C’est un parterre, où Flore épand ses biens ;
Sur différentes fleurs l’Abeille s’y repose,
Et fait du miel de toute chose
.
De fait, il puise le canevas de ses fables dans le fonds d’apologues antiques du
légendaire Ésope ou dans Les Métamorphoses d’Ovide, sans pour autant les copier : « Mon
imitation n’est pas un esclavage
. » Au cours de la querelle qui oppose Anciens et Modernes,
il prend le parti des premiers, revendiquant ce que ses fables doivent aux auteurs grecs et
latins, bien qu’en touches légères elles comportent une dimension spirituelle, absente chez les
Anciens. Ainsi son beau conte Les Amours de Psyché et Cupidon, où « il laisse entendre le
mystère qui est à l’origine de toutes choses humaines. Le secret, le voile, le silence, doivent
conspirer à protéger ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes et les dieux, principe du
génie de la nature »
.
Dans le fabuliste Ésope, esclave affranchi de la Grèce du VIe siècle avant J.-C. qui s’est
toujours tenu à l’écart du pouvoir, il reconnaît un autre lui-même. La Fontaine s’abstenait de
se joindre au chœur de louanges adressées par les « singes » (les courtisans) à un roi
amoureux de sa propre image, désireux de drainer vers sa personne, et exclusivement sur elle,
ce que la France comptait de génies scientifiques, littéraires, artistiques.
S’il revient constamment aux Anciens, il rompt avec le culte que les artistes de son
temps vouent à l’Antiquité :
Je n’ai pas entrepris de chanter dans ces vers
Rome, ni ses enfants vainqueurs de l’univers,
Ni les fameuses tours qu’Hector ne put défendre,
Ni les combats des Dieux aux rives du Scamandre :
Ces sujets sont trop hauts, et je manque de voix ;
Je n’ai jamais chanté que l’ombrage des bois,
Flore, Écho, les Zéphyrs et leurs molles haleines,
J. DE LA FONTAINE, Discours à Madame de La Sablière, Livre IX. Texte disponible en ligne sur le site du
musée Jean de La Fontaine à Château-Thierry, accès le 22/09/2017. http://www.musee-jean-de-la-
fontaine.fr/jean-de-la-fontaine-fable-fr-102.html
J. DE La Fontaine, Épitre à Huet, 1687. Texte consultable en ligne sur le site de la Bibliothèque nationale de
France, accès le 22/09/2017. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5450547g
M. FUMAROLI, Le Poète et le Roi, op. cit., p. 281.