officiers doit être originaire du pays où l’équipe doit aller, les deux autres sont Américains ou
Britanniques. Les membres de l’équipe sont des soldats et doivent arriver sur le terrain en uniforme.
Le rapport ajoute que les officiers recrutés comme « chefs ou chefs-adjoints doivent être choisis pour
leur autorité et leur audace […] et pour leur condition physique irréprochable. Ils doivent avoir
l’expérience du maniement des hommes, spécialement sur le théâtre d’opérations, être prêts à être
parachutés en uniforme derrière les lignes ennemies et faire face seuls à la situation pendant un certain
temps »6. Les unités Jedburgh seront finalement parachutées, avec un certain succès, derrière les
lignes allemandes, après le débarquement.
En octobre 1944, Gubbins et certains cadres du SOE considèrent l’Union soviétique comme le nouvel
ennemi. Ils pensent organiser des cellules prêtes à se mobiliser dans l’hypothèse d’un nouveau conflit.
Au cours de l’hiver 1944-45, il écrit un rapport préconisant « l’établissement d’un réseau mondial
d’agents dormants, membres du SOE, prêts à passer à l’action dès le déclenchement de la troisième
guerre mondiale7 ». L’état-major britannique accepte la proposition de Gubbins au mois de décembre
1945. C’est le début de l’opération Stay Behind, plus connue sous les noms de Gladio, Rose des Vents,
etc. , une des opérations militaire clandestine majeure de la guerre froide. Gubbins, lui-même, victime
de rivalités entre services, est mis à la retraite peu après, en janvier 1946. On dit, qu’en fait, c’est pour
dissimuler d’autres activités plus… confidentielles. Ce qui est certain, c’est qu’il participera à toutes
les initiatives anticommunistes privées de la guerre froide. Il meurt le 11 février 1976, unanimement
reconnu comme l’un des « pères » de la guerre non-conventionnelle et anti-subversive.
Parmi les anciens Jedburgh, plusieurs vont avoir une intéressante carrière pour la suite : William
Casey, cadre de l’opération en Angleterre, futur directeur de la CIA ; William Colby, maître d’oeuvre
de l’opération Phoenix au Vietnam, futur directeur de la CIA ; Lucien « Lou » Conein, chef d’antenne
de la CIA au Vietnam, organisateur de l’assassinat du président sud-vietnamien Diem; Aaron Banks,
créateur des Forces spéciales américaines, sera paradoxalement un des conseillers militaires du Viet-
Minh et de Hô Chi Minh, contre certains de ses anciens camarades français ; John Singlaub, chef du
MAC/VSOG, la structure en charge de la guerre non-conventionnelle au Vietnam, organisateur de
l’opération d’aide privée à la Contra en Amérique centrale ; Paul Aussaresses, fondateur du 11e choc,
membre du GCMA avec le colonel Trinquier en Indochine, chef de « l’escadron de la mort » actif
pendant la bataille d’Alger et instructeur des forces spéciales américaines.
Les Jedburgh ne sont pas les seules unités spéciales de la Seconde guerre mondiale, loin s’en faut.
Chez les Américains, l’apparition d’unité de type Jedburgh correspondait à un besoin particulier en
Asie contre les Japonais. Fin 1944, l’OSS créée des unités du même type basée sur l’utilisation
d’éléments chinois (nationalistes et communistes) encadrés par des « Jeds » américains. Parallèlement,
en octobre 1943, les Américains constituent en Inde la 5307e unité combinée, sur le modèle des
Chindits, un bataillon mixte composé de Gurkhas et d’Anglais, destiné à mener des opérations derrière
les lignes japonaises. On les appellera les « Maraudeurs de Merrill », du nom du colonel qui les
commande. Enfin, un autre groupe de Commandos est créé par les États-Unis, les Rangers. Mais
aucun groupe n’a été à ce point aussi cohérent militairement et idéologiquement. L’importance des
Jedburgh dans l’histoire des unités spéciales de la Guerre froide a été déterminante. Il ne fait aucun
doute que le 11e choc et les forces spéciales américaines en sont directement issus et donc de la pensée
conceptuelle de Gubbins. Les services de renseignement vont naturellement piocher dans ce vivier fort
bien préparé. Cette formation initiale, tant militaire qu’idéologique, va influer sur la création des
forces spéciales de l’après-guerre.
Les Français en Asie font l’objet d’une attention toute particulière de la part des Britanniques. En
1943, la Force 136, branche asiatique du SOE, crée une French Indochina Country Section-FICS
destinée à former et encadrer des éléments français dans la perspective d’opérations en Indochine. Le
5 août 1944, le Gouvernement Provisoire de la République Française, sur les instances de Gubbins,
organise un Service Action, basé en Inde en liaison avec la FICS. Ce service subit une formation
Jedburgh destinée à leur apprendre les techniques de pénétration en profondeur en liaison avec les
résistances indigènes. Le Service Action est rattaché à la DGER, les services secrets, dirigés alors par
le commandant Morlanne. En septembre 1945, à la capitulation japonaise, les Français sont confrontés
à une rébellion Viet-Minh naissant soutenue paradoxalement par des conseillers militaires, issus eux-