Maîtrise des caractéristiques des diodes électroluminescentes : un enjeu majeur en éclairage général Benjamin MONTEIL (1), Jean-François BASSEREAU (2), Yann DESNOUVEAUX (3) Arts et Métiers ParisTech (1) Benjamin MONTEIL, Etudiant Master de Recherche au sein du Laboratoire Conception de Produits et Innovation aux Arts et Métiers ParisTech, Responsable de www.led-fr.net, (2) Jean-François BASSEREAU, Expert auprès du Laboratoire Conception de Produits et Innovation aux Arts et Métiers ParisTech, (3) Yann DESNOUVEAUX, Responsable du bureau d’étude de SAMMODE, RÉSUMÉ Afin de pouvoir intégrer des LEDs (diodes électroluminescentes) au sein d’un luminaire destiné à l’éclairage général, il est vital de maîtriser leurs caractéristiques. Notamment lors de la définition du besoin, des essais, de l‘approvisionnement mais aussi de l’intégration. MOTS CLEF: led, diode électroluminescente, éclairage, tri, bin, binning, standard, norme, ssl, solid state lighting, del. 1 INTRODUCTION L’évolution rapide et pérenne des performances des LEDs leur ouvre constamment de nouveaux champs d’application. Depuis peu, les LEDs tentent d’adresser le segment de l’éclairage général. Or, la LED n’est pas une source lumineuse traditionnelle, c’est avant tout un composant électronique qui émet de la lumière. Il en résulte de nombreuses zones de flou au niveau normatif, une quasi absence de standards, des moyens et des méthodes de mesure inadaptés et des consommateurs désorientés. Comment, dans ce contexte, maîtriser les caractéristiques des LEDs afin de concevoir un luminaire destiné à l’éclairage général ? Nous présenterons tout d’abord les LEDs de puissance et nous tenterons de les comparer aux sources traditionnelles d’éclairage avec des critères de choix classiques. Puis, nous traiterons de la caractérisation et du tri des LEDs blanches proposés par les fabricants. Enfin, nous mettrons en évidence les apports mais aussi les limites des tris dans le processus de maîtrise des caractéristiques des LEDs. L’enjeu d’une telle maîtrise est l’utilisation généralisée des LEDs en éclairage. La consommation énergétique consacrée à l’éclairage dans les pays occidentaux étant de l’ordre de 5% à 15% (20% pour les USA), les économies potentielles sont considérables [ZISSIS 2004]. 2 LES LEDS LED est l’acronyme Anglais de « light emitting diode», qui signifie en Français diode électroluminescente (DEL). L’appellation Anglaise est généralement préférée, cas courant dans le domaine de l’électronique. La LED appartient à la famille du Solid State Lighting (SSL). Cette dernière s’oppose aux sources traditionnelles du fait que l’émission de lumière n’est pas réalisée par le biais d’un filament électrique ou d’un gaz mais d’une puce en phase solide. 2.1 Evolution et marchés des LEDs 2.1.1 Historique Le phénomène de l’électroluminescence fut découvert par H. J Round en 1907 [ROUND 1907] puis fut étonnement oublié [ZISSIS 2007a]. Ce n’est qu’en 1962 que l’acte officiel de naissance de la LED rouge a été signé [HOLONYAK 1962]. 2.1.2 Une technologie qui évolue vite à allure contrôlée Les LEDs possèdent une loi d’évolution : la loi de Haitz [HAITZ 2000]. Elle énonce que, toutes les décennies, le flux lumineux d’une LED est multiplié par 30 tandis que son coût est divisé par 10 (Cf. Fig. N°1). Ceci correspond à un doublement du flux lumineux tous les 24 mois et à une réduction du prix de plus de 25% par an. Figure N°1 - Evolution conjointe des performances et des coûts des LEDs en quantité OEM [HAITZ 2000]. Les flux lumineux considérés sont ceux des LEDs les plus performantes présentes sur le marché. Les prix sont à entendre pour les OEM (Original Equipement Manufacturer). La loi de Haitz peut être vue comme une analogie à la loi de Moore, qui elle aussi décrit l’augmentation des performances en parallèle d’une baisse des prix [MOORE 1975]. L’évolution des performances est décrite par le biais de feuilles de route. Dans le domaine des LEDs de puissance, une des plus connues est celle de l’OIDA (Optoelectronics Industry Development Association). Colloque CONFERE'08 Année 2002 2007 2012 2020 Efficacité lumineuse [lm/W] 25 75 150 200 Durée de vie [kh] 20 >20 >100 >100 Flux [lm/LED] 25 200 1000 1500 Prix du lumen [$/klm] 200 20 <5 IRC 75 80 >80 Feuille de route de l’OIDA [OIDA 2002] <2 >80 Les feuilles de route sont dans l’ensemble respectées. Par exemple, si on se réfère aux prévisions faites pour les LEDs blanches, les fabricants produisaient en 2007 des LEDs à 75lm/W, performance respectant les prévisions [LUMILEDS K2 2007]. Un rapport remis au sénat Américain en 2001 prévoyait, selon un scénario « évolutionnaire », des efficacités lumineuses de 50lm/W pour les LEDs blanches en 2010 [SENAT US 2001]. Force est de constater que les prévisions de ce scénario ont été largement dépassées. Certaines applications nécessitent des performances qui ne seront atteintes que dans plusieurs mois voire plusieurs années. Les feuilles de route permettent d’optimiser la planification des développements de produits actuellement irréalisables à base de LEDs en les programmant en fonction des feuilles de route. Il est donc possible de proposer sur le marché des produits innovants, qui ne peuvent qu’intégrer des LEDs de dernière génération, dès la commercialisation de ces dernières. Cette politique d’anticipation donne un avantage concurrentiel conséquent vis-àvis des sociétés qui lancent les développements seulement lorsque les LEDs adéquates arrivent sur le marché. 2.1.3 Les LEDs à la conquête de nouveaux marchés Au fur et à mesure que les LEDs progressent, elles peuvent pénétrer des nouveaux marchés [ZISSIS 2007b]. Depuis peu, elles commencent à s’installer sur des applications à fort flux (Cf. Fig. N°2). Figure N°2 - Domaines d’application des LEDs en fonction de leur flux et de leur couleur [ZISSIS 2007b] 2.1.4 A la croisée de deux mondes La LED est une technologie qui se situe aux confins de deux mondes : le monde de l’éclairage et le monde de l’électronique. Les premiers sont coutumiers des contraintes thermiques, des alimentations de toutes sortes. Les seconds maîtrisent la théorie de l’éclairage, les phosphores et le réseau de distribution. L’entrée des LEDs sur le marché de l’éclairage met aux prises ces deux industries, dotées de leurs propres codes et de leurs propres langages. 2.2 La technologie Une LED est essentiellement composée d’une puce, qui émet des photons, et d’un boîtier, qui protège l’assemblage. 2.2.1 Fonctionnement Une LED est composée, à l’instar d’une diode, de deux jonctions : P et N. L’une est en excès d’électrons (la couche N) tandis que l’autre (la couche P) est en déficit d’électrons. L’injection de courant entraine un déplacement des porteurs de charges. Ces derniers se recombinent dans la couche active, placée entre les couches P et N, et donnent naissance à des photons. Du fait de leur mode de fonctionnement, les LEDs émettent un rayonnement monochromatique. Afin de générer du blanc, les fabricants utilisent généralement une LED bleue (InGaN) au sein de laquelle la puce est recouverte d’une couche de phosphore (YAG:Ce) [ZISSIS 2004]. Le phosphore absorbe une partie du rayonnement bleu et le convertit en radiations jaunes. Le mélange de ces deux couleurs produit du blanc. 2.2.2 Les LEDs classiques Une LED 5mm, modèle très connu, possède un boitier en résine époxy. Ce dernier joue le rôle de contenant mais aussi de lentille. Typiquement utilisées en tant que voyant, elles ne sont pas assez puissantes pour être utilisées en éclairage. C’est pour cela que nous ne les aborderons pas dans cet article. 2.2.3 Les LEDs de puissance Une LED est dite de puissance lorsqu’elle consomme plus d’1/4 de Watt [MASSOL 2007a]. Par rapport à une LED classique, elle possède, en sus, une pièce appelée « pad thermique » (Cf. Fig. N°3) qui a pour fonction l’évacuation de la chaleur générée au niveau de la puce. Ces LEDs sont utilisées pour les applications nécessitant une quantité de flux lumineux que ne peut pas fournir une LED 5mm. Figure N°3 - Coupe d’une LED de puissance OSRAM Golden DRAGON Les monopuce ne sont pas l’unique type de LEDs de puissance. Il existe également des modèles multipuces [OSRAM OSTAR 2008]. Benjamin MONTEIL, Jean-François BASSEREAU, Yann DESNOUVEAUX Maîtrise des caractéristiques des diodes électroluminescentes : un enjeu majeur en éclairage général 2 Colloque CONFERE'08 2.3 Les LEDs face aux critères de choix classiques du monde de l’éclairage Classiquement, afin de choisir une source lumineuse, on compare : Le couple (Flux lumineux, Puissance électrique) La durée de vie L’indice de rendu des couleurs La température de couleur [OSRAM CAT 2008] et [PHILIPS CAT 2008] Ces critères sont-ils pertinents pour les LEDs blanches ? 2.3.1 Le couple (Flux lumineux, Puissance électrique) Le flux lumineux d’une LED et sa tension inverse Vf, sont caractérisés au courant nominal In par les fabricants. Ces deux informations permettent de déterminer le couple (flux, puissance électrique). Ce dernier permet d’accéder à l’efficacité lumineuse de la LED, notée η, par la formule suivante : η=Flux/Puissance [lm/W]. Les luminaires à LEDs requièrent un équipement et des méthodes de mesures specifiques [HANSELAER et KAHO 2007]. La CIE (Commission Internationale de l’éclairage), propose des méthodes de mesure adaptées [CIE 127:2007]. Il n’est pas possible de réaliser des mesures fiables à l’aide de matériel classique, conçu autour des sources lumineuses traditionnelles. Il convient donc de faire appel à des laboratoires dotés du matériel ad hoc si l’on souhaite réaliser des campagnes d’essais fiables. 2.3.2 La durée de vie Une LED ne se comporte pas comme une source lumineuse traditionnelle : elle s’éteint au bout d’un temps extrêmement long. Ceci explique pourquoi, au début des années 2000, les constructeurs de LEDs annonçaient généralement des durées de vie de 100.000 heures [LUMILEDS B&L 2002 et 2004]. Néanmoins, la quantité de flux lumineux décroit dans le temps, de telle sorte qu’il existe un seuil à partir duquel on considère la LED comme inopérante. Ceci explique pourquoi, de nos jours, les valeurs annoncées sont plus faibles, de l’ordre de 60.000 heures [LUMILEDS B&L 2007]. La définition de la durée de vie généralement admise d’une LED est égale au temps qu’il faut pour que la moitié des lampes émettent moins de 70% du flux initial. Cette valeur est appelée la (B50, L70). Cette donnée est généralement fournie par les constructeurs [LUMILEDS RELIABILITY 2007] et [CREE RELIABILITY 2007]. 2.3.3 L’indice de rendu des couleurs L’indice de rendu des couleurs caractérise l’aptitude qu’à une source à bien rendre les couleurs qu’elle éclaire. La source de référence, dotée d’une IRC de 100, est le corps noir. Initialement, la CIE a définie l’IRC comme une moyenne de notes jugeant la capacité qu’a une source à reproduire 14 couleurs. Les lampes fluorescentes ne reproduisant pas bien le rouge, la CIE a révisé la méthode pour réduire le nombre d’échantillons de 14 à 8 [CIE 177:2007]. Les IRC calculés ne correspondent pas à l’effet ressenti par les personnes éclairées par des LEDs blanches [CIE 177:2007]. Ceci entraine que la définition de l’IRC n’est pas valable pour ces dernières. Il est donc nécessaire d’en revoir la définition. Une nouvelle définition de l’IRC, adaptée aux LEDs, doit être mise au point et validée [CIE 177:2007]. Plusieurs méthodes sont en cours d’étude [CIE 178:2007]. La notion d’IRC n’étant pas pertinente pour une LED blanche, il faut pallier à cela par le biais de tests utilisateurs par exemple. Le recours à des avis d’utilisateurs a pour avantage de s’affranchir de la non pertinence du critère de l’IRC actuellement en vigueur. Néanmoins, il faut considérer les avis à la lumière de la subjectivité de la perception visuelle. 2.3.4 La température de couleur La température de couleur d’une source lumineuse caractérise la teinte du blanc. Une teinte bleutée sera dite froide tandis qu’une teinte jaunâtre sera dite chaude (Cf. Fig. N°4). 6510K 3460K 5030K 4170K 2840K Figure N°4 - Teinte de différentes sources lumineuses blanches [XIE 2007] Sur le diagramme CIE 1931 (Cf. Fig. N°5), les couleurs pures (radiations monochromatique) sont disposées sur la périphérie courbe de l’espace tandis que les couleurs issues de mélanges sont placées à l’intérieur du diagramme (le blanc s’y trouve au centre). La ligne droite qui relie les deux extrémités du spectre est la droite des pourpres. Le rayonnement émis par un corps noir, décrit par la loi de Planck, est situé sur le lieu du corps noir, dont l’appellation Anglaise est « blackbody radiation curve ». Figure N°5 - Diagramme CIE 1931 [LUMILEDS P&P 2008] La notion de température de couleur ne suffit pas à caractériser une LED blanche. En effet, une LED ne possède pas un spectre de corps noir [NICHIA NJS 2008]. Il en résulte que les coordonnées chromatiques d’une LED blanche peuvent se situer nettement en Benjamin MONTEIL, Jean-François BASSEREAU, Yann DESNOUVEAUX Maîtrise des caractéristiques des diodes électroluminescentes : un enjeu majeur en éclairage général 3 Colloque CONFERE'08 dessus ou en dessous du lieu du corps noir. Ceci explique pourquoi l’on parle de température de couleur corrélée (« Correlated Color Temperature » en Anglais) et non de température de couleur pour une LED. Afin de caractériser la teinte d’une LED blanche, il est nécessaire de quadriller une zone proche du lieu du corps noir. 2.3.5 Corrélation des critères Les LEDs possèdent des performances à la hauteur des sources d’éclairage traditionnelles. A la différence que les LEDs ne possèdent pas de standards de puissance, ce qui rend la comparaison directe délicate. Lampe incandescente Lampe halogène Lampe fluocompacte Tube fluorescent T5 Puissance [W] Flux [lm] IRC 1200 Efficacité lumineuse [lm/W] 12 100 70 1200 16 100 20 1200 60 85 14 1200 86 85 100 Valeurs typiques [OSRAM CAT 2008] pour des lampes ayant un flux lumineux de 1200 lumen Il n’est pas possible d’intégrer à ce tableau une ligne qui synthétise l’état de l’art actuel des LEDs. En effet, elles sont radicalement différentes selon leurs caractéristiques. Certaines LEDs de puissance émettent plus de 1000 lumen pour 15W [OSRAM OSTAR 2008] alors que d’autres émettent plus de 100 lumen pour 1W seulement [CREE XR-E 2007]. Figure N°6 - Efficacité lumineuse en fonction du flux lumineux. Valeurs typiques des LEDs de la gamme d’OSRAM OS. CW : blanc froid, NW : blanc neutre, WW : blanc chaud [OSRAM DRAGON PLUS, DIAMOND, OSTAR 2008] Les LEDs de teinte froide possèdent des IRC de l’ordre de 70 tandis que les LEDs de teinte chaude possèdent des IRC généralement supérieurs à 80. Parallèlement, les LEDs sont d’autant plus performantes que la teinte est froide [CREE XR-E 2007]. Les LEDs produisant qualitativement la meilleure lumière sont celles qui sont les moins efficaces. Il en résulte qu’il faut trouver un compromis entre performances et qualité de lumière. Parallèlement, pour une teinte donnée, une LED sera d’autant plus efficace qu’elle sera parcourue par un courant faible (Cf. Fig. N°6). Il en résulte que les systèmes à haute efficacité lumineuse tendent à multiplier le nombre de LEDs. A noter que les LEDs sont très sensibles à la température et que cela influe sur le couple (Flux lumineux, Puissance électrique), la durée de vie, l’IRC et la teinte du blanc [NICHIA Θ 2003], [SEOUL Θ 2005] et [LUMILEDS Θ 2006]. Volontairement, nous n’aborderons pas cet aspect dans cet article. 3 CARACTERISATION ET TRI DES LEDS BLANCHES 3.1 Caractérisation des LEDs blanches par les fabricants Les LEDs sont testées et caractérisées à leur courant nominal par les fabricants suivant les paramètres suivants : Sa quantité de flux [lumen] Ses coordonnées colorimétriques, ou teinte Sa tension inverse Vf [volt] « Binning and labeling » est le processus qui vise à caractériser les LEDs et à leur assigner un code spécifique. Les valeurs déterminées lors de la caractérisation sont traduites en un code propre à chaque fabricant. La lecture de ce dernier permet de connaitre les caractéristiques d’une LED. Les constructeurs de LEDs publient un document, intitulé « binning and labeling », qui présente leur politique de caractérisation [LUMILEDS B&L 2007], [SEOUL B&L 2008] et [CREE B&L 2008]. 3.2 Tri en fonction du flux lumineux Pour le flux lumineux, les performances des LEDs sont classées au sein d’une échelle. Les intervalles de cette échelle, les tris, appelés « bin », sont généralement dénommés par des lettres et sont propres à chaque fabricant. Concrètement, une LED blanche Lumileds émettant 100 lumen appartient au « bin U ». Bin code J K L M N P Q R S T U V W X Minimum photometric flux [lumen] 6,3 8,2 10,7 13,9 18,1 23,5 30,6 39,8 51,7 67,2 87,4 113,6 147,7 192,0 Maximum photometric Flux [lumen] 8,2 10,7 13,9 18,1 23,5 30,6 39,8 51,7 67,2 87,4 113,6 147,7 192,0 249,6 Codes des tris (ou « bin ») de Lumileds en termes de flux pour la plupart des produits de la gamme [LUMILEDS B&L 2007] 3.3 Tri en fonction des coordonnées chromatiques Chaque fabricant possède son propre quadrillage de l’espace colorimétrique. Ce dernier couvre une large gamme de teintes de blanc, allant des teintes froides aux teintes chaudes. Initialement, les fabricants proposaient des LEDs dont la température de couleur n’était pas contrôlée, du fait des Benjamin MONTEIL, Jean-François BASSEREAU, Yann DESNOUVEAUX Maîtrise des caractéristiques des diodes électroluminescentes : un enjeu majeur en éclairage général 4 Colloque CONFERE'08 technologies employées, notamment lors de la phase du dépôt de phosphore sur la puce [MASSOL 2007b]. Afin de répondre aux besoins des clients, les fabricants ont mis en place des quadrillages de l’espace colorimétrique. Ce quadrillage est réalisé de telle sorte qu’un tri, appelé « bin », contienne moins de trois ellipses de MacAdam. Une ellipse de MacAdam est une zone de l’espace colorimétrique, de forme elliptique, à l’intérieur de laquelle on ne perçoit absolument pas de variation de teinte du blanc à l’œil nu [MAC ADAM 1942, 1943]. Blanc chaud Blanc neutre 3.3.1 Augmentation de la densité du maillage Originellement, le nombre de tris a eu tendance à augmenter alors que la surface globale du quadrillage restait globalement inchangée. Ceci se traduisit par un affinage du quadrillage [LUMILEDS B&L 2004, 2007]. Blanc froid Figure N°9 – Quadrillage (ou « binning ») de Lumileds pour les LEDs blanches en 2007 [LUMILEDS B&L 2007] Du fait de l’amélioration des processus de fabrication, les caractéristiques colorimétriques des LEDs sont mieux anticipées [LUMILEDS PR 2008]. Ceci explique que des tris du quadrillage soient progressivement supprimés. Dès à présent, une rangée de tris (de « bin ») est supprimée pour les teintes chaudes de la Luxeon Rebel [LUMILEDS REBEL 2008]. Ceci aboutit au quadrillage suivant : Figure N°7 – Quadrillage de Lumileds pour les LEDs de teinte froide en 2004 [LUMILEDS B&L 2004] Figure N°8 - Quadrillage de Lumileds pour les LEDs de teinte froide en 2007 [LUMILEDS B&L 2007] Sur les figures ci-dessus, les tris X1, V1 et WA ont été subdivisés tandis que deux nouveaux tris sont apparus : U0 et VP. Figure N°10 - Quadrillage (ou « binning ») de Lumileds pour la LED Luxeon Rebel blanche [LUMILEDS REBEL 2008] 3.3.2 Diminution du nombre de tris (ou de « bin ») En 2007, chez Lumileds, le quadrillage de l’espace colorimétrique était le suivant [LUMILEDS B&L 2007] : Le mouvement va se poursuivre dans le futur. Ainsi, à terme, les seuls tris restants seront ceux proches de la courbe de Planck [LUMILEDS PR 2008], (Cf. Fig. N°11). Benjamin MONTEIL, Jean-François BASSEREAU, Yann DESNOUVEAUX Maîtrise des caractéristiques des diodes électroluminescentes : un enjeu majeur en éclairage général 5 Colloque CONFERE'08 produit initial s’il n’a pas été intégré à la politique de tri des contraintes en termes de pérennité de l’approvisionnement. Parallèlement, il conviendra également de spécifier une garantie de service après vente qui soit en accord avec la politique de tri de la société. Il semble peu probable de pouvoir échanger des LEDs d’aujourd’hui par celles qui existeront dans dix ans. Cela n’est pas rédhibitoire mais il est nécessaire d’en avoir conscience et de communiquer l’information en toute transparence. Figure N°11 - Futur quadrillage (ou « binning ») de Lumileds pour les LEDs blanches [LUMILEDS PR 2008] 3.3.3 Diversité des espaces colorimétriques L’évolution constante du quadrillage chez les fabricants peut rendre des références obsolètes. Ceci est le cas pour les tris (ou « bin ») QM, PM, NM et MM sur la Rebel de Lumileds [LUMILEDS REBEL 2007, 2008] (Cf. Fig. N°10). Chaque fabricant possède son propre espace colorimétrique (ou de « binning »). Ceci a plusieurs conséquences, dont notamment la difficulté de substituer une LED blanche d’une marque par celle d’une autre facilement (Cf. Fig. N°12). A la rigueur il peut être possible de substituer un tri (ou « bin ») d’un fabricant par celui d’un autre, tant que les deux possèdent une zone de recoupement assez importante. Mais dans les faits, cela n’est pas possible. En effet, typiquement, on commande des LEDs appartenant à plusieurs tris (ou « bin ») voisins afin de réduire les problèmes d’approvisionnement. Ceci induit des zones de recoupement trop peu précises pour assurer une variation de teinte imperceptible d’une LED à l’autre. 3.4 Tri en fonction de la caractéristique électrique Il est possible de demander aux distributeurs des lots de LEDs triés en fonction de leur tension inverse Vf. L’intérêt de ce tri est généralement lié aux caractéristiques de l’alimentation lorsque cette dernière est dimensionnée au plus juste. En effet, si une alimentation fonctionne proche de sa limite (la tension qu’elle peut supporter est proche de la tension de l’ensemble des LEDs), l’intégration d’un lot de LEDs possédant un Vf élevé aura pour effet de dépasser la tension maximale et d’endommager le système. Un autre cas dans lequel le tri est nécessaire est lorsque l’architecture prévoit des LEDs disposées en parallèle. Dans ce cas, il faut veiller à ce que les LEDs aient un Vf homogène [PHILIPS XITANIUM 2006]. 3.5 Nécessité de mise en place d’une politique du tri 3.5.1 Tri et quantités éligibles La caractérisation des LEDs par les fabricants leur permet de procéder à des tris, plus ou moins fins en fonction des demandes qu’ils reçoivent. Si l’on représente la production par un cube dont trois faces sont visibles (Cf. Fig. N°13), un tri suivant n’importe quel paramètre (le flux, la teinte ou le Vf), réduire l’offre. Et ce d’autant plus que le tri est fin. Même sur un stock constitué de quantités très importantes de LEDs, il n’est pas possible d’opter pour certaines combinaisons de tris. En effet, des incompatibilités existent. Par exemple, les LEDs blanc chaud ne sont pas disponibles dans les flux maximum. Figure N°12 - Superposition des espaces de binning blanc froid de chez Seoul Semiconductor (P4) et de CREE (XR-E) [SEOUL B&L 2008] et [CREE B&L 2008] Dans le cadre du service après-vente, il est nécessaire de pouvoir échanger un luminaire défaillant par un nouveau, tant que court la période de garantie prévue par le contrat. Du fait de la myriade de fabricants de LEDs présents sur le marché, de leur évolution mais aussi de la densité de maillage des espaces colorimétriques, il est statistiquement peu probable qu’un nouveau luminaire propose une colorimétrie équivalente au Figure N°13 – Symbolisation du tri des LEDs blanches et incidence sur les quantités éligibles [LE HOUEDEC 2006] Il en résulte que plus les caractéristiques des LEDs demandées seront situées sur des intervalles réduits et plus les quantités éligibles seront faibles. Benjamin MONTEIL, Jean-François BASSEREAU, Yann DESNOUVEAUX Maîtrise des caractéristiques des diodes électroluminescentes : un enjeu majeur en éclairage général 6 Colloque CONFERE'08 3.5.2 Impacts d’une politique de tri inadaptée Un tri trop large entraine une augmentation du taux de produits jugés comme étant de mauvaise qualité. Ceci du fait de différences plus marquées en termes de teintes de blanc. Si le tri est trop fin, les conditions d’approvisionnement sont moins favorables : en moyenne, les délais sont plus longs et les prix sont plus élevés sans que l’on crée de valeur ajoutée supplémentaire. 3.5.3 Mise en place et optimisation de la politique du tri Il est primordial de mettre en perspective, dès la phase de conception, les besoins en termes de finesse de tri et les impacts que cela occasionne. L’optimisation de la politique de tri permet de parvenir au « juste tri », véritable équilibre entre les différents facteurs que sont les contraintes techniques, la pérennité du produit, les délais et les coûts (Cf. Fig. N°14). 4 CONCLUSION Les LEDs blanches ont atteint des niveaux de performances qui les rendent compatibles avec des applications d’éclairage général. Du fait de leurs caractéristiques singulières, les LEDs ne peuvent pas être directement comparées aux sources traditionnelles. Cependant, l’utilisation de moyens de mesures adaptés et de tests utilisateurs permet de définir avec rigueur les caractéristiques des LEDs requises pour un projet. Les avancées en termes de normes et de standards permettront dans le futur de déterminer plus aisément les caractéristiques des LEDs destinées à un produit. La caractérisation systématique opérée par les constructeurs permet de connaître les caractéristiques précises des LEDs mises en œuvre. Quant aux tris proposés, ils permettent de sélectionner les LEDs adaptées à un projet afin d’aboutir à un véritable travail de sur mesure. La maîtrise des caractéristiques des LEDs passe par la mise en œuvre d’une politique de tri, qui, optimisée, tend à aboutir à une politique de « juste tri ». Cette dernière repose sur une intégration en amont des besoins en termes de finesse de tri mais surtout des impacts qui en résultent. Dans le futur, du fait d’une meilleure maîtrise par les constructeurs des procédés de fabrications mais aussi du fait des brevets partagés croisés et de l’apport de la standardisation, les tris devraient gagner en précision et devraient devenir plus homogènes d’un constructeur à l’autre. Tant que les standards, les normes, les consommateurs et les technologies seront immatures, savoir définir les caractéristiques nécessaires et suffisantes des LEDs et savoir mettre en place une politique de tri adaptée, constitue sans nul doute un avantage stratégique pour les entreprises. La maîtrise des caractéristiques des LEDs constitue donc un enjeu majeur en éclairage général. REFERENCES Figure N°14 – Les tenants et aboutissants de la finesse du tri Concevoir un produit qui nécessite des LEDs triées très finement n’est pas inenvisageable. Le tout est d’intégrer dès le départ du processus de conception les caractéristiques souhaitées des LEDs ainsi que les incidences des choix. 3.6 Apports de la définition de standards Une standardisation du quadrillage de l’espace colorimétrique (du « binning ») chez tous les constructeurs de LEDs serait d’une aide précieuse. En effet, cela permettrait d’être plus flexibles en termes de choix des composants. Il serait alors possible de changer de modèle voire même de marque sans impacts en termes de colorimétrie. Aux Etats Unis, l’ANSI C78.377A propose un maillage de l’espace colorimétrique [DOE 2007]. Parallèlement, le recours aux brevets partagés est une pratique très commune chez les constructeurs de LEDs [TG&CREE 2008], [TG&NEUMARK 2008], [TG&OSRAM 2007], [TG&LUMILEDS 2006] et [GE&NICHIA 2006]. Ceci tend à uniformiser la production mondiale. Il en résulte un mouvement de convergence naturelle. [CIE 127:2007] Measurement of LEDs. [CIE 177:2007] Colour rendering of white light sources. [CIE 178:2007] Proceedings of the 26th session of the CIE, Beijing China, 4 July – 11 July 2007. [CREE B&L 2008] CREE XR-E Binning and labeling, CLDAP12.005, 2008. [CREE RELIABILITY 2007] Cree XLamp LED Reliability, 2007. [CREE XR-E 2007] Datasheet de la LED CREE XR-E CLDDS05.009, 2007. [DOE 2007] Department of Energy. Webinar Oct 11, 2007. 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