour un individu d’éviter
le dessein de la Divinité.
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33° ‘’Par conséquent, combats, ô puissant guerrier, vaincs les ennemis malfaisants et
gagne royaume, richesse et renommée. J’ai résolu d’éradiquer la cruauté et par
conséquent, J’ai déjà pourfendu ces soldats. Tes actions ne seront que Ma cause
extérieure et Tu es simplement Mon instrument.
34° ‘’Bien qu’ils soient certainement braves, châtie-les néanmoins, car ils sont déjà
condamnés. Combats et tu gagneras. Les tuer n’est pas contraire au dharma (la
rectitude morale).’’
35° Arjuna interrompt : ‘’Je tremble de peur, ô Divin. Je m’incline et je joins les
mains devant Toi. Ma gorge est si nouée et mes lèvres tremblent tellement que je
peux à peine parler.
36-37° ‘’Il est certainement approprié, ô Divinité, que le monde Te vénère, que les
êtres célestes s’inclinent devant Toi et que les démons Te fuient. Comment ne
pourraient-ils pas être impressionnés par Toi ? Tu es la Cause de la Cause, l’Eternel
qui existait même avant Brahma, le Créateur. Tu transcendes le temps lui-même,
l’espace lui-même et même la causalité ! Tu es la Divinité Suprême de toutes les
déités, le Seigneur de tous les dieux. Tu es Cela en quoi l’univers demeure. Tu es
l’Immuable. Tu es ce qui est, ce qui n’est pas et même au-delà. Tu es à juste titre
appelé Réalité Suprême absolue.
38° ‘’Qui d’autre que Toi, les âmes extatiques peuvent-elles louer, Toi le premier et le
plus élevé des dieux, l’Esprit le plus ancien ? En Toi le cosmos repose en sécurité et en
Toi il disparaîtra. Tu es simultanément le Connaissant et le connu, le But et notre
effort vers lui. Oui, Ta forme remplit et sature l’univers.’’
ARJUNE, BOULEVERSÉ, DEMANDE PARDON
39-40° ‘’Tu es le vent lui-même, Krishna, pas simplement Son Seigneur. Tu es la
mort, le feu, l’eau et la lune même, pas simplement leur Seigneur. Tu es le Père de
tout ce qui est né et le Père des pères. S’il Te plaît, accepte ma dévotion qui grandit
pour Toi. Je Te salue mille fois. Accepte cet hommage, ô Divin, à chaque partie de Ta
99
création. Infinie, incommensurable est Ta puissance et Ta gloire est illimitée ! Où que
je regarde, Tu es là. Tu es réellement tout ce qui est.
41-42° ‘’Je n’avais pas réellement compris Ta grandeur jusqu’à maintenant, ô Divin.
Dans le passé, je T’ai appelé négligemment par des noms familiers et je Te prenais
simplement comme un mortel semblable à moi et je T’appelais simplement ‘’ami’’. Si
j’ai fait preuve d’un manque de respect dans nos jeux d’enfant ou pendant que nous
nous reposions ou pendant nos repas ou en compagnie d’autrui, daigne me
pardonner. J’adopte ici l’attitude la plus respectueuse.
43° ‘’Qui peut égaler Ta puissance ? Tu es l’origine de toutes les choses du monde,
animées ou inanimées. Tu es le Maître adoré. Personne dans les trois mondes ne
T’égale.
44° ‘’Je me prosterne devant Toi et je Te demande de me pardonner ! Comme un ami
pardonne à un camarade, comme un père pardonne à un fils, comme une mère
pardonne à son enfant ou comme un amoureux pardonne à sa bien-aimée – daigne
m’accorder Ton pardon, ô Divin.
45-46° ‘’Je suis ravi que Tu m’aies octroyé cette vision rare, mais celle-ci me remplit
toujours de crainte. Aie pitié de moi, montre-Toi comme Tu étais avant. Fais-moi voir
la forme familière que j’ai connue – pas celle à mille bras, mais à deux bras – ou
même les quatre bras que Tu paraissais parfois avoir à cause de Ta grande force.’’
47-48° Krishna répond : ‘’Par Mon Pouvoir divin et par Ma grâce, tu as obtenu cette
vision de Ma forme cosmique. Personne d’autre ne l’a vue, à part toi. Je te l’ai
montrée, parce que Je t’aime, Arjuna. On ne peut pas obtenir cette vision par des
pratiques spirituelles, par l’étude, par le service, par les rituels ou par une pénitence
ardue. Cette vision n’a été produite que par Ma grâce et uniquement pour toi.
49° ‘’Alors, pourquoi avoir peur, Arjuna ? Regarde, Me voici comme J’étais avant. Ne
t’inquiète plus. Sois heureux et reprends courage.’’
100
50-51° Le Seigneur Krishna retourne à Sa forme humaine avec un léger sourire sur
Ses lèvres. Arjuna dit : ‘’Ô Krishna, je suis très heureux de Te revoir et je commence à
me sentir plus calme, comme j’étais avant.’’
52° Krishna dit : ‘’La forme cosmique5 que tu as vue est extrêmement rare. Même les
êtres célestes – ceux qui sont spirituellement plus élevés que les humains, mais sans
connaissance supérieure de la Divinité – même eux aspirent à voir Ma forme.
53° ‘’Personne ne peut Me contempler comme tu as pu le faire, Arjuna, ni par l’étude
des Ecriture, ni par l’entreprise d’austérités personnelles pour se purifier, ni en
faisant des dons à ceux qui le méritent, ni en accomplissant des rituels, ni en Me
faisant des offrandes. Ces activités spirituelles – l’étude, la charité, les rituels, etc. –
favorisent la purification du mental, mais elles n’apportent pas Ma vision.
54° ‘’Et cependant, par un amour inébranlable et résolu (anaya bhakti), les humains
peuvent connaître l’essence de Ma gloire suprême et peuvent entrer dans Mon Être.
Comment ? Par la dévotion pure, Arjuna. Dans un état constant d’amour profond
pour Dieu, un vrai dévot ne reconnaît rien d’autre que Dieu.
55° ‘’Par conséquent, consacre-Moi toutes tes actions, ô prince. Œuvre uniquement
pour Moi, sans attachement ni désir égoïste. Fais de Moi ton but exclusif. Prends
refuge en Moi. Aime-Moi de tout ton cœur et sans vouloir de mal à aucune créature.
Alors, Tu parviendras jusqu’à Moi.’’
5
Dans son livre ‘’Journeys to Love’’, la journaliste danoise Kirsten Pruzan Mikkelsen décrit brièvement les
circonstances d’une vision de la Forme cosmique expérimentée par deux fidèles de Sathya Sai Baba dans son
ashram de Prasanthi Nilayam, en Inde. Voir le document intitulé ‘’A la recherche du sens de la vie’’ sur
scribd.com, NDT.
101
CHAPITRE 12 : LA VOIE DE L’AMOUR
(BHAKTI YOGA)
‘’J’aime celui qui dépasse le ‘’je’’ et le ‘’mien’’, que la peine ne trouble pas et que le
plaisir ne rend pas euphorique.’’
1° Arjuna parle de nouveau : ‘’Mon intérêt est maintenant éveillé, mais j’ai une
question. Tu dis que ce n’est que par un amour et par une adoration inébranlables
qu’un dévot peut réaliser l’unité avec Dieu. Mais certains vénèrent le Dieu invisible,
sans forme (Nirguna Brahman) et d’autres le Dieu visible avec forme (Saguna
Brahman). Laquelle de ces deux orientations est la plus simple ? Laquelle fera le plus
fondre Ton cœur ?‘’
2° Krishna répond : ‘’Les deux voies Me donnent satisfaction, mais adorer le Saguna
Brahman, Celui que tu peux voir, est bon pour toi maintenant, Arjuna. Fixer
solidement ton cœur sur Mon aspect visible et devenir saturé de dévotion et de foi te
conduira rapidement et sûrement à Moi, la Divinité.
3-4° ‘’Quant à ceux qui vénèrent le Nirguna Brahman (le Dieu sans forme ni nom),
s’ils domptent réellement leurs sens, s’ils conservent un esprit calme et s’ils œuvrent
pour le bien de tous les êtres, ils viennent également à Moi. Mais réalise, Arjuna, que
Nirguna signifie non naturel ; ce Brahman est indéfinissable et non manifesté,
invisible et non matérialisé. Par conséquent, les sens n’ont pas accès à Lui ; il n’y a
rien à quoi l’on puisse Le comparer.
5° ‘’Les dévots de la Divinité immatérielle ont une ascension plus abrupte. Il est
extrêmement difficile pour une personne qui a une forme physique de comprendre
réellement le sans forme. Les gens ordinaires s’identifient à leurs propres corps
physiques et ils ne peuvent pas s’empêcher d’imaginer Dieu comme étant également
dans un genre de corps. Pour aimer profondément le Dieu sans forme, on doit être
libre de sa propre conscience corporelle et cet état n’est pas à la portée de beaucoup.
102
‘’Mais garde à l’esprit, Arjuna, qu’adorer la Divinité dans une forme ne t’aidera qu’un
temps. Ceux dont le but final est la libération totale doivent tôt ou tard renoncer à
l’attachement au corps. Sans cela, le stade atmique du développement spirituel ne
peut pas être atteint.
UN ORDRE DÉVOTIONNEL
6-7° ‘’Sache, Arjuna, que Je viens rapidement à ceux qui M’offrent toutes leurs
actions, qui fixent leur esprit sur Moi avec une dévotion inébranlable, qui Me
vénèrent comme leur plus grande joie et qui M’adoptent comme leur seul et unique
but dans la vie. Parce qu’ils M’aiment profondément, Je les sauve de la peine de la
mort et des vagues infinies de la renaissance.
8° ‘’Il est vrai qu’on est où se situe son mental. Alors, fixe ton esprit sur Moi. Ne
t’absorbe qu’en Moi seul. Concentre sur Moi ta dévotion. Fais silence en Moi. Sans
nul doute alors, tu vivras en Moi.
9° Si tu n’es pas capable de t’absorber en Moi, détourne ton esprit du monde et
parviens à Moi en te concentrant constamment sur Moi. Je sais que ceci peut sembler
impossible, mais comme Je l’ai dit, l’impossible peut devenir possible par une
pratique régulière (abhyasa yoga).
10° ‘’Si tu trouves que tu n’es pas suffisamment discipliné pour te concentrer de cette
manière, transforme tous tes actes matériels en adoration. Fais-les pour Moi. Tourne
à ton avantage la force de l’habitude ; prends l’habitude de consacrer à la Divinité
toutes tes actions. Ainsi, tu deviens Mon instrument et ton mental se purifie
graduellement, ce qui te mènera jusqu’à Moi.
11° ‘’Mais si tu ne peux même pas faire cela, alors poursuis une alternative aussi
efficace. Prends refuge en Moi. Soumets ton mental et renonce au désir des fruits de
tes actions.
103
12° ‘’La connaissance est meilleure que le simple accomplissement de rituels. La
méditation est meilleure que la connaissance. Renoncer aux fruits de ses actes (tyaga)
est meilleur que la méditation. Pourquoi ? Parce que la paix suit immédiatement
l’abandon des attentes.’’
LE DÉVOT LE PLUS APPRÉCIÉ
13-14° ‘’Arjuna, Je vais à présent énumérer les caractéristiques du dévot que J’aime le
plus. J’aime celui qui ne nourrit aucune rancune envers quiconque, qui rend l’amour
pour la haine, qui est amical et compatissant envers tous. J’aime le dévot qui dépasse
le ‘’je’’ et le ’’mien’’, que la peine ne trouble pas et que le plaisir ne rend pas
euphorique, qui possède une foi solide, qui pardonne, qui est toujours content et qui
médite constamment sur Moi.
15° ‘’J’aime le dévot paisible qui n’est ni une source d’agitation dans le monde, ni
agité par le monde. J’aime ceux qui sont libres de la peur, de l’envie et des autres
désagréments que le monde apporte, qui acceptent les coups qui leur adviennent
comme des bénédictions déguisées.
16° ‘’J’aime ceux qui accomplissent leurs devoirs matériels imperturbablement, sans
être troublés par la vie. J’aime ceux qui n’attendent absolument rien. Ceux qui sont
purs intérieurement et extérieurement Me sont aussi très chers. J’aime les dévots qui
sont prêts à devenir Mes instruments, à rencontrer toutes les demandes que Je
pourrais avoir par rapport à eux et qui néanmoins n’exigent rien de Moi.
17° ‘’J’aime ceux qui n’exultent pas et qui ne sont pas dégoûtés, qui ne se chagrinent
pas, qui n’ont aucune soif de possession, qui ne sont pas affectés par les mauvaises
choses ou les bonnes choses qui leur arrivent à eux ainsi qu’à leur entourage et qui
sont malgré tout remplis de dévotion à Mon égard. Ils Me sont chers, parce qu’ils
vivent dans le Soi (l’Atma) et non dans l’émoi du monde.
18-19° ‘’J’aime les dévots dont l’attitude est pareille envers l’ami ou l’ennemi, qui sont
indifférents à l’honneur ou à l’ignominie, à la chaleur ou au froid, à l’éloge ou à la
104
critique – qui non seulement contrôlent leur langue, mais qui sont silencieux en euxmêmes. Me sont également très chers ceux qui sont généralement contents de la vie
et non attachés aux choses du monde, même à leur foyer. J’aime ceux dont l’unique
souci dans la vie est de M’aimer. Oui, ceux-ci et tous les autres que J’ai mentionnés
Me sont très, très chers.
20° ‘’Considère-Moi comme ton but le plus élevé. Vis ta vie en accord avec la sagesse
immortelle que Je t’ai enseignée ici et pratique cette sagesse avec une grande foi et
une dévotion profonde. Abandonne−Moi totalement ton esprit et ton cœur. Alors, Je
t’aimerai de tout Mon cœur, tu transcenderas la mort et tu deviendras immortel.’’
105
3ÈME PARTIE :
PARVENIR
MAINTENANT À
LA LIBÉRATION
106
CHAPITRE 13 : LE CHAMP ET LE
CONNAISSANT DU CHAMP, DISTINGUER
ENTRE LA MATIÈRE ET L’ESPRIT
(KSHETRA KSHETRAJNA VIBHAGA YOGA)
‘’Au moment où le corps tombe…c’est l’Esprit qui demeure.’’
1° Arjuna demande : ‘’Si la Divinité est tout dans le monde, Krishna, alors quelle est la
différence entre le monde et la Divinité ? Comment peut-on faire la distinction entre
son corps matériel et l’Ame divine ? Quelle est la différence entre la matière physique
et le monde de l’Esprit ? Et y a-t-il un bénéfice à apprendre ceci ?’’
Krishna répond : ‘’Ce sont des questions importantes, Arjuna. Lorsque tu connais la
vraie nature du monde matériel, ton chagrin est détruit ; lorsque tu comprends la
vraie nature de l’Esprit, la félicité est acquise.
‘’Le terme champ désigne le corps physique et tout le reste dans le monde matériel.
Le Connaissant du champ signifie le Principe intelligent qui réside dans le corps, mais
qui ne fait pas réellement partie du corps et de toute la matière. Cette intelligence
résidente est l’Entité mystérieuse à l’intérieur, qui est assez proche pour observer ce
qui se passe dans le ‘’champ’’, tout en gardant une distance, en quelque sorte. On
l’appelle aussi Ame ou Atma.
2° ‘’Arjuna, Je suis le Connaissant du champ, Celui qui réside à l’intérieur de chacun
et de chaque chose. Je suis le Soi le plus intime, l’Ame, l’Atma de tous les êtres. La
capacité de distinguer le champ du Connaissant est la plus haute connaissance, car
elle requiert une compréhension véritable des choses profanes et de la connaissance
sacrée. Aussi écoute attentivement.’’
107
LE CHAMP (PRAKRITI, LE MONDE DE LA NATURE)
3° ‘’Je vais maintenant expliquer plus en détail en quoi consiste le champ – le monde
de la nature – d’où il est issu et pourquoi et comment il opère. Ensuite, Je t’en dirai
plus à propos du Connaissant du champ et des pouvoirs du Connaissant.
4° ‘’Bien qu’assez complexe, c’est une investigation merveilleuse, Arjuna. Les grands
sages des temps préhistoriques découvrirent ces vérités profondes par la méditation
et par un raisonnement précis. Ils les exprimèrent au fil des siècles par le biais de
chants et d’aphorismes (les Védas), en veillant à équilibrer soigneusement leur amour
profond pour Dieu, un questionnement rigoureux et la compréhension, de sorte que
ces vérités satisfassent conjointement le cœur et la tête.
5-6° ‘’Comprends d’abord que connaître réellement le champ, le monde naturel
(prakriti), ce n’est pas simplement une question d’établir la liste des myriades
d’éléments qui le composent. Pour comprendre la nature elle-même, il est nécessaire
de savoir quelque chose à propos de la conscience humaine. Connaître une chose,
c’est en être conscient. Tu deviens conscient des choses du monde (c’est-à-dire que tu
les ‘’connais’’) via les mécanismes de perception de ton système nerveux – vision,
audition, sentiment, mental, etc. Mais le système nerveux lui-même fait partie de la
nature ; ce que tu utilises pour connaître le monde, la nature, est aussi la nature.
Donc, ce qui est connu ne peut pas réellement être séparé de celui qui le connaît.
‘’Comprends aussi, Arjuna, que l’ensemble du monde matériel, l’ensemble de prakriti
trouve son origine dans la Conscience elle-même – l’unique Conscience Suprême, la
Divinité. Dans le monde naturel, la Conscience Suprême se différencie en de
multiples forces physiques et mentales – qui se combinent et qui se recombinent à
l’infini. Tout ce qui est connu ou connaissable émane de la Conscience. Sachant ceci,
on connaît réellement le champ.
‘’Voici les 25 composantes qui constituent la nature, le champ :
‘’Tout d’abord, il y a le ‘’non manifesté’’ (le mahat, littéralement ‘’la grande cause’’).
C’est une force de raisonnement latente, la première lueur d’un sentiment d’ego dans
108
le cosmos, une capacité primitive, brute à différencier et à décider – comme une
graine qui absorbe l’humidité et qui est sur le point de gonfler avant de germer. C’est
ce ‘’non manifesté’’ qui produit l’esprit, la matière et l’énergie.
‘’De ceci émane d’abord le mental supérieur (l’intellect, la buddhi), la faculté de
discernement, la capacité de distinguer le Réel de l’irréel (le Soi spirituel du moi
matériel).
‘’De la buddhi vient l’ego que nous connaissons, le principe d’individuation
(ahamkara) qui fait en sorte que l’on est conscient de soi comme d’une entité
apparemment séparée.
‘’Le mental inférieur (manas, appelé simplement ‘’mental’’, habituellement) est issu
du principe de l’ego. Son travail consiste à traiter les messages reçus du champ via les
sens et à les proposer à l’intellect. Sont ici incluses certaines modifications subtiles du
mental : le désir et l’aversion, le plaisir et la douleur, l’expérience de son corps
physique, l’intelligence (pouvoir d’interprétation) et l’expérience mentale
d’endurance physique.
‘’Emanant de ce niveau de l’esprit, il y a les dix organes des sens (indriyas) qui ne sont
pas des organes physiques comme tels, mais de puissants mécanismes ou capacités
sensoriels. Il y a deux groupes : les cinq ‘’organes’’ de perception (audition, toucher,
vision, goût, odorat) et les cinq organes d’action (cordes vocales, mains, pieds,
organes reproducteurs et générateurs et organes d’élimination).
‘’A partir de ces dix organes des sens se développent les cinq ‘’objets des sens’’,
comme on les appelle, qui ne sont pas des objets solides, mais les essences subtiles du
monde qui attirent les sens. Les ‘’objets des sens’’ sont le son (audibilité, résonance,
sonorité), la sensation (tactilité, texture, tangibilité), l’aspect (apparence d’une chose
– forme, couleur, éclat), le goût (gustation, saveur, sapidité) et l’odeur (olfaction,
senteurs, parfums).
109
‘’En dernier lieu, il y a les cinq catégories primitives constitutives au sein desquelles
l’esprit organise toute la matière – les cinq éléments de base : la terre, l’eau, le feu,
l’air et l’espace.
‘’Telles sont les vingt-quatre composantes de la matière inerte qui constituent le
champ. Il y en a en réalité une de plus : la mystérieuse force vitale, l’Atma, qui insuffle
la vie dans toute cette matière et qui complète le total de vingt-cinq.’’
LE CONNAISSANT DU CHAMP
(PURUSHA, LA CONSCIENCE COSMIQUE)
7° ‘’Arjuna, Je vais à présent passer du champ aux qualités du Connaissant du champ.
Cette connaissance intuitive se situe au-delà du savoir intellectuel. Elle advient en
possédant des vertus et des vues distinctives qui, prises ensemble, suscitent une telle
connaissance.
‘’Le Connaissant du champ est humble et innocent. Sois comme Lui. Sache dans ton
cœur que toute excellence émane seulement du Divin. Sois doux. Pardonne toute
blessure reçue. Sois droit et uni en pensée, en parole et en action. Sers ton Maître et
absorbe ses bonnes caractéristiques et ses bonnes dispositions. Sois résolu dans ton
développement spirituel. Sois pur d’esprit – fuis le déluge mondain de la pollution
mentale, car la pureté est indispensable pour ta croissance spirituelle. Sois toujours le
maître de ton corps, de ton esprit et de tes sens.
8° ‘’Détache-toi de l’égoïsme, de l’intérêt et des attractions du monde. Cesse de te
percevoir comme ce complexe corps-esprit qui subit les douleurs de l’esclavage de la
naissance, du vieillissement, de la mort et de la renaissance. Sache plutôt que tu es
l’Atma, la Réalité éternelle au-delà de tout cela.
9° ‘’Fais face au bien et au mal inévitable de la vie, l’esprit égal. Ne sois l’esclave de
personne ni de rien ! Ne t’attache ni à des possessions, ni à la famille. Aime et remplis
tes obligations envers ton épouse, tes enfants, ton foyer, tes parents et tes amis, mais
sans t’identifier à eux au point d’oublier l’Atma, ton vrai Soi intérieur.
110
10° ‘’Le moyen d’accomplir tout ceci, c’est de M’aimer avec un cœur qui n’est pas
distrait. Focalise-toi toujours sur la Divinité. Concentre sur Moi toutes tes pensées.
Tourne le dos à la vie sociale et à l’agitation des foules. Privilégie dorénavant la
compagnie de personnes à l’esprit semblable et puis, au fur et à mesure que tu
progresses, sépare-toi même de celles-ci – mais pas comme un ermite, comme un
yogi détaché.
11° ‘’Grandis en sagesse au moyen d’une investigation zélée sur la nature du Soi et du
non Soi. La Divinité seule est la Vérité, Arjuna et l’Atma est vraiment la Divinité. Je
déclare que ceci est la vraie connaissance. Chercher autre chose, c’est chercher
l’ignorance.’’
CONNAÎTRE LE CONNAISSANT
12° Krishna continue : ‘’Je vais maintenant te dire ce qu’il te faut connaître pour
atteindre l’immortalité au-delà de la mort. L’objectif de la sagesse spirituelle, c’est de
réaliser – de connaître dans ton cœur – la Divinité Suprême qui est à la fois l’être et le
non-être, le manifesté et le non-manifesté.
13-15° ‘’La Divinité est présente dans toute la création – dans les mains, les pieds, les
têtes, comme dans les yeux, les oreilles et les bouches de tous les êtres. Elle-même est
dépourvue de sens, tandis que Ses pouvoirs subtils accomplissent les tâches des sens.
Cette Divinité est complètement indépendante ; néanmoins, Elle soutient toutes
choses. La Divinité transcende les trois gunas de la nature ; toutefois, en eux, Elle est
la Conscience. Elle est à l’intérieur et à l’extérieur de tous les êtres. Elle est sans forme
et Elle a une forme, simultanément. Elle se meut et Elle est immobile. Sa subtilité et
Son mystère sont incompréhensibles pour l’esprit non purifié. Pour l’ignorant, la
Divinité est distante, pour qui La connaît, Elle est très proche.
16° ‘’La Divinité est subtile et dépasse la compréhension. Elle paraît multiple, mais
Elle est une et indivise. La Divinité produit la création, Elle protège la création, Elle la
préserve et Elle la dissout.
111
17° ‘’Lumière de toutes les lumières, la Divinité, Brahman, réside dans chaque cœur,
enfouie sous l’obscurité de l’ignorance. C’est le vrai Soi intérieur, le seul but de la
connaissance et en fait, la Connaissance Elle-même.
18° ‘’Voilà la vérité sur le champ et son Connaissant (sur la matière et l’Esprit, sur le
corps et l’Ame). Ceux qui sont dévoués et qui grandissent pour comprendre cette
vérité profonde et mystérieuse sont dignes de s’unir à Moi.’’
L’UNION DU CHAMP ET DU CONNAISSANT
19° ‘’Sache aussi, Arjuna, que et la nature et l’Esprit, et prakriti (le champ) et Purusha
(la Pure Conscience) sont sans commencement. Sache que toute la nature physique
évolue et se développe à partir de la Conscience. Et sache que toute la nature et tous
les attributs de la nature ne sont rien d’autre que la permutation et la combinaison
des trois qualités (gunas) de la nature que J’ai mentionnées auparavant : la bonté
calme (sattva), l’action passionnée (rajas) et l’apathie ténébreuse (tamas). Et sache
que la nature seule est la source de toute chose dans l’univers physique.
20° ‘’La cause de ton corps est la nature (prakriti), mais la cause de ta vie – ton
expérience d’être un individu qui éprouve de la joie et de la peine dans un corps
particulier – c’est l’Esprit (Purusha).
21° ‘’Ce jiva qui réside dans un corps matériel oublie sa véritable nature (Atma) et
s’identifie à tort au corps. C’est ainsi qu’il s’attache à la nature, aux gunas. Bien que
l’individu soit un mélange des trois gunas, celui auquel il est le plus attaché
prédomine et l’individu devient ce type de personne et développe les comportements,
les sensations et les illusions qui sont particuliers à cette qualité – c'est-à-dire qu’il
devient une personne globalement calme (sattvique), globalement active (rajasique)
ou une personne globalement apathique (tamasique). Comme l’individu fait
maintenant partie de la nature, il est certain de subir des naissances et des morts
répétées, le sort pénible de toute matière.
112
22° ‘’Et pourtant, rappelle-toi, Arjuna que l’Esprit (le Purusha) qui réside dans le
corps de l’individu en tant qu’Atma est vraiment Brahman, la Divinité. On dit de cet
Etre Suprême qu’il est l’Observateur qui surveille et qui arbitre le jeu de la vie,
l’Autorité qui permet à tout ceci de se déployer, le Soutien qui permet à tout ceci de se
mettre en place, le Bénéficiaire qui jouit de tout ceci avec enthousiasme, mais qui sait
que c’est un jeu, et le plus important, le Maître qui domine complètement tous ces
événements tout en n’étant aucunement affecté par eux.
23° ‘’Quand tu auras l’expérience directe de la Divinité (Brahman), tu ne renaîtras
plus parce qu’alors, tu sauras vraiment que le Divin est au-delà de tout ce monde
naturel de prakriti et des gunas. Le feu de cette grande connaissance consumera tous
tes karmas et il n’y aura plus aucune force motrice en toi pour provoquer de nouvelles
naissances. Ainsi libéré, dans cette condition du jivanmukta, tu accompliras dûment
tous tes devoirs dans le monde tout en contemplant la vie dans une paix totale.
24° ‘’Il y a plusieurs voies qui conduisent à cette grande connaissance. Certains la
réalisent en accumulant la force mentale par la méditation (dhyana yoga) ; d’autres
en affûtant l’intellect, par l’acquisition de la connaissance (jnana yoga) et d’autres
encore en accomplissant des actions désintéressées (karma yoga). Quelle que soit la
voie, si on l’emprunte avec succès, elle finit par développer un amour pur et résolu
pour Dieu (bhakti yoga, union avec Dieu par la dévotion). Quand on parvient à ce
niveau d’amour divin absolu, on atteint le but.
25° ‘’Pour ceux qui sont incapables d’emprunter aucune de ces voies, il y a un autre
moyen. En écoutant diligemment et fidèlement leurs maîtres spirituels et en vénérant
le Divin suivant leurs instructions, ils sortiront eux aussi de la roue de la mort et de la
renaissance.
26° ‘’Revenons-en un instant, Arjuna à notre réflexion sur le champ. Rappelle-toi que
tout ce qui vient à l’existence, chose ou être, est le résultat de l’union entre la matière
et l’Esprit (le champ et le Connaissant).
27° ‘’Quand la partie matérielle de cette union meurt, la partie spirituelle demeure.
Les gens ordinaires ne perçoivent pas l’Esprit à l’intérieur et par conséquent, ils
113
pensent que c’est leur propre moi qui meurt. C’est seulement quand tu vois
l’impérissable dans le périssable que tu vois réellement la Vérité.
28° ‘’Vraiment, les véritables voyants qui perçoivent la Divinité en chacun ne font de
mal à personne. Ceux qui ne perçoivent pas cette unité se divisent, considérant
certains comme des amis et d’autres comme des ennemis. Ce sont eux qui font du
mal. C’est cette illusion de séparation qui provoque tous les maux perpétrés par
l’humanité ! Comment quelqu’un qui connaît réellement l’Atma peut-il nuire au
même Atma dans un autre ? Comme Je l’ai souvent répété, celui qui voit vraiment
l’Atma atteint la Divinité et laisse derrière lui la mort et la renaissance.
29° ‘’Ceux qui voient la Vérité sont conscients que toute action est effectuée par le
corps et non pas par l’Esprit qui réside dans le corps (par prakriti, non par Purusha).
Ils savent que le corps appartient à la nature et que l’Atma appartient à l’Esprit. Ainsi,
ils comprennent que le vrai Soi (l’Atma) n’agit pas, qu’Il n’est jamais l’agissant.
30° ‘’Tu dois en fin de compte réaliser cette leçon immense : toutes les créatures, bien
qu’elles paraissent séparées, sont vraiment une et seulement une ; tous les êtres
émanent de la Divinité et sont unis dans la Divinité. Celui qui apprend vraiment ceci
devient la Divinité et il atteint ainsi la libération.
31° ‘’Le vrai Soi (l’Atma), comme Je l’ai dit, n’a ni commencement ni fin. Il est au-delà
de la prakriti. Quoiqu’Il habite le champ (le corps), ce Connaissant du champ n’agit
pas. Par conséquent, Il n’est pas touché par les résultats de l’action et Il n’est pas
affecté par le karma, bon ou mauvais.
32° ‘’Ce vrai Soi à l’intérieur de toi est vraiment mystérieux, Arjuna. Il est plus subtil
que le plus subtil. Tout comme l’eau sous forme de vapeur (son état subtil) échappe à
la pollution de son environnement, l’Atma n’est jamais souillé, quand bien même Il
réside dans toutes les créatures.
33° ‘’Tout comme le seul soleil illumine le monde entier, le seul Connaissant du
champ illumine tout le champ. Tous les êtres, grands et petits, saints et pécheurs,
élevés ou bas tirent leur lumière – leur conscience – de cette source unique.
114
34° ‘’Finalement, Arjuna, sache que le but n’est pas de s’empêtrer dans le monde,
mais d’utiliser le monde pour atteindre la Divinité. Utilise ton œil de sagesse, ta
faculté intuitive pour distinguer le champ de son Connaissant. Alors, tu pourras
réellement te libérer du champ, de l’esclavage matériel et M’atteindre, Moi le But
Suprême.’’
115
CHAPITRE 14 : TRANSCENDER LES TROIS
FORCES DE LA NATURE
(GUNATRAYA VIBHAGA YOGA)
‘’…par-delà le temps, l’espace et les circonstances, là ou l’esprit est tranquille et où
l’ego disparaît.’’
1° ‘’Arjuna, Je vais à présent expliquer plus en détail la nature même de la nature
(prakriti) et comment les trois gunas opèrent dans la vie de chaque individu. Le mot
guna ne se rapporte pas seulement aux trois propriétés de la nature, mais également
aux trois attitudes d’esprit correspondantes et sous-jacentes qui forgent tout
comportement humain. Lorsque tu connais ces secrets, tu possèdes la sagesse
spirituelle qui peut te conduire au-delà de la naissance et de la mort. C’est par cette
sagesse que les sages furent guidés vers la perfection suprême.
2° ‘’En fait, ceux qui vivent selon cette sagesse s’unissent à Moi définitivement et ne
devront pas renaître, même quand le cosmos sera recréé à l’aube d’un nouveau cycle.
3° ‘’Je suis Celui qui implante les semences de toutes les naissances dans l’immense
matrice de la nature (prakriti). A son tour, la nature engendre les tempéraments
infiniment diversifiés de toutes les créatures.
4° ‘’Tout ce qui naît, Arjuna, est issu de cette union subtile de l’Esprit et de la nature.
Quelles que soient les formes qui sont produites dans toutes les matrices de l’univers,
sache que Ma nature (prakriti) est la Mère cosmique de toute la création et que J’en
suis le Père qui donne Sa semence.
116
LES GUNAS, LES TROIS FILS DE LA NATURE
5° ‘’Toute vie se développe à partir du pouvoir différencié des trois forces de la
nature : sattva (la pureté, la lumière, le calme), rajas (la passion, l’action) et tamas
(l’ignorance, les ténèbres, l’inertie).
‘’Arjuna, chacun possède en lui les trois forces dans des proportions variables et
manifestera le type de comportement qui est en accord avec son guna prédominant,
comme Je l’ai dit. Donc, les gunas expliquent pourquoi tu penses, tu ressens, tu
parles et tu agis comme tu le fais. La personne sattvique (un type rare) sera calme et
équilibrée. Les personnes rajasiques (certainement les plus nombreuses) seront
remplies d’une énergie débridée. Et les personnes tamasiques (aussi très communes)
seront apathiques, indolentes et peu motivées à agir.
‘’Le mot guna signifie aussi fil au sens le plus littéral. Les gunas sont des forces qui
s’entrelacent et qui forment une corde solide liant le Soi (l’Atma, l’âme) au corps
matériel et ainsi à la vie, à la mort et à la renaissance.
‘’Le but de la vie est de remodeler son caractère en quête d’un idéal supérieur – en
passant de l’indolence ou de l’inertie (tamas) à l’effort passionné (rajas), puis de
canaliser tout cela dans le calme (sattva).
6° ‘’Parmi ces forces, sattva, étant pure, fournit une vision dégagée de l’Atma. Mais
même ici, un problème peut survenir, si l’on prend plaisir à la connaissance sacrée et
si l’on commence à avoir soif de celle-ci. Tout plaisir, même le bon plaisir, crée un
attachement et un désir conséquent. Tous les attachements, même des liens en or,
enchaînent l’individu (le jiva) à la douleur et au chagrin du monde matériel.
7° ‘’L’action pleine de désir est la nature même de rajas, le deuxième guna. Le désir
pousse à l’action et crée dans l’esprit le sentiment d’être l’auteur de l’action. Il suscite
une soif d’acquisition et d’attachement aux choses matérielles – aux personnes et aux
sensations qui attirent les sens. Tout comme le combustible alimente le feu, rajas
produit l’attachement à l’action et à ses fruits. Cet attachement tourne sur lui-même,
entraînant l’avidité et son proche parent, la colère.
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8° ‘’Tamas (littéralement l’obscurité) est saturé d’ignorance et n’inspire qu’indolence
et stupeur. Ce guna désoriente les gens en leur dérobant leur capacité à œuvrer (leur
énergie rajasique) ainsi que leur calme (leur calme sattvique).
9-10° ‘’Donc, Arjuna, sattva lie la personne calme à la joie, rajas attache ceux qui sont
actifs à l’activité incessante et tamas enchaîne les personnes indolentes à l’illusion et
à la paresse. Tout au long de la journée, les trois gunas fluent et refluent dans chaque
personne. Sattva prédomine en surpassant rajas et tamas. Rajas prévaut, quand
sattva et tamas sont faibles. Tamas règne, quand les deux autres qualités sont latentes
et cèdent à la léthargie.
11-13° ‘’Tu devrais savoir quel guna prédomine. Je vais te décrire certaines
caractéristiques : Quand sattva augmente, c’est comme si la lumière du vrai Soi luisait
à travers toutes les portes (les sens). Ta vision est plus nette, ton ouïe est plus fine et
ta pensée et tes actions sont plus fiables et plus précises. Quand rajas prend le dessus
sur ta personnalité, c’est comme si l’impatience, l’avidité et le désir passaient à
l’avant-plan, comme si ta propre nervosité te poussait à l’action. Tamas commande,
quand ton esprit se sent paresseux, confus et indifférent.
14-15 ° ‘’L’état d’esprit particulier qui prédominera à l’heure de ta mort est le facteur
décisif de ta prochaine naissance. Si ton âme s’en va quand sattva prévaut, tu rejoins
les cieux purs des êtres qui connaissent le Créateur. Si tu meurs dans un état
rajasique – rempli de désirs insatisfaits, de passions, de peurs et de chagrins – tu
renais dans des matrices de personnes aux pulsions similaires. Si tu meurs dans un
état tamasique, tu t’en vas dans un état inconscient pour renaître dans des conditions
de médiocrité et d’ignorance équivalentes, peut-être même comme un être
subhumain ou un animal inférieur.
16-17° ‘’Je te le répète, Arjuna, efforce-toi toujours de passer au niveau supérieur qui
suit (de tamas à rajas et de rajas à sattva), parce que les conséquences des diverses
actions sont claires. Les actions sattviques ont pour conséquence la sagesse, la pureté
et le bonheur. Les actions rajasiques génèrent toujours l’avidité, la colère et beaucoup
de douleur. Le comportement tamasique conduit à l’ignorance et à l’inertie médiocre.
118
‘’Mais sache aussi que la colère et la douleur des personnes passionnées, rajasiques
peuvent être envoyées par le ciel, parce que rien ne motive plus quelqu’un à
s’amender que la souffrance qui accompagne toujours l’action suscitée par le désir. La
souffrance est le terrain d’entraînement où l’on se forge un bon caractère et une
bonne conduite (dharma). C’est le dharma (vivre une vie basée sur la vérité) qui élève
à la sérénité de sattva.
18° ‘’Ceux qui vivent sattviquement s’élèvent, que ce soit dans ce monde ou dans le
suivant. Ceux qui sont pris par rajas restent au milieu, toujours accaparés par
l’activité matérielle. Ceux qui sont embourbés dans tamas s’enfoncent encore plus
bas.
19-20° ‘’Souviens-toi, Arjuna, que les gunas sont la nature (prakriti) et que toutes les
actions, qu’elles soient sattviques, rajasiques ou tamasiques prennent place dans la
nature. Toutes les choses de la nature ne sont que de simples permutations des trois
aspects, les gunas – même le mental, les sens et les objets qui attirent les sens sont
des permutations de ces trois forces.
‘’L’objectif de la vie terrestre, comme Je l’ai dit, c’est de grandir au-delà des deux
gunas inférieurs et d’atteindre la sérénité de sattva – et puis de transcender même
sattva. La personne qui surmonte les trois gunas transcende en essence la nature ellemême et se dégage ainsi du corps naturel et elle s’affranchit donc du cycle terrible de
la naissance, du déclin, de la mort et de la renaissance. Cette personne pénètre dans
le royaume de la pure Conscience et elle atteint la félicité suprême de Mon Etre,
Brahman, la Divinité.’’
COMMENT TRANSCENDER LES GUNAS ?
21° Arjuna demande : ‘’Quelles sont les caractéristiques de ces jnanis (sages yogis) qui
ont transcendé les trois gunas ? Comment se conduisent-ils ? Et comment se
dégagent-ils de cet enchevêtrement ?’’
119
22-23° ‘’Bonne question !, dit Krishna. ‘’Ceux qui transcendent les gunas sont en
essence des spectateurs qui se situent au-delà du matériel. Bien qu’ils soient
conscients en permanence du cycle inévitable de la naissance, de la maladie, de la
sénilité, du chagrin, etc., ils se situent au-delà et ils en sont simplement témoins. Ils
ne ressentent ni attirance ni aversion pour aucun des gunas – aucun désir, même
pour la joie paisible de sattva ou pour l’excitation de rajas ni aucun dégoût pour
l’apathie de tamas. Ils n’ont rien à gagner en adhérant à l’un de ces comportements
terrestres ni rien à perdre en s’en détournant. Tandis que les vagues des gunas fluent
et refluent, ces personnes qui ont atteint la transcendance restent calmes,
imperturbables, sans souci, indifférentes et impassibles. Puisqu’elles ne lient pas
leurs humeurs aux circonstances créées par les gunas, elles cessent de planer ou de
déprimer suivant leurs propres préférences ou aversions.
24-25° ‘’Ayant trouvé l’équilibre face au plaisir et à la douleur, ces yogis ne sont plus
sujets aux menées des trois forces dans la nature et dans le corps. Ils demeurent
toujours dans le Soi, l’Atma. Les dualités comme le plaisir et la douleur, la louange et
la critique n’ont plus aucun sens. Installés dans cette attitude de sainte indifférence,
pour eux, une motte de terre, une pierre ou une pépite d’or, c’est la même chose. Ils
sont parvenus au-delà du temps, de l’espace et des circonstances, là où l’esprit est
paisible et là où l’ego a disparu.
26° ‘’La manière de transcender les gunas, c’est la pratique résolue des trois voies que
J’ai prescrites : un, dévoue-toi totalement au Divin (bhakti yoga) ; deux, sers
fidèlement la Divinité (karma yoga) ; et trois, sois conscient en permanence de cette
même Divinité dans tous les autres et dans tout ce que tu fais (jnana yoga).
27° ‘’Pour finir, Mon bien-aimé Arjuna, sois toujours conscient que Moi, le Divin, Je
suis le fondement de la Divinité manifestée et non manifestée ; Je suis le Brahman
impérissable, immuable, au-dessus de tout qui réside en chacun en tant qu’Atma. Je
suis la Vérité et la Félicité éternelles.’’
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CHAPITRE 15 : LA DÉVOTION AU SOI
SUPRÊME
(PURUSHOTTAMA YOGA)
‘’Celui qui saisit ce grand secret sera illuminé ; tous les devoirs et toutes les missions
de la vie et le but de milliers d’années d’évolution auront été accomplis.’’
1° Krishna s’interrompt pour peser soigneusement Ses prochaines paroles : ‘’Arjuna,
examinons maintenant brièvement certaines vérités profondes et ésotériques
concernant Ma nature la plus haute et le but le plus élevé de tous, parvenir à Mon lieu
de résidence. Je vais prendre une analogie.
‘’On peut comparer prakriti, le monde de la matière, à l’arbre mythique Ashvatta, un
figuier géant renversé avec ses racines aériennes en Dieu et ses branches prises dans
la boue en bas. Tout comme le tremble, ses feuilles remuent constamment et sont
toujours en mouvement et tout comme le banian, il envoie ses branches vers le bas et
vers la terre plutôt que vers le haut – et ces branches s’enracinent fermement dans le
terrestre.’’
ASHVATTA, L’ARBRE DE LA VIE MATÉRIELLE
2° ‘’L’Ashvatta qu’on appelle l’arbre de la vie matérielle possède des branches
supérieures plus rapprochées de Dieu et des branches plus basses au niveau matériel.
On compare les bourgeons et les feuilles qui tremblent aux sens humains, alimentés
par les énergies, la sève de la nature, les gunas. Les branches dirigées vers le bas et
profondément enfoncées sont les attachements qui enchaînent l’âme individuelle (le
jiva) à l’existence terrestre. Saisir la nature de cet arbre renversé, c’est voir de la
manière inverse dont les humains perçoivent la vie.
3-4° ‘’Quoique l’origine et la totalité de cet arbre de la vie matérielle puissent être audelà de l’entendement de l’humanité, sache que ses branches prises dans le monde
121
doivent être coupées avec la hache du détachement. Quand tu tranches ces
attachements, une attitude d’imperturbabilité sacrée apparaît, qui est la condition
préalable à la vision spirituelle. A ce moment-là, l’intuition spirituelle supplante ta
vision habituelle et toute ta perspective de l’univers subit un changement
spectaculaire.
‘’Mais couper les attachements profonds n’est pas suffisant. Après que la hache ait
effectué son travail, tu dois te mettre en quête du but suprême de la vie, t’affranchir
du cycle de la renaissance.
5° ‘’Les personnes désillusionnées qui tranchent leur ignorance (leur inconscience de
l’Atma) atteignent le but suprême. Quand elles sont affranchies de l’orgueil et quand
elles ont tranché leurs attachements, quand elles ont renoncé à leur soif de plaisir et à
leur répulsion envers la souffrance, alors ces personnes clairvoyantes se fondent dans
la lumière du but suprême.
6° ‘’Cette lumière dépasse en éclat toute autre lumière ! Ni le soleil, ni la lune, ni les
étoiles, ni les éclairs, ni aucun feu allumé sur terre ne peuvent briller dans l’autoluminosité de Mon royaume. Une fois que l’âme individuelle obtient cette
illumination ultime, elle est pour toujours avec Moi et ne retrouve plus jamais une
existence séparée.’’
LE VOYAGE DU JIVA
7° ‘’Je vais maintenant t’en dire plus à propos de l’âme individuelle (jiva). L’Atma
(une partie de la Divinité) entre dans un corps dans la matrice avant la naissance ;
elle entre ainsi dans le monde matériel. Elle rassemble autour d’elle les cinq sens et le
sixième, le mental. Souviens-toi que le mental et les sens sont prakriti, une partie de
la nature.
8° ‘’Pareille à une brise véhiculant la senteur d’un parfum, l’Atma, en passant d’un
corps à l’autre, emporte avec elle le mental et les sens. Cela signifie qu’elle emmène
122
avec elle l’intellect, l’ego (le sentiment d’être une identité séparée) et le mental
inférieur et qu’elle transfère les pensées et les tendances des vies antérieures.
9° ‘’L’âme individuelle (jivatma), parce qu’elle a rassemblé les sens autour d’elle,
éprouve les plaisirs, les désirs et les douleurs du monde.
10° ‘’Ceux qui sont inconscients du vrai Soi intérieur (Atma) ne reconnaissent pas en
eux ce jiva qui emploie les sens. Comme les sens sont limités au niveau du mental, ils
sont incapables de comprendre l’Atma qui est au-delà du mental. Mais les yogis qui
possèdent l’œil de la sagesse (la faculté intuitive), Me voient, Moi, leur Soi atmique
intérieur.
11° ‘’Pour obtenir cet ‘’œil de la sagesse’’, tu dois faire deux choses : renoncer à ton ego
et purifier ton esprit. Ce n’est qu’en accomplissant ces deux choses que Tu Me
contempleras. A ceux qui ne s’abandonnent qu’à moitié ou qui ne purifient que
partiellement leur esprit, la capacité de voir leur Soi atmique n’échoit pas.
L’IMMANENCE DE DIEU EN TOUT
12° ‘’Rappelle-toi, Mon cher ami, que Je suis subtilement inhérent en tout, en chaque
chose de l’univers ! Je suis la lumière du soleil qui éclaire tout, la lumière de la lune,
l’éclat du feu – toute lumière est Mienne. Je suis même la Conscience dans la lumière
et en réalité, Je suis la Conscience dans le cosmos tout entier.
13° ‘’Une infime parcelle de Mon énergie primordiale (prana) qui pénètre la Terre
soutient et alimente tous les êtres. Je deviens la sève vitalisante qui nourrit toutes les
plantes (y compris les herbes médicinales). En fait, c’est Mon énergie qui engendre
toutes les formes de matière et d’énergie.
14° ‘’C’est comme chaleur de la vie que J’entre dans les corps des êtres vivants. Je suis
dans leurs systèmes digestifs en tant que chaleur qui transforme la nourriture en
force. Je suis l’inspir et l’expir. Ces pouvoirs sont des aspects de Mon énergie.
123
15° ‘’Je suis présent dans tous les cœurs. Je demeure dans tout le cosmos en tant que
Conscience. De Moi émanent la connaissance, la compréhension et la mémoire.
J’apporte tous ces pouvoirs et Je les reprends également.
‘’Essaye de contempler la grandeur et la sidérante impermanence de tout l’univers
physique, Arjuna, et tu commences alors seulement à avoir une idée de Ma
permanence absolue. En méditant sur l’immensité totale du cosmos, tu commences à
avoir une idée de la portée incompréhensible de Mon omniprésence. Je suis partout
présent dans toute cette immensité.
‘’Je suis la beauté et la félicité, Arjuna. C’est de Moi dont parlent l’ensemble des
différentes Ecritures du monde. En fait, c’est Moi qui suis leur auteur.
16° ‘’Il existe deux ordres d’êtres dans ce monde : les êtres mortels (temporels,
périssables) et l’Esprit immortel (éternel, impérissable). Toutes les créatures sont
périssables. L’Esprit est impérissable.
17-18° ‘’Mais distinct et au-dessus d’eux – supérieur aux mortels et à l’Esprit,
supérieur même aux plus hautes déités – J’existe en tant qu’Atma Suprême, Divinité
immuable, éternelle, impérissable. C’est ce ‘’Je’’ du niveau le plus élevé qui imprègne
et qui, toutefois, reste au-dessus et au-delà des trois mondes (la terre, les niveaux
intermédiaires et les cieux). Etant donné que Je transcende à la fois le périssable et
l’impérissable, on Me connaît sous cet aspect de Moi-même comme le ‘’Soi Suprême
absolu le plus élevé’’ ou le Purushottama.
19° ‘’Il n’y a qu’une seule Réalité, Arjuna, une seule ! Ceux qui connaissent et qui
voient ce niveau suprême du Soi en Moi connaissent et voient la Vérité. Ces âmes
illuminées se dévouent à Moi de tous leurs cœurs.
20° ‘’Je t’ai révélé cette vérité très profonde et ésotérique d’entre toutes les vérités.
Celui qui comprend ce grand secret atteindra l’illumination. Tous les devoirs et toutes
les missions de la vie et l’objectif de millions d’années d’évolution auront été
accomplis. Il n’y a pas de connaissance plus élevée. Celui-là a fait ce qui doit être fait.’’
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CHAPITRE 16 : DEUX DESTINÉES, DIVINE OU
DÉGÉNÉRÉE
(DAIVA-ASURA SAMPAD VIBHAGA YOGA)
‘’…les vertus cardinales et les tendances qui révèlent la nature réelle des êtres
humains : leur divinité.’’
1-3° ‘’Je peux voir que ton intérêt persiste, Mon cher ami. Je vais à présent te décrire
les qualités et pratiques distinctes des gens aux tendances divines et des gens aux
tendances dégénérées (parfois dites diaboliques). D’abord, les traits divins :
‘’L’intrépidité, la pureté (du cœur et des émotions), la résolution (dans la quête de
l’Atma), la charité (faire l’aumône) et le contrôle des sens ;
‘’Le sacrifice (yajna, l’état d’esprit du don), l’étude des Ecritures, l’austérité (tapas, la
purification), la droiture (intégrité, sincérité) et la non-violence (ahimsa, ne pas
causer de tort mental, physique ou spirituel).
‘’Sont également présents sur la liste des traits divins : l’honnêteté, l’absence de
colère, le renoncement (se détourner des attachements matériels), l’équanimité et ne
pas calomnier ;
‘’La compassion, l’absence de convoitise (de désir), la douceur, la modestie, l’absence
d’agitation (pas de fluctuations mentales) et la vigueur ;
‘’Le pardon, la détermination (courage, endurance, savoir supporter), la propreté
(saucham, un esprit pur et un corps propre), l’absence de haine et l’absence d’orgueil.
‘’Voilà, Arjuna, quelles sont les vertus et les tendances capitales qui révèlent la nature
réelle des êtres humains, leur Divinité.
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4° ‘’D’un autre côté, il y a les qualités, les comportements et les états d’esprit
dégénérés qui rendent une personne moins qu’humaine :
‘’L’orgueil (ostentation, hypocrisie), la suffisance (arrogance), la vanité (infatuation),
la colère, la dureté (grossièreté, jugement critique) et l’absence de discernement
(entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, le réel et l’irréel).
5° ‘’Les comportements ‘’divins’’ de la plus longue liste conduisent à la libération ; les
comportement décadents à passer plus de temps sur la roue de la mort et de la
renaissance. Toutefois, ne t’inquiète pas, Arjuna, puisque tes antécédents sont bons :
tu as apporté des qualités divines dans cette vie-ci.
6° ‘’Ecoute à présent attentivement quelle est la conduite dégénérée – non pas pour
t’attarder sur le négatif, mais pour t’en protéger.
7° ‘’Les êtres dégénérés, parce qu’ils n’ont aucun sens de la vérité ni de la conduite
juste (dharma), ne savent pas ce qu’ils devraient faire ou ne pas faire. Il n’y a en eux
aucune pureté.
8° ‘’Si on leur demande pourquoi ils persistent dans leurs modes détestables, ils
rétorquent que les Ecritures sont des mensonges, que Dieu est mort ou qu’Il n’a
jamais existé, que l’univers est une jungle sans fondement moral. Ils affirment que ce
qui existe dans le monde n’est que le résultat de la concupiscence ou un simple
accident.
9° ‘’S’agrippant dans leurs esprits à cette vision tordue, ils deviennent les ennemis du
monde et servent un dessein négatif. Sans penser aux conséquences de leurs actes, ils
provoquent la destruction et la souffrance. Si on les abandonnait à leur
autocomplaisance, ils détruiraient le monde sans sourciller.
10° ‘’Pétris d’innombrables et insatiables désirs, ils sont arrogants, vaniteux, et
orgueilleux. Ils vivent dans l’illusion et suivent aveuglément le mal (les choses qui
conduisent à la souffrance).
126
11° ‘’Assaillis de craintes, ils s’imaginent que leurs peurs cesseront après la mort – ce
qui est une hérésie, puisque le même esprit renaîtra dans une situation similaire. Ils
sont aveuglément certains que satisfaire leur propre convoitise est tout ce qui compte
dans la vie.
12° ‘’Ils sont entourés de toutes parts par la manigance, l’avidité et la colère, parce
qu’étant eux-mêmes cruels, ils attirent des gens cruels. Ils stockent et ils accumulent
les richesses dans le seul but de satisfaire leurs sens et leurs caprices. S’emparer des
richesses gouverne chacune de leurs pensées et de leurs faits et gestes.
13-15° ‘’Ils proclament avec arrogance : ‘’J’ai voulu ceci ou cela et je l’ai obtenu !
Demain, j’aurai plus encore. Ces richesses sont à moi et je passerai ma vie à en
acquérir toujours plus. J’ai détruit ce gêneur et cet ennemi et je me débarrasserai du
reste. Je suis tout-puissant. Je suis le maître de mon domaine. J’aime posséder les
choses du monde. Je suis brillant, puissant et riche. Qui peut se comparer à moi ? Je
m’achèterai une conduite en faisant des dons généreux aux pauvres et aux plus
démunis et je jouirai de ma propre bonté.’’ Voilà jusqu’où l’aveuglement et
l’ignorance ont dévoré leur âme.
16° ‘’Ces dépravés qui se leurrent et qui sont piégés par leur dépendance à la
satisfaction des sens sont pris dans la toile d’araignée de l’illusion. Ils plongent dans
l’enfer sordide et douloureux de leurs propres esprits odieux.
17° ‘’Bouffis d’orgueil et de suffisance à en étouffer et rendus ivres par leurs richesses,
ils ne servent la Divinité que du bout des lèvres. Ils ne font des offrandes aux déités
que pour le nom et la renommée, l’esbroufe et pour la publicité personnelle.
18° ‘’Parce qu’ils se sont complètement livrés aux forces obscures de l’égoïsme, de
l’insolence, du désir et de la colère, ces êtres cruels Me haïssent, Moi qui réside dans
leurs propres corps. Ils renient Ma présence en eux-mêmes et dans les autres.
19° ‘’Encore et encore, conformément à leur karma, Je précipite ces êtres malfaisants
et méchants dans les matrices de parents qui leur ressemblent et Je les soumets à la
roue de la mort et de la renaissance.
127
20° ‘’Vie après vie, ils naissent dans un tel avilissement sans jamais M’atteindre ni
même sans tenter de M’atteindre. Ils plongent ainsi dans les profondeurs les plus
obscures.
21° ‘’Les trois principales causes de cette dépravation sont les trois portes de l’enfer,
comme on les appelle : le désir, l’avidité et la colère. Une seule d’entre elles suffit pour
t’enchaîner à ces ténèbres, aussi renonce aux trois.
22° ‘’Ceux qui finissent par laisser derrière eux ces portes obscures et qui se tournent
vers Dieu finiront par M’atteindre, Moi, le but suprême. En réalité, le progrès peut
être rapide, une fois que l’individu dégénéré Me consacre son énergie agressive et
qu’il suit la voie divine.
23° ‘’La fonction des Ecritures, c’est d’inciter les gens à vivre sur terre une vie de
perfection et de sans cesse leur rappeler leur but qui ne devrait être rien de moins que
de réaliser la Divinité Elle-même. Mais ceux qui refusent avec mépris les
enseignements et la direction des Ecritures et qui n’agissent que sur l’impulsion de
leurs désirs n’atteindront ni la perfection, ni la Divinité, mais seulement leur
malheur.
24° ‘’Laisse les Ecritures te dire ce que tu devrais faire et ne pas faire, Arjuna. Sache
quels sont les bons choix et montre-toi à la hauteur. C’est plus simple que tu ne le
penses. Lorsque toi ou n’importe qui d’autre emprunte résolument la route de
l’illumination, il n’y a pas de conflit du tout entre ce que tu fais et ce que conseillent
les Ecritures.’’
128
CHAPITRE 17 : LA VOIE DE LA TRIPLE FOI
(SRADDHA TRAYA VIBHAGA YOGA)
‘’La foi vient d’abord…la foi qui inclut la détermination, le zèle et l’élan pour la
croissance spirituelle.’’
1° ’’Mais Krishna’’, demande Arjuna, ‘’il y en a qui en toute bonne foi recherchent la
voie juste sans avoir de connaissance profonde des Ecritures. Quel sera leur
accomplissement spirituel ? La nature de leur foi est-elle sattvique (pure), rajasique
(passionnée) ou tamasique (obscure) ?’’
2-3° Krishna répond : ‘’En réalité, les gens sont la totalité des croyances qu’ils
nourrissent dans leurs cœurs, Arjuna, et il y a effectivement divers types de foi. La foi
d’une personne correspond à sa nature et sa nature équivaut à sa foi. Chaque individu
naît avec un des trois types de foi : la foi sattvique, la foi rajasique ou la foi tamasique,
selon son tempérament.
4° ‘’Ceux qui possèdent un tempérament sattvique vénèrent les dieux. Les personnes
rajasiques rendent un culte au pouvoir et à la richesse, bien qu’elles puissent ne pas
reconnaître qu’ils soient leurs dieux. Les personnes tamasiques rendent un culte aux
esprits des morts – aux spectres et aux déités néfastes (celles qui possèdent des
qualités négatives et qui font du mal) – ce qui, encore une fois, correspond à leurs
propres dispositions.
5-6° ‘’Certaines personnes, à cause de passions et de désirs excessifs, inventent des
modes cruels pour s’infliger à elles-mêmes de la douleur. Dans leur sottise, elles
nuisent à leurs corps et à leurs sens et elles M’insultent, Moi, l’Atma qui réside en
elles. Elles peuvent sembler avoir la ‘’foi’’, mais de telles pratiques nuisent à leur
développement spirituel.
7° ‘’Il y a d’autres comportements qui ont un impact sur l’accomplissement spirituel.
Les habitudes alimentaires d’une personne jouent un rôle, un fait que peu de gens
reconnaissent. Et la façon dont on s’acquitte des trois principales disciplines
spirituelles – le sacrifice (yajna, l’offrande), la purification (tapas, les austérités) et la
129
charité (dana, l’aumône) – influence également le développement spirituel d’une
personne. Chacune de ces trois disciplines peut aussi être comprise à la lumière des
trois types de gunas.’’
L’IMPORTANCE SPIRITUELLE DE LA NOURRITURE
8° ‘’En ce qui concerne les usages alimentaires, sache qu’il y a des éléments subtils
dans la nourriture qui influencent le mental de manière significative et qui façonnent
ainsi les attitudes mentales. Ceci engendre un cycle qui est similaire à l’état de la foi
d’une personne : tu es ce que tu manges et tu manges sur base de ce que tu es. Et
sache, Arjuna, qu’en raison de l’impact subtil de la nourriture sur l’esprit, tôt ou tard,
tous les aspirants spirituels sérieux doivent considérer la question de ce qu’ils
consomment.
‘’Les personnes sattviques, par exemple, consomment une nourriture pure, peu
épicée et nourrissante, qui les fortifie physiquement et qui produit des pensées pures
et de la joie mentale. Leurs aliments sont frais, juteux, apaisants et agréables pour le
système digestif. Le petit-déjeuner est léger ; le repas de midi est aussi substantiel
qu’il le faut, mais pas plus ; le souper est aussi léger que possible pour que les organes
du corps puissent se reposer pendant la nuit. Seul sattva connaît le goût réel de la
nourriture.
9° ‘’Les personnes rajasiques sont attirées par une nourriture épicée, fort chaude,
amère, salée, acide et brûlante. Comme les gens qui la prennent, cette nourriture
produit douleur, peine et maladie et gêne l’accomplissement spirituel.
10° ‘’Les personnes tamasiques mangent de la vieille nourriture trop cuite, rance,
insipide, impure, manquant de substances et morte, sans aucune valeur nutritive.
Une telle alimentation retourne ces qualités au mangeur.
130
LES TYPES DE SACRIFICE SPIRITUEL ET LEUR EFFICACITÉ
11° ‘’Contemple les trois pratiques spirituelles (le sacrifice, l’austérité et la charité) du
point de vue des qualités des gunas.
‘’Tout d’abord, considère le sacrifice (yajna), ‘’l’offrande d’amour’’ et ‘’la loi
fondamentale de la nature’’ que J’ai mentionnée précédemment. Le sacrifice est
sattvique, lorsqu’il est offert pour lui-même, sans aucun désir, ni attente de
récompense, ni attachement aux fruits de l’offrande.
12° ‘’Le sacrifice est rajasique, quand il est accompli pour la glorification personnelle,
pour l’exhibition et les bénéfices qu’il produira ou comme une tentative de
marchandage avec Dieu. Le sacrifice égoïste nuit au progrès spirituel.
13° ‘’Les personnes tamasiques proposent des sacrifices creux, dépourvus de
solennité, dépourvus de sincérité révérencielle, dépourvus même des mantras ou des
rituels adéquats – sans la moindre foi.’’
LES TYPES DE PURIFICATION SPIRITUELLE ET LEUR
EFFICACITÉ
14° ‘’Considère la purification, tapas, qui signifie littéralement ‘’fondre’’, comme dans
le raffinement du minerai. Le but de la purification n’est pas la souffrance ni la
pénitence, mais de raffiner délibérément sa vie, la refondre et puis la remodeler selon
un ordre supérieur de pureté et de spiritualité. Le but est très important : il ne s’agit
pas d’autopunition, mais de raffinement – de passer de l’existence humaine à la
Divinité !
‘’Il y a trois principales méthodes de purification : le raffinement des pensées, des
paroles et des actes ou la purification des instruments que sont le mental, le langage
et le corps, respectivement. Quand tu les modifies tous les trois, tu changes
automatiquement pour le mieux.
131
‘’La purification des actes (‘’austérités physiques’’) se compose de quatre pratiques
clés : vénérer les dieux (qui sont tous des aspects de la Divinité unique), vénérer les
saints, ceux qui ont ainsi consacré leurs carrières, vénérer les gurus (les maîtres
spirituels, les anciens qui montrent le bon exemple) et vénérer les sages, ceux qui
connaissent déjà l’Atma et qui ont transcendé le corps-mental.
15° ‘’La purification des paroles (‘’austérités vocales’’) comporte également quatre
pratiques : dire la vérité, ne pas blesser, ne pas flatter et les chants dévotionnels (ou la
lecture à voix haute). Je vais les développer brièvement :
‘’Dis toujours la vérité, Arjuna et présente-la aussi plaisamment que possible. Si cela
n’est pas possible, demeure silencieux. Si quelque chose doit absolument être dit, tu
dois soutenir la vérité, mais trouve une façon de le faire qui soit douce et aimable.
‘’Ne blesse pas les autres par des paroles dures. Des paroles peuvent être plus
douloureuses que la violence physique et la blessure dure plus longtemps. Les paroles
qui sont destinées à exciter la négativité sont un acte de violence ; évite de telles
paroles. S’abstenir de paroles blessantes est très important.
Evite scrupuleusement la flatterie, même si ce que tu dis est plaisant et si c’est la
vérité. Encourager la vanité n’aide pas à croître spirituellement. L’idée, c’est de
n’exprimer que des paroles bénéfiques (même à voix basse) qui encouragent le
progrès vers la Divinité.
‘’Enfin, le chant dévotionnel ou la lecture régulière de textes sacrés à voix haute est
une purification de la parole qui peut contribuer beaucoup au progrès spirituel.
16° ‘’En dernier lieu, considère à présent la purification des pensées (‘’austérités
mentales’’). Celui-ci importe plus que les deux autres raffinements (le raffinement des
paroles et des actes), parce que les bonnes paroles et les bonnes actions sont
spontanées dans l’esprit qui est saturé de bonnes pensées. Si tu gardes un état
d’esprit calme et posé, tu ne parleras pas à tort et à travers et tu ne commettras pas
d’actes indésirables. Pour développer l’équanimité mentale, n’autorise en toi que les
bonnes pensées et les sentiments nobles. Ceci pourra paraître impossible à la plupart
132
des gens, mais comme nous le savons maintenant, on peut certainement purifier
l’esprit par une pratique constante, intense et directe.
17° ‘’Quand tu pratiques avec acharnement ces actes de purification de pensée, de
parole et d’action avec une foi ferme et sans attendre aucune récompense, tes
pratiques sont sattviques.
18° ‘’Quand tu pratiques ces actes de purification pour gagner l’admiration ou le
respect, tes pratiques sont rajasiques. Tout motif égoïste pour recevoir une
récompense, que ce soit dans ce monde ou le suivant, rend l’acte rajasique et ceci
détruit sa valeur d’accomplissement spirituel.
19° ‘’Si tu accomplis ces trois pratiques purificatrices sans comprendre pourquoi tu
les entreprends, si elles se concentrent sur le corps, si elles incluent de la sorcellerie
ou si elles sont blessantes pour toi ou les autres – alors ces efforts trop austères sont
tamasiques.’’
LES TYPES DE CHARITÉ ET LEUR EFFICACITÉ
20° ‘’Maintenant, Arjuna, considère les trois types de charité (dana, l’aumône).
Comme Je l’ai déjà souligné, c’est le devoir d’une personne de donner. Si tu fais la
charité avec un sens positif du devoir sans te sentir obligé, sans attente de
récompense et si tu le fais au bon endroit, au bon moment pour le bénéfice d’une
personne qui le mérite et qui ne peut pas rendre la pareille, ce don est sattvique.
21° ‘’Faire un don accompagné de conditions rend mal à l’aise celui qui donne,
comme celui qui reçoit. La charité qui est faite en suggérant le désir de recevoir
quelque chose en retour (ici ou dans l’au-delà) est rajasique.
22° ‘’Et pour finir, les dons qui sont faits au mauvais moment, au mauvais endroit, à
des gens indignes (des gens au caractère douteux qui dilapident leur argent ou qui
n’aident pas les autres) ou les dons qui sont faits sans respect ou avec mépris – ce
genre de charité est tamasique.’’
133
OM TAT SAT6
23° ‘’Bien que ces trois activités spirituelles – le sacrifice, la purification et la charité
(yajna, tapas et dana) – soient les activités les plus nobles du monde, elles
contiennent toutes une nuance d’impureté matérielle, même les meilleures pratiques
sattviques. Pour purifier ces pratiques, invoque la déclaration ‘’Om Tat Sat’’, quand tu
les entreprends. Cette expression ancienne, triple, remonte très loin, au
commencement des temps, lorsque la Divinité se projeta d’abord sous forme de son.
Chaque mot – Om, Tat et Sat – représente la Conscience Suprême dont tout le reste
est issu.
24° ‘’Considère-les, un par un. La syllabe Om (essentiellement, une appellation de la
Divinité), c’est elle que les gens conscients spirituellement prononcent avant
d’accomplir des activités spirituelles. Ceci confère une tonalité sacrée, bénie à leurs
actes et commence à dissoudre la nuance d’impureté qu’ils contiennent.
25° ‘’Dire Tat en accomplissant ces activités (littéralement, ‘’Cela’’, Dieu) te rappelle
que toutes les actions appartiennent à Dieu et qu’elles ne sont pas tiennes. Ceci
supprime de l’action le sentiment du ‘’je’’, son caractère possessif et l’ego.
26° ‘’Prononcer Sat (littéralement, ‘’Ce qui est’’, l’Existence même) invoque une
attitude générale de bonté et sert à rappeler que l’action qui va être entreprise est un
acte noble qui mène à la Réalisation divine. Prononcer Sat purifie tes propres
activités et réforme aussi le monde.
27° ‘’Sat a d’autres nuances de sens et d’autres fins. Toute action accomplie pour le
Divin est Sat. S’engager fermement dans les activités spirituelles (sacrifice,
purification et charité), c’est aussi Sat.
‘’Répéter Om Tat Sat relève l’attitude envers toute activité. L’implication, c’est que Sat
(‘’Ce qui est’’) est à la fois le moyen et le but, la Divinité et le moyen de L’atteindre.
6
Littéralement ‘’Om Qui Est’’ En essence, Om Tat Sat signifie ‘’Dieu seul est la Réalité’’.
134
28° ‘’Pour finir, Arjuna, sache que la foi vient d’abord. Ces activités spirituelles
doivent être accomplies avec sraddha, la foi qui contient la détermination, le zèle et
l’élan nécessaires à la croissance spirituelle. Les entreprendre sans cette foi solide est
considéré comme asat (‘’pas Cela’’), ce qui signifie que l’acte ne compte pas
spirituellement et que rien de valable n’en sortira ni ici ni dans l’au-delà.’’
135
CHAPITRE 18 : LA LIBÉRATION VIA
LA CONNAISSANCE, L’ACTION ET L’AMOUR
(MOKSHA SANYASA YOGA)
‘’Donne-Moi tout ton cœur.’’
1° Arjuna demande : ‘’Ô, divin Krishna, quelle différence y a t-il entre sanyasa et
tyaga ? Puisque les deux mots signifient renoncement, comment l’un diffère-t-il de
l’autre ?’’
2° Krishna répond : ‘’Les sages disent qu’abandonner les actions égoïstes (sanyasa)
est un type de renoncement et qu’abandonner et renoncer aux fruits des actions
(tyaga) est un autre type de renoncement.
3° ‘’Certains sages affirment qu’on devrait renoncer à toutes les actions, parce
qu’étant des actions matérielles, toutes contiennent une nuance impure d’irréalité.
D’autres déclarent que l’on devrait poursuivre certaines actions, à savoir celles qui
sont de l’ordre le plus élevé : le sacrifice, la purification et la charité.
4° ‘’Ecoute, Arjuna, Je vais te dire la vérité. Les deux termes, sanyasa et tyaga
signifient tous les deux renoncement. Le renoncement n’est pas un processus négatif,
mais plutôt un acte positif, comme la nature qui nous entoure nous le montre : le
soleil cède constamment sa chaleur et sa lumière pour promouvoir la vie, le fruit mûr
se détache de l’arbre auquel il était attaché ; la mère accouche du bébé qu’elle a porté
pendant si longtemps ; les étudiants quittent l’école après l’obtention de leurs
diplômes et le plus important, l’âme individuelle abandonne les imbroglios matériels
pour s’unir à Moi, le Divin.
5° ‘’Les ‘’renoncements’’ que nous avons déjà envisagés – le sacrifice, la purification et
la charité – sont les trois activités humaines les plus nobles. Tu ne devrais jamais les
abandonner. Ce sont toutes des méthodes pour éradiquer les impuretés, pour ceux
136
qui les comprennent – et la pureté est absolument nécessaire pour se rapprocher de
Dieu, ce qui est le but, comme Je l’ai si souvent précisé.
6° ‘’Ainsi, comme Je l’ai expliqué, tu dois accomplir ces trois hautes activités de
manière totalement désintéressée, sans aucun attachement ni désir. C’est
indispensable de savoir ceci. La vache est sacrée, à cause du don gratuit de son lait
qui devient la force vitale des autres êtres. Les yogis et les sages contribuent à la
pureté du monde en donnant, et non pas en accumulant. Ceci est, comme Je l’ai dit,
la loi essentielle qui gouverne la vie au niveau spirituel.
7° ‘’Et les Ecritures proclament que les actes sacrés que sont le sacrifice, la
purification et la charité sont obligatoires et qu’il faudrait les accomplir tant que dure
le corps. Ceux qui par ignorance n’accomplissent pas de tels actes sont tamasiques.
8° ‘’Eviter ces devoirs sacrés par crainte ou par aversion envers l’inconfort physique
est rajasique. Une telle personne n’en tirera aucun bénéfice spirituel.
9° ‘’Mais lorsqu’on s’engage dans ces activités uniquement par devoir et sans
attachement ni désir d’aucune récompense, alors l’action est sattvique. Le calme et la
pureté naissent d’une telle attitude.
10° ‘’Les personnes sattviques, qui ne sont pas la proie du doute et qui sont
conscientes de leur vrai Soi (Atma) gardent le cap dans leurs obligations. Elles ne se
dérobent pas face à ce qui est désagréable et elles ne recherchent pas ce qui est
plaisant. Elles font simplement ce qu’elles doivent faire.
11° ‘’Il n’est pas possible pour un être humain, comme Je l’ai dit, d’être un renonçant
complet (d’abandonner toutes les actions), pendant qu’il occupe toujours le corps.
C’est tout simplement impossible. Mais celui qui se détache des fruits de l’action peut
être considéré comme un renonçant authentique. Le vrai renoncement, c’est
abandonner tout désir d’une récompense personnelle.
12° ‘’Ceux qui sont encore attachés, qui accomplissent les choses avec des visées
personnelles récolteront leur dû en temps voulu – soit ici, soit dans l’au-delà. Le
137
karma qui leur échoit peut être mauvais, bon ou mitigé, conformément à leurs
actions.
‘’Etre précipité dans l’obscurité et renaître comme un animal est un exemple de
récompense pour de mauvaises actions. Naître au ciel, comme un être céleste est un
exemple de récompense pour de bonnes actions. Naître en tant qu’homme est un
exemple de récompense mitigée. Mais souviens-toi, Arjuna, que ceux qui renoncent
au désir et à l’attachement ne récoltent aucune conséquence de leurs actions, que ce
soit dans ce monde ou dans le suivant.’’
COMMENT LES ÉLÉMENTS DE L’ACTION INTERAGISSENT
13-15° ‘’Permets-Moi de t’expliquer les cinq facteurs qui contribuent à chaque action,
d’après la philosophie spirituelle. Premièrement, le corps (sans lui, il ne pourrait pas
y avoir d’action) ; deuxièmement, l’auteur de l’action ; troisièmement, les sens ;
quatrièmement, l’effort (le mouvement ou l’énergie impliquée par l’action) ; et
cinquièmement, la déité qui gouverne et qui manipule tous ces instruments, ce qui
inclut la destinée invisible qui est latente dans toutes les actions (prarabdha). Ces
cinq facteurs sont présents dans toutes les activités humaines, que l’action concerne
l’esprit, le langage ou le corps (la pensée, la parole ou les actes) et que l’action soit
bonne ou mauvaise (dharmique ou adharmique).
16° ‘’On croit souvent erronément que le Soi (l’Atma) est l’auteur des actions. Mais
l’Atma n’a rien à voir avec aucun des cinq facteurs de l’action. L’Atma n’exécute
absolument aucune action, aucun travail, est éternel et pur, totalement détaché du
royaume de la matière (où toute action prend place). Le sentiment d’être l’auteur de
l’action appartient à l’ego, sentiment erroné enraciné dans l’esprit que tu es une entité
séparée de l’Atma.
17° ‘’Les personnes spirituellement évoluées, qui sont établies dans l’Atma et dont
l’esprit s’est affranchi de l’idée d’être l’auteur de l’action comprennent le vrai Soi et ne
sont par conséquent pas souillées par leurs actions. Pour elles, les activités
matérielles (comme, dans ton cas, tuer ou être tué) sont des modifications qui ont
138
lieu dans le royaume de la nature (prakriti). Souviens-toi que la nature est réellement
l’auteur de tous les karmas. Bien conscients de ceci, les yogis s’élèvent au-dessus des
troubles et de l’esclavage du karma.
18-19° ‘’A présent, Arjuna, Je vais t’expliquer comment les forces de la nature ( gunas)
interagissent avec l’action qui comporte trois éléments généraux : la connaissance,
l’action et l’auteur. Si tu examines ces trois éléments du point de vue de chacun des
trois gunas, tu vois qu’il y a trois types de connaissance, trois types d’action et trois
types d’auteur.
20° ‘’La personne qui possède la connaissance sattvique connaît la Divinité du Soi,
voit la Divinité dans tous les êtres, connaît l’unité de toutes les créatures dans
l’univers et ne voit pas la séparation que les autres voient.
21° ‘’La personne dont la connaissance est rajasique perçoit partout la séparation et
voit chaque individu comme distinct de tous les autres. Elle croit qu’il y a autant
d’âmes séparées qu’il y a de corps.
22° ‘’La personne dont la connaissance est tamasique n’a en fait aucune
connaissance, elle est seulement ignorante. Cette personne bernée s’accroche à la
croyance que l’individu n’est qu’un corps. Pour elles, la perte du corps veut dire tout
perdre. Il n’y a là aucune subtilité de raisonnement.
23° ‘’A présent, considère les trois types d’action. Les actions sattviques sont ces actes
qui sont prescrits par les Ecritures et qui sont accomplis sans attachement. Celui qui
accomplit une action sattvique le fait comme un devoir sacré et uniquement par
amour du devoir, pas pour le plaisir ou pour une récompense personnelle. La corvée
n’existe pas dans le travail sattvique.
24° ‘’Le travail (l’action) est rajasique, quand il est mû par le désir pour les fruits de
cette action. Le travail rajasique t’empêtre dans des poursuites autocomplaisantes et
requiert une énorme somme d’efforts égoïstes. Ce type d’action entrave la progression
spirituelle et produit le chagrin.
139
25° ‘’Les actions sont tamasiques, quand elles sont entreprises aveuglément sans
penser ou réfléchir aux conséquences. Aucune pensée n’est accordée au coût ni au
mérite de faire l’action et son auteur n’a aucune notion de sa propre capacité à
l’accomplir.
26° ‘’Considère maintenant les trois types d’auteurs. Les acteurs sattviques voient
tout cela comme l’œuvre du Divin et ils ne se voient que comme des instruments de la
Divinité. Complètement dépourvus d’ego, ces acteurs sont sans désir et sans
attachement. Ils sont ardents à la tâche, sans être toutefois touchés par le succès ou
par l’échec.
27° ‘’Les acteurs rajasiques sont motivés par le désir de gains personnels ; ils sont
avides, destructeurs jusqu’au point d’être cruels, et joyeux ou abattus, selon la
réussite ou l’échec de leurs actes. Ils ont un zèle excessif et ils nuisent même à ceux
qui semblent marcher sur leurs plates-bandes. La réussite spirituelle n’est pas pour
eux.
28° ‘’Les acteurs tamasiques sont inattentifs, insouciants, flemmards et paresseux.
L’indolence et la tergiversation sont leurs caractéristiques principales avec la
fausseté, la malveillance et la malhonnêteté.
29° ‘’Considère maintenant, du point de vue des gunas, deux qualités
supplémentaires : l’intelligence et la fermeté mentale. L’intelligence se rapporte à la
faculté de discernement (buddhi) ; la fermeté mentale (dhrti) à la force de conviction,
à la résolution, à la détermination et au courage sur la voie spirituelle. Je vais d’abord
te décrire les niveaux d’intelligence et puis les degrés de fermeté.
30° ‘’L’intellect sattvique (buddhi) distingue la Vérité de la non-vérité, le Réel de
l’irréel. Il sait quand agir et ne pas agir et il sait ce qui aide ou ce qui entrave le
progrès spirituel. Il distingue ce qui est à craindre de ce qui n’est pas à craindre et il
comprend ce qui libère l’âme et ce qui l’emprisonne. L’intellect sattvique conduit à
Dieu.
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31° ‘’L’intellect rajasique discrimine aussi, mais mal. Il a une compréhension
déformée de la justesse et de la perversité des actes, car il rationalise que la fin justifie
les moyens, à n’importe quel prix. Ce genre de buddhi est capable de convertir la
vérité en mensonge et vice-versa. L’avidité, la passion, la colère et la crainte
obscurcissent sa vision. Il demeure englué dans la vie bassement matérielle au lieu de
guider vers le haut.
32° ‘’L’intellect tamasique, plongé dans l’ignorance et dans les ténèbres ne peut
simplement pas discriminer. A cet intellect, la bonté apparaît mauvaise, tandis que le
mal paraît bon. Il comprend la vie d’une manière tordue. L’intellect qui est sous
l’emprise de tamas entraîne toujours vers le bas.
33° ‘’A présent, considère les trois degrés de fermeté mentale (dhrti). La fermeté
sattvique est une dévotion envers le Divin absolument inébranlable, une résolution
profonde d’approcher Dieu et de se fondre en Lui. Tu cultives soigneusement cette
détermination à l’aide de la discipline intérieure et de la méditation. Tu tournes vers
Dieu toute ton énergie vitale (prana) et toutes tes fonctions mentales (sentiments,
pensées et sensations), et tu les fixes solidement. Comme l’aiguille de la boussole qui
indique le nord, quelle que soit la direction du voyage, cette concentration sur le
Divin ne dévie jamais du but ultime de la fusion avec Cela.
34° ‘’La fermeté d’esprit rajasique est tout autant résolue, mais elle s’accroche aux
désirs d’apparat, de pouvoir, de propriété et de prestige (et même à l’attachement à
une vie vertueuse). Orientée vers Dieu, cette résolution pourrait t’élever vers le
Suprême, mais tournée vers les jouissances matérielles, elle te condamne à des vies
répétées de troubles et de douleur.
35° ‘’La fermeté d’esprit tamasique provient de l’ignorance, de l’absence de but et du
manque de détermination, ce qui entraîne une inertie abrutissante. Sans le
discernement ni la compréhension, la seule résolution tamasique, c’est de passer son
temps à manger, à boire et à dormir. La personne tamasique ignore le reste de la vie
comme si c’était un rêve.’’
141
L’ARRÊT DE LA PEINE
36° ‘’Nous pouvons aussi comprendre le bonheur (sukha, la joie) en termes des trois
gunas. La recherche du bonheur procure l’élan de la vie. Tous les êtres participent à
cette quête interminable, mais très peu le trouvent. Le bonheur dont Je parle ici ne
vient qu’après beaucoup de pratique. Des tentatives sporadiques et tièdes pour
l’atteindre ne réussissent pas. Ceux qui réalisent le bonheur éternel mettent un terme
à toute souffrance dans la vie ! Entends les trois classifications du bonheur, ô Arjuna.
37° ‘’Le bonheur sattvique est la sérénité mentale qu’apporte la méditation, la douce
joie qui accompagne la réalisation du Soi. Comme toutes les bonnes choses, c’est un
dur labeur au début, mais un pur bonheur plus tard – un amer poison au départ, un
délicieux nectar à la fin. La fontaine de félicité durable s’écoule de l’Atma, le vrai Soi
intérieur. Tu peux trouver cette félicité à l’intérieur à l’aide d’une pratique régulière,
abhyasa.
38° ‘’Le bonheur rajasique, c’est tout le contraire : du nectar pour commencer et du
poison à la fin. C’est le plaisir éphémère obtenu par le contact de tes sens avec les
objets du monde. Abandonne-toi à ce type de bonheur et tu invites la douleur qui
l’accompagne toujours. S’en remettre compulsivement à ses sens pour la jouissance,
c’est se priver de sa force, de son endurance et de sa capacité à se développer. Ta
sagesse spirituelle s’affaiblit. Le plaisir et son corollaire, la douleur, c’est ce qu’on boit
dans le monde ; la félicité authentique, c’est ce qu’on sirote à l’intérieur.
39° ‘’Le bonheur tamasique issu de l’illusion obscure, c’est une existence qui ne
comprend rien, assoupie, amère au début comme à la fin. L’unique plaisir de ce type
de ‘’bonheur’’, c’est la maigre satisfaction du sommeil ou la jouissance perverse qui
accompagne l’oisiveté et la négligence du devoir.
40° ‘’En résumé, Arjuna, les gunas, les forces de la nature caractérisent toute la
création. Aucune créature dans ce monde, ni dans les régions intermédiaires, ni
même au ciel parmi les dieux n’échappe à l’emprise des gunas. Les gunas et prakriti
(la nature) sont identiques. Même Brahma, le Créateur, le plus haut des dieux qui
opèrent, n’est pas réellement libre. Pourquoi ? Parce que son action créatrice se fait
142
via les gunas, les matériaux de la nature, ce qui le lie à la nature. Par conséquent,
même Brahma doit un jour cesser d’exister. Ainsi, de Brahma jusqu’au brin d’herbe,
tous les êtres vivants sont liés à prakriti.’’
PRESCRIPTION DES DEVOIRS DANS LA SOCIÉTÉ
41° ‘’J’ai mentionné l’importance de faire son devoir, Mon vieil ami ; maintenant, Je
vais t’expliquer la nature des devoirs prescrits. Les responsabilités des personnes
dans les différents secteurs de la société peuvent être divisées en quatre rubriques
générales : les visionnaires, les dirigeants, les pourvoyeurs et les prestataires de
services. Aucun groupe particulier n’est supérieur aux autres, mais comme les
membres du corps, chacun a son rôle particulier à jouer. Ces groupes correspondent
au conditionnement des gunas, que ce conditionnement provienne de vies
antérieures ou de cette vie-ci. Il est dit que les gens sont le produit de leur propre
nature.
42° ‘’Examinons-les, une par une. Les visionnaires de la société sont les saints (dans
certaines sociétés, ce rôle revient aux brahmanes). Les visionnaires sont supposés
établir le caractère et les fondements spirituels de la société. Leurs devoirs relèvent
généralement du pur sattva sans mélange et conviennent par conséquent à une
personne de nature sattvique. C’est ce qu’on entend par produit de sa propre nature.
Fournir une direction spirituelle et morale est normalement ‘’naturel’’ pour les
visionnaires.
‘’Les visionnaires doivent posséder la connaissance et la sagesse spirituelles – la
connaissance de la réalisation divine obtenue par une étude sérieuse – et la sagesse
qui dépasse le savoir acquis, par l’expérience directe de l’Atma. Les visionnaires
doivent posséder la pureté de cœur, d’esprit et de corps et ils ne doivent pas
permettre à la malignité ni à la corruption de pénétrer en eux. Ils doivent posséder la
sérénité, le calme, l’indulgence, le pardon et la patience – et s’en tenir à une foi
inébranlable en la divinité de toute vie. Le but premier des visionnaires, c’est d’aider à
transformer les êtres humains exemplaires de la société en des êtres divins.
143
43° ‘’L’objectif de base des dirigeants de la société, c’est d’aider à transformer les êtres
humains ordinaires en des êtres humains exemplaires. On attend des dirigeants
(kshatriyas) qu’ils veillent sur le bien-être et la prospérité de la société en servant les
gens. Ils sont chargés d’apporter l’endurance morale et l’adhésion au devoir grâce à
leur courage, à leur intrépidité, à leurs ressources et à leur ingéniosité face aux
conditions changeantes. Ils doivent être des exemples de loi, de justice et de
générosité. Ils doivent guider en inspirant la population par le bon exemple et être
cependant prêts à faire valoir leur autorité.
‘’Les deux groupes sont forts à leurs manières propres. La force des dirigeants réside
dans leur courage ; la force des voyants réside dans leur rayonnement spirituel.
44° ‘’Les pourvoyeurs et les prestataires de services de la société sont,
respectivement, les commerçants (vaishyas) et les travailleurs (sudras). La
responsabilité, ce que l’on attend de ces deux groupes, c’est de préparer, fournir et
doter la société des biens et services dont elle a besoin. Les pourvoyeurs sont chargés
des activités économiques et commerciales, telles que la production de la nourriture
et l’élevage du bétail pour le lait et les produits laitiers, la fabrication et l’échange
honnête des marchandises et le commerce. Les prestataires de service (les
travailleurs) sont la base. Ils fournissent les forces vives de la société en travaillant
avec, pour et au service de tous les secteurs de la société.
Bien qu’on attende des choses différentes des quatre groupes, Arjuna, souviens-toi
que les pratiques qui conduisent à la croissance spirituelle – l’adoration, le contrôle
des sens, etc. – sont à la portée de tous les gens de toutes les classes de la société.’’
ATTEINDRE LA DIVINITÉ ET SE RÉALISER
45° ‘’Toute l’humanité est née pour atteindre l’ultime perfection. C’est le but même de
l’humanité. C’est en se consacrant à ses devoirs que chaque personne trouvera cette
perfection. Mais attention, Arjuna, la personne qui déteste son devoir ne peut jamais
se réaliser.
144
46° ‘’En accomplissant ton travail d’une manière désintéressée, sans attachement au
résultat et comme un acte de dévotion envers le Divin, tu obtiens l’épanouissement et
la perfection spirituelle. L’idée que le travail et l’adoration sont des activités séparées
est courante, mais incorrecte. Vis ta vie et accomplis ton travail dans une attitude
d’adoration envers le Divin. Accomplis chaque acte pour le Divin. Aime Dieu dans
tout ce que tu fais. Transforme en adoration ton existence terrestre. Celui qui fait cela
est réellement un yogi.
47° ‘’Ta nature dicte que tu accomplisses les devoirs qui sont adaptés à ton
tempérament. Ces devoirs sont ton dharma, ta vocation naturelle. Il vaut beaucoup
mieux que tu accomplisses ton propre dharma, même imparfaitement, que d’essayer
de maîtriser le travail d’un autre. Ceux qui accomplissent les devoirs que requièrent
leurs obligations, même si ces devoirs semblent comporter peu de mérites, sont
capables de le faire avec moins d’effort – et ceci libère la conscience qui peut se
diriger vers Dieu.
48° ‘’De même que le feu libère de la fumée, les actions des gens produisent des effets
qui peuvent être négatifs ou positifs. Aucune activité, quelle que soit son bien-fondé
n’est totalement sans défaut. On ne devrait pas abandonner ses devoirs, même s’ils
peuvent paraître impurs. Les vrais yogis accomplissent fidèlement leurs devoirs
comme des actes de dévotion envers le Divin et ils se libèrent ainsi de toute souillure.
49° ‘’La personne dont l’esprit et l’intellect ne sont plus attachés à rien, qui a conquis
et qui a dépassé le sens du moi (l’ego) et le désir de plaisir – par le renoncement, cette
personne a atteint l’état suprême de libération des chaînes du karma. Ce yogi est
devenu un instrument de la Divinité.
COMMENT DEVENIR PARFAIT
50° ‘’Apprends donc de Moi, ami, les qualités unissant le yogi à Moi, Brahman, la
Divinité, qualités que Je vais brièvement esquisser. Il n’y a pas d’accomplissement
supérieur dans la vie.
145
51° ‘’Cultive un pur intellect. Libère de l’illusion ton esprit et ton cœur. Maîtrise-toi.
Renonce à l’ego. Soumets tes sens avec une volonté ferme. Laisse les spectacles, les
goûts et les bruits du monde. Sans regret, mets de côté tes préférences, si pesantes
dans la vie.
52° ‘’Cherche la solitude ; mange, mais peu ; vis une vie simple, autosuffisante, en
contrôlant tes pensées, tes paroles et tes actions. Sois détaché, impersonnel. Engage
toujours ton esprit dans la concentration, la contemplation et la méditation du Divin.
53° ‘’Dépouille-toi de tout égotisme, de toute violence, de toute arrogance, de tout
désir, de toute colère et de tout attachement. Tourne le dos au luxe et à la propriété.
Aie peu et dépouille-toi de tout sens du ‘’mien’’. Sois calme, en paix avec toi-même et
avec tous les autres. Entre dans le suprême état d’unité avec Moi – Moi qui suis
Vérité, Conscience et Félicité.
54° ‘’Uni à Moi, tranquille d’esprit et de cœur, sans soif ni regret de quelque chose ou
de quelqu’un, accepte tout le monde de la même manière et sers-Moi, la Divinité, en
chaque créature vivante. Aime-Moi absolument.
55° ‘’Comprends bien l’importance cruciale de l’amour. M’aimer, c’est Me connaître.
L’acte même de M’aimer, c’est effectivement l’expérience de Me connaître réellement,
car Je suis l’Amour, Arjuna ! M’aimer, c’est connaître Ma nature la plus intime, la
Vérité que Je Suis. C’est via cette connaissance sacrée et profonde que tu as accès à
Moi et que tu deviens un avec Mon propre Soi. Aimer, c’est connaître Dieu !
Connaissant la Divinité en profondeur, tu deviens en fait la Divinité.
56° ‘’Ne renonce pas à l’action elle-même, mais uniquement au sentiment d’être
l’auteur de l’action. Ainsi, même en t’engageant dans des actions matérielles, sois
seulement un instrument du Divin. Quand tu t’abandonnes, il n’y a pas de lassitude
dan ton travail. Comme tu es pleinement concentré sur Moi, tu reviendras chez toi en
Moi dans l’éternité.
57° ‘’Mentalement, dirige sur Moi chacune de tes pensées et chacun de tes actes.
Sache que Je suis ton meilleur ami et ton unique refuge. Ne sois dévoué qu’à Moi
146
seul. Fixe ton mental et ton intellect sur Moi. Une fois que tu reconnais que ton
mental, tes sens et ton corps – et que toutes les activités qu’ils accomplissent – sont la
Divinité, alors le sentiment d’être l’auteur, de ‘’je’’ et de ‘’mien’’ te quitte. Quand ceci
arrive, ton unique souci, c’est de faire le travail de la Divinité pour Elle-même
seulement. Ton unique intérêt devrait être de te fondre en Dieu. C’est en aimant Dieu
que tu t’élèves de l’humain jusqu’au Divin.
58-59° ‘’Celui qui a son esprit ainsi fixé sur Moi peut, par Ma grâce, surmonter tous
les obstacles. Arjuna, Je sais que tu es un bon dévot et un ami que J’aime beaucoup,
mais si tu restes prisonnier de ton égoïsme et si tu ne tiens pas compte de Mes
paroles, tu es perdu et tu périras. Si dans ta vanité, tu penses ‘’je ne combattrai pas’’,
cette résolution malavisée sera vaine, parce que ta nature même te poussera à le faire.
‘’Tu ne peux pas faire pire que de ne pas suivre ta vérité intérieure ! Tu as été élevé
dans les devoirs d’un chef guerrier. Tes aptitudes, ton tempérament et tes
dispositions sont tels que tu dois t’opposer au mal dans le monde. Face à ce juste
combat, tu ne peux simplement pas décider sur une impulsion de pratiquer le
renoncement et le quiétisme. Cette décision motivée par ton ego crée un conflit dans
ta personnalité. Ta nature profonde prévaudra, malgré ton ego. Ne cède pas à cet
égoïsme et ne te déshonore pas.
60° ‘’Un homme n’est pas différent de sa nature, Arjuna, et il est obligé d’agir en
conformité avec celle-ci. Tu as toi-même créé les tendances qui te lient maintenant.
La loi du karma est plus puissante que ton ego. Même si dans ton illusion, tu penses
ne pas vouloir combattre, ta propre nature te forcera à le faire. Suivre sa nature est le
seul moyen d’épuiser son karma.
61° ‘’Dieu réside au cœur même de chaque créature et Il les fait tourner sur la Roue de
la Fortune. C’est comme si des marionnettes s’imaginaient être les acteurs plutôt que
des marionnettes et à cause de cette illusion, elles s’empêtrent toujours plus dans les
fils.
147
‘’Le yogi, toutefois, se départit de cette attitude primaire et il se convainc que toutes
les actions sont entre les mains du Divin. Ainsi, le yogi vit sa vie en étant l’instrument
volontaire de la Divinité.
62° ‘’Ne cherche refuge que dans le Divin, bien-aimé ami. Rappelle-toi toujours la
vérité glorieuse que tu n’as pas d’existence ni d’individualité indépendante de Dieu.
Adapte ta vie entière à cette vérité. Prends refuge en Moi et expérimente la grande
paix de l’esprit. Ceux qui ne viennent pas totalement à Moi continuent de s’imposer
l’agitation et une vie stressante.’’
LA PLUS HAUTE VÉRITÉ
63° ‘’Je viens de t’enseigner le secret des secrets. Je viens de te révéler le plus
mystérieux de tous les mystères. A présent, cette connaissance sacrée t’appartient.
Son seul but, c’est de conduire l’humanité des ténèbres de l’ignorance à l’illumination,
du monde périssable de la nature au monde impérissable de l’Esprit, de l’irréel au
Réel, du chagrin total à la félicité éternelle et de la mort à l’immortalité du Moi,
Brahman. Réfléchis à cela avec audace, sans rien omettre, Arjuna. Examine en
profondeur ces enseignements et puis agis comme bon te semble.’’
64° Krishna marque une pause : ‘’Maintenant, écoute encore une fois le secret le plus
profond, la plus haute de toutes les vérités. Je te la dis pour ton éternel bénéfice,
parce que tu M’es très cher.
65° ‘’Fixe ton esprit sur Moi. Donne-Moi tout ton cœur. Vénère−Moi toujours et ne
t’incline que devant Moi. Fais-Moi complètement tien. Par ces actes, tu Me
découvriras et tu viendras à Moi. Je te le promets, parce que nous sommes à jamais
liés par l’amour, la plus grande des forces unifiantes. Cet amour divin est le moyen de
M’atteindre et le but ultime de toute l’existence humaine ; c’est vraiment le sommet
de l’accomplissement spirituel humain.
148
66° ‘’L’obtenir est le couronnement de tous les efforts. Tes bonnes actions passées qui
ont été utiles dans ta progression vers Dieu ont maintenant totalement servi leur
objectif. Par conséquent, renonce à tous les dharmas et prends refuge en Moi seul.
‘’Renoncer aux dharmas ne veut pas dire que tu deviens brusquement sans vertu ;
cela indique simplement que tu les as dépassés. Prendre refuge en Moi signifie que tu
renonces à l’idée que tu es l’auteur ; alors, c’est comme si tous tes actes sont
accomplis par la Divinité pour Son seul bénéfice, sans souci quant au caractère
dharmique ou adharmique de ces actes. Quand tu agis comme Dieu pour Dieu, il est
impossible de faire quoi que ce soit d’adharmique.
‘’Par cette dévotion intense et par ton abandon, tes erreurs et tes péchés (les actions
qui t’éloignent de la Divinité) seront absous et tu fusionneras avec Moi, le Suprême, à
jamais libéré des soucis et du chagrin de l’existence matérielle.
67° ‘’Notre séminaire impromptu sur les principes qui gouvernent le développement
spirituel de l’humanité est à présent terminé, Ô guerrier. Tu ne dois pas parler de
cette vérité sacrée à celui qui n’est pas dévoué, à celui qui parle de Moi en mal ni à
celui qui ne prend pas la peine d’écouter. Personne ne devrait tenter d’imposer à
autrui cette information sacrée.
68-69° ‘’Mais ceux qui M’aiment et qui enseignent ces secrets profonds à ceux qui
sont prêts à écouter viendront sans aucun doute à Moi. Personne ne Me rend un plus
grand service et personne sur terre ne M’est plus cher.
70-71° ‘’Ceux qui, bien qu’ils ne soient pas enclins à enseigner, étudient ce dialogue
sacré, Me vénèrent également directement. Et même ceux qui écoutent simplement
ces paroles avec foi et acceptation sont libérés des malheurs de la vie et atteignent des
mondes plus heureux.
72° ‘’Tu as été attentif, Arjuna, mais as-tu soigneusement écouté et saisi cet
enseignement ? Qu’en est-il maintenant de tes illusions et de ton ignorance ?’’
149
73° Arjuna répond : ‘’Ô Krishna, mes illusions ont disparu. Là où ma vie semblait
insupportable, ces problèmes autogénérés se sont dissous. Par Ta grâce, Je suis libéré
de tous mes doutes. Ma force et ma joie me sont revenues. Ma foi est ferme. Je suis
conscient de ma Réalité authentique et dévoué à mon dharma. Je ferai comme Tu
l’ordonnes.’’
74° Sanjaya se détourna du vieux roi aveugle et dit : ‘’Ainsi se termine ce merveilleux
dialogue entre l’Esprit omniprésent, le Seigneur Krishna, et Son ami humain à l’âme
élevée, Arjuna. Ce dialogue a été tellement palpitant que j’en ai la chair de poule.
75° ‘’Grâce à une bénédiction mystique, j’ai pu rapporter directement, de la bouche de
Dieu, ces profonds secrets de l’unité spirituelle – adressés directement à Son
camarade et ami, l’homme.
76° ‘’Je les prends non seulement comme des enseignements destinés à Arjuna, mais
comme des leçons pour moi-même, ô roi. Chaque fois que je me rappellerai ce
dialogue sacré, je me réjouirai encore et encore.
77° ‘’Je me sens particulièrement béni d’avoir pu voir la vision extraordinaire de la
forme cosmique du Divin. Comme d’autres utilisent leurs souvenirs du passé pour les
aider à retrouver un état d’esprit sublime, j’aurai cette vision divine de la vraie forme
de Dieu pour m’aider à retrouver la splendeur de cette expérience, encore et encore.
78° ‘’Là où la Divinité et l’humanité se retrouvent ensemble – avec l’humanité armée
et prête à combattre la cruauté – on trouvera la victoire dans la bataille de la vie, une
vie élargie à la Divinité et couronnée par la prospérité et par le succès, une vie
d’adhésion au dharma en phase avec le Plan Cosmique. J’en suis persuadé.’’
150
ÉPILOGUE : CE N’EST JAMAIS AUSSI SIMPLE !
Arjuna regarde droit dans les yeux de son meilleur ami, Dieu en Personne, et dans
l’un des plus célèbres versets de la Gita, il s’engage à faire comme Dieu l’a ordonné.
Pouvons-nous par conséquent tranquillement supposer que le grand prince guerrier a
toujours vécu comme un héros par la suite ? Non, malheureusement. Comme nous le
savons, la bataille réelle est toujours intérieure – et la vie réelle n’est jamais aussi
simple.
Souvenez-vous que la Bhagavad Gita est un dialogue au cœur d’une histoire beaucoup
plus longue et c’est ainsi que nous sommes informés sur ce qui s’est passé à la suite de
cette merveilleuse conversation avec la Divinité.
Arjuna ramassa sa masse, son arc et ses flèches et plongea au cœur de la bataille pour
la vie. Avec acharnement et intrépidité, il fit pleuvoir ses flèches sur l’ennemi et les
mâchoires de la mort se refermèrent sur des milliers d’entre eux. Il combattait parfois
avec un tel enthousiasme que les deux armées se figeaient pour l’observer dans une
sorte d’admiration respectueuse.
Arjuna acquit la réputation d’un héros de guerre exceptionnel. Les heures sanglantes
se succédèrent. La bataille fit rage pendant dix-huit jours de fluctuations, d’aléas et
un résultat toujours incertain jusqu’aux tous derniers instants, quand il ne resta plus
qu’une poignée de soldats dans chaque camp.
Mais une chose singulière se produisit. Aux moments les plus critiques de la bataille,
quand Arjuna se retrouva nez à nez avec de vénérables parents et des instructeurs qui
étaient ici ses ennemis, il hésita ! En dépit de son rapport direct avec Dieu, en dépit
de sa promesse sacrée, le grand guerrier s’attendrit et ses flèches se firent imprécises.
Sa résolution franche disparut et l’alliance sacrée qu’il avait nouée avec sa Divinité
bien-aimée vola en éclats dans la fumée âcre de la guerre.
Krishna, le grand Maître absolu, feignit d’être outragé lors de ces instants critiques et
une fois, Il sauta même en bas du char pour montrer Son pur dégoût. Ces manœuvres
151
secouèrent Arjuna et le ramenèrent à ses devoirs. Si Dieu Lui-même n’était pas
intervenu ainsi, la bataille et le dharma auraient été perdus.
152
POSTFACE : PERSÉVÉRER !
‘’Les philosophies incompréhensibles, les Ecritures qui ne sont pas mises en pratique
pullulent actuellement dans le monde et discuter d’elles est une perte de temps.’’
-
Sathya Sai Baba
‘’Vous pouvez réciter les Ecritures, mais tracez votre propre voie.’’
K.M. Munshi
Dans ce monde complexe et changeant, c’est une chose de vouloir faire quelque chose
et c’en est une autre de se montrer à la hauteur. Alors que les vagues du changement
déferlent, le cadre et les circonstances se modifient et votre humeur se transforme en
vous projetant ailleurs. Ce qui semblait clair dans une situation devient nébuleux
dans une autre. Alors, vous oubliez, vous perdez vos repères et vos forces se dérobent
à vous. C’est ce qui est arrivé à Arjuna et cela nous arrive à tous.
Mais si nous lisons la Gita encore et encore, comme toutes les Ecritures devraient être
lues, ses paroles mûrissent en nous. Initialement, nous nous intéressons aux
enseignements avant de nous préoccuper de et de nous absorber dans les idéaux, les
idées élevées qu’elle véhicule et en temps voulu, la lecture deviendra comme promis
une expérience réelle des vérités profondes qu’elle apporte. Chaque fois que nous
rouvrons ce guide ancien, le processus se répète. Chant magnifique, la Gita semble
devenir plus riche et plus belle, chaque fois que nous y retournons. Ses messages
s’infiltrent graduellement, mais sûrement dans notre être le plus intime et finissent
par s’immiscer dans et par motiver chaque pensée et chaque acte, comme si nous
devenions une partie intégrante de la Gita et comme si celle-ci devenait une partie de
nous.
Totalement absorbés, nous nous ouvrons à l’énergie spirituelle de cette merveilleuse
écriture ancienne. Inconsciemment, nous commençons presque naturellement à
153
mettre en pratique les enseignements. Nous sommes réellement, durant ces
moments-là au moins, comme la Gita nous incite à être : plus calmes, plus conscients
de notre Soi supérieur, plus actifs dans le monde et néanmoins, plus désintéressés,
plus acceptants, victorieux et ultimement, plus divins même.
‘’Substituez des pensées divines aux soucis terrestres.’’
L’expérience que nous avons vécue au cours de notre dernier voyage en Inde illustre
comment votre absorption dans la Gita (ou dans toute autre écriture sacrée) peut
avoir un impact certain sur votre vie.
Après avoir passé 23 heures en l’air et 12 heures au sol dans les aéroports, après avoir
traversé 13 fuseaux horaires et franchi la ligne internationale de changement de date
(où, en un clin d’œil, 24 heures supplémentaires s’ajoutèrent apparemment à la
distance déjà parcourue), nous arrivâmes enfin au petit aérodrome de Puttaparthi.
Nous étions fatigués, un peu désorientés, mais nous étions très heureux d’être ‘’chez
nous’’. Louise ressemblait à une petite fille de retour d’un camp de vacances. Nous
étions à la fin du mois d’août et nous projetions, comme d’habitude, de séjourner ici
pendant six mois avec Swami (Sathya Sai Baba).
Nous nous installâmes dans la vie de l’ashram et je m’impliquai totalement dans
l’écriture de ce livre. Louise qui généralement est une personne que je qualifierais de
‘’non domestique’’, se glissa volontiers dans le rôle de la femme de l’écrivain qui pour
la citer est d’ ‘’entretenir la place et la remplir d’amour’’. Cela voulait dire qu’elle
faisait tranquillement le tour de notre petit appartement en s’occupant des tâches
ménagères et des repas et en s’assurant que l’espace restait propice à l’écriture.
Chaque soir, elle s’empressait de se joindre à moi pour parcourir mes notes du jour.
Nous étions donc totalement plongés dans la Gita – chaque minute, chaque heure et
chaque jour – jour après jour. Nous mangions la Gita, nous respirions la Gita, nous
rêvions de la Gita et nous dormions avec la Gita ! Nous fouillions le cœur de ces
154
enseignements anciens pour les fourbir pour les Occidentaux. Les journées passaient
tranquillement et de manière prévisible.
Mais cet ordre tranquille s’interrompit abruptement fin septembre, lorsqu’il arriva
quelque chose à Louise. Nous étions en train de déjeuner, lorsqu’elle se mit à
bredouiller, son regard se perdit dans le vague et sa tête roula sur le côté. La
nourriture tomba de sa bouche, sa langue se mit à pendre et chaque respiration
devint une sorte de râle. Je la tins dans mes bras en tentant d’insuffler ma force dans
son petit corps, en me demandant ce qui se passait et quoi faire. Fallait-il appeler du
secours ? Comment ? On ne pouvait pas appeler les urgences, ici ! Qui pourrais-je
bien appeler ? Nous habitions au 4ème étage d’un immeuble sans ascenseur et je ne
pouvais pas la descendre.
Après quelques minutes, elle sembla refaire surface et émerger de la vague
d’obscurité qui l’avait emportée. Cette attaque n’était peut-être qu’un incident
passager, songeai-je avec espoir, mais une fois revenue à elle et après que nous ayons
commencé à parler, une nouvelle vague d’obscurité la submergea. ‘’Très chère, très
chère et bien-aimée Louise !’’, murmurai-je en la berçant. ‘’Que t’arrive-t-il ?’’
Notre voisin, un cardiologue du nouvel hôpital, la transporta immédiatement au
service des soins intensifs, la plaça sous perfusion et assistance respiratoire et
entreprit les autres procédures utilisées pour les victimes d’accidents vasculaires
cérébraux. Ses états de conscience ou d’absence de conscience continuèrent à
fluctuer durant un moment, jusqu’à ce que les ténèbres semblent disparaître. Elle
était maintenant consciente, mais sans toutefois pouvoir bien réfléchir ou bien
marcher et ni son pied gauche et ni sa main droite n’étaient opérationnels.
J’étais assis sur une chaise métallique pliante que j’avais rapprochée tout près de son
lit. Les plafonds exceptionnellement hauts de la salle du nouvel hôpital semblaient
offrir de l’espace supplémentaire pour guérir. Ses yeux étaient clos. Les infirmières
qui déambulaient tranquillement dans leurs uniformes traditionnels contribuaient au
sentiment de calme qui régnait dans la grande salle semi-obscure.
155
Dans mon propre calme, j’entendis ces paroles de Krishna extraites du chapitre 12 :
‘’Accepte les coups de la vie comme des bénédictions déguisées …Ne sois touché ni
par les mauvaises ni par les bonnes choses qui t’arrivent.’’
Survint un des moments de lucidité de Louise et elle ouvrit les yeux. ‘’Salut !’’, réussitelle à dire faiblement. Je lui saisis la main. ‘’Nous devons accepter ceci comme un
don, Louise’’, dis-je, en ne comprenant pas réellement ce que cela signifiait. ‘’Nous
devons considérer ceci comme une de ces bénédictions déguisées.’’ ‘’Oui’’, dit-elle.
Nous demeurâmes silencieux durant quelques minutes avant qu’elle ne soit emportée
par une autre vague.
Un ‘’don’’ ? Qu’est-ce que cela signifiait ? Le mot ‘’acceptation’’ me parvint plus
clairement, à présent. Je le vis défiler – acceptation…acceptation…acceptation… ̶
dans mon esprit et il se renforça.
Je pris alors conscience que je me sentais mieux et plus fort, maintenant, plus apte à
gérer cette crise. J’étais également quelque peu étonné de constater que mon anxiété
m’avait quitté. A la place régnait un sentiment calme, quasiment silencieux et
j’éprouvais en moi une sorte de bonheur tranquille. De bonheur ? A un moment
pareil ? Il n’y avait pas d’allégresse, pas d’euphorie, mais cela se manifestait comme
un bonheur intérieur. Peut-être était-ce cela la félicité, pensai-je.
PRASAD ZONE
Soudain, je sus que tout ce qui lui (nous) arrivait alors – ou jamais – faisait partie du
plan de l’univers. Je sus que, peu importe comment les choses peuvent sembler se
manifester, tout irait bien. Ce n’était pas qu’un vœu pieux, je le savais, et j’étais sûr de
le savoir. C’était tangible. Je le savais profondément à l’intérieur de moi. J’en étais
absolument certain dans mon esprit et dans mon cœur.
Plus tard, je fis allusion à cet état d’esprit de certitude comme à une ’’Prasad Zone’’.
‘’Prasad’’ est un terme sanscrit qui signifie ‘’don’’ ou ‘’grâce’’. Je découvris plus tard
156
que ‘’prasad’’ voulait aussi dire ‘’faveur divine’’ et ‘’devenir clair et calme’’. Tout cela
concordait avec ce que j’expérimentais.
J’étais devenu la sérénité qui accompagne la divinité. Tout malaise avait été évacué.
Cela signifie-t-il que j’étais la divinité, à ce moment-là ? Peut-être que c’est ce que
dirait Krishna.
Pas une seule fois des pensées négatives n’envahirent ma conscience. J’étais
vaguement conscient des ‘’Et si habituels’’. (Et si elle ne s’en sort pas ? Et si elle ne
peut pas mener une vie normale ? Et si je n’arrive pas à gérer ça ?, mais de tels doutes
ne se précisèrent pas. Comme des loups tapis dans le noir au-delà de mon cercle de
lumière, elles étaient toutes prêtes à m’assaillir, mais comme je ne m’attardai point
sur ces pensées négatives, elles ne gagnèrent jamais le pouvoir de fondre sur moi.
A présent, de retour dans le ‘’monde réel’’ où ici en Occident, on est bombardé par les
nouvelles de la peur, il est difficile de s’imaginer un tel état mental si affranchi du
négatif, mais là-bas, dans cette zone, je l’ai bien vécu. A ce moment-là, ma tâche était
clairement d’accepter et même d’accueillir ce qui était arrivé , de m’acquitter
sereinement de mon devoir et de ne pas me tracasser à propos des conséquences.
Cette aura d’acceptation harmonieuse m’avait complètement enveloppé. Rien ne
pouvait me tracasser matériellement – ni la chaleur tropicale, ni les coupures de
courant dans le noir, au petit matin, pendant que je me dépêchais de me raser avant
de me rendre à l’hôpital, ni les taxis manqués, ni les repas reportés – aucune de ces
contrariétés quotidiennes ne put affecter cet état de calme.
Et le cadeau le plus merveilleux, c’était que Louise se situait exactement sur le même
plan ! Sa version de la zone, c’était d’être absolument sûre que tout allait bien et de ne
pas s’inquiéter du tout pour elle ou son corps. Bien qu’attachée à la machinerie de la
médecine moderne – à ses tubes, ses moniteurs, ses injections, ses scanners, etc. –
elle ne dépensait aucune énergie et ne consacrait aucune attention à sa santé
physique. Elle observait avec un intérêt détaché et participait, quand il le fallait, mais
elle était tout à fait sereine. Aucun souci, aucune crainte. Elle avait toujours le moral.
157
Elle avait l’ouverture et la tranquillité d’esprit pour que l’énergie de guérison puisse
effectuer son travail dans son corps.
C’était comme si les enseignements de la Gita étaient devenus vivants, comme si
Krishna Lui-même était sorti du livre pour prendre soin de nous en nous rappelant au
chapitre 2 de ‘’ne pas être perturbé par la peine et par l’adversité’’. Ou comme si notre
propre Swami, Sathya Sai Baba (qui selon des millions de personnes est l’Avatar de
notre ère, l’Incarnation moderne de Krishna) avait tendu la main pour toucher nos
cœurs et supprimer toute peine et tout tracas. Ou peut-être avions-nous été
réellement transportés, comme la Gita l’enseigne, dans la Sérénité même, qui nous le
savons maintenant n’est pas moins que Brahman, la Divinité.
Avec le recul, nous voyons maintenant que c’était notre absorption complète dans les
enseignements de la Gita qui compta réellement, et pas juste la Gita elle-même. La
Gita était le véhicule, le guide, mais c’est notre fusion avec elle qui généra le pouvoir
spirituel. Notre formidable force jaillit du fait que nous vivions réellement les
messages et d’avoir littéralement été ces enseignements merveilleux pendant tout ce
temps-là.
Nous demeurâmes dans la zone plusieurs mois, tandis que Louise se tirait d’affaire et
commençait à se rétablir. J’appris à être un prestataire de soins et un chef coq
potable. Ma spécialité était de super toasts et le thé.
Pendant tout ce temps-là, nous étions tellement proches de la divinité au point d’être
presque divins. Il y en a qui interprétèrent mal ma sérénité et qui présumèrent que
j’étais en état de choc ou bien de déni ou encore qui disaient que ‘’je le prenais bien’’.
Tout le monde était étonné que Louise semblait si bien. Dans notre for intérieur,
nous, nous savions que c’était dû au fait de nous être plongés profondément dans la
Gita, mais nous répondions rarement quelque chose. C’était difficile d’expliquer une
telle acceptation.
Encore maintenant, un an plus tard, alors que Louise est presque totalement rétablie
(‘’miraculeusement’’, nous dit-on), la zone est toujours là, avec nous. Pas si
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intensément, mais elle est certainement présente. Peut-être que les enseignements de
la Gita durent effectivement éternellement, une fois qu’ils ont été intégrés.
Le dernier message de Krishna me vient à l’esprit : ‘’A présent écoute…le secret le
plus profond’’, dit-Il, ‘’écoute la plus haute vérité…Fixe ton esprit sur Moi (la
Divinité). Donne-Moi tout ton cœur. Vénère-Moi toujours…Fais-Moi tien et tu
fusionneras avec Moi.’’
A la fin du texte sacré, le toujours honnête Sanjaya termine sa narration de ce
dialogue entre Dieu et l’homme et il apparaît clairement qu’il continuera de s’y
plonger. Il se rappelle et il nous rappelle de retourner souvent à ce chant divin, à cette
Bhagavad Gita, et de nous en réjouir encore et toujours…
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A PROPOS DE L’AUTEUR
Le Dr Jack Hawley est consultant, écrivain, étudiant et professeur. Il donne des
conférences qui traitent de l’apport d’une nouvelle énergie, de courage et d’âme dans
la vie quotidienne. Il a créé Team Climate Associates, un consortium de consultants
en environnement de travail efficace et il est actuellement Président de John A.
Hawley Associates, consultants en redynamisation structurelle.
Auparavant, Hawley a passé dix ans comme cadre dans les industries de la haute
technologie et du service. Il est titulaire d’un baccalauréat en sciences de l’Université
d’Etat de New York. Il a fait son travail de master en relations industrielles et du
travail à l’Université Cornell et il a obtenu son doctorat en comportement
organisationnel (psychologie appliquée, sociologie et anthropologie) à la Columbia
Pacific University. Il a aussi enseigné à temps partiel à Cornell, à l’Université
Pepperdine, à l’Université de Californie (Los Angeles et Riverside), à l’Université de
Californie du Sud et à l’Institut Sri Sathya Sai d’Enseignement Supérieur, en Inde.
En 1978, sa recherche d’approches nouvelles concernant la transformation
individuelle et organisationnelle l’a conduit en Inde pour étudier avec le célèbre
maître spirituel et saint homme, Sathya Sai Baba et le voyage d’un mois a généré une
relation profonde et durable avec la sagesse de l’Orient. Il consacre actuellement six
mois par an à l’étude et à l’enseignement dans un ashram (communauté spirituelle)
du sud de l’Inde rurale et l’autre moitié de l’année, il aide des dirigeants
d’organisation du reste du monde à appliquer ces principes.
Hawley est un écrivain et un conférencier indépendant – il n’est membre d’aucune
organisation, aucune université, aucun ashram et aucun mouvement. Son principal
objectif est d’apporter de nouvelles idées pratiques, accessibles et exploitables à des
individus et à des organisations, d’aider à stimuler une nouvelle pensée et une
nouvelle conduite dans le monde.
Son précédent livre, Reawakening the Spirit at Work : The Power of Dharmic
Management (1993, Berrett-Koehler Publishers) en est à sa quatrième édition et il a
été traduit en dix langues.
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Quand ils ne voyagent pas, Hawley et sa femme Louise vivent dans le sud de la
Californie. Leurs cinq enfants adultes et leurs familles résident un peu partout aux
Etats-Unis, de la Floride jusqu’Hawaï.
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